II. ECLAIRAGE SUR DEUX CHANTIERS PRIORITAIRES DE MODERNISATION DE L'ETAT

Votre rapporteur a souhaité, dans le cadre du présent avis budgétaire, faire un éclairage sur deux dossiers essentiels de modernisation du service public : le lancement attendu de la plateforme multipartenaires « mon service public.fr » et l'amélioration de l'accueil téléphonique de l'administration.

A. LE LANCEMENT ATTENDU DE LA PLATEFORME « MON SERVICE PUBLIC.FR »

1. La genèse du projet

Considérant que l'essor d'Internet constituait un enjeu majeur pour notre administration et un puissant levier de réforme de l'Etat , notre pays s'est doté, le 23 octobre 2000, du portail « servicepublic.fr », sous l'égide de la Documentation française, avec un double objectif :

- faciliter l' accès du citoyen à la « littérature grise », c'est-à-dire à l'ensemble des lois, décrets, rapports, études, mais aussi aux annuaires publics, à des fiches pratiques sur les droits des usagers... ;

- améliorer l'interactivité entre l'administration et les usagers par la possibilité, offerte à ces derniers, d'accomplir de nombreuses démarches en ligne : téléchargement de formulaires mais aussi de téléprocédures ou téléservices (démarches intégralement en ligne).

Notre pays a souhaité en 2004 franchir une nouvelle étape dans ce domaine en complétant les services existants de « servicepublic.fr » par la création d'un espace personnel de stockage en ligne permettant, d'une part, de conserver tout document dématérialisé nécessaire à l'accomplissement des démarches administratives, d'autre part, d'éviter de ressaisir les données personnelles à chaque formulaire (principe du « pré-remplissage »).

Comme l'a expliqué M. Arnaud Lacaze, chef du service « Projets » à la DGME lors de sa rencontre avec votre rapporteur, le projet, qui a mis quatre ans pour voir le jour , s'est déroulé en deux phases :


la phase « pilote » (septembre 2004 - septembre 2006), visant à définir les besoins des usagers et à identifier les technologies les plus efficaces mais aussi les plus respectueuses de la confidentialité des données. Nous verrons plus loin que la CNIL a été étroitement associée à cette réflexion.


la phase de mise en oeuvre (septembre 2006 - décembre 2008), consistant à réaliser le site, baptisé « Mon service public ». Interrogé par votre rapporteur sur les raisons qui justifiaient la longueur de cette phase (27 mois), M. Arnaud Lacaze a mis en avant la complexité des différentes technologies mises en oeuvre dans le projet ainsi que le nombre important de prestataires et de partenaires concernés. Il a également reconnu que la transition ADAE-DGME 9 ( * ) avait freiné le lancement des appels d'offres nécessaires.

Il a souligné que le fait d'avoir arrêté très tôt la date de lancement du site, à savoir le 15 décembre 2008 , avait puissamment contribué à mobiliser toutes les équipes vers la réalisation de cet objectif.

2. Un projet conçu autour des besoins des usagers et non des structures administratives

a) Les quatre nouvelles fonctionnalités

« Mon Service Public » offre quatre fonctionnalités nouvelles, sources de simplification pour l'usager :

En premier lieu, comme il l'a été précédemment indiqué, le principal attrait de la plateforme « Mon Service Public » est la possibilité, offerte par l'espace personnel de stockage en ligne , d'utiliser des documents dématérialisés et de faciliter les démarches par le pré-remplissage de formulaires. L'internaute pourra ainsi déposer et conserver des informations (nom/prénom/date de naissance/adresse/téléphone...) ainsi que des documents personnels numériques dans cet espace (extrait d'acte de naissance/pièce d'identité/passeport...). Les informations pourront être automatiquement réutilisées au cours des démarches en ligne lorsque le renseignement de certains champs récurrents est requis. Quant aux documents dématérialisés , ils permettront les échanges de pièces sous forme dématérialisée entre l'usager et les administrations.

La base légale de cette fonctionnalité repose sur l'article 7 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives :

« Il est créé un service public, exploité sous la responsabilité de l'Etat, consistant en la mise à disposition de l'usager d'un espace de stockage accessible en ligne. Cet espace, placé sous le contrôle de son titulaire, ouvert et clos à sa demande, permet à l'usager de conserver et de communiquer aux autorités administratives des informations et documents utiles à l'accomplissement de ses démarches. »

En second lieu, « Mon Service Public » offrira un mécanisme d'authentification unique permettant à un utilisateur d'accéder aux différentes démarches en ligne de son choix, quelle que soit l'administration concernée, sans avoir besoin de saisir les identifiants et mots de passe propres à chacune de ces démarches. Il s'agit d'une mesure de simplification importante, les usagers ayant souvent du mal à retenir l'ensemble de ces données de connexion.

Par ailleurs, la plateforme permettra à l'internaute de personnaliser son espace de navigation grâce à des « favoris » mettant en évidence, par exemple, des organismes locaux ou certaines informations particulières (démarches administratives, contacts administratifs...).

Enfin, le site offrira un suivi de l'ensemble des démarches garantissant à l'usager une vision d'ensemble de l'avancement de toutes ses démarches administratives en cours et des messages envoyés par l'administration.

Un résumé des quatre nouvelles fonctionnalités de « Mon service public »

Source : DGME

b) Une logique d'« événements de vie »

Lors de la démonstration de la plateforme « Mon Service Public » à la DGME, votre rapporteur a pu constater qu'elle avait été opportunément construite selon une logique très fonctionnelle pour l'usager, dite d'« événements de vie ».

Le site est ainsi conçu autour des besoins concrets des usagers (accomplir toutes les démarches suite à un déménagement, un décès, un changement de nom d'usage....) et non des structures administratives concernées qui sont, le plus souvent, méconnues des usagers.

Comme l'a indiqué M. Gilles Lassarre, chef du département « Projets d'Administration Electronique » à la DGME, l'objectif est de « masquer la complexité de l'administration » ou, dit autrement, de la « rendre transparente » , illustrant son propos du schéma ci-dessous :

Source : DGME

Il a ainsi présenté à votre rapporteur, en avant-première 10 ( * ) , la démarche consistant, pour l'usager, à accomplir toutes les démarches nécessaires en cas de changement de noms d'usage . Après avoir interrogé l'usager (« votre changement de nom d'usage fait-il suite à un mariage ? un divorce ? un décès du conjoint ? une adoption ? une décision administrative ?»), le site lui propose d'adresser un formulaire à différents organismes (organismes de protection sociale et bureau du service national) puis de joindre, en version numérique, son extrait d'acte de naissance. Sont alors générés les formulaires correspondants, déjà préremplis si l'usager a enregistré, dans son espace personnel, toutes ses données (nom/prénom/adresse...). Ces formulaires peuvent ensuite être adressés en ligne aux autorités administratives compétentes.

3. Les garanties du projet en termes de protection des données

Soucieuse de la protection des données personnelles , votre rapporteur a souhaité savoir si le site offrait toutes les garanties nécessaires en la matière.

Les représentants de la DGME ont fait valoir que la CNIL avait été, dès le départ de la phase pilote (voir supra ), associée au projet.

En effet, deux services offerts requièrent un niveau de sécurité élevé : d'une part, la gestion d'une identité partagée entre « Mon Service Public » et les sites partenaires, d'autre part l'espace de stockage des informations et des données personnelles des usagers.

Sur le premier point, le site s'appuie sur la technologie « Liberty Alliance » qui garantit à l'utilisateur un accès unifié à des services requérant normalement une identification propre, sans que la plateforme « Mon Service Public » n'ait connaissance de l'ensemble des différents identifiants sectoriels de l'usager . Cette technologie, mise au point par le consortium international éponyme, réunissant des acteurs des mondes industriel, informatique, bancaire et gouvernemental, dont la CNIL , a pour objectif de « définir des protocoles de fédération d'identités dans le respect de la protection des données . »

Sur le second, le site garantit la confidentialité des données enregistrées dans l'espace de stockage en prévoyant qu'aucune autorité administrative ne peut consulter toutes les informations de l'usager. D'une part, les administrations ont seulement accès aux informations et documents dont elles ont à connaître , ceci afin d'exclure un regroupement des données , d'autre part, et en tout état de cause, seul l'usager décide de transmettre à l'administration les données de son espace personnel, autrement dit l'administration ne peut pas « se servir » dans l'espace de l'usager.

Il s'agit là d'une exigence fondamentale posée par l'ordonnance du 8 décembre 2005 précitée :

« Lorsqu'en application d'une disposition législative ou réglementaire, une autorité administrative demande à un usager la communication d'une information, ce dernier peut en autoriser la transmission depuis cet espace à cette autorité. Les autorités administratives ne peuvent se voir communiquer par le biais de cet espace que les informations et documents dont elles ont à connaître. »

Dans un avis rendu le 14 décembre 2005, la CNIL a estimé que le projet « Mon Service Public » était conforme à cette exigence , considérant que, s'il met en place un compte unique qui donne à l'internaute une vision unifiée des services de l'administration, il préserve le cloisonnement des différents organismes entre eux et respecte ainsi l'impératif de confidentialité .

Quant à la protection des données vis-à-vis de personnes privées malveillantes , la DGME a indiqué à votre rapporteur qu'elle était assurée par un ensemble de mesures de sécurité qui ont passé avec succès des « tests d'intrusion » et qu'en tout état de cause, tous les accès, y compris ceux des responsables du site, étaient « tracés » et faisaient l'objet d'un historique consultable par l'utilisateur .

4. Les recommandations de votre rapporteur

a) Évaluer l'impact du projet sur la nature du travail des fonctionnaires

Si votre rapporteur espère que la mise en place du portail « Mon service public » et, d'une manière générale le développement de l'administration électronique, ne s'accompagnera pas de suppressions de postes dans la fonction publique , elle estime qu'en tout état de cause ce mouvement conduit inéluctablement à des évolutions de métier qu'il appartient à l'Etat d' évaluer . Ainsi la fonction d'accueil et de « guichet » est-elle en train de se recentrer sur les publics de « la fracture numérique » et la mission de traitement des demandes transmises par voie électronique tend à se développer, ce qui, dans les deux cas, requiert un effort d'adaptation des fonctionnaires . En contrepartie, l'Etat doit offrir une formation adaptée aux agents concernés par ces évolutions.

b) Créer un espace pour les entreprises

Votre rapporteur s'est étonnée que, tel qu'il va être lancé le 15 décembre 2008, le site ne propose pas d'« espace entreprises » alors que ces dernières expriment régulièrement le besoin de simplification et d'interactivité dans leurs relations avec l'administration.

M. Arnaud Lacaze a indiqué que ce besoin avait, en effet, été identifié et que l'expérience de « Mon service public » allait être mise à profit, dès le début de l'année 2009, afin de construire, dans des délais très brefs, un site dédié aux entreprises .

c) Développer les partenariats, en particulier avec les collectivités territoriales

Votre rapporteur insiste sur le fait que le site « Mon service public » s'analyse comme un « téléservice multipartenaires » et qu'en conséquence son succès est étroitement lié au nombre de partenaires raccordés au dispositif , aux démarches en ligne qu'ils proposent et au niveau d'intégration qu'ils auront retenu.

Au cours du premier semestre 2009, une première série de partenaires issus de la sphère sociale intégrera le dispositif. Il s'agit de :

- la Caisse nationale d'assurance vieillesse ;

- la Caisse nationale d'assurance maladie ;

- la Caisse nationale d'allocations familiales ;

- la protection sociale des métiers agricoles ;

- les organismes gérant la Prestation d'accueil du jeune enfant et le chèque emploi service universel.

La mobilisation de ces organismes, que votre rapporteur salue, tient au fait que, compte tenu de leurs missions, ils entretiennent des relations fréquentes avec les usagers, sont très avancés en termes de services en ligne personnalisés (avec identification) et ont donc rapidement compris l'intérêt du service « Mon service public » pour leurs utilisateurs.

Par ailleurs, votre rapporteur salue le volontarisme de deux acteurs locaux qui rejoindront le site « Mon service public » dès le lancement du site : la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle) et la communauté de communes de Parthenay (Deux-Sèvres).

Soucieuse de la bonne réussite de la plateforme, votre rapporteur souhaite que toutes les autorités administratives, notamment les collectivités territoriales, examinent l'opportunité de la rejoindre le plus rapidement possible et d'y offrir la palette la plus étendue possible de démarches en ligne.

A cet égard, elle compte se rendre en 2009 dans la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy ou la communauté de communes de Parthenay pour comprendre ce que ces structures proposent comme services en ligne et comment ils s'articulent avec la plateforme « Mon service public ».

d) Evaluer régulièrement l'outil du point de vue de sa fonctionnalité et de sa sécurisation

Votre rapporteur souligne l'intérêt d'évaluer régulièrement le site après son lancement, tant du point de vue de sa fonctionnalité que de sa sécurisation .

Sur le premier point, s'il semble, au vu de la démonstration à laquelle a assisté votre rapporteur, que l'interface, intuitive et conviviale, devrait permettre à l'internaute d'arriver à ses fins sans aide extérieure, il reste que la DGME devra être animée par le souci constant d'améliorer l'ergonomie du site, ce qui supposera de prendre en compte les premiers « retours d'expérience » des utilisateurs.

S'agissant des garanties de confidentialité, si votre rapporteur se réjouit que la CNIL ait été si étroitement associée à l'émergence du projet, il n'en demeure pas moins que l'Etat ne devra, en aucun cas, baisser la garde sur cette question fondamentale : le lancement d'une application révèle parfois des failles auxquels les concepteurs n'avaient pas songé lors de la phase d'expérimentation.

L'Etat devra donc faire preuve de la plus grande vigilance ainsi que d'une forte réactivité en cas d'incident.

* 9 Comme indiqué dans la première partie du présent rapport, la DGME est née en 2006 de la fusion de quatre organismes dédiés à la réforme de l'État, dont l'ADAE, l'agence pour le développement de l'administration électronique.

* 10 La DGME a indiqué que votre rapporteur était le premier parlementaire à assister à une démonstration de la plateforme « Mon service public » et à ses nouvelles fonctionnalités.

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