II. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale est constituée par trois articles reprenant, successivement, les trois mesures exposées ci-dessus.
? L'article 1 er procède à la complète réécriture de l'article L. 227-1 du code du travail organisant le compte épargne-temps, afin d'en favoriser le développement par une simplification de son mécanisme et un assouplissement de ses conditions d'alimentation et d'utilisation.
Au titre de la simplification, le CET apparaît désormais comme un dispositif, défini par la négociation collective, permettant au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises, de manière totalement libre et sans limite de durée pour l'exercice de ses droits ( ( * )*).
S'agissant de l'assouplissement des conditions d'alimentation, l'idée force qui structure la réforme est d'élargir au maximum les canaux actuels en supprimant toutes les restrictions que les textes anciens avaient pu imaginer, en particulier celle limitant à vingt-deux jours l'abondement maximal autorisé chaque année.
En matière d'alimentation en temps sont ainsi désormais concernés :
- tous les jours de congé payés annuels dépassant le minimum de vingt-quatre jours ouvrables que le droit communautaire impose au salarié de prendre dans l'année ;
- toutes les heures de repos compensateur, qu'il s'agisse du repos compensateur de remplacement prévu par la voie conventionnelle, comme aujourd'hui, ou du repos compensateur obligatoire, ce qui est une innovation ;
- tous les jours de congés et de repos accordés au titre d'un régime de réduction du temps de travail ;
- ainsi que, à l'initiative de l'employeur, les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient, sans limite quantitative. On observera que seul ce mécanisme ne relève pas d'une décision du salarié lui-même.
Pour ce qui est de l'abondement du CET en argent, indifféremment ouvert au chef d'entreprise et au salarié, l'élargissement repose pour l'essentiel sur la faculté ouverte à ce dernier, à son initiative, d'alimenter son compte avec tout revenu, augmentation ou complément de salaire, ne constituant pas son salaire contractuel de base.
En ce qui concerne l'utilisation du CET, la même philosophie de liberté inspire la réforme proposée afin d'offrir au salarié un large panel de choix adaptés à ses priorités, qui peuvent être diverses et surtout évolutives tout au long de sa carrière. S'agissant des congés qu'il peut actuellement servir à indemniser, la proposition de loi supprime le plancher minimal de deux mois, avant que de reprendre, en en simplifiant la rédaction, les dispositions permettant de financer un passage à temps partiel, une période de formation en dehors du temps de travail ou encore, en fin de vie active, une cessation anticipée d'activité, progressive ou totale.
Mais ces facultés d'utiliser le CET sous forme d'indemnisation du temps libéré sont complétées, et c'est ce qui constitue l'essentiel de la réforme en ce domaine, par celles d'y puiser, à l'initiative du salarié, sous forme monétaire :
- soit à court terme, en tant que complément de rémunération, dans la limite des droits acquis dans l'année sauf si l'accord ou la convention prévoit une disposition contraire ;
- soit à terme différé, à la suite de l'abondement d'un plan d'épargne d'entreprise, d'un plan d'épargne interentreprises, d'un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), d'un régime de retraite supplémentaire d'entreprise ou encore d'un régime de prestations de retraite résultant d'accords collectifs de retraite et de prévoyance obligatoires.
Echappe à cette absolue liberté d'usage reconnue au salarié l'utilisation des droits affectés au CET par l'employeur, utilisation qui devra être formellement précisée par la convention ou l'accord collectif. A cet égard, afin de favoriser la constitution d'épargne pour la retraite, la proposition de loi accorde aux abondements en temps ou en argent de l'employeur utilisés pour alimenter un PERCO le bénéfice des dispositions sociales et fiscales dérogatoires applicables au dispositif.
Enfin, l'article 1 er renvoie aux termes de la convention ou de l'accord collectif les modalités de gestion du CET, tout en fixant les limites protectrices minimales des droits du salarié :
- en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'intégralité des droits inscrits au CET lui est versée ;
- cette indemnité est également versée en cas de dépassement d'un seuil de droits acquis fixé par décret, sauf si un mécanisme d'assurance ou de garantie des sommes concernées a été prévu par l'entreprise ;
- enfin, est maintenue la référence actuelle à l'application des garanties assurées, dans la limitée d'un plafond, par l'Association pour la garantie des salaires (AGS) en cas de redressement ou de liquidation judiciaire.
? L'article 2 de la proposition de loi institue le régime du temps choisi permettant aux salariés, en accord avec le chef d'entreprise, de travailler plus s'ils souhaitent augmenter leur rémunération. Ainsi, selon les régimes de travail auxquels ils sont soumis, le texte ouvre :
- aux salariés soumis à ce qu'on pourrait qualifier de « régime général des heures supplémentaires », la faculté de demander à en effectuer au-delà du contingent légal ou conventionnel applicable à l'entreprise ou à l'établissement qui les emploie ;
- aux cadres et aux salariés relevant d'une convention individuelle de forfait établie sur une base annuelle et exprimée en heures, la même faculté d'effectuer des heures au-delà de la durée annuelle de travail prévue par ladite convention ;
- aux cadres relevant d'une convention individuelle de forfait annuelle exprimée en heures, la possibilité de renoncer à une partie de leurs jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire.
Cette liberté nouvelle ouverte individuellement aux salariés devra s'inscrire dans un cadre protecteur collectif qui en fixe les conditions de mise en oeuvre. Elle sera ainsi subordonnée à la signature d'une convention ou d'un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement destiné à préciser, notamment, les conditions dans lesquelles sont effectuées les heures supplémentaires choisies, en particulier celles dans lesquelles les cadres relevant d'une convention individuelle de forfait font connaître leur choix, ainsi que les majorations salariales auxquelles donnent lieu ces heures ou la renonciation à une partie des jours de repos.
? Quant à l'article 3 du texte, il vise à répondre à la situation spécifique des petites entreprises de vingt salariés au plus qui, faute de l'existence d'une convention ou d'un accord collectif, ne peuvent pas mettre en oeuvre un régime conventionnel de rémunération des heures supplémentaires dérogeant au droit commun ni proposer à leurs salariés d'ouvrir un CET.
Aussi cet article prévoit-il tout d'abord de prolonger jusqu'au 31 décembre 2008, et tant que n'a pas été conclu une telle convention ou un tel accord, le dispositif, institué en 2000 par la loi Aubry et prolongé par la loi Fillon de 2003 jusqu'au 31 décembre 2005, limitant à 10 % le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires hebdomadaires. Par souci de cohérence, il prolonge également jusqu'au même terme la faculté de n'imputer sur le contingent légal des heures supplémentaires que celles effectuées au-delà du seuil de 36 heures hebdomadaires, et non de 35 comme pour les autres entreprises.
Par ailleurs, par analogie avec la souplesse supplémentaire apportée à l'utilisation du compte épargne-temps, l'article 3 institue un régime également transitoire, devant lui aussi s'achever au 31 décembre 2008, qui ouvre aux salariés et aux cadres au forfait la faculté de renoncer chaque année à 10 jours (ou à 70 heures) de repos. Les périodes ainsi travaillées devront bénéficier d'une majoration salariale au moins égale à 10 % et ne seront pas imputées sur le contingent légal ou conventionnel des heures supplémentaires.
Il convient de relever qu'à l'initiative du Gouvernement, ces deux dispositifs temporaires ont été réservés aux entreprises et unités économiques et sociales dont l'effectif sera au plus égal à vingt salariés à la date de promulgation de la loi. Si cette restriction du champ d'application de l'article 3 va pénaliser quelque 5.000 à 6.000 petites entreprises qui, jusqu'à présent, continuaient à bénéficier des dérogations Aubry puis Fillon bien qu'elles soient passées, au cours des cinq dernières années, à plus de vingt salariés, elle paraît indispensable pour assurer la constitutionnalité de la prolongation desdites dérogations et de la création d'un régime temporaire de renonciation volontaire à quelques jours de repos.
* (*) Actuellement, le CET n'est ouvert qu'aux salariés ayant une certaine durée d'ancienneté dans l'entreprise et, sauf dans quelques cas particuliers, il doit être utilisé dans les cinq ans.