III. LES FINANCEMENTS INNOVANTS SONT NÉCESSAIRES POUR DONNER UN NOUVEAU SOUFFLE À L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT
Comme l'ont souligné vos rapporteurs tout au long de ce rapport, le besoin de gérer collectivement un nombre grandissant d'enjeux globaux rend inéluctable la mise en place de politiques communes à l'ensemble des pays pour répondre à ces enjeux.
Les besoins de financements liés à ces politiques globales sont importants et durables, ils requièrent des réponses structurelles.
Les estimations de besoins de financement au niveau mondial sont de l'ordre de 324 à 336 milliards de dollars par an de 2012 à 2017 (156 milliards pour le changement climatique, 168 à 180 milliards pour l'APD).
La crise financière et la récession mondiales, de même que les mesures de consolidation budgétaire qui se sont ensuivies, sont venues aggraver ce problème et compromettent gravement la capacité des gouvernements à s'acquitter de leurs engagements antérieurs.
La récente crise de la dette souveraine en Europe n'a fait que renforcer la forte pression qui continue à peser sur les situations budgétaires de nombreux pays.
C'est pourquoi il faut encourager l'essor des financements innovants du développement, c'est-à-dire de nouveaux flux financiers plus stables, plus prévisibles et moins dépendants des budgets annuels des pays membres du CAD et des nouveaux pays donateurs, que l'aide traditionnelle.
Ces financements complètent cette dernière par une fiscalité assise sur les activités économiques internationales peu ou non taxées à l'échelon mondial, à l'instar de la taxe sur les billets d'avion ou du projet de taxe sur les transactions financières internationales. Ils peuvent également bénéficier des perspectives ouvertes par les garanties et mécanismes de marché - garanties d'achats futurs, garantie d'emprunt (IFFIM,...), mise aux enchères des quotas de CO2,...
Votre commission se félicite que la France ait joué un rôle pionnier dans la reconnaissance de la contribution majeure que les financements innovants peuvent apporter au développement, notamment par son action au sein du Groupe pilote sur les financements innovants dont elle assure le secrétariat permanent.
Elle s'est engagée au plus haut niveau, notamment lors du Sommet des Nations unies sur les Objectifs du Millénaire à New York en septembre 2010, en faveur d'une taxe sur les transactions financières pour le financement du développement et de la lutte contre le changement climatique.
Votre commission souhaite qu'elle continue à faire de l'identification, de la mobilisation et de la bonne valorisation de ces financements un axe majeur de sa politique de coopération en privilégiant leur utilisation sur les enjeux de moyen et long terme.
Elle souhaite que la Présidence française du G20 en 2011 soit l'occasion de faire avancer ce dossier.
Plusieurs rapports d'expert ont étudié la faisabilité technique d'une taxe sur les transactions financières au regard d'un certain nombre de critères : les volumes (si les recettes potentielles sont suffisantes pour apporter une contribution significative) ; l'impact sur le marché (si les distorsions et les évitements restent dans des limites acceptables) ; la faisabilité (si les défis juridiques et techniques peuvent être surmontés) et la pérennité et l'adéquation (si les flux de recettes sont relativement stables dans le temps et la source adaptée au rôle de financement des biens publics mondiaux).
Plusieurs options sont possibles : une taxe sur les activités financières, une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les services financiers, une taxation large sur les transactions financières, une taxe sur les transactions de change mono-devise collectée au niveau national, une taxe sur les transactions de change multidevises collectée de manière centralisée au niveau mondial.
Le dernier rapport du « groupe d'experts à la taskforce sur les transactions financières internationales pour le développement » a conclu, après avoir évalué les différentes options, qu'une taxe sur les transactions de change au niveau mondial constitue le mécanisme de financement le plus approprié pour les biens publics mondiaux.
D'autres solutions peuvent être envisagées, mais la faisabilité technique de la mise en place d'un financement innovant ne semble plus aujourd'hui contestée.
Selon le ministre des affaires étrangères entendu par votre commission 5 centimes d'euros prélevés sur 1000 euros échangés rapporteraient plus de 30 milliards par an.
Vos rapporteurs souhaitent souligner la portée politique de ce projet.
Asseoir le financement des politiques d'aide au développement sur une ressource fiscale mondialisée permettrait de jeter les bases de politique publique de redistribution à l'échelle mondiale.
Leur mise en place est d'autant plus justifiée qu'elles constituent une forme moderne de redistribution internationale basée pour l'essentiel sur la taxation d'activités qui bénéficient de la mondialisation vers ceux qui n'en profitent pas ou peu.
La mise en place de financements innovants permettrait en outre de mieux répartir l'effort en faveur de l'APD. En effet, aujourd'hui, l'Europe représente 30 % du PIB mondial et 60 % de l'APD mondiale. Un financement assis sur les transactions permettrait de réduire ce déséquilibre.
Vos rapporteurs souhaitent également rappeler que ces financements innovants n'exonèrent pas la France d'un effort pour poursuivre l'objectif de 0,7 % d'APD sur RNB. En effet, ces financements ont toujours été présentés et ne seront acceptés que comme des financements additionnels.