B. LA RÉFORME DES RETRAITES MENÉE À BIEN : LE SAUVETAGE DU SYSTÈME PAR RÉPARTITION
1. Le contexte : la nécessité de réformer le régime de retraite des fonctionnaires
La réforme du système de retraite des fonctionnaires était indispensable, tant au regard des perspectives démographiques de la France , plus particulièrement alarmantes pour la fonction publique que pour les entreprises privées, qu'au regard des difficultés de financement attendues des régimes de retraite des fonctionnaires.
D'un point de vue démographique, le nombre de retraités devrait significativement augmenter ces prochaines années, passant de 12 millions de personnes de plus de 60 ans à ce jour à plus de 22 millions en 2040.
Concernant plus particulièrement la fonction publique, le flux annuel des départs à la retraite ne devrait cesser d'augmenter.
En 2008, 95.000 départs sont attendus parmi les fonctionnaires civils et militaires de l'Etat (82.000 fonctionnaires civils, y compris les fonctionnaires de la Poste et de France Telecom, et 13.000 militaires). Ainsi, d'après le ministère de la fonction publique, près de la moitié des fonctionnaires de l'Etat actuellement en poste devrait être partie en retraite d'ici 2016.
Concernant les fonctions publiques territoriale et hospitalière, le nombre de départs à la retraite devrait fortement croître jusqu'en 2015, pour atteindre à cette date plus de 60.000 départs et se stabiliser à ce niveau jusqu'en 2020.
Toutes ces données démographiques ne sont pas sans incidences sur l'équilibre financier des régimes de retraite de la fonction publique qui risqueraient de subir un lourd déficit .
Le poids des pensions de retraite au sein du budget de l'Etat est déjà très important . En effet, ces dernières représentent 26 % des dépenses induites par la fonction publique. Au regard de l'évolution démographique précédemment exposée et en faisant l'hypothèse d'une stabilisation en volume de la masse salariale 31 ( * ) , les pensions de retraite devraient représenter 34 % des dépenses induites de personnel de la fonction publique en 2006.
En maintenant le système de retraite actuel, la charge brute des pensions des fonctionnaires de l'Etat s'élèverait à environ 44 milliards d'euros en 2010, représentant une augmentation de près de 30 % par rapport à la situation actuelle. La caisse de retraites des agents des collectivités locales, qui gère également les retraites des agents de la fonction publique hospitalière, devrait quant à elle connaître un déficit de 1,5 milliard d'euros en 2010.
2. Les principaux apports de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites
La réforme des retraites repose sur la volonté de sauvegarder le système par répartition . L'article premier de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites « réaffirme solennellement, dans le domaine de la retraite, le choix de la répartition, au coeur du pacte social qui unit les générations. »
La loi entrera en vigueur le 1 er janvier 2004 pour la plupart de ses dispositions 32 ( * ) et prévoit un dispositif d'application progressive de la réforme.
Les régimes de retraite des fonctionnaires sont modifiés par le titre III de la loi 33 ( * ) .
Tout d'abord, la réforme des retraites avait pour objectif de maintenir le taux de liquidation existant actuellement pour un fonctionnaire ayant exercé une carrière complète. En contrepartie , la durée de cotisation a été allongée , dans le but d'opérer un partage des gains d'espérance de vie entre activité et retraite.
La loi prévoit un allongement progressif de la durée de cotisation des fonctionnaires, cette dernière, désormais exprimée en trimestres, devant passer de 150 à 160 trimestres d'ici 2009.
En outre, le dispositif mis en place par la loi offre aux agents la possibilité de décider de la date de leur départ, par le système de décote-surcote, et de compléter leurs droits à la retraite .
Concernant les mécanismes de surcote et de décote , qui n'existaient jusqu'à présent pas pour la fonction publique, des coefficients de minoration et de majoration ont été mis en place, sur le fondement de la durée d'assurance des fonctionnaires, tous régimes confondus, et en fonction de leur âge de départ à la retraite.
La décote pour la fonction publique sera instituée au 1 er janvier 2006. Son taux sera progressivement élevé pour finalement atteindre 5 %, comme celui prévu pour les employés relevant du régime général. La décote consiste à minorer la pension de retraite liquidée de 1,25 % par trimestre manquant pour atteindre, soit la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux maximum de liquidation, soit la limite d'âge, dans la limite de 20 trimestres.
Le coefficient de minoration ne s'applique plus lorsque le fonctionnaire a atteint le nombre de trimestres ou la limite d'âge de son corps nécessaires pour bénéficier de son droit à la retraite. L'ensemble des trimestres acquis par le fonctionnaire du fait de son activité dans tout régime de base est pris en compte.
Quant à la surcote , elle vise à inciter les fonctionnaires à prolonger ou à reprendre leur activité professionnelle . En effet, le montant de la pension de retraite d'un fonctionnaire peut être majoré de 0,75 % par trimestre supplémentaire de travail au delà de 60 ans et de la durée de services nécessaire pour obtenir le taux plein de liquidation, dans la même limite que pour la décote de 20 trimestres.
Les fonctionnaires peuvent également compléter leurs droits à la retraite en vertu d'autres dispositifs.
Tout d'abord, la durée d'activité des fonctionnaires pourra être allongée et la limite d'âge dépassée . En effet, tout fonctionnaire pourra être maintenu en position d'activité après avoir atteint sa limite d'âge, sous réserve de l'intérêt du service ou lorsqu'il ne peut bénéficier du taux maximum de liquidation de sa pension, du fait qu'il n'a pas atteint la durée de liquidation nécessaire.
Ensuite, en vertu du principe communautaire d'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, la loi portant réforme des retraites prévoit que l'ensemble des dispositions jusqu'ici réservées aux femmes en matière d'avantages familiaux (bonifications pour enfants, départ anticipé lorsque le fonctionnaire lui-même ou son conjoint est atteint d'une infirmité ou d'une maladie incurable le plaçant dans l'impossibilité d'exercer une profession quelconque ou versement d'une pension de réversion) pourraient désormais également bénéficier aux hommes .
Les fonctionnaires pourront également racheter , dans la limite de trois années, leurs années d'études accomplies dans l'enseignement supérieur , sanctionnées par un diplôme nécessaire pour se présenter à un concours de la fonction publique.
En outre, la loi précitée portant réforme des retraites, a opéré une simplification souhaitable en matière de cumul d'un emploi et d'une retraite . Le régime autonome instauré en faveur des fonctionnaires autorise le cumul d'une retraite de la fonction publique avec un emploi dans le secteur privé. Lorsque le cumul s'effectuera entre une pension de retraite et un emploi dans la fonction publique, le revenu d'activité ne pourra être supérieure au tiers du montant de la pension. Cette dernière subit alors un abattement équivalent à 50 % du minimum garanti.
Votre rapporteur salue l'adoption de ce nouveau régime de cumul qui permet de favoriser les fonctionnaires titulaires de petites pensions pour lesquelles un cumul proportionnellement plus rémunérateur est possible.
Les fonctionnaires travaillant à temps partiel peuvent également verser une retenue pour pension majorée afin d'augmenter la durée des services pris en compte pour la liquidation de leurs pensions . Cette cotisation majorée serait équivalente à celle versée pour un service à temps plein. Ce dispositif ne peut augmenter de plus d'un an la durée des services.
Un régime de retraite additionnel obligatoire pour tous les fonctionnaires a également été créé afin d'améliorer le niveau de leurs pensions . En effet, si leur rémunération se compose, d'une part, d'un traitement de base et, d'autre part, de primes ou d'indemnités, seul le premier entrait dans l'assiette de calcul de la pension de retraite. Une partie importante du revenu d'activité des fonctionnaires n'étaient par conséquent pas pris en compte. La loi précitée portant réforme des retraites a donc instauré un régime additionnel par répartition dont l'assiette des cotisations repose sur les primes et indemnités. Un établissement public à caractère administratif gère ce nouveau régime de retraite complémentaire.
Concernant le montant de la pension liquidée, le minimum garanti sera fixé à terme à 993 euros, en hausse de 5 % par rapport à son niveau actuel.
De plus, le régime d'indexation a également été modifié par la loi précitée portant réforme des retraites. Désormais, les pensions seront indexées en fonction de l'évolution de l'indice des prix et non plus de l'ensemble des revalorisations dont font l'objet les revenus des actifs.
Enfin, la réforme des retraites a instauré un nouveau régime de cessation progressive d'activité . La principale nouveauté sera que les fonctionnaires bénéficiant de ce régime ne seront plus obligés d'en sortir à l'âge de 60 ans.
Les fonctionnaires âgés de 57 ans, dont la limite d'âge est fixée à 65 ans, comptant au moins 33 années de cotisation, tous régimes de retraite confondus, et 25 années de services civils ou militaires effectifs pourront bénéficier du régime de cessation progressive d'activité et choisir entre plusieurs formules de travail à temps partiel.
Les services effectués sous ce régime sont pris en compte, d'une part, comme des services à temps plein pour l'acquisition du droit à pension et le calcul des coefficients de majoration et de minoration et, d'autre part, au prorata du temps de travail effectif pour la liquidation de la pension.
Votre commission estime que cette réforme a permis de réduire significativement les écarts entre le régime de retraite du secteur privé et celui du secteur public. Il salue particulièrement les dispositions ayant offert aux fonctionnaires la possibilité d'adapter leur fin de carrière et leur mise à la retraite en fonction de leurs parcours antérieurs, de leurs souhaits et de leurs contraintes propres.
3. Les incidences attendues de cette réforme sur l'équilibre financier des régimes de retraite
En 2020, les besoins de financement des deux régimes de retraite de la fonction publique devraient atteindre 28 milliards d'euros.
D'après les projections effectuées par le gouvernement, tenant compte de la mise en place de l'ensemble des dispositions prévues par la réforme, ces dernières permettraient de financer 40 à 45 % de ces besoins de financement, l'allongement de la durée d'activité finançant à lui seul 9 milliards d'euros.
Situation attendue des régimes de la fonction publique en 2020
(en millions d'euros)
Besoin de financement initial |
- 28.000 |
Allongement durée assurance pour le taux plein, de la durée de cotisation, création de la décote et de la surcote |
|
Indexation sur les prix |
4.500 |
Création du régime additionnel |
- 800 |
Solde des mesures |
+ 13.000 |
Solde après mesures |
- 15.000 |
Effort supplémentaire des employeurs publics |
+ 15.000 |
SOLDE FINAL |
0 |
Source : site internet www.retraites.gouv.fr
* 31 Conformément au programme de stabilité pour 2004 à 2006.
* 32 Certains mécanismes ne seront mis en oeuvre qu'à partir du 1 er janvier 2006.
* 33 Les dispositions générales du titre I sont également applicables aux fonctionnaires.