IV. UNE AIDE BILATÉRALE DÉSÉQUILLIBRÉE PAR LA FAIBLESSE DES DONS

La politique bilatérale française dispose d'une panoplie large d'instruments au service du financement du développement : assistance technique et apports d'expertise et de formation (aide au commerce, aide à la mobilisation fiscale), mesures de politique générale (renforcement de la coopération fiscale internationale, réforme de la représentation des pays en développement dans les institutions financières internationales), instruments de garantie qui n'entraînent en principe pas de transferts financiers et, évidemment, des financements directs : dons, cofinancements en dons, prêts à moyen et long terme.

Le débat sur les instruments de la politique de coopération s'est récemment concentré sur l'équilibre entre les prêts et les dons. Si cette opposition peut apparaître quelque peu réductrice, et cela d'autant plus qu'il existe un continuum entre les dons et les prêts selon le degré de concessionnalité, ces deux instruments offrent bien des possibilités d'intervention dans des zones géographiques et des secteurs différents.

Ces dernières années, la diminution des dons a, comme nous l'avons constaté aux chapitres précédents, diminué la capacité de la coopération française à orienter son aide vers l'Afrique subsaharienne. A l'inverse, l'augmentation des prêts a accru les possibilités d'intervention dans les pays émergents pour un coût budgétaire limité.

De ce point de vue, le projet de loi de finances pour 2011 ne semble pas modifier les tendances de moyen terme observées ces dernières années.

A. UNE AUGMENTATION RESPONSABLE DES INTERVENTIONS SOUS FORME DE PRÊTS PEUT SERVIR UNE POLITIQUE D'INFLUENCE

Le prêt est un outil de financement permettant, avec des ressources budgétaires limitées, d'appuyer des projets de grande dimension, au service de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté, dans des pays ou auprès d'acteurs économiques solvables qui ont une capacité d'emprunt.

En prêtant à des pays en développement sur de longues périodes, l'AFD fait bénéficier ces pays de financements qu'ils ne trouveraient pas à ce prix sur le marché parce qu'elle s'inscrit dans une maturité plus longue, leur fait bénéficier de sa notation AAA et intègre éventuellement un certain degré de concessionalité.

La part prise par cet instrument s'est sensiblement accrue ces dernières années sous l'impulsion de l'AFD, comme l'illustre le graphique suivant.

Source Sénat/données DPT pour 2011

Le développement de cet instrument suppose que la France applique une politique de prêts responsables, dans le respect des règles adoptées par les pays industrialisés en matière de ré-endettement prudent et soutenable, en particulier en Afrique subsaharienne.

En règle générale, les prêts souverains sont réservés aux pays dont le risque de surendettement est jugé faible par les analyses effectuées par le FMI et la Banque mondiale et ils ne peuvent en aucun cas être octroyés à des pays n'ayant pas encore franchi toutes les étapes de l'initiative relative aux pays pauvres très endettés (PPTE).

Les conditions financières sont généralement concessionnelles et intègrent, si possible, une dimension contracyclique pour accommoder les chocs susceptibles d'altérer temporairement la capacité de paiement de ces pays. Les prêts au secteur non souverain (notamment aux entreprises publiques) peuvent être autorisés, au cas par cas, y compris dans des pays où le risque de surendettement est jugé moyen, voire élevé, lorsque la rentabilité du projet financé le justifie et lorsque la dette de l'entreprise publique concernée est disjointe de celle de l'État.

Etant donné l'ampleur des besoins et la rareté relative des ressources publiques, l'AFD a donné la priorité aux mécanismes tels que les prêts permettant aux fonds publics d'exercer un effet de levier dans les pays à revenus intermédiaires et émergents ainsi que pour certains secteurs économiques, en particulier pour l'appui au secteur privé.

Comme le souligne le dernier contrôle de la Cour des comptes sur l'AFD d'octobre 2010, « il existe en réalité une interaction étroite entre les trois paramètres que sont les instruments, les cibles géographiques et les secteurs d'intervention. C'est autant par contrainte (réduction des crédits budgétaires) que par choix (recherche d'un effet de levier) que les prêts sont devenus le principal instrument de l'agence, représentant aujourd'hui 87 % de ses engagements . Ayant pour objectif de minimiser le coût-Etat par projet, c'est-à-dire de limiter autant que possible la concessionnalité, l'AFD est conduite à rechercher des emprunteurs solvables, qu'elle trouve plutôt parmi les moins pauvres des pays en développement »

Le développement des prêts a permis, à un moindre coût budgétaire, à l'AFD de s'affirmer comme un véritable outil de présence et d'influence, au service des intérêts français, au-delà de leurs zones traditionnelles.

Au sein d'une communauté des pays en développement de plus en plus différenciée, il a permis de limiter l'effort public dans ses concours au strict minmum nécessaire pour asseoir leur pertinence, notamment dans les pays à revenus intermédiaires.

L'AFD, grâce à ces interventions sous forme de prêts, entretient des liens étroits avec de nombreuses institutions nationales et multilatérales, qui accroissent sa visibilité et ses possibilités d'action en partenariat.

Par ailleurs, l'augmentation de ces prêts génère une croissance de l'APD déclarée au CAD. Ces dernières années, les prêts ont ainsi largement participé, avec les annulations de dettes, à la croissance de l'APD française, comme il a été indiqué précédemment. Ce processus risque néanmoins de s'atténuer au fur et à mesure que les remboursements augmenteront.

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