F. UN MODÈLE EN PROFONDE MUTATION
1. La question des droits de scolarité au coeur des Etats généraux de l'enseignement français à l'étranger
Les Etats généraux de l'enseignement français à l'étranger ont réuni à Paris, le 2 octobre 2008, les différents acteurs de l'enseignement français à l'étranger (enseignants, représentants des communautés françaises, administrations et entreprises) pour débattre de la situation et des perspectives du réseau scolaire français à l'étranger, à partir des conclusions de la Commission sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger qui a été remis au ministre des affaires étrangères et européennes le 7 juillet 2008.
Les débats ont été organisés autour de trois thèmes : l'enseignement pour les élèves étrangers, outil d'influence et de rayonnement ; le service de l'éducation aux communautés françaises installées à l'étranger ; les moyens de l'enseignement français à l'étranger.
La prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l'étranger, annoncée par le Président de la République et mise en oeuvre progressivement, a donné lieu à un certain nombre de réflexions menées par la Commission sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger qui s'est réunie de janvier à juin 2008.
La mesure de gratuité, bien qu'égalitaire dans son principe, est susceptible de développer un certain nombre d'inégalités, aussi bien entre élèves français, entre élèves français et étrangers et entre élèves français et élèves ressortissants de l'Union européenne. Il importe donc d'évaluer l'ensemble de ces risques inégalitaires avant d'envisager son extension jusqu'au début de la scolarité obligatoire.
Par ailleurs, la prise en charge des frais de scolarité conduirait à accentuer deux effets d'éviction particulièrement préoccupants .
D'une part, l'augmentation du nombre d'élèves français acceptés dans les établissements d'enseignement français à l'étranger, consécutivement à la prise en charge de leurs frais de scolarité, exercera une forte tension sur la capacité d'accueil des élèves résidents et de pays tiers.
D'autre part, le désengagement des entreprises prenant en charge les frais de scolarité des enfants de leurs cadres expatriés est à craindre, alors même que le montant des frais de scolarité des établissements conventionnés ou homologués, insuffisamment contrôlés par l'État, a tendance à augmenter.
Ambitieuse, la prise en charge des frais de scolarité des élèves français met en lumière l'ampleur des besoins de financement de notre réseau scolaire à l'étranger pour assurer des missions d'un coût croissant : le maintien d'une offre pédagogique de qualité à des communautés françaises à l'étranger en plein développement, le maintien des aides à la scolarité en direction des familles françaises et étrangères à revenus modestes, l'indispensable modernisation des infrastructures, la juste rémunération des personnels quel que soit leur statut.
Ces besoins de financements supplémentaires ne sauraient être mis à la charge des familles, contribuant déjà à hauteur de 64 % du coût du réseau, et certainement pas à la charge des familles d'élèves étrangers, au risque de décourager la mixité culturelle de nos établissements scolaires à l'étranger.
La généralisation de la mesure de gratuité, si elle devait s'étendre jusqu'aux enfants du primaire, devrait s'achever à l'horizon 2018, date à laquelle elle aura produit l'ensemble de ses effets budgétaires pour atteindre quelques 730 millions d'euros.
De plus, la mesure de gratuité exerce une pression très forte à la hausse des demandes de bourses : de plus en plus de familles qui ne s'étaient pas manifestées auparavant pour percevoir des bourses alors même qu'elles y étaient éligibles, en réclament désormais pour leurs enfants scolarisés en primaire et au collège (niveaux pour lesquels les frais de scolarité ne sont pas encore pris en charge) dès lors qu'elles constatent que des familles ne paient plus de frais de scolarité pour leurs enfants scolarisés de la seconde à la terminale.
Selon les données recueillies auprès du ministère des affaires étrangères et européennes, les crédits nécessaires pour financer les bourses et la prise en charge des frais de scolarité à l'étranger devraient atteindre 61,04 millions d'euros en 2010 et 94,04 millions d'euros en 2011, alors que la programmation budgétaire ne prévoit pour ces années que respectivement 40 millions puis 60 millions d'euros.
La recherche de financements auprès des entreprises ne suffira pas à couvrir le coût significatif de l'ensemble des défis qui se posent à notre réseau scolaire à l'étranger. Il appartient donc à l'État de prendre ses responsabilités. Le ministère des affaires étrangères et européennes ne dispose pas des capacités budgétaires nécessaires, le ministère de l'éducation nationale est, quant à lui, insuffisamment mis à contribution. Il convient donc d'envisager une meilleure répartition des charges entre ces deux ministères. Une réflexion doit être menée sur la possibilité d'impliquer plus fortement le ministère de l'éducation nationale dans le budget de l'AEFE.
Dans ces circonstances, l'AEFE réfléchit à d'autres possibilités de financement, notamment le prélèvement d'une contribution de 6 % sur l'assiette des frais de scolarité perçus par les établissements. Or, l'AEFE est parfaitement consciente des risques qu'une telle mesure ferait peser sur ses relations avec les établissements conventionnés, qui auraient tendance à se déconventionner si une telle contribution venait à être mise en oeuvre.