2. Le recours à un « grand emprunt » engendrera un effet de levier significatif
La légitimité des pouvoirs publics à investir pour favoriser la recherche, l'innovation et, in fine , la croissance, a été théorisée depuis les années 80 par les économistes dits de la « croissance endogène ». Selon ces derniers, l'État peut intervenir dans la sphère économique afin d'y instaurer ou rétablir les conditions de la croissance. Certaines étapes indispensables au processus de production et de création de valeur (recherche, développement, tests...) impliquent en effet des coûts extrêmement élevés que les agents privés ne peuvent supporter à eux seuls du fait de leur incertaine rentabilité, alors même qu'ils engendrent des externalités positives, c'est-à-dire une augmentation du bien-être de l'ensemble de la société.
Ainsi que le souligne la commission Investir pour l'avenir , « l'État a une responsabilité directe en matière d'enseignement supérieur et de recherche publique. Mais sa responsabilité va au-delà. En matière de recherche, d'innovation, de développement de réseaux d'informations, d'efficience énergétique, les investissements ne doivent pas être appréciés au seul regard de leur retour financier direct pour l'investisseur privé. Ces investissements portent en eux des bénéfices pour le reste de la société. L'État doit donc renforcer les incitations à les réaliser. Il peut se porter là où les défaillances de marché sont avérées ».
Cette philosophie générale sous-tend la stratégie liée au « grand emprunt ». Il est ainsi indiqué, dans le dossier de presse du projet de loi, que « l'intervention de l'État est nécessaire pour financer certains projets à haut potentiel pour l'économie » et que « certains investissements lourds ne peuvent pas être réalisés par le secteur privé alors qu'ils génèrent des rendements importants pour l'économie ».
Le « grand emprunt » vise donc à donner une impulsion publique forte pour inverser la tendance française à prendre du retard dans le domaine de l'accumulation des savoirs et de l'innovation, et mettre la France au niveau des standards internationaux les plus élevés. Au total, et selon les documents explicatifs fournis par le ministère en charge de l'économie, les dépenses financées par l'emprunt national augmenteraient la croissance de près de 0,3 points de PIB par an sur la décennie. Ce sursaut de croissance devrait permettre d'accélérer le passage de l'économie française vers une économie de la connaissance où le triptyque recherche/innovation/industrie serait au coeur du développement.
Outre ses effets positifs sur notre trend de croissance et les structures de notre économie, l'effort d'investissement porté par le « grand emprunt » devrait contribuer à « passer le cap » de la crise. Ainsi, sur un plan conjoncturel, les dépenses du « grand emprunt » prennent, dans une certaine mesure, le relais du plan de relance, qui a déjà permis à la croissance de redevenir positive au deuxième trimestre de cette année, ainsi que de la réforme de la taxe professionnelle. « Élément de la stratégie de sortie de crise », le « grand emprunt » vise, selon le Gouvernement, à « assurer une reprise durable à partir de 2010 ».