Avis n° 214 (2005-2006) de M. Jean-René LECERF , fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 février 2006
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
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EXPOSÉ GÉNÉRAL
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I. BILAN D'ÉTAPE DE LA LUTTE CONTRE LES
DISCRIMINATIONS EN FRANCE
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A. DES COMPORTEMENTS RÉPANDUS, SOUVENT
DÉNIÉS
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B. LA NÉCESSITÉ DE RENDRE PLUS
EFFECTIVES LES DISPOSITIONS SANCTIONNANT LES DISCRIMINATIONS
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C. LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES
DISCRIMINATIONS, UN AN APRÈS SA CRÉATION
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D. LA MOBILISATION DES POUVOIRS PUBLICS ET LA
MULTIPLICATION DES INITIATIVES PRIVÉES
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A. DES COMPORTEMENTS RÉPANDUS, SOUVENT
DÉNIÉS
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II. LE PROJET DE LOI : LE CHOIX D'UN
RENFORCEMENT DES POUVOIRS DE SANCTION PARA-JURIDICTIONNELS
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III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS :
RENFORCER LA COHÉRENCE DE CERTAINS DISPOSITIFS PROPOSÉS
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A. DOTER LA HALDE D'UN POUVOIR DE TRANSACTION
PÉNALE RESPECTUEUX DES MISSIONS DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE
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B. PERMETTRE ET ENCADRER LA MESURE DE LA
DIVERSITÉ
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C. ASSORTIR LE CONTRAT DE RESPONSABILITÉ
PARENTALE D'UN DISPOSITIF DE SANCTION ADAPTÉ
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D. SUPPRIMER L'ATTRIBUTION D'UN POUVOIR DE
TRANSACTION AU MAIRE EN MATIÈRE D'INCIVILITÉS
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A. DOTER LA HALDE D'UN POUVOIR DE TRANSACTION
PÉNALE RESPECTUEUX DES MISSIONS DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE
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I. BILAN D'ÉTAPE DE LA LUTTE CONTRE LES
DISCRIMINATIONS EN FRANCE
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EXAMEN DES ARTICLES FAISANT L'OBJET DU PRESENT
AVIS
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TITRE II - MESURES RELATIVES À
L'ÉGALITÉ DES CHANCES ET À LA LUTTE CONTRE LES
DISCRIMINATIONS
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SECTION 2 - Renforcement des pouvoirs de la Haute
autorité de lutte contre les discriminations et pour
l'égalité (HALDE)
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Article 19 (art. 11-1 à 11-3 nouveaux de
la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004)
Pouvoirs de sanction de la HALDE
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Article 20 - Recommandations relatives à
la suspension des agréments et autorisations délivrés par
des autorités publiques
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Article 21 - Reconnaissance du
« testing » comme mode de preuve des comportements
discriminatoires
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Article 22 - Extension aux collectivités
d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et
antarctiques françaises
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Article additionnel après l'article 22 -
Mesure de la diversité des origines au sein des personnes morales
publiques et privées
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SECTION 2 - Renforcement des pouvoirs de la Haute
autorité de lutte contre les discriminations et pour
l'égalité (HALDE)
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TITRE III - CONTRAT DE RESPONSABILITÉ
PARENTALE
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TITRE IV - LUTTE CONTRE LES
INCIVILITÉS
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ANNEXES
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ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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ANNEXE 2 - COMPTE-RENDU DES AUDITIONS DE LA
COMMISSION DES LOIS
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ANNEXE 3 - COMPOSITION DU COMITÉ
CONSULTATIF AUPRÈS DE LA HALDE
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ANNEXE 4 - LISTE DES AMENDEMENTS
PRÉSENTÉS PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS
N° 214
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 février 2006 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi pour l' égalité des chances , CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE AUX TERMES DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE,
Par M. Jean-René LECERF,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (12ème législ.) : 2787, 2825 et T.A . 534
Sénat : 203, 210, 211, 212 et 213 (2005-2006)
Solidarité nationale. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSIONAprès avoir procédé à des auditions, le 8 février 2006, la commission des lois, réunie le mercredi 22 février 2006, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Jean-René Lecerf , les articles 19 à 22 et 24 à 27 du projet de loi n° 203 (2005-2006) pour l'égalité des chances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, troisième alinéa de la Constitution, après déclaration d'urgence. Le rapporteur pour avis, dressant un bilan d'étape de l'activité de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) depuis son installation en avril 2005, a indiqué que cette instance avait engagé à ce jour quatre procédures de médiation et adopté une quinzaine de recommandations. Il a souligné les fortes attentes exprimées par les associations à l'égard d'une meilleure réactivité de la HALDE et d'une plus grande visibilité de son action. M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis , a indiqué que les dispositions examinées par la commission des lois comportaient notamment la consécration du « testing », reconnu comme mode de preuve des discriminations par la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 2000. La commission a adopté neuf amendements tendant à : 1/ Doter la HALDE d'un pouvoir de transaction pénale respectueux des missions du juge judiciaire Elle a tout d'abord estimé que l'exercice par la HALDE d'un pouvoir de sanction pécuniaire en matière de discrimination dans les conditions prévues par le projet de loi empièterait nécessairement sur les missions du juge judiciaire et porterait atteinte à la séparation des pouvoirs. Elle a considéré que le dispositif envisagé excèderait par ailleurs les attributions reconnues jusqu'à ce jour aux autorités administratives indépendantes. Souhaitant néanmoins assurer une sanction plus effective des délits de discrimination , elle a adopté un amendement tendant à attribuer à la Haute autorité un pouvoir de transaction pénale . Ce pouvoir permettrait à la HALDE de proposer à l'auteur d'une discrimination une transaction consistant à verser une amende, à réparer le préjudice et, le cas échéant, à afficher ou à diffuser la décision. Cette transaction serait soumise à l'homologation du procureur de la République (article 19). 2/ Permettre et encadrer la mesure de la diversité Considérant que de nombreuses entreprises souhaiteraient mesurer la diversité des origines au sein de leurs effectifs et sont aujourd'hui conduites à le faire en dehors de tout cadre de référence, voire sans respecter la législation, la commission a souhaité pallier cette lacune signalée par la CNIL en juillet 2005. Elle vous propose donc un amendement prévoyant que la HALDE, l'Institut national de la statistique et des études économiques et l'Institut national des études démographiques élaborent un cadre de référence , pour l'élaboration de statistiques relatives aux personnes susceptibles d'être discriminées en raison de leur appartenance raciale ou ethnique. Les personnes morales, publiques et privées, seraient tenues d'utiliser ce cadre de référence et de recourir à une procédure d'anonymisation reconnue conforme par la CNIL. Celles dont les effectifs comptent moins de 150 personnes ne pourraient procéder ou faire procéder à des traitements de données à des fins de mesure de la diversité des origines (article additionnel après l'article 22). 3/ Renforcer la cohérence du contrat de responsabilité parentale Elle a ensuite souhaité permettre au président du conseil général de disposer d'une marge d'appréciation quant à la mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale. Elle vous propose par conséquent un amendement précisant que le président du conseil général a la faculté et non l'obligation de proposer un tel contrat lorsqu'il est saisi par l'inspecteur d'académie, le préfet, le chef d'établissement, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales ou le maire (article 24). Elle a estimé que l'exercice par le président du conseil général d'une prérogative lui permettant de demander la suspension du versement des prestations familiales en cas de manquement à un contrat de responsabilité parentale présenterait d'importantes difficultés d'application, la caisse d'allocations familiales étant un organisme placé sous la tutelle de l'Etat. Elle vous propose donc un amendement tendant à supprimer la possibilité pour le président du conseil général de demander la suspension du versement des prestations familiales . Considérant que la création du contrat de responsabilité parentale constitue une extension des compétences du département, elle vous soumet un amendement tendant à prévoir le versement par l'Etat d'une compensation financière aux collectivités qui le mettront en oeuvre. 4/ Supprimer l'attribution de nouveaux pouvoirs à la police municipale et au maire Jugeant inopportunes l'extension des prérogatives de la police municipale en matière de contravention et l'attribution aux maires d'un pouvoir de transaction pénale pour les actes relevant d'incivilités, elle vous propose de supprimer les articles 26 et 27 du projet de loi. Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle a adoptés, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi dont elle est saisie. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
L'article 1 er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ».
Dans la lignée de ce principe de valeur constitutionnelle, le législateur a adopté de nombreux textes visant à rendre effective l'égalité des droits, tels que la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations et, plus récemment encore, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
L'action politique doit en effet se donner pour objectif d'offrir à tous les mêmes chances, c'est-à-dire d'assurer à chaque citoyen une liberté réelle égale.
Après les violences urbaines du mois de novembre 2005, l'égalité des chances, déclarée grande cause nationale de l'année 2006, constitue une priorité de l'action des pouvoirs publics.
Le développement et l'aggravation de certaines inégalités représentent aujourd'hui une menace pour la cohésion sociale. Ces inégalités ne tiennent pas seulement à des différences de revenus, mais à la fragilisation des liens fondamentaux qui font de chaque personne un élément du corps social, tels que l'éducation ou l'accès à l'emploi.
Quand de tels liens sont menacés, voire dissous, l'égalité des droits risque d'être perçue comme une simple déclaration de principe.
Comme l'analysait le Conseil d'Etat en 1996, lorsque l'égalité est compromise par la précarisation d'une partie de la population et particulièrement de la jeunesse, elle ne peut être confortée que par une conception plus active de la solidarité 1 ( * ) .
Aussi le Sénat est-il appelé à examiner en première lecture, après déclaration d'urgence, le projet de loi pour l'égalité des chances 2 ( * ) , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, troisième alinéa, de la Constitution, le 9 février 2006.
Ce texte a été renvoyé, pour son examen au fond, à la commission des affaires sociales qui a désigné notre collègue Alain Gournac en qualité de rapporteur.
Votre commission des lois a décidé de se saisir pour avis des dispositions relatives à la protection des libertés publiques, aux compétences des collectivités locales et au droit pénal, qui relèvent de son champ de compétence. Les commissions des finances, des affaires économiques et des affaires culturelles se sont également saisies pour avis de certaines dispositions de ce projet de loi.
Sont ainsi examinés dans le présent rapport :
- les articles 19 à 22 , tendant à renforcer les pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ainsi qu'à consacrer le « testing » comme mode de preuve des comportements discriminatoires ;
- les articles 24 et 25 , relatifs au contrat de responsabilité parentale ;
- les articles 26 et 27 , visant à renforcer les pouvoirs des maires dans la lutte contre les incivilités.
*
Après avoir rappelé la spécificité des comportements discriminatoires, et dressé un bilan d'étape de la lutte contre les discriminations dans notre pays, quatorze mois après l'adoption définitive de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), votre rapporteur présentera les dispositions du projet de loi pour l'égalité des chances dont votre commission des Lois s'est saisie pour avis, ainsi que les amendements que votre commission soumet au Sénat.
*
* *
I. BILAN D'ÉTAPE DE LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS EN FRANCE
La discrimination n'est pas une simple atteinte au principe d'égalité. Celui-ci peut en effet admettre des différences de traitement fondées sur des différences de situation concrètes ou justifiées par des motifs d'intérêt général, en rapport avec l'objet ou le but de la loi ou du règlement qui l'établit 3 ( * ) .
La discrimination est une différence de traitement arbitraire, illégitime et contraire au droit .
A. DES COMPORTEMENTS RÉPANDUS, SOUVENT DÉNIÉS
1. Des comportements répandus
Les phénomènes discriminatoires sont ténus et parfois imperceptibles, mais bien réels. Ils peuvent être identifiés dans nos activités les plus quotidiennes.
Ainsi, M. Arnaud de Broca, conseiller technique de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), membre du comité consultatif de la HALDE, a indiqué à votre rapporteur que l'on ne voyait jamais une personne handicapée participer à un jeu télévisé en France, alors que cela arrivait couramment en Italie.
Par ailleurs, l'étude conduite par Mme Nora Barsali sur l'insertion professionnelle des apprentis 4 ( * ) issus de l'immigration montre que les discriminations sont souvent déniées, voire acceptées , le directeur d'un centre de formation par l'apprentissage considérant par exemple que « cela fait partie du paysage ».
Mme Nora Barsali a indiqué à votre rapporteur que le discours institutionnel récusant les présomptions de discrimination tendait à reprendre les arguments avancés par certaines entreprises, réticentes à recruter un apprenti issu de l'immigration au prétexte du racisme ambiant ou de comportements inappropriés d'un ancien employé, ou parce que cela ne plairait pas à sa clientèle.
A cet égard, votre rapporteur souligne que nous ne mesurons sans doute, par exemple par le nombre de saisines de la Haute autorité 5 ( * ) , qu'une part infime des phénomènes discriminatoires dans notre pays.
M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, a d'ailleurs déclaré devant votre commission que le nombre de ces saisines reflétait moins la fréquence des discriminations, que le nombre de personnes se percevant comme victimes de discriminations.
La perception des discriminations pose par ailleurs le problème de l'« invisibilité statistique » 6 ( * ) des populations qui en sont potentiellement victimes et, en particulier, des « minorités visibles ». En effet, si des statistiques permettent de montrer les disparités entre les hommes et les femmes, ou entre les personnes handicapées et les personnes valides dans le monde du travail, de telles données font défaut pour apprécier l'impact des discriminations à raison de l'origine ou de l'appartenance ethnique.
Les travaux conduits par un nombre croissant de chercheurs permettent cependant de mesurer progressivement l'ampleur des discriminations.
Ainsi, selon une donnée statistique établie en 1996, le taux de chômage des jeunes âgés de 22 à 29 ans dont les deux parents sont nés en Algérie s'élève à 42 % pour les hommes contre 11 % en moyenne pour l'ensemble de la population 7 ( * ) .
En outre, une étude fondée sur l'enquête « génération 98 » réalisée par le Centre d'Etudes et de Recherches sur les qualifications (CEREQ) en 2001 8 ( * ) , montre qu'à cette date :
- le taux d'accès à l'emploi était de 80 % pour les jeunes d'origine française et de 64 % pour ceux d'origine maghrébine ;
- chez les hommes, l'écart entre les taux d'accès à l'emploi était de 15 points en faveur des français d'origine ;
- chez les femmes, l'écart entre les taux d'accès à l'emploi était de plus de 17 points en faveur des françaises d'origine ;
- le taux d'accès au CDI parmi les populations d'actifs occupés s'élevait à 73,7 % pour les jeunes d'origine française et à 60,7 % pour ceux d'origine maghrébine.
La société française a longtemps refusé de considérer l'ampleur des phénomènes discriminatoires qui touchent, en particulier dans le monde du travail, les personnes d'origine immigrée « et plus généralement tous ceux, français ou étrangers, que la couleur de leur peau distingue, aux yeux de la majorité, du français «de référence» » 9 ( * ) .
Votre rapporteur souligne que, comme le montrent les études conduites par l'Observatoire des discriminations, la discrimination à raison de l'origine se double souvent d'une discrimination à raison du lieu de résidence, fondée sur les mêmes représentations.
Lors de son audition devant votre commission, M. Jean-François Amadieu, directeur de cet observatoire, a par ailleurs souligné que beaucoup d'employeurs, y compris de grandes entreprises, et les cabinets de conseil en recrutement, ignoraient souvent les dispositions sanctionnant les discriminations, et pour la plupart exposaient leur politique discriminatoire dans des documents écrits, tels que des offres d'emploi mentionnant des conditions d'âge. Il a estimé qu'il était dès lors difficile d'appliquer brusquement des sanctions pénales, tout en soulignant l'effectivité d'une information pédagogique effectuée auprès de tels employeurs.
2. Des phénomènes difficiles à prouver et à mesurer
La pratique du « testing » est apparue face à la difficulté de prouver le mobile discriminatoire. Elle est également utilisée, depuis quelques années, à des fins scientifiques de mesure des comportements discriminatoires. Cette méthode apparaît d'ailleurs particulièrement adaptée pour mettre en évidence les phénomènes de discrimination à l'embauche.
a) Le « testing » comme méthode scientifique d'appréciation des phénomènes discriminatoires
M. Jean-François Amadieu, directeur de l'Observatoire des discriminations, a déclaré devant votre commission que le « testing » était une pratique ancienne, utilisée dès les années 1960 au Royaume-Uni, et dont le Bureau international du travail (BIT) avait formalisé une méthode en 1992.
L'objet du « testing » est de constater l'attitude adoptée par le personnel d'une entreprise ou d'un service selon les caractéristiques des personnes qui se présentent pour obtenir un emploi, un logement ou la fourniture de biens ou de services. A cet effet, l'initiateur du « testing » compose des groupes de personnes correspondant à différents critères de discriminations et compare les résultats obtenus avec ceux d'un groupe ne comportant pas ces critères.
Utilisée à des fins de mesure et d'étude des comportements discriminatoires, en particulier dans le domaine du travail, la méthode du « testing » consiste à répondre à des offres d'emploi en envoyant des candidatures qui ne diffèrent que sur un point correspondant à la variable à tester.
Dans l'enquête conduite en 2004 par l'Observatoire des discriminations sous la direction du professeur Jean-François Amadieu, fondée sur des réponses à 258 offres d'emploi, il apparaissait que le candidat handicapé recevait 15 fois moins de réponses positives qu'un candidat de référence, un homme d'origine marocaine 5 fois moins, et un candidat âgé de 50 ans près de 4 fois moins 10 ( * ) .
M. Jean-François Amadieu a indiqué à votre commission qu'une étude réalisée en 2005 avait montré qu'une femme maghrébine résident à Trappes recevait, en dépit d'un meilleur curriculum vitae, trois fois moins de propositions d'entretien d'embauche, alors qu'elle aurait dû, en toute logique, en recevoir davantage que le candidat de référence.
Le « testing »
réalisé en 2005
Dans une enquête conduite en 2005, l'Observatoire des discriminations a souhaité prolonger son étude réalisée en 2004, en vérifiant notamment : - ce qui se passait lorsque les candidats parvenaient jusqu'à l'entretien d'embauche ; - si la discrimination demeurait aussi forte lorsque la caractéristique pouvant conduire au rejet du candidat n'apparaissait pas sur son curriculum vitae (CV) mais était révélée lors de l'entretien. Les candidats qui se sont présentés aux entretiens d'embauche étaient des acteurs professionnels, spécialement formés afin d'assurer des prestations similaires. Les emplois convoités consistaient en des postes de commerciaux de niveau bac + 2. Les six candidats présentaient les caractéristiques suivantes : - un homme blanc de peau de 33 ans ; - un homme âgé de 50 ans ; - un homme de couleur originaire des Antilles ; - un homme handicapé (handicap visible mais non invalidant) ; - un homme d'apparence obèse ; - une femme d'origine maghrébine. L'Observatoire a répondu entre février et mars 2005 à 325 offres d'emploi (soit 1.950 CV et lettres de candidature), en choisissant de ne pas mentionner la caractéristique du candidat handicapé dans son CV. En outre, le CV de la candidate femme d'origine maghrébine était délibérément amélioré. Les 272 réponses positives se répartissaient ainsi :
Les deux candidats dont le CV ne faisait pas apparaître de caractéristique potentiellement discriminante ont reçu 54 % des réponses positives. Les trois candidats obtenant des scores significativement inférieurs sont le candidat obèse, la candidate d'origine maghrébine et le candidat âgé de 50 ans. Ainsi, comme l'écrit Jean-François Amadieu, bien que ses compétences, à la lecture du CV, soient supérieures à celles des autres, on ne donne guère de chances à la candidate d'origine maghrébine de passer un entretien. En outre, il apparaît que le phénomène discriminatoire est plus fort de la part des entreprises situées à Paris même plutôt qu'en région parisienne. Répartition des taux de succès à l'entretien d'embauche 12 ( * ) : - homme blanc de peau de 33 ans : 91,66 % ; - homme handicapé : 46,66 % ; - homme âgé de 50 ans : 20 % ; - femme d'origine maghrébine : 66,66 % - homme de couleur d'origine antillaise : 0 % 13 ( * ) Ces résultats montrent que les freins à l'embauche dus à des discriminations jouent plus fortement lors de la sélection des CV que lors de l'entretien d'embauche. M. Jean-François Amadieu en conclut que « l'anonymisation des CV semble pouvoir incontestablement bénéficier aux candidats ». |
b) Le « testing », mode de preuve reconnu par le juge pénal
En France, les premières mises en oeuvre du « testing » visant à apporter la preuve d'une discrimination ont eu lieu au début des années 2000, à l'initiative d'associations telles que SOS Racisme.
Ce mode de « vérification à l'improviste » a alors été utilisé pour prouver le comportement discriminatoire de certains « physionomistes » à l'entrée de discothèques.
Se prononçant sur un pourvoi de l'association SOS Racisme contre un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier l'ayant déboutée au motif que les moyens de preuve produits auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, la Cour de cassation a validé le « testing » comme mode de preuve 14 ( * ) .
Le procédé utilisé en l'espèce, dans les deux discothèques mises en cause, avait consisté à présenter à l'entrée de ces établissements trois groupes de personnes, l'un composé de deux hommes et une femme d'origine maghrébine, l'autre d'un homme et de deux femmes d'origine européenne, le troisième de deux hommes et d'une femme d'origine nord-africaine. Seul le deuxième groupe a été autorisé à entrer dans les deux établissements.
La Cour de cassation a estimé que « les juges répressifs ne peuvent écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été établis de manière illicite ou déloyale » et qu'il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du code de procédure pénale, « d'en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire ».
Soumis à l'appréciation souveraine des magistrats en tant que mode de preuve, le « testing » aura d'autant plus de valeur probante d'un point de vue pénal qu'il suit des règles assurant la neutralité de l'opération : présentation de groupes composés d'une même proportion de filles et de garçons, n'appartenant pas tous à l'association organisatrice, et accompagnés d'un huissier de justice ou d'un officier de police judiciaire chargé de constater la matérialité et le motif du refus.
Toutefois, la Cour de cassation a confirmé la validité du « testing » comme moyen de preuve , quand bien même il n'aurait pas été réalisé en présence d'un officier de police judiciaire ou d'un huissier de justice.
B. LA NÉCESSITÉ DE RENDRE PLUS EFFECTIVES LES DISPOSITIONS SANCTIONNANT LES DISCRIMINATIONS
Si le principe d'égalité est au coeur du système juridique français, le principe de non discrimination n'y est apparu que progressivement, sous l'influence du droit international 15 ( * ) .
1. Un corpus juridique étoffé, développé sous l'influence du droit international, européen et communautaire
a) Le droit international
De nombreuses conventions adoptées par les institutions appartenant au système des Nations unies affirment le principe de non discrimination. Les articles 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 prohibent ainsi toute discrimination. Les Pactes de 1966 interdisent toute distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune ou la naissance 16 ( * ) .
Des conventions intervenues dans des domaines précis comme l'emploi, les droits des personnes handicapées et l'enseignement reprennent également le principe de non discrimination comme la convention de l'UNESCO relative à la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'enseignement (1960) et celle pour la protection des droits et de la dignité des handicapés (2001) 17 ( * ) .
b) Le droit européen et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme
L'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 stipule que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».
Par sa jurisprudence, la CEDH a exercé une influence indéniable dans la lutte contre les discriminations, jugeant notamment qu'une différence de traitement prévue par la loi à l'égard des enfants nés hors mariage méconnaissait le droit au respect de la vie familiale 18 ( * ) , ou encore que la répression pénale de l'homosexualité portait atteinte au droit au respect de la vie privée 19 ( * ) (art. 8 de la convention).
c) Le droit communautaire : une extension progressive du domaine de la lutte contre les discriminations
Le droit communautaire primaire et dérivé comporte un ensemble de textes prohibant les discriminations. L'article 13 du traité instituant la communauté européenne (TCE) permet ainsi au Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, de « prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ».
Les directives communautaires adoptées en matière de lutte contre les discriminations depuis les années 1970, reprenant des principes énoncés par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), s'étendent progressivement de l'égalité de traitement dans le monde du travail aux principaux domaines de la vie économique et sociale. Trois directives visent ainsi à interdire les discriminations :
La directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique .
Cette directive a été transposée en droit interne par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations .
La directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail reprend tous les critères de discrimination énoncés à l'article 13 du TCE.
La directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail.
d) Le droit interne : un arsenal juridique très développé
Le corpus juridique applicable en France en matière de lutte contre les discriminations regroupe essentiellement les dispositions du code pénal et du code du travail, ainsi que des règles concernant l'accès au logement.
Les dispositions du code pénal relatives aux discriminations
Aux termes de l'article 225-1 du code pénal, « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »
Cet article définit par ailleurs comme une discrimination à l'encontre d'une personne morale une distinction opérée à raison des mêmes critères appliqués aux membres ou à certains membres de ces personnes morales.
L'article 225-2 punit la discrimination commise à l'égard d'une personne physique ou morale de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende lorsqu'elle consiste à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service, à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque, à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, à subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1, à subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1, à refuser d'accepter une personne à certains stages 20 ( * ) .
L'article 225-4 dispose que les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement des infractions définies à l'article L. 225-2.
L'article 432-7 punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende une discrimination commise à l'égard d'une personne physique ou morale par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public , dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, lorsqu'elle consiste à refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi ou à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque.
Les dispositions relatives aux relations du travail et à la fonction publique
L'article L. 122-45 du code du travail 21 ( * ) dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte , notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de critères dont il fixe la liste 22 ( * ) . Reprenant l'aménagement de la charge de la preuve prescrit par les directives communautaires, cet article impose à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Aux termes de l'article L. 122-45-1 du code du travail, les syndicats peuvent exercer en justice les actions qui naissent de l'article L. 122-45, pourvu que la victime de discrimination ait été avertie par écrit et ne s'y soit pas opposée dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention. La même possibilité est ouverte aux associations, sous réserve de l'accord écrit de la personne en faveur de laquelle elles agissent.
L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires 23 ( * ) interdit, sous peine de sanction disciplinaire, toute distinction, directe ou indirecte, entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race.
Les dispositions régissant les rapports locatifs
La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 interdit de refuser la location d'un logement à une personne en raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de santé, son handicap, ses moeurs, son orientation sexuelle, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Cette interdiction est assortie d'un aménagement de la charge de la preuve au profit de la personne qui s'estime victime d'une discrimination.
Le droit à un traitement égal en matière sociale
L'article 19 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE complète la transposition en droit interne de la directive 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.
Cet article étend par conséquent le droit à un traitement égal, quelles que soient l'origine nationale, l'appartenance ou la non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race, dans les domaines de la protection sociale, de la santé, des avantages sociaux, de l'éducation, de l'accès aux biens et services, de la fourniture de biens et services, de l'engagement syndical, de l'accès à l'emploi, de l'emploi et du travail indépendant ou non salarié.
En outre, l'article 19 de la loi du 30 décembre 2004 aménage la charge de la preuve 24 ( * ) au profit de toute personne s'estimant victime d'une discrimination à raison de l'origine nationale, de l'appartenance ethnique ou de la race, dans les domaines visés. Il incombe donc à la partie défendresse de prouver que les faits avancés par la victime sont justifiés par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.
2. Un nombre toujours limité de condamnations pénales
Les statistiques issues du casier judiciaire national font apparaître que le nombre de condamnations prononcées pour des infractions de discrimination demeure très limité, atteignant seulement 40 décisions chaque année, si l'on intègre les provocations à la discrimination.
Si ce constat renvoie à la difficulté de prouver les comportements discriminatoires, il tient aussi, selon les représentants des magistrats entendus par votre rapporteur, à la définition des priorités de l'action publique, qui ne prendraient pas suffisamment en compte ce type de délits.
Infractions de discrimination
ayant donné
lieu à condamnation entre 1997 et 2004
Source : casier judiciaire national
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
|
Art. 225-2 du code pénal |
||||||||
Discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou service en raison du sexe |
2 |
1 |
||||||
Discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou service - situation familiale |
1 |
1 |
||||||
Discrimination dans l'offre d'emploi à raison des moeurs |
1 |
1 |
1 |
0 |
0 |
|||
Discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou service à raison des moeurs |
1 |
0 |
0 |
1 |
||||
Discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou d'un service à raison de l'origine, l'ethnie ou de la nationalité |
1 |
2 |
2 |
6 |
12 |
7 |
7 |
|
Discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou d'un service en raison d'un handicap |
1 |
1 |
1 |
2 |
1 |
2 |
||
Discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou d'un service à raison de la race |
2 |
9 |
5 |
1 |
10 |
1 |
6 |
|
Discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou d'un service à raison de la religion |
1 |
0 |
||||||
Discrimination dans une offre d'emploi à raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie |
1 |
1 |
1 |
0 |
1 |
1 |
||
Discrimination dans une offre d'emploi à raison de la race |
1 |
1 |
1 |
7 |
1 |
0 |
1 |
0 |
Discrimination dans une offre d'emploi à raison de la religion |
1 |
|||||||
Discrimination à raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie - refus d'embauche |
3 |
4 |
4 |
0 |
6 |
1 |
||
Discrimination à raison de la race - refus d'embauche |
1 |
1 |
1 |
1 |
0 |
|||
Discrimination à raison de la religion - refus d'embauche |
1 |
|||||||
Discrimination à raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie - licenciement |
1 |
|||||||
Discrimination à raison de l'origine nationale ou ethnique - entrave à l'exercice d'activité économique |
1 |
1 |
||||||
Discrimination à raison de la race - entrave à l'exercice d'activité économique |
2 |
|||||||
Discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou service en raison des opinions politiques |
1 |
1 |
0 |
0 |
||||
Discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou service en raison des activités syndicales |
1 |
0 |
0 |
2 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
|
Discrimination à raisons des opinions politiques - entraves à l'exercice d'une activité économique |
2 |
4 |
2 |
1 |
0 |
2 |
0 |
|
Discrimination à raisons des activités syndicales - entrave à l'exercice d'une activité économique |
1 |
0 |
1 |
1 |
||||
Discrimination à raison de l'activité syndicale - refus d'embauche |
0 |
1 |
0 |
|||||
Discrimination à raison de l'état de santé - refus d'embauche |
1 |
0 |
0 |
1 |
||||
Discrimination à raison d'un handicap - refus d'embauche |
1 |
|||||||
Discrimination dans une offre d'emploi à raison du sexe |
1 |
|||||||
Discrimination dans une offre d'emploi à raison de l'état de santé |
1 |
|||||||
Discrimination à raison des opinions politiques - sanction professionnelle |
0 |
1 |
0 |
|||||
Discrimination à raison de l'activité syndicale - sanction professionnelle |
1 |
1 |
1 |
0 |
0 |
1 |
||
Discrimination à raison de la race - sanction professionnelle |
1 |
|||||||
Discrimination à raison de l'état de santé - licenciement |
1 |
|||||||
Discrimination à raison d'un handicap - licenciement |
1 |
0 |
0 |
|||||
Discrimination à raison des opinions politiques - licenciement |
1 |
1 |
||||||
Discrimination à raison des activités syndicales - licenciement |
3 |
|||||||
TOTAL |
10 |
22 |
21 |
22 |
22 |
30 |
24 |
23 |
Autres
|
||||||||
Provocation à la discrimination nationale, raciale, religieuse par parole, écrit, image ou moyen de communication audiovisuelle |
5 |
12 |
20 |
17 |
26 |
24 |
15 |
16 |
Provocation non publique à la discrimination en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion |
0 |
3 |
2 |
9 |
3 |
0 |
3 |
4 |
En outre, selon les données fournies à votre rapporteur par le ministère de la justice, seules deux condamnations ont été prononcées entre 2002 et 2004 au titre de l'article 432-7 du code pénal , à l'encontre d'une personne chargée d'une mission de service public. L'une de ces condamnations portait sur le refus d'un droit à raison de l'origine, de l'ethnie ou de la nationalité ; l'autre visait un délit d'entrave à une activité économique à raison de la race.
Par ailleurs, la justice prononce le plus souvent des amendes, parfois des peines d'emprisonnement avec sursis et jamais de peine d'emprisonnement ferme.
Selon les données fournies à votre rapporteur par la Chancellerie -qui ne font apparaître que les condamnations concernant à titre exclusif des faits de discrimination 25 ( * ) - les peines prononcées pour des faits de discrimination à raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie se sont établies comme suit depuis 2001 :
- refus d'embauche :
• 4 condamnations en 2001 (3 amendes de
3.333 francs en moyenne, 1 peine d'emprisonnement assorti du
sursis) ;
• 5 condamnations en 2003 ((3 peines d'amende de 367
euros en moyenne, 1 peine d'amende assortie du sursis, 1 peine d'emprisonnement
assorti du sursis) ;
• 1 condamnation en 2004 (amende de 1.500
euros) ;
- offre ou fourniture d'un bien ou d'un service :
• 6 condamnations en 2001 (4 peines d'amende de
5.500 francs en moyenne, 2 peines d'emprisonnement avec sursis) ;
• 12 condamnations en 2002 (10 peines d'amende de
2.305 euros en moyenne, 1 peine d'emprisonnement avec sursis, 1 peine de
substitution) ;
• 6 condamnations en 2003 (4 peines d'amende de 2.375
euros en moyenne, 1 peine d'emprisonnement avec sursis, 1 peine d'amende avec
sursis) ;
• 7 condamnations en 2004 (5 peines d'amende de 1.100
euros en moyenne, 1 peine d'emprisonnement avec sursis, 1 peine d'amende avec
sursis).
Votre rapporteur estime que le développement d'études et d'analyses des discriminations, auquel devrait contribuer la HALDE, est indispensable à une prise de conscience puis à une sanction plus efficace des ces comportements. La diffusion de connaissances sur les discriminations peut également permettre à certaines personnes de mieux percevoir les discriminations dont elles sont victimes.
C. LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS, UN AN APRÈS SA CRÉATION
Afin de renforcer son dispositif de lutte contre ces atteintes au principe d'égalité et à la cohésion sociale, la France a créé, par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, une autorité administrative indépendante spécialisée.
1. L'organisation de la HALDE
Compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie (art. 1 er de la loi du 30 décembre 2004), la HALDE est composée d'un collège de onze membres.
Les mandats du président et des membres de la Haute autorité, qui ont été nommés par le décret du Président de la République du 8 mars 2005 ont une durée de cinq ans, non renouvelable 26 ( * ) .
Par ailleurs, l'article 2 de la loi du 30 décembre 2004 dispose que la HALDE crée auprès d'elle un comité consultatif permettant d'associer à ses travaux « des personnalités qualifiées choisies parmi des représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et toutes autres personnes ayant une activité dans le domaine de la lutte contre les discriminations et pour la promotion de l'égalité ».
La composition de ce comité consultatif a été définie par une délibération du collège de la Haute autorité du 19 septembre 2005.
Composition du collège de la HALDE
L'article 2 de la loi du 30 décembre 2004 dispose que les désignations des membres du collège de la HALDE incombant au Président de la République, au président du Sénat, au président de l'Assemblée nationale et au Premier ministre « concourent à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ». Aussi ressort-il du décret du 8 mars 2005 que quatre des onze membres du collège sont des femmes, nommées par les quatre autorités politiques tenues de respecter un équilibre entre les deux sexes. Le collège de la Haute autorité est ainsi composé : - membres désignés par le Président de la République : M. Louis Schweitzer, président de la Haute autorité Mme Nicole Notat - membres désignés par le président du Sénat : Mme Marie-Thérèse Boisseau M. Claude-Valentin Marie - membres désignés par le président de l'Assemblée nationale : M. Amar Dib Mme Fadéla Amara - membres désignés par le Premier ministre : Mme Catherine Kopp M. Alain Bauer - membre désigné par le vice-président du Conseil d'Etat : M. Jean-Michel Belorgey - membre désigné par le premier président de la Cour de cassation : M. Bernard Challe - membre désigné par le président du Conseil économique et social : M. Marc Gentilini S'agissant du comité consultatif, M. Arnaud de Broca, conseiller technique de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), s'est étonné devant votre rapporteur de l'absence de représentation des associations luttant contre les discriminations à raison de la santé, du sexe ou de l'orientation sexuelle. Lors de son audition devant votre commission, M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, a fait état des difficultés soulevées par la composition d'un comité ne comportant que dix-huit membres 27 ( * ) . Faisant état des protestations émises par les cinq principales organisations syndicales, mécontentes que seulement deux d'entre elles soient représentées, il a ajouté que de nombreuses associations s'étaient également plaintes, assurant néanmoins que leurs voix seraient entendues dans le cadre de relations bilatérales. |
M. Arnaud de Broca, membre du comité consultatif auprès de la HALDE, a indiqué à votre rapporteur que ce comité, réuni pour la première fois à la fin de l'année 2005, devrait se réunir six fois par an.
Conformément aux prescriptions de la loi du 30 décembre 2004, et notamment de son article 4 qui prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat définit les conditions dans lesquelles toute personne s'estimant victime de discrimination peut saisir la Haute autorité, le décret n° 2005-215 du 4 mars 2005 28 ( * ) précise l'organisation et le fonctionnement de cette nouvelle instance.
a) Les prérogatives du président de la Haute autorité
L'article 2 de la loi du 30 décembre 2004 dispose que le président a autorité sur les services de la HALDE et qu'il la représente.
Le décret du 4 mars 2005 précise en outre que le président a qualité pour liquider et ordonnancer les recettes et les dépenses du budget de la Haute autorité, ainsi que pour recruter, gérer le personnel et fixer ses rémunérations (art. 1 er ) 29 ( * ) .
b) L'organisation administrative de la Haute autorité
Le directeur général de la HALDE est nommé par décret, sur proposition du président de la Haute autorité 30 ( * ) (article 13 du décret du 4 mars 2005). Il prépare les délibérations du collège et en assure l'exécution.
L'article 14 du décret du 4 mars 2005 prévoit que la Haute autorité « peut disposer de délégués régionaux qu'elle désigne ».
Plusieurs des associations de lutte contre les discriminations entendues par votre rapporteur se sont inquiétées de l' absence de telles délégations près d'un an après la création de la Haute autorité .
Interrogé sur ce point, M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, a déclaré devant votre commission que la mission principale de cette instance, consistant à traiter des demandes pouvant relever d'infractions pénales, requérait un important travail juridique, qui l'avait conduit à concentrer ses moyens humains à Paris.
Il a toutefois indiqué que la Haute autorité avait mis en place, à titre expérimental, des réseaux locaux s'appuyant sur un délégué à Marseille et à Lille, et qu'un autre relais devrait bientôt être installé en Martinique. M. Louis Schweitzer, estimant par ailleurs que le soutien des administrations locales pouvait utilement relayer la lutte contre les discriminations, a précisé qu'il avait demandé aux préfets de nommer un correspondant au sein de leurs services et que cette initiative avait reçu un accueil favorable.
S'agissant du personnel de la Haute autorité, l'article 17 du décret du 4 mars 2005 permet à la HALDE de recruter des agents non titulaires 31 ( * ) de droit public par contrat.
c) Les moyens matériels et humains de la Haute autorité
La loi de finances pour 2006 dote la HALDE d'un budget de 10,7 millions d'euros et de 66 emplois temps plein travaillés.
A titre de comparaison, les crédits alloués en 2006 au Médiateur de la République s'élèvent à 8,4 millions d'euros et ceux de la CNIL à 8,9 millions d'euros.
Les effectifs des services de la Haute autorité s'élèvent actuellement à 44 personnes, dont 22 sont affectées au service juridique qui assure le traitement des réclamations et comprend 15 juristes, 5 conseillers téléphoniques chargés de prendre contact avec les personnes qui saisissent la Haute autorité, et 2 assistantes 32 ( * ) .
2. Le fonctionnement et les pouvoirs de la HALDE
a) Ses modalités de saisine
Aux termes de l'article 4 de la loi du 30 décembre 2004, toute personne s'estimant victime de discrimination peut saisir la Haute autorité, qui a également la faculté de se saisir d'office des cas de discrimination dont elle a connaissance, sous réserve que la victime, lorsqu'elle est identifiée, ait été avertie et ne s'y soit pas opposée.
En outre, la saisine de la Haute autorité :
- a été ouverte, à l'initiative de votre commission des Lois, lors de la discussion du projet de loi portant création de la HALDE au Sénat, à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations, conjointement avec toute personne s'estimant victime de discrimination ;
- peut être exercée par l'intermédiaire d'un député, d'un sénateur ou d'un représentant français au Parlement européen .
L'article 20 du décret du 4 mars 2005 précise que la personne saisissant la HALDE doit lui faire connaître « par écrit, en apportant toutes précisions utiles, les faits qu'elle estime constitutifs d'une discrimination, directe ou indirecte ».
Si la Haute autorité est tenue d'informer les personnes de l'enregistrement de leur saisine, elle doit également leur indiquer à intervalles réguliers les « démarches accomplies ».
M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, a déclaré devant votre commission que la Haute autorité avait reçu 1.377 réclamations depuis sa création. Il a indiqué que le classement des réclamations par motif et par domaine de discrimination montrait que 38 % d'entre elles concernaient des discriminations à raison de l'origine nationale, raciale ou ethnique, 14 % la santé et le handicap, 6 % l'âge, et 6 % le sexe, avec pour ce critère une proportion égale de dossiers déposés par des femmes et par des hommes.
S'agissant du domaine d'intervention des discriminations, M. Louis Schweitzer a précisé que 45 % des réclamations visaient l'emploi, 22 % les services publics, qu'il s'agisse de leur réglementation ou de leur fonctionnement, le reste des dossiers se répartissant, de façon décroissante, entre l'accès aux biens et services privés, le logement et l'éducation.
b) Ses pouvoirs d'investigation
Afin de vérifier les faits de discrimination invoqués dans les saisines qui lui sont adressées et de soutenir les victimes dans la recherche de preuves, la Haute autorité peut :
- demander des explications à toute personne physique ou morale de droit privé mise en cause, demander communication d'information et de documents et entendre toute personne dont le concours lui paraît utile (art. 5 de la loi du 30 décembre 2004) ;
- entendre les agents des autorités publiques ou organismes chargés d'une mission de service public (art. 6) ;
- demander toutes informations et pièces utiles aux autorités publiques et demander aux ministres compétents de saisir les corps de contrôle en vue de faire des enquêtes (art. 6) ;
- avec l'accord des personnes intéressées, charger un ou plusieurs de ses membres ou de ses agents de procéder à des vérifications sur place , dans les locaux administratifs ainsi que dans les lieux accessibles au public et dans les locaux professionnels, à condition que ces derniers soient exclusivement consacrés à cet usage (art. 8).
Si ses demandes d'explication ou de communication de documents ne sont pas suivies d'effet, la Haute autorité peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu'elle fixe (art. 9 de la loi du 30 décembre 2004). Lorsque la mise en demeure n'est pas exécutée, le président de la HALDE peut saisir le juge des référés d'une demande motivée aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction que ce dernier jugerait utile.
Pour procéder à des vérifications sur place, les agents de la Haute autorité doivent recevoir une habilitation spécifique du procureur général près la Cour d'appel de leur domicile.
L'article 26 du décret du 4 mars 2005 précise que ne peuvent être habilitées des personnes ayant fait l'objet d'une condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Le collège de la HALDE doit en outre délivrer une lettre de mission aux personnes chargées de procéder à des vérifications sur place (art. 27 du décret).
M. Louis Schweitzer, président de la Haute autorité, a indiqué à votre commission que ses services n'avaient pas encore mis en oeuvre cette prérogative de vérification sur place, les premiers agents compétents pour agir n'ayant été habilités que très récemment.
c) Son pouvoir de médiation
L'article 7 de la loi du 30 décembre 2004 permet à la Haute autorité de recourir à la médiation pour résoudre de façon amiable les différends portés à sa connaissance.
L'aboutissement d'une telle médiation requiert l'accord des parties.
Les conditions d'exercice de ce mode de résolution amiable sont définies par les articles 28 et 29 du décret du 4 mars 2005, qui précisent que la Haute autorité désigne un médiateur afin d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue. Il revient par ailleurs à la HALDE de fixer la durée de la médiation, qui ne peut excéder trois mois, renouvelables une fois à la demande du médiateur.
Chacune des parties, ainsi que le médiateur, peuvent à tout moment demander à ce qu'il soit mis fin à la médiation.
Selon les indications fournies à votre rapporteur, depuis sa création la HALDE a engagé 4 procédures de médiation, toujours en cours.
d) Son pouvoir de recommandation
La Haute autorité ne peut, en l'état actuel de la loi, que formuler des recommandations pour remédier à tout fait ou toute pratique qu'elle estime discriminatoire, ou pour en prévenir le renouvellement (art. 11 de la loi du 30 décembre 2004).
La HALDE fixe alors un délai , à l'issue duquel les autorités ou personnes intéressées doivent lui rendre compte de la suite donnée à ces recommandations, qui peuvent être rendues publiques par tous moyens 33 ( * ) . A défaut d'un tel compte rendu, ou si la Haute autorité estime que sa recommandation n'a pas été suivie d'effet, elle peut établir un rapport spécial , publié au Journal officiel.
Le collège de la Haute autorité a pris une quinzaine de recommandations , adressées à des organismes publics ou privés.
Parmi les recommandations ayant abouti, on peut citer une réclamation relative à la préférence familiale dans l'attribution d'emplois d'été, mettant en cause une préfecture d'une part, et une entreprise privée d'autre part 34 ( * ) .
Après la délibération du collège alertant les responsables sur le fait qu'il s'agissait d'une pratique illégale, l'entreprise privée s'est engagée à revoir ses procédures d'embauche pour les emplois d'été, et le ministre de l'intérieur a diffusé une circulaire à l'ensemble des préfets, soulignant l'interdiction de la cooptation et appelant à la mise en place de procédures objectives d'appels à candidatures (circulaire du 9 janvier 2006).
3. Les attentes exprimées par les acteurs de la lutte contre les discriminations
Les associations entendues par votre rapporteur 35 ( * ) ont unanimement exprimé de très fortes attentes à l'égard de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
M. Patrick Lozes, président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), a estimé que l'action de la HALDE devait être plus visible afin de susciter une véritable mobilisation des esprits contre les discriminations.
M. Richard Séréro, secrétaire général de la LICRA 36 ( * ) , estimant que les comportements discriminatoires mettaient en cause le pacte républicain, a souhaité que la Haute autorité traite plus rapidement les saisines qui lui sont adressées et mette en place des antennes locales.
M. Assane Fall, secrétaire général de l'association SOS Racisme, s'est également inquiété du délai de mise en place de la HALDE.
Votre rapporteur estime que la Haute autorité, comme les autorités administratives indépendantes créées avant elle, devrait connaître une montée en puissance de son activité. Il reviendra alors à la HALDE d'assurer sa crédibilité en faisant usage de toutes ses prérogatives pour promouvoir l'égalité.
D. LA MOBILISATION DES POUVOIRS PUBLICS ET LA MULTIPLICATION DES INITIATIVES PRIVÉES
1. Le programme d'action pour l'année de l'égalité des chances
Dès la fin de l'année 2005, le gouvernement a décidé la création de préfets délégués à l'égalité des chances dans les six départements qui ont été les plus affectés par les violences urbaines 37 ( * ) .
Aux termes du décret n° 2005-1621 du 22 décembre 2005, ces préfets ont pour mission d'assister le préfet de département pour toutes les missions concourant à la coordination et à la mise en oeuvre de la politique du gouvernement en matière de cohésion sociale, d'égalité des chances et de lutte contre les discriminations . A ce titre, ils participent à la mise en oeuvre des actions visant à l'intégration des populations immigrées résidant en France.
En outre, lors du conseil des ministres du 1 er février 2006, M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, a présenté un programme d'action visant notamment à réduire les inégalités constatées en matière d'emploi.
Les jeunes diplômés issus des quartiers défavorisés devraient ainsi bénéficier d'actions destinées à favoriser leur insertion professionnelle. Les procédures de recrutement de la fonction publique devraient être modifiées afin de prendre en compte l'expérience professionnelle et de diversifier les profils de recrutement.
Dans le domaine de l'éducation, ce programme d'action consistera en la mise en place du dispositif « objectif stage », qui devrait garantir l'obtention d'un stage sans risque de discrimination.
Par ailleurs, les universités et les grandes écoles seront incitées à développer des partenariats et des conventions avec les établissements des zones d'éducation prioritaires , sur le modèle des conventions mises en place par Sciences-Po.
2. La multiplication des actions de promotion de la diversité dans les entreprises
De nombreuses entreprises, souvent regroupées au sein d'associations, ont engagé des actions volontaristes afin de lutter contre les discriminations à l'embauche.
Ainsi certaines entreprises, en partenariat avec des associations 38 ( * ) ou encore avec l'Observatoire des discriminations, soumettent leurs procédures de recrutement à une évaluation permettant de révéler, le cas échéant, leurs effets discriminatoires.
D'autres entreprises, comme celles regroupées au sein de l'association Alliances 39 ( * ) , accompagnent les jeunes diplômés dans l'accès au premier entretien d'embauche.
II. LE PROJET DE LOI : LE CHOIX D'UN RENFORCEMENT DES POUVOIRS DE SANCTION PARA-JURIDICTIONNELS
Les dispositions du projet de loi pour l'égalité des chances dont votre commission s'est saisie pour avis visent à sanctionner davantage les discriminations, à mettre en place un nouveau contrat pour aider et inciter les parents à mieux assumer leurs responsabilités, et à conforter le rôle du maire dans la lutte contre les incivilités.
Si l'Assemblée nationale n'a pas discuté en séance publique les dispositions examinées par votre commission, le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, troisième alinéa, de la Constitution, a retenu plusieurs amendements apportant des précisions 40 ( * ) .
A. L'ATTRIBUTION DE POUVOIRS DE SANCTION À LA HALDE ET LA LÉGALISATION DU « TESTING »
Le titre II du projet de loi comporte des mesures relatives à l'égalité des chances et à la lutte contre les discriminations. Elles concernent notamment les pouvoirs de la HALDE et les moyens de prouver les comportements discriminatoires.
1. Doter la HALDE de pouvoirs de sanction
L'article 19 du projet de loi tend à introduire trois nouveaux articles au sein de la loi du 30 décembre 2004 afin de renforcer les pouvoirs de sanction de la HALDE.
La Haute autorité pourrait ainsi prononcer, contre les auteurs de faits constitutifs d'une discrimination, une sanction pécuniaire , dont le projet de loi initial fixait le montant maximal à 5.000 euros pour une personne physique et à 25.000 euros pour une personne morale ( nouvel article 11-1 de la loi du 30 décembre 2004 ). Cette sanction serait prononcée à l'issue d'une procédure contradictoire et aux termes d'une décision motivée.
Par ailleurs, après avoir prononcé une sanction pécuniaire, la HALDE pourrait ordonner l'affichage ou la diffusion de cette décision ( nouvel article 11-2 ).
Les recours contre les sanctions prononcées par la Haute autorité seraient portés devant le Conseil d'Etat ( nouvel article 11-3 ).
Les pouvoirs de sanction directs de la HALDE seraient complétés par la possibilité pour cette autorité, lorsqu'elle a constaté des actes discriminatoires dans l'activité professionnelle d'une personne physique ou morale soumise à un agrément ou à une autorisation délivrés par une autorité publique, de demander à ladite autorité de suspendre l'autorisation ou l'agrément ( article 20 ). La Haute autorité pourrait même, le cas échéant, demander à l'autorité publique concernée de faire usage de ses pouvoirs de sanction.
L'Assemblée nationale, dans un souci de respect du principe de légalité des délits et des peines, a souhaité préciser que le pouvoir de sanction de la HALDE s'appliquerait aux actes de discrimination directe visés par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal , ainsi que par les articles L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail. Elle a par ailleurs réduit le montant maximal des sanctions à 1.500 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale. Ont enfin été retenus des amendements prévoyant que le décret précisant le pouvoir de sanction de la HALDE comporterait des garanties de procédure.
2. Consacrer la validité du « testing » comme mode de preuve
Le « testing », ou vérification à l'improviste, serait reconnu par le code pénal comme un mode de preuve valide pour constituer les délits de discrimination ( article 21 ). D'une portée symbolique indéniable, manifestant la volonté des pouvoirs publics de renforcer les instruments de lutte contre les discriminations, cette reconnaissance assurerait en outre la stabilité juridique de cette méthode.
B. L'EXTENSION DES COMPÉTENCES DU PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL ET DU MAIRE
1. La création du contrat de responsabilité parentale
Le titre III du projet de loi prévoit des mesures destinées à aider les parents rencontrant des difficultés à exercer leur autorité parentale.
Les compétences du département en tant que chef de file de l'action sociale sur son territoire seraient par conséquent étendues, dans le domaine spécifique de la protection de l'enfance.
En effet, le président du conseil général pourrait proposer aux parents ou au représentant légal d'un mineur, en cas d'absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à la carence de l'autorité parentale , de signer un contrat de responsabilité parentale ( article 24 ).
Ce contrat, rappelant les obligations des parents et comportant des mesures d'aide et d'action sociale adaptées, serait assorti de pouvoirs coercitifs.
Ainsi, le président du conseil général pourrait, s'il constatait que les obligations découlant du contrat de responsabilité parentale ne sont pas respectées ou lorsque, du fait des parents ou du représentant légal du mineur, un tel contrat n'a pu être signé :
- demander la suspension du versement des prestations familiales afférentes à l'enfant ;
- saisir l'autorité judiciaire d'une demande tendant à l'application d'une contravention définie par décret en Conseil d'Etat ;
- saisir l'autorité judiciaire en vue d'obtenir la mise sous tutelle des prestations familiales .
Un article L. 552-3 serait en conséquence rétabli au sein du code de la sécurité sociale pour permettre au président du conseil général de demander au directeur de la caisse d'allocations familiales de suspendre le versement de certaines prestations ( article 25 ). Il reviendrait par ailleurs au chef de l'exécutif départemental de déterminer la durée de la suspension et la proportion des prestations suspendues.
L'Assemblée nationale a souhaité préciser que le président du conseil général pourrait proposer un contrat de responsabilité parentale de sa propre initiative ou sur saisine de l'inspecteur d'académie, du chef d'établissement d'enseignement, du maire de la commune de résidence du mineur, du directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales ou encore du préfet .
Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale prévoit par ailleurs qu'en cas de manquement aux obligations résultant du contrat, ne pourraient être suspendus que les allocations familiales et le complément familial dus au titre de l'enfant dont le comportement a conduit à proposer la conclusion d'un tel contrat. La durée de la suspension ne pourrait excéder trois mois . Elle serait toutefois renouvelable, dans la limite d'une durée maximale de douze mois.
2. L'affirmation des pouvoirs du maire dans la lutte contre les incivilités
Le titre IV du projet de loi tend à renforcer les pouvoirs du maire, chargé de la police municipale, dans la lutte contre les incivilités.
Ainsi, les pouvoirs de constatation par procès-verbal des agents de police municipale seraient étendus à des contraventions correspondant à des faits ou comportements entrant dans la catégorie des incivilités. La liste de ces contraventions serait définie par un décret en Conseil d'Etat ( article 26 ).
Un pouvoir de transaction pénale serait attribué au maire ( article 27 ). Il pourrait par conséquent, pour les contraventions que les agents de police municipale seraient habilités à constater, lorsqu'elles ont porté préjudice à un bien de la commune, proposer au contrevenant une transaction visant à réparer le préjudice.
Cette transaction, qui pourrait consister en l'exécution, au profit de la commune, d'un travail non rémunéré, serait soumise, selon sa nature, à l'homologation d'un magistrat du parquet ou du siège.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : RENFORCER LA COHÉRENCE DE CERTAINS DISPOSITIFS PROPOSÉS
Votre commission partage l'ambition du projet de loi visant à doter les différents acteurs institutionnels de l'égalité des chances de véritables moyens d'intervention.
Elle considère toutefois que l'efficience des dispositifs envisagés est largement conditionnée par le respect de certains principes fondamentaux et par la cohérence de leur organisation au sein des structures existantes .
Elle vous propose donc plusieurs amendements tendant, d'une part, à conforter les pouvoirs de sanction de la HALDE en évitant tout empiètement sur les missions de l'autorité judiciaire et, d'autre part, à renforcer la cohérence juridique du contrat de responsabilité parentale.
En outre, afin de compléter notre dispositif de lutte contre les discriminations, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de permettre et d'encadrer la mesure de la diversité.
Enfin, elle a jugé inappropriée l'attribution au maire d'un pouvoir de transaction pénale en matière d'incivilités.
A. DOTER LA HALDE D'UN POUVOIR DE TRANSACTION PÉNALE RESPECTUEUX DES MISSIONS DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE
Votre commission souscrit pleinement à l'objectif du présent projet de loi de confier à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des pouvoirs lui permettant de rendre plus effectives les sanctions prévues par notre droit en matière de discrimination.
A cet égard, elle rappelle qu'elle a oeuvré au renforcement des prérogatives de cette autorité administrative indépendante dès sa création 41 ( * ) . Elle estime que la sanction des comportements discriminatoires favorise une prise de conscience de nature à renforcer la cohésion sociale dans notre pays.
L'exercice par la HALDE d'un pouvoir de sanction paraît en outre indispensable à la crédibilité de cette instance.
Votre commission considère cependant que le dispositif avancé par le projet de loi encourt plusieurs critiques.
Tout d'abord, le pouvoir de sanction confié à la Haute autorité empièterait sur la mission du juge judiciaire , ce qui pourrait conduire le Conseil constitutionnel à censurer le législateur pour non respect de la séparation des pouvoirs.
En effet, la Haute autorité aurait à se prononcer sur des faits relevant à titre principal de délits sanctionnés par le code pénal . Tel n'est pas le cas des autres autorités administratives indépendantes dotées de pouvoirs de sanction, qu'elles exercent à propos de manquements à des législations sectorielles, en application de textes spéciaux 42 ( * ) .
Ensuite, le dispositif considéré comme adopté par l'Assemblée nationale rend plus évidente encore cette atteinte aux missions du juge judiciaire, en précisant que la Haute autorité pourrait prononcer des sanctions pour les actes visés aux articles L. 225-2 et L. 432-7 du code pénal.
Il serait inédit de confier à une autorité administrative indépendante une compétence pour apprécier des éléments constitutifs d'une infraction pénale et pour les sanctionner.
Il apparaît donc clairement que le pouvoir de sanction ainsi envisagé ne peut à la fois respecter le principe de légalité des délits et des peines et la séparation des pouvoirs.
Enfin, l'embarras du législateur ressort manifestement de la multiplication des garanties de procédure retenues par l'Assemblée nationale et qui pourraient paraître assimiler la Haute autorité à une véritable juridiction parallèle, spécialisée en matière de discrimination.
Aussi votre commission vous propose-t-elle un amendement qui, sans remettre en cause la réalité du pouvoir de sanction de la Haute autorité, le met en conformité avec notre organisation institutionnelle .
La procédure de transaction pénale respecterait en effet strictement le partage entre les missions respectives d'une autorité administrative et de l'autorité judiciaire s'agissant de délits.
L'amendement tend ainsi à permettre :
- à la HALDE de proposer aux auteurs de discriminations une transaction consistant à verser une amende et, le cas échéant, à réparer le préjudice subi par la victime . L'amende ne pourrait excéder un montant de 3.000 euros pour une personne physique et de 15.000 euros pour une personne morale. La proposition de transaction serait soumise, pour homologation, au procureur de la République ;
- aux agents de la HALDE dûment habilités de constater par procès-verbal les délits de discrimination ;
- à la Haute autorité, en cas de refus ou d'inexécution de la transaction, de mettre elle-même en mouvement l'action publique.
Ce dispositif préserverait les prérogatives du parquet qui, saisi aux fins d'homologation de la proposition de transaction, pourrait décider d'engager des poursuites.
L'amendement rend par conséquent complémentaires l'action de la HALDE et celle des juridictions.
Par ailleurs, dans un souci de cohérence, l'amendement tend à renforcer les pouvoirs d'investigation de la Haute autorité en permettant à son président, en cas d'opposition du responsable des lieux à une vérification sur place, de saisir le juge des référés afin qu'il autorise ces vérifications.
B. PERMETTRE ET ENCADRER LA MESURE DE LA DIVERSITÉ
De nombreux rapports 43 ( * ) ont souligné que l'absence d'outils de mesure statistique des comportements discriminatoires constituait un frein à la prise de conscience de leur ampleur et à la lutte contre ces atteintes au principe d'égalité.
En effet, comment traiter un phénomène que l'on ne mesure pas ? Un nombre croissant d'entreprises qui se sont engagées dans la promotion de la diversité sont aujourd'hui directement confrontées à cette question. Aussi souhaiteraient-elles disposer de données mesurant la diversité des origines au sein de leur personnel.
Face à ces demandes, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), a adopté le 5 juillet 2005 un ensemble d'observations et de recommandations. Elle a notamment constaté l'absence « l'absence de définition d'un référentiel national de typologies ethno-raciales ». Elle a estimé qu'« en tout état de cause, le principe même de la création d'un tel référentiel devrait être approuvé par le législateur ».
Votre rapporteur, conscient des enjeux d'un tel débat et des interrogations qu'il peut susciter, considère que face à la gravité des comportements discriminatoires, en particulier dans les secteurs de l'emploi, il convient de créer des instruments adaptés aux initiatives visant à promouvoir la diversité, dans le strict respect des droits fondamentaux .
Votre commission vous soumet par conséquent un amendement tendant à permettre aux autorités publiques et aux personnes morales de droit privé d'utiliser un cadre de référence pour mesurer en leur sein la diversité des origines.
Ce cadre de référence serait établi conjointement par la HALDE, par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et par l'Institut national d'études démographiques (INED). Il comporterait une typologie des groupes de personnes susceptibles d'être discriminées à raison de leurs origines raciales ou ethniques.
En outre, l'utilisation de ce cadre de référence pour le traitement de données à caractère personnel devrait s'accompagner d'une procédure d'anonymisation reconnue conforme par la CNIL. Le traitement de données devrait lui-même être déclaré à cette commission.
C. ASSORTIR LE CONTRAT DE RESPONSABILITÉ PARENTALE D'UN DISPOSITIF DE SANCTION ADAPTÉ
Votre commission considère que le contrat de responsabilité parentale peut inciter les différents acteurs de la protection de l'enfance et de l'éducation (parents, établissements scolaires, département, éducateurs, inspection académique...) à conduire une évaluation des difficultés rencontrées par certains parents pour leur apporter, dans une démarche concertée, un soutien adapté.
A cet égard, le président du conseil général apparaît comme l'acteur pertinent pour proposer aux parents ou au représentant légal du mineur un tel contrat.
Votre commission estime cependant que le président du conseil général doit avoir un pouvoir d'appréciation quand il est saisi, par exemple par le maire, le préfet ou l'inspecteur d'académie, aux fins de proposer un contrat de responsabilité parentale.
Ainsi, afin de rendre le dispositif plus respectueux du principe de libre administration des collectivités territoriales, elle vous propose un amendement donnant au président du conseil général la possibilité, plutôt que l'obligation, de proposer un contrat quand il est saisi à cette fin.
Par ailleurs, s'il est nécessaire que cette démarche contractuelle soit assortie de la possibilité de prononcer des sanctions en cas de manquements, votre commission considère que l'attribution du pouvoir de suspendre les prestations familiales au président du conseil général présente des difficultés institutionnelles .
L'autorité qu'exercerait ainsi l'exécutif départemental sur le directeur d'un organisme (CAF) soumis à la tutelle de l'Etat, pourrait se heurter dans la pratique, en raison de son insuffisante cohérence, à d'importantes résistances.
Votre commission vous soumet par conséquent deux amendements tendant à supprimer les dispositions confiant au président du conseil général le pouvoir de demander au directeur de la CAF la suspension du versement des prestations familiales .
Enfin, considérant que la création du contrat de responsabilité parentale constitue une extension de compétences ayant pour conséquence une augmentation des dépenses de la collectivité départementale , elle vous propose un amendement tendant à prévoir l'attribution de nouvelles ressources par une loi de finances.
D. SUPPRIMER L'ATTRIBUTION D'UN POUVOIR DE TRANSACTION AU MAIRE EN MATIÈRE D'INCIVILITÉS
Votre commission estime que l' extension des pouvoirs de constatation des agents de police municipale et l' attribution d'un pouvoir de transaction pénale au maire , s'agissant de faits que l'on peut rassembler sous le terme générique d'incivilités, ne sont pas opportunes .
Votre commission juge que les maires ne disposent pas des moyens nécessaires pour assurer de telles prérogatives relevant aujourd'hui de l'autorité judiciaire.
Aussi vous soumet-elle deux amendements tendant à supprimer les articles 26 et 27 du projet de loi.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle a adoptés, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi pour l'égalité des chances dont elle s'est saisie.
EXAMEN DES ARTICLES FAISANT L'OBJET DU PRESENT AVIS
TITRE II - MESURES RELATIVES À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ET À LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
SECTION 2 - Renforcement des pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)
Article 19
(art. 11-1 à 11-3 nouveaux de la loi n° 2004-1486 du
30 décembre 2004)
Pouvoirs de sanction de la HALDE
Cet article tend à modifier la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, afin d'y insérer trois articles attribuant à cette instance des pouvoirs de sanction et en définissant les modalités d'exercice.
Le faible nombre de condamnations prononcées chaque année pour des délits de discrimination laisse notre corpus juridique en la matière, l'un des plus étoffés du monde, largement inappliqué .
Pourtant, comme l'analysait Jean-Michel Belorgey dans son rapport sur la lutte contre les discriminations publié en 1999, « la loi doit être respectée parce qu'elle est la loi ; donner à croire le contraire, comme on s'y abandonne plus d'une fois en matière de discrimination plus qu'en d'autres domaines, sous couvert de ne « pas culpabiliser » les acteurs, alors que cette précaution n'est pas également pertinente dans tous les cas, c'est jouer la loi à la baisse. »
M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, a indiqué à votre commission que l'octroi de pouvoirs de sanction à la Haute autorité était destiné à sanctionner effectivement, et dans un délai raisonnable, les discriminations.
Il a estimé que les sanctions ainsi prononcées, sans être trop pénalisantes financièrement, feraient néanmoins peser, en particulier après leur publication, une forte pression sur les auteurs de discriminations.
I. L'attribution d'un pouvoir de sanction pécuniaire à la HALDE
1. Le dispositif proposé
Le pouvoir de sanction pécuniaire
Le nouvel article 11-1 de la loi du 30 décembre 2004 tend à doter la HALDE d'un pouvoir de sanction pécuniaire.
Le dispositif du projet de loi initial visait à permettre à la Haute autorité, lorsqu'elle constate des faits constitutifs d'une discrimination directe 44 ( * ) , de prononcer contre le contrevenant une sanction pécuniaire ne pouvant excéder 5.000 euros pour une personne physique et 25.000 euros pour une personne morale. L'exercice de ce pouvoir serait soumis à une procédure contradictoire et la décision de sanction devrait être motivée.
En outre, le second alinéa de l'article 11-1 tendait à préserver les prérogatives de l'autorité judiciaire, en permettant au ministère public ou à la victime d'engager des poursuites pénales et aux juridictions répressives de prononcer des condamnations.
Dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49-3 de la Constitution, lors de la première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a retenu trois amendements présentés par M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, modifiant le dispositif de l'article 11-1 en prévoyant :
- que la HALDE ne puisse prononcer des sanctions pécuniaires que pour les actes de discrimination directe que visent les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail 45 ( * ) ;
- que la sanction pécuniaire ne puisse excéder 1.500 euros s'il s'agit d'une personne physique et 15.000 euros s'il s'agit d'une personne morale.
Par ailleurs, le décret en Conseil d'Etat précisant les modalités de la procédure devant la HALDE devrait définir les conditions dans lesquelles les personnes mises en cause sont informées des faits qui leur sont reprochés et le délai minimal dont elles disposent pour préparer leur défense.
Le même décret devrait garantir, conformément aux exigences affirmées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le droit des personnes mises en cause d'être entendues, représentées et assistées.
Afin de prendre en compte les conditions d'impartialité définies par l'article 6-1 de la CEDH 46 ( * ) , étendues par le Conseil d'Etat aux procédures de sanction des autorités administratives indépendantes, le décret devrait distinguer au sein de la Haute autorité les personnes chargées de poursuivre les faits de celles délibérant sur la sanction.
Enfin, le Gouvernement a retenu un amendement du rapporteur de la commission tendant à instaurer un délai de prescription de trois ans pour les faits susceptibles de faire l'objet d'une sanction de la HALDE.
La possibilité de prononcer des sanctions complémentaires ou alternatives
Le nouvel article 11-2 tend à permettre à la Haute autorité d'ordonner l'affichage de la décision de sanction ou d'un communiqué, dans des lieux qu'elle détermine et pour une durée maximale de deux mois. Elle pourrait également ordonner l'insertion de la décision ou d'un communiqué au Journal officiel ou dans une ou plusieurs autres publications de presse, ou par la voie de services de communication électronique, sans que ces services de publication ou de communication puissent s'y opposer.
Le projet de loi initial ne permettait à la HALDE de recourir à l'affichage et à la publicité que si elle avait prononcé une sanction.
Dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49-3 de la Constitution, le Gouvernement a retenu un amendement présenté par le rapporteur, tendant à faire de l'affichage et de la publicité des alternatives à la sanction. La Haute autorité pourrait donc imposer l'affichage ou la publicité d'une décision de sanction, en l'absence d'une telle décision, ou d'un avis indiquant qu'une personne a été indûment mise en cause.
L'organisation des recours et des relations avec l'autorité judiciaire
Le nouvel article 11-3 de la loi du 30 décembre 2004 tend à prévoir que les décisions de sanction prononcées par la HALDE pourront faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat.
Si une telle solution peut paraître semblable à celle adoptée pour nombre d'autorités administratives indépendantes, on peut toutefois s'interroger sur sa pertinence en l'espèce, les discriminations relevant essentiellement du juge pénal.
Dans sa rédaction initiale, le deuxième alinéa du nouvel article 11-3 tendait seulement à permettre au juge pénal, lorsque la Haute autorité a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant qu'il ait lui-même statué définitivement sur les mêmes faits, d'ordonner que cette sanction s'impute sur l'amende qu'il prononce.
Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture après engagement de la responsabilité du Gouvernement, a été retenu un amendement présenté par MM. Hénart, Giro et Tian, visant à mieux garantir le respect de la primauté du juge pénal.
Ainsi, la HALDE ne pourrait prononcer de sanction à l'encontre d'une personne qui aurait déjà été définitivement condamnée par le juge pénal ou aurait bénéficié d'une décision définitive de non-lieu ou de relaxe. Dans l'hypothèse où une décision de non-lieu ou de relaxe interviendrait après une sanction de la HALDE, la personne pourrait demander la révision de cette sanction. Par ailleurs, la sanction pécuniaire de la Haute autorité s'imputerait automatiquement sur l'amende que pourrait prononcer le juge pénal.
En outre, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, un amendement présenté par le rapporteur de la commission des affaires culturelles précisant les effets des actions de la HALDE sur la prescription pénale des faits délictueux qu'elles visent. Les décisions prises par la Haute autorité, qu'il s'agisse d'une mise en demeure 47 ( * ) , d'une sanction pécuniaire ou de la diffusion d'un communiqué, interrompraient donc la prescription de l'action publique.
La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale précise également que la HALDE peut communiquer au parquet la copie de pièces qu'elle a recueillies ou élaborées en enquêtant sur les mêmes faits, sous réserve d'en informer les personnes concernées.
2. L'attribution d'un pouvoir de sanction pécuniaire à une autorité administrative indépendante
Le pouvoir de sanction d'une autorité administrative peut prendre deux formes. Il existe en effet un pouvoir répressif traditionnel, inhérent à l'action administrative lorsqu'elle consiste à délivrer une autorisation ou un agrément. L'autorité peut alors sanctionner en retirant cette autorisation ou cet agrément.
Mais certaines autorités sont également investies d'un pouvoir de sanction fiscale ou pécuniaire, qui tend à se développer depuis une trentaine d'années. Le régime juridique des sanctions administratives se rapproche d'ailleurs de plus en plus, sous l'effet des jurisprudences constitutionnelle et administrative, de celui des sanctions pénales.
Ainsi, le juge constitutionnel a admis, dans sa décision du 28 juillet 1989 48 ( * ) , que le législateur attribue un pouvoir de sanction à toute autorité administrative « dès lors, d'une part, que la sanction susceptible d'être infligée est exclusive de toute privation de liberté et, d'autre part, que l'exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ».
Dans la même décision, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'une autorité administrative indépendante, en l'occurrence la Commission des opérations de bourse, était soumise, à l'instar de tout organe administratif, « à une obligation d'impartialité pour l'examen des affaires qui relèvent de sa compétence et aux règles déontologiques qui en découlent ». Il vérifie par conséquent que la composition et les conditions de désignation des membres du collège d'une autorité investie d'un pouvoir de sanction sont à même de garantir son indépendance.
Le juge constitutionnel a finalement considéré que l'ensemble des principes constitutionnels concernant les sanctions pénales était également applicable « à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire » 49 ( * ) .
Le nouvel article 11-1 vise à attribuer à la HALDE la forme la plus récemment apparue de sanction administrative, c'est-à-dire la sanction pécuniaire. Au sein de l'éventail des pouvoirs de sanction attribués aux autorités administratives indépendantes, la sanction pécuniaire apparaît comme la plus répressive.
Aussi, le juge administratif contrôle-t-il le respect des prescriptions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) par les autorités administratives indépendantes lorsqu'elles exercent un tel pouvoir de sanction.
En effet, le Conseil d'Etat a jugé que les sanctions pécuniaires prononcées par des autorités administratives peuvent être assimilées à la « matière pénale », « dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice 50 ( * ) ».
Dans son arrêt Didier du 3 décembre 1999, il a par conséquent estimé que, lorsqu'il était saisi d'agissements pouvant donner lieu à des sanctions pécuniaires, le Conseil des marchés financiers « devait être regardé comme décidant du bien-fondé d'accusation en matière pénale » au sens des stipulations de l'article 6-1 de la CEDH.
A cette occasion, le juge administratif, rappelant que le Conseil des marchés financiers siégeant en formation disciplinaire n'était pas une juridiction au regard du droit interne, a néanmoins admis que le moyen tiré de la violation d'un principe rappelé à l'article 6-1 pouvait, « eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqué à l'appui d'un recours formé devant le Conseil d'Etat à l'encontre de sa décision ».
Il appartient en conséquence au législateur et au pouvoir réglementaire, lorsqu'ils entendent doter une autorité administrative indépendante d'un pouvoir de sanction pécuniaire, de veiller à ce que l'exercice de cette prérogative respecte les conditions du droit à un procès équitable telles qu'elles sont définies à l'article 6-1 de la CEDH 51 ( * ) .
3. Un pouvoir de sanction limité aux discriminations directes
La distinction entre discriminations directes et indirectes est issue du droit communautaire. Ces deux types de discrimination sont notamment définis de la façon suivante à l'article 2 de la directive n° 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique :
« Une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d'origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable ;
« Une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires ».
Ainsi, la discrimination indirecte peut désigner un régime apparemment neutre produisant des effets discriminatoires au détriment d'un groupe défini 52 ( * ) . Pour identifier une discrimination indirecte, la Cour de justice de Luxembourg, vérifie si lorsqu'une mesure produit un impact disproportionné 53 ( * ) , son auteur peut en apporter la justification.
Le concept de discrimination indirecte a été transposé dans le code du travail (art. L. 122-45) par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Il n'apparaît pas dans notre code pénal.
L'article 1 er de la loi du 30 décembre 2004 dispose que la HALDE est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie.
L'Assemblée nationale, afin d'assurer le respect du principe de légalité des peines et des délits, a restreint la compétence de la Haute autorité en matière de sanctions aux discriminations directes visées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail.
II. La position de votre commission
1. Eviter tout empiètement sur les missions du juge judiciaire
Votre commission est favorable au renforcement des pouvoirs de la HALDE à des fins de sanction effective des discriminations.
Elle souligne toutefois que les infractions de discrimination relèvent essentiellement de la justice pénale . Aussi le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale vise-t-il expressément, dans le champ de compétence de la Haute autorité en matière de sanction, les dispositions du code pénal.
La HALDE, autorité administrative, certes indépendante, disposerait par conséquent du pouvoir d'apprécier et de sanctionner des éléments constitutifs d'infractions pénales.
Votre commission considère que le dispositif ainsi envisagé empiète sur les missions de l'autorité judiciaire .
A la différence des pouvoirs de sanction attribués à plusieurs autorités administratives indépendantes dans le cadre de législations sectorielles, la HALDE pourrait en effet prononcer des sanctions pour des faits relevant en premier lieu de la justice pénale 54 ( * ) .
Le pouvoir qui lui serait ainsi reconnu excèderait les limites des attributions jusqu'alors confiées par le législateur aux autorités administratives indépendantes.
Ainsi, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne peut sanctionner un opérateur qu'en cas d'infraction à une disposition législative ou réglementaire afférente à son activité, aux décisions prises pour en assurer la mise en oeuvre ou aux prescriptions du titre en vertu duquel il l'exerce 55 ( * ) . Les pouvoirs de sanction pécuniaire de la CNIL, de la CADA ou encore de la Commission bancaire ne s'exercent également qu'au titre des infractions aux dispositions régissant le secteur dans lequel ces autorités interviennent 56 ( * ) , sans préjudice des sanctions pénales qui pourraient par ailleurs être prononcées par le juge.
M. Arnaud de Broca, membre du comité consultatif auprès de la Haute autorité, a indiqué à votre rapporteur que la plupart des membres de ce comité exprimaient un avis défavorable au dispositif de sanction ainsi organisé. Il a en particulier relevé que le dispositif envisagé présentait un problème de cohérence avec les missions de l'autorité judiciaire, qui offrait davantage de garanties d'indépendance pour sanctionner des délits pénaux.
Votre commission estime par conséquent que le dispositif proposé pourrait porter atteinte à la séparation des pouvoirs , dont le Conseil constitutionnel a récemment rappelé l'importance, dans sa décision du 19 janvier 2006 57 ( * ) .
En outre, les nombreuses garanties de procédure encadrant désormais le pouvoir de sanction qui serait attribué à la Haute autorité tendent à assimiler celle-ci à une quasi-juridiction qui constituerait, dès lors, un démembrement de l'autorité judiciaire .
Votre rapporteur rappelle d'ailleurs que, comme l'a révélé la presse 58 ( * ) , l'assemblée du Conseil d'Etat a donné un avis défavorable au pouvoir de sanction de la Haute autorité tel qu'il est prévu par le projet de loi.
Aussi votre commission souhaite-t-elle doter la HALDE d'un pouvoir de sanction respectant le bloc de compétence de l'autorité judiciaire .
2. Doter la Haute autorité d'un pouvoir de transaction pénale
Votre commission vous propose un amendement tendant à attribuer à la HALDE un pouvoir de transaction pénale qui lui permettrait de sanctionner efficacement les discriminations, selon une procédure et une organisation plus cohérentes .
En effet, la transaction proposée à l'auteur des faits étant soumise à l'homologation d'un magistrat, cette procédure rendrait le pouvoir de sanction de la Haute autorité réellement complémentaire de l'action des autorités judiciaires.
Si le ministère public n'a pas, en principe, la faculté de transiger avec l'auteur des faits pour lui éviter des poursuites, cette règle connaît toutefois des exceptions, telles que la transaction pénale. Aux termes de l'article 6 du code de procédure pénale, l'action publique peut en effet « s'éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément ».
La transaction en matière pénale est possible dans certains contentieux spécifiques, où elle peut être exercée, après accord du procureur de la République, par des autorités administratives 59 ( * ) .
Elle constitue une alternative aux poursuites, à l'instar de la composition pénale dont la procédure est définie aux articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale 60 ( * ) .
A cet égard, dans son rapport relatif aux procédures accélérées de jugement en matière pénale, la mission présidée par notre collègue M. Laurent Béteille et dont notre collègue M. François Zochetto était le rapporteur, estime que la composition pénale « améliore véritablement la qualité de la justice rendue en apportant une réponse systématique et dissuasive aux actes de petite et moyenne délinquance auparavant classés sans suite, voire non poursuivis » 61 ( * )
Procédure relevant de la transaction, la composition pénale permet en effet d'économiser l'intervention de la justice tout en apportant, dans un délai assez bref, une solution définitive au conflit pénal 62 ( * ) .
Les travaux de la mission d'information de votre commission sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale 63 ( * ) montrent que la composition pénale constitue un moyen efficace de conjuguer sanction et réparation . Elle relève notamment que le taux d'exécution de la composition pénale oscille entre 70 et 90 %, soit un niveau très supérieur à celui observé pour les autres mesures pénales.
L'objectif du législateur étant de confier à la HALDE des prérogatives lui permettant de sanctionner efficacement, et dans un délai raisonnable, les discriminations, votre commission vous propose de créer un dispositif inspiré de ces procédures.
L'amendement que vous soumet votre commission tend ainsi à prévoir, au nouvel article 11-1 de la loi du 30 décembre 2004, que :
- la Haute autorité, lorsqu'elle constate des faits constitutifs d'une discrimination sanctionnée par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail, peut proposer à l'auteur des faits une transaction consistant dans le versement d'une amende transactionnelle et, s'il y a lieu, dans l'indemnisation de la victime. La précision relative au caractère direct de la discrimination ne paraît plus nécessaire, dès lors que sont visées des dispositions législatives définissant précisément les délits en question ;
- le montant de l'amende ne peut excéder 3.000 euros s'il s'agit d'une personne physique et 15.000 euros s'il s'agit d'une personne morale 64 ( * ) ;
- le règlement transactionnel du délit ne peut intervenir que si les faits n'ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l'action publique ;
- la transaction proposée et acceptée par l'auteur des faits doit être homologuée par le procureur de la République ;
- la personne à laquelle est proposée une transaction est informée qu'elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord.
Les prérogatives du ministère public seraient ainsi parfaitement respectées. En effet, lors de l'homologation, le procureur de la République pourrait, le cas échéant, estimer que les faits sont trop graves pour faire l'objet d'une transaction, et engager des poursuites.
L'amendement préserverait en outre, au nouvel article 11-2, la possibilité pour la HALDE de proposer, dans le cadre de la procédure transactionnelle, une sanction complémentaire ou alternative consistant à :
- afficher un communiqué, dans des lieux qu'il reviendrait à la haute autorité de préciser, et pour une durée ne pouvant excéder deux mois ;
- diffuser un communiqué, par son insertion au journal officiel, par voie de presse ou par voie électronique.
Les frais d'affichage ou de diffusion seraient alors à la charge de l'intéressé, sans pouvoir excéder le montant maximum de l'amende transactionnelle.
Par ailleurs, conformément aux règles encadrant les procédures de transaction prévues par le code pénal, le nouvel article 11-3 préciserait que :
- les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l'exécution de la transaction sont interruptifs de la prescription de l'action publique ;
- l'exécution de la transaction constitue une cause d'extinction de l'action publique , sans faire échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel, ce dernier ne statuant alors que sur les intérêts civils ;
- en cas de refus de la proposition de transaction ou d'inexécution d'une transaction acceptée et homologuée par le parquet, la Haute autorité pourrait mettre en mouvement l'action publique par voie de citation directe .
Ainsi, la nécessaire homologation de la proposition de transaction par le parquet, mais aussi la possibilité pour la HALDE de mettre elle-même en mouvement l'action publique en cas de refus ou d'inexécution, devraient renforcer l'efficacité du dispositif proposé.
En outre, l'amendement permettrait, par cohérence, aux agents de la Haute autorité de constater par procès-verbal les délits de discrimination . Ils devraient à cette fin être assermentés et spécialement habilités par le procureur de la République.
Cette prérogative leur permettrait en particulier de constater les délits de discrimination constitués lors d'un « testing », dans les conditions prévues par le nouvel article 225-3-1 du code pénal (article 21 du projet de loi).
Enfin, pour doter la HALDE de moyens d'investigation adaptés à son nouveau pouvoir de transaction pénale , l'amendement proposé par votre commission tend à renforcer son pouvoir de vérifications sur place , dans le respect des prérogatives de l'autorité judicaire.
Ainsi, en cas d'opposition du responsable des lieux à de telles vérifications, le président de la Haute autorité pourrait saisir le juge des référés afin qu'il les autorise. Le magistrat pourrait alors se rendre dans les locaux durant l'intervention et y mettre fin à tout moment.
Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 19 ainsi modifié .
Article 20 - Recommandations relatives à la suspension des agréments et autorisations délivrés par des autorités publiques
Cet article vise à permettre à la HALDE de recommander à une autorité publique de suspendre un agrément ou une autorisation qu'elle aurait délivrée à une personne physique ou morale ayant commis des actes discriminatoires.
A la différence de plusieurs autres autorités administratives indépendantes, telles que la CNIL, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ou l'Autorité des marchés financiers, la HALDE n'a pas pour compétence de délivrer des agréments ou des autorisations.
Il apparaît néanmoins cohérent, dès lors que le législateur entend lui attribuer un pouvoir de sanction pécuniaire, de lui permettre, par ailleurs, de recommander à certaines autorités publiques de suspendre les agréments ou autorisations qu'elles ont pu délivrer à des personnes reconnues ultérieurement coupables de discriminations .
Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, en application de l'article 49, troisième alinéa, de la Constitution, a été retenu un amendement présenté par M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, tendant à étendre cette nouvelle prérogative de la HALDE aux autorités publiques qui pourraient prendre des mesures conservatoires ou des sanctions, telles que la fermeture provisoire d'un établissement.
Cette extension vise notamment les activités soumises à un régime de déclaration et non d'autorisation.
Elle pourrait en particulier s'appliquer à des personnes physiques ou morales de droit privé offrant des services de placement sur le marché du travail, activité soumise à une obligation de déclaration préalable à l'autorité administrative (art. L. 312-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale).
En effet, l'article L. 310-2 du code du travail dispose qu'« aucun service de placement ne peut être refusé à une personne à la recherche d'un emploi ou à un employeur pour l'un des motifs » de discrimination énumérés à l'article L. 122-45 du même code.
En cas de manquement à cette obligation, l'autorité administrative « peut, après mise en demeure, ordonner la fermeture de l'organisme en cause pour une durée n'excédant pas trois mois » (art. L. 312-2 du code du travail).
Plus généralement, ce dispositif permettrait à la HALDE de saisir les préfets de faits discriminatoires intervenus dans certains établissements ouverts au public, afin d'obtenir leur fermeture.
Votre commission a par conséquent donné un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 20.
Article 21 - Reconnaissance du « testing » comme mode de preuve des comportements discriminatoires
Cet article a pour objet d'inscrire dans la loi la validité des vérifications à l'improviste, ou « testings », en tant que moyen de preuve des pratiques discriminatoires.
Le testing est une méthode utilisée pour mettre en évidence des comportements discriminatoires.
Le présent article vise à insérer un article 225-3-1 au sein de la section « discriminations » du chapitre relatif aux atteintes à la dignité de la personne du livre II du code pénal.
Ainsi, les délits de discrimination prévus par les articles 225-1 à 225-4 seraient constitués même s'ils étaient commis à l'encontre d'une ou de plusieurs personnes pratiquant une vérification en sollicitant un bien, un service ou un contrat afin de démontrer l'existence du comportement discriminatoire.
Il faudrait toutefois que la preuve de ce comportement soit établie, par exemple au moyen de constatations effectuées par un officier public ou ministériel.
I. La reconnaissance jurisprudentielle de la validité du « testing » comme mode de preuve
Le 12 septembre 2000, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a refusé de casser une décision de la Cour d'appel d'Orléans, qui avait admis comme preuve de discrimination à l'accès à une discothèque, les résultats d'un « testing » qui établissait que l'accès était différencié selon l'origine des clients 65 ( * ) . Dans cet arrêt, la Cour s'est cependant limitée à rejeter les arguments du gérant de la discothèque sur le fait qu'il s'agissait d'une preuve déloyale et illégale, sans préciser les modalités admissibles de cette méthode.
Le second arrêt par lequel la Cour de cassation a reconnu la validité du « testing » comme mode de preuve des discriminations 66 ( * ) reprend expressément la logique d'une jurisprudence constante 67 ( * ) selon laquelle le juge pénal ne peut refuser d'examiner des éléments de preuve apportés par des particuliers au motif qu'ils ont été obtenus de façon déloyale.
En effet, l'article 427 du code de procédure pénale dispose que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction ».
Sa recevabilité comme preuve étant admise, la jurisprudence a peu à peu précisé les exigences méthodologiques nécessaires pour évaluer la fiabilité et la valeur probante du « testing » présenté devant les juges. Les Cours d'appel ont ainsi estimé que lorsque les acteurs du « testing » appartenaient à l'association qui l'organisait, la neutralité de l'opération et la fiabilité de ses résultats étaient insuffisantes au regard des exigences de probité de la preuve pénale.
Il en résulte que la valeur du « testing » dépend des moyens mis en oeuvre pour assurer la fiabilité de son résultat devant la Cour 68 ( * ) . Dans sa décision du 7 juin 2005, la Cour de Cassation a confirmé la possibilité de prouver la discrimination au moyen d'un « testing » téléphonique enregistré 69 ( * ) .
Le procès-verbal d'enquête de l'inspecteur du travail et un enregistrement téléphonique réalisé par une association peuvent également constituer une preuve du traitement différencié des salariés selon leur origine 70 ( * ) .
Il apparaît ainsi, au fil de la jurisprudence, que le « testing » peut permettre de surmonter les obstacles liés à l'absence de traces matérielles et de témoin et la difficulté d'établir le fondement discriminatoire d'une décision.
II. La validité du « testing » consacrée par la loi
L'article 21 du projet de loi tend simplement à prévoir que le délit de discrimination peut être constitué quand bien même la victime aurait sollicité le droit ou le bien qui lui a été refusé dans l'objectif de démontrer l'existence de la discrimination 71 ( * ) . En effet, l'intention de la victime d'une infraction est sans incidence lorsque l'auteur des faits a bien commis intentionnellement l'infraction qu'on lui reproche.
En revanche, le dispositif prévu par le projet de loi n'a pas pour objet de consacrer en droit pénal la pratique du « testing » à des fins statistiques de mesure des comportements discriminatoires. Une telle pratique consiste en effet à adresser, par exemple, une série de candidatures fictives à une offre d'emploi, chaque dossier différant sur des variables susceptibles de donner lieu à des discriminations, comme l'origine, l'apparence physique, l'âge ou le handicap.
Un délit ne peut être constitué dans une telle hypothèse puisqu'il n'y a pas, à proprement parler, de victime.
Le « testing » ne serait donc consacré comme mode de preuve que dans le cas où l'infraction a été commise à l'encontre d'une personne.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme suit une évolution qui vient renforcer la position de la Cour de cassation, l'exigence d'un procès équitable tendant à remplacer « la vieille idée de la déloyauté dans la recherche des preuves » 72 ( * ) .
Ainsi, la Cour européenne estime qu'elle « ne saurait exclure par principe et in abstracto l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale » 73 ( * ) .
Par ailleurs, lors des débats qui ont précédé l'adoption de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, le législateur avait rejeté un amendement tendant à introduire dans le code de procédure pénale une exigence de loyauté dans la recherche des preuves 74 ( * ) .
Votre commission vous propose d'adopter l'article 21 sans modification.
Article 22 - Extension aux collectivités d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises
Cet article tend à rendre applicables à Mayotte, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie les nouvelles dispositions insérées :
- par les articles 19 et 20 du projet de loi au sein de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations ;
- par l'article 21 du projet de loi au sein du code pénal, afin de consacrer la validité du « testing » comme mode de preuve en matière de comportements discriminatoires.
En vertu du principe d'assimilation législative énoncé à l'article 73, premier alinéa, de la Constitution, ces dispositions seront applicables de plein droit dans les départements d'outre-mer -la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion.
En revanche, le principe de spécialité législative rend nécessaire une mention expresse d'application pour que la loi soit applicable dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 de la Constitution, soit Mayotte, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française, ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
Une telle mention n'est pas nécessaire pour la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui demeure régie par le principe d'assimilation législative, à l'exception de la fiscalité, du régime douanier et de la réglementation en matière d'urbanisme, pour lesquels le conseil général est seul compétent 75 ( * ) .
L'article 25 de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE prévoit expressément l'application de ce texte à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Il est donc logique et nécessaire de prévoir l'extension à ces collectivités des nouvelles dispositions prévues par le projet de loi pour attribuer des pouvoirs de sanction à la Haute autorité (articles 19 et 20).
Le principe de spécialité législative vaut également en matière de droit pénal en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna 76 ( * ) .
En revanche, le I de l'article 3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte prévoit que sont applicables de plein droit dans cette collectivité les lois portant sur le droit pénal, la procédure pénale, ainsi que sur la procédure administrative contentieuse et non contentieuse. Le nouvel article 21 y sera donc applicable sans qu'il soit nécessaire de le mentionner expressément.
On pourrait également inférer des dispositions de la loi du 11 juillet 2001 que les nouveaux pouvoirs de sanction de la HALDE, relevant à la fois de la procédure administrative et de la procédure pénale, sont applicables de plein droit à Mayotte. C'est l'option choisie par le gouvernement qui prend toutefois la précaution de rappeler cette conséquence de l'identité législative dans ces matières.
Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 22 sans modification .
Article additionnel après l'article 22 - Mesure de la diversité des origines au sein des personnes morales publiques et privées
Votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir la définition d'un cadre de référence permettant aux personnes morales publiques et privées de mesurer en leur sein la diversité des origines, et à en encadrer l'utilisation.
I. La situation actuelle : la promotion de la diversité face à l'invisibilité statistique
Si le principe d'égalité est inscrit au coeur des valeurs républicaines de notre pays, sa conception parfois très formaliste -et non dépourvue d'hypocrisie- peut dissimuler de profondes injustices réelles. Cette distance entre le principe et la réalité conduit aujourd'hui de nombreux acteurs -citoyens, associations, entreprises, à se mobiliser pour la lutte contre les discriminations.
Pourtant, le développement des textes sanctionnant les discriminations, leur traitement par l'autorité judiciaire, voire par une autorité administrative indépendante, ne sauraient appréhender à la fois l'étendue et la prégnance de ces comportements. Souvent occulté, le phénomène discriminatoire s'inscrit dans des logiques économiques et sociales.
Dans son rapport remis à M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement en juillet 2005 77 ( * ) , sur la lutte contre les discriminations ethniques dans le domaine de l'emploi, M. Roger Fauroux estime que « L'intégration des minorités visibles, c'est surtout jusqu'ici un arsenal législatif et réglementaire impressionnant, une série de rapports excellents, enfin un empilement d'institutions auquel les gouvernements successifs ont apporté chacun une strate, le tout, au bout du compte, pour un résultat d'une affligeante médiocrité ».
L'ancien président du Haut conseil à l'intégration considère en outre que « la discrimination vis-à-vis des maghrébins ou des noirs, pour les appeler par leur nom, qu'ils soient français ou non, est dans le domaine de l'emploi, largement et impunément pratiquée ».
Pourtant, alors que les discriminations à raison du sexe font l'objet d'études statistiques, comme celles relatives au handicap, ces instruments de mesure sont inexistants pour appréhender les discriminations relatives à l'origine ethnique. Seuls des procédés comme le « testing » permettent d'apprécier l'étendue de tels phénomènes, mais de façon ponctuelle et partielle.
Ainsi M. Patrick Weil, directeur de recherches au CNRS, avait récemment estimé que « pour aider la Haute autorité, les juges et les inspecteurs du travail, les outils statistiques qui permettent de croiser le lieu de naissance de l'individu et de ses parents, leur nationalité, leur date d'arrivée en France et d'autres informations portant sur le logement, le parcours scolaire, etc... devront être développés et seront autant d'indices pour préjuger la bonne ou la mauvaise foi des entreprises » 78 ( * ) .
De rares études s'appuient sur des enquêtes approfondies, que l'inexistence d'un cadre de référence statistique rend très difficiles 79 ( * ) .
Comme l'écrit M. Roger Fauroux, « l'une des principales faiblesses du modèle français d'intégration est la cécité qu'il s'impose vis-à-vis de l'origine ethnique et même géographique des individus dont il ne veut connaître que la nationalité. Cet aveuglement volontaire rend caduque, faute de repères chiffrés, une bonne partie de ce qui s'écrit sur les progrès ou les reculs de la diversité dans les entreprises et fournit un prétexte commode à tous ceux qui nient l'existence même d'un problème » 80 ( * ) .
Dès 1999, M. Jean-Michel Belorgey, dans son rapport sur la lutte contre les discriminations, préconisait la création d'instruments statistiques permettant de mesurer ces phénomènes 81 ( * ) .
Certaines entreprises, qui se sont engagées à lutter contre les pratiques discriminatoires par exemple en signant la Charte de la diversité élaborée en 2004 par l'Institut Montaigne 82 ( * ) , souhaitent pouvoir mettre fin à « l'invisibilité statistique » 83 ( * ) de ces phénomènes.
En effet, les signataires de la charte de la diversité se sont engagés non seulement à refléter la diversité de la société française dans leur entreprise, mais aussi à publier dans leur rapport annuel des données sur les résultats des actions mises en oeuvre. Le programme d'action pour l'égalité des chances annoncé lors du conseil des ministres du 1 er février 2006 prévoit d'ailleurs que les entreprises signataires devront « concrétiser » les engagements auxquels elles ont souscrit 84 ( * ) .
Ainsi, quatre entreprises signataires de cette charte 85 ( * ) cherchent actuellement à élaborer un protocole expérimental de mesure de la diversité des origines, utilisant l'auto-déclaration par les salariés concernés.
Dans une étude relative au rôle des statistiques dans la transformation du système de discrimination, M. Patrick Simon, chercheur à l'Institut national des études démographiques, résume ainsi cette difficulté ; « L'invisibilité, qu'elle soit politique ou statistique, ne sert qu'à maintenir tous les « plafonds de verre » qui défendent la suprématie des majoritaires et s'opposent à une véritable égalité » 86 ( * ) .
II. La position de la CNIL
La CNIL a entendu éclairer les employeurs privés et publics sur les conditions de mesure de la diversité des origines de leurs employés, en adoptant sur cette question des recommandations, le 5 juillet 2005.
En effet, l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique et aux libertés interdit, sauf consentement exprès de la personne concernée, la collecte et le traitement des données à caractère personnel faisant apparaître les origines raciales ou ethniques.
La CNIL considère que certaines données, telles que le nom, le prénom, la nationalité, la nationalité d'origine, le lieu de naissance, la nationalité ou le lieu de naissance des parents, ou encore l'adresse, peuvent être recueillies et traitées dans le cadre de la mise en place d'outils de mesure de cette diversité. Elle constate en revanche l'absence d'un référentiel national de typologies « ethno-raciales » .
La CNIL estime par conséquent qu'il n'existe pas « d'indicateurs ethno-raciaux » diffusés par la statistique publique qui pourraient servir aux employeurs comme base de comparaison fiable (indicateurs nationaux ou par bassin d'emploi).
Elle souligne qu'« en tout état de cause, le principe même de la création d'un tel référentiel devrait être approuvé par le législateur » .
Elle recommande par conséquent aux employeurs de ne pas recueillir de données relatives à l'origine raciale ou ethnique réelle ou supposée de leurs employés ou des candidats à un emploi.
Par ailleurs, l'analyse de la consonance du nom, du prénom, ou de la nationalité des personnes pour établir un classement dans des catégories « ethno-raciales » ne lui paraît pas pertinente en l'absence d'un référentiel national de typologies « ethno-raciales » et en l'absence d'un lien fiable entre ces données et l'appartenance à une catégorie raciale ou ethnique déterminée.
A cet égard, M. Jean-François Amadieu, directeur de l'Observatoire des discriminations, a indiqué à votre commission que le cadre légal précisé par la CNIL n'était pas respecté par certaines entreprises. Il a déploré le sentiment d'impunité prévalant à l'heure actuelle, et souhaité que les moyens de la CNIL soient renforcés afin de lui permettre de traiter rapidement les demandes d'autorisation en ce domaine.
III. La position de votre commission
Votre commission vous propose un amendement tendant à prévoir l'utilisation, par les personnes morales de droit public et de droit privé, d'un cadre de référence .
Ce cadre de référence serait défini conjointement par la HALDE, par l'Institut national de la statistique et des études économiques et par l'Institut national des études démographiques.
Les entreprises, publiques ou privées, mais aussi les établissements publics souhaitant mesurer la diversité des origines de leurs effectifs seraient tenus de l'utiliser .
Bénéficiant ainsi de l'expertise des deux instances les plus compétentes en ce domaine, il permettrait d'établir une typologie des groupes de personnes susceptibles d'être discriminées à raison de leurs origines raciales ou ethniques.
Conformément aux recommandations de la CNIL, l'amendement prévoit que les traitements de données utilisant le cadre de référence défini à des fins de mesure de la diversité devraient faire l'objet d'une procédure d'anonymisation . Dans ses recommandations du 5 juillet 2005, la CNIL considère en effet que les résultats doivent être produits sous une forme statistique agrégée, de façon à garantir l'anonymat des personnes concernées.
En outre, le respect des conditions d'anonymat et de confidentialité impose que les effectifs de l'entité où sont réalisées les statistiques soient suffisants.
Aussi serait-il précisé que les personnes morales publiques ou privées dont les effectifs comptent moins de 150 personnes ne peuvent procéder ou faire procéder à des traitements de données à des fins de mesure de la diversité des origines.
Enfin, les traitements de données utilisant le nouveau cadre de référence devraient être déclarés à la CNIL, dans les conditions prévues à l'article 23 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Tel est l'objet de l'article additionnel que votre commission vous propose d'insérer après l'article 22 .
Votre commission vous soumet par ailleurs un amendement de conséquence tendant à insérer après l'article 22 du projet de loi une division additionnelle (section), relative à la mesure de la diversité.
TITRE III - CONTRAT DE RESPONSABILITÉ PARENTALE
Article 24 (art. L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles) - Création du contrat de responsabilité parentale
Cet article a pour objet de créer un contrat de responsabilité parentale que le président du conseil général pourrait proposer aux parents ou au représentant légal d'un mineur, en cas d'absentéisme scolaire de ce dernier, de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à la carence de l'autorité parentale.
I. La création du contrat de responsabilité parentale
1) Le dispositif
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, la création du contrat de responsabilité parentale a pour objectif d'associer l'école, les institutions et les parents pour répondre aux situations d'absentéisme scolaire et aux difficultés graves que peuvent rencontrer certains enfants.
Ce contrat ferait l'objet d'un nouvel article L. 222-4-1 inséré dans le code de l'action sociale et des familles, où il prendrait place au sein de la partie relative aux prestations d'aide sociale à l'enfance.
Le premier alinéa du paragraphe I de ce nouvel article L. 222-4-1 permettrait au président du conseil général, en cas d'absentéisme scolaire , de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale , de proposer, aux parents ou au représentant légal du mineur, un contrat de responsabilité parentale.
Le paragraphe II de l'article 24 vise à modifier les articles L. 131-8 et L. 131-9 du code de l'éducation, afin de permettre à l'inspecteur d'académie de saisir le président du conseil général 87 ( * ) .
Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, troisième alinéa, de la Constitution, a retenu un amendement du rapporteur de la commission des affaires culturelles, définissant la liste des autorités susceptibles de saisir le président du conseil général afin qu'il propose aux parents ou au représentant du mineur un tel contrat.
Pourraient ainsi saisir le président du conseil général : l'inspecteur d'académie, le chef d'établissement d'enseignement, le maire de la commune de résidence du mineur, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales ou le préfet.
En outre, le texte adopté par l'Assemblée nationale préserve la possibilité pour le président du conseil général de proposer le contrat de sa propre initiative.
Le contrat de responsabilité parentale aurait pour objet de rappeler les obligations des titulaires de l'autorité parentale et comporterait « toute mesure d'aide et d'action sociales de nature à remédier à la situation ».
L'article 24 tend à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat la définition du contenu du contrat, de sa durée et des modalités de saisine du président du conseil général.
Par ailleurs, un amendement du Gouvernement retenu dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale précise que ce décret devrait fixer les conditions dans lesquelles les autorités de saisine sont informées par le président du conseil général de la conclusion d'un contrat et de sa mise en oeuvre . La coordination des aides et des mesures d'accompagnement proposées aux familles devrait être ainsi mieux assurée.
2) L'affirmation du rôle du département en matière de protection de l'enfance
L'article 49 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a confié au département un rôle de chef de file de l'action sociale sur son territoire, chargé de coordonner l'intervention des acteurs concernés (art. L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles).
Aussi le service de l'aide sociale à l'enfance , chargé notamment d'apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs et à leurs familles, est-il placé sous l'autorité du président du conseil général (art. L. 221-1 et L. 221-2 du code de l'action sociale et des familles).
Par ailleurs, les articles L. 312-4 et L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles confient-ils au département l'élaboration d'un schéma d'organisation sociale et médico-sociale coordonnant l'action des établissements et services concourant à la protection de l'enfance (établissements d'enseignement, centres d'action médico-sociale, ...).
Dans son rapport sur l'amélioration de la prise en charge des mineurs protégés 88 ( * ) , notre collègue, M. Louis de Broissia, premier vice-président de l'Assemblée des départements de France estime que cette fonction de « référent institutionnel » apparaît « d'autant plus importante que certains publics, en particulier d'adolescents, se situent à la frange de plusieurs champs de compétences, et nécessitent une approche transversale de l'ensemble des institutions sociales, sanitaires, judiciaires et médico-sociales avec une prise en compte globale de la communauté adulte ».
Votre commission considère par conséquent que le président du conseil général apparaît comme l'acteur pertinent pour engager une démarche contractuelle avec les familles confrontées à de graves difficultés d'exercice de l'autorité parentale.
Les prérogatives du département en matière de protection de l'enfance lui permettent d'apporter une « protection administrative » 89 ( * ) aux enfants et aux parents en cas de carences éducatives graves. La protection judiciaire intervient lorsque cette protection administrative se révèle insuffisante ou impossible à mettre en oeuvre lorsque l'enfant est en danger (art. L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles et art. 375 et suivants du code civil).
A cet égard, la création du contrat de responsabilité parentale est susceptible de permettre au département de conduire une évaluation globale de la situation familiale et de prendre des mesures d'incitation et de protection adaptées.
Votre commission estime cependant que le président du conseil général devrait disposer d'un pouvoir d'appréciation quant à la mise en oeuvre d'un tel contrat, alors que le nouvel article L. 222-4-1 tend à lui attribuer une compétence liée, dès lors qu'il aura été saisi par l'une des autorités mentionnées, telle que le maire ou le préfet.
Elle vous soumet donc un amendement tendant à donner au président du conseil général la faculté et non l'obligation de proposer un contrat de responsabilité parentale.
Le dispositif serait ainsi plus conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales et à l'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre (art. 72 de la Constitution).
II. Les conséquences des manquements au contrat de responsabilité parentale et de son rejet
Les quatre derniers alinéas du nouvel article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles prévu par le paragraphe I du présent article tendent à définir les conséquences du non respect des obligations incombant aux parents ou au représentant légal, ou de leur refus de signer un contrat de responsabilité parentale.
Aussi, le président du conseil général aurait-il la possibilité, dans une telle situation :
- de demander au directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales de suspendre le versement de tout ou partie des prestations afférentes à l'enfant (1°) ;
- de saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale (2°) ;
- de saisir l'autorité judiciaire aux fins de mise sous tutelle des prestations familiales (3°).
Le dispositif de mise sous tutelle des prestations familiales, défini par l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale, permet au juge des enfants d'ordonner que les prestations soient, en tout ou partie, versées à une personne physique ou morale qualifiée, dite tuteur aux prestations sociales.
Ont été retenus dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale deux amendements rédactionnels, ainsi qu'un amendement présenté par le rapporteur de la commission des affaires culturelles substituant la faculté de saisir le procureur de la République (2°) à celle de saisir l'autorité judiciaire d'une demande tendant à l'application d'une contravention définie par décret en Conseil d'Etat.
Notre collègue M. Louis de Broissia, premier vice-président de l'assemblée des départements de France, s'est interrogé devant votre rapporteur quant à la légitimité du président du conseil général pour demander au directeur de la caisse d'allocations familiales la suspension du versement de certaines prestations.
Estimant que le contrat de responsabilité parentale pouvait constituer un outil efficace de concertation entre les services départementaux, les établissements scolaires et l'autorité judiciaire, il a déclaré que sa mise en oeuvre nécessiterait la création de nouveaux postes de techniciens de l'intervention sociale et familiale (TISF) et de conseillers en économie sociale et familiale (CESF).
Considérant que le contrat de responsabilité parentale correspondait à une extension des compétences du département en matière d'aide sociale, il a souhaité que soit inscrit dans le projet de loi un mécanisme de compensation financière de la part de l'Etat.
Il a en outre relevé que, paradoxalement, ne devraient être concernés par les sanctions prévues par le nouvel article L. 222-4-1 soit, le cas échéant, par la suspension des allocations familiales, que les parents exerçant encore l'autorité parentale, alors que de nombreux parents auxquels la justice a retiré leurs enfants continuent à percevoir les prestations familiales afférentes à ces derniers.
A cet égard, M. Côme Jacqmin, secrétaire général du syndicat de la magistrature, a indiqué à votre rapporteur que lorsque le juge des enfants ordonnait le placement de ces derniers dans une famille ou un établissement d'accueil, il avait néanmoins pour objectif, en général, de maintenir des relations avec les parents, voire de préparer un retour auprès des parents. Il a précisé que le versement des prestations familiales aux parents était donc le plus souvent maintenu dans cet objectif, précisant que le juge pouvait alors demander aux parents de contribuer financièrement au coût du placement de leur enfant.
Votre rapporteur s'étonne cependant que le juge, lorsqu'il ordonne le placement des enfants, n'accompagne pas plus souvent cette décision d'une mise sous tutelle des prestations familiales.
Notre collègue M. Bernard Cazeau, président de la commission des affaires sociales de l'assemblée des départements de France, a rappelé lors de son audition par votre rapporteur, que le mécanisme de suppression des prestations familiales en cas de manquements à l'assiduité scolaire avait été supprimé par l'article 3 de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance.
Estimant que le contrat de responsabilité parentale ne constituait pas un mécanisme pertinent pour les travailleurs sociaux, il a déclaré que l'absentéisme scolaire ne relevait pas du conseil général mais de l'action éducative. Soulignant le risque d'une forte inégalité d'application de ce dispositif d'un département à l'autre, il a par ailleurs considéré que son adoption devrait nécessairement être accompagnée par le transfert de ressources financières de la part de l'Etat.
III. Les propositions de votre commission
Lors des travaux qui ont précédé l'adoption de la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, notre collègue, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales 90 ( * ) , indiquait que 81.700 cas d'absentéisme scolaire avaient été signalés à l'inspection académique en 2001-2002, dont 20 % avaient été transmis à la caisse d'allocations familiales aux fins de suspension ou de suppression du versement des prestations, en application de l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale 91 ( * ) .
Il relevait en outre que près de 9.000 suspensions d'allocations familiales avaient été comptabilisées en 2001-2002, « dont le tiers dans le seul département de la Seine-Saint-Denis ».
L'ampleur atteinte, malgré ce dispositif, par le phénomène de l'absentéisme scolaire avait alors conduit à rechercher des sanctions plus adaptées.
En effet, la suspension ou la suppression des prestations familiales était jugée inefficace 92 ( * ) et pouvait même apparaître comme un mécanisme injuste, 1,3 million de familles élevant un seul enfant n'étant pas éligibles à ces allocations.
Ce dispositif a donc été remplacé par un plan de lutte contre l'absentéisme scolaire, assurant la responsabilisation des familles grâce à la mise en oeuvre de modules de soutien à la responsabilité parentale 93 ( * ) .
Le recours à la sanction pécuniaire n'est depuis prévu qu'en cas de persistance des carences éducatives. L'article R. 624-7 du code pénal prévoit ainsi que le fait pour le responsable de l'enfant de ne pas lui imposer l'obligation d'assiduité scolaire sans faire connaître de motif légitime est puni de l'amende prévue pour les contraventions de quatrième classe 94 ( * ) .
Votre commission considère que la remise en cause de ce nouveau dispositif un an après sa création, par le rétablissement d'un mécanisme de suspension des prestations familiales, apparaît contraire à l'objectif d'intelligibilité et de stabilité de la loi.
En outre, elle rappelle que le régime des prestations familiales relève de l'Etat, le directeur de l'organisme débiteur de ces prestations étant placé sous l'autorité de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS).
Elle estime par conséquent que l'attribution au président du conseil général d'un pouvoir de suspension des prestations familiales ne constitue pas un schéma institutionnel pertinent . L'exercice par le président du conseil général de ce qui pourrait apparaître comme un pouvoir hiérarchique sur le directeur de la caisse d'allocations familiales pourrait susciter d'importantes difficultés d'application.
Par ailleurs, le dispositif envisagé pourrait conduire à d'importantes différences de traitement sur le territoire national.
Votre commission vous soumet par conséquent un amendement tendant à supprimer la possibilité pour le président du conseil général de demander la suspension des prestations familiales. Cet amendement maintient en revanche la faculté pour ce dernier de saisir, s'il a connaissance de faits constitutifs d'une infraction pénale, le procureur de la République.
Ainsi, sous réserve d'une modification réglementaire, la contravention aujourd'hui prévue à l'article R. 624-7 du code pénal pourrait venir sanctionner non seulement l'absentéisme scolaire après l'échec des mesures d'accompagnement, mais aussi les manquements aux obligations définies par le contrat de responsabilité parentale.
Cette faculté constituerait sans doute pour le président du conseil général un outil aussi efficace que la possibilité de demander la suspension des prestations familiales, dans l'objectif d'inciter les parents à exercer pleinement leurs responsabilités.
Ainsi, en cas de manquement aux prescriptions du contrat de responsabilité parentale, ou de refus de signer un tel contrat de la part des parents, le président du conseil général pourrait :
- saisir l'autorité judiciaire aux fins de mise sous tutelle des prestations familiales ;
- saisir le procureur de la République de tout fait susceptible de constituer une infraction pénale.
Votre commission vous soumet par ailleurs un amendement visant à prévoir le versement par l'Etat d'une compensation financière aux départements mettant en oeuvre le contrat de responsabilité parentale.
Ce dispositif permettrait ainsi de respecter le principe de compensation financière des extensions de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales, défini à l'article 72-2, avant-dernier alinéa, de la Constitution.
Conditionnée par la mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale, cette compensation inciterait par ailleurs les départements à recourir à cette démarche propice à la concertation des acteurs de la protection de l'enfance.
Conformément aux dispositions de l'article 36 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les modalités de cette compensation sont renvoyées à une loi de finances.
Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 24 ainsi modifié.
Article 25 (art. L. 552-3 du code de la sécurité sociale) - Suspension temporaire du versement des prestations familiales
Cet article a pour objet de rétablir au sein du code de la sécurité sociale un article L. 552-3 permettant au directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales de suspendre, à la demande du président du conseil général, le versement de ces prestations.
Il ferait obligation au directeur de la CAF d'exécuter la décision du président du conseil général.
L'article L. 552-3 donnerait par ailleurs au président du conseil général la compétence de décider de la durée et de la proportion des prestations qui seraient suspendues.
Le versement des prestations serait rétabli, avec un effet rétroactif à la date de la suspension, lorsqu'il est constaté que les parents ou le représentant légal de l'enfant se conforment aux obligations qui leur étaient imposées en application du contrat de responsabilité parentale.
La liste des prestations visées et la durée maximale de leur suspension étaient initialement renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.
Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49-3, troisième alinéa, de la Constitution, ont été retenus cinq amendements présentés par le rapporteur de la commission des affaires culturelles 95 ( * ) et un amendement du Gouvernement précisant que :
- seuls les allocations familiales et le complément familial pourraient être suspendus 96 ( * ) ;
- dans les départements d'outre-mer 97 ( * ) , le complément familial, destiné dans ces collectivités aux familles dont le plus jeune enfant est âgé de 3 à 5 ans, ne pourrait faire l'objet d'une suspension 98 ( * ) ;
- la durée de la mesure de suspension ne pourrait excéder trois mois et qu'elle pourrait néanmoins être renouvelée, dans la limite d'une durée maximale de douze mois.
Lors de son conseil d'administration du 4 janvier 2006, le conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) a donné un avis défavorable à ce dispositif, soulignant qu'il ne lui semblait pas opportun de prévoir une sanction consistant en la suspension des prestations, alors qu'existe la possibilité de prononcer une contravention.
Votre commission vous propose, à l'article 24 du projet de loi, un amendement tendant à supprimer la faculté pour le président du conseil général de demander la suspension du versement des prestations familiales aux familles ne respectant pas les obligations définies par le contrat de responsabilité parentale.
Elle vous soumet en conséquence un amendement de suppression de l'article 25.
TITRE IV - LUTTE CONTRE LES INCIVILITÉS
Les incivilités désignent les désordres et comportements d'inconduite qui, sans être expressément visés par le code pénal, constituent des manquements aux règles élémentaires de vie en société : nuisances sonores, dégradations, manque de respect.
Dans le présent titre, la référence aux incivilités concerne un ensemble de contraventions déjà inscrites dans le code pénal, et portant atteinte à l'ordre public, à la salubrité publique ou encore aux biens d'une collectivité publique.
Article 26 (art. L. 2212-5, L. 2512-16 et L. 2512-16-1 du code général des collectivités territoriales) - Pouvoirs de constatation des agents de police municipale
Cet article vise à étendre les pouvoirs des agents de police municipale en leur permettant de constater les contraventions relatives à des incivilités.
L'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que le maire est notamment chargé , sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale .
Les domaines dans lesquels le maire exerce ses pouvoirs de police sont définis à l'article L. 2212-2 du même code et comprennent la sûreté et la commodité du passage dans les rues, la répression des atteintes à la tranquillité publique, le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes ou encore « le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces. ».
Le maire confie les tâches relevant de sa compétence aux agents de police municipale qui les exécutent, « dans la limite de leurs attributions et sous son autorité », sans préjudice de la compétence générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale (art. L. 2212-5 du CGCT).
Ces agents exercent leurs fonctions sur le territoire communal, dans les conditions prévues au 2° de l'article 21 du code de procédure pénale. Ils ont donc pour mission, aux termes de cet article et en tant qu'agents de police judiciaire adjoints :
- de seconder les officiers de police judiciaire ;
- de rendre compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance ;
- de constater les infractions à la loi pénale et de recueillir tous renseignements en vue de découvrir les auteurs de ces infractions ;
- de constater par procès-verbal les contraventions aux dispositions du code de la route.
L'article L. 2212-5 du CGCT prévoit en outre qu'ils sont chargés de constater par procès-verbaux les contraventions aux arrêtés de police du maire.
L'article 26 du projet de loi vise à étendre les prérogatives de constatation des agents de police municipale aux contraventions mentionnées au livre VI du code pénal dont la liste serait fixée par décret en Conseil d'Etat, à l'exclusion de celles qui :
- nécessiteraient de leur part des actes d'enquête ;
- réprimeraient des atteintes à l'intégrité des personnes.
Le code de procédure pénale réserve en effet l'exercice de ces deux prérogatives aux officiers de police judiciaire (art. 14, 17 et 19) et aux agents de police judiciaire qui les secondent (art. 20).
La liste des contraventions du code pénal que pourraient constater les agents de police municipale, et que devrait définir un décret en Conseil d'Etat, pourrait ainsi comprendre, notamment :
- la divagation d'animaux dangereux (art. R. 622-2) ;
- les menaces de violences (art. R. 623-1) ;
- les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes (art. R. 623-2) ;
- l'excitation d'animaux dangereux (art. R. 623-3) ;
- la diffusion de messages contraires à la décence (art. R. 624-3) ;
- l'abandon d'ordures et de déchets (art. R. 632-1) ;
- les destructions, dégradations et détériorations légères (art. R. 635-1).
Les trois derniers alinéas de l'article 26 ont pour objet d'appliquer la même extension des pouvoirs de constatation à la ville de Paris , soumise à un régime spécifique en matière de police.
En effet, l'arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII, dont la plupart des dispositions sont toujours en vigueur, confie au préfet de police des pouvoirs de police générale qu'il exerce au nom de l'Etat, ainsi que des pouvoirs de police municipale.
Toutefois, la loi n° 86-1308 du 29 décembre 1986 portant adaptation du régime administratif et financier de la ville de Paris a confié au maire de Paris certaines compétences de police municipale en matière de salubrité sur la voie publique, de bruits de voisinage ou encore de maintien du bon ordre dans les foires et marchés (art. L. 2512-13 du CGCT).
Ainsi, aux termes de l'article L. 2512-16 du CGCT, les agents de la ville de Paris chargés d'un service de police , dûment agréés par le procureur de la République et assermentés, sont autorisés à constater par procès-verbal les contraventions aux arrêtés de police du maire de Paris pris dans ces domaines.
Aussi l'article 26, quatrième alinéa, du projet de loi vise-t-il à modifier l'article L. 2512-6 pour permettre aux agents de la ville de Paris de constater par procès-verbal les contraventions dont la liste est renvoyée à un décret, dès lors qu'elles n'appellent aucun acte d'enquête de leur part et qu'elles ne répriment pas des atteintes à l'intégrité des personnes.
Le dernier alinéa de cet article tend à attribuer la même compétence aux agents de surveillance de Paris placés sous l'autorité du préfet de police, en modifiant l'article L. 2512-16-1 du CGCT.
Ces agents ont déjà la possibilité de constater par procès-verbal les contraventions aux arrêtés de police du préfet de police et du maire de Paris relatifs au bon ordre, à la tranquillité, à la sécurité et à la salubrité sur la voie publique.
Votre commission juge inopportune l'extension des prérogatives des agents de police municipale à la constatation des contraventions pouvant être rassemblées sous l'appellation d'incivilités.
Elle vous soumet par conséquent un amendement de suppression de l'article 26 .
Article 27 (art. 44-1 du code de procédure pénale) - Compétence du maire pour proposer une transaction
Cet article tend à attribuer au maire, pour les contraventions relatives à des incivilités, lorsqu'elles ont porté préjudice à un bien de la commune, la possibilité de proposer au contrevenant une transaction.
A cette fin, il tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 44-1 , complétant la section 3 du chapitre II du titre Ier de ce code, relative aux attributions du procureur de la République.
Ce nouvel article 44-1, visant à associer les maires à la sanction des actes d'incivilité et à développer dans ce domaine des alternatives aux poursuites, viendrait ainsi compléter les prérogatives du parquet.
Celles-ci se sont en effet enrichies de mesures alternatives aux poursuites consacrées par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale.
Développées notamment pour réduire le nombre de classements sans suite en matière de délinquance, ces procédures alternatives comprennent, d'une part, les mesures définies par l'article 41-1 du code de procédure pénale , telles que le rappel à la loi, l'orientation vers une structure sanitaire, la mise en demeure de régulariser, la médiation et la réparation des dommages.
Le procureur de la République peut, avant de décider d'engager l'action publique, choisir ces mesures si elles lui paraissent « susceptibles d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits ».
D'autre part, l'article 41-2 du code de procédure pénale permet au procureur de la République de proposer à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, une composition pénale , consistant par exemple à verser une amende de composition au Trésor public ou à accomplir au profit de la collectivité un travail non rémunéré pour une durée maximale de soixante heures. Après avoir été acceptée par l'auteur des faits, la proposition de composition pénale est transmise aux fins de validation à un magistrat du siège. L'exécution de la composition pénale a pour effet d'éteindre l'action publique.
Cette procédure a été enrichie et simplifiée depuis 1999 par les lois n° 2002-1038 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice et n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
La transaction pénale qui, à la différence de la composition pénale proposée par le procureur de la République, est proposée par une autorité administrative 99 ( * ) , est possible dans certains contentieux spécifiques. Son exécution peut entraîner l'extinction de l'action publique 100 ( * ) .
L'article 27 du projet de loi tend à transposer ce type de procédure alternative aux poursuites aux contraventions que pourraient constater les agents de police municipale en application des dispositions prévues à l'article 26.
Le maire deviendrait en outre un acteur de la transaction , dans l'hypothèse où les faits ont été commis au préjudice de la commune.
En effet, le premier alinéa du nouvel article 44-1 du code de procédure pénale permettrait-il au maire, pour les contraventions que les agents de police municipale seraient habilités à constater, lorsqu'elles sont commises au préjudice de la commune au titre de l'un de ses biens, de proposer au contrevenant une transaction consistant en la réparation de ce préjudice.
Cette transaction devrait être homologuée par le procureur de la République ou, sous son contrôle, par son délégué 101 ( * ) , et éteindrait l'action publique. Le pouvoir de transaction du maire serait donc soumis au contrôle du ministère public.
Aussi convient-il de rappeler qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du CGCT, la police municipale, dont le maire a la charge 102 ( * ) , comprend notamment tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, ce qui inclut « le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage », ainsi que le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique.
Ces matières recouvrent sensiblement les contraventions que pourraient constater les agents de police municipale.
Le deuxième alinéa du nouvel article 44-1 vise à prévoir que la transaction puisse également consister en l'exécution, au profit de la commune, d' un travail non rémunéré pendant une durée maximale de trente heures . Elle devrait alors être homologuée par le juge des libertés et de la détention, qui saisirait le procureur de la République.
Enfin, pour les contraventions qui n'auraient pas été commises au préjudice de la commune mais sur son territoire , le troisième alinéa du nouvel article 44-1 permettrait au maire de proposer au procureur de la République de procéder :
- soit à une des mesures alternatives aux poursuites prévues par l'article 41-1 du code de procédure pénale (cf. supra) ;
- soit à une composition pénale en matière de contraventions , dans les conditions définies par l'article 41-3 du même code. La composition pénale peut alors consister, notamment, en un travail non rémunéré d'une durée maximale de 30 heures. Elle ne peut consister en une mesure privative de liberté telle que l'interdiction de paraître ou de quitter le territoire national.
La procédure de composition pénale appliquée aux contraventions est en outre soumise à l'homologation du juge du tribunal de police ou du juge de la juridiction de proximité 103 ( * ) .
L'avant-dernier alinéa du nouvel article 44-1 tend à rendre ce dispositif applicable aux contraventions que pourraient constater les agents de la ville de Paris chargés d'un service de police et les agents de surveillance de Paris, dans les termes prévus par l'article 27 du projet de loi.
Enfin, le dernier alinéa du nouvel article 44-1 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition des conditions d'application de cet article. Ce décret devrait notamment prévoir que la personne à qui est proposée une transaction peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition du maire ou du procureur de la République.
Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, troisième alinéa, de la Constitution, ont été retenus deux amendements rédactionnels présentés par M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Votre commission considère que l'attribution d'un pouvoir de transaction pénale au maire accroîtrait la complexité de ses missions . Elle estime que le maire ne dispose pas, à l'heure actuelle, des moyens nécessaires à l'exercice d'une telle prérogative.
Votre commission vous soumet en conséquence un amendement de suppression de l'article 27.
Par cohérence avec ses amendements tendant à supprimer les articles 26 et 27 du projet de loi, votre commission vous soumet un amendement de suppression du titre IV relatif à la lutte contre les incivilités.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations, et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi pour l'égalité des chances dont elle s'est saisie.
ANNEXES
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ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Auditions de la commission
Mercredi 8 février 2006
M. Louis Schweitzer , président, accompagné de M. Marc Dubourdieu directeur général et M. Luc Ferrand , directeur du service juridique de la Haute autorité ;
M. Jean-François Amadieu, professeur à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne - directeur du CEGORS (Centre d'étude et de recherche sur les organisations et les relations sociales) et de l'Observatoire des discriminations.
Auditions du rapporteur
(ouvertes aux autres membres de la commission)
Jeudi 2 février 2006
M. Richard Séréro , secrétaire général de la LICRA
M. Christophe Pallez, secrétaire général de la CNIL
M. Nicolas Blot, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats
M. Bruno Thouzellier, secrétaire national de l'USM
Vendredi 3 février 2006
M. Patrick Lozes , Président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN)
M. Pap Ndiaye, Vice-président du Cercle d'action pour la promotion de la diversité en France (CAPDIV) et co-fondateur du CRAN
M. Arnaud de Broca , Fédération nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés (FNATH)
M. Philippe Karim Felissi , avocat au barreau de Paris
Mme Naïma Rudloff , secrétaire général du syndicat national FO des Magistrats
Mme Bernadette Hétier, vice-présidente du MRAP
M. Farid Messaoudi, directeur du service juridique
Mardi 7 février 2006
M. Didier Liger , représentant du Conseil National des Barreaux
M. Louis de Broissia , président du Conseil général de la Côte d'Or
M. Bernard Cazeau , président du conseil général de la Dordogne.
M. Assane Fall, secrétaire général de SOS Racisme.
M. Côme Jacqmin , secrétaire général du Syndicat de la magistrature, juge des enfants.
Mme Laurence Mollaret , substitut du procureur de Bobigny.
Mme Nora Barsali , vice-présidente de BPW France et directrice de Nora Communication.
Vendredi 10 février 2006
M. Claude Lazarus , membre du Conseil de l'Ordre du Barreau de Paris,
Mme le Bâtonnier Marie-Dominique Bedou Cabau , membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers
Mme Laurence Méhaignerie , chercheur associé à l'Institut Montaigne.
M. Laurent Blivet, consultant en stratégie d'entreprise pour le Boston Consulting Group, chercheur associé à l'Institut Montaigne.
ANNEXE 2 - COMPTE-RENDU DES AUDITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
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Le mercredi 8 février 2006, la commission a procédé aux auditions de MM. Louis Schweitzer, président, Marc Dubourdieux directeur général, Luc Ferrand, directeur du service juridique de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) et de Jean-François Amadieu, directeur du CEGORS (Centre d'étude et de recherche sur les organisations et les relations sociales), professeur à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, sur le projet de loi n° 2787 (A.N. XIIè législature) pour l'égalité des chances.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que la HALDE, créée par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, avait été installée officiellement par le président de la République le 23 avril 2005.
Dressant un rapport d'étape de l'activité de la HALDE plutôt qu'un « bilan » qu'il a jugé, à ce stade, prématuré, M. Louis Schweitzer a d'abord souligné que la lutte contre les discriminations était considérée comme une priorité, non seulement par les autorités publiques, mais également par l'opinion. Il a rappelé que les Français souscrivaient au principe d'une autorité chargée de lutter contre toutes les formes de discrimination, alors que d'autres pays européens avaient fait le choix d'autorités plus spécialisées. L'expérience, a-t-il ajouté, démontrait la pertinence de l'option française ; en effet, d'une part, les discriminations pouvaient être liées à des causes de même nature, d'autre part, la lutte contre les discriminations, quelle que soit leur origine, pouvait impliquer des modes d'action similaires et, enfin, il était possible d'être victime simultanément de plusieurs discriminations.
M. Louis Schweitzer , a observé que la HALDE n'exerçait aucun monopole en matière de lutte contre les discriminations, mais que son action s'inscrivait, dans le cadre d'une politique plus générale destinée à favoriser également l'emploi et, à travers l'accès à l'éducation en particulier, la mobilité sociale. Il a ajouté que compte tenu de ses moyens (un budget de 10,7 millions d'euros et un effectif de 66 personnes aux termes de la loi de finances pour 2006), la HALDE ne disposait pas de capacités d'intervention considérables et qu'il était donc essentiel qu'existent d'autres instruments d'action au titre, notamment, de la politique de la ville et des différents dispositifs de lutte contre les inégalités.
Evoquant alors les missions de la HALDE, M. Louis Schweitzer , a d'abord rappelé que cette autorité avait la responsabilité de traiter toutes les réclamations des personnes s'estimant victimes de discrimination dont elle était saisie, la Haute autorité fondant ainsi son activité sur le traitement de cas concrets. Il a noté qu'à ce jour, l'institution avait été saisie de 1.377 réclamations. Après avoir relevé que le code pénal recensait 17 motifs de discrimination illégaux considérés comme des délits, il a indiqué que 38 % des discriminations dont la HALDE avait été saisie étaient liées aux origines (qu'il s'agisse de la nationalité ou de l'appartenance à une « minorité visible »), 14 % à la santé et au handicap, 6 % à l'âge et 6 % au sexe. Sur ce dernier motif de discrimination, après avoir observé que la moitié des réclamations étaient présentées par des hommes, il a estimé que la part des femmes était certainement sous-représentée par rapport à leur situation effective au regard des discriminations. Il a précisé, à cet égard, que de nombreuses personnes étaient, en fait, victimes de discriminations sans se reconnaître comme telles et donc, a fortiori, sans saisir la HALDE. Présentant alors ces réclamations selon le domaine dans lequel s'exerçaient les discriminations, le président de la HALDE a indiqué que les saisines concernaient l'emploi (45 %), les services publics [réglementation et fonctionnement de l'administration (22 %)], mais aussi, par ordre décroissant, l'accès aux biens et services, privés ainsi que le logement et l'éducation. Lieu principal de l'intégration, l'emploi apparaissait aussi, selon M. Louis Schweitzer , comme le lieu principal des discriminations.
Rapprochant le nombre de réclamations adressées à la Haute autorité du nombre d'affaires portées devant le juge, le président de la HALDE a constaté que les condamnations au pénal pour discrimination ou appel à discrimination (soit une quarantaine en moyenne par an), apparaissaient très en deçà de la réalité des discriminations. Le nombre de réclamations portées devant la HALDE semblait, quant à lui, moins le reflet de la fréquence des discriminations que l'indicateur du nombre de personnes se percevant comme victimes de ces discriminations. A cet égard, M. Louis Schweitzer , a estimé que la HALDE n'avait pas encore atteint son objectif, tout en rappelant qu'à l'exemple du Médiateur, il faudrait sans doute plusieurs années pour qu'elle soit en mesure de répondre pleinement à sa vocation.
Le président de la HALDE a cité parmi les priorités de son action la nécessité d'accroître la notoriété de cette institution. Il a noté que si l'autorité n'avait pas les moyens financiers de mener des campagnes publicitaires, elle pouvait compter sur le soutien de certains organes de communication tels que la chaîne Public-Sénat à laquelle il a souhaité rendre hommage, ainsi que de relais institutionnels comme l'Association des maires de France et l'ANPE afin notamment d'assurer une meilleure information sur la HALDE auprès du grand public. En deuxième lieu, il importait selon M. Louis Schweitzer que les recours soumis à la HALDE se révèlent efficaces. Il a estimé que l'octroi d'un pouvoir de sanction pourrait, si les dispositions du projet de loi pour l'égalité des chances étaient adoptées, permettre de lutter contre un plus grand nombre de situations de discrimination. En effet, d'après le président de la HALDE, le juge donnait une priorité aux atteintes physiques à l'ordre public sur les atteintes morales ; en outre, la réponse judiciaire pouvait sembler aujourd'hui soit excessivement complexe et lente, soit disproportionnée. Il a cité pour exemple le cas des offres d'emploi fixant des limites d'âge, contraires à la loi mais pour lesquelles une procédure devant le tribunal correctionnel ne constituait pas nécessairement la réponse la plus adaptée.
M. Louis Schweitzer a estimé qu'au-delà du traitement des cas concrets de discrimination, la HALDE devait déceler les formes de discrimination qui ne faisaient pas l'objet de réclamation et mener une politique de prévention plus large, en particulier en sensibilisant, comme cela avait été fait pour les offres d'emploi comportant des limites d'âge, les directeurs des ressources humaines et les organes de presse aux pratiques inacceptables. Il a ajouté que le projet de loi relatif à l'égalité des chances, en légalisant la pratique du « testing », ne ferait que confirmer la jurisprudence de la Cour de cassation. Après avoir rappelé que la HALDE avait appliqué cette méthode en matière d'emploi et de logement, il a souligné qu'elle présentait l'avantage de permettre l'identification de pratiques discriminatoires en recourant à des personnes fictives (envoi de CV fictifs), plutôt qu'à des personnes réelles.
M. Louis Schweitzer a souligné que la HALDE participait aussi à la promotion d'une politique d'égalité en citant, pour exemple, la convention signée avec la Fédération nationale de l'immobilier afin de garantir que toutes les agences respectent les principes de non-discrimination, de sorte qu'aucune d'entre elles ne soit tentée de transiger avec ces principes pour attirer la clientèle d'agences plus scrupuleuses. Il a également indiqué que la HALDE avait adressé une lettre à 150 entreprises afin de proposer des instruments de lutte contre les discriminations ainsi qu'un mécanisme de suivi des actions conduites en faveur de la diversité.
M. Louis Schweitzer a conclu en indiquant que les moyens de la HALDE, certes inférieurs à ceux dévolus aux institutions homologues, mais plus anciennes, de certains pays européens, lui paraissaient suffisants au regard de son activité actuelle.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis, s'est enquis des moyens matériels et humains mis à la disposition de la HALDE. Il a en particulier demandé à M. Louis Schweitzer de préciser le nombre de recrutements déjà intervenus et pour quelles compétences. Ayant constaté une forte attente des associations à cet égard, il a souhaité savoir si la création de délégations régionales, annoncée par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi portant création de la HALDE, avait été effective. Il a demandé à M. Louis Schweitzer si la HALDE avait déjà mis en oeuvre ses pouvoirs d'enquête et de vérification et si ces prérogatives lui semblaient adaptées aux missions de la Haute autorité.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis, a souhaité connaître la nature des liens entre la HALDE et le milieu associatif, indiquant que plusieurs associations qu'il avait entendues lui avaient signalé que les services de la HALDE avaient conseillé à des personnes de se rapprocher des associations de lutte contre les discriminations plutôt que de la saisir. S'interrogeant sur les relations entre le comité consultatif et l'instance collégiale de la HALDE, il s'est demandé pourquoi certaines associations de lutte contre les discriminations, par exemple les discriminations à raison de l'orientation sexuelle, n'étaient pas représentées au sein du comité consultatif. Après avoir évoqué le caractère limité du pouvoir de sanction qu'il était proposé de conférer à la HALDE, il a souhaité savoir si cette autorité administrative indépendante ne risquait pas de se trouver dans une position délicate, dans la mesure où il lui serait difficile, le cas échéant, de prononcer des sanctions à l'égard de personnes morales avec lesquelles elle engageait des partenariats pour lutter contre les discriminations.
Après avoir souligné les limites du « testing » comme instrument de lutte contre les discriminations, notamment en raison des recrutements par voie de réseaux, et évoqué les difficultés pour identifier les comportements répréhensibles des entreprises, M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur l'intérêt de compléter, éventuellement à titre provisoire, le dispositif actuel par la mise en place d'un instrument de mesure statistique des comportements discriminatoires.
Partageant cette interrogation, M. Alain Gournac, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, a souhaité connaître la position de M. Louis Schweitzer sur l'utilisation de statistiques fondées sur l'appartenance ethno-raciale, afin de mieux apprécier la portée des discriminations. Il a fait valoir la difficulté, en l'absence de références précises, d'appréhender la situation actuelle en matière de discrimination et les progrès réalisés ces dernières années, ajoutant que de telles données permettraient au surplus d'éclairer le législateur sur la nécessité de faire évoluer la législation.
M. Alain Gournac, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, a souhaité savoir si la HALDE avait été destinataire de réclamations relatives à des discriminations dans le secteur, sensible, de l'apprentissage. Enfin, il a demandé à M. Louis Schweitzer si, outre l'instauration d'un pouvoir de sanction, il avait d'autres suggestions pour renforcer l'efficacité de la HALDE.
En réponse à M. Jean-René Lecerf, M. Louis Schweitzer a indiqué que le nombre d'emplois temps plein travaillés attribués à la HALDE par la loi de finances s'élevaient à 50 personnes pour l'année 2005 et à 66 pour l'année 2006, ajoutant que 44 personnes avaient été recrutées à ce jour, avec l'objectif d'atteindre un effectif de 60 personnes à la fin du premier semestre 2006. Il a précisé que la HALDE comprenait, outre la direction de la promotion de l'égalité, une direction juridique chargée de recevoir, orienter et traiter les réclamations. Il a indiqué que cette direction regroupait l'effectif le plus important, 22 personnes, pour la plupart des juristes auxquels il incombait de se mettre en relation avec les plaignants et les auteurs supposés des discriminations. Il a expliqué que ces professionnels devaient donc faire preuve d'une évidente capacité relationnelle. A cet égard, indiquant que le faible nombre de juristes spécialisés dans le domaine des discriminations posait des difficultés de recrutement pour la Haute autorité, il a souhaité que cette branche du droit se développe davantage.
Abordant la mise en place des délégations régionales, il a souhaité distinguer la situation de la HALDE de celle du Médiateur de la République. Il a souligné que le Médiateur disposait de relais au niveau départemental en s'appuyant largement sur des représentants bénévoles, souvent des fonctionnaires retraités dont la mission consistait, à l'instar des anciens juges de paix, à dialoguer et à apaiser les conflits. Il a observé qu'en revanche, la nature des missions confiées à la HALDE, à savoir le traitement des discriminations qui constituent des délits, supposait un professionnalisme plus grand, ce qui l'avait conduit à concentrer ses moyens dans la région parisienne. Toutefois, M. Louis Schweitzer a déclaré que le débat sur la mise en place de relais au niveau local était ouvert. Il a d'ailleurs indiqué que la HALDE avait, à titre expérimental, mis en place des réseaux locaux s'appuyant sur un délégué à Marseille et à Lille et qu'un autre relais devrait être opérationnel en Martinique prochainement. Il a ajouté que le soutien des administrations locales pourrait également constituer une voie utile pour relayer localement la lutte contre les discriminations. Il a expliqué qu'il avait d'ailleurs demandé aux préfets de nommer un correspondant au sein de leurs services et que ces derniers avaient répondu favorablement à cette requête.
M. Louis Schweitzer a jugé satisfaisants les pouvoirs d'enquête et d'investigation de la HALDE. Il a cependant précisé que les pouvoirs d'investigation sur place n'avaient pu encore être mis en oeuvre, les premiers agents compétents pour agir n'ayant été habilités par le procureur général que très récemment.
M. Louis Schweitze r a indiqué qu'aucun plaignant n'avait été réorienté vers une association de lutte contre les discriminations. Il a néanmoins précisé que lorsque qu'une plainte n'entrait pas dans le champ de compétences de la HALDE -par exemple en étant plus l'expression d'une difficulté que d'une discrimination ou lorsque la réclamation concernait un refus d'octroi de visa- le plaignant était orienté vers le milieu associatif. Il a également précisé que lorsqu'une réclamation portait sur une injure raciale et bien que, juridiquement, cet acte qui pouvait être vécu comme une forme de discrimination n'en constitue pas une, la HALDE s'efforçait d'apporter une réponse à la personne victime présumée de l'injure et transmettait systématiquement le dossier au parquet.
Il a fait état des difficultés qu'avait soulevées la composition du comité consultatif qui comporte 18 membres. Il a indiqué que l'instance collégiale de la HALDE avait souhaité y faire siéger à la fois des représentants d'associations et des personnalités qualifiées telles que MM. Jean-François Amadieu, directeur de l'Observatoire des discriminations, ou encore Joel Thoraval, président de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme, président du comité consultatif. Il a fait état des protestations émises par les cinq principales organisations syndicales, mécontentes que seulement deux d'entre elles soient représentées. Il a également indiqué que de nombreuses associations s'étaient plaintes de ne pas siéger au comité consultatif, assurant néanmoins que leurs voix seraient entendues dans le cadre de relations bi-latérales.
M. Louis Schweitze r s'est déclaré satisfait du pouvoir de sanction prévu par le projet de loi en dépit de son caractère limité, après avoir fait valoir qu'il n'avait pas pour vocation de se substituer à une décision de justice. Il a rappelé que la discrimination constituait un délit passible d'une peine d'emprisonnement ferme même si, dans la pratique, avaient jusqu'à présent été au plus prononcées des peines de prison avec sursis. Il a précisé que les sanctions décidées par la HALDE ne pourraient être assimilées à une transaction excluant toute action judicaire ultérieure. Il a expliqué que l'octroi d'un pouvoir de sanction à la HALDE était destiné à sanctionner effectivement, et dans un délai raisonnable, des comportements répréhensibles. En outre, il a fait valoir que ce dispositif pourrait être utile lorsque des juridictions civiles (prud'homales ou civiles) étaient saisies, dans la mesure où il permettrait d'éviter une saisine du tribunal correctionnel, susceptible de retarder l'obtention des réparations civiles du fait du principe selon lequel le « pénal tient le civil en l'état ». Au demeurant, il a ajouté que la possibilité pour la HALDE de prononcer une sanction présentait un intérêt supplémentaire, dans la mesure où le parquet était souvent amené à classer sans suite de nombreuses plaintes relatives aux discriminations. Il a mis en avant les effets positifs des sanctions prononcées par la HALDE, lesquelles, sans être trop pénalisantes financièrement, feraient néanmoins peser une forte pression sur les auteurs de discrimination, en particulier après leur publication.
Il a estimé que la démarche contractuelle engagée avec certaines entreprises et organismes comme la FNAIM conduirait la HALDE à exclure de ces conventions les auteurs de discrimination et, le cas échéant, à faire usage à leur égard des nouveaux pouvoirs de sanction prévus par le projet de loi. M. Louis Schweitzer a observé que ces deux démarches auraient pu se révéler contradictoires seulement dans l'hypothèse où la HALDE aurait décidé de décerner des labels aux entreprises faisant l'objet d'un partenariat. Il a d'ailleurs relevé que le « testing » était pratiqué avec certaines entreprises signataires de conventions anti-discriminations avec la HALDE.
Après avoir indiqué que l'instance collégiale de la HALDE n'avait pas délibéré sur l'opportunité de mettre en place un comptage éthnique et annoncé que ce point pourrait être tranché à l'occasion de la publication de son premier rapport annuel d'activité, M. Louis Schweitzer, à titre personnel, a jugé que la mise en oeuvre de cet instrument n'était pas nécessaire. Il a fait valoir qu'il existait déjà d'autres instruments efficaces de lutte contre les discriminations comme le « testing » ou encore les actions positives dans les domaines de l'enseignement et de l'urbanisme. Il a expliqué que les études conduites par la HALDE avaient démontré que la mobilité sociale des enfants issus de l'immigration était identique à celle des autres enfants issus de mêmes catégories sociales. En outre, il a souligné que des données ethno-raciales ne permettraient pas de mesurer rétrospectivement les progrès accomplis.
M. Louis Schweitzer a craint certains effets pervers du comptage ethno-racial, observant qu'en Grande-Bretagne, seul pays européen réalisant des statistiques mentionnant l'appartenance raciale ou ethnique, les données étaient très imprécises car fondées sur l'auto-déclaration. Il a cité son homologue anglais qui avait exprimé la crainte d'un glissement d'une société multiculturelle vers l'apartheid. En outre, il a considéré que des statistiques anonymes risquaient, en fait, d'aboutir à une identification nominative, ce qui lui a semblé inacceptable au regard du respect de la vie privée. Il a estimé que la voie du progrès était le métissage et qu'il serait difficile de classifier une population de plus en plus métissée. M. Louis Schweitzer a estimé que l'identification d'une communauté conduirait inévitablement à la stigmatiser. Il a douté des vertus de statistiques montrant l'appartenance ethno-raciale, faisant valoir que les difficultés d'intégration étaient principalement imputables aux origines sociales.
M. Louis Schweitzer a souligné l'absence de réclamations dans le domaine de l'apprentissage, tout en indiquant que la HALDE avait engagé des discussions avec l'Union professionnelle artisanale (UPA) et les organisations représentant les petites et moyennes entreprises. En revanche, il a signalé que des saisines avaient été enregistrées mettant en cause des discriminations dans l'accès à des stages qui, comme l'apprentissage, constituent l'antichambre du monde du travail. Il a marqué son souci de veiller à ce que l'accès à l'emploi soit ouvert à tous.
M. Louis Schweitzer , évoquant les pistes d'amélioration de l'action de la HALDE, a, d'une part, souligné que des progrès restaient à accomplir pour assurer un recours effectif devant la HALDE, expliquant que cette instance souffrait d'un manque de notoriété. M. Louis Schweitzer a, d'autre part, jugé nécessaire de trouver des relais au sein de l'appareil d'Etat -en s'appuyant sur la police, la justice- et auprès du monde économique. Enfin, il s'est déclaré satisfait des avancées proposées par le projet de loi, estimant que le principal défi posé à la HALDE serait avant tout d'appliquer pleinement la législation, après avoir estimé que l'arsenal législatif constituait un excellent instrument de lutte contre les discriminations qu'il n'était pas nécessaire de modifier.
M. François Zocchetto , considérant qu'il n'était pas évident de confier à une autorité administrative indépendante des pouvoirs d'investigation et de sanction lui donnant un statut quasi-juridictionnel, s'est interrogé sur l'organisation de l'activité de la HALDE face au cumul de ces prérogatives. Il a souhaité savoir si la Haute autorité suivrait une organisation juridictionnelle et selon quels critères elle transmettrait ou non au Parquet les dossiers pour lesquels elle aura, le cas échéant, prononcé une sanction.
M. Christian Cointat a déclaré que si la lutte contre les discriminations était indispensable, un équilibre devait être préservé pour le respect de la liberté. Exprimant son inquiétude quant aux possibles excès du politiquement correct, il a estimé que l'incitation devait parfois être préférée à la sanction. A cet égard, il a distingué trois catégories : la discrimination volontaire, qui méritait une condamnation, la discrimination inconsciente et la discrimination « de protection », motivée par exemple par la crainte de certains propriétaires quant à la solvabilité des candidats à la location et qui ne pouvait être efficacement combattue que si l'Etat assurait les garanties nécessaires.
M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur la possibilité de conduire une politique de lutte contre les discriminations vraiment efficace sans mobiliser à cette fin la politique économique et la politique de l'emploi.
Répondant à M. François Zocchetto , M. Louis Schweitzer a rappelé que la HALDE n'était pas une juridiction, mais une autorité administrative indépendante qui pourrait exercer un pouvoir de sanction à l'instar de beaucoup d'autres, telles que la Commission nationale de l'informatique et de libertés (CNIL) et l'Autorité des marchés financiers (AMF). Il a estimé qu'un tel pouvoir impliquait toutefois une séparation entre les activités d'instruction et la formation délibérante, susceptible de prononcer une sanction, cette procédure devant être définie par un décret en Conseil d'Etat. Il a précisé que ce décret pourrait, le cas échéant, instituer au sein du collège de la HALDE une commission des sanctions et devrait définir une procédure contradictoire prévoyant la possibilité pour les personnes mises en cause d'être assistées par un avocat.
Il a considéré qu'il revenait à la HALDE de décider de l'opportunité de transmettre au parquet certains dossiers dont elle était saisie, en s'interrogeant au cas par cas sur l'intérêt de cette transmission. Il a indiqué que la Haute autorité avait déjà procédé, en application de l'article 12 de la loi du 30 décembre 2004, à 16 saisines du parquet pour 500 dossiers traités et qu'elle avait en outre transmis à la justice 15 cas d'injures raciales ne constituant pas des comportements discriminatoires au sens de la loi.
Répondant à M. Christian Cointat , il a estimé que la sanction devait nécessairement être accompagnée d'un travail de pédagogie. Considérant que les discriminations volontaires devaient effectivement être sanctionnées, il a déclaré que les comportements discriminatoires non intentionnels devaient faire l'objet d'une punition plus légère afin de donner conscience de la faute à leur auteur, comme en matière de sécurité routière. S'agissant des discriminations « de protection », il a indiqué que dans le domaine de l'immobilier, certaines agences étaient prêtes à se porter garantes de certains candidats à la location, après s'être assurées de leur capacité à honorer les loyers. Jugeant que la multiplication des cautions pouvait devenir un outil de discrimination, il a toutefois souligné la nécessité de combattre de tels phénomènes.
Répondant à M. Pierre-Yves Collombat, il a rappelé que 55 % des saisines adressées à la HALDE portaient sur des domaines autres que l'emploi et a affirmé la nécessité de lutter contre le phénomène discriminatoire, indépendamment du domaine où il intervenait.
La commission a ensuite entendu M. Jean-François Amadieu, directeur du Centre d'étude et de recherche sur les organisations et les relations sociales (CEGORS), professeur à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne .
A titre liminaire, M. Jean-Jacques Hyest, président , a précisé que M. Jean-François Amadieu était également directeur de l'Observatoire des discriminations, créé en décembre 2003, et membre du Conseil consultatif de la HALDE.
Rappelant les résultats des « testings » menés par l'Observatoire des discriminations en 2004 à partir de curriculums vitae quasiment identiques envoyés pour 258 offres de postes de commerciaux de niveau Bac + 2, M. Jean-François Amadieu a constaté que les discriminations en matière d'emploi étaient de grande ampleur, bien qu'encore sous-estimées, multiples et souvent cumulatives.
Il a observé que par rapport à un homme français « de souche » de 28 ans, une personne handicapée avait quinze fois moins de chances d'être retenue pour un entretien d'embauche, un homme d'origine marocaine cinq fois moins, une personne âgée de 50 ans quatre fois moins, et que de semblables discriminations touchaient les personnes au physique disgracieux ou résidant dans un quartier en difficultés. Il a ajouté qu'être mariée et avoir des enfants constituait également un facteur de discrimination pour les femmes.
M. Jean-François Amadieu a poursuivi en indiquant qu'une étude de 2005 avait montré qu'une femme maghrébine résidant à Trappes recevait, malgré un meilleur curriculum vitae, trois fois moins de propositions d'entretien, alors qu'elle aurait dû en toute logique en recevoir davantage que le candidat de référence.
Il a précisé que les entretiens d'embauche passés par des acteurs professionnels, dans le cadre du « testing » réalisé en 2005, avaient révélé qu'une personne handicapée ne mentionnant pas son handicap dans son curriculum vitae avait 50 % de chances d'obtenir un emploi à l'issue de l'entretien et en a conclu que le fait de masquer une information potentiellement discriminante améliorait réellement les chances d'embauche.
Il a ajouté que l'étude de 2005 avait montré que les personnes obèses avaient trois fois moins de chances d'obtenir un entretien, même, dans une moindre mesure toutefois, s'agissant d'emplois dans des centres d'appels sans contacts avec la clientèle.
M. Jean-François Amadieu a en outre observé que ces discriminations étaient souvent associées et produisaient un effet cumulatif particulièrement redoutable. Rappelant l'absence d'études concernant la fonction publique, il a précisé que ces résultats ne permettaient pas d'avoir une vision d'ensemble de la situation française.
Après avoir souligné le paradoxe de la persistance d'un haut niveau de discrimination malgré l'existence d'un cadre légal très complet, il a déploré la modicité du nombre de condamnations pénales, de l'ordre d'une quarantaine par an.
Il a rappelé que beaucoup d'employeurs, y compris les grandes entreprises et les cabinets de conseil en recrutement, ignoraient ces dispositions et leurs sanctions, et pour la plupart exposaient leur politique discriminatoire dans des documents écrits, comme des annonces d'emplois mentionnant des conditions d'âge. Il a dans ces conditions jugé difficile d'appliquer brusquement des sanctions correctionnelles.
S'agissant de la reconnaissance par le projet de loi du « testing », M. Jean-François Amadieu a observé qu'il s'agissait d'une technique ancienne, déjà utilisée dans les années 1960 au Royaume-Uni, puis dans l'ensemble des pays anglo-saxons. Il a indiqué que le Bureau international du travail (BIT) avait formalisé cette méthode en 1992, notamment en préconisant le recours à des acteurs professionnels. Jugeant la France très en retard, malgré l'action des associations sur ce point, il a indiqué que les études de l'Observatoire des discriminations avaient été les premières réalisées en France.
Estimant qu'il s'agissait d'une méthode très intéressante en matière de preuves, simple, et donc médiatisable, permettant de sensibiliser les managers ou les équipes de recrutement à ces questions, mais également de réaliser des comparaisons internationales, il a salué l'utilisation croissante par les plus grandes entreprises de l'« auto-testing ».
Il a toutefois souligné la nécessité de garantir la qualité des « testings », notamment par la définition d'échantillons pertinents, et d'encadrer leur utilisation, du fait de leur impact, tant juridictionnel que médiatique.
Enfin, il a observé que cette méthode, certes très efficace en matière de discrimination à l'embauche, ne permettait pas de mettre en évidence des différences indues de salaires ou de déroulement de carrières.
M. Jean-François Amadieu a poursuivi en indiquant que mesurer les discriminations permettrait de suivre leur évolution et d'apporter des preuves des discriminations. Il s'est toutefois interrogé sur la possibilité de tout mesurer, en se référant notamment à l'appartenance à une religion ou aux préférences sexuelles.
Il a rappelé que la CNIL s'était en juillet dernier prononcée en faveur de mesures statistiques portant sur le prénom et le nom patronymique ainsi que sur le lieu de naissance, permettant de définir l'origine géographique de la personne, tout en réfutant les notions d'ethnie ou de race. Elle a ajouté que ces données ne devaient pas être intégrées aux fichiers des ressources humaines.
Soulignant que le cadre légal n'était pas respecté, il s'est ému que certaines sociétés annoncent la composition de leurs recrutements par origine ethnique et a rappelé que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) avait adressé un questionnaire à certaines grandes entreprises afin qu'elles identifient le pourcentage de minorités visibles, mais également sexuelles, parmi leurs effectifs.
Il a regretté le sentiment d'impunité prévalant à l'heure actuelle tout en reconnaissant un problème de réactivité de la CNIL, certaines des entreprises ayant sollicité des autorisations n'ayant pas reçu de réponse, et a estimé indispensable de renforcer ses moyens d'action.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis , a tout d'abord souhaité connaître le sentiment de M. Jean-François Amadieu sur la consécration du « testing » par le projet de loi. Il a ensuite souhaité connaître les raisons de la faiblesse du nombre de condamnations pénales pour discriminations, avant de souligner les déceptions causées par le faible niveau d'action de la HALDE depuis sa création. Il a en outre souhaité avoir son avis sur l'opportunité de l'attribution d'un pouvoir de sanction à la HALDE ainsi que sur celle de la création d'un instrument de mesure statistique des comportements discriminatoires, avant d'estimer qu'en l'absence d'études portant sur les discriminations dans la fonction publique, le Médiateur de la République pourrait contribuer à l'action de la HALDE.
Tout en reconnaissant la difficulté de définir un référentiel « ethno-racial », il a souligné que la réalité montrait l'existence d'une véritable discrimination à l'encontre des personnes d'origine africaine ou maghrébine, par exemple en matière d'apprentissage lors de la recherche d'un stage en entreprise.
Le rapporteur a estimé que la recommandation de la CNIL de juillet 2005 pouvait constituer un appel au législateur pour qu'il autorise la création d'outils de mesure. Il a par ailleurs souligné que l'envoi de curriculum vitae anonymes ne permettrait pas de résoudre tous les problèmes de discriminations à l'embauche, soulignant le poids des réseaux dans certains recrutements et la persistance de discriminations après l'obtention d'un entretien.
M. Jean-François Amadieu a estimé que la consécration du « testing » par le projet de loi n'avait qu'une portée symbolique, la Cour de cassation l'ayant reconnu comme mode de preuve des comportements discriminatoires dès 2002.
Tout en reconnaissant la faiblesse du nombre de condamnations pénales, il a observé qu'il était tout de même dix fois supérieur à celui observé il y a dix ans et il a rappelé qu'avant la création de la HALDE, les victimes se trouvaient très largement démunies, certains juges n'ayant pas toujours été très sensibles à ce genre d'infractions. Il a en outre considéré que de nombreuses victimes n'avaient pas conscience d'être discriminées.
Regrettant le manque de lisibilité de l'action de la HALDE, y compris vis-à-vis des membres du comité consultatif, il a reconnu l'impatience des associations et il a espéré que la publication du premier rapport d'activité de la HALDE permette de remédier à ces interrogations. Il a cependant estimé nécessaire de soutenir la HALDE, en rappelant que ceux qui la critiquaient étaient les tenants de la discrimination positive et que son échec conduirait à la remise en cause de l'ensemble de la politique d'égalité des chances.
S'agissant des outils statistiques, M. Jean-François Amadieu a estimé que la mesure des discriminations à raison de l'origine pouvait déjà être réalisée dans le cadre des actions en justice portant sur le déroulement de carrière, puisqu'il fallait alors réaliser des comparaisons.
Il a ensuite approuvé l'opposition de la CNIL à la méthode dite « auto-déclarative » consistant pour les entreprises à demander aux individus d'indiquer leur appartenance ou leur origine, l'estimant inopportune car invitant les personnes à se revendiquer d'une communauté (noire, homosexuelle...). Il a souligné qu'en matière de discriminations, l'important était la perception par l'autre de la personne et non la façon dont celle-ci se voyait, jugeant par exemple difficile de demander à une personne de se définir comme belle ou laide.
Alors que M. Jean-François Amadieu jugeait très difficile de satisfaire la revendication d'une mesure de l'appartenance à la religion musulmane, ceci nécessitant de demander à toutes les entreprises la religion de leurs salariés, M. Jean-René Lecerf, rapporteur , a rappelé qu'une étude réalisée pour les chambres de commerce et d'industrie avait révélé que les personnes se déclarant musulmanes étaient systématiquement exclues des centres de formation des apprentis dans le domaine de la restauration.
Tout en reconnaissant avoir réalisé des « testings » concernant l'orientation sexuelle, M. Jean-François Amadieu s'est de nouveau interrogé sur la possibilité de tout mesurer, notamment s'agissant de questions religieuses.
Il a en outre rappelé que l'hostilité à la mesure des discriminations s'expliquait souvent par la crainte qu'en révélant des discriminations, elle induise automatiquement une politique de discrimination positive pouvant conduire à des aberrations.
Il a ainsi estimé que le fait qu'une entreprise ne compte aucun dirigeant d'origine maghrébine ne reflétait pas forcément l'existence de discriminations inacceptables, mais plutôt les différentes vagues d'immigration et d'accès à l'éducation de ses salariés. Il a en outre jugé aberrant de présumer de l'existence d'une discrimination lorsque les effectifs de l'entreprise ne correspondent pas à la population de son bassin d'emplois, l'entreprise n'ayant pas une telle vocation de représentativité. En revanche, il a estimé que la parité en politique pouvait se justifier par le besoin de représentation des citoyens.
M. Jean-François Amadieu a donc souligné la difficulté de maîtriser l'utilisation faite d'un instrument de mesure, quand bien même il apparaîtrait nécessaire.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales , a également jugé nécessaire de mesurer la discrimination afin d'en évaluer l'évolution. Il s'est en outre inquiété de la lenteur de la mise en oeuvre des actions de la HALDE en rappelant les attentes fortes que sa création avait suscitées. Il a par ailleurs souhaité connaître la position de M. Jean-François Amadieu sur le curriculum vitae anonyme, ainsi que sur le pouvoir de sanction reconnu à la HALDE par le projet de loi. Il a enfin dénoncé les discriminations en matière d'apprentissage, alors même que le gouvernement cherche à développer ces formations en les ouvrant dès 14 ans.
M. Jean-François Amadieu a reconnu que l'attribution à la HALDE de pouvoirs de sanction pourrait permettre de décharger les tribunaux si toutes les victimes de discriminations se manifestaient. Il a toutefois estimé que la HALDE devrait dès lors appliquer entièrement son pouvoir de sanction, sous peine d'être totalement décrédibilisée, avant de déplorer l'incertitude entretenue par la HALDE sur ce point.
S'agissant du curriculum vitae anonyme, il a souligné que les « testings » avaient démontré leur utilité. Cependant, tout en indiquant que des propositions de loi tendant à le rendre obligatoire avaient été déposées à l'Assemblée nationale, il a privilégié des mesures d'incitation dans un premier temps, en reconnaissant qu'une obligation légale se heurterait à des difficultés de mise en oeuvre dans les petites entreprises. Il a d'ailleurs indiqué que Peugeot-Citroën, après avoir essayé le curriculum vitae anonyme avec des résultats contrastés, s'était désormais tourné vers l'« auto-testing ».
M. Jean-François Amadieu a ensuite préconisé de développer le recours aux tests professionnels de compétence mis au point par l'ANPE dans la procédure d'embauche, en regrettant qu'ils n'existent pas encore pour tous les métiers. Il a en effet considéré qu'ils permettaient de pondérer l'importance de l'entretien, souvent subjectif et discriminant. Il a donc appelé les partenaires sociaux à se saisir de cet instrument.
En conclusion, il a jugé nécessaire de mesurer les discriminations fondées sur l'origine géographique, déterminée à partir d'une méthode patronymique, et non sur l'ethnie ou la race, et a souhaité qu'une telle méthodologie soit mise en pratique par des prestataires distincts des directions des ressources humaines et faisant l'objet de certifications ou d'habilitations. Il a enfin rappelé qu'aux termes de la recommandation de la CNIL, ces informations ne devraient pas être conservées plus longtemps que nécessaire, ni intégrées dans les fichiers de ressources humaines.
S'agissant de la discrimination en matière d'apprentissage et de stage, il a rappelé la compétence de la HALDE et a indiqué que l'Observatoire des discriminations avait réuni soixante-dix directeurs des ressources humaines de grandes entreprises afin de définir une politique en la matière. Il a appelé au développement des programmes de partenariats avec les grandes entreprises, ainsi que des programmes de tutorat, tel le programme « 100.000 jeunes, 100.000 tuteurs », des collégiens aux étudiants de grandes écoles.
ANNEXE 3 - COMPOSITION DU COMITÉ CONSULTATIF AUPRÈS DE LA HALDE104 ( * )
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- M. Jean-François AMADIEU : professeur en Sciences de gestion (Université de Paris I), directeur de l'Observatoire des discriminations
- M. Mouloud AOUNIT : président du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP)
- Mme Odile BELLOUIN : secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail (DFDT)
- M. Arnaud de BROCA : animateur de la politique revendicative de l'Association des accidentés de la vie - Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)
- Mme Françoise COCUELLE : présidente du Centre des jeunes dirigeants (CJD)
- M. Laurent El GHOZI : président de l'Association de soutien et d'aide aux gens du voyage (ASAV)
- M. Patrick GAUBERT : président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA)
- M. Khalid HAMDANI : membre du Haut conseil à l'intégration (HCI) - consultant, spécialiste des ressources humaines
- M. Martin HIRSCH : président du Mouvement Emmaüs-France
- MmeMarie-Thérèse LANQUETIN : juriste, universitaire
- Mme Jacqueline LAUFER : sociologue, spécialiste du travail
- Mme Françoise LAURANT : présidente du Mouvement français pour le planning familial (MPF)
- M. Francis MESSNER : directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) - spécialiste des religions
- M. Michel MINE : professeur associé de droit privé (Université de Cergy-Pontoise)
- Mme Michèle MONRIQUE : secrétaire confédérale de Force ouvrière (FO)
- Mme Catherine TEULE : association Ligue des droits de l'homme (LDH)
- M. Samuel THOMAS : vice-président de SOS racisme
- M. Joël THORAVAL : président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH)
ANNEXE 4 - LISTE DES AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS
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Article 19
Rédiger comme suit cet article :
La loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est ainsi modifiée :
1°) Après l'article 11, sont insérés trois articles ainsi rédigés :
« Art. 11-1. - Lorsqu'elle constate des faits constitutifs d'une discrimination sanctionnée par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail, la haute autorité peut, si ces faits n'ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l'action publique, proposer à l'auteur des faits une transaction consistant dans le versement d'une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 3.000 € s'il s'agit d'une personne physique et 15.000 € s'il s'agit d'une personne morale et, s'il y a lieu, dans l'indemnisation de la victime. Le montant de l'amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne.
« La transaction proposée par la haute autorité et acceptée par l'auteur des faits ainsi que, s'il y a lieu, par la victime, doit être homologuée par le procureur de la République.
« La personne à qui est proposée une transaction est informée qu'elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition de la haute autorité.
« Art. 11-2. - Dans les cas visés à l'article 11-1, la haute autorité peut également proposer que la transaction consiste dans :
« 1° L'affichage d'un communiqué, dans des lieux qu'elle précise et pour une durée qui ne peut excéder deux mois ;
« 2° La diffusion d'un communiqué, par son insertion au Journal officiel de la République française ou dans une ou plusieurs autres publications de presse, ou par la voie de services de communication électronique, sans que ces services de publication ou de communication puissent s'y opposer.
« Les frais d'affichage ou de diffusion sont à la charge de l'intéressé, sans pouvoir toutefois excéder le maximum de l'amende transactionnelle prévue à l'article 11-1.
« Art. 11-3. - Les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l'exécution de la transaction sont interruptifs de la prescription de l'action publique.
« L'exécution de la transaction constitue une cause d'extinction de l'action publique. Elle ne fait cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel. Le tribunal, composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur les seuls intérêts civils.
« En cas de refus de la proposition de transaction ou d'inexécution d'une transaction acceptée et homologuée par le procureur de la République, la haute autorité, conformément aux dispositions de l'article 1er du code de procédure pénale, peut mettre en mouvement l'action publique par voie de citation directe.
« Un décret précise les modalités d'application des articles 11-1 et 11-2 et du présent article. »
2°) Le quatorzième alinéa de l'article 2 est complété par la phrase suivante : « Les agents de la haute autorité assermentés et spécialement habilités par le procureur de la République peuvent constater par procès-verbal les délits de discrimination, notamment dans le cas où il est fait application des dispositions de l'article 225-3-1 du code pénal. »
3°) Il est inséré au début du premier alinéa de l'article 12 les mots suivants : « Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 11-1, »
4°) Le dernier alinéa de l'article 12 est complété par les mots : « ou des dispositions de l'article 11-1. ».
5°) L'article 8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'opposition du responsable des lieux, le président de la haute autorité peut saisir le juge des référés d'une demande motivée afin qu'il autorise les vérifications sur place. Les vérifications s'effectuent alors sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Celui-ci peut se rendre dans les locaux durant l'intervention. A tout moment, il peut décider l'arrêt ou la suspension des vérifications ».
Article additionnel après l'Article 22
I. - Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour mesurer la diversité des origines au sein de leurs effectifs, les personnes morales publiques et privées sont tenues d'utiliser le cadre de référence établi dans les conditions prévues au dernier alinéa.
Les traitements de données à caractère personnel nécessaires à la réalisation des enquêtes utilisant ce cadre de référence font l'objet d'une procédure d'anonymisation reconnue conforme par la Commission nationale de l'informatique et des libertés et d'une déclaration dans les conditions prévues à l'article 23 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Les personnes morales publiques ou privées dont les effectifs comptent moins de 150 personnes ne peuvent procéder ou faire procéder à des traitements de données à des fins de mesure de la diversité des origines.
La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, l'Institut national de la statistique et des études économiques et l'Institut national des études démographiques établissent conjointement un cadre de référence comprenant une typologie des groupes de personnes susceptibles d'être discriminées en raison de leurs origines raciales ou ethniques.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle ainsi rédigée :
Section 2 bis
Mesure de la diversité
Article 24
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, remplacer le mot :
propose
par les mots :
peut proposer
Article 24
Remplacer les trois derniers alinéas (1° à 3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° Saisir le juge des enfants pour qu'il soit fait application, s'il y a lieu, des dispositions de l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale ;
« 2° Saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale. »
Article 24
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III. - Les charges résultant pour les départements de la mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale prévu par l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles sont compensées dans les conditions déterminées par une loi de finances.
Article 25
Supprimer cet article.
TITRE IV (avant l'article 26)
Supprimer cette division et son intitulé
Article 26
Supprimer cet article
Article 27
Supprimer cet article
* 1 Conseil d'Etat, rapport public 1996, Le principe d'égalité, La documentation française, p. 49.
* 2 Déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 11 janvier 2006.
* 3 Selon un considérant classique, le juge constitutionnel estime en effet que le principe d'égalité « ne s'oppose, ni à ce que le législateur règle de façons différentes des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit » ; cf. notamment les décisions n° s 87-232 DC du 7 janvier 1988, considérant 10, et 91-302 DC du 30 décembre 1991, considérant 6.
* 4 Nora Barsali, L'égalité des chances : un défi à relever dans l'apprentissage - Etude réalisée pour le FASILD (Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations), la DPM (Direction de la population et des migrations) et l'AFCI (Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie), juin 2005.
* 5 Ce nombre s'élevait à 1.377 réclamations au début de février 2006.
* 6 Laurent Blivet, L'entreprise et l'égalité positive, note de l'Institut Montaigne, octobre 2004. Cette étude présente notamment l'intégration de données relatives à l'appartenance ethno-raciale dans le recensement aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada.
* 7 Michèle Tribalat, Jeunes d'origine étrangère en France, Futuribles, décembre 1996.
* 8 Arnaud Dupray, Stéphanie Moullet, L'insertion des jeunes d'origine maghrébine en France. Des différences plus marquées dans l'accès à l'emploi qu'en matière salariale ; mai 2004. L'enquête Génération 98 a porté sur 55.000 jeunes sortant du système éducatif en 1998, tous niveaux et toutes spécialités de formation confondus ; les chercheurs ont choisi de fonder l'origine maghrébine des personnes sur le pays de naissance du père, quand celui-ci ne s'est pas déclaré français d'origine (les fils et filles de pieds noirs sont en effet français d'origine).
* 9 Rapport de M. Roger Fauroux sur la lutte contre les discriminations ethniques dans le domaine de l'emploi, juillet 2005.
* 10 Cf rapport fait au nom de la commission des Lois par M. Jean-René Lecerf sur le projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (première lecture, n° 65, 2004-2005).
* 11 Cet observatoire fait partie du Centre d'études et de recherches sur la gestion des organisations et des relations sociales (CEGORS) rattaché à l'université Paris I et dirigé par e professeur Jean-François Amadieu, entendu par votre commission le 8 février 2005 (cf. annexe).
* 12 44 entretiens ont été réalisés, auxquels le candidat obèse n'a pas participé.
* 13 Seulement 3 entretiens effectués.
* 14 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 juin 2002.
* 15 La notion de discrimination apparaît ainsi dans la convention 111 de l'Organisation internationale du travail de 1958 relative à l'égalité de traitement dans l'emploi et la profession.
* 16 Deux traités spécifiques les complètent : la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) et celle sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (1979).
* 17 L'Organisation internationale du travail a par ailleurs adopté trois conventions relatives à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes (1951), à la discrimination en matière d'emploi et de profession (1958) et de réadaptation professionnelle et d'emploi des personnes handicapées (1983).
* 18 Arrêts Marcks c/Belgique du 13 juin 1979 et Inze c/ Autriche du 28 octobre 1984.
* 19 Arrêt Dudgeon c/Royaume-Uni du 22 octobre 1981.
* 20 L'article L. 225-3 exclut l'application de ces sanctions dans trois cas où la distinction peut paraître légitime :
- les discriminations fondées sur l'état de santé, lorsqu'elles consistent en des opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ;
- les discriminations fondées sur l'état de santé ou le handicap, lorsqu'elles consistent en un refus d'embauche ou un licenciement fondé sur l'inaptitude médicalement constatée ;
- les discriminations fondées, en matière d'embauche, sur le sexe lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue, conformément aux dispositions du code du travail ou aux lois portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique, la condition déterminante de l'exercice d'un emploi ou d'une activité professionnelle.
* 21 Le champ de cet article a été étendu à l'ensemble des aspects de la relation de travail (rémunération, formation, reclassement, qualification, classification, promotion professionnelle, mutation, renouvellement de contrat) par l'article 1 er de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations.
* 22 Ces critères sont l'origine, le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, l'âge, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l'apparence physique, le patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du présent code, l' état de santé ou le handicap.
* 23 Loi dite loi Le Pors.
* 24 Conformément aux prescriptions de l'article 8 de la directive du 29 juin 2000.
* 25 Les peines prononcées pour des faits multiples ne permettent pas d'identifier les faits de discrimination associés à d'autres infractions.
* 26 Les membres du collège, à l'exception du président, sont renouvelables par moitié tous les trente mois.
* 27 Le nombre de membres du comité consultatif est fixé par le décret du 4 mars 2005.
* 28 En annexe au présent rapport.
* 29 L'arrêté du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement du 20 juillet 2005 fixe le montant annuel brut de l'indemnité de fonction allouée au président de la HALDE à 77.330 euros.
* 30 M. Marc Dubourdieu, administrateur de la ville de Paris, a été nommé directeur général de la HALDE par le décret du 2 mai 2005.
* 31 L'article 2 de la loi du 30 décembre 2004 dispose que le président de la Haute autorité peut recruter des agents contractuels.
* 32 Les effectifs du service juridique devraient être portés à 31 personnes en 2006, grâce au recrutement de 7 juristes et de 2 assistantes.
* 33 Art. 31 du décret du 4 mars 2005.
* 34 A également abouti une réclamation relative aux conditions d'attribution aux déportés de la Seconde Guerre mondiale d'une pension d'invalidité en fonction de la nationalité au moment de la déportation et de la demande de pension. Le collège a conclu que ce dispositif était contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et recommandait une réforme corrigeant cette inégalité de traitement au ministre délégué aux anciens combattants et au Premier ministre. Le ministre délégué aux anciens combattant et le Premier ministre ont acquiescé à la conclusion de la Haute autorité et se sont engagé à réformer ce dispositif après une concertation interministérielle.
* 35 Cf. liste en annexe au présent rapport.
* 36 Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme.
* 37 Bouches-du-Rhône, Essonne, Nord, Rhône, Seine-Saint-Denis et Val-d'Oise.
* 38 M. Assane Fall, secrétaire général de l'association SOS Racisme, a ainsi indiqué à votre rapporteur que cette association réalisait ce type d'audit.
* 39 Cette association regroupe plus de 120 acteurs économiques dans le nord de la France.
* 40 Toutefois, pour le titre IV relatif à la lutte contre les incivilités, n'ont été retenus que deux amendements rédactionnels portant sur l'article 27.
* 41 Cf. le rapport sur le projet de loi portant création de la HALDE, n° 65, 2004-2005.
* 42 La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), peut ainsi sanctionner, aux termes de l'article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, les manquements aux obligations découlant de cette loi, ainsi que le non respect de ses mises en demeure ; le Conseil de la concurrence sanctionne les manquements aux règles de concurrence définies par le code de commerce (art. L. 464-1 et suivants).
* 43 Cf le rapport de M. Jean-Michel Belorgey sur la lutte contre les discriminations, mars 1999 ; le rapport de M. Azouz Begag, La République à ciel ouvert, novembre 2004, le rapport de M. Roger Fauroux, La lutte contre les discriminations ethniques dans le domaine de l'emploi, juillet 2005 ; ou encore l'étude réalisée par M. Joan Stavo-Debauge, La double invisibilité : à propos de l'absence d'un objet sociologique et de l'atonie d'un sujet politique, 2005.
* 44 Au sens de l'article premier de la loi du 30 décembre 2004 dont le second alinéa dispose que « la Haute autorité est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie ».
* 45 L'article L. 123-1 du code du travail interdit les discriminations à l'embauche et dans le domaine de l'emploi à raison du sexe et de la situation de famille.
* 46 L'article 6-1 de la CEDH stipule notamment que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
* 47 L'article 9 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, permet à la Haute autorité, lorsque ses demandes d'explication, d'informations ou de documents ne sont pas suivies d'effet, de mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu'elle fixe. Si cette mise en demeure reste infructueuse, le président de la Haute autorité peut saisir le juge des référés d'une demande motivée aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction que ce dernier juge utile.
* 48 Décision 260 DC du 28 juillet 1989, loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier.
* 49 Décision 248 DC du 17 janvier 1989, CSA.
* 50 CE, avis du 31 mars 1995, Ministre du budget c/Sarl Autoroute Industrie Méric.
* 51 Le Conseil d'Etat a en particulier examiné la participation du rapporteur aux travaux du collège de l'autorité chargée de délibérer et de prononcer, le cas échéant, une sanction. Ainsi, dans son arrêt Didier, pour juger que la participation du rapporteur aux débats et au vote à l'issue desquels le Conseil des marchés financiers a prononcé une sanction n'emportait « aucune méconnaissance du principe d'impartialité rappelé à l'article 6-1 de la CEDH », il vérifie que le rapporteur n'est pas à l'origine de la saisine, qu'il ne participe pas à la formulation des griefs, qu'il n'a pas le pouvoir de classer l'affaire ou, au contraire, d'élargir le cadre de la saisine, et que les pouvoirs d'investigation dont il est investi pour vérifier la pertinence des griefs et des observations de la personne poursuivie ne l'habilitent pas à faire des perquisitions, des saisies, ni à procéder à toute mesure de contrainte au cours de l'instruction.
* 52 Dans son arrêt Bilka du 13 mai 1986, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que le fait de réserver un avantage aux salariés à temps plein peut constituer une discrimination indirecte à raison du sexe, dès lors que les travailleurs à temps partiel de l'entreprise concernée sont majoritairement des femmes.
* 53 Cet impact peut être démontré par des données statistiques.
* 54 Cette difficulté transparaît également dans l'attribution, envisagée par le projet de loi, d'une compétence au Conseil d'Etat pour connaître des recours de pleine juridiction contre les sanctions prononcées par la Haute autorité. Le juge administratif aurait alors à se prononcer sur des sanctions concernant des faits visés par le code pénal.
* 55 Art. L 5-3 du code des postes et des communications électroniques.
* 56 A cet égard, M. Assane Fall, secrétaire général de l'association SOS Racisme, a également souligné devant votre rapporteur que l'adoption du dispositif prévu par le projet de loi confierait pour la première fois à une autorité administrative le pouvoir de sanctionner directement des délits définis par le code pénal.
* 57 Décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
* 58 Le Monde, 12 janvier 2006, Des mesures pour l'égalité des chances en écho à la crise des banlieues.
* 59 L'administration fiscale ou des douanes, dans le cadre du contentieux fiscal ou douanier (art. L. 248 à L. 251 du livre des procédures fiscales et 350 du code des douanes) ; le chef du service d'enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, pour les délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce (art. L. 470-4-1 de ce code).
* 60 Son champ d'utilisation a surtout été étendu par la loi n° 99-515 du 23 juin 199 , qui a inséré les articles 41-1 à 41-3 dans le code de procédure pénale. Ces dispositions, définissant notamment la procédure de composition pénale (art. 41-2 et 41-3), ont mis en place des alternatives crédibles et cohérentes à l'engagement de poursuites. Sur ce point, voir également le commentaire de l'article 27 du présent projet de loi, qui tend à donner aux maires un pouvoir de transaction pénale pour les contraventions relevant d'actes d'incivilité.
* 61 Rapport fait au nom de la commission des lois par la mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale (n° 17, 2005-2006) p. 30.
* 62 Le rapport de la mission d'information de la commission des lois sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale relève que la durée de traitement d'une composition pénale, de la date de la première convocation à la date de la clôture, est en moyenne largement inférieure à six mois.
* 63 Mission présidée parM. Laurent Béteille ; cf Rapport fait au nom de la commission des lois par M. François Zochetto sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale (n° 17, 2005-2006).
* 64 Les montants ainsi proposés tendent à respecter une proportion de 1 à 5 entre les amendes visant respectivement les personnes physiques et les personnes morales, conformément à l'échelle des peines.
* 65 Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 sept. 2000,
* 66 Arrêt de la Chambre criminelle du 11 juin 2002.
* 67 Cf. notamment l'arrêt du 15 juin 1993, dans lequel la Cour de cassation juge « qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, qu'il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante ».
* 68 Voir CA Grenoble, 18 avril 2001.
* 69 Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 juin 2005.
* 70 TGI de Paris, 31 ème chambre, 22 nov. 2002, CA de Paris, 11 ème chambre, 17 octobre 2003.
* 71 Un policier se faisant passer pour un acheteur de drogue dans le but de confondre le dealer recourt à la même méthode. Ce procédé est recevable parce que le comportement du policier ne détermine pas la commission du délit.
* 72 Mireille Delmas-Marty, La preuve pénale, Droits 1996, n° 23, p. 53-64, citée par Laurence Collet-Askri in Testing or not testing, Chronique Dalloz 2003, n° 20.
* 73 CEDH c/Suisse, 12 juillet 1988.
* 74 Journal officiel, Assemblée nationale, débats, 1 ère séance du 24 mars 1999, p. 2791 et 2 ème séance du 9 février 2000, p. 910.
* 75 Cf. art. 21 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon.
* 76 En effet, contrairement à une idée largement répandue, les lois pénales ne sont pas des lois de souveraineté.
* 77 Roger Fauroux, La lutte contre les discriminations ethniques dans le domaine de l'emploi.
* 78 Le Monde, 14 décembre 2004.
* 79 Cf. I, A, l'étude conduite par M. Arnaud Dupray et Mme Stéphanie Moullet.
* 80 Ces repères chiffrés ont été mis en place dans plusieurs pays, comme le montre une étude comparative de la collecte de données visant à mesurer l'étendue et l'impact de la discrimination aux Etats-Unis, Canada, Australie, Royaume-Uni et Pays-Bas, Projet Medis (mesure des discriminations), Commission européenne, août 2004.
* 81 « Le franchissement d'un seuil significatif d'efficacité dans la lutte contre les discriminations passe donc vraisemblablement par la mise en oeuvre simultanée de trois disciplines : l'approfondissement, tout à la fois sur le fondement d'analyses précises de ces faits et de statistiques dignes de ce nom ainsi que de travaux socio-anthropologiques appropriés, de la connaissance des faits et processus de discrimination, de leur ampleur, et de leurs ressorts ; le traitement des faits repérés de discriminations ; la conduite à la bonne échelle de stratégies d'action positive. »
* 82 Au 27 octobre 2005, la Charte de la diversité avait été signée par 242 entreprises .
* 83 Laurent Blivet, Ni quotas, ni indifférence - L'entreprise et l'égalité positive - Note de l'Institut Montaigne - Octobre 2004.
* 84 Les entreprises signataires de la Charte de la diversité dans l'entreprise doivent notamment « chercher à refléter la diversité de la société française et notamment sa diversité culturelle et ethnique dans [leurs] effectifs, aux différents niveaux de qualification » et « informer sur les résultats pratiques de cet engagement ».
* 85 AXA, Pinault Printemps Redoute (PPR), Eau de Paris et la SNCF.
* 86 Patrick Simon, Le rôle des statistiques dans la transformation du système de discrimination.
* 87 Voir le rapport fait par notre collègue, M. Philippe Richert, au nom de la commission des affaires culturelles.
* 88 Rapport remis en juillet 2005 à M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
* 89 Cf. rapport de M. Philippe Nogrix sur l'amélioration de la procédure de signalement de l'enfance en danger, remis à M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille en avril 2005.
* 90 Rapport n° 10 (2003-2004).
* 91 Article abrogé par l`article 3 de la loi du 2 janvier 2004, que l'article 25 du projet de loi pour l'égalité des chances tend à rétablir.
* 92 Cf. le rapport précité fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat par M. Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance (n° 10, 2003-2004).
* 93 Dans le cadre des réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (REAAP). Voir le rapport de notre collègue, M. Alain Gournac au nom de la commission des affaires sociales, saisie au fond.
* 94 Soit 750 euros (art. 131-13 du code pénal).
* 95 Dont trois amendements rédactionnels.
* 96 Seraient donc exclues du dispositif de suspension l'allocation de parent isolé, l'allocation de soutien familial, les aides au logement, l'allocation de rentrée scolaire, la prestation d'accueil du jeune enfant, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et l'allocation journalière de présence parentale.
* 97 Mentionnés à l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale.
* 98 Voir sur ce point le rapport fait par M. Alain Gournac au nom de la commission des affaires sociales, saisie au fond.
* 99 Délits et contraventions commis dans les bois et forêts soumis au code forestier (art. L. 153-2 du code forestier) ; délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce.
* 100 Cf. art. 6 du code de procédure pénale.
* 101 Les délégués du procureur sont habilités dans les conditions prévues par le décret n° 2001-71 du 29 janvier 2001, modifié par le décret n° 2004-1021 du 27 septembre 2004, ces dispositions étant codifiées aux articles R. 15-33-30 à R. 15-33-37 du code de procédure pénale. Les personnes physiques ou morales dûment habilitées par le procureur de la République ou par le procureur général, selon qu'elles interviennent dans le ressort du tribunal de grande instance ou dans celui de la cour d'appel, peuvent être désignées pour effectuer les missions prévues par les articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale, relatifs à la procédure de composition pénale.
* 102 Art. L. 2212-1 du CGCT.
* 103 Selon la nature de la contravention (art. 41-3 du code de procédure pénale).
* 104 Ce comité est présidé par M. Joël Thoraval.