B. LA LUTTE CONTRE LE HARCÈLEMENT SEXUEL DANS LE MONDE DU TRAVAIL
Le code du travail et le statut de la fonction publique comportent des dispositions visant à protéger salariés et agents publics contre le harcèlement sexuel. Le 26 mars 2010, les partenaires sociaux ont par ailleurs signé un accord national interprofessionnel (ANI) sur le harcèlement et la violence au travail.
1. Dans l'entreprise
Le délit de harcèlement sexuel a fait son entrée dans le code du travail avec la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992, relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail et modifiant le code du travail et le code de procédure pénale. Un ensemble de dispositions a été mis en place pour prévenir et sanctionner les faits de harcèlement sexuel dans l'entreprise.
a) L'interdiction du harcèlement sexuel et des mesures discriminatoires
Le code du travail rappelle que « les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits » .
Surtout, il prohibe toutes les mesures discriminatoires , un licenciement ou un refus d'embauche par exemple, dont pourrait faire l'objet un salarié, ou un candidat à un recrutement, qui aurait subi, ou refusé de subir, des faits de harcèlement sexuel. Le code du travail prohibe également les mesures discriminatoires qui pourraient être prises à l'encontre d'un salarié ayant témoigné de l'existence d'agissements de harcèlement sexuel.
b) La prévention du harcèlement sexuel
L'employeur a une obligation générale de prévention des agissements de harcèlement sexuel . Il lui appartient de prendre « toutes dispositions nécessaires » en vue de les prévenir. Pour la Cour de cassation, l'employeur a, en la matière, une obligation de résultat : il doit anticiper les risques pour en empêcher la réalisation. A des fins pédagogiques, la loi de modernisation sociale a imposé que le règlement intérieur de l'entreprise rappelle les dispositions relatives à l'interdiction du harcèlement sexuel. L'ANI souligne que les entreprises doivent clairement affirmer que le harcèlement n'est pas admis et qu'elles peuvent élaborer une « charte de référence » annexée au règlement intérieur.
Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) concourt à cette action de prévention puisque le code du travail lui reconnaît explicitement qualité pour émettre des propositions d'actions de prévention en matière de harcèlement sexuel. Si l'employeur décide de ne pas les mettre en oeuvre, il doit motiver son refus.
Les services de santé au travail, qui sont habilités à conseiller l'employeur, les salariés et les représentants du personnel sur les mesures à prendre afin d'éviter ou de diminuer les risques professionnels, sont aussi un acteur essentiel dans la chaîne de prévention. Dans les établissements d'au moins deux cent cinquante salariés, le service social du travail, chargé de suivre et de faciliter la vie personnelle des salariés, peut également intervenir.
Plus généralement, l'ANI rappelle qu'une meilleure sensibilisation et une formation adéquate des responsables hiérarchiques et des salariés réduisent la probabilité des cas de survenance de harcèlement.
c) La sanction du harcèlement sexuel
Si le harcèlement n'a pu être évité, le salarié qui en a été victime a plusieurs voies de recours.
Il peut d'abord, comme tout citoyen, saisir le tribunal correctionnel pour faire condamner la personne fautive.
Sur le plan civil, il peut saisir le conseil de prud'hommes pour demander réparation de son préjudice.
Le code du travail prévoit que toute disposition ou tout acte contraire à l'interdiction du harcèlement sexuel est nul de plein droit . Ainsi, un licenciement lié à des faits de harcèlement sera déclaré nul par la juridiction prud'homale, ce qui ouvre droit, pour le salarié, soit à sa réintégration dans l'entreprise, avec indemnisation de la période pendant laquelle il a été écarté, soit, s'il ne demande pas sa réintégration, à des indemnités de rupture et à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice, dont le montant ne peut être inférieur à six mois de salaire.
Les faits de harcèlement sexuel sont par ailleurs susceptibles d'engager la responsabilité personnelle du salarié qui en est l'auteur : il peut être condamné à indemniser la victime sur ses deniers propres.
La responsabilité de l'employeur peut également être recherchée sur le terrain de l'obligation de sécurité de résultat. En 2006, la chambre sociale de la Cour de cassation a souligné que « l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et (...) l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité » 4 ( * ) .
Sur le plan procédural, la loi de modernisation sociale a institué un aménagement de la charge de la preuve 5 ( * ) , inspiré du mécanisme prévu en matière de discriminations : le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; puis la partie défenderesse doit prouver que ces agissements ne constituent pas un harcèlement et que sa décision est justifiée par des faits objectifs. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Toujours dans le but de mieux protéger la victime, le code du travail reconnaît aux syndicats représentatifs dans l'entreprise le droit d'exercer, à la place du salarié, les actions en justice. La victime doit donner son accord écrit et peut mettre fin à l'instance à tout moment.
Enfin, l'employeur a l'obligation d'engager rapidement une procédure disciplinaire et de procéder à une enquête lorsqu'il a connaissance de faits de harcèlement sexuel. En 2002, la Cour de cassation a qualifié le harcèlement sexuel de faute grave, pouvant justifier le licenciement immédiat du salarié 6 ( * ) . L'ANI invite l'employeur à procéder sans retard à une enquête en cas de plainte, en faisant bénéficier toutes les parties intéressées d'une écoute impartiale et d'un traitement équitable.
2. Dans les administrations
La loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires protège les fonctionnaires, ainsi que les agents non titulaires de droit public, contre le harcèlement sexuel.
Tout agent ayant procédé, ou enjoint de procéder, à des agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire, indépendante d'une éventuelle sanction pénale.
La loi protège également les agents publics contre les mesures discriminatoires qui pourraient être liées au fait d'avoir subi, ou refusé de subir, des agissements de harcèlement sexuel, au fait d'avoir formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ou au fait d'avoir témoigné de l'existence de tels agissements.
* 4 Cass. soc., 21 juin 2006, Bull. civ. V, n° 2203. Dans cette affaire, la responsabilité de l'employeur - une association - a été retenue bien que le salarié responsable du harcèlement ait été suspendu de ses fonctions, dès les faits avérés, puis licencié.
* 5 Cet aménagement de la charge de la preuve ne s'applique pas devant le juge pénal car il serait contraire au principe de la présomption d'innocence.
* 6 Cass. soc., 5 mars 2002, Bull. civ. V, n° 83.