INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Si le précédent budget s'était inscrit dans une perspective de bouleversements statutaires, le présent projet intervient dans un contexte de consolidation des réformes entreprises depuis plusieurs années et de poursuite de l'objectif de réduction des effectifs voulu par l'exécutif.

En effet, il a été précisé à votre rapporteur qu'il ne sera pas procédé « à un « big bang » statutaire, compte tenu de sa complexité et de son coût, par les effets d'alignement à la hausse qu'il aurait générés ».

Le Gouvernement privilégie aujourd'hui la voie plus pragmatique de la poursuite du mouvement de fusions des corps, initié dès le début des années 1990 et systématisé à partir de 2005. Il lance, dans le même temps, une réflexion sur la place du contrat dans la fonction publique.

Rappelons que le Président de la République avait ouvert le chantier d'une refondation de la fonction publique le 19 septembre 2007 devant les auditeurs de l'Institut régional d'administration (IRA) de Nantes. Le débat national sur la fonction publique lancé le 1 er octobre 2007 par le Premier ministre, dont le présent avis évoquera la traduction au cours de l'année écoulée, s'était achevé par la présentation du Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique confié à M. Jean-Ludovic Silicani.

Ce rapport proposait principalement de simplifier l'organisation statutaire, structurée en corps, en une fonction publique de métiers autour de cadres statutaires regroupés en sept filières professionnelles réparties en quatre niveaux de qualification.

2009 aura connu l'achèvement de l'examen de la loi sur la mobilité et les parcours professionnels dans la fonction publique, conçue tout à la fois comme la boîte à outils de la RGPP (révision générale des politiques publiques) et le remède aux cloisonnements des corps pour « permettre à chaque fonctionnaire de découvrir les différents métiers et les différents territoires de l'Etat » 1 ( * ) . Son objet initial s'est diversifié, enrichi, au cours de la discussion parlementaire, ouvert aux évolutions intervenues depuis le dépôt du projet de loi.

Le présent rendez-vous budgétaire intervient donc dans une période intermédiaire : les dossiers avancent mais il est encore trop tôt pour en évaluer tous les résultats.

Le présent avis examinera successivement la question des suppressions d'emplois (I) et les deux actions du programme 148 de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines (II), pilotée par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Il évoquera, ensuite, l'actualité du domaine (III).

I. LA POURSUITE DE LA DÉCRUE DES EFFECTIFS

Entamée en 2003, la baisse continue du nombre de fonctionnaires d'Etat (évalué en ETP) s'est accélérée en 2008. Elle a poursuivi le même mouvement en 2009 avec la suppression de 30.627 ETP.

En 2010, le plafond des autorisations d'emplois est fixé par l'article 39 du projet de loi de finances à 2.007.745 ETP pour le budget général contre 2.108.123 l'année précédente.

En 2009, plus de 30.600 départs à la retraite ne seront pas remplacés dans les services de l'Etat, soit 45 % des départs à la retraite. Ce taux est porté à 50 % pour 2010 avec près de 34.000 suppressions de postes pour 68.000 départs à la retraite environ (en ETP). Les effectifs de l'État seront réduits d'environ 1,5% : sur la période 2007-2010, ils auront diminué de 100.000.

ETPT et ETP

Les ETPT , contrairement au calcul des effectifs en personnes physiques qui correspondent au nombre d'agents rémunérés quelle que soit leur quotité de travail (partiel, 100 %), résultent des effectifs physiques pondérés par la quotité de travail des agents.

ex : un fonctionnaire travaillant à mi-temps = 0,5 ETPT,

un contractuel employé durant 4 mois à temps plein = 4/12 ETPT mais 0,5 x 4/12 ETPT s'il a alors travaillé à mi-temps.

Les équivalents temps plein emploi ( ETP ou ETPE) mesurent la capacité de travail à un instant donné, c'est-à-dire le nombre de postes de travail susceptibles d'être occupés. Les gestionnaires de personnel établissent, dans les plans de recrutement, leurs prévisions d'entrées et de sorties dans les corps ou catégories d'emploi de la LOLF à partir de cette unité de décompte.

L'emploi public en France
au 31 décembre 2007

- 5.267.932 personnes (4.897.544 ETP) travaillent dans les administrations publiques

- 3.869.567 fonctionnaires (3.693.216 ETP) dont :

Etat : 2.484.484 (2.350.922 ETP)

- titulaires : 1.751.900 (169.422 ETP)

- non titulaires : 334.784 (263.942 ETP)

- ouvriers d'Etat : 47.440 (46.199 ETP)

- militaires et volontaires militaires : 350.360 (350.360 ETP)

territoriale : 1.748.378 (1.590.723 ETP)

- titulaires : 1.329.107 (1.252.314 ETP)

- non titulaires : 363.260 (283.068 ETP)

- assistantes maternelles : 56.011 (55.341 ETP)

hospitalière : 1.035.073 (955.899 ETP)

- titulaires : 788.560 (750.481 ETP)

- non titulaires : 143.665 (131.248 ETP)

- médecins : 102.848 (74.171 ETP)

- 16 % de non titulaires (Etat, territoriale et hospitalière)

Source : Rapport annuel sur l'Etat de la fonction publique (2010)

La décrue programmée pour 2010 était annoncée dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP ) pour les années 2009 à 2012 qui a prévu un effort amplifié en 2010 et 2011 grâce aux gains de productivité dégagés par les réformes intervenant dans le cadre de la RGPP ( cf infra ). Pour l'année 2010, le schéma d'emplois prévu en LPFP a été confirmé par les lettres-plafonds. Le projet de loi de finances pour 2010 intègre donc la suppression de 33.493 ETP (-33.749 ETP y compris les budgets annexes), soit près de 3.000 ETP supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale 2009.

Il a été précisé à votre rapporteur que les économies induites par les schémas d'emplois actualisées sur la base des dernières estimations des coûts budgétaires des agents entrants, et intégrant les « effets extension année pleine » des suppressions de postes de l'année 2008, sont estimées de l'ordre de 770 M€ en 2009 et environ 900 M€ en 2010.

Variation des effectifs en ETP en loi de finances

Source : Ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique
et de la réforme de l'Etat.

N.B. : En 2008, 28 000 postes ont été effectivement non remplacés .

La situation diffère sensiblement d'un ministère à l'autre.

En 2010, rapportés au plafond des autorisations des emplois en LFI 2009, les efforts les plus importants en valeur absolue seront consentis par :

- le ministère de la défense (- 8.250, -2,59 %) ;

- le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche (-730 ETP, - 2,11 %) ;

- le ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat (- 3.020 ETP, soit - 2,03 %) ;

- le ministère des affaires étrangères et européennes (- 302 ETP, soit - 1,90 %) ;

- le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (- 1.294 ETP, soit - 1,84 %).

D'après les renseignements recueillis par votre rapporteur, le taux de non-remplacement des départs à la retraite est supérieur à deux pour trois pour les ministères de la défense, des affaires étrangères ou de l'agriculture.

En revanche, le ministère de la justice et des libertés bénéficie de 400 ETP supplémentaires (+ 0,55 %) qui profiteront principalement à l'administration pénitentiaire.

Pour leur part, les ministères du logement, d'une part, et de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'autre part, seront exemptés de toute suppression de postes en 2010.

Schéma d'emplois au PLF 2010 (en ETP)

Ministères

Plafond des autorisations d'emplois LFI 2009

Solde des

créations et

suppressions

d'emplois

Correction

technique

du plafond

d'emplois

2010

Mesures de

transfert et

de périmètre

Plafond des

autorisations

d'emplois

PLF 2010

Affaires étrangères et européennes

15.866

-255

0

-47

15.564

Alimentation, agriculture et pêche

34.597

-829

0

27

33.795

Budget, comptes publics, fonction publique et réforme de l'État

148.194

-2.871

0

-37

145.286

Culture et communication

11.731

-112

0

- 101

11.518

Défense

318.455

-8.250

0

-643

309.562

Écologie, énergie, développement durable et mer

70.167

-1.346

0

-2.597

66.224

Économie, industrie et emploi

15.702

-302

0

-303

15.097

Éducation nationale

977.863

- 14.093

0

-104

963.666

Enseignement supérieur et recherche

115.509

-281

0

-61.715

53.513

Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire

613

-8

0

10

615

Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

286.825

-3.450

0

-32

283.343

Justice et libertés

72.749

450

0

395

73.594

Santé et sports

6.814

-122

0

-291

6.401

Services du Premier ministre

7.931

74

0

333

8.338

Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville

25.107

-342

-14

-3.522

21.229

Budget général

2.108.123

-31.737

-14

-68.627

2.007.745

Contrôle et exploitation aériens

11734

-125

0

0

11.609

Publications officielles et information administrative

973

-68

0

-7

898

Budget annexes

12.707

-193

0

-7

12.507

Total Etat

2.120.830

-31.930

-14

-68.634

2.020.252

NB : Le plafond d'emplois du ministère du logement et de la ville de la LFI 2009 (3 505 ETPT) a été réparti entre le ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer (pour 3 086 ETPT au titre de la politique du logement) et le ministère du Travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville (pour 419 ETPT au titre de la politique de la ville).

Source : rapport annuel sur l'état de la fonction publique et les rémunérations (2010)

Précisons que le passage à l'autonomie financière de 33 universités à compter du 1 er janvier 2010 et la création des agences régionales de santé entraînent les transferts concomitants vers les nouveaux opérateurs de 60.617 et 3.667 ETPT. En outre, 2.738 ETPT, touchés par des mesures de décentralisation et d'externalisation, concernent pour l'essentiel le transfert aux collectivités locales des personnels du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

• Gains et objectifs des réformes en cours

- réduction de 54 000 postes à horizon 2015 au ministère de la défense ( cf Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale),

- réorganisations administratives (création notamment de la DGFiP -direction générale des finances publiques),

- rationalisation et mutualisation des fonctions support (en particulier fonctions support du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales),

- professionnalisation des achats publics matérialisée par la création du service des achats de l'État, ou encore le redimensionnement de certaines missions ou dispositifs assurés par l'État (suppression de l'activité d'ingénierie concurrentielle, recentrage de la protection judiciaire de la jeunesse).

La démarche entreprise dans le cadre de la RGPP était nécessaire : le rôle de l'Etat a évolué, les méthodes de travail également notamment grâce à l'utilisation des nouvelles technologies, le format des administrations doit être évalué, les missions de leurs agents actualisées. N'oublions pas non plus que la décentralisation initiée en 1982, a conduit au transfert aux collectivités territoriales de compétences d'Etat qui, parallèlement, n'a pas supprimé tous les services correspondants et désormais inutiles. Ces doublons doivent être impérativement supprimés : la réorganisation en cours des services déconcentrés en offre l'heureuse opportunité.

Il n'est pas douteux que des gains de productivité peuvent en résulter, justifiant le non-remplacement de fonctionnaires partant à la retraite.

Votre rapporteur, cependant, estime que cet objectif politique ne doit pas constituer un simple ajustement comptable appliqué forfaitairement. Il faut, au contraire, procéder à une analyse de chaque service pour déterminer les gisements d'économie qui n'altèreront pas la qualité de l'action administrative.

Par ailleurs, les agents doivent être associés et informés sur les restructurations de leurs services et formés à leurs nouvelles tâches. La réforme ne peut pas réussir sans l'adhésion de personnels qui seront amenés à la mettre en oeuvre.

Ce point est crucial à la veille de la réorganisation au 1 er janvier 2010 des services déconcentrés de l'Etat qui emploient 95 % des agents des ministères.

La restructuration des services du Trésor et des impôts est, à cet égard, exemplaire et réussie dans ses résultats par la plus grande lisibilité de ces administrations aux yeux des usagers.

Votre rapporteur souhaite également attirer l'attention sur le rôle d'amortisseur joué par les services publics qu'il convient de conforter en ces temps de crise en irriguant tout le territoire national.

* 1 Cf. Intervention de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, débats Sénat 23 juillet 2009.

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