Avis n° 205 (2004-2005) de Mme Elisabeth LAMURE , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 17 février 2005
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INTRODUCTION
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EXAMEN DES ARTICLES
N° 205
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 février 2005 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant réforme de l' organisation du temps de travail dans l' entreprise ,
Par Mme Elisabeth LAMURE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Émorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Hérisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean Besson, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Yves Coquelle, Roland Courteau, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, François Gerbaud, Alain Gérard, Charles Ginésy, Georges Ginoux, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mmes Sandrine Hurel, Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Paul Natali, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2030 , 2040 et T.A. 378
Sénat : 181 et 203 (2004-2005)
Travail. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Promouvoir une société de libertés, telle est l'ambition que poursuit la majorité parlementaire depuis bientôt trois ans. Dans le domaine économique, elle a ainsi soutenu les projets du Gouvernement destinés, conformément aux orientations fixées par le Président de la République, à favoriser l'initiative individuelle tout en renforçant le dialogue social, à rétablir la valeur travail comme socle sur lequel sont fondées la reconnaissance et la promotion sociales, ou encore à susciter la souplesse des processus productifs afin de permettre à nos entreprises de lutter dans un contexte concurrentiel chaque jour plus exigeant. Tels ont été notamment les enjeux de la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et développement de l'emploi, de la loi du 1 er août 2003 pour l'initiative économique ou encore de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
Ces réformes législatives ont été nécessaires pour relancer une machine économique grippée par des rigidités souvent introduites au cours de la législature précédente. Au nombre de celles-ci figurent à l'évidence la fixation à 35 heures de la durée légale du travail des salariés des secteurs privé et public et l'édification d'un droit social propre au temps de travail dont la complexité le dispute à l'inégalité. Car en effet, la volonté d'appliquer par la loi un corpus d'obligations identiques quels que soient la taille, la situation ou le domaine d'activité des entreprises s'est heurtée au principe de réalité. Faute d'avoir su faire confiance à la négociation collective, le législateur s'est ainsi vu contraint d'instituer des régimes dérogatoires et de régler dans le détail des questions qui, traditionnellement, constituent le coeur même du dialogue social.
Ce faisant, la France s'est une fois de plus singularisée parmi les pays industrialisés. Si l'on ne peut nier que la diminution de la durée du temps de travail est une tendance séculaire caractéristique des économies développées, rendue possible par l'amélioration continue de la productivité, nulle part ailleurs elle n'a été brutalement décidée par le pouvoir politique, ni réalisée avec tant d'ampleur aussi rapidement. Si encore des résultats économiques et sociaux incontestables, et conformes aux objectifs annoncés par les promoteurs de ce dispositif, en avaient résulté ! Mais force est de constater, maintenant que les effets peuvent en être analysés dans la durée, que les bénéfices mis en avant sont souvent récusables et que les difficultés subies tant par les entreprises que par beaucoup de salariés demeurent nombreuses et très pénalisantes.
Parmi ces difficultés, on relève en particulier les conséquences de la modération salariale sur laquelle a été gagée une partie de la réforme des 35 heures, ainsi que les limites contraignantes imposées par le législateur aux salariés dans la gestion de leur temps. Quel étrange décalage entre discours et réalité que d'avoir prétendu leur donner un plus grand choix alors même qu'étaient réduites leurs facultés d'arbitrer entre leurs priorités, celle de disposer de davantage de temps libre ou celle de travailler plus pour gagner plus et augmenter leurs revenus ! Or, si plusieurs des aspects du bilan des 35 heures donnent toujours lieu à des controverses entre économistes, notamment au regard des objectifs que l'on fixe à la politique économique, personne ne peut nier que la réduction du temps de travail a directement affecté les revenus de dizaines de milliers de salariés, notamment parmi les plus modestes. A tel point qu'aujourd'hui, l'amélioration du pouvoir d'achat est redevenu la question primordiale de nos concitoyens. De plus, il est manifeste, quels que soient les sondages d'opinion auxquels on se réfère, que le taux de satisfaction des salariés relevant de la législation sur les 35 heures est loin d'atteindre les 100 %.
Dans ce contexte, la proposition de loi de nos collègues députés Patrick Ollier, Hervé Novelli, Pierre Morange et Jean-Michel Dubernard, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale le 9 février dernier, vient à point nommé. Contrairement aux raccourcis complaisamment diffusés, elle ne remet nullement en cause les 35 heures, dispositif législatif auquel se sont adaptées, malgré les difficultés, la plupart des entreprises françaises concernées qui, dorénavant, ont avant tout besoin de stabilité. Pour l'essentiel, cette proposition de loi ouvre simplement aux salariés des espaces de liberté nouveaux leur permettant, dans le cadre d'une protection individuelle garantie par des accords collectifs, d'exercer véritablement un choix de rythme de travail. A cet égard, les protestations qu'elle suscite ne laissent pas d'être surprenantes tant il est vrai que donner aux salariés la faculté d'arbitrer entre revenus supplémentaires ou temps libre devrait faire l'objet d'un vaste consensus.
A cet objectif social s'ajoute un intérêt économique qui justifie pleinement que votre commission des affaires économiques ait souhaité se saisir pour avis de la présente proposition de loi : en effet, les avantages que peuvent obtenir les salariés d'un assouplissement de la législation sur le temps de travail rejoignent, en l'espèce, les attentes des entreprises. En cela, la réforme proposée par nos collègues députés est susceptible de redonner à l'activité économique des marges de manoeuvre qui lui seront extrêmement utiles lors du retour prochain de la croissance.
I. LE TEMPS DE TRAVAIL CHOISI : L'INTÉRÊT DES SALARIÉS À LA RENCONTRE DE CELUI DES ENTREPRISES
Votre commission des affaires économiques a tout naturellement décidé d'inscrire sa saisine dans le cadre fixé le 14 juillet 2004 par le Président de la République, lequel a solennellement rappelé, lors de son intervention devant les Français, que si la durée légale du travail fixée à 35 heures était un droit acquis, il convenait toutefois de donner plus de liberté tant aux travailleurs, ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus devant pouvoir le faire, qu'aux entreprises, afin qu'elles puissent mieux s'adapter aux marchés et aux développements.
Dès lors, il n'appartenait pas à votre rapporteur pour avis d'exposer dans le détail les conséquences, positives ou négatives, de la réduction du temps de travail dans son principe et dans son ensemble, pas davantage que de rappeler l'historique de cette législation, de la loi « Robien » de 1996 jusqu'à la loi « Fillon » de 2003, en passant par les lois « Aubry » I et II de 1998 et 2000 ( ( * )*). Au reste, de nombreux rapports ont, l'an dernier, examiné de manière très claire, exhaustive et pertinente, ces problématiques, en en présentant le bilan circonstancié. Tel a notamment été le cas, en avril 2004, du rapport d'information n° 1544 de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail, présidée par M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques et du développement du territoire, et dont le rapporteur était M. Hervé Novelli. Mais des analyses convergentes ont également été développées tant dans le rapport, intitulé « Pour un code du travail plus efficace » , remis par M. Michel de Virville au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en janvier 2004, que dans celui établi par un groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus ( ( * )**), remis en octobre 2004 au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et intitulé « Le sursaut, vers une nouvelle croissance pour la France » .
Tout au plus sera-t-il opportun de rappeler rapidement les quelques faits caractéristiques de la durée du travail en France, dont, au demeurant, la réalité n'est guère contestable, afin de bien saisir l'intérêt du contenu de la proposition de loi. Il s'agira ensuite d'observer en quoi ce contenu, bien que mesuré, est susceptible de constituer un facteur de souplesse appréciable permettant aux entreprises de se préparer au retour annoncé de la croissance.
A. LES 35 HEURES, UNE LÉGISLATION SINGULIÈRE AUX EFFETS CONTRASTÉS
Actuellement, la durée hebdomadaire collective moyenne du travail des salariés à temps complet s'établit en France à 35,64 heures , niveau qui a été atteint dès la mi-2002. Cette durée moyenne est d'autant plus faible qu'est importante la taille de l'entreprise :
Taille de l'entreprise |
Durée en heures en fin de trimestre |
Variation sur 3 mois (en %) |
Variation sur 12 mois (en %) |
Toutes tailles confondues |
35,64 |
0,0 |
0,0 |
10 à 19 salariés |
36,85 |
-0,1 |
-0,3 |
20 à 49 salariés |
36,14 |
-0,1 |
0,0 |
50 à 99 salariés |
35,73 |
0,0 |
0,0 |
100 à 249 salariés |
35,58 |
0,0 |
0,1 |
250 à 499 salariés |
35,37 |
0,0 |
0,2 |
500 salariés ou plus |
35,17 |
0,0 |
0,1 |
Source : Enquête trimestrielle sur
l'activité et les conditions
d'emploi de la main d'oeuvre (ACEMO),
METCS-Dares
Ainsi, comme l'indique le tableau suivant, près de 80 % de ces salariés travaillent moins de 36 heures par semaine :
Durée hebdomadaire du travail des
salariés à temps complet par taille de
l'entreprise,
proportion de salariés à temps partiel et au
forfait jours (
(
*
)*) au 3ème
trimestre 2004
Répartition des salariés à temps complet par tranche de durée (en %) |
Taux de temps partiel (en %) |
Taux de salariés au forfait (en %) |
||||||
Taille de l'entreprise |
Entre 32 et moins de 35 heures |
Entre 35 et moins de 36 heures |
Entre 36 et moins de 38 heures |
Entre 38 et moins de 39 heures |
Entre 39 et moins de 40 heures |
40 heures ou plus |
||
Toutes tailles confondues |
5,4 |
73,9 |
7,9 |
2,7 |
8,4 |
1,7 |
14,0 |
8,2 |
10 à 19 salariés |
0,6 |
52,8 |
4,6 |
2,8 |
35,6 |
3,7 |
16,1 |
2,3 |
20 à 49 salariés |
1,6 |
67,1 |
8,4 |
5,1 |
15,2 |
2,6 |
14,8 |
4,4 |
50 à 99 salariés |
3,1 |
75,0 |
9,9 |
3,4 |
6,4 |
2,3 |
13,3 |
7,2 |
100 à 249 salariés |
5,2 |
76,2 |
9,8 |
2,9 |
3,8 |
2,1 |
11,8 |
8,5 |
250 à 499 salariés |
7,7 |
78,5 |
8,0 |
2,0 |
2,1 |
1,6 |
11,6 |
10,2 |
500 salariés ou plus |
8,3 |
80,5 |
7,6 |
1,7 |
1,4 |
0,7 |
14,4 |
10,9 |
Source : ACEMO
Votre rapporteur pour avis rappelle pour mémoire qu'à la fin de 1998, près de 90 % des salariés travaillaient plus de 38 heures par semaine , la durée moyenne étant de 38,68 heures et les proportions par tranche de durée les suivantes :
Toutes tailles confondues |
1,8 |
4,5 |
4,4 |
22,3 |
59,5 |
7,4 |
Source : ACEMO |
Ainsi, l'une des caractéristiques de la situation française est bien la brutale rapidité du changement intervenu en moins de quatre ans : sur une si brève période, ce sont trois heures de travail hebdomadaire par salarié qui ont disparu en moyenne. Quelle économie serait-elle en mesure de supporter un tel choc, même en tenant compte des gains de productivité résultant de l'intensification des procès de travail ? Au reste, le tableau ci-dessous démontre que le volume trimestriel d'heures travaillées dans l'ensemble des entreprises du secteur concurrentiel, sans distinction de taille, était en juin 2004 tout juste identique à celui observé quatre ans plus tôt.
Evolution de l'emploi trimestriel moyen et du volume d'heures travaillées
Source : ACEMO
Le pari des promoteurs d'une telle réduction obligatoire, par voie législative, de la durée du travail était précisément que ce choc serait absorbé par une diminution du taux de chômage, la réduction du temps de travail devant s'accompagner d'un partage de celui-ci. S'il est inutile de revenir sur un débat qui a déjà eu lieu, il convient cependant de rappeler que même pour ses thuriféraires, cette liaison vertueuse n'allait manifestement pas de soi. En effet, les lois Aubry ont été accompagnées de dispositifs d'aides incitatives puis d'allégements de charges sociales destinés à en favoriser la mise en oeuvre. Il n'est d'ailleurs pas contesté que le bilan quantitatif avancé par les socialistes résulte pour beaucoup, indépendamment de ce que l'on peut penser de sa réalité, notamment à long terme, et du contexte macro-économique international de croissance dans lequel s'est inscrite la réforme, de ces mesures financières prises en charge par la collectivité. Au reste, nombre d'économistes soulignent que la réduction des charges sociales sur les bas salaires permet, à elle seule, de lutter efficacement contre le chômage sans qu'il soit besoin par ailleurs d'accélérer de manière artificielle le rythme tendanciel de diminution de la durée du travail.
Certes, la réduction du temps de travail n'a pas été uniformément négative pour l'économie française. Les grandes entreprises des services et surtout du secteur industriel ont su tirer parti de la réorganisation des processus productifs rendus nécessaires par la réforme : elles ont pu rationaliser leur organisation, mettre en place des systèmes flexibles permettant d'adapter leur capacité productive aux fluctuations du marché, jouer avec la modulation pour augmenter leur productivité, prendre le temps de négocier avec les organisations syndicales, externaliser les activités qui devenaient trop onéreuses, maximiser le bénéfice des aides publiques associées à la réforme. Ce faisant, elles ont effectivement limité la perte de compétitivité résultant de l'enchérissement du coût du travail.
Ces nombreuses contreparties, en revanche, n'ont pas été accessibles à la plupart des petites et moyennes entreprises. Une large part du tissu des PME françaises a ainsi été profondément déstabilisée par la réforme, notamment la catégorie des entreprises soumises à la concurrence internationale. Mais les problèmes d'enchérissement général des coûts, d'incapacité à répondre en flux tendu aux évolutions de la demande et aux exigences de dernière minute des clients, de recrutement de cadres ou de main d'oeuvre qualifiée, toujours plus tentés de rejoindre des grandes entreprises, ont bien été partagés par la plupart des PME, quel que soit le secteur dont elles relèvent. En ce sens, la réduction du temps de travail a considérablement renforcé les inégalités entre les entreprises. C'est d'autant plus vrai que, pour tenir compte du principe de réalité, il a bien fallu réserver un traitement particulier aux plus petites d'entre elles, dont la taille même interdisait qu'elles rentrent immédiatement dans le cadre général.
Cette inégalité entre les entreprises s'est évidemment étendue aux salariés, soumis à de multiples contradictions. Près d'un tiers d'entre eux ne sont aujourd'hui pas soumis à la législation sur les 35 heures et tous ou presque sont employés par des PME : si la réduction du temps de travail est un avantage, alors force est de constater qu'il est loin d'être également partagé ! A l'inverse, bien des salariés passés aux 35 heures ont subi de plein fouet les conséquences de la modération salariale sur laquelle a été gagée une partie de la réforme, de la diminution des heures supplémentaires en raison de leur enchérissement, ainsi que des limites contraignantes imposées dans la gestion de leur temps, notamment par la flexibilité. Ainsi, la réduction du temps de travail a directement affecté la rémunération de dizaines de milliers de salariés, notamment parmi les plus modestes. A tel point qu'aujourd'hui, l'amélioration du pouvoir d'achat est redevenue la question primordiale de nos concitoyens.
Avec cette réforme, la France s'est singularisée parmi les pays industrialisés. Il est vrai que la diminution de la durée du temps de travail est une tendance séculaire caractéristique des économiques développées, notamment grâce à l'amélioration continue de la productivité. Mais il s'agit d'un mouvement spontané, régulé par les réalités économiques. Nulle part ailleurs qu'en France, la diminution n'a été brutalement décidée par le pouvoir politique, ni réalisée avec tant d'ampleur aussi rapidement. Au reste, aucun pays européens, même ceux dirigés par des partis socialistes ou des coalitions de gauche, n'ont jamais cherché à adopter une législation similaire.
Ainsi, comme en témoignent les tableaux figurant page suivante, en France, en 2002 et 2003 :
- la durée hebdomadaire moyenne de travail des salariés à temps complet était, avec 38,8 heures, la plus faible des quinze Etats membres de l'Union européenne ;
- le nombre annuel d'heures effectivement travaillées par les salariés (1.467 heures) figurait également parmi les plus réduits de l'Union, seuls les Pays-Bas (en raison de l'importance du travail à temps partiel dans ce pays, proche de 45 %), la Suède (du fait de longues absences pour maternité et maladie) et le Danemark connaissant des résultats plus bas ; on peut relever que le total français étant de 39 heures inférieur à la moyenne européenne, cela signifie que les salariés français travaillaient une semaine de moins que la moyenne de leurs collègues européens ;
- en outre, cet indicateur était inférieur de 18 % à la durée annuelle de travail des salariés américains (ce qui consiste en un différentiel de huit semaines de travail par an !) et de 20 % à celle des travailleurs nippons (plus de neuf semaines).
Reste que, malgré ces constats qui témoignent des entraves que semble s'être volontairement imposé notre pays pour aborder la compétition économique internationale, il ne saurait être envisagé aujourd'hui, plus de cinq ans après sa mise en oeuvre, de revenir autoritairement sur cette législation. Les corrections essentielles qu'il était nécessaire d'apporter rapidement au dispositif l'ont été par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi. Aujourd'hui, l'enjeu n'est donc plus de supprimer les 35 heures : le nombre des entreprises et des salariés du secteur privé concernés par la réduction du temps de travail est en effet désormais trop important ( ( * )*) pour prendre le risque de bouleverser une fois de plus le fonctionnement des entreprises, qui ont besoin de stabilité législative pour développer leurs activités dans la sérénité.
En revanche, dans un cadre général maintenu, il reste possible de donner davantage de souplesse à quelques mécanismes en s'appuyant sur l'approfondissement du dialogue social autorisé par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, et en donnant plus de libertés aux salariés pour arbitrer entre temps libre et rémunérations supplémentaires.
Durée du travail hebdomadaire habituelle pour les salariés et proportion de l'emploi à temps partiel dans les pays de l'Europe des 15 en 2003
Durée habituelle (1) |
UE 15 |
BEL |
DAN |
ALL |
GRE |
ESP |
FRA |
IRL |
ITA |
LUX |
P.BAS |
AUT |
POR |
FIN |
SUE |
RU |
Salariés à temps complet |
40,0 |
39,0 |
39,2 |
39,6 |
41,0 |
40,9 |
38,8 |
39,5 |
38,7 |
40,3 |
39,0 |
40,1 |
40,1 |
39,2 |
39,9 |
43,1 |
Salariés à temps partiel |
19,8 |
22,8 |
19,2 |
17,8 |
20,8 |
18,4 |
23,3 |
17,3 |
23,8 |
20,6 |
19,3 |
22,1 |
20,3 |
20,2 |
22,8 |
18,9 |
% de l'emploi à temps partiel (2) |
18,0 |
20,3 |
20,6 |
21,2 |
4,0 |
7,9 |
16,5 |
16,5 |
8,4 |
13,2 |
44,6 |
18,7 |
11,3 |
12,6 |
21,9 |
24,2 |
Ensemble des salariés |
36,4 |
35,7 |
35,1 |
35,0 |
40,2 |
39,1 |
36,2 |
35,8 |
37,4 |
37,7 |
30,2 |
36,7 |
37,9 |
36,8 |
36,2 |
37,2 |
Source : Eurostat, Enquête sur les forces de travail
(1) Il s'agit du nombre d'heures habituellement effectuées par semaine : sont incluses toutes les heures, y compris les heures supplémentaires, payées ou non, effectuées habituellement, mais sont exclus le temps de déplacement entre le domicile et le travail et les pauses pour le repas principal. Pour les personnes qui n'ont pas d'horaire habituel, on prend en compte la moyenne des heures réellement effectuées par semaine au cours des quatre dernières semaines.
(2) Emploi à temps partiel en pourcentage de l'ensemble de l'emploi.
Nombre annuel d'heures effectivement travaillées par les salariés en équivalent année pleine dans les pays de l'Europe des 15 en 2002
UE 15 |
BEL |
DAN |
ALL |
GRE |
ESP |
FRA |
IRL |
ITA |
LUX |
P.BAS |
AUT |
POR |
FIN |
SUE |
RU |
|
Durée annuelle |
1.506 |
1.497 |
1.410 |
1.480 |
1.816 |
1.639 |
1.467 |
1.585 |
1.533 |
1.582 |
1.223 |
1.497 |
1.688 |
1.491 |
1.349 |
1.546 |
Source : OCDE, à partir des résultats de l'Enquête sur les forces de travail et les données de l'EIRO
Nombre annuel d'heures effectivement travaillées par les salariés en équivalent année pleine dans les autres pays de l'OCDE en 2002 (*)
Canada |
Corée |
USA |
Hongrie |
Islande |
Japon |
Mexique |
NZ |
Pologne |
Slovaquie |
Rép Tch |
Suisse |
Norvège |
|
Durée annuelle |
1.730 |
2.410 |
1.784 |
1.766 |
1.740 |
1.825 |
1.945 |
1.759 |
1.979 |
1.960 |
1.896 |
1.586 |
1.339 |
(*) Pays dont les données sont disponibles en 2002 Source : OCDE
A. B. FAVORISER LA SOUPLESSE ET LA RÉACTIVITÉ DES ENTREPRISES
Tout en demeurant dans le cadre fixé par le Président de la République, le Gouvernement a légitimement cherché à modifier les dispositions les plus pénalisantes de la législation sur le temps de travail dans un équilibre qui satisfasse à la fois les aspirations des salariés à augmenter leurs revenus et les nécessités des entreprises à disposer de facilités supplémentaires pour s'adapter aux évolutions de leurs marchés. Ces assouplissements ont essentiellement été apportés par la loi « Fillon » du 17 janvier 2003, et complétés par celle du 4 mai 2004.
1. Les premières mesures prises en 2003 et 2004
La loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 a tout d'abord réformé plusieurs dispositions du régime des heures supplémentaires :
- en monétisant la majoration des quatre premières d'entre elles, sauf disposition conventionnelle prévoyant l'attribution de repos compensateur ;
- en laissant à la négociation collective la responsabilité de fixer le taux de majoration des heures supplémentaires, dans la limite d'un plancher de 10 % (à défaut d'accord de branche étendu s'appliquent les taux légaux, soit 25 % puis 50 % à compter de la neuvième heure supplémentaire) ;
- en étendant la mise en oeuvre des règles relatives à la majoration du repos compensateur au dépassement du contingent d'heures supplémentaires fixé par la négociation collective (dès lors qu'il est inférieur au contingent réglementaire) ;
- en appliquant aux entreprises comptant de onze à vingt salariés le régime transitoire prévu pour les très petites entreprises (TPE) de moins de onze salariés qui déroge aux règles de déclenchement du repos compensateur obligatoire en ne prévoyant pas l'automaticité de la majoration de 50 % à partir de la 42 ème heure au sein du contingent annuel d'heures supplémentaires et en limitant à 50 %, au lieu de 100 %, la majoration applicable aux heures supplémentaires dépassant le contingent conventionnel.
Par ailleurs, elle a prorogé jusqu'au 31 décembre 2005 le dispositif transitoire spécifique aux TPE de 20 salariés au plus qui limite à 10 % seulement le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires. Dans le même esprit et par souci de cohérence, la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 a également prolongé jusqu'à cette date la mesure prévoyant que, pour ces entreprises de vingt salariés ou moins, l'imputation sur le contingent des heures supplémentaires ne commence qu'à compter de la 37 ème heure.
On ajoutera que le volet « heures supplémentaires » de la loi de 2003 a été complété, en application du décret n° 2003-258 du 20 mars 2003, par le relèvement du niveau du contingent réglementaire de 130 à 180 heures par an, sous réserve de l'application d'un seuil minoré fixé à 130 heures en cas de modulation. Ce contingent a été de nouveau majoré et fixé à 220 heures annuelles par un décret n° 2004-1381 du 22 décembre 2004, conformément aux engagements annoncés le 9 décembre 2004 par le Premier ministre dans le cadre de son « contrat France 2005 » .
La loi Fillon a également entrepris un double mouvement destiné à simplifier et à mettre en cohérence à la fois le régime des aides financières et celui du salaire minimum.
S'agissant des allégements de charges, les dispositifs complexes des lois Aubry, dont le bénéfice était conditionné par la réduction du temps de travail, ont été remplacés par une ristourne dégressive de 26 % des cotisations patronales pesant sur les salaires inférieurs à 1,7 fois le SMIC ( ( * )*), attribuée indépendamment de toute considération relative à l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.
Par ailleurs, il a été mis fin, de façon progressive, à la multiplicité des garanties mensuelles de rémunération (GMR) de manière à parvenir, au 1 er juillet 2005, au rétablissement d'un SMIC unique, cette convergence retrouvée conduisant à une augmentation 11,4 % du salaire minimum. Outre qu'à l'évidence, le maintien de rémunérations minimales différentes était d'une complexité redoutable, ce système était générateur d'inégalités entre les salariés qui, s'agissant précisément des travailleurs les plus nombreux et les moins bien rémunérés, étaient profondément choquantes par leur iniquité.
Enfin, la loi Fillon s'est attachée à simplifier et assouplir plusieurs autres dispositions de la législation sur la réduction du temps de travail.
Elle a ainsi monétisé le compte épargne-temps (CET), dispositif jusqu'alors exclusivement destiné à permettre aux salariés de gérer sur plusieurs années une partie des droits à congé, repos ou récupération dont ils avaient pu bénéficier en application de la législation.
Elle a par ailleurs procédé à des ajustements dans les régimes de travail applicables aux cadres, en particulier des cadres intégrés dont la spécificité à l'intérieur de l'entreprise a été distinguée par la reconnaissance du critère fonctionnel et la suppression de la condition liée à une durée de travail prédéterminée, ainsi que des cadres autonomes, désormais simplement définis comme les cadres disposant de la faculté d'organiser leur emploi du temps, sans référence à leurs fonctions ou responsabilités.
Elle a enfin étendu l'application du forfait annuel horaire aux salariés itinérants non-cadres en rendant alternatifs les deux critères nécessaires à la mise en oeuvre de ce régime, qui étaient jusqu'alors cumulatifs : impossibilité de déterminer la durée de travail de ces salariés et autonomie de ceux-ci dans l'organisation de leur emploi du temps.
2. Les compléments à apporter
Si cet ensemble de dispositions a rapidement permis aux salariés et aux entreprises de bénéficier des ajustements absolument nécessaires pour limiter les effets pénalisants de la législation sur les 35 heures, il semble encore possible, dans le cadre de la négociation collective rénovée par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, d'ouvrir de nouvelles fenêtres de liberté afin en particulier de permettre aux salariés qui veulent gagner plus de travailler plus.
La loi du 4 mai 2004 a en effet considérablement enrichi les opportunités de développer un droit social conventionnel en ne soumettant plus, pour le cas général, les accords d'entreprise aux accords de branche, ni ces derniers aux accords professionnels. Dans le même temps, tant pour protéger les intérêts des salariés de toute perversion du dialogue entre les partenaires sociaux que pour responsabiliser ces derniers, les accords concernés devront être désormais signés par des organisations syndicales assurant, à leur niveau, une représentation majoritaire des salariés.
C'est dans ce cadre conventionnel rénové que pourraient s'inscrire les nouveaux assouplissements envisagés par la proposition de loi. Celle-ci, en effet, suggère de développer plus avant les pistes ouvertes par la loi Fillon du 17 janvier 2003 en ce qui concerne :
la gestion du compte épargne-temps
Actuellement, le CET est très peu utilisé : alors même que sa création remonte à plus de dix ans ( ( * )*), on estime à moins de 30 % la proportion des salariés du secteur privé susceptibles d'être en mesure d'en ouvrir un et à tout juste 5 % la part de ceux y ayant effectivement recours régulièrement. Il est vraisemblable que cette faiblesse résulte de sa complexité d'usage ainsi que des limitations posées à sa valorisation, notamment sous forme monétaire. Or, ce dispositif pourrait sans doute se développer s'il bénéficiait de simplifications nouvelles, en ce qui concerne tant ses modes d'alimentation que son utilisation.
le développement du temps choisi
L'un des effets pervers du mécanisme légal d'organisation du temps de travail dans l'entreprise est qu'il empêche les salariés qui le souhaitent individuellement de travailler plus pour augmenter leurs revenus. La modération salariale ayant accompagné le processus progressif de mise en oeuvre des 35 heures a ainsi contraint un certain nombre de travailleurs à subir la stagnation de leur pouvoir d'achat sans disposer de la faculté d'accroître leur rémunération par une augmentation de la durée de leur travail.
A l'inverse, nombre de petites entreprises se trouvent souvent conduites à refuser de répondre favorablement à une possibilité d'accroissement temporaire de leur activité. En effet, elles sont trop petites pour disposer d'un volant de main d'oeuvre permettant de jouer, par le jeu du contingent légal ou conventionnel des heures supplémentaires, avec les aléas de cette activité. Par ailleurs, l'accroissement conjoncturel de la demande ne saurait à lui seul justifier l'embauche d'un nouveau salarié. Enfin, la nature de la commande ou les caractéristiques du ou des emplois concernés interdisent souvent de pouvoir la satisfaire par le recrutement d'un intérimaire ou d'un salarié à contrat à durée déterminé.
On ne peut que déplorer cette situation paradoxale où la loi rend très difficile, en le pénalisant financièrement, l'accroissement temporaire de la durée du travail, quand bien même le salarié et le chef d'entreprise le souhaiteraient et y auraient intérêt.
De même, il convient de prendre en compte la situation de diverses catégories de cadres qui ne peuvent concilier l'organisation de leur travail et les impératifs de résultats auxquels ils sont soumis qu'en renonçant, sans contrepartie, à certains de leurs droits.
les dispositions propres aux entreprises de vingt salariés au plus
Malgré les délais laissés par les loi Aubry puis par la loi Fillon de 2003, un nombre significatif de petites entreprises de vingt salariés et moins n'ont pas encore été en mesure d'organiser, par la voie de la négociation collective, un régime propre de majoration des heures supplémentaires. Or, les conditions mêmes du dialogue social ont été substantiellement modifiées par la seconde loi Fillon de 2004, ce qui impose d'ouvrir un délai supplémentaire aux partenaires sociaux pour leur permettre de s'approprier et de mettre correctement en oeuvre ces nouvelles conditions.
En outre, par parallélisme avec les mesures d'assouplissement envisagées en ce qui concerne tant le compte épargne-temps que le développement du temps choisi, il semble opportun d'offrir aux salariés de ces très petites entreprises la faculté de valoriser, eux aussi, une partie des temps de repos dont ils disposent en contrepartie monétaire. Tout comme la mesure précédente, cette disposition ne pourrait être que temporaire, dans l'attente que des accords collectifs permettent le développement du CET dans les entreprises.
II. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale est constituée par trois articles reprenant, successivement, les trois mesures exposées ci-dessus.
? L'article 1 er procède à la complète réécriture de l'article L. 227-1 du code du travail organisant le compte épargne-temps, afin d'en favoriser le développement par une simplification de son mécanisme et un assouplissement de ses conditions d'alimentation et d'utilisation.
Au titre de la simplification, le CET apparaît désormais comme un dispositif, défini par la négociation collective, permettant au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises, de manière totalement libre et sans limite de durée pour l'exercice de ses droits ( ( * )*).
S'agissant de l'assouplissement des conditions d'alimentation, l'idée force qui structure la réforme est d'élargir au maximum les canaux actuels en supprimant toutes les restrictions que les textes anciens avaient pu imaginer, en particulier celle limitant à vingt-deux jours l'abondement maximal autorisé chaque année.
En matière d'alimentation en temps sont ainsi désormais concernés :
- tous les jours de congé payés annuels dépassant le minimum de vingt-quatre jours ouvrables que le droit communautaire impose au salarié de prendre dans l'année ;
- toutes les heures de repos compensateur, qu'il s'agisse du repos compensateur de remplacement prévu par la voie conventionnelle, comme aujourd'hui, ou du repos compensateur obligatoire, ce qui est une innovation ;
- tous les jours de congés et de repos accordés au titre d'un régime de réduction du temps de travail ;
- ainsi que, à l'initiative de l'employeur, les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient, sans limite quantitative. On observera que seul ce mécanisme ne relève pas d'une décision du salarié lui-même.
Pour ce qui est de l'abondement du CET en argent, indifféremment ouvert au chef d'entreprise et au salarié, l'élargissement repose pour l'essentiel sur la faculté ouverte à ce dernier, à son initiative, d'alimenter son compte avec tout revenu, augmentation ou complément de salaire, ne constituant pas son salaire contractuel de base.
En ce qui concerne l'utilisation du CET, la même philosophie de liberté inspire la réforme proposée afin d'offrir au salarié un large panel de choix adaptés à ses priorités, qui peuvent être diverses et surtout évolutives tout au long de sa carrière. S'agissant des congés qu'il peut actuellement servir à indemniser, la proposition de loi supprime le plancher minimal de deux mois, avant que de reprendre, en en simplifiant la rédaction, les dispositions permettant de financer un passage à temps partiel, une période de formation en dehors du temps de travail ou encore, en fin de vie active, une cessation anticipée d'activité, progressive ou totale.
Mais ces facultés d'utiliser le CET sous forme d'indemnisation du temps libéré sont complétées, et c'est ce qui constitue l'essentiel de la réforme en ce domaine, par celles d'y puiser, à l'initiative du salarié, sous forme monétaire :
- soit à court terme, en tant que complément de rémunération, dans la limite des droits acquis dans l'année sauf si l'accord ou la convention prévoit une disposition contraire ;
- soit à terme différé, à la suite de l'abondement d'un plan d'épargne d'entreprise, d'un plan d'épargne interentreprises, d'un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), d'un régime de retraite supplémentaire d'entreprise ou encore d'un régime de prestations de retraite résultant d'accords collectifs de retraite et de prévoyance obligatoires.
Echappe à cette absolue liberté d'usage reconnue au salarié l'utilisation des droits affectés au CET par l'employeur, utilisation qui devra être formellement précisée par la convention ou l'accord collectif. A cet égard, afin de favoriser la constitution d'épargne pour la retraite, la proposition de loi accorde aux abondements en temps ou en argent de l'employeur utilisés pour alimenter un PERCO le bénéfice des dispositions sociales et fiscales dérogatoires applicables au dispositif.
Enfin, l'article 1 er renvoie aux termes de la convention ou de l'accord collectif les modalités de gestion du CET, tout en fixant les limites protectrices minimales des droits du salarié :
- en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'intégralité des droits inscrits au CET lui est versée ;
- cette indemnité est également versée en cas de dépassement d'un seuil de droits acquis fixé par décret, sauf si un mécanisme d'assurance ou de garantie des sommes concernées a été prévu par l'entreprise ;
- enfin, est maintenue la référence actuelle à l'application des garanties assurées, dans la limitée d'un plafond, par l'Association pour la garantie des salaires (AGS) en cas de redressement ou de liquidation judiciaire.
? L'article 2 de la proposition de loi institue le régime du temps choisi permettant aux salariés, en accord avec le chef d'entreprise, de travailler plus s'ils souhaitent augmenter leur rémunération. Ainsi, selon les régimes de travail auxquels ils sont soumis, le texte ouvre :
- aux salariés soumis à ce qu'on pourrait qualifier de « régime général des heures supplémentaires », la faculté de demander à en effectuer au-delà du contingent légal ou conventionnel applicable à l'entreprise ou à l'établissement qui les emploie ;
- aux cadres et aux salariés relevant d'une convention individuelle de forfait établie sur une base annuelle et exprimée en heures, la même faculté d'effectuer des heures au-delà de la durée annuelle de travail prévue par ladite convention ;
- aux cadres relevant d'une convention individuelle de forfait annuelle exprimée en heures, la possibilité de renoncer à une partie de leurs jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire.
Cette liberté nouvelle ouverte individuellement aux salariés devra s'inscrire dans un cadre protecteur collectif qui en fixe les conditions de mise en oeuvre. Elle sera ainsi subordonnée à la signature d'une convention ou d'un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement destiné à préciser, notamment, les conditions dans lesquelles sont effectuées les heures supplémentaires choisies, en particulier celles dans lesquelles les cadres relevant d'une convention individuelle de forfait font connaître leur choix, ainsi que les majorations salariales auxquelles donnent lieu ces heures ou la renonciation à une partie des jours de repos.
? Quant à l'article 3 du texte, il vise à répondre à la situation spécifique des petites entreprises de vingt salariés au plus qui, faute de l'existence d'une convention ou d'un accord collectif, ne peuvent pas mettre en oeuvre un régime conventionnel de rémunération des heures supplémentaires dérogeant au droit commun ni proposer à leurs salariés d'ouvrir un CET.
Aussi cet article prévoit-il tout d'abord de prolonger jusqu'au 31 décembre 2008, et tant que n'a pas été conclu une telle convention ou un tel accord, le dispositif, institué en 2000 par la loi Aubry et prolongé par la loi Fillon de 2003 jusqu'au 31 décembre 2005, limitant à 10 % le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires hebdomadaires. Par souci de cohérence, il prolonge également jusqu'au même terme la faculté de n'imputer sur le contingent légal des heures supplémentaires que celles effectuées au-delà du seuil de 36 heures hebdomadaires, et non de 35 comme pour les autres entreprises.
Par ailleurs, par analogie avec la souplesse supplémentaire apportée à l'utilisation du compte épargne-temps, l'article 3 institue un régime également transitoire, devant lui aussi s'achever au 31 décembre 2008, qui ouvre aux salariés et aux cadres au forfait la faculté de renoncer chaque année à 10 jours (ou à 70 heures) de repos. Les périodes ainsi travaillées devront bénéficier d'une majoration salariale au moins égale à 10 % et ne seront pas imputées sur le contingent légal ou conventionnel des heures supplémentaires.
Il convient de relever qu'à l'initiative du Gouvernement, ces deux dispositifs temporaires ont été réservés aux entreprises et unités économiques et sociales dont l'effectif sera au plus égal à vingt salariés à la date de promulgation de la loi. Si cette restriction du champ d'application de l'article 3 va pénaliser quelque 5.000 à 6.000 petites entreprises qui, jusqu'à présent, continuaient à bénéficier des dérogations Aubry puis Fillon bien qu'elles soient passées, au cours des cinq dernières années, à plus de vingt salariés, elle paraît indispensable pour assurer la constitutionnalité de la prolongation desdites dérogations et de la création d'un régime temporaire de renonciation volontaire à quelques jours de repos.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Rénovation et simplification du compte épargne-temps
Articles L. 227-1, L. 443-7 et L. 443-8 du code du travail
Commentaire : cet article élargit et assouplit les modes d'alimentation et d'utilisation par les salariés du compte épargne-temps créé par une convention ou un accord collectif.
Constatant que le compte épargne-temps (CET), plus de dix ans après sa création sous l'article L. 227-1 du code du travail par la loi n° 94-640 du 25 juillet 1994, ne concerne toujours qu'un faible nombre de salariés ( ( * )*) malgré les multiples modifications apportées au cours de la décennie pour en favoriser l'usage ( ( * )**), les auteurs de la proposition de loi suggèrent d'en assouplir profondément le fonctionnement . Le principe retenu est celui de la liberté individuelle du salarié s'exerçant dans un cadre défini par la négociation collective : en effet, le fonctionnement du CET, demain comme aujourd'hui, ne sera possible que dans des conditions et limites définies par une convention ou un accord collectif , qu'il soit de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement.
I. LES LIMITES ACTUELLES AU FONCTIONNEMENT DU COMPTE ÉPARGNE-TEMPS
Le CET souffre aujourd'hui de trois types de contraintes expliquant pour beaucoup l' usage restreint qui en est fait par les salariés : plusieurs limites quantitatives générant une réelle « viscosité » du fonctionnement du compte, des sources d'approvisionnement réduites au regard des potentialités et un manque de liberté quant à l'utilisation des droits ouverts. Tout concourt ainsi à contenir, tant à l'entrée qu'à la sortie, les flux et l'activité du compte, tandis que la conjonction de ces dispositions contraignantes entraîne une complexité préjudiciable tant à l'appropriation du dispositif par les salariés qu'à sa mise en oeuvre par les employeurs, notamment les chefs des petites et moyennes entreprises.
1. Plusieurs carcans quantitatifs pénalisants
Bien qu'il lui soit reconnu le droit de bénéficier d'un compte épargne-temps ayant pour objet de lui permettre « d'accumuler des droits à congé rémunéré (...) ou de se constituer une épargne » , le salarié est limité par diverses dispositions qui restreignent l'exercice effectif de ce droit .
Tout d'abord, le texte de l'article L. 227-1 du code du travail incite les partenaires sociaux à fixer dans la convention ou l'accord collectif créant le CET une durée minimale d'ancienneté dans l'entreprise pour que le bénéfice du compte soit ouvert au salarié.
Ensuite, celui-ci ne peut alimenter son compte en temps que dans la limite de vingt-deux jours par an - dont dix jours au maximum peuvent résulter d'un report des congés payé annuels -, auxquels peuvent être ajoutés, dans certaines conditions, cinq jours supplémentaires ( ( * )*).
Par ailleurs, en l'absence de dispositions conventionnelles plus souples, le salarié ne peut utiliser le temps inscrit à son compte que pour indemniser, en tout ou partie, des congés sans solde d'une durée minimale de deux mois . De plus, le congé doit être pris avant l'expiration d'un délai de cinq ans , porté à dix ans dans certaines situations ( ( * )**), à compter de la date où le salarié a accumulé un nombre de jours de congés égal à deux mois ( ( * )***).
Quant à l' usage monétaire du CET , il est lui aussi contenu , les droits à congés payés ne pouvant être valorisés en argent que dans la limite de cinq jours par an .
2. Une alimentation du compte qui n'est pas optimale
Dans la complexité de la rédaction actuelle de l'article L. 227-1, résultat de ses modifications successives, on relève une dizaine de canaux d'irrigation du compte épargne-temps . Les modalités pratiques d'abondement, en général fixées, dans le cadre des restrictions quantitatives évoquées ci-dessus, par la convention ou l'accord collectif créant le CET, distinguent l'alimentation des droits en temps ou en argent .
Pour ce qui concerne l' alimentation des droits en temps , il s'agit :
- du report des congés-payés annuels , dans la limite de dix jours par an et sous réserve que le cumul de ce report et de celui effectué pour prendre ultérieurement un congé pour la création d'entreprise ou un congé sabbatique ne porte pas atteinte au socle de vingt-quatre jours ouvrables de congés devant obligatoirement être pris par le salarié chaque année, en application de la réglementation européenne ;
- des heures de repos acquises au titre du repos compensateur remplaçant , dans les entreprises soumises à une convention ou un accord collectif le prévoyant expressément, tout ou partie de la rémunération des heures supplémentaires et de leurs majorations ;
- d'une partie des jours de repos issus d'une réduction collective de la durée du travail utilisables à l'initiative du salarié ;
- des heures effectuées au-delà de la durée collective du travail lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient, dans la limite annuelle de cinq jours et sans pouvoir excéder quinze jours au total .
Les trois premières catégories de ces droits en temps peuvent alimenter le compte à la seule initiative du salarié , dans la limite, cela a été dit, d'un total annuel de vingt-deux jours . A l'inverse, la quatrième catégorie relève en pratique d'une décision de l'employeur puisqu'il s'agit d'un dispositif collectif spécifique destiné, dans les entreprises connaissant d' importantes variations d'activité dans l'année (par exemple dans le secteur automobile ), à éviter de rémunérer des heures supplémentaires dans les périodes de surcharge et à utiliser ultérieurement, en période de sous-charge, les droits acquis , ce repos rémunéré évitant la mise au chômage technique .
S'agissant de l' abondement monétaire , peuvent être concernées :
- tout ou partie des primes conventionnelles ou indemnités perçues par le salarié ;
- tout ou partie des primes qui lui sont attribuées en application d'un accord d'intéressement ;
- à l'issue de leur période d'indisponibilité, tout ou partie des sommes issues de la répartition de la réserve de participation , des sommes versées par le salarié dans un plan d'épargne d'entreprise et d'une partie de celles versées par l'entreprise ;
- une fraction de l' augmentation individuelle de salaire prévue par un accord de salaires.
En outre, l'article L. 227-1 du code du travail indique que l'employeur peut , dans des conditions prévues par la convention ou l'accord collectif, compléter le crédit inscrit au CET , sans toutefois préciser si cet abondement s'effectue en temps ou sous forme monétaire.
Bien qu'apparemment importante, cette série de moyens d'abonder le CET n'est cependant ni exhaustive , ni pleinement satisfaisante dans la mesure où, d'une part, tous les « canaux » envisageables ne sont pas ouverts au salarié et, d'autre part, plusieurs d'entre eux sont, pour poursuivre la métaphore, barrés par des « écluses » qui entravent la liberté de gestion du salarié .
3. Des facultés d'utilisation des droits ouverts sous contraintes
Les droits ouverts par le salarié sont, cela a été vu ci-dessus, limités eux aussi par diverses prescriptions quantitatives . Mais ils le sont également en ce qui concerne l' utilisation pratique qui peut en être faite, même si la liste des usages ouverts par l'article L. 227-1 du code du travail paraît longue et complète. Ainsi, à l'exception des droits acquis au titre des heures effectuées au-delà de la durée collective du travail qui, conformément à la convention ou à l'accord collectif, sont le plus souvent utilisés à l'initiative de l'employeur et à titre collectif, le salarié peut liquider tout ou partie de son CET aux fins suivantes :
- constitution des droits à l'assurance vieillesse au titre de périodes d'études et compléments apportés à des annuités incomplètes ;
- constitution d'une épargne ;
- indemnisation, en tout ou partie, sur la base du salaire perçu au moment de la prise du congé, des congés sans solde d'une durée minimale de deux mois (sauf disposition différente de la convention ou de l'accord collectif), notamment pour le congé parental d'éducation, le congé de création ou de reprise d'une entreprise et le congé sabbatique ;
- indemnisation, en tout ou partie, des heures non travaillées du salarié passé à temps partiel pour convenance personnelle ou pour assurer l'éducation de son enfant de moins de trois ans, être présent auprès de son enfant à charge victime d'une maladie, d'un accident ou d'un handicap graves, ou encore pour créer ou reprendre une entreprise ;
- rémunération des temps de formation effectués hors du temps de travail ;
- financement de la cessation volontaire d'activité , de manière progressive ou totale ;
- valorisation en argent des droits à congés payés affectés aux CET, dans la limite de cinq jours par an .
C'est cette dernière manière d'utiliser le CET qui apparaît comme la plus limitée au regard des attentes des salariés, qui souhaiteraient voir la monétisation de leur compte beaucoup plus largement ouverte .
II. LA RÉFORME ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Procédant à une complète réécriture de l'article L. 227-1 du code du travail pour en simplifier le texte et rendre plus cohérente sa lecture , les députés ont, tout en conservant les principes directeurs du dispositif, profondément assoupli la « mécanique vitale » du CET afin d'en rendre l'usage plus facile et donc plus attractif pour les salariés . L'ajout de nouvelles facultés à un socle de dispositions qui demeurent, qu'accompagne la levée de toutes les limites quantitatives restreignant les flux entrants et sortants du compte , devrait ainsi donner un second souffle à ce droit des salariés.
1. Des principes généraux maintenus dans un cadre simplifié et assoupli
Tout naturellement, le préalable obligatoire de la négociation collective , tant pour créer le compte épargne-temps que pour en prévoir, en pratique, les modes de fonctionnement, est conservé. Il s'inscrit évidemment dans le contexte nouveau des dispositions organisant le dialogue social qui résultent de la loi Fillon du 4 mai 2004 : le CET peut être ainsi désormais créé par une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement, sachant que prévalent toujours les dispositions fixées dans le cadre conventionnel le plus proche de la réalité de terrain.
Ce cadre définit les conditions et limites dans lesquelles est alimenté le compte , les conditions dans lesquelles les droits ainsi constitués sont utilisés à l'initiative du salarié et les modalités de gestion du CET. Celui-ci est défini comme devant permettre au salarié d' accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération , immédiate ou différée , en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises . Cette rédaction permet de synthétiser les différents usages possibles du CET , soit sous forme de temps (droits à congés rémunérés), soit sous forme monétaire (rémunération immédiate ou différée), et rend inutile le maintien de formulations complexes ou faisant référence à la constitution d'une épargne.
Enfin, nulle disposition ne figure plus dans le texte de l'article L. 227-1 pouvant inciter les partenaires sociaux à limiter, dans la convention ou l'accord collectif, le bénéfice de l'ouverture d'un CET aux seuls salariés jouissant d'une certaine ancienneté.
2. Une alimentation du compte facilitée
En matière d'abondement du compte, la réforme comporte, outre de nombreuses simplifications rédactionnelles, deux types d'assouplissements : d'une part, les restrictions qui limitaient légalement les moyens actuels d'alimentation sont supprimées , leur éventuelle existence résultant désormais de la volonté des parties à la convention ou à l'accord collectif , et, d'autre part, de nouvelles méthodes d'abondement sont prévues, tant sous la forme de temps que sous forme monétaire .
S'agissant de l' alimentation des droits en temps , la distinction entre les abondements résultant d'une initiative du salarié et ceux relevant de la responsabilité de l'employeur est plus clairement établie que dans le texte actuel de l'article L. 227-1. On rappellera en effet que les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail, lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient, ne peuvent être matériellement affectées au CET qu'à l'initiative de l'employeur en raison même de leur caractère collectif ( ( * )*).
A cette exception près, qui ne diffère au demeurant pas de la situation actuelle , tous les autres canaux d'alimentation ne dépendent donc que de l'initiative exclusive du salarié , dont la liberté d'approvisionnement de son compte est considérablement accrue par la proposition de loi :
- le nombre de ses jours de congés-payés annuels n'est plus limité à dix par an et ne s'inscrit que dans la limite fixée par la réglementation européenne imposant que tout salarié puisse disposer d'un minimum incompressible de vingt-quatre jours de repos par an ;
- aux heures de repos acquises au titre du repos compensateur de remplacement, c'est-à-dire définies par la voie conventionnelle pour remplacer tout ou partie des salaires majorés rémunérant des heures supplémentaires, sont ajoutées les heures de repos compensateur obligatoire prévues dans certains cas de recours aux heures supplémentaires ( ( * )*) ;
- les jours de repos et de congés accordés en application d'un régime de réduction collective de la durée du travail peuvent être totalement utilisés à l'alimentation du CET, de même que, pour les salariés concernés, les jours et les heures effectués au-delà de la durée prévue par la convention individuelle de forfait ( voir infra , commentaire de l'article 2).
Quant aux abondements monétaires des droits par l'employeur ou par le salarié , ils sont considérablement élargis par une simplification de la rédaction de l'article L. 227-1 renvoyant à la convention ou à l'accord collectif le soin d'en prévoir les modalités , à une réserve près : comme aujourd'hui, seul le salarié pourra avoir l'initiative de verser au CET les augmentations ou les compléments de son salaire de base ( ( * )**), tout ou partie des primes qui lui sont attribuées en application d'un accord d'intéressement , ainsi que, à l'issue de leur période d'indisponibilité, tout ou partie des sommes issues de la répartition de la réserve de participation, des sommes qu'il a versées dans un plan d'épargne d'entreprise et d'une partie de celles versées par l'entreprise.
Ainsi, dans tous les autres cas, c'est à la négociation collective qu'il reviendra de prévoir, conformément aux intérêts des parties, les voies offertes soit au salarié , soit à l'employeur , pour abonder le CET en droits monétaires, qu'il s'agisse de celles actuellement prévues par le code du travail, telles les primes conventionnelles ou indemnités perçues par le salarié, ou de nouvelles.
3. Une utilisation des droits élargie
La même recherche de simplification et de souplesse structure l'extension apportée aux modalités d'utilisation des droits du CET , utilisation dont le texte précise clairement qu'elle relève de l' initiative exclusive du salarié à l'exception, comme aujourd'hui, des droits affectés sur le CET à l'initiative de l'employeur, dont les conditions d'utilisation sont définies par la convention ou l'accord collectif.
Dans ce cadre général, tous les types d'usage sont désormais ouverts au salarié par le nouveau texte de l'article L. 227-1 du code du travail. En particulier, deux voies nouvelles sont instituées pour lui permettre de disposer d'un revenu , immédiatement ou de manière différée , sous forme d' épargne :
- un complément de rémunération , dans la seule limite des droits acquis dans l'année , sauf si la convention ou l'accord collectif prévoit de lever cette limite ou d'en fixer une plus élevée ;
- un prélèvement monétaire pour alimenter un des nombreux dispositifs d'épargne existant actuellement : plan d'épargne d'entreprise, plan d'épargne interentreprises, plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), ou encore financement de prestations de retraite résultant d'accords collectifs de retraite et de prévoyance obligatoires ( ( * )*).
Cette seconde forme d'utilisation vient ainsi opportunément clarifier le contenu de la formule générale introduite par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 qui, en principe , permettait au salarié d'utiliser le CET pour « se constituer une épargne » , sans qu'aucune précision complémentaire ne soit apportée. A cet égard, afin de favoriser l'abondement des PERCO , le texte adopté par l'Assemblée nationale indique que les droits correspondant à un abondement en temps ou en argent de l'employeur qui serviront à effectuer des versements sur un ou plusieurs de ces plans d'épargne bénéficieront des dispositions de déductibilité fiscale et d'exonérations fiscales et sociales prévues par le code du travail, dans les conditions et limites qu'il fixe en la matière.
Aux côtés de ces nouvelles modalités d'utilisation du CET sont évidemment reprises celles actuellement prévues par l'article L. 227-1 du code du travail et qui s'expriment sous forme d'une indemnisation, en tout ou partie, de divers types de périodes non travaillées :
- tout congé , l'innovation en la matière consistant à ne plus prévoir dans la loi de durée minimale de celui-ci , réserves faites des dispositions prévues par le code du travail propres au congé parental d'éducation, au congé de création ou de reprise d'une entreprise, au congé sabbatique ou encore au congé de solidarité internationale, cette dernière forme de congé particulier étant désormais elle aussi expressément mentionnée par l'article L. 227-1, comme les précédentes ;
- temps de formation effectués hors du temps de travail ;
- passage à temps partiel , quelles qu'en soient les modalités ;
- cessation progressive ou totale d'activité .
Cette grande latitude offerte au salarié pour utiliser son CET en toute liberté ( ( * )*) est complétée, et cela est naturellement essentiel, par la suppression de toute limite de temps pour faire usage de ses droits . Ainsi, le bénéficiaire d'un CET pourra le gérer tout au long de sa vie professionnelle et se constituer réellement, sous réserve que l'entreprise sera assurée contre son éventuelle insolvabilité ( voir infra ), un droit à cessation anticipée d'activité dont l'exercice pratique ne sera plus légalement limité par l'actuelle obligation, posée par l'article L. 227-1 du code du travail, d'utiliser ou de valoriser les droits dans un délai de cinq ans.
4. Les autres dispositions de l'article 1 er
Au-delà des modifications exposées ci-dessus, l'Assemblée nationale a procédé à quelques précisions visant à sécuriser l'utilisation du CET et à tirer les conséquences de son extension à l'alimentation des PERCO en complétant deux articles du code du travail traitant précisément des dispositions à caractère social et fiscal applicables aux abondements de ces plans d'épargne retraite.
S'agissant de la sécurisation , la nouvelle rédaction de l'article L. 227-1 du code du travail reprend, de manière plus claire, les dispositions actuelles prévues en cas de rupture du contrat de travail . Dans cette hypothèse, « à défaut de dispositions d'une convention ou d'un accord collectif de travail prévoyant les conditions de transfert des droits d'un employeur à un autre, le salarié perçoit (...) une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits qu'il a acquis » .
De même, le droit positif actuel ne change pas en ce qui concerne la garantie des droits acquis dans le cadre du CET assurée par l'Association pour la garantie des salaires (AGS) en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ou de rupture du contrat de travail pour cause de force majeure consécutive à un sinistre.
En revanche, les députés ont tenu compte du fait que tant la suppression de toute limite de temps pour l'utilisation du compte que l' augmentation du nombre des sources d'alimentation et la levée des restrictions pesant actuellement sur le débit de certaines de ces sources vont sans doute conduire à un accroissement significatif du montant des droits ouverts sur les CET actifs . Aussi, pour assurer la protection des salariés face à l'éventuelle mauvaise gestion provisionnelle de l'entreprise et au risque de son insolvabilité, ils ont institué un mécanisme alternatif de garantie lorsque les droits acquis sur le CET , convertis en unités monétaires, atteindront un certain montant :
- soit la convention ou l'accord collectif de travail aura établi, pour les CET excédant ce montant, un dispositif d'assurance ou de garantie répondant à des prescriptions fixées par décret ;
- soit, à défaut, le salarié recevra une indemnité correspondant à la somme représentant les droits qu'il a acquis jusque-là .
Ce montant sera défini par voie réglementaire et différera selon les caractéristiques de l'entreprise, l'administration prenant notamment en compte, ainsi que l'a indiqué le ministre délégué au travail, M. Gérard Larcher, lors des débats à l'Assemblée nationale, le nombre des salariés et l'assise financière . En tout état de cause, le montant maximum ne pourra pas excéder le plafond des garanties assurées par l'AGS , lui aussi déterminé par décret et actuellement fixé à 60.384 euros. Cette garantie financière pourrait résulter d'un engagement de caution pris par une société de caution mutuelle, un organisme de garantie collective, une compagnie d'assurance, une banque ou un établissement financier habilité à donner caution.
Quant aux dispositions de coordination adoptées par l'Assemblée nationale, outre un ajustement de la référence juridique concernant l'application du dispositif du CET aux salariés agricoles figurant à la fin de l'article L. 227-1 du code du travail, ont été insérés plusieurs compléments rédactionnels de cohérence aux articles L. 443-7 et L. 443-8 du même code relatifs aux PERCO.
III. L'AVIS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
Votre commission saisie pour avis se félicite de la profonde refonte du mécanisme du compte épargne-temps visant à en élargir les modes d'alimentation et à en assouplir l'utilisation . Elle est convaincue que cette modernisation , qui offre aux salariés de nouvelles libertés dans la gestion de leur temps et de leurs revenus professionnels tout au long de leur vie active , devrait être de nature à favoriser un nouvel essor de ce dispositif .
Du point de vue de votre rapporteur pour avis, les innovations ainsi proposées peuvent susciter, au-delà des oppositions de principe exprimées tant lors des débats à l'Assemblée nationale qu'au cours des auditions conduites par la commission des affaires sociales du Sénat - auxquelles elle a été très aimablement invitée ( ( * )*) - et à l'occasion de la présentation du présent avis devant votre commission des affaires économiques, trois types d'interrogations légitimes. Celles-ci concernent les effets de l'accroissement des modalités d'abondement du CET sur la santé des salariés , les caractéristiques des droits abondant le compte et le degré de fiabilité des garanties prévues pour protéger les droits acquis contre d'éventuelles difficultés financières de l'entreprise .
La problématique de la santé des salariés peut naître de la faculté qui leur est ouverte par la proposition de loi d'affecter à leur CET les heures de repos compensateur obligatoire qui leur sont dues dans les circonstances indiquées en note à la page 27 du présent rapport. Or, cette faculté supplémentaire d'arbitrer entre temps de travail et revenus ne remet pas en cause les diverses limites posées par le code du travail pour, conformément à la réglementation communautaire, encadrer le temps de travail des salariés :
- les durées hebdomadaires maximales fixées normalement à 44 ou 46 heures sur une période de douze semaines consécutives, pouvant être portées à 48 heures dans la même semaine, et n'être dépassées que dans certaines circonstances exceptionnelles, dans la limite de 60 heures ;
- les règles très précises concernant le travail de nuit ;
- les obligations en matière de durée minimale du repos quotidien (11 heures consécutives, sauf dérogations conventionnelles ou réglementaires très spécifiques) et hebdomadaire (six jours de travail consécutifs maximum et durée du repos hebdomadaire fixée au minimum à 35 heures consécutives).
Ce socle n'étant nullement remis en question , il est difficile d'accorder crédit aux craintes exprimées, sauf à considérer que les caractéristiques mêmes de ce socle sont insuffisantes pour protéger la santé des travailleurs . Ce n'est heureusement pas le cas et, dans ces conditions, il serait regrettable de ne pas donner suite à un moyen supplémentaire d'abonder le CET, moyen au demeurant laissé, il convient de le rappeler à nouveau, à la seule et entière initiative du salarié .
Pour ce qui concerne les caractéristiques des droits , répondant à l'Assemblée nationale aux affirmations de l'opposition selon lesquelles l'abondement du CET, en particulier par l'employeur, permettrait à ce dernier d'échapper aux mécanismes de majoration des heures supplémentaires , M. Gérard Larcher, a précisément répondu que « toute heure travaillée, notamment à la demande de l'employeur, devra naturellement être rémunérée et majorée selon les conditions applicables dans l'entreprise, en fonction de l'accord conclu » . De même a-t-il clairement affirmé que l'évolution de la monétarisation des droits acquis sera liée, tout naturellement, à celle des salaires . Enfin, il a été spécifié au cours des débats que dès lors que des droits seront liquidés , ils seront automatiquement associés aux cotisations sociales afférentes , comme le précise au demeurant le code de la sécurité sociale.
Il est ainsi certain que les nouvelles modalités d'entrée et de sortie du CET ouvertes par la proposition de loi pour venir compléter celles qui existent actuellement ne modifieront en rien les règles déjà prévues en matière de valorisation des droits du salarié , qu'il souhaite en jouir à court terme ou, au contraire, de manière différée.
Enfin, quant aux garanties protégeant les droits acquis du compte , on ne peut qu'être rassuré, là encore, par les propos très clairs tenus au députés par le ministre délégué au travail :
« S'agissant du provisionnement, les règles comptables pour les droits affectés sur un CET sont les règles comptables générales. Les droits acquis, quelle que soit leur utilisation future, sont comptabilisés en charges dans les comptes de l'entreprise et peuvent être provisionnés comme tels.
« La proposition de loi apporte des garanties supplémentaires : au-delà d'un montant fixé par décret (...) qui tiendra compte de la taille et de la surface financière de l'entreprise, il sera désormais obligatoire de recourir à un mécanisme d'assurance. (...)
« L'AGS couvre les droits stockés, dans la limite, bien sûr, des plafonds applicables. L'assurance est obligatoire, et la validité de l'accord en dépendra. Le décret sera très important. Il sera rédigé à la lumière de nos échanges » .
Ainsi, toutes garanties sont apportées pour assurer que les droits accumulés par le salarié sur son compte pourront bien être liquidés quelle que soit la situation financière de l'entreprise : au mécanisme traditionnel de provisionnement comptable imputant à charge les droits stockés sur le CET auquel est évidemment soumis l'établissement s'ajoute la garantie ouverte par l'AGS, dans la limite d'un plafond fixé par voie réglementaire, les sommes dépassant celui-ci devant être assurées auprès d'un « tiers garantissant » sauf à ce que les droits ouverts par le salarié soient immédiatement liquidés.
Votre commission des affaires économiques a donné un avis favorable à cet article. |
Article
2
Institution d'un régime de temps choisi
Articles L. 212-6-1 (nouveau) et L. 212-15-3 du code du travail
Commentaire : le présent article ouvre aux salariés qui le souhaitent la faculté d'effectuer, en accord avec leur employeur et dans des conditions prévues par une convention ou un accord collectif, des heures de travail supplémentaires choisies au-delà du contingent ou du forfait qui leur est applicable ou, pour ce qui est des salariés soumis à une convention de forfait en jours, de renoncer à une partie de leurs jours de repos en contrepartie d'une majoration de leur salaire.
Conformément au principe de liberté contractuelle entre salariés et employeurs inscrit dans un cadre conventionnel protecteur sur lequel est fondée la proposition de loi, cet article 2 offre à nos concitoyens une faculté nouvelle de travailler plus pour gagner davantage . Il met ainsi en place un dispositif de temps choisi auquel pourra recourir, s'il le désire , tout salarié d'une entreprise ou d'un établissement couvert par une convention ou un accord collectif organisant ce régime.
I. LES PRINCIPES ESSENTIELS DE LA LÉGISLATION ACTUELLE
Sans prétendre présenter en détail l'ensemble du droit positif organisant les différents régimes du travail salarié, votre rapporteur pour avis croit cependant nécessaire d'en rappeler les lignes principales, notamment en ce qui concerne les heures supplémentaires et les dispositifs particuliers de « convention de forfait » applicables, pour l'essentiel, à certains cadres : c'est en effet au regard de ces dispositions que doit se comprendre la création, par le présent article 2 de la proposition de loi, du régime du temps choisi .
1. Le régime actuel des heures supplémentaires
Les heures supplémentaires s'entendent comme celles effectuées au-delà de la durée du travail hebdomadaire définie légalement par l'article L. 212-1 du code du travail, c'est-à-dire 35 heures . Cette limite peut toutefois être abaissée par une convention ou un accord collectif.
Au-delà du seuil légal , qu'il soit déterminé par le code du travail ou par la voie conventionnelle , commencent à s'imputer les heures supplémentaires . En application de l'article L. 212-6 du code du travail, un décret fixe le « contingent annuel » de ces heures, c'est-à-dire les heures supplémentaires que l'employeur, sous réserve d'avoir averti son salarié dans des conditions précises et d'en avoir informé l'inspecteur du travail et, s'ils existent, le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel, peut exiger dudit salarié qu'il les effectue. Depuis le décret n° 2004-1381 du 22 décembre 2004, ce contingent annuel est égal à 220 heures ( ( * )*). Toutefois, une convention ou un accord collectif peut fixer un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé par voie réglementaire : ainsi, par exemple, ce contingent a-t-il été fixé à 145 heures par an par la branche du bâtiment, à 180 par celle de la pâtisserie, à 230 par celle de la poissonnerie et à 240 par celle de la boucherie. De plus, il convient de rappeler qu'actuellement, à titre temporairement dérogatoire, les entreprises et établissements comptant vingt salariés ou moins peuvent n'imputer les heures supplémentaires sur le contingent annuel qu'à compter de la 37 ème , au lieu de la 36 ème (là encore, des dérogations conventionnelles sont possibles, telle celle retenue par la branche du bâtiment, qui impute la 36 ème heure sur le contingent conventionnel).
Au-delà de ce contingent annuel , qu'il soit déterminé par décret ou conventionnellement, les heures supplémentaires que le salarié peut être conduit à effectuer sont subordonnées à un accord exprès de l'inspecteur du travail . Il existe toutefois des limites légales à la durée quotidienne ou hebdomadaire du travail, qui peuvent cependant, dans certains secteurs, régions ou entreprises, et à titre exceptionnel, être majorées. Ainsi, dans le cas général, la durée quotidienne d'emploi ne peut être supérieure à 10 heures , tandis que la durée hebdomadaire calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser 44 heures (portée parfois à 46 heures, voire davantage de manière exceptionnelle) et qu'au cours d'une même semaine, elle ne peut dépasser 48 heures (sauf circonstances exceptionnelles autorisant le dépassement, la limite définitive étant fixée par le code du travail à 60 heures ). On rappellera à cet égard que cette durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures est celle retenue par la réglementation européenne .
Les heures supplémentaires bénéficient d'un régime de majoration salariale ou, si une convention ou un accord collectif le prévoit, d'un mécanisme de repos compensateur de remplacement . Le niveau de la majoration salariale dépend de la catégorie d'heure considérée : sauf accord collectif dérogatoire prévoyant des proportions différentes de la majoration, pour autant qu'elles soient au moins égales à 10 %, la majoration est légalement fixée à 25 % du salaire horaire de la 36 ème à la 43 ème heure hebdomadaire, et elle passe à 50 % à compter de la 44 ème heure . Dans ce domaine encore, les entreprises et établissements comptant vingt salariés ou moins bénéficient d'un régime dérogatoire puisque la majoration de salaire légalement fixée entre la 36 ème et la 39 ème heures hebdomadaires de travail est temporairement égale à 10 % du salaire horaire , sauf accord collectif plus favorable au salarié ( ( * )*).
Des facultés ouvertes par l'incitation à la négociation collective que constitue la loi Fillon du 17 janvier 2003 résulte un tableau contrasté des situations relatives à la rémunération des heures supplémentaires. Ainsi, selon les indications fournies à votre rapporteur pour avis par les services du ministère délégué aux relations du travail, vingt-huit accords de branches ont traité du régime des heures supplémentaires depuis deux ans. Si dix-sept d'entre eux ne s'écartent pas des dispositions légales, dix ont déterminé un taux de rémunération des quatre premières heures compris entre 10 et 15 % , les quatre suivantes étant rémunérées au taux légal de 25 %, et un accord a, au contraire, fixé à 30 % le taux des huit premières heures supplémentaires, qui est dès lors substantiellement supérieur au taux légal.
Outre la majoration salariale ou le repos compensateur de remplacement (dont le niveau selon les heures considérées est fixé au cas par cas par chaque accord collectif considéré), les heures supplémentaires bénéficient d'un mécanisme de repos compensateur obligatoire qui dépend à la fois du niveau de l'heure , de l'état d' utilisation du contingent annuel conventionnel ou, à défaut, légal, et de la taille de l'entreprise ou de l'établissement . Ainsi, dans les entreprises de plus de vingt salariés , ce repos compensateur est fixé à 50 % pour chaque heure supplémentaire effectuée au-delà de 41 heures par semaine et pouvant s'imputer dans le contingent annuel , et à 100 % lorsque ledit contingent a atteint son plafond et que les heures ainsi effectuées le dépassent. Dans les entreprises de vingt salariés et moins , le repos compensateur ne joue que dans cette dernière hypothèse, son niveau étant en outre fixé à 50 % .
2. La situation particulière de certains cadres et salariés
Le code du travail fait une place particulière aux cadres dans la mesure où nombre d'entre eux ne peuvent être soumis, du fait même de leurs responsabilités ou de la nature de leur travail , aux dispositions générales relatives à la durée du travail.
C'est ainsi que l'article L. 212-15-1 du code exclut totalement de toutes dispositions relatives à l'organisation du temps de travail les cadres dits dirigeants , c'est-à-dire ceux « auxquels sont confiés des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décision de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement » (environ 1,5 % des cadres, soit 30.000).
A l'inverse, L. 212-15-2 prévoit que les salariés ayant la qualité de cadre « dont la nature des fonctions les conduit à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés sont soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, au repos et aux congés » des salariés non-cadres. Ces cadres sont communément qualifiés de cadres intégrés .
Restent enfin les cadres qui ne relèvent ni de la première, ni de la seconde de ces catégories et qui, en application de l'article L. 212-15-3, « doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail » . Ces salariés, dits cadres autonomes , disposent de deux mécanismes conventionnels individuels :
- la convention individuelle de forfait en heures établie sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle , la convention de forfait en heures sur l'année pouvant en outre être applicable aux salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ;
- la convention individuelle de forfait en jours , ouverte aux cadres disposant d'une autonomie particulière dans l'organisation de leur emploi du temps , qui fixe notamment le nombre de jours travaillés dans l'année (dont le nombre maximal légal s'établit à 217 jours et le nombre moyen à 214 , d'autant qu'il varie selon le nombre de jours de congé légaux effectifs de l'année).
Parmi les 2.020.000 cadres non dirigeants, un peu plus d' un tiers (700.000) sont au forfait en jours , les autres relevant, sans qu'on puisse en connaître la répartition, soit d'une convention tous horaires , soit simplement de l'horaire collectif de l'entreprise qui les emploie.
L'organisation du temps de travail sous forme de convention de forfait pose la question du régime applicable aux périodes de travail supplémentaire des salariés concernés.
S'agissant du forfait en heures , le renvoi par le paragraphe II de l'article L. 212-15-3 du code du travail aux dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-7 du même code, auquel s'ajoute la production d'une abondante jurisprudence , permet la prise en compte des heures supplémentaires accomplies en sus du forfait convenu (lequel détermine lui-même, le cas échéant, un nombre éventuel d'heures dont la rémunération est majorée), et donc le paiement de ces heures comme le bénéfice du repos compensateur .
En ce qui concerne le forfait en jours , au contraire, le paragraphe III de l'article L. 212-15-3 exclut l'application de l'article L. 212-1 et des dispositions de l'article L. 212-7 relatives à la durée hebdomadaire maximale du travail. Aussi ledit paragraphe III prévoit-il que « lorsque le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel fixé par la convention ou l'accord, après déduction, le cas échéant, du nombre de jours affectés sur un compte épargne-temps et des congés pays reportés (...), le salarié doit bénéficier, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement. Ce nombre de jours réduit le plafond annuel de l'année durant laquelle ils sont pris » . Ainsi, le cadre autonome soumis à ce type de convention de forfait dispose-t-il théoriquement de trois moyens de faire prendre en compte son activité supplémentaire : l'affectation de ses journées ou demi-journées de travail supplémentaires à un CET , s'il a pu en ouvrir un, le report de ses congés payés , si ça lui est matériellement possible, ou enfin le transfert du dépassement sur une période limitée de l'année suivante . Dans les faits cependant, il est notoire qu'un nombre significatif de ces cadres « perdent » chaque année des jours de congé ou de repos , car ils se trouvent dans l'incapacité de « récupérer » des journées d'activité effectuées au-delà du nombre de jours prévus par leur convention de forfait annuelle.
II. LA RÉFORME ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Soucieux d'offrir aux salariés, quels que soient leurs statuts et les conditions effectives de l'organisation de leur travail, une faculté de travailler plus pour gagner plus , les députés ont institué un régime de temps de travail supplémentaire choisi consistant soit à augmenter le nombre des heures supplémentaires effectuées dans l'année , soit à garantir le paiement des jours de repos auxquels il a été renoncé dans l'année .
Ce régime devra avoir été prévu par une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement. En outre, il ne sera mis en oeuvre qu'à la seule initiative du salarié qui le souhaite . Ainsi, il est notamment exclu que s'applique à ces heures supplémentaires le régime jurisprudentiel leur conférant un caractère obligatoire quand elles sont demandées par l'employeur.
1. Les heures supplémentaires choisies
Le dispositif, introduit sous un article L. 212-6-1 nouveau du code du travail par le paragraphe I du présent article 2, est assez simple : au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires applicable dans l'entreprise ou dans l'établissement, le salarié qui le souhaite pourra, en accord avec son employeur et sans nécessité d'obtenir l'accord de l'inspecteur du travail , effectuer des heures choisies , sous réserve que, ce faisant, sa durée hebdomadaire de travail n'excède pas les limites légalement prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 212-7 du code du travail.
La convention ou l'accord de travail précisera les conditions dans lesquelles sont effectuées ces heures et fixera la majoration de salaire à laquelle elles donnent lieu, sachant que ladite majoration ne pourra pas être inférieure au taux applicable dans l'entreprise ou l'établissement . Le cas échéant, la convention ou l'accord fixera aussi les contrepartie s, notamment en terme de repos , sachant que les dispositions légales concernant le repos compensateur obligatoire ne seront pas applicables à ces heures choisies.
Le paragraphe II de l'article 2 rend applicable un mécanisme similaire aux cadres autonomes et aux salariés itinérants non cadres mentionnés à l'article L. 212-15-3 du code du travail soumis à une convention de forfait en heures , par l'adjonction d'un alinéa supplémentaire au paragraphe II dudit article L. 212-15-3. Les salariés concernés pourront ainsi eux aussi, s'ils le souhaitent et avec l'accord de leur employeur, effectuer des heures au-delà de la durée annuelle de travail prévue par la convention de forfait. Les conditions d'exercice de ces heures, la majoration de salaire à laquelle elles donnent lieu, ainsi que les conditions dans lesquelles le salarié fait connaître son choix, seront toutes fixées par la convention ou l'accord collectif.
2. Le paiement des jours de repos auquel certains cadres souhaitent renoncer volontairement
Les paragraphes III et IV de l'article 2 organisent quant à eux un mécanisme particulier au profit des cadres autonomes soumis au régime de la convention de forfait en jours . En effet, ces salariés ne peuvent pas bénéficier, en raison même des conditions d'organisation de la durée de leur travail, d'un dispositif d'heures supplémentaires choisies.
Aussi le paragraphe III complète-t-il le premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 212-15-3 du code du travail afin de permettre au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise et sous réserve de l'existence d'une convention ou d'un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement le prévoyant, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire . Si cette formulation exclut la faculté de renoncer à tous les jours de repos, elle ne fixe cependant pas de plafond au nombre des jours considérés : c'est par conséquent la convention ou l'accord collectif qui fixera un tel plafond, de même que le montant de la majoration salariale et les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix.
Par ailleurs, le paragraphe IV tire les conséquences de cette nouvelle faculté ouverte aux cadres intéressés en précisant, dans le dernier alinéa du paragraphe III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, que les jours travaillés dans ces conditions ne sont pas pris en compte pour la détermination du plafond annuel de jours travaillés fixés par la convention de forfait . Ils se voient ainsi appliquer le même régime que les jours éventuellement affectés par le salarié à son compte épargne-temps. Cette précision comptable est indispensable pour rendre effectif le droit nouveau.
III. L'AVIS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
La majorité de votre commission saisie pour avis s'étonne que cette faculté nouvelle offerte aux salariés d'arbitrer entre leur temps de loisir et leur pouvoir d'achat rencontre tant d'oppositions de principe.
Conformément à une volonté unanimement partagée, les dispositifs prévus par l'article 2 s'inscrivent obligatoirement dans un cadre conventionnel de nature à garantir les protections dont doivent légitimement bénéficier les salariés .
S'agissant particulièrement du régime du temps choisi , qui fait l'objet des plus fortes contestations, il convient de relever que les règles légales résultant des exigences du droit communautaire en matière de durée maximale du travail sont expressément rappelées. Toute polémique relative à la santé du salarié au travail est donc, dans cette circonstance aussi, sans fondement. De plus, en ce qui concerne les taux de majoration applicables aux heures ainsi choisies , le texte impose qu'ils soient au moins égaux à ceux prévus dans l'entreprise ou l'établissement pour rémunérer les heures supplémentaires , qu'il s'agisse de taux légaux ou de taux conventionnels.
Une interrogation qu'il semble certainement légitime de se poser concerne la mise en oeuvre pratique de ce nouveau droit ouvert aux salariés , dès lors que le recours au régime du temps choisi ne peut intervenir qu'une fois atteint le plafond légal ou conventionnel des heures supplémentaires . Or, il n'a pas manqué d'être observé que le niveau moyen des heures supplémentaires effectuées par les salariés français s'élevait tout au plus à une soixantaine d'heures ces dernières années (59 heures en 2002 et 55 heures en 2003), alors même que le plafond réglementaire était fixé à 180 heures, soit trois fois plus.
En outre, certains représentants des employeurs entendus par votre rapporteur pour avis, dans le cadre des auditions organisées par la commission des affaires sociales, ont indiqué que les précautions à prendre en matière de gestion prévisionnelle des heures supplémentaires conduisaient à lisser le recours aux heures du contingent sur l'ensemble de l'année . Il convient en effet de garantir qu'il ne pourra pas être opposé de refus par l'inspecteur du travail en raison d'un dépassement du contingent, et d'éviter des majorations trop pénalisantes pour l'entreprise des salaires et du repos compensateur obligatoire. Ainsi, dans bien des circonstances, pour être assurés d'un volant d'heures supplémentaires en fin d'année, les chefs d'entreprise s'efforcent de ne pas épuiser leur contingent avant les dernières semaines.
Aussi, cette double observation, la seconde pouvant au demeurant expliquer une partie de la première, a-t-elle conduit tant les représentants syndicaux entendus par la commission des affaires sociales que les députés de l'opposition à contester l'utilité de la mesure. Or, il convient de relever que les chiffres appelés en renfort de cette opinion sont précisément des moyennes , qui ne font absolument pas cas de la diversité des entreprises , en particulier de leur taille et de leurs facultés variables d'adapter le nombre de leurs salariés aux évolutions du marché, des conditions d'exercice propres aux différents secteurs d'activité, ou encore de l'état de la conjoncture.
A l'évidence, les grandes entreprises de nombreux secteurs industriels se satisfont pleinement des règles actuelles applicables aux heures supplémentaires, et n'y ont recours que de manière tempérée. Mais cette réalité n'est pas partagée par toutes les entreprises, nombre de PME pouvant en particulier être contraintes de recourir aux heures supplémentaires jusqu'au plafond du contingent ( ( * )*). Or, de leur côté, les salariés de ces entreprises peuvent éprouver le souhait d'effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent afin d'améliorer leurs revenus : en quoi le fait que la moyenne individuelle des heures supplémentaires annuelles avoisine les 60 heures devrait-il interdire à certains salariés de bénéficier du temps choisi , si les conditions le permettent et que le chef d'entreprise en est d'accord ?
En définitive, il est aisé de mettre les détracteurs de cette innovation fondée sur la liberté contractuelle devant leurs contradictions :
- soit, faute pour le salarié d'avoir atteint le plafond du contingent annuel d'heures supplémentaires, la nouvelle législation restera dans les faits lettre morte : quelle raison justifie alors de la combattre ?
- soit, au contraire, la loi nouvelle trouve à s'appliquer parce qu'un certain nombre de salariés sont placés dans les conditions d'y recourir, et estiment avoir intérêt à le faire : pourquoi le législateur leur interdirait-il cette opportunité ?
C'est avec la conviction qu'il est nécessaire et légitime de permettre à ceux de nos concitoyens qui le souhaitent de travailler davantage pour augmenter leurs revenus que la majorité de votre commission des affaires économiques a donné un avis favorable à cet article 2 .
Votre commission des affaires économiques a donné un avis favorable à cet article. |
Article
3
Mesures dérogatoires concernant, à titre
temporaire,
les entreprises de vingt salariés au plus
Article 5 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000
Commentaire : cet article prolonge de trois ans, jusqu'au 31 décembre 2008, les deux dispositifs dérogatoires transitoires dont bénéficient les entreprises de vingt salariés au plus en matière de taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires ainsi que de décompte de ces heures au titre du contingent, et ouvre à leurs salariés un régime transitoire de renonciation à une partie des jours de repos issus de la réduction du temps de travail en échange d'une majoration salariale.
Dans le cadre même de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 imposant l'extension des 35 heures à l'ensemble des entreprises avaient été prévues des dispositions dérogatoires permettant une adaptation progressive à la nouvelle législation . Toutes les entreprises n'étaient en effet pas en mesure de négocier dans un délai réduit une réduction du temps de travail. En réalité, et les années suivantes l'ont immédiatement démontré, nombre d'entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles, souffrent grandement de règles qui s'avèrent inadaptées à leur situation et aux contraintes auxquelles elles sont exposées . Aussi a-t-il paru nécessaire, en 2003 et 2004, de prolonger une première fois ces régimes dérogatoires jusqu'au 31 décembre 2005, le présent article proposant un second et dernier report jusqu'au 31 décembre 2008 .
Par ailleurs, afin de tenir compte de l' inexistence du compte épargne-temps dans la majorité des petites entreprises de vingt salariés ou moins , le présent article ouvre transitoirement à leurs salariés la faculté de décider, en accord avec le chef d'entreprise, de renoncer à une partie de leurs journées ou demi-journées de repos en échange d'une majoration de leur salaire au moins égale à 10 % .
I. LES DÉROGATIONS DONT BÉNÉFICIENT LES PETITES ENTREPRISES EN MATIÈRE D'HEURES SUPPLÉMENTAIRES
Le commentaire de l'article 2 a déjà donné lieu à une présentation des deux dispositions dérogatoires dont bénéficient actuellement les petites entreprises de vingt salariés ou moins en ce qui concerne le régime des heures supplémentaires . Aussi votre rapporteur pour avis se bornera-t-elle ici à n'en rappeler que de manière synthétique les grandes lignes.
En premier lieu, celles de ces entreprises qui ne sont pas couvertes par une convention ou un accord collectif fixant un taux conventionnel de majoration des heures supplémentaires peuvent appliquer aux quatre premières heures supplémentaires effectuées par leurs salariés un taux de majoration réduit fixé à 10 % (au lieu de 25 % pour les autres entreprises, sauf convention ou accord collectif).
Cette dérogation avait été prévue à titre transitoire par l'article 5 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail pour s'achever le 31 décembre 2002 . Toutefois, constatant l'impérieuse nécessité d'accorder un délai supplémentaire aux entreprises n'ayant pas encore conclu de convention ou d'accord collectif, l'article 5 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi a prolongé le régime dérogatoire jusqu'au 31 décembre 2005 .
En second lieu, l' imputation des heures supplémentaires au titre du contingent concernant lesdites entreprises ne commence qu'à la 37 ème heure , et non à la 36 ème . Là encore, initialement prévu par la loi Aubry II jusqu'au 31 décembre 2003, cette disposition transitoire a vu son terme repoussé jusqu'au 31 décembre 2005 par l'article 50 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
II. LA RÉFORME ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'article 3 de la proposition de loi initiale comportait deux dispositifs dérogatoires applicables aux salariés des entreprises de vingt salariés au plus . Il a été complété par un amendement du Gouvernement précisant le champ d'application des mécanismes en cause.
1. La prolongation de dispositifs dérogatoires temporaires
L'imposant rapport de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail a amplement démontré que les raisons qui justifiaient les prorogations de ces régimes dérogatoires jusqu'au 31 décembre 2005 sont toujours prégnantes. Aussi la proposition de loi a-t-elle prévu une nouvelle prolongation, jusqu'au 31 décembre 2008 .
Cette prolongation doit permettre aux entreprises de vingt salariés au plus qui ne sont pas encore couvertes par un accord ou une convention de s'approprier les nouveaux outils conventionnels mis en place par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social pour fixer des taux de majoration conventionnels .
Ainsi, ce délai du 31 décembre 2008 est-il un butoir qui, comme le Premier ministre s'y est formellement et publiquement engagé ( ( * )*), ne sera pas dépassé .
D'ici cette date, nombre de branches et d'entreprises auront négocié, ce qui permettra aux petites entreprises concernées par le présent article 3 d'être couvertes par un accord collectif fixant un taux de majoration des heures supplémentaires ne pouvant être inférieur à 10 % . Le dispositif dérogatoire ne leur sera dès lors plus applicable.
Au 1 er janvier 2009, les entreprises n'étant pas couvertes par un tel accord collectif verront s'appliquer aux heures supplémentaires effectuées par leurs salariés les taux légaux , à savoir une majoration de 25 % pour les huit premières heures supplémentaires (de la 36 ème à la 43 ème ), et de 50 % à compter de la 44 ème . En outre, et en toute hypothèse, le décompte des heures du contingent commencera dès la 36 ème heure .
2. La compensation de l'absence de CET dans les petites entreprises
Le paragraphe II de l'article 3 organise un mécanisme particulier et lui aussi transitoire de renonciation à une partie des jours de repos découlant de la réduction du temps de travail en contrepartie d'une majoration salariale d'au moins 10 % . Ce dispositif est ouvert aux salariés des entreprises de vingt salariés au plus qui ne peuvent bénéficier du compte épargne-temps faute d'une convention ou d'un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement applicable à leur entreprise. En l'absence d'un CET, et à défaut d'un tel dispositif dérogatoire, ces salariés seraient privés de la possibilité de compléter leur rémunération comme vont dorénavant pouvoir le faire les salariés relevant des articles 1 er et 2 de la présente proposition de loi, c'est-à-dire ceux couverts par une convention ou un accord collectif.
Dans la limite de dix jours par an , ou de soixante-dix heures pour les cadres et salariés soumis à une convention de forfait en heures, les salariés intéressés pourront, en accord avec le chef d'entreprise , décider de renoncer à une partie de leur réduction du temps de travail afin d' accroître leur rémunération . Naturellement, les périodes de temps ainsi travaillées ne viendront pas s'imputer sur le contingent annuel d'heures supplémentaires, qu'il soit légal ou conventionnel.
Ce régime dérogatoire prendra fin soit lorsque l'entreprise concernée sera soumis à un accord directement applicable créant le CET, soit, en tout état de cause, le 31 décembre 2008.
3. La définition du champ d'application des dispositions de l'article 3
A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé une disposition superfétatoire du présent article 3 avant de le compléter par un paragraphe III précisant que les dispositions exposées ci-dessus s'appliqueront exclusivement aux entreprises et aux unités économiques et sociales dont l'effectif sera au plus égal à vingt salariés à la date de promulgation de la loi .
Cette précision est apparue nécessaire pour garantir le caractère constitutionnel des mesures dérogatoires dudit article. Le respect de l'égalité de traitement due aux entreprises de même taille justifiait en effet que ladite taille soit appréciée à la date de la mise en oeuvre des mesures concernées, et non par référence à des dispositions datant des lois Aubry et Fillon.
III. L'AVIS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
Dans sa majorité, votre commission saisie pour avis a approuvé tant la prolongation des régimes dérogatoires de rémunération des quatre première heures supplémentaires et de décompte des heures au titre du contingent légal ou conventionnel que le dispositif transitoire ouvert aux salariés employés dans des entreprises ne pouvant leur offrir le bénéfice d'un CET.
S'agissant du champ des entreprises concernées par cette législation dérogatoire et transitoire, votre rapporteur pour avis observe que la restriction opérée par rapport au champ actuel sera peut-être de nature à peser sur l'emploi , un certain nombre des unités de vingt salariés ou moins concernées hésitant à embaucher un ou plusieurs salariés supplémentaires tant que la proposition de loi n'aura pas été définitivement adoptée et promulguée. On peut même craindre que certaines entreprises dépassant tout juste ce seuil ne fassent pas, dans les semaines qui viennent, tout le nécessaire pour conserver tous leurs emplois en cas de difficultés conjoncturelles. Cependant, cette limitation de l'application de l'article 3 aux seules entreprises répondant au critère de taille à la date de promulgation de la loi ( ( * )*) semblant nécessaire pour garantir la constitutionnalité de ses dispositions, il est exclu d'envisager de la supprimer.
Par ailleurs, votre rapporteur pour avis a souhaité traduire juridiquement l'engagement clairement pris par le Premier ministre de rapprocher les taux de rémunération des premières heures supplémentaires de tous les salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise qui les emploie. Aussi, vous propose-t-elle un amendement confirmant la disparition des régimes dérogatoires de l'article 3 après le 31 décembre 2008 ( ( * )**).
Sous réserve de l'adoption de cet amendement, votre commission des affaires économiques a donné un avis favorable à cet article. |
Article
4 (supprimé)
Gage
Commentaire : cet article visait à gager, au regard des prescriptions de l'article 40 de la Constitution, les éventuelles pertes de recettes subies par l'Etat et les régimes de sécurité sociale en conséquence de la mise en oeuvre des dispositions de la proposition de loi, notamment de son article 1 er .
L'article 40 de la Constitution rend irrecevables les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique.
Aussi la proposition de loi déposée par MM. Patrick Ollier, Hervé Novelli, Pierre Morange et Jean-Michel Dubernard comportait-elle un article final dit « de gage » en garantissant la recevabilité formelle . Cet article prévoyait que les éventuelles pertes de recettes pour l'Etat seraient compensées à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle à la taxe spéciale sur les contrats d'assurance, tandis que les pertes éventuelles de recettes pour les organismes de sécurité sociale seraient compensées par l'institution d'une contribution additionnelle aux contributions sociales sur les sommes engagées ou produits réalisés à l'occasion des jeux.
Un amendement de suppression de l'article, déposé par le Gouvernement, a été adopté par l'Assemblée nationale .
Votre commission des affaires économiques a donné un avis favorable au maintien de la suppression de cet article. |
ANNEXE I
Liste des personnalités entendues par Mme
Elisabeth Lamure,
rapporteur pour avis, dans le cadre des auditions
organisées
par la commission des affaires sociales du
Sénat
Mardi 8 février 2005
MM. Michel Coquillion , secrétaire général adjoint, et Patrick Rouget , conseiller technique, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)
MM. Alain Lecanu , secrétaire national, et Guillaume Demigné , conseiller technique, de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)
MM. Jean-François Veysset , vice-président, et Georges Tissié, directeur des affaires sociales, de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)
MM. Pierre Perrin , président, Pierre Burban , secrétaire général, et Guillaume Tabourdeau , conseiller technique, de l' Union professionnelle artisanale (UPA)
Mercredi 9 février 2005
MM. Rémy Jouan , secrétaire national, et Didier Prono , secrétaire général, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)
Mmes Michèle Biaggi , secrétaire confédérale, et Lucile Castex , assistante juridique, de la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO)
MM. Alain Mennesson et Eric Thouzeau , conseillers confédéraux de la Confédération générale du travail (CGT)
MM. Denis Gautier-Sauvagnac , président du groupe des relations sociales, et Dominique Tellier , directeur des relations sociales, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)
ANNEXE II
Amendement à l'article 3 adopté par la commission
I. Avant la première phrase du III de cet article, ajouter une phrase ainsi rédigée :
Les régimes dérogatoires institués par les I et II du présent article prennent fin le 31 décembre 2008, même en l'absence de conventions ou d'accords collectifs prévus par les articles L. 212-5 et L. 227-1 du code du travail applicables à l'entreprise ou à l'unité économique et sociale.
II. En conséquence :
A. Rédiger comme suit le 2 du I de cet article :
2. Dans l'attente de la convention ou de l'accord collectif fixant, conformément à l'article L. 212-5 du code du travail, le taux de majoration applicable aux heures supplémentaires :
- le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicable aux entreprises de vingt salariés au plus est fixé, par dérogation aux dispositions de cet article, à 10 % ;
- le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du même code est fixé, pour ces mêmes entreprises, à trente-six heures.
B. Supprimer la dernière phrase du II de cet article.
C. Rédiger comme suit le début de la première phrase du III de cet article :
Les entreprises et unités économiques et sociales auxquelles sont applicables ces régimes transitoires sont celles dont l'effectif...
* (*) Loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail.
Loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail.
Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.
Loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.
* (**) Entendu en audition par votre commission pour avis le mercredi 9 février 2005.
* (*) Nombre de salariés au forfait rapporté au nombre de salariés à temps complet.
* (*) Selon les statistiques fournies par le ministère délégué aux relations du travail, étaient passés aux 35 heures, au 30 juin 2003, 327.230 entreprises (dont notamment 82 % de celles de plus de 200 salariés et 55 % de celles de plus de 20 salariés) et 9.871.215 salariés, soit 58,4 % des salariés du privé.
* (*) Ce plafond a cependant été limité à 1,6 SMIC par l'article 129 de la loi de finances pour 2005.
* (*) Article 29 de la loi n° 94-640 du 25juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise créant un article L. 227-1 nouveau du code du travail.
* (*) Actuellement, le CET n'est ouvert qu'aux salariés ayant une certaine durée d'ancienneté dans l'entreprise et, sauf dans quelques cas particuliers, il doit être utilisé dans les cinq ans.
* (*) Les services du ministère délégué aux relations du travail estiment, en s'appuyant sur un faisceau de données résultant d'enquêtes, que 4,6 millions de salariés du secteur concurrentiel , soit 30 % environ du total, ont la faculté d'ouvrir un CET, et que 720.000 seulement l'alimentent régulièrement (soit moins de 5 % des salariés du secteur privé et 15,6 % des bénéficiaires potentiels).
* (**) Lois n° 2000-37 du 19 janvier 2000, n° 2001-152 du 19 février 2001, n° 2003-47 du 17 janvier 2003, n° 2003-721 et n° 2003-775 du 21 août 2003, et n° 2004-391 du 4 mai 2004.
* (*) Ces cinq jours annuels, qui résultent d'heures effectuées au-delà de la durée collective du travail lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient, sont eux-mêmes soumis à une seconde restriction puisqu'ils ne peuvent représenter plus de quinze jours dans le total du crédit ouvert au CET.
* (**) Lorsque le salarié a un enfant âgé de moins de seize ans à l'expiration du délai ou lorsque l'un de ses parents est dépendant ou âgé de plus de soixante-quinze ans.
* (***) Ce plafond est toutefois supprimé pour les salariés âgés de plus de cinquante ans désirant cesser leur activité de manière progressive ou totale.
* (*) Dans le même temps, et conformément à l'objectif général de souplesse poursuivi par la proposition de loi, les limites actuellement fixées à cinq jours par an et quinze jours au total sont supprimées .
* (*) Le taux du repos compensateur obligatoire est de 50 % pour, dans les entreprises de plus de vingt salariés, chaque heure supplémentaire effectuée dans le cadre du contingent annuel au-delà de 41 heures par semaine et, dans les entreprises de vingt salariés au plus, pour toute heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent annuel. Dans cette dernière circonstance, le taux applicable à ces heures est fixé à 100 % dans les entreprises de plus de vingt salariés.
* (**) Cette formulation interdit le versement sur le CET d'une quelconque partie du salaire de base lui-même puisque seuls les augmentations ou les compléments à celui-ci peuvent être versés.
* (*) Dispositifs auxquels doit être ajoutée la faculté actuellement prévue par l'article L. 227-1, et qui est naturellement maintenue, de constituer des droits à l'assurance vieillesse au titre de périodes d'études et de compléter des annuités incomplètes .
* (*) Sous la réserve, qu'il convient de rappeler, que les conditions d'utilisation des droits affectés à l'initiative de l'employeur seront précisées par la convention ou l'accord collectif , au même titre que les modalités de gestion du compte.
* (*) Voir en annexe I, page 47, la liste des personnalités auditionnées.
* (*) Initialement fixé à 130 heures, il était passé à 180 heures en mars 2003.
* (*) La branche du bâtiment a également conclu dans ce domaine un accord plus favorable aux salariés, fixant à 25 % le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires quelle que soit la taille de l'entreprise.
* (*) Selon les indication du ministère délégué aux relations du travail, en 2003, dans les entreprises de dix à vingt salariés ayant réduit la durée du travail, 13 % des salariés concernés par les heures supplémentaires travaillaient dans des unités où le volume moyen d'heures supplémentaires dépassait 130 heures, et 12 % dans des unités où ce volume était égal ou supérieur à 180 heures (ces taux étant respectivement de 41 et de 23 % pour les entreprises n'ayant pas encore réduit la durée du travail).
* (*) Interview à France Inter - Lundi 7 février 2005.
* (*) Les entreprises concernées sont évaluées à un nombre compris entre 5.000 et 6.000. Dès lors, celui de leurs salariés se situerait, selon la taille moyenne de leur effectif, entre 150.000 et 200.000.
* (**) Le texte de cet amendement figure en annexe II, page 49.