III. LES MODALITÉS DE TRANSPOSITION DE LA RÉVISION DU « PAQUET TÉLÉCOMS » EN DROIT FRANÇAIS

Il faut aujourd'hui transposer l'ensemble de cette révision du cadre européen , et ce au plus tard le 25 mai 2011 . Or, la marge de manoeuvre laissée aux États membres pour transposer ces directives est très étroite.

Compte tenu des délais très courts, le Gouvernement français propose la transposition par ordonnances , à travers un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques , adopté par le Conseil des ministres du 15 septembre 2010 et déposé à l'Assemblée nationale avec engagement de la procédure accélérée , où il a été examiné le 13 janvier dernier.

Le chapitre III de ce texte contient un unique article 11 - par ailleurs ultime disposition du projet de loi - habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, les mesures législatives nécessaires à la transposition de la révision du « paquet télécoms ».

Il inclut par ailleurs dans le champ de l'habilitation des sujets dépassant le périmètre strict de la révision. Enfin, il prévoit le dépôt d'un projet de loi de ratification devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance. L'étude d'impact rattachée au projet de loi justifie le recours aux ordonnances par la nécessité « de se conformer aux délais précédemment mentionnés ».

La version consolidée du projet de transposition par ordonnances fait état de modifications d'un peu plus d'une cinquantaine d'articles , ressortant essentiellement du CPCE, mais également du code de la consommation, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

La révision du « paquet télécoms » comporte quatre types de mesures , que l'on peut classer selon la marge de manoeuvre qu'elles laissent aux États membres :

- certaines dispositions ne nécessitent pas de transposition , soit qu'elles présentent un caractère normatif suffisant et s'appliquent donc directement en droit national ; soit qu'elles existent déjà en droit français, du fait des avancées réalisées par la série de lois précédemment évoquée ;

- la plupart des autres mesures ne laisse quasiment aucune marge de manoeuvre et doit donc être transposée de façon presque mécanique, comme l'illustre la reprise quasi mot pour mot de passages entiers des directives européennes dans les avant-projets d'ordonnances ;

- quelques dispositions laissent une marge d'appréciation variable aux États membres ;

- enfin, un dernier type de dispositions n'appelle pas nécessairement de transposition , mais le Gouvernement a souhaité les inclure dans le champ de l'habilitation car elles contribuent à atteindre les objectifs du « paquet télécoms ».

A - LES DISPOSITIONS LAISSANT UNE MARGE D'APPRÉCIATION AUX ÉTATS MEMBRES

1 - La neutralité des réseaux

La neutralité des réseaux est un principe fondateur d'Internet qui exclut toute discrimination à l'égard de la source, de la destination ou du contenu de l'information transmise sur le réseau.

La directive « cadre » fixe aux autorités réglementaires nationales l'objectif de favoriser l'accès des citoyens à l'information de leur choix et à diffuser les applications et services de leur choix, et donne aux autorités de régulation nationales le pouvoir de régler les différends entre opérateurs de réseaux et prestataires de services Internet. La directive « service universel » prévoit quant à elle la transparence des contrats souscrits entre les utilisateurs et les opérateurs en matière d'accès au réseau, ainsi que la possibilité pour les autorités de régulation nationales de fixer des exigences minimales en matière de qualité de service, de sorte d'assurer une qualité standard minimum aux utilisateurs.

Ce thème de la neutralité du Net a suscité de nombreux travaux : le Gouvernement a engagé à cette fin une consultation publique le 9 avril dernier, qui s'est achevée le 17 mai, de laquelle il est ressorti que le nouveau cadre européen constituait un environnement règlementaire adapté et qu'il n'apparaissait pas nécessaire d'introduire des dispositions législatives supplémentaires en droit interne. Il a par ailleurs été remis, à la mi-juillet, un rapport au Parlement sur le sujet 14 ( * ) .

La Commission européenne a elle-même lancé une consultation , entre juin et septembre 2010, afin de déterminer le besoin éventuel de nouvelles normes en ce domaine. Un livre blanc sur le sujet est attendu prochainement. L'ARCEP a également engagé un vaste processus de réflexion en organisant, le 13 avril 2010, un grand colloque sur le sujet, suivi de la mise en ligne, le 20 suivant, d'« éléments de réflexion » et de « premières orientations ». Enfin, les deux assemblées parlementaires ont développé leur propre analyse de la neutralité.

2 - Le périmètre du service universel

Les dispositions relatives au service universel - service d'accès à Internet à haut débit à un coût abordable sur l'ensemble du territoire - ne devaient pas faire l'objet de modification dans le cadre la négociation de la révision du « paquet télécoms ». Celle-ci est toutefois intervenue, laissant aux États membres le soin de définir les caractéristiques du raccordement au réseau et des débits minimum nécessaires , la référence à un débit spécifique minima de 56 Kbits ayant été supprimée.

L'étude d'impact accompagnant le projet de loi relève toutefois qu'une « ambigüité subsiste quant à la portée réelle de cette modification », jugeant préférable dans ces conditions - et dans l'attente d'une communication de la Commission européenne sur le sujet - de ne pas modifier le périmètre du service universel. Il s'agit toutefois d'un sujet extrêmement important, notamment pour l'aménagement numérique du territoire, sur lequel il importera que la représentation nationale ait prochainement un débat.

B - LES DISPOSITIONS ADDITIONNELLES QUI N'ÉTAIENT PAS RENDUES OBLIGATOIRES PAR LA TRANSPOSITION

1 - La gestion du spectre radioélectrique

Première série de mesures complémentaire à la stricte transposition des directives, celles relatives à la gestion des fréquences ont principalement pour objet d'étendre les pouvoirs de l'ANFR.

Elles consistent en outre à contrôler la conformité des installations électriques perturbant des installations et équipements radioélectriques, à étendre l'infraction engendrée par l'absence de possession d'une autorisation administrative, à compléter les mesures destinées à lutter contre les brouilleurs de téléphones mobiles, à encourager le développement du marché secondaire des fréquences, ou encore à améliorer la procédure de traitement des brouillages.

2 - La sécurité des réseaux

Les mesures prévues par les directives ont pour objectif de renforcer la sécurité et le contrôle des équipements mis en oeuvre par les opérateurs qui sont directement impliqués dans les interceptions des communications électroniques prévues par la loi. Ces équipements étant installés au coeur des réseaux des opérateurs, ils jouent un rôle majeur dans la sécurité des communications des abonnés.

A cet effet, il est proposé de créer une nouvelle sanction pénale, de renforcer celles existant et d'habiliter les agents de l' Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) à procéder à des contrôles approfondis.


* 14 La neutralité de l'Internet - Un atout pour le développement de l'économie numérique, rapport du Gouvernement au Parlement établi en application de l'article 33 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, remis le 16 juillet 2010.

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