TITRE IV - LUTTE CONTRE LES INCIVILITÉS
Les incivilités désignent les désordres et comportements d'inconduite qui, sans être expressément visés par le code pénal, constituent des manquements aux règles élémentaires de vie en société : nuisances sonores, dégradations, manque de respect.
Dans le présent titre, la référence aux incivilités concerne un ensemble de contraventions déjà inscrites dans le code pénal, et portant atteinte à l'ordre public, à la salubrité publique ou encore aux biens d'une collectivité publique.
Article 26 (art. L. 2212-5, L. 2512-16 et L. 2512-16-1 du code général des collectivités territoriales) - Pouvoirs de constatation des agents de police municipale
Cet article vise à étendre les pouvoirs des agents de police municipale en leur permettant de constater les contraventions relatives à des incivilités.
L'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que le maire est notamment chargé , sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale .
Les domaines dans lesquels le maire exerce ses pouvoirs de police sont définis à l'article L. 2212-2 du même code et comprennent la sûreté et la commodité du passage dans les rues, la répression des atteintes à la tranquillité publique, le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes ou encore « le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces. ».
Le maire confie les tâches relevant de sa compétence aux agents de police municipale qui les exécutent, « dans la limite de leurs attributions et sous son autorité », sans préjudice de la compétence générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale (art. L. 2212-5 du CGCT).
Ces agents exercent leurs fonctions sur le territoire communal, dans les conditions prévues au 2° de l'article 21 du code de procédure pénale. Ils ont donc pour mission, aux termes de cet article et en tant qu'agents de police judiciaire adjoints :
- de seconder les officiers de police judiciaire ;
- de rendre compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance ;
- de constater les infractions à la loi pénale et de recueillir tous renseignements en vue de découvrir les auteurs de ces infractions ;
- de constater par procès-verbal les contraventions aux dispositions du code de la route.
L'article L. 2212-5 du CGCT prévoit en outre qu'ils sont chargés de constater par procès-verbaux les contraventions aux arrêtés de police du maire.
L'article 26 du projet de loi vise à étendre les prérogatives de constatation des agents de police municipale aux contraventions mentionnées au livre VI du code pénal dont la liste serait fixée par décret en Conseil d'Etat, à l'exclusion de celles qui :
- nécessiteraient de leur part des actes d'enquête ;
- réprimeraient des atteintes à l'intégrité des personnes.
Le code de procédure pénale réserve en effet l'exercice de ces deux prérogatives aux officiers de police judiciaire (art. 14, 17 et 19) et aux agents de police judiciaire qui les secondent (art. 20).
La liste des contraventions du code pénal que pourraient constater les agents de police municipale, et que devrait définir un décret en Conseil d'Etat, pourrait ainsi comprendre, notamment :
- la divagation d'animaux dangereux (art. R. 622-2) ;
- les menaces de violences (art. R. 623-1) ;
- les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes (art. R. 623-2) ;
- l'excitation d'animaux dangereux (art. R. 623-3) ;
- la diffusion de messages contraires à la décence (art. R. 624-3) ;
- l'abandon d'ordures et de déchets (art. R. 632-1) ;
- les destructions, dégradations et détériorations légères (art. R. 635-1).
Les trois derniers alinéas de l'article 26 ont pour objet d'appliquer la même extension des pouvoirs de constatation à la ville de Paris , soumise à un régime spécifique en matière de police.
En effet, l'arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII, dont la plupart des dispositions sont toujours en vigueur, confie au préfet de police des pouvoirs de police générale qu'il exerce au nom de l'Etat, ainsi que des pouvoirs de police municipale.
Toutefois, la loi n° 86-1308 du 29 décembre 1986 portant adaptation du régime administratif et financier de la ville de Paris a confié au maire de Paris certaines compétences de police municipale en matière de salubrité sur la voie publique, de bruits de voisinage ou encore de maintien du bon ordre dans les foires et marchés (art. L. 2512-13 du CGCT).
Ainsi, aux termes de l'article L. 2512-16 du CGCT, les agents de la ville de Paris chargés d'un service de police , dûment agréés par le procureur de la République et assermentés, sont autorisés à constater par procès-verbal les contraventions aux arrêtés de police du maire de Paris pris dans ces domaines.
Aussi l'article 26, quatrième alinéa, du projet de loi vise-t-il à modifier l'article L. 2512-6 pour permettre aux agents de la ville de Paris de constater par procès-verbal les contraventions dont la liste est renvoyée à un décret, dès lors qu'elles n'appellent aucun acte d'enquête de leur part et qu'elles ne répriment pas des atteintes à l'intégrité des personnes.
Le dernier alinéa de cet article tend à attribuer la même compétence aux agents de surveillance de Paris placés sous l'autorité du préfet de police, en modifiant l'article L. 2512-16-1 du CGCT.
Ces agents ont déjà la possibilité de constater par procès-verbal les contraventions aux arrêtés de police du préfet de police et du maire de Paris relatifs au bon ordre, à la tranquillité, à la sécurité et à la salubrité sur la voie publique.
Votre commission juge inopportune l'extension des prérogatives des agents de police municipale à la constatation des contraventions pouvant être rassemblées sous l'appellation d'incivilités.
Elle vous soumet par conséquent un amendement de suppression de l'article 26 .
Article 27 (art. 44-1 du code de procédure pénale) - Compétence du maire pour proposer une transaction
Cet article tend à attribuer au maire, pour les contraventions relatives à des incivilités, lorsqu'elles ont porté préjudice à un bien de la commune, la possibilité de proposer au contrevenant une transaction.
A cette fin, il tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 44-1 , complétant la section 3 du chapitre II du titre Ier de ce code, relative aux attributions du procureur de la République.
Ce nouvel article 44-1, visant à associer les maires à la sanction des actes d'incivilité et à développer dans ce domaine des alternatives aux poursuites, viendrait ainsi compléter les prérogatives du parquet.
Celles-ci se sont en effet enrichies de mesures alternatives aux poursuites consacrées par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale.
Développées notamment pour réduire le nombre de classements sans suite en matière de délinquance, ces procédures alternatives comprennent, d'une part, les mesures définies par l'article 41-1 du code de procédure pénale , telles que le rappel à la loi, l'orientation vers une structure sanitaire, la mise en demeure de régulariser, la médiation et la réparation des dommages.
Le procureur de la République peut, avant de décider d'engager l'action publique, choisir ces mesures si elles lui paraissent « susceptibles d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits ».
D'autre part, l'article 41-2 du code de procédure pénale permet au procureur de la République de proposer à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, une composition pénale , consistant par exemple à verser une amende de composition au Trésor public ou à accomplir au profit de la collectivité un travail non rémunéré pour une durée maximale de soixante heures. Après avoir été acceptée par l'auteur des faits, la proposition de composition pénale est transmise aux fins de validation à un magistrat du siège. L'exécution de la composition pénale a pour effet d'éteindre l'action publique.
Cette procédure a été enrichie et simplifiée depuis 1999 par les lois n° 2002-1038 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice et n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
La transaction pénale qui, à la différence de la composition pénale proposée par le procureur de la République, est proposée par une autorité administrative 99 ( * ) , est possible dans certains contentieux spécifiques. Son exécution peut entraîner l'extinction de l'action publique 100 ( * ) .
L'article 27 du projet de loi tend à transposer ce type de procédure alternative aux poursuites aux contraventions que pourraient constater les agents de police municipale en application des dispositions prévues à l'article 26.
Le maire deviendrait en outre un acteur de la transaction , dans l'hypothèse où les faits ont été commis au préjudice de la commune.
En effet, le premier alinéa du nouvel article 44-1 du code de procédure pénale permettrait-il au maire, pour les contraventions que les agents de police municipale seraient habilités à constater, lorsqu'elles sont commises au préjudice de la commune au titre de l'un de ses biens, de proposer au contrevenant une transaction consistant en la réparation de ce préjudice.
Cette transaction devrait être homologuée par le procureur de la République ou, sous son contrôle, par son délégué 101 ( * ) , et éteindrait l'action publique. Le pouvoir de transaction du maire serait donc soumis au contrôle du ministère public.
Aussi convient-il de rappeler qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du CGCT, la police municipale, dont le maire a la charge 102 ( * ) , comprend notamment tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, ce qui inclut « le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage », ainsi que le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique.
Ces matières recouvrent sensiblement les contraventions que pourraient constater les agents de police municipale.
Le deuxième alinéa du nouvel article 44-1 vise à prévoir que la transaction puisse également consister en l'exécution, au profit de la commune, d' un travail non rémunéré pendant une durée maximale de trente heures . Elle devrait alors être homologuée par le juge des libertés et de la détention, qui saisirait le procureur de la République.
Enfin, pour les contraventions qui n'auraient pas été commises au préjudice de la commune mais sur son territoire , le troisième alinéa du nouvel article 44-1 permettrait au maire de proposer au procureur de la République de procéder :
- soit à une des mesures alternatives aux poursuites prévues par l'article 41-1 du code de procédure pénale (cf. supra) ;
- soit à une composition pénale en matière de contraventions , dans les conditions définies par l'article 41-3 du même code. La composition pénale peut alors consister, notamment, en un travail non rémunéré d'une durée maximale de 30 heures. Elle ne peut consister en une mesure privative de liberté telle que l'interdiction de paraître ou de quitter le territoire national.
La procédure de composition pénale appliquée aux contraventions est en outre soumise à l'homologation du juge du tribunal de police ou du juge de la juridiction de proximité 103 ( * ) .
L'avant-dernier alinéa du nouvel article 44-1 tend à rendre ce dispositif applicable aux contraventions que pourraient constater les agents de la ville de Paris chargés d'un service de police et les agents de surveillance de Paris, dans les termes prévus par l'article 27 du projet de loi.
Enfin, le dernier alinéa du nouvel article 44-1 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition des conditions d'application de cet article. Ce décret devrait notamment prévoir que la personne à qui est proposée une transaction peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition du maire ou du procureur de la République.
Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, troisième alinéa, de la Constitution, ont été retenus deux amendements rédactionnels présentés par M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Votre commission considère que l'attribution d'un pouvoir de transaction pénale au maire accroîtrait la complexité de ses missions . Elle estime que le maire ne dispose pas, à l'heure actuelle, des moyens nécessaires à l'exercice d'une telle prérogative.
Votre commission vous soumet en conséquence un amendement de suppression de l'article 27.
Par cohérence avec ses amendements tendant à supprimer les articles 26 et 27 du projet de loi, votre commission vous soumet un amendement de suppression du titre IV relatif à la lutte contre les incivilités.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations, et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi pour l'égalité des chances dont elle s'est saisie.
* 99 Délits et contraventions commis dans les bois et forêts soumis au code forestier (art. L. 153-2 du code forestier) ; délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce.
* 100 Cf. art. 6 du code de procédure pénale.
* 101 Les délégués du procureur sont habilités dans les conditions prévues par le décret n° 2001-71 du 29 janvier 2001, modifié par le décret n° 2004-1021 du 27 septembre 2004, ces dispositions étant codifiées aux articles R. 15-33-30 à R. 15-33-37 du code de procédure pénale. Les personnes physiques ou morales dûment habilitées par le procureur de la République ou par le procureur général, selon qu'elles interviennent dans le ressort du tribunal de grande instance ou dans celui de la cour d'appel, peuvent être désignées pour effectuer les missions prévues par les articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale, relatifs à la procédure de composition pénale.
* 102 Art. L. 2212-1 du CGCT.
* 103 Selon la nature de la contravention (art. 41-3 du code de procédure pénale).