ANNEXE - Extraits de l'audition de M. Michel Miraillet, directeur des Affaires stratégiques du ministère de la défense
Lors de sa réunion du mercredi 19 octobre 2011, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a auditionné M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission Défense).
M. Jean-Louis Carrère, président . - Je suis très heureux, Monsieur le directeur, de vous accueillir à nouveau devant cette commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat que vous connaissez bien.
Je rappelle à nos nouveaux collègues, qu'en votre qualité de directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, vous êtes responsable du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense ». Ce programme regroupe notamment les crédits relatifs à l'analyse stratégique, la diplomatie et la recherche de défense, ainsi que des services en charge du renseignement de sécurité, qui bénéficient de la priorité reconnue à la fonction « connaissance et anticipation » par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Notre collègue Robert del Picchia a d'ailleurs présenté, dans un rapport d'information consacré à l'anticipation, la manière dont le ministère de la défense avait modifié son organisation dans ce domaine. Nous sommes donc très désireux de vous entendre nous présenter les principales évolutions du programme 144, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.
(...)
M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense. - Je me présente devant votre commission pour la cinquième fois afin de me livrer à l'exercice annuel qui doit vous permettre, puisque c'est son but, d'apprécier la cohérence entre les choix budgétaires opérés pour 2012 au sein du programme 144 à partir de la stratégie définie par le ministre de la défense.
La stabilité que je viens de souligner dans ces fonctions de responsable de programme me donne évidemment un certain recul pour apprécier le développement et l'ancrage de cette politique publique, dont les objectifs et les prestations, désormais stabilisées, visent à éclairer le ministère sur l'environnement national et international, présent et futur, en matière de sécurité et de défense.
Ce programme 144 porte quatre des cinq domaines de la fonction stratégique « connaissance et anticipation », sur lesquels l'effort sera résolument maintenu en 2012 en dépit des difficultés liées à la crise financière.
Le projet de budget qui vous est soumis traduit très concrètement cette volonté. Stabilité apparente qui n'empêche pas le programme 144 de s'inscrire résolument dans le mouvement de réforme du ministère, puisque, depuis sa création, d'importantes réorganisations et mesures d'optimisations y sont conduites. Je citerai à titre d'exemples : le réseau diplomatique, le contrôle des armements, la prospective sous toutes ses facettes...
Comme vous le savez, ce programme budgétaire, organisé de manière très originale, suppose, pour son responsable, une démarche continue d'animation, de coordination et d'orientation sur l'ensemble des services et des acteurs institutionnels qui participent à ses missions.
Ce pilotage contribue directement à la gouvernance du ministère et à l'efficacité de son action dans des domaines très divers, mais tous cohérents entre eux : relations internationales, compréhension de l'environnement stratégique, prospective, soutien et contrôle des exportations d'armement, consolidation de la base industrielle et technologique de la défense, lutte contre la prolifération...
J'aborderai successivement les perspectives de fin de gestion 2011 et les grands choix opérés pour le projet de loi de finances pour 2012.
Comme à l'accoutumée, j'esquisserai d'abord un rapide aperçu des conditions dans lesquelles devrait s'achever la fin de l'exercice 2011, compte tenu des éléments prévisionnels dont dispose aujourd'hui le programme.
L'exécution de l'exercice 2011 se réalise, en ce qui concerne le titre 2 (dépenses de personnel), conformément aux règles de gestion prévues par la loi de finances initiale.
Sur le plan budgétaire, et à l'échelle du programme, les ressources financières mises en place seront entièrement consommées et les dépenses ne devraient excéder que d'un peu plus de 1 % la dotation prévue par la loi de finances initiale.
Sur le plan des effectifs, le comparatif entre le plafond ministériel des emplois autorisés, soit 8 672,5 emplois, et l'effectif moyen réalisé, qui retrace la moyenne des effectifs payés pendant les 12 mois de l'exercice, soit 8 635 équivalent temps plein travaillé, est conforme aux règles prévues par la LOLF.
En matière d'effectifs, je signalerai simplement que la DGSE, malgré la situation très tendue que connaît le ministère, a pu réaliser les 162 créations d'emplois prévues dans le cadre de la montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation » et accompagner ainsi l'augmentation de ses capacités opérationnelles telles que prévues par le Livre blanc. Cette priorité fixée au programme est donc strictement respectée.
Pour les autres titres, le programme devrait engager cette année environ 1 181 millions d'euros et payer 1 164 millions d'euros, hors consommation de la réserve de précaution, qui représente à ce jour environ 51,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 49,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Du fait de la technique budgétaire, la bonne tenue de l'objectif d'engagement de 1 181 millions d'euros d'engagement repose sur une levée intégrale de la réserve de précaution en AE.
Comme les années précédentes, au niveau des paiements, l'enjeu de la fin de gestion 2011 réside dans la levée de la réserve organique et l'autorisation du programme à consommer les reports de crédits 2010 (18,1 millions d'euros environ) afin de limiter le report de charges à la fin de l'année 2011. Une levée de la réserve complète associée à une autorisation à consommer les reports donnerait une capacité de paiement de 1 213 millions d'euros.
Le programme 144 va par ailleurs disposer des ressources du compte d'affectation spéciale « Fréquences » pour un montant de 50 millions d'euros, qui, comme vous le savez, sont affectées aux études amont.
Il convient de souligner que la non-levée de la réserve de précaution en CP aurait des incidences sur la « soutenabilité » de ces études amont, dont les paiements s'étalent sur plusieurs années, affectant ainsi l'objectif de stabilisation du périmètre budgétaire de ces études à hauteur de 650-700 millions d'euros par an.
Quoi qu'il en soit, le programme prend à son niveau les mesures nécessaires et mobilise la totalité des acteurs afin de consommer la totalité de la ressource, se fixant pour objectif de limiter le montant des reports de crédits sur 2012 dans les limites autorisées par la loi organique.
J'en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2012.
Le détail des demandes de crédits exprimées par le programme 144 figure dans le programme annuel de performance (PAP) qui vient d'être déposé sur le bureau des assemblées. Je vous présenterai la synthèse des points les plus marquants du prochain exercice budgétaire.
En ce qui concerne le titre 2 (dépenses de personnel), les objectifs prioritaires en 2012 sont d'assurer les besoins en personnels des deux services de renseignement. Il s'agit, d'une part, d'assurer la réussite de l'annuité correspondante de montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation » et de parvenir au recrutement d'agents correspondant au volume des postes ouverts par la DGSE, d'autre part, de permettre à la DPSD de recruter les cadres civils et militaires lui permettant d'améliorer ses capacités opérationnelles.
C'est pourquoi, le programme 144 présente une évolution des dépenses de personnel entre 2011 et 2012 de + 5 %. Cette augmentation des crédits, je tiens à le souligner, porte essentiellement sur les catégories de dépenses directement liées à la rémunération.
Examinée action par action, l'évolution des ressources présente les caractéristiques suivantes :
- l'action 2 « Prospective des systèmes de forces » varie peu entre 2011 et 2012 tant au niveau financier qu'à celui du périmètre physique.
La progression sensible du programme en masse salariale et en emplois ouverts est essentiellement rattachable à sa composante « Renseignement extérieur ». L'amélioration des capacités opérationnelles demandées à la DGSE se traduit en effet par une augmentation de 22,86 millions d'euros de masse salariale.
La DPSD bénéficie également d'une augmentation de ses crédits de rémunération de 4 millions d'euros, augmentation destinée à rattraper la sous-dotation budgétaire observée en 2011 et à accompagner ses projets de recrutement de cadres civils et militaires de haut niveau ainsi que l'arrivée de nouveaux officiers brevetés ;
- les actions 4 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » et 5 « Soutien aux exportations » baissent en valeur du fait des transferts sortants vers le programme 146 dans le cadre de la réorganisation des fonctions de soutien de la DGA.
Enfin, la diplomatie de défense bénéficie, en 2012, d'une variation positive de ses crédits de 3,9 millions d'euros pour couvrir les mesures catégorielles prévues pour les militaires et le poids de dépenses de personnel dans certains postes permanents à l'étranger.
De mon point de vue de responsable budgétaire, toutes les actions du programme 144 doivent donc être considérées comme prioritaires parce qu'elles répondent à l'impératif actuel de connaissance, d'anticipation et de coordination stratégique. La démarche prospective, qui permet notamment, par la détection de signaux précurseurs, d'anticiper les risques et les menaces, mais aussi les opportunités internationales pour les intérêts français et européens, constitue son élément fédérateur, parallèlement à la connaissance des zones d'opérations potentielles. Plus que jamais, en effet, le besoin de vision commune, du partage et de scénarisation de la complexité oblige à cet exercice délicat et risqué.
Comme je vais maintenant le détailler, ce projet de budget, en dépit des difficultés de moment, doit permettre de maintenir ce cap.
Ainsi, les crédits demandés pour 2012 hors titre 2 du programme 144 s'élèvent à 1 315 millions d'euros en AE et 1 201 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 44 millions d'euros en AE et une diminution de 20,5 millions d'euros en CP.
Je souligne que ces mouvements touchent la totalité des actions, l'action 2 « Prospective des systèmes de forces » étant concernée de manière marginale.
La légère augmentation des AE (+ 0,83 million d'euros) et des CP (+ 0,40 million d'euros) de l'action 1 « Analyse stratégique » est localisée au niveau des études prospectives et stratégiques (EPS) et des subventions accordées aux publications de recherche stratégique. Elle illustre la priorité donnée à la fonction « connaissance et anticipation » et la poursuite de la politique décidée en 2009 pour les EPS. Les dix principaux axes d'effort retenus en 2011 sont reconduits.
Les grands axes autour desquels s'articuleront les activités de l'action 2, en matière de prospective des systèmes de force, s'inscrivent dans la continuité des réflexions et des orientations issues du Livre blanc et prennent en compte les derniers travaux de prospective et de préparation du futur, en lien direct avec la dernière version de plan prospectif à 30 ans.
L'augmentation des AE (+ 26,2 millions d'euros) de l'action 3 « Recherche et exploitation du renseignement » traduit les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et la poursuite de la montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation ». Cette hausse concerne la seule DGSE, à hauteur de 26,6 millions d'euros. Les crédits de fonctionnement (titre 3) augmentent de 14,2 millions d'euros et les crédits d'investissement (titre 5) de 12,4 millions d'euros. L'accroissement des crédits de fonctionnement est notamment la conséquence de l'élévation de la consommation électrique liée à la montée en puissance des équipements des nouvelles salles informatiques, de la hausse des coûts des différentes maintenances dédiées au maintien en condition des structures, en raison de l'accroissement des surfaces à entretenir, et à la mise en oeuvre de matériels informatiques supplémentaires, ainsi que de l'augmentation des coûts de communications liés, d'une part, aux évolutions technologiques et à la hausse des débits permettant de rapatrier les interceptions et/ou les liaisons spécialisées et, d'autre part, aux échanges avec les opérationnels sur zone de crise.
De plus, conformément aux décisions gouvernementales, la DGSE poursuit la rationalisation de ses dépenses de fonctionnement. Ces efforts sont toutefois atténués par l'augmentation des effectifs qui engendre, mécaniquement, une hausse des dépenses de fonctionnement afférentes (surfaces d'accueil, entretien, formation, recrutement).
Pour ce qui relève des investissements (titre 5), le renforcement des effectifs de la DGSE, lié à la montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation », impose tout naturellement de prévoir une infrastructure d'accueil des agents, dimensionnée en conséquence et offrant un environnement technique adéquat pour exercer leurs missions.
Par ailleurs, ce service poursuit, sur le plan des équipements techniques, l'acquisition de certains matériels nécessaires au soutien de ses activités.
Globalement, les crédits de paiement concernant les investissements (titre 5), qui représentent 136,4 millions d'euros, diminuent de 17 millions d'euros en 2012, mais cette baisse apparente des ressources est compensée par des financements extérieurs de l'ordre de 63 millions d'euros dans le cadre de deux grands projets interministériels.
Les crédits de la DPSD augmentent de 0,33 million d'euros, malgré des économies réalisées sur les charges de fonctionnement, car cette entité finance le projet « Synergie pour l'optimisation des procédures d'habilitation des industries et de l'administration » (SOPHIA). Le maintien à haut niveau du système d'information et de sécurité du service de renseignement constitue une des priorités du programme.
L'augmentation des AE de l'action 4 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » (+16,9 millions d'euros) concerne essentiellement les études amont (+25,5 millions d'euros), plus spécifiquement les études amont « nucléaire ». Cette hausse traduit la volonté de maintenir la crédibilité de la dissuasion, qui est une priorité forte inscrite dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. A noter, également que les études amont nucléaires comprennent, depuis le projet de loi de finances pour 2011, en AE et CP, les technologies communes.
Les crédits de paiement des études amont enregistrent une diminution de 12,21 millions d'euros (soit un léger recul de 1,90 % par rapport à 2011). De même que l'année dernière, le projet de loi de finances pour 2012 illustre la priorité accordée aux études amont « classique » et « nucléaire » en l'absence de projet majeur, à proche échéance, sur les études amont « espace », et traduit la volonté de maintenir le niveau des 700 millions d'euros affiché depuis plusieurs années.
La diminution tant en AE qu'en CP (- 9,8 millions d'euros) des crédits des opérateurs (écoles de la DGA et ONERA), dont les crédits passent de 257,6 millions d'euros à 247,8 millions d'euros est principalement causée par la révision à la baisse du montant de la subvention (les contrats d'objectifs et de moyens doivent être renouvelés cette année).
Conformément aux directives du Premier ministre, la subvention à ONERA a été amputée de 8 millions d'euros, à la suite du changement de régime fiscal de cet opérateur. Les dépenses de fonctionnement courant des opérateurs supportent la totalité de la réduction de la subvention pour charge de service public versée en 2012. Par ailleurs, le principe de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux y est mis en oeuvre.
La diminution des autorisations d'engagement (- 0,95 million d'euros) et des crédits de paiement (-0,51 million d'euros) de l'action 5 « Soutien des exportations » concerne essentiellement la promotion des exportations (le coût des salons Eurosatory et Euronaval sera moindre que celui du Bourget) et les postes permanents à l'étranger auxquels des économies ont été demandés.
Enfin, le réseau de diplomatie de défense, profondément réorganisé depuis 2008, continuera de faire l'objet de mesures d'adaptation nécessaires pour répondre, dans les meilleures conditions, aux actions de relations internationales menées dans le cadre de la gestion des crises.
L'augmentation des crédits de paiement (+ 2,85 millions d'euros) de l'action 6 « Diplomatie de défense » concerne essentiellement la contribution versée au gouvernement de la République de Djibouti, à hauteur de 1,2 million d'euros, et les budgets alloués aux postes permanents à l'étranger (PPE) pour un montant de 1,45 million d'euros.
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M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis. - Je voudrais vous poser quatre questions.
Je souhaiterais d'abord savoir quelles ont été les conséquences du retour plein et entier de la France dans l'ensemble des structures et organes de l'OTAN en termes d'effectifs insérés dans les états-majors et en ce qui concerne son impact financier. Plus généralement, pensez-vous que ce retour a réellement permis de renforcer l'influence française au sein de cette organisation ?
Alors que la présidence polonaise de l'Union européenne s'était fixé des objectifs très ambitieux, pouvez-vous nous dire votre sentiment sur l'état actuel et les perspectives de l'Europe de la défense, qui semble en stagnation, comme l'ont montré les désaccords entre les Etats-membres sur l'intervention en Libye ?
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Enfin, pourriez-vous nous faire le point sur la cyberdéfense, qui était l'une des priorités du Livre blanc de 2008. Où en sommes-nous exactement ? Est-ce que nos efforts ont progressé dans ce domaine ?
M. André Trillard, rapporteur pour avis. - J'ai trois questions à vous poser.
Pourriez-vous, Monsieur le directeur, nous faire le point sur l'évolution du réseau des attachés de défense et, plus généralement, sur les principaux axes de notre coopération militaire ? Quelles sont les zones prioritaires et comment se passe la réorganisation de notre dispositif ? Quelle est l'ampleur des diminutions d'effectifs ?
Comment expliquer la diminution des crédits destinés à soutenir nos exportations, dans un contexte marqué par une forte concurrence internationale ?
Enfin, pourriez-vous nous présenter un premier bilan de la création du Comité de coordination de la recherche stratégique et de la prospective de défense, que vous nous aviez présenté l'an dernier ?
M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis. - Je souhaiterais, pour ma part, vous interroger sur deux points. D'une part, que pensez-vous du rôle croissant joué par la Turquie dont l'influence ne semble plus se limiter à sa zone traditionnelle, mais qui représente désormais un modèle pour beaucoup de pays du Maghreb et du Moyen-Orient ? Ne pensez-vous pas que l'importance croissante de ce pays important devrait nous conduire à modifier notre attitude et à renforcer notre coopération avec la Turquie ? D'autre part, je m'interroge sur l'avenir de la situation en Libye après la chute du régime de Kadhafi, et notamment sur les risques d'un renforcement en hommes ou en matériels des mouvements islamistes au Sahel, comme AQMI, alors que l'on constate une certaine ambigüité des autorités algériennes.
M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense. - La réintégration pleine et entière de la France dans l'ensemble des structures et organes de l'OTAN, qui se traduit par la présence aujourd'hui d'environ 8 à 900 de nos officiers insérés dans les différentes structures a, certes, eu un coût financier et humain. Mais elle s'est traduite par un sensible renforcement de notre présence et de notre influence, dont l'intérêt a d'ailleurs été démontré lors de l'intervention de l'OTAN en Libye, qu'il s'agisse de la chaîne de commandement ou des aspects relatifs au renseignement, où la présence de hauts officiers français a été non seulement bénéfique mais fondamentale. Au sein du Conseil de l'Atlantique Nord, où la présence et l'influence de la France ont toujours été fortes, cette réintégration n'a pas entraîné un prétendu alignement de notre pays sur la position des Etats-Unis. Nous défendons nos intérêts au sein de l'Alliance et notre vision de celle-ci. Nos partenaires, du reste, ne s'y trompent pas. Notre réintégration a permis de renforcer notre influence au sein de l'organisation.
L'intervention de l'OTAN en Libye a aussi démontré la pertinence de la réforme des structures de commandement de l'Alliance et de la réforme de la gouvernance financière de celle-ci, que nous avons voulue et soutenue. L'expérience libyenne a d'ailleurs montré à quel point notre ambition en faveur d'une structure plus réduite, professionnelle et reposant sur le principe de sélectivité des personnels engagés s'était révélée pertinente.
S'agissant de la défense européenne, après une période marquée par d'importants progrès institutionnels, depuis la déclaration franco-britannique de Saint-Malo en 1998, nous sommes aujourd'hui entrés dans une période moins propice à des avancées sur la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). La consolidation de la PSDC, après une phase de construction d'une petite dizaine d'années qui a vu la mise en place de structures, comme l'état-major et le comité militaire de l'Union européenne, des groupements tactiques et le lancement de plusieurs opérations, passe aujourd'hui, plus que jamais, par la multiplication des opérations de l'UE, nonobstant le « conflit gelé » actuel sur l'OHQ à Bruxelles. Ainsi, peut-on regretter l'absence de l'Union européenne lors de l'intervention en Libye : au-delà des aspects humanitaires, celle-ci aurait été tout aussi capable d'assurer l'opération maritime de contrôle de l'embargo sur les armes. Il est vrai que l'on peut regretter l'absence de véritable centre de planification et de conduite des opérations de l'Union européenne, en raison de l'opposition dogmatique du Royaume-Uni sur ce point. Mais tel est le monde réel. Toutes les déclarations confirment qu'il est illusoire de s'attendre prochainement à un changement de la position britannique sur cette question. En revanche, il est important, comme l'ont fait la présidence polonaise et nos partenaires allemands, de rappeler à nos alliés d'outre-Manche, qu'ils sont seuls dans leur positionnement au sein de l'UE... car je suis certain qu'à la lumière de l'expérience des nombreuses opérations de l'Union européenne, la nécessité d'un renforcement du centre de planification et de conduite des opérations de l'Union européenne finira bien par s'imposer, y compris chez nos amis britanniques, puisqu'il s'agit là d'une garantie d'efficacité militaire. La question qui se pose aujourd'hui, dans un contexte marqué par la diminution des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens, comme l'Espagne, l'Italie ou les Pays-Bas, en raison de la crise économique et financière, est celle de savoir si l'Union européenne sera toujours en mesure, à l'avenir, de lancer des opérations militaires et si elle aura les capacités pour le faire. Ainsi, même si l'opération Atalanta de lutte contre la piraterie maritime au large des côtes somaliennes a incontestablement permis de stabiliser la situation dans cette zone, les réticences ou l'opposition de nombre de nos partenaires européens à étendre cette opération par des actions de formation à terre des soldats somaliens ou de garde-côtes ne permettent pas de mettre un terme au phénomène. Pire, elles entraînent un effet pervers sous la forme du développement considérable du recours à des sociétés militaires privées par les armateurs, c'est-à-dire à une sorte de « privatisation » de la sécurité maritime, qui, à terme, pourrait se révéler assez inquiétante. Il y aura bientôt plus de 60 sociétés militaires privées, qui ont d'ailleurs leur siège dans un pays proche du nôtre, et treize bâtiments déclassés de la marine suédoise et norvégienne, affrétés par des sociétés militaires privées, déployés dans cette zone pour lutter contre la piraterie maritime. Comment penser que ces institutions soient de nature à éradiquer un phénomène qui constitue leur fond de commerce ?
S'agissant de la cyberdéfense, comme vous l'avez signalé Monsieur le rapporteur, un important effort a été réalisé dans ce domaine, sous l'autorité du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, avec notamment la création de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI).
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Concernant la diplomatie de défense et le réseau des attachés de défense, il est vrai que certains postes d'attachés de défense ont été supprimés, mais le réseau a surtout été rationalisé et réorganisé. Cette réorganisation est conduite sous la direction d'un inspecteur général des armées en étroite liaison avec le ministère des affaires étrangères et en concertation avec l'ensemble des services concernés du ministère de la défense. Grâce à la mutualisation de certaines fonctions de soutien avec les ambassades, en matière de secrétariat et de comptabilité, par exemple, nous avons pu supprimer plusieurs postes, mais nous avons aussi renforcé des postes d'attachés de défense dans certains pays, en ouvrant désormais, comme à Singapour ou en Suède, ces fonctions à des ingénieurs de l'armement. A l'inverse, lorsque certains pays réduisent fortement leurs dépenses militaires, à des niveaux tels que ceux-ci donnent le sentiment qu'ils auront des implications fortes pour notre relation bilatérale, nous réfléchissons à la possibilité de supprimer ces fonctions et à les faire assumer par l'attaché de défense d'une ambassade limitrophe. Nous envisageons ainsi de supprimer l'an prochain le poste d'attaché de défense à Prague.
La diminution des crédits destinés à soutenir nos exportations s'explique uniquement par des raisons conjoncturelles, qui tiennent au coût moindre de l'organisation des salons d'armement en 2012.
Enfin, le Comité de coordination de la recherche stratégique et de la prospective de défense est un vrai succès. C'est un lieu qui permet de réunir la direction des affaires stratégiques, l'état major des armées, la direction générale pour l'armement et les autres services concernés du ministère de la défense pour réfléchir aux évolutions du contexte stratégique. C'est notamment grâce à ce comité que le ministère de la défense a pu s'organiser aussi rapidement pour contribuer à la réflexion sur l'actualisation de l'analyse stratégique du Livre blanc, conduite sous l'autorité du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, en constituant très rapidement six groupes de travail et en soumettant des contributions au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, à la différence de ce qui s'était passé lors de l'élaboration du Livre blanc en 2008, où le ministère de la défense n'avait peut être pas été assez préparé à cet exercice.
Au sein de ce comité, nous surveillons aussi les priorités en matière d'études et de recherches, le pilotage de l'IRSEM, et nous procédons à une évaluation des résultats.
Dans ce cadre, nous travaillons aussi à l'élaboration d'un document intitulé « horizons stratégiques », qui devrait être publié début janvier, après l'actualisation de l'analyse stratégique, et dont vous recevrez un exemplaire.
Sur la Turquie, il est de notre intérêt de renforcer nos relations et notre coopération avec ce pays, notamment en matière militaire, compte tenu du rôle joué par Ankara au sein de l'Alliance, dans le Caucase, en Afghanistan et au Proche-Orient. Mais les discussions sont actuellement difficiles faute d'attitude réciproque.
M. Jacques Gautier. - Je voudrais revenir aux aspects relatifs à l'effort de recherche et technologie du programme 144 dont vous assurez la gestion.
Est-ce que les crédits d'études-amont sont sanctuarisés ? Y a-t-il eu des gels ou des annulations en 2011, par rapport aux crédits votés ? Est-ce que l'effort sera maintenu en 2012 ?
Qu'en est-il du démonstrateur du radar de longue portée ONERA de Thalès ? Est-ce que vous avez connaissance d'éventuelles discussions avec un pays du Golfe qui serait susceptible d'accueillir ce radar sur son territoire et de contribuer financièrement à ce programme ?
Enfin, quel est votre sentiment à propos des drones MALE ?
M. Joël Guerriau. - Je souhaiterais avoir davantage de précisions concernant le soutien aux exportations. Est-ce que ce soutien se limite à l'organisation de salons, comme Eurosatory, ou bien prend-il d'autres formes et lesquelles ?
M. Michel Miraillet. - En tant que responsable et gestionnaire du programme 144, je m'efforce de maintenir la « sanctuarisation » des crédits des études-amont à un niveau de 700 millions d'euros. C'est pour nous un plancher car les débats du Livre blanc de 2008 avaient montré tout l'intérêt de porter notre effort de recherche à un montant de l'ordre d'un milliard d'euros, pour renforcer par exemple notre effort de recherche dans le domaine spatial, alors que l'on constate l'absence de grand projet, malgré l'intérêt d'Astrium pour la défense anti-missiles. Force est toutefois de reconnaître que nous en sommes loin. Néanmoins, le souci de maintenir le montant de l'enveloppe consacrée aux études amont à son niveau de 700 millions d'euros est partagé par tous au ministère de la défense car c'est un élément fondamental pour les bureaux d'études.
Concernant la défense anti-missiles, nos priorités portent effectivement dans le cadre financier qui est le nôtre, sur le système d'alerte avancée, c'est-à-dire le satellitaire et le radar. Il s'agira là d'un élément important des arbitrages à venir, l'alerte avancée bénéficiant naturellement à la dissuasion. De fait, face à la contrainte budgétaire, si nous sommes en mesure d'intéresser certains de nos partenaires privilégiés au développement de capacités dont leur environnement régional leur rappelle tous les jours la nécessité, pourquoi nous en priverions-nous ?
S'agissant des drones MALE, leur acquisition, vous le savez, est une priorité du ministre de la défense. Dans l'attente de la réalisation du projet franco-britannique élaboré dans le cadre du traité de Lancaster House, la décision a été prise d'avoir recours à une capacité intérimaire sur la base du Héron TP. La crise libyenne a, de nouveau, montré le caractère fondamental de ces moyens qui participent de la fonction « connaissance et anticipation ».
(...)
Enfin, s'agissant du soutien aux exportations, celui-ci recoupe, outre la participation aux salons d'armement, le rôle de la direction des affaires internationales de la direction générale pour l'armement (DGA) ou celui de sociétés spécialisées dans le soutien, comme DCI. (...).