II. LE SECTEUR « FILIÈRES INDUSTRIELLES ET PME »
A. LA PRIORITÉ « CROISSANCE DES PME »
La faible taille des PME françaises et leur difficulté à « grandir » dans les années qui suivent leur création sont identifiées, depuis plusieurs années, comme des éléments-clé pour expliquer la dégradation du potentiel de croissance et de la compétitivité de la France. C'est en effet à travers le développement rapide des entreprises porteuses de projets techniques et commerciaux innovants que s'opèrent la recomposition du tissu productif national et la réallocation des ressources productives vers les domaines d'activité les plus dynamiques. Faciliter la croissance des PME et des ETI devrait donc avoir un impact macro-économique au niveau du potentiel de croissance.
Même si les causes de la panne de croissance des PME françaises sont multiples, il existe désormais un consensus assez large pour considérer que le principal goulet d'étranglement est lié aux difficultés d'accès aux financements externes, qu'ils soient bancaires ou de marché, de court ou de long terme. C'est pourquoi l'un des axes de la politique économique française consiste à faciliter l'accès de ces entreprises aux capitaux.
Beaucoup a été fait dans ce sens ces dernières années, notamment en utilisant le levier de la dépense fiscale [réforme du crédit d'impôt recherche (CIR), dispositif TEPA-ISF] ou en réorganisant divers opérateurs de l'État (création d'OSEO et du FSI, notamment). Tant du point de vue de la nature des actions engagées que de l'ampleur des moyens mobilisés, le « grand emprunt » se situe donc dans la continuité des réformes structurelles déjà entreprises. Les actions du programme « croissance des PME » s'attachent ainsi, pour l'essentiel, à consolider ou à compléter les dispositifs de financement déjà existants en identifiant les axes stratégiques d'investissement et en renforçant les moyens d'intervention des deux grands opérateurs de l'État que sont le Fonds stratégique d'investissement (FSI) et le groupe OSEO.
1. La création d'un fonds dédié au financement de l'amorçage des entreprises innovantes
L'amorçage est l'un des segments du marché du capital investissement. Ce dernier désigne, de manière générale, l'activité consistant à investir en fonds propres ou en quasi fonds propres dans une société innovante qui a besoin de capitaux pour se développer. L'amorçage correspond au segment amont du capital investissement : il s'adresse à une société qui existe déjà juridiquement, mais qui en est encore au stade de la mise au point du produit (prototype, essais sur l'animal ...), donc avant sa mise en marché. Cette phase, très risquée, s'achève lorsque le produit, enfin élaboré, est commercialisé. Le capital création ou post-création prend alors le relais pour financer les premières phases du développement industriel et commercial. Encore en aval, le capital-développement s'adresse aux entreprises en phase de maturité, qui ont validé le potentiel de leur marché et qui ont besoin de financements, moins risqués mais plus conséquents, pour accélérer leur croissance interne ou externe.
Le segment de l'amorçage est désormais identifié comme le maillon faible de la chaîne du capital investissement, ce qui justifie l'effort supplémentaire consenti dans le cadre du « grand emprunt ». Il existe en effet, un « trou de financement » ( financing gap ) qui correspond à cette phase du cycle de vie des entreprises. D'un côté, les prêts de la famille ou des amis ( love money ) ou l'investissement personnel des business angels permettent de trouver les quelques milliers ou dizaines de milliers d'euros nécessaires au pré-amorçage d'une entreprise innovante, quand l'entrepreneur dispose avant tout d'un projet (une idée de produit susceptible de rencontrer un marché). De l'autre, les investisseurs professionnels, banquiers ou fonds de capital risque, sont en mesure d'apporter des fonds de l'ordre du million d'euros et au-delà aux entreprises en phase de post-amorçage, qui peuvent mettre en avant un produit achevé et des perspectives de débouchés bien identifiées. Cependant, pour des besoins de financement intermédiaires de quelques centaines de milliers d'euros, on constate un manque de financeurs.
Ce niveau de financement excède en effet les capacités d'intervention du love money , tandis que les capital-risqueurs ne souhaitent pas s'y engager car cela ne correspond pas à leur coeur de métier. De fait, l'amorçage exige non seulement des capitaux, ce dont les capital-risqueurs disposent, mais aussi un apport d'expertise technique, juridique et commerciale, ainsi qu'un accompagnement personnalisé du porteur de projet sur une période de plusieurs mois, voire de plusieurs années, ce que les fonds de capital-investissement ne savent généralement pas faire. D'où la nécessité de développer ce métier spécifique de l'amorçage qui mêle apports de fonds, de temps et de savoir-faire.
C'est dans ce but que le projet de loi de finances rectificative pour 2010 propose d'ouvrir un crédit de 400 millions d'euros au FSI fléché vers le financement de l'amorçage, ce qui constitue une somme considérable à l'échelle de ce domaine d'activité. On sait que le FSI, à travers son programme France Investissement, est déjà l'un des acteurs majeurs du marché du capital-investissement, présent théoriquement sur ses différents segments, de l'amorçage au développement. Il est en réalité très peu actif, actuellement, sur l'amont de la chaîne du capital-investissement. La raison en est sans doute que le FSI est avant tout un fonds d'investissement et qu'il ne possède donc pas le savoir-faire très particulier que requiert l'accompagnement d'une entreprise en phase d'amorçage.
Cela explique probablement le choix de la stratégie « indirecte » retenue par les pouvoirs publics pour stimuler l'amorçage. En effet, les nouveaux crédits attribués au FSI sont supposés lui permettre d'alimenter un nouveau fonds national d'amorçage, qui financera à son tour les dispositifs d'amorçage publics existants, qu'ils soient autonomes ou liés aux structures de valorisation de l'innovation placées auprès de grands organismes de recherche. Il ne s'agirait donc pas, pour le FSI, de se substituer aux spécialistes de l'amorçage, mais de s'appuyer sur eux en démultipliant leurs possibilités financières d'intervention.
Juridiquement, ce nouveau fonds national d'amorçage prendra la forme d'un fonds commun de placement à risques (FCPR), dont l'État sera l'unique actionnaire. Au niveau de la gouvernance, le règlement du FCPR déterminera la politique d'intervention, ainsi que les objectifs assignés au fonds national. En outre, dans un souci d'évaluation de l'impact de cette politique, il est prévu qu'à chaque prise de participation dans un fonds d'amorçage, une convention entre le fonds national et le fonds concerné précise les modalités d'un reporting permettant de connaître l'évolution économique des entreprises financées, notamment en termes d'emploi.
Votre rapporteur pour avis se félicite de l'attention portée à la question de l'amorçage. Le développement des entreprises innovantes exige en effet la continuité de la chaîne de financement du capital investissement, du pré-amorçage jusqu'à la prise de relais par les marchés financiers, et donc le comblement du financing gap qui existe actuellement.
Dans la mesure où semble désormais se dessiner un partage clair entre le FSI et OSEO, le premier intervenant en fonds propres à la différence du second, le choix de confier la gestion du fonds national d'amorçage au FSI semble cohérent. Votre rapporteur pour avis note toutefois qu'OSEO, à travers OSEO Innovation, est déjà présent dans le soutien aux start-up dans les phases de pré-amorçage et d'amorçage et qu'il possède l'expertise utile pour identifier et accompagner les projets prometteurs. Cela pose la question du développement des synergies entre OSEO et le FSI sur ce segment précis d'activité.