C. QUELQUES PROJETS OU DÉBATS EN COURS
1. L'éducation à l'image et la culture pour les jeunes : de nécessaires priorités
a) Faire du numérique un réel outil de diffusion de la culture
Le numérique permet un accès presque infini à la culture et, dans le même temps, comme l'a souligné M. Arjun Appadurai, anthropologue, à l'occasion du Forum d'Avignon de novembre 2010, il est aussi une « source de l'incertitude sociale ». Aussi convient-il de « ne pas ghettoïser la culture, qui est l'ADN de la vie économique et sociale surtout à l'ère numérique ».
Comme l'a souligné M. Bernard Stiegler, philosophe, directeur du département du développement culturel du Centre Georges Pompidou, les industries culturelles numériques sont aussi devenues des « drogues », des « boucs émissaires » et les pouvoirs publics doivent accompagner. Ainsi devrait-on avoir recours à la culture à titre de thérapeutique : « pour faire d'un poison la thérapeutique de la maladie qu'il a générée. »
Telle est l'ambivalence du « pharmakon » qui, poison à forte dose, devient un remède s'il est administré avec mesure.
Pour ce faire, il nous faut renforcer les actions d'éducation et de formation à la culture ainsi qu'à l'analyse critique.
A cet égard, pour votre rapporteur, outre l'accès à la culture au travers des divers écrans qui peuplent désormais notre quotidien, Internet doit faciliter l'accès direct aux oeuvres et leur compréhension.
Ainsi que l'affirmait M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication dans son discours concluant le Forum d'Avignon de 2009 : « Internet ne nous dispense pas, pour autant, et c'est heureux, de la présence réelle et de la rencontre directe des oeuvres, des hommes et des territoires, au contraire même il en suscite et exacerbe le désir. »
b) Le « ciné-club » au lycée : favoriser l'accès des jeunes à la culture
Le lycée étant le lieu de transmission de la culture par excellence, il a été décidé, à l'initiative du Président de la République, de recréer les ciné-clubs, afin de permettre aux lycéens de découvrir le cinéma de façon collective avec des échanges et des débats.
Les films de la plate-forme ont été choisis à partir d'un travail coordonné par les Cahiers du cinéma. Deux cents films ont ainsi été sélectionnés, dont beaucoup de grands classiques, mais des films récents pourront l'être exceptionnellement.
Il s'agit d'une plate-forme Internet en partenariat avec France Télévisions, mettant à disposition des 4 500 lycées de France 200 chefs-d'oeuvre du cinéma pour lesquels le ministère de l'éducation nationale a payé 650 000 euros de droits d'auteur . Les lycéens pourront les voir en version originale, lors de séances organisées par un professeur « référent culturel » et des lycéens « administrateurs ».
Le dispositif doit être étendu au théâtre, à l'opéra et aux expositions , à travers des accords avec les théâtres subventionnés et les musées nationaux.
Votre commission se réjouit de cette démarche consistant à favoriser l'accès des jeunes à la culture.
2. Les problèmes structurels des cinémas de petite et moyenne taille
Les exploitants de salles ont rendu public un « livre blanc des salles obscures » , commandé à M. Olivier Babeau, économiste, qui souligne les problèmes structurels des cinémas de petite et moyenne taille, dans une période de forte mutation.
Rappelons l'importance du réseau de salles dans notre pays : avec 2 066 établissements, 5 470 écrans et plus d'un million de fauteuils, il possède, en valeur absolue, le premier parc en Europe et le troisième dans le monde (derrière les États-Unis et l'Inde).
Entre 2008 et 2009, 145 écrans ont été ouverts pour 99 fermés, ce qui représente un solde positif de 66 écrans, et même de 328 écrans depuis 2000.
Dans un contexte de concentration continue des salles (car si le nombre d'écrans augmente, celui des établissements baisse), la profession, confrontée à d'importantes mutations - notamment technologiques, avec l'équipement en matériel de projection numérique - doit faire face à des défis qui la fragilisent.
a) Une forte augmentation des charges
Le premier de ces défis concerne la forte augmentation des charges , sans rapport avec celle des recettes, qui explique la dégradation de la situation économique de nombreux exploitants.
En effet, la profession, qui a investi plus de 2 milliards d'euros depuis 20 ans dans la rénovation des salles (confort des fauteuils, qualité du son, lieux de convivialité...), se trouve confrontée à un accroissement drastique des coûts. Ceux des salles neuves (par fauteuil) ont ainsi augmenté de 87 % en 10 ans, et les loyers, indexés au coût de la construction, ont progressé de 45 %. S'y ajoutent les dépenses liées aux normes de sécurité, à l'accessibilité du public, à l'informatisation des caisses et, désormais le coût d'entretien du matériel numérique de projection (évalué à 4 500 euros par an et par salle).
D'après ce rapport, les recettes sont loin d'avoir suivi la même courbe. Le prix du billet a diminué, en termes réels, le prix moyen du billet s'établissant à 6,14 euros en 2009, compte tenu des innovations tarifaires mises en place ces dernières années, notamment avec les cartes de fidélité. Ainsi, en dix ans, le prix des billets n'a progressé que de 11 %, pour un taux d'inflation de 19 %.
Pris dans cet « effet de ciseaux », les exploitants, qui estiment avoir investi dans le mouvement de modernisation ayant contribué à la relance de la fréquentation et profité aux films français, demandent certains rééquilibrages, notamment auprès des distributeurs.
b) Les autres sujets de préoccupations
Au titre des autres sujets de préoccupation évoqués par ce rapport, on peut citer :
- la rémunération des distributeurs : ils perçoivent un peu plus de 40 % du prix du billet, correspondant au taux de location du film, mais ce taux varie selon la taille de l'exploitation et s'avère plus élevé pour les petites exploitations ;
- la chronologie des médias , avec la baisse du délai d'exclusivité des salles dans la diffusion des oeuvres cinématographiques, ramené de 6 à 4 mois à la suite de la loi « Création et Internet » ;
- le coût de la numérisation des salles , évalué à 450 millions d'euros, soit 80 000 euros par salle.
Outre de délicats ajustements avec les distributeurs et des mesures d'ordre technique, les exploitants demandent notamment des aménagements fiscaux tenant compte de la spécificité des salles de cinéma (dont le taux de remplissage ne dépasse pas, en moyenne, 15 %) et le droit d'avoir recours à la communication publicitaire télévisée pour la sortie des films en salles.
Cependant , votre rapporteur rappelle qu'avec l'adoption de la loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques, la contribution numérique des distributeurs participe au financement de l'équipement des salles. Les économies réalisées grâce au passage de la copie 35 mm au fichier de données numériques viendront donc financer la modernisation des salles.
En outre, des aides du CNC permettront le financement des salles des petites exploitations.
3. La mise en oeuvre du plan de numérisation des petites et moyenne salles de cinéma
a) Un rappel du dispositif
Rappelons que la loi précitée est complétée par un dispositif d'aide publique à la numérisation des petites et moyennes exploitations. Le décret relatif à la mise en place de cette aide sélective à la numérisation des salles est paru le 2 septembre 2010.
Ce dispositif doit permettre à l'ensemble du parc de s'équiper en projecteurs numériques , afin de maintenir le maillage dense du territoire en salles de cinéma, et de garantir la diversité de l'offre cinématographique, tant pour l'accès des films aux salles que l'accès des salles aux films.
Elle devrait concerner plus d'un millier de salles et viendra en complément des apports propres des exploitants, des contributions perçues des distributeurs (en direct, via un tiers investisseur ou collecteur, ou encore par le biais d'un regroupement d'exploitants) et des aides des collectivités territoriales.
Elle s'adresse aux établissements de un à trois écrans qui ne sont pas, du fait de leur programmation, susceptibles de générer suffisamment de contributions des distributeurs pour couvrir au moins 75 % du coût de leurs investissements et qui ne relèvent pas d'un circuit ou groupement d'exploitants de plus de 50 écrans, à l'instar de l'aide sélective à la création et à la modernisation des salles.
Afin de permettre aux exploitants de se familiariser avec les règles de ce nouveau dispositif et de préparer leur demande, le CNC a mis à la disposition des professionnels des informations sur cette aide et le modèle de dossier à constituer, fin juillet 2010.
b) La mise en place du comité de concertation professionnelle
Le comité de concertation professionnelle pour la diffusion numérique en salles a été mis en place par le CNC et a ouvert ses travaux le jeudi 14 octobre 2010.
Conformément à la loi précitée, la présidente du CNC a fixé les modalités de fonctionnement du comité de concertation professionnelle pour la diffusion numérique en salles et en a désigné les membres.
Rappelons que cette instance sera le cadre d'une réflexion collective sur la diffusion du film à l'ère du numérique afin d'accompagner la transition et de mettre en oeuvre des bonnes pratiques professionnelles dans le respect des grands principes fixés dans la loi. Ceux-ci concernent :
- la contribution obligatoire des distributeurs comme source première de financement du passage au numérique ;
- la transparence des relations distributeurs-exploitants ;
- la neutralité et l'équité des conditions de financement.
Toutes les questions concrètes et opérationnelles qui se posent pourront y être étudiées de manière souple et pragmatique. Ce comité pourra ponctuellement, au gré des thématiques abordées, s'élargir à d'autres acteurs du secteur, comme le prévoit la loi, et procéder à des auditions.
Le comité de concertation est composé de dix membres nommés pour trois ans renouvelables, par décision du président du CNC, issus à parts égales des organisations professionnelles de l'exploitation et de la distribution. Le CNC en assure le secrétariat.
Ses premières pistes de réflexion porteront notamment sur les dépenses de numérisation des salles pouvant être couvertes par les contributions des distributeurs et les modalités de calcul de l'économie réalisée par les distributeurs . Il rendra ses premières recommandations de bonnes pratiques d'ici la fin de l'année. Ces recommandations, qui seront rendues publiques sur le site internet du CNC, doivent être approuvés par huit de ses membres au moins pour être adoptées.
Grâce à la loi sur l'équipement numérique, aux principes régulateurs qu'elle fixe pour encadrer la transition, à la mise en place effective du comité de concertation professionnelle prévue par le législateur mais aussi grâce au dispositif d'aide sélective du CNC et du soutien des collectivités territoriales pour aider les salles les plus fragiles, le secteur peut désormais s'appuyer sur des outils efficaces et adaptés afin que le virage numérique s'effectue dans des conditions équilibrées et sécurisées pour tous et dans le délai le plus court possible.
c) Un financement adapté
Le CNC devra consacrer 125 millions d'euros à ce dispositif d'aide à la numérisation des salles de cinéma, sur 2 ans, dont 48,6 millions dès 2011 .
Il y a donc urgence pour les petites salles, qui risquent sinon à la fois d'être en concurrence inéquitable face à la numérisation désormais massive des films qui sortent en salles et à des distributeurs qui ne feront plus de copies en 35 mm pour certains films.
Le dispositif permet une prise en charge publique à hauteur de 80 % du coût (coût unitaire standard de 75 à 80 000 euros par écran) d'environ 1 000 salles actives n'appartenant pas à des circuits, ainsi que le soutien à 290 salles peu actives (zone rurale et activité saisonnière) et 132 circuits itinérants. Il permet en outre de doter l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), qui contre-garantit les emprunts concédés par les banques aux exploitants, de fonds complémentaires lui permettant d'accroître en conséquence ses capacités de garantie.
4. Donner suite aux propositions du « Club des 13 » et du rapport Bonnell
a) Un rappel de ses propositions du « Club des 13 »
Rappelons qu'en 2008, un groupe de treize professionnels du cinéma a diffusé un rapport concluant à l'urgence de refonder le modèle français de soutien à l'art et l'industrie cinématographique, considérant qu'il ne joue plus son rôle de solidarité entre les films et entre ceux qui les font.
Ils estiment qu'il « accentue les positions dominantes au lieu de les atténuer et renforce la ligne de fracture entre des films peu ou prou formatés par les investissements en provenance des télévisions et ceux qui tentent encore d'incarner les spécificités du langage cinématographique. Ce faisant, il accompagne la marche forcée vers une bipolarisation de toute la chaîne de fabrication et de commercialisation des films, bipolarisation d'autant plus dommageable qu'elle condamne les créateurs et les entrepreneurs de films les plus ambitieux. Il n'est plus suffisamment le garant du renouvellement des publics et des talents et ne permet plus de partir à la conquête du marché international. Nos propositions n'ont pas d'autre vocation que de restaurer les fonctions redistributives d'un système auquel nous restons profondément attachés, afin de corriger les effets des dérives actuelles induites par la position dominante de certains acteurs du marché . »
Les propositions Pour redonner au producteur de nouvelles capacités d'investissements et reconnaître à sa juste valeur sa place d'entrepreneur de films : 1. L'intégralité du Fonds de soutien automatique Production généré par un film revient au seul producteur délégué. Pour revaloriser financièrement et symboliquement l'étape du scénario et permettre au producteur et aux auteurs d'être maîtres des rythmes d'écriture : 2. 7,5 % de ce Fonds de soutien est réservé à l'écriture. Pour resolidariser les films entre eux, en améliorant la fonction redistributive du système de soutien à la production : 3. Modification du barème de répartition du Fonds de soutien automatique Production. Pour permettre à l'Avance sur recettes avant réalisation de jouer pleinement son rôle : 4. Doublement de la dotation de l'Avance sur recettes et réforme des collèges. Pour aider les films qui ne sont pas financés par les chaînes de télévision en clair : 5. Majoration de 25 % du Fonds de soutien automatique Distribution pour les distributeurs investissant un Minimum Garanti dans les films agréés français produits sans chaîne de télévision coproductrice. Pour atténuer la distorsion de concurrence occasionnée par les filiales de distribution des groupes diffuseurs (chaînes de télévision et groupes de télécommunication) : 6. Suppression du Fonds de soutien automatique Distribution pour les sociétés adossées à un diffuseur. Pour reconnaître l'importance des distributeurs indépendants et assurer leur pérennité : 7. Création d'un label « Distributeur indépendant » et réservation des aides sélectives du CNC et de la contribution Canal+ aux distributeurs ayant obtenu le label. Pour que l'ensemble des ayants droit puisse bénéficier d'une partie des recettes annexes générées par l'exploitation des films en salle : 8. Création d'une taxe de 5,5 % sur toutes les marges arrière (confiserie, écrans publicitaires, promotion des films dans les salles) venant abonder l'assiette du CNC et financer l'équipement numérique des salles indépendantes et la dotation de l'Avance sur recettes. Pour rétablir l'équilibre des forces entre les groupes d'exploitation et l'ensemble de la filière : 9. Indexation du prix référence sur l'augmentation du prix des cartes d'abonnement illimitées à l'achat et partage des recettes 50/50 entre exploitants et ayants droit les trois premières semaines d'exploitation. Pour améliorer les rapports entre distributeurs indépendants et exploitants Art et Essai, et favoriser le renouvellement du public dans sa diversité : 10. Modification du calcul de l'Aide sélective à l'Art et Essai et valorisation des meilleures pratiques d'accompagnement des films dans les salles. Pour mieux soutenir les films français qui s'exportent et favoriser leur développement : 11. Création d'un Fonds de soutien automatique à l'export au sein du CNC. Pour inciter les réalisateurs à concevoir des films qui s'exportent, les encourager à promouvoir leur film à l'étranger et financer ces temps de promotion : 12. Création d'une Prime au succès pour les réalisateurs, calculée sur le nombre de territoires vendus à l'international. |
b) Le rapport Bonnell
En avril 2008, le CNC a confié à M. René Bonnell une mission visant à clarifier des notions essentielles dans la gestion et l'exploitation commerciale des films telles que le coût de production d'un film, son amortissement ou bien encore « les recettes nettes part producteurs » au moment du partage des recettes générées par les différents modes d'exploitation de ces oeuvres.
En effet, la diversification des vecteurs de diffusion, la complexification des plans de financement et des modalités de rémunération des ayants droit qui en découle exigent que les professionnels concernés et les pouvoir publics puissent appréhender l'exploitation commerciale d'un film en se fondant sur un socle de références et d'instruments communs.
Ce rapport de décembre 2008 3 ( * ) , au-delà d'une exploration technique de ces notions clés, a eu pour objectif d'améliorer la lisibilité des comptes et donc des remontées de recettes et de clarifier les rapports économiques et juridiques qui se nouent entre producteurs et auteurs à l'occasion de la production d'un film afin d'assurer une relation contractuelle sincère et équitable.
Il a formulé un ensemble de suggestions économiques, comptables et juridiques s'inspirant de trois principes :
- le respect de l'identité et de l'autonomie professionnelle des parties concernées ;
- la simplification des dispositifs mis en oeuvre pour en renforcer la transparence ;
- un partage équitable des ressources.
c) Les suites données par le CNC
Le CNC a pris plusieurs décisions consistant principalement à revaloriser le rôle du producteur délégué . Elles visent à :
- lui réserver une part plus importante du soutien ;
- revoir les taux de retour de façon plus favorable aux premières entrées et aux entrées de la tranche moyenne.
Par ailleurs, le CNC envisage des modifications réglementaires , qui devraient être publiées d'ici à la fin 2010, pour une entrée en vigueur au 1 er janvier 2011. Cette parution est cependant soumise à la conclusion préalable d'un accord interprofessionnel.
En effet, auteurs et producteurs sont dans la dernière phase de négociation d'un accord relatif à la transparence des comptes et plus précisément de la définition du point d'amortissement des films, qui, une fois passé, déclenche des rémunérations complémentaires pour les auteurs.
Ainsi, les producteurs délégués seront confortés dans leur rôle pivot par le soutien financier du CNC, et en quelque sorte en contrepartie, les pratiques permettant la transparence devront être harmonisées et saines.
Cette discussion fait suite au rapport précité de M. René Bonnell, qui fait l'objet d'une mission de médiation finale confiée par le ministre, en octobre 2010, au Médiateur du cinéma, M. Roch-Olivier Maistre. Ce dernier réunit les partenaires une à deux fois par semaine et ceux-ci devraient prochainement aboutir à un accord, lequel aura vocation à être étendu par arrêté.
Votre rapporteur s'en réjouit et demandera au ministre de préciser la teneur et la portée des mesures concernées, sachant que les deux volets sont liés.
5. Réduire le taux de TVA sur l'ensemble des biens culturels numériques
Le décret n° 2010-1379 relatif aux contributions des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) au financement de la création cinématographique et audiovisuelle et à l'exposition des oeuvres européennes et françaises sur ces services est paru le 12 novembre 2010.
Il marque une première étape importante dans le principe de la contribution graduelle de ces services au financement de la création. Mais cette contribution sera d'autant plus crédible que la fiscalité de ces services sera adaptée, en particulier pour ce qui concerne le taux de TVA.
Au-delà de l'amendement adopté par le Sénat, sur la proposition de votre commission, tendant à aligner le taux de TVA du livre numérique sur celui du livre « papier », votre commission souhaite que la Commission européenne envisage la possibilité d'un taux réduit pour les services de commerce électronique fournissant des biens et services culturels.
6. Conforter le crédit d'impôt cinéma
Au premier semestre 2010, le nombre de jours de tournage a progressé de 6,1 % par rapport à la même période 2009. On peut se réjouir d'une hausse de 11,6 % des journées de tournage réalisés en France ; cependant, si le crédit d'impôt international permet d'attirer des tournages internationaux, en revanche des films français à gros budget sont attirés à l'étranger par un traitement fiscal plus avantageux.
C'est pourquoi, votre commission défend la nécessité d'aligner le plafond du crédit d'impôt pour les producteurs français de cinéma sur celui des productions étrangères tournées en France, en le portant de 1 à 4 millions d'euros mais dans de très strictes conditions. Il s'agit d'éviter la délocalisation de quelques très grosses productions.
Votre rapporteur rappelle d'ailleurs qu'un alignement complet avait été proposé par notre collègue Albéric de Montgolfier dans son rapport sur la valorisation du patrimoine culturel, présenté au Président de la République le jeudi 8 octobre 2010.
En effet, ce rapport soutient que : « L'industrie cinématographique est souvent demandeuse de sites remarquables pour ses tournages (châteaux, villes ou sites d'histoire, ...). Paris est ainsi la capitale qui reçoit le plus grand nombre de demandes. La connaissance et l'appropriation du patrimoine local ou national peut trouver un vecteur efficace lorsqu'elles sont associées à un film, téléfilm ou court métrage.
Les contraintes de coûts ont cependant pesé ces dernières années sur les choix des productions françaises, entraînant la délocalisation à l'étranger de nombreux tournages à fort budget, historiques ou faisant apparaître le patrimoine monumental (ex : la Rafle en Roumanie). Si le crédit d'impôt cinéma, actuellement plafonné à quatre millions d'euros pour les productions étrangères tournées en France, est un excellent dispositif, sa limitation à un million pour les producteurs français constitue une inégalité et une incitation à la délocalisation. Le coût d'un alignement serait d'autant plus largement compensé par les retombées économiques (emplois, locations, etc.) que la mesure ne concernerait en pratique que quelques grosses productions. »
Proposition n° 34 : Encourager la mise en scène du patrimoine national au sein d'oeuvres cinématographiques, notamment par l'alignement du plafond du crédit d'impôt pour les producteurs français sur celui des productions étrangères tournées en France ».
Votre commission insiste sur l'effet de levier et l'intérêt économique réel de ce dispositif qui doit être renforcé . Les données suivantes le démontrent :
- Le crédit d'impôt est limité à 20 % des dépenses éligibles et plafonné à 1 million d'euros par film. Mais ce plafond est faible : il entraîne la délocalisation de quelques grosses productions françaises chaque année. En outre, il est paradoxal que le plafond du crédit d'impôt international soit, lui, à 4 millions d'euros par film, afin de localiser en France le tournage de grosses productions étrangères, et parallèlement, de ne pas savoir retenir les productions françaises !
- Les critères d'éligibilité des films au crédit d'impôt sont stricts . Ils doivent :
. être admis au bénéfice du soutien financier automatique à la production ;
. être réalisés intégralement ou principalement en version originale en langue française ou dans une langue régionale en usage en France ;
. être réalisés principalement sur le territoire français ;
. contribuer au développement de la création cinématographique française et européenne ainsi qu'à sa diversité.
- Une étude 4 ( * ) montre que, depuis sa création en 2004, le crédit d'impôt cinéma est efficace et mérite d'être renforcé :
. il a permis la relocalisation de nombreux tournages (75 % de films de fiction français tournés sur notre territoire en 2009, contre 61 % en 2003) ;
. parallèlement, les dépenses effectuées en France ont pratiquement doublé entre 2005 et 2009 ;
. de nombreux emplois ont été créés (de 2004 à 2008 : + 23 % d'emplois intermittents et + 75 % d'emplois permanents) ;
. l'impact sur les finances public est très positif : pour 1 euro de crédit d'impôt cinéma versé en 2009, 11,3 euros de dépenses sont investies dans la filière et 3,6 euros de recettes fiscales et sociales induites sont récupérées par l'État.
Votre commission proposera, par conséquent, un amendement en ce sens sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011 .
7. L'adoption d'un amendement aménageant le calcul de la valeur ajoutée des entreprises de production cinématographique
Par ailleurs, sur la proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement insérant un article additionnel après l'article 60, afin d'aménager les modalités de calcul de la valeur ajoutée des entreprises de production cinématographique pour l'évaluation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
A cette fin, cet amendement prévoit le report des charges liées à la production d'une oeuvre cinématographique lors de l'exercice fiscal de délivrance du visa d'exploitation, et au plus tard deux ans après leur engagement. Il s'agit de prendre ainsi en compte la valeur ajoutée réellement produite.
* 3 Intitulé : « le droit des auteurs dans le domaine cinématographique : coûts, recettes et transparence ».
* 4 Cette évaluation a été réalisée à partir des données du CNC et de l'étude complémentaire « Évaluation des dispositifs de crédit d'impôt » (septembre 2010) menée à la demande du CNC par le cabinet Greenwich Consulting.