B. LES SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT
Le second axe de soutien de l'Etat au tourisme social prend traditionnellement la forme de subventions d'investissement à des projets de développement territorial du tourisme et d' adaptation des produits touristiques . Outre les CPER, ce dispositif est depuis 2003 réduit au seul « Programme de consolidation des hébergements de tourisme social » (PCHTS) : en effet, les dotations en AP et en CP inscrits à l'article 20 du chapitre 66-03 pour financer les « Programmes d'aménagements touristiques » ont été totalement supprimées , après plusieurs années de baisse, dans la loi de finances pour 2003.
Le PCHTS est une action qui s'inscrit depuis 2002 dans la continuité du « Plan patrimoine » , achevé cette année-là. Une part importante du parc actuel des équipements de tourisme social étant de conception ancienne et ne correspondant plus aux attentes des bénéficiaires ni à certaines exigences, telles l'accueil des personnes handicapées, le programme a pour objectif de rénover et de réhabiliter lesdits équipements par un dispositif d'aide à la pierre soutenu par l'Etat : jusqu'en 2006, année de son terme, le PCHTS est ainsi doté normalement de 36,59 M€ , dont 27,44 M€ venant du ministère chargé du tourisme et 9,15 M€ du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).
Dans cette perspective, ça n'est pas sans surprise ni inquiétudes que votre commission des affaires économiques a constaté que dans le projet de loi de finances pour 2005, il n'était plus prévu aucune AP au titre du programme : cette situation signifierait l' interruption de celui-ci, alors même que les engagements initiaux sont loin d'avoir été atteints . En effet, le montant cumulé des AP demandées depuis 2002 ne s'établit qu'à 11,3 M€ , ce qui ne représente que 41 % du total prévisionnel . En outre, s'il est vrai qu'un peu plus de 3 M€ d'AP restaient disponibles à la fin du mois d'août 2004, ce montant était entièrement gagé, à la fois, par trois opérations devant être réouvertes dans le cadre d'AP dormantes, et par trois AP de la tranche 2003 du programme n'ayant pu être affectées avant la fin de l'exercice.
LE PROGRAMME CHTS
|
2002 |
2003 |
2004 |
? % |
Nombre de projets proposés |
68 |
97 |
73 |
- 24,7 % |
Subventions sollicitées |
8,07 M€ |
12,31 M€ |
14,48 M€ |
+ 17,6 % |
Montant des subventions accordées |
4,49 M€ |
5,98 M€ |
4,79 M€ |
- 19,9 % |
- dont ministère délégué au tourisme |
2,78 M€ |
4,26 M€ |
3,05 M€ |
- 28,5 % |
- dont FNADT |
1,71 M€ |
1,72 M€ |
1,74 M€ |
+ 1,3 % |
Nombre de lits après travaux |
8.053 |
10.584 |
5.323 (*) |
- 49,7 % |
Nombre de lits créés |
240 |
646 |
- 74 (*) |
- |
(*) Chiffres non définitifs Source : Ministère délégué au tourisme
Par ailleurs, un ralentissement de la programmation ne saurait être justifié par une abondance de CP disponibles puisqu'au contraire, l' intégralité des crédits utilisables en 2004 après reports de l'année 2003, mesures de régulation budgétaire et mouvements divers , soit 1.515.460 € (9 ( * )), était déjà déléguée à la fin du mois d'août 2004 . Cette situation témoigne bien des difficultés budgétaires du programme . A cet égard, le 1 M€ inscrit en CP pour 2005 (- 61,2 % par rapport à 2004) n'a d'autre vocation que de régler le solde des opérations engagées dont tous les crédits n'ont pas encore été délégués , sans nullement permettre la poursuite de la programmation arrêtée en juillet.
Votre commission des affaires économiques s'interroge sur cette absence de renouvellement des AP et la diminution drastique des CP dans le PLF 2005 , car le PCHTS présente en effet un triple intérêt .
Au plan économique , il participe directement aux politiques nationales de consolidation et de développement de l'emploi , puisqu'il permet le maintien d'emplois existants, voire la création d'activités nouvelles, ainsi que d' aménagement du territoire et de développement durable , constituant un soutien actif du développement local, en particulier dans les régions rurales et de moyenne montagne, ce qui justifie au demeurant l'intervention du FNADT.
Au plan social , il constitue un excellent vecteur d'insertion sociale . L' amélioration et l' adaptation des hébergements touristiques pour tenir compte des exigences des clientèles en matière de confort, de qualité et d'équipements de loisirs, permettent de proposer un accueil et des activités susceptibles de renforcer la cohésion familiale ; en outre, les tarifications pratiquées s'intègrent dans la lutte contre les exclusions et facilitent l'accès aux vacances pour tous .
Enfin, au plan financier , il offre, dans un contexte général de raréfaction des soutiens budgétaires , un intéressant effet de levier pour des financements complémentaires , qu'ils soient publics ou privés : d'une part, le FNADT, les régions et les départements, ainsi que, dans une moindre mesure, les moyens apportés par d'autres ministères et par les communes, les financements européens, et enfin des financements privés. A l'évidence, si l'Etat ne participe plus du tout à ce programme, ses partenaires risquent eux aussi se désengager .
Au reste, votre rapporteur pour avis est étonné par l'incohérence entre la réalité des chiffres et les objectifs du ministère tels qu'ils sont présentés par les documents budgétaires remis au Parlement, soit dans le cadre de l'organisation actuelle de l'examen de la loi de finances (« bleu » budgétaire), soit dans celui à venir sur la base de la LOLF (documents de préfiguration).
Ainsi, dans le « bleu » du PLF 2005 figure , parmi les objectifs de l'agrégat 29 - lequel est intitulé « Politique du tourisme » et comprend l'intégralité des crédits budgétaires examinés par le présent avis budgétaire -, la « qualité du service » , qui a elle-même pour contenu « la poursuite du programme de consolidation des hébergements de tourisme social (plan "patrimoine") » : or, une telle déclaration apparaît paradoxale lorsque plus aucun financement n'est prévu pour autoriser ladite « poursuite » .
Ce constat se renouvelle du reste dans les documents de préfiguration de la mise en oeuvre de la LOLF remis à votre rapporteur pour avis.
Pour le comprendre, toutefois, un rappel synthétique des conséquences de la LOLF sur le budget du tourisme s'impose en cet instant . En effet, la présentation même des crédits comme leurs modalités d'examen par le Parlement seront substantiellement modifiées en raison notamment de la très large globalisation desdits crédits. En outre, les services ministériels vont devoir définir des objectifs à atteindre et présenter chaque année des indicateurs de résultats afin de permettre au Parlement de vérifier l'efficacité de la gestion publique : c'est dire l'importance qui s'attache à faire émerger des objectifs et des indicateurs pertinents.
L'APPLICATION DE LA LOLF AU BUDGET DU TOURISME
Encadré : l'application de la LOLF au budget du tourisme
A compter de 2006, le budget de l'Etat sera découpé en missions , elles-mêmes scindées en programmes , lesquels seront subdivisés en actions .
Le programme est la subdivision pertinente de cette nouvelle nomenclature puisqu'il est supposé constituer un ensemble cohérent d'actions et que la souplesse de gestion des crédits désormais reconnue aux gestionnaires budgétaires s'exerce en son sein, dans le cadre d'un budget opérationnel de programme (BOP) placé sous l'autorité d'un responsable de programme. Le Parlement, quant à lui, pourra, au sein d'une même mission, modifier la répartition proposée des crédits entre les programmes .
Dans ce cadre, il est prévu de rassembler l'intégralité des crédits de l'actuelle section « tourisme » au sein du programme « Tourisme » de la mission interministérielle « Politique des territoires » . Les finalités générales du programme, dont le responsable sera le directeur du tourisme, sont, selon un document de préfiguration édité par le MINÉFI, de « regrouper les moyens consacrés par le ministère délégué au tourisme à la mise en oeuvre de la politique touristique de la France » . Ainsi que l'indique le tableau ci-dessous, le programme sera constitué de trois actions : « Promotion de l'image touristique de la France et de ses savoir-faire » , « Economie du tourisme » et « Accès aux vacances » .
Mission |
Programme |
Action |
Crédits pour 2005 |
Politique des territoires |
1 899 257 807 |
||
(10 ( * )) |
Stratégie en matière d'équipement |
133 504 382 |
|
|
Aménagement, urbanisme et ingénierie publique |
1 345 388 335 |
|
|
Information géographique et cartographique |
76 471 131 |
|
|
Tourisme |
78 695 555 |
|
|
|
1. Promotion de l'image touristique de la France et de ses savoir-faire |
46 301 502 |
|
|
2. Economie du tourisme |
28 048 602 |
|
|
3. Accès aux vacances |
4 345 451 |
|
Aménagement du territoire |
265 198 404 |
|
|
Interventions territoriales de l'Etat |
0 |
En euros
Selon les documents ministériels :
- l'action 1 « Promotion de l'image touristique de la France et de ses savoir-faire » a pour objectif de maintenir, dans un contexte concurrentiel accru, la place de la France en tant que première destination touristique mondiale, d'une part, en assurant la promotion de la destination France sur les marchés étrangers et français, d'autre part, en assurant la promotion des savoir-faire français à l'étranger et en France ;
- l'action 2 « Economie du tourisme » a pour but de réguler l'activité touristique et de structurer l'offre, en assurant la connaissance préalable de la réalité et de l'évolution économiques du secteur, en réglementant le secteur et en agissant sur la normalisation, en
soutenant les filières et les métiers dans leurs actions d'amélioration de la qualité, en développant l'ingénierie et l'expertise et en renforçant l'attractivité des territoires ;
- l'action 3 « Accès aux vacances » vise à favoriser l'adaptation de l'offre afin de faciliter le départ en vacances de tous les publics, et notamment des personnes handicapées, des seniors et des personnes démunies, en fédérant les énergies des différents acteurs et associations du secteur.
Au programme « Tourisme » devraient être associés quatre objectifs dont l'évaluation, au travers du suivi de sept indicateurs de résultats annuels , permettra au Parlement d'apprécier l'efficacité de l'utilisation des deniers publics.
N° |
Point de vue |
Intitulé de l'objectif |
Indicateurs de résultats |
1 |
Contribuable |
Augmenter la capacité des opérateurs du ministère délégué au tourisme à mobiliser des partenaires financiers (Objectif transversal, concernant l'ensemble du programme) |
1. Effet de levier induit par la subvention de l'Etat au GIE MdlF sur les financements apportés par le partenariat : parts respectives de l'Etat et du partenariat dans le financement 2. Effet de levier induit sur d'autres sources de financement : - taux de partenariat en matière d'études conduites par l'AFIT - chiffre d'affaires HT réalisé en matière d'actions de diffusion des connaissan-ces menées par l'AFIT 3. Valorisation de l'offre collectée par BSV effectivement utilisée (VOCEU) : - ratio (total VOCEU) / (subvention du ministère délégué au tourisme) - ratio (total VOCEU) / (total des subventions publiques) |
2 |
Citoyen |
Attirer et fidéliser un nombre croissant de touristes étrangers susceptibles de contribuer à l'augmentation des recettes touristiques (Action 1) |
4. Nombre de voyagistes et d'agences de voyage qui, à l'étranger, proposent la destination France 5. Mesure des équivalents publicitaires (EP) des retombées presse et médias suscitées par l'action de MdlF à l'étranger : - EP liés aux accueils de journalistes ou éductours - EP liés aux autres actions (dossiers et communiqués de presse, conférences de presse, rendez-vous personnalisés) |
3 |
Citoyen |
Favoriser l'amélioration de l'offre touristique pour répondre aux attentes du marché et orienter la demande en accompagnant les démarches qualité (Action 2) |
6. Corrélation entre l'action sur l'offre et la satisfaction de la clientèle : - parts de campings labellisés (CL) - taux de fréquentation des CL - taux de fréquentation des campings |
4 |
Citoyen |
Permettre l'accès aux vacances de publics cibles en mobilisant les différents partenaires (Action 3) |
7. Dans le cadre du PCHTS, effet de levier induit par le financement conjoint du ministère délégué au tourisme sur les différentes sources de financements publics (européens, nationaux et locaux) et privés |
Or, il apparaît pour le moins surprenant, à la lecture du tableau précédent, que dans le même temps où les crédits budgétaires du « Programme de consolidation des hébergements de tourisme social » sont supprimés en AP et réduits à la portion congrue en CP , le ministère délégué au tourisme entend présenter au Parlement comme indicateur de ses performances un ratio permettant d'évaluer « l'effet de levier induit par [son] financement sur les différentes sources de financements publics et privés » . Il n'est en effet pas possible de calculer un quelconque effet de levier si l'Etat n'apporte plus de crédits.
A l'instar des députés de toutes opinions lors de l'examen des crédits du ministère délégué à l'Assemblée nationale, le 3 novembre dernier, votre commission des affaires économiques estimerait profondément regrettable d'interrompre le financement d'un programme dont la réalisation est utile aux populations les plus fragiles, et efficace en matière d'animation économique des territoires.
Aussi sa majorité se félicite-t-elle de l'inscription en LFR 2004, à titre complémentaire, de 2 M€ d'AP et d'1 M€ de CP prélevés sur les réserves excédentaires de l'ANCV, conformément aux engagements publics pris par M. Léon Bertrand au cours des débats à l'Assemblée nationale.
Reste que cette solution, pour importante et utile qu'elle soit dans l'immédiat, n'est pas de nature à garantir que les lignes budgétaires seront de nouveau normalement abondées par le projet de loi de finances pour 2006, ni que le PCHTS s'achèvera, au terme de la programmation, avec un bilan de réalisation s'approchant des engagements initiaux de l'Etat, ni naturellement qu'une nouvelle programmation sera engagée au-delà de 2006. Aussi votre commission des affaires économiques vous proposera, à l'unanimité, d'adopter un amendement demandant qu'un rapport du Gouvernement indique avec précision au Parlement, avant le 1 er avril 2005 :
- l'état d'avancement du programme de consolidation des hébergements de tourisme social au 31 décembre 2004 ,
- les effets directs et indirects de ses réalisations sur l'accueil des vacanciers relevant des publics cibles du tourisme social ainsi que sur la consolidation et le développement des différents secteurs de l'économie régionale,
- les perspectives d'un achèvement du programme conforme aux prévisions budgétaires initiales de l'Etat et de son renouvellement pour une nouvelle période de programmation .
Votre commission espère que la rédaction même de ce rapport permettra au gestionnaire public de reconnaître la nécessité économique et sociale de continuer à soutenir les élus locaux et les acteurs économiques et associatifs par l'intermédiaire du PCHST, en 2006 et au-delà.
* (9) 2.575.000 € inscrits en LFI 2004, plus 1.025.655 € de reports 2003, moins 788.569 € de gels budgétaires, moins 1.296.394 € transférés sur d'autres lignes budgétaires.
* (10) Ce tableau a été constitué à partir des indications figurant dans le document de préfiguration de la loi organique relative aux lois de finances intitulé « Avant-projets annuels de performances des programmes » et relatif à la mission interministérielle « Politique des territoires » .