2. Une pression migratoire toujours forte
La Guyane et la Guadeloupe ont à nouveau connu, en 2007 et au cours de l'année qui s'achève, des entrées irrégulières massives emportant des risques aigus de déstabilisation sociale.
Les indicateurs d'activité des services de l'Etat en matière d'éloignements et d'infractions constatées à la police des étrangers mettent à nouveau en exergue la forte pression migratoire qui s'exerce sur les départements et régions d'outre-mer . Ceux-ci totalisent en effet en 2007 11.300 mesures d'éloignement et 16.095 infractions constatées à la législation sur les étrangers .
La Martinique connaît toujours une immigration clandestine relativement limitée .
La Réunion ne subit pas de pression migratoire forte , bien que la libéralisation des transports aériens avec Madagascar, les Comores et l'île Maurice soit de nature à favoriser l'entrée d'immigrants irréguliers.
A l'inverse, la Guadeloupe , du fait de sa prospérité économique, apparaît de plus en plus exposée à la pression migratoire, notamment en provenance d'Haïti et de La Dominique. L'augmentation de 67 % entre 2005 et 2007 du nombre d'infractions à la législation des étrangers ainsi que des éloignements le montre de manière spectaculaire. Néanmoins, les moyens nouveaux mis en oeuvre pour lutter contre l'immigration clandestine dans ce département (notamment par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration) -qui ont rendu plus efficaces les actions sur le terrain 11 ( * ) - peuvent expliquer une part de la forte progression des chiffres permettant de la mesurer.
La situation reste toujours critique en Guyane , compte tenu de la porosité des frontières avec le Brésil et le Suriname. Ainsi, les Brésiliens ont représenté 48 % du total des reconduites à la frontière en 2006 et les Surinamiens 46 %. Le nombre de délits à la législation des étrangers a encore crû de 11,44 % en 2007, tout comme le nombre d'éloignements pratiqués.
La demande d'asile dans les départements d'outre-mer , parfois utilisée comme un ultime recours par des immigrants de nature économique, est en baisse notable . Ainsi, pour ce qui est des départements français d'Amérique, l'antenne de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de Basse-Terre a reçu 837 demandes, ce qui constitue une baisse de 30 % par rapport à l'année précédente. L'origine de la demande a néanmoins évolué depuis 2006, 52 % des nouveaux demandeurs étant désormais domiciliés en Guyane. Les Haïtiens constituent l'écrasante majorité des demandeurs en Martinique (97,6 %) et en Guadeloupe (90,8 %), mais ne représentent que 41 % des demandes en Guyane où sont désormais représentés les Péruviens (18,6 %) et les Bissau-Guinéens (11,8 %).
Les moyens matériels et humains mis en oeuvre pour lutter contre l'immigration clandestine ont connu de nouvelles évolutions. En particulier, le centre de rétention de Cayenne-Rochambeau, en Guyane , qui n'était plus aux normes et avait de ce fait été déclassé en local de rétention administrative au début de l'année 2007, a fait l'objet des travaux de réhabilitation nécessaires. Il est désormais reclassé en centre de rétention, avec une capacité de 38 places. Compte tenu des besoins, une extension du centre est cependant à l'étude.
Face à cet afflux massif, le Gouvernement a redoublé dans sa volonté de négocier avec les Etats voisins des collectivités ultramarines des instruments internationaux en matière de lutte contre l'immigration irrégulière .
Le Gouvernement souhaite ainsi développer des accords de réadmission au-delà de ceux déjà en vigueur -à savoir ceux conclus avec le Brésil, Sainte-Lucie, la Dominique et l'île Maurice, ce dernier étant entré en vigueur le 3 janvier 2008. En revanche, l'accord conclu avec le Suriname n'est pas encore entré en vigueur en raison du contexte d'instabilité politique que connaît cet Etat. Selon les indications fournies à votre rapporteur pour avis, la ministre des Affaires étrangères du Suriname s'est toutefois engagée, en mai 2008, à relancer dès que possible le processus de ratification de cet accord.
Plusieurs accords de réadmission sont ainsi actuellement en cours de négociation :
- un compromis a été trouvé entre la France et le Guyana sur le projet d'accord datant de 2003. La France a d'ores et déjà mis tout en oeuvre pour qu'un consulat honoraire guyanien ouvre à Cayenne afin de permettre l'éloignement effectif des immigrés clandestins ressortissant de cet Etat. Pour autant, l'absence d'accord n'empêche pas le bon déroulement des fréquentes reconduites vers ce pays ;
- des projets d'accords ont été adressés aux autorités de la Barbade et sont actuellement examinés par son gouvernement ;
- un nouveau projet d'accord a été adressé par le Gouvernement aux autorités de Trinité-et-Tobago. Ces dernières avaient rejeté un précédent projet d'accord, mais pourraient, selon les indications fournies à votre rapporteur pour avis, examiner plus favorablement cette nouvelle mouture.
Le Gouvernement a par ailleurs fait savoir aux autorités d'Antigua, des Bahamas, de la Barbade, de Belize, de Grenade, de Saint-Christophe-et-Niévès ainsi que de Saint-Vincent qu'il conditionnait la possibilité d'exempter leurs ressortissants de visas pour l'entrée sur le territoire national à la conclusion d'accords de réadmission.
De plus, des consultations ont été engagées avec les autorités d'Haïti et des Comores afin d'envisager la conclusion d' accords de gestion concertée des flux migratoires incluant des dispositifs de co-développement et de réadmission.
En outre, à l'occasion de la commission mixte transfrontalière franco-brésilienne du 12 juin 2008, les deux Etats ont convenu de la constitution d'un groupe de travail ad hoc sur l'immigration.
* 11 Notamment la visite sommaire des véhicules en certains points du territoire guadeloupéen (article L. 611-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).