B. LA DÉFISCALISATION
Le dispositif de défiscalisation, institué jusqu'au 31 décembre 2017, accorde aux contribuables domiciliés en France des déductions ou des réductions fiscales pour les investissements effectués outre-mer.
L'ensemble des entreprises exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale est éligible à ce dispositif, à l'exception toutefois du commerce, de la restauration, du conseil, de la recherche et développement, de l'éducation, de la santé, de la banque, de l'assurance, des activités immobilières, de la navigation de croisière, des services aux entreprises, des activités de loisirs, sportives et culturelles, des activités associatives et des activités postales.
La défiscalisation prend deux formes différentes : déduction du résultat imposable pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, réduction fiscale pour les particuliers et pour les entreprises soumise à l'impôt sur le revenu.
Quatre secteurs bénéficient de dispositions particulières : l'hôtellerie, le logement, les énergies renouvelables et les très petites entreprises (TPE).
- En ce qui concerne l'hôtellerie , le taux de défiscalisation est de 70 % pour les travaux de rénovation ou de réhabilitation hôtelière; le taux reste fixé à 50 % ou 60 % pour les constructions neuves. Pour les opérations de rénovation ou de réhabilitation hôtelière, les investisseurs ont, pour une durée de cinq ans, la possibilité d'imputer sur leur revenu global les déficits provenant de l'exploitation des sociétés en nom collectif. Par ailleurs, le plafonnement des amortissements est levé pour les mêmes opérations pour une durée de cinq ans. Le taux de défiscalisation est également porté à 70 % pour l'acquisition de bateaux de plaisance destinés à la location.
- En ce qui concerne le logement , le taux de défiscalisation est fixé à 40 % pour les logements locatifs libres, non soumis à des conditions de ressources et au plafonnement des loyers. Pour les logements destinés à la location intermédiaire, c'est-à-dire soumis à conditions de loyer et de ressources des locataires, il est fixé à 50 %. Pour le propriétaire occupant, le taux de défiscalisation est de 25 %, l'avantage fiscal étant étalé sur une période de dix ans. Par ailleurs, la défiscalisation est augmentée de 10 % pour les logements locatifs situés en zone urbaine sensible et une défiscalisation supplémentaire de 4 % est accordée lorsque les logements sont équipés en énergie solaire. Une autorisation préalable est nécessaire au-delà de 4,6 millions d'euros.
- En ce qui concerne le secteur des énergies renouvelables , les taux de défiscalisation sont majorés de 10 % pour les investissements qui s'y rapportent.
- En ce qui concerne les petites et très petites entreprises , une réduction d'impôts de 50 % est accordée pour les souscriptions au capital de sociétés spécialisées dans le financement d'entreprises exerçant exclusivement leur activité outre-mer dans les secteurs éligibles.
1. Le constat
Seul le rapport d'évaluation de la loi de programme pour l'Outre-mer du CES fournit une évaluation actuelle de la défiscalisation outre-mer.
Evoquant les travaux, et spécialement le rapport établi en 2002 par notre collègue Roland du Luart 1 ( * ) , consacrés à la défiscalisation dans un passé récent, le rapport du CES note que ces diverses études, confirmées par le sentiment des acteurs locaux, admettent globalement que les mesures de défiscalisation mises en oeuvre depuis plus de vingt ans ont été indispensables pour éviter une dégradation de la compétitivité de ces économies. Elles ont en effet permis d'atténuer certains handicaps structurels, de renforcer un secteur marchand traditionnellement nettement distancié par le secteur public et de diversifier l'activité. La loi de programme, considère le CES, a amplifié cette tendance.
2. Les recommandations
La première recommandation du CES est de clarifier l'interprétation de la loi. Il est ainsi demandé que des mécanismes soient mis en place pour mieux identifier la volonté du législateur en ce qui concerne chaque secteur ou chaque mesure et pour inciter de la sorte la direction générale des impôts (DGI) à mieux prendre en compte l'esprit de la loi. Par ailleurs, le CES demande de faciliter les montages fiscaux répondant à un intérêt public, notamment en matière de délégation de service public. Les collectivités locales auraient ainsi la possibilité de mieux utiliser la défiscalisation pour leurs politiques d'équipements publics.
Une deuxième recommandation vise l'aménagement de la procédure d'agrément. Il faut rappeler à cet égard que le seuil général d'agrément obligatoire est fixé à un million d'euros pour les secteurs non sensibles. Les secteurs soumis à une réglementation communautaire (transports, agriculture, pêche maritime et aquaculture) font l'objet d'un agrément au premier euro, de même que les investissements relatifs à des concessions de service public local, à des opérations de rénovation ou de réhabilitation hôtelière, à l'acquisition de bateaux de plaisance destinés à la location. Le CES juge souhaitable d'assouplir la procédure applicable au financement de petits projets, même réalisés dans un secteur sensible. Par ailleurs, estime le rapport, la déconcentration, devrait être accrue et des règles plus claires établies en matière de refus et de délais. Enfin, la traçabilité des opérations réalisées sans agrément devrait être organisée.
Une troisième recommandation concerne le tourisme. Dans ce domaine, il serait souhaitable d'inclure le rachat d'hôtels à rénover dans le champ de la défiscalisation, et le taux de 70 % pourrait être étendu à la rénovation du patrimoine architectural.
La quatrième recommandation, intéressant le secteur du logement, préconise d'orienter d'avantage l'aide fiscale vers les secteurs social et intermédiaire. Dans le secteur libre, le CES propose de favoriser la défiscalisation au profit des logements et des maisons individuelles occupés par leur propriétaire comme résidence principale. Enfin, juge-t-il, le prix de revient du foncier devrait être inclus dans le coût de l'acquisition ou de l'investissement.
Une cinquième recommandation propose d'intégrer de façon plus claire la recherche-développement dans la défiscalisation, en modifiant l'article 199 undecies B du code général des impôts, dont la rédaction est équivoque, afin qu'une entreprise exerçant une activité en secteur éligible bénéficie sans ambiguïté de la réduction d'impôt pour ses investissements en recherche et développement.
Une sixième recommandation se rapporte à l'allongement des délais de rétention des biens défiscalisés, pour éviter la vente au bout de cinq ans de certains biens hors du territoire où il était utilisé, sans renouvellement.
Enfin, une septième recommandation tend à conforter les fonds propres des entreprises en ramenant à 70 % la part obligatoirement affectée à l'acquisition d'immobilisation corporelles, du montant souscrit au capital d'une société éligible à la défiscalisation.
A ces recommandations du CES s'ajoutent celles de la mission d'audit sur la politique du logement social outre-mer, qui consacre un développement substantiel à l'évolution du dispositif de défiscalisation.
Les mesures préconisées par la mission d'audit - les taux de défiscalisation à l'impôt sur le revenu (IR) les plus élevés (50 % actuellement) seraient réservés au secteur locatif social et très social. Un système de bonus/malus pourrait permettre d'encourager les grands appartements, mieux adaptés aux familles des Dom et de favoriser les opérations de mixité sociale, comportant, dans des proportions à définir, mais en tout état de cause majoritaires, des logements à loyers sociaux ; - corrélativement, il conviendrait de réduire de façon significative le taux de défiscalisation accordé aux programmes composés exclusivement de logements intermédiaires et de supprimer le bénéfice de la défiscalisation aux opérations de locatif libre, non intégrées à un programme mixte, ainsi qu'à l'accession à la propriété, ce secteur - qui s'est pour partie développé par contournement du dispositif légal - ayant bénéficié, avec la loi de programme pour l'outre-mer (Lopom), d'un effet d'aubaine ; - cette approche conduit à définir des prix de revient au m 2 différents selon les catégories de logement qu'on souhaite aider. Ces plafonds devraient trouver à s'appliquer à l'ensemble des opérations, à l'IR comme à l'impôt sur les sociétés (IS) ; - sous réserve d'approfondissement, les avantages de taux accordés aux équipements d'économie d'énergie et aux opérations en zones urbaines sensibles (Zus), pourraient être supprimés dès lors qu'ils semblent avoir eu peu d'effet et engendrent un surcoût important. Une plus grande lisibilité du dispositif est attendue de la simplification des incitations. En revanche, la qualité environnementale des projets de construction pourrait constituer une condition de l'agrément ; - comme pour les autres régimes d'aide à l'investissement outre-mer, les subventions devront venir en diminution de la base défiscalisable des opérations à l'IR comme à l'IS ; - actuellement, le coût du foncier est inclus dans le prix de revient défiscalisable, l'objectif étant de maîtriser la dépense fiscale soumise au plafond. Il semble en résulter une pression inflationniste. La question de la sortie du foncier de la base défiscalisable a été soulevée par des interlocuteurs locaux dans l'objectif de mieux réguler le marché. Cependant, dans la perspective d'un recentrage de la défiscalisation sur le logement social, cette question mériterait un examen approfondi ; - outil d'une politique publique, la défiscalisation devrait systématiquement relever d'un agrément, ce qui permettrait de vérifier l'adéquation du programme envisagé avec la politique publique de l'habitat et du logement, conduite dans le département et de s'assurer de la qualité du montage. Tel serait le cas, par exemple, des opérations recourant à des SCI dont l'objet exclusif serait de construire un parc de logements locatifs neufs confié en gestion, pour tout ou partie, aux organismes de logement social. Ceux-ci pourraient d'ailleurs créer leur propre réseau de SCI. Les montages pourraient être normalisés de manière à réduire les coûts de montage et le délai d'agrément. Cette normalisation devrait permettre de déconcentrer l'agrément auprès des services locaux de la DGI, qui bénéficieraient de l'appui des DDE pour apprécier les prix de revient au m 2 . Accessoirement, cet encadrement par l'agrément permettrait pour l'avenir l'évaluation des effets de la défiscalisation ; - la répartition de « l'aide fiscale » issue de la défiscalisation, entre le monteur, le banquier, les investisseurs et l'opérateur de logement social devrait être strictement encadrée de manière à ce que ce dispositif, coûteux pour le budget de l'Etat, bénéficie essentiellement aux opérateurs. Ainsi, au vu de l'examen d'opérations de défiscalisation en cours d'agrément, la dépense pour l'opérateur pourrait être réduite d'environ 25 % à 30 %. Le partage de l'avantage fiscal devrait être organisé par la loi de manière à ce que sa rétrocession puisse être opérée, à hauteur de 70/75 %, au bénéfice de l'opérateur devant exploiter le bien au terme de la période légale de détention par les investisseurs ; - par ailleurs, la question de l'engagement de location pourrait être réexaminée dans la mesure où celui-ci est de cinq ans ou six ans (selon le secteur) dans les Dom mais de neuf ans dans les dispositifs types « Robien », pourtant moins incitatifs ; - enfin, le recours à la défiscalisation pourrait être réservé à la mise en oeuvre de programmes cohérents avec la programmation physique établie par la puissance publique et les organismes de logement social. Un tel avantage - bien entendu soumis à agrément - pourrait notamment être accordé aux opérateurs privés, qui accepteraient de livrer sans marge des logements sociaux et très sociaux, insérés dans des programmes mixtes. Pour faire de la défiscalisation un véritable outil de financement du logement social, utile au développement des Dom, et non un simple outil patrimonial, la mission insiste sur la nécessité de réserver l'aide à un seul ou à un très petit nombre d'objectifs ». |
* 1 Rapport d'information, fait au nom de la commission des finances, sur la défiscalisation dans les départements et les territoires d'outre-mer, n° 51 (2002-2003).