B. L'AMÉNAGEMENT DE PEINE EN PROGRESSION GRÂCE AU PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE

L'augmentation régulière de la population pénale a conduit le gouvernement à développer les mesures d'aménagement de peine, qu'il s'agisse de préparation à la sortie de prison ou d'alternatives à l'incarcération.

Le développement des aménagements de peine figure d'ailleurs parmi les objectifs de performance de l'administration pénitentiaire dans le cadre de la LOLF.

L'aménagement des fins de peine

Les différentes mesures ont connu des évolutions contrastées entre 2003 et 2004 :

- 91.631 réductions de peine ont été accordées en 2004 contre 99.829 en 2003 soit une baisse de 8 % ;

- 2.221 ordonnances de placement à l'extérieur ont été prononcées (soit une baisse de 18 %) ;

- 5.866 décisions d'admission à la libération conditionnelle ont été prises par le juge de l'application des peines, en progression de 3,2 % par rapport à l'année précédente ;

- 6.819 placements en semi-liberté ont été prononcés, soit une augmentation de près de 10 % par rapport à 2003 ;

- 35.589 permissions de sortie ont été accordées, en hausse de 5,3 % par rapport à l'année précédente.

La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a pour objectif, à la suite des recommandations du rapport de M. Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes 8 ( * ) , de développer les mesures d'aménagement de peine. En effet, il apparaît essentiel, au regard de la lutte contre la récidive, d'éviter les « sorties sèches » et de mieux encadrer les fins de peine. Il est encore trop tôt pour établir un premier bilan de l'application de cette loi dans ce domaine dans la mesure où les dispositions relatives à l'aménagement de peine ne sont, pour l'essentiel, entrées en vigueur qu'au 1 er janvier 2005.

Cependant, certaines dispositions de la loi, immédiatement applicables, permettent aux directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) de formuler une proposition d'aménagement de peine -semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique- pour la plupart des condamnés en fin de peine. Le juge de l'application des peines dispose d'un délai de trois semaines pour homologuer ou non cette décision. En l'absence de réponse du juge, le directeur du SPIP pourra mettre en oeuvre sa proposition après avoir informé le juge et le procureur de la République (art. 723-21 du code de procédure pénale).

La nouvelle procédure d'aménagement de peine, susceptible de concerner 12.848 personnes, n'a toutefois effectivement touché que 220 personnes. En effet, plus des deux tiers des détenus éligibles ont refusé dès le départ de s'engager dans le processus. Ces refus obéissent à des considérations diverses (rejet des contraintes liées à un aménagement de peine à l'issue de la libération, difficulté à préparer un projet de sortie, proximité de la fin de peine). En outre, la libération conditionnelle continue de retenir la préférence des détenus ; or, elle n'entre pas dans le champ d'application de la nouvelle procédure d'aménagement de peine. La procédure contradictoire classique devant le juge de l'application des peines prévu à l'article 712-4 du code de procédure pénale continue le plus souvent d'être privilégiée en raison de sa rapidité (souvent moins de trois semaines) et des garanties procédurales (présence de l'intéressé, assistance d'un avocat et meilleure connaissance par les intéressés du juge de l'application des peines ainsi que du directeur du service pénitentiaire d'insertion).

Sur l'ensemble des personnes éligibles, 14 % ont ainsi bénéficié d'un aménagement de peine dont les 9/10 ème par la procédure du débat contradictoire .

Comme plusieurs représentants des SPIP l'ont indiqué à votre rapporteur pour avis lors de ces déplacements, l'absence de structures d'hébergement constitue pour ceux des détenus qui n'ont ni famille, ni amis, un frein majeur à l'aménagement de peine. M. Jean-Luc Warsmann dans un rapport relatif à l'application de la loi du 9 mars 2004 9 ( * ) dressait un constat comparable : « Les quelques rares structures d'accueil disponibles, souvent par l'intermédiaire du SAMU social, ayant recouru à des prestations hôtelières assur[ent] un hébergement de très courte durée et donc inadapté à la mise en place de mesures de sortie de détention qui requièrent une stabilité des structures ».

Les alternatives à l'incarcération marquées par la forte progression du placement sous surveillance électronique

Parmi les mesures d'aménagement de peine, le placement sous surveillance électronique (PSE) est sans doute celle qui a connu en 2004 le développement le plus marquant. Ce dispositif peut être mis en oeuvre (avec le consentement de l'intéressé) selon trois modalités distinctes : au titre de l'exécution des peines privatives de liberté dont le quantum ou le reliquat à exécuter n'excède pas un an ; au titre de la libération conditionnelle ; au titre, enfin, du contrôle judiciaire 10 ( * ) .

En avril 2000, une expérimentation avait été conduite dans quatre sites pilotes avant d'être étendue en 2002 à une dizaine de sites. L'année 2004 a été marquée par la généralisation de ce dispositif qui s'est traduite par l'augmentation de 67 % du nombre des mesures prononcées.

Le tableau suivant permet de mettre en évidence la forte augmentation du nombre de PSE en 2004.

Date

Nombre de placés depuis le début de l'expérimentation

Nombre de placés en cours

1 er janvier 2003

502

90

1 er janvier 2004

1.450

304

1 er janvier 2005

4.361

714

1 er juillet 2005

6.711

1.193

Votre rapporteur pour avis a pu visiter aux Baumettes, à Marseille, le dispositif de contrôle du PSE qui mobilise deux personnes pour le suivi, au 1 er septembre 2005, de 23 détenus (dont deux femmes). Sur 107 mesures accordées depuis le mois de février 2004, le nombre d'incidents apparaît extrêmement limité (4). Le dispositif s'est donc révélé efficace. En outre, son coût (de l'ordre de 11 euros) est très inférieur à celui de la journée de détention (environ 60 euros).

Le succès de la mesure dépend cependant de la sélection de la population concernée. Les intéressés doivent être suffisamment autonomes et responsables pour intégrer les règles du placement - et en particulier le respect des tranches horaires auxquelles il est astreint de rester à son domicile. En outre, ils doivent vivre dans un environnement structuré . Sur le plan matériel d'abord, car le placement n'est techniquement possible que si l'intéressé dispose d'un logement stable équipé d'une prise téléphonique. Sur un plan humain, ensuite, car les contraintes du PSE pèsent, en pratique, sur la famille tout entière 11 ( * ) . A cette fin, comme le représentant du SPIP de Marseille l'a expliqué à votre rapporteur pour avis, les travailleurs sociaux conduisent une enquête préalable dans la famille du condamné pour apprécier leur capacité à assumer ces contraintes.

En tout état de cause, la durée moyenne du placement reste brève -de l'ordre de dix semaines en moyenne.

Dans le cadre de la généralisation du placement sous surveillance électronique à l'ensemble du territoire national, des marchés publics ont été conclus au sein de chaque direction régionale des services pénitentiaires pour confier à des prestataires privés la fourniture des systèmes de surveillance. Dans le souci d'harmonisation des pratiques et de rationalisation des coûts, une procédure nationale de marché public devrait être prochainement lancée.

L'administration pénitentiaire s'est assigné pour objectif d'atteindre 3.000 placements sous surveillance électronique en 2007.

Le placement fixe n'est pas seulement une mesure de surveillance mais aussi un moyen de réinsertion du condamné. A cet égard, comme l'a souligné M. Georges Fenech, député, dans son rapport au gouvernement consacré au placement sous surveillance électronique mobile : « La technique n'est qu'un outil de l'aménagement de peine et non une fin en soi. Il faut éviter l'écueil d'une technicité qui aurait comme corollaire le risque d'un désinvestissement de l'humain tant il est clair que le suivi est indispensable à la réussite de la mesure ».

* 8 Jean-Luc Warsmann, Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison, 28 avril 2003.

* 9 Jean-Luc Warsmann, Application de la loi du 9 mars 2004 dite « Perben II », rapport d'information n° 2378, Assemblée nationale, juin 2004.

* 10 Au 1 er juillet 2005, 17 personnes ont fait l'objet d'un contrôle judiciaire avec surveillance électronique dont 8 sont en cours d'exécution. La possibilité de recours à la surveillance électronique dans le cadre d'un contrôle judiciaire semble encore peu connue des acteurs judiciaires ; il convient de noter que le temps passé sous surveillance électronique pendant l'information judiciaire n'est pas décompté du quantum de la peine éventuellement prononcée.

* 11 Tel est particulièrement le cas les samedis et dimanches, journées pendant lesquelles les autorisations d'absence du domicile sont strictement encadrées.

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