N° 77

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME I

SOLIDARITÉ

Par M. Paul BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1093 , 1110 à 1115 et T.A. 195

Sénat : 72 et 73 (annexe n° 36 ) (2003-2004)

Lois de finances .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits consacrés à la solidarité s'élèvent à 9,7 milliards d'euros dans le projet de budget pour 2004, ce qui représente, du fait du transfert de l'allocation de revenu minimum d'insertion aux départements, une progression à périmètre constant de 2 % par rapport à 2003.

Compte tenu de la dégradation de la situation économique et de ses répercussions budgétaires, le Gouvernement a été contraint de faire des choix difficiles et de hiérarchiser ses priorités. Les besoins sociaux sont tels, surtout dans un contexte de croissance ralentie, que d'aucuns pourraient contester ces choix ou regretter qu'un effort financier plus substantiel n'ait pas été engagé : l'aurait-on fait que les critiques n'auraient cependant pas manqué devant un saupoudrage de crédits sans stratégie globale ou devant un relèvement inévitable des prélèvements obligatoires.

Votre rapporteur approuve donc cette démarche qui consiste non pas à dépenser plus, au mépris de l'équilibre de nos finances publiques et, in fine , du contribuable, mais à dépenser mieux, en misant sur le partenariat entre l'État, les collectivités locales et le monde associatif, ce qui est le vrai sens de la solidarité nationale.

En matière de lutte contre les exclusions, le Gouvernement a d'abord fait le pari de la responsabilité départementale en confiant aux conseils généraux une compétence pleine et entière sur le RMI. Complété par la création du RMA et, dès 2005, par la décentralisation des fonds d'aide aux jeunes, ce dispositif permettra d'apporter une réponse de proximité aux situations d'exclusion sociale. C'est ce même pari des responsabilités locales qui présidera à la décentralisation des établissements de formation en travail social : le projet de budget pour 2004, qui achève la rénovation de ce secteur, permet d'envisager dans la sérénité leur transfert aux régions.

Le projet de loi de finances pour 2004 met ensuite en oeuvre les priorités, dégagées par le plan national de renforcement de la lutte contre la précarité et l'exclusion présenté le 25 mars 2003, en matière d'urgence sociale et d'accueil des étrangers. Cet effort se traduit notamment par la constitution d'une nouvelle agence de l'immigration qui regroupera les moyens actuels de l'Office des migrations internationales (OMI) et ceux du service social d'aide aux migrants, et qui sera chargée du service public de l'accueil des migrants sur tout le territoire.

S'agissant des personnes handicapées, votre rapporteur tient à saluer un effort budgétaire qui prend une valeur particulière, compte tenu du contexte économique difficile. Il se félicite du fait que, conformément à la volonté du Président de la République, l'action en faveur des personnes handicapées soit une priorité forte du Gouvernement.

Ainsi, malgré l'arrivée à échéance des deux plans, quinquennal et triennal, le rythme des créations de places ne s'est pas ralenti : 3.000 places supplémentaires en centres d'aide par le travail (CAT) et 500 en ateliers protégés sont créées par le présent projet de loi de finances. Le désir légitime des personnes handicapées de pouvoir vivre de façon autonome à domicile est désormais pris en compte par nos politiques publiques, grâce au développement des services d'auxiliaires de vie et à l'achèvement du dispositif des sites pour la vie autonome. L'intégration scolaire des enfants handicapés est consacrée comme une mission à part entière de l'éducation nationale qui prend dorénavant en charge le dispositif des auxiliaires de vie scolaire.

Il reste que les attentes des personnes handicapées et de leurs familles ont changé, tant vis à vis des modalités de la prise en charge institutionnelle que dans le domaine de l'égalité des droits et des chances. Cette évolution s'est traduite par la revendication d'un droit nouveau, le droit à compensation.

Afin de donner un contenu concret à ce droit, le chantier de la réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975 a été engagé. Les axes de la future loi en faveur de l'égalité des chances des personnes handicapées ont, d'ores et déjà, été définis : rendre effectif l'accès à la cité, créer les conditions financières d'une vie autonome digne et simplifier les structures administratives afin de permettre aux personnes handicapées de décider de leur choix de vie. Enfin, le droit à compensation a été inscrit dans une perspective nouvelle, celle de la création d'une nouvelle branche au sein de notre protection sociale, avec la création d'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Votre commission a largement participé à la définition de ces orientations. L'ensemble de ses propositions a été traduit dans une proposition de loi déposée conjointement par votre rapporteur et par le président de la commission des Affaires sociales, le 13 mai dernier.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur a tenu à insister sur quelques aspects prioritaires de cette réforme : l'indispensable rapprochement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) et des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES) avec les futures « maisons départementales du handicap », destinées à devenir de véritables guichets uniques et à mettre fin au « parcours du combattant » des familles ; la nécessité de rendre effective la rénovation des établissements sociaux et médico-sociaux et la prise en compte des droits des usagers par une publication rapide des décrets d'application de la loi du 2 janvier 2002 ; enfin, l'indispensable adaptation des institutions au vieillissement des personnes handicapées.

Enfin, comme tous les ans, et d'une façon plus particulière cette année à la veille de l'acte II de la décentralisation, votre rapporteur a souhaité consacrer une partie de son avis à l'évolution des dépenses d'action sociale décentralisées.

Ces dépenses connaissent une progression sans précédent, du fait notamment de la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie mais également à cause de l'augmentation du coût des prestations dans le secteur médico-social.

Cette hausse donne une acuité particulière à la question de la maîtrise des dépenses de personnel dans les établissements sociaux et médico-sociaux, car celles-ci représentent les deux tiers de leurs dépenses de fonctionnement. Or, après plusieurs années de modération forcée pour cause de réduction du temps de travail, les dépenses de personnel repartent à la hausse, sans que le poids des 35 heures ait pour autant été entièrement digéré.

L'année 2004 sera toutefois celle de la rénovation du cadre budgétaire et comptable des établissements sociaux et médico-sociaux : la responsabilité des gestionnaires devrait être renforcée, dans le cadre d'enveloppes de financement enfin opposables. Cette modernisation, attendue depuis deux ans, devrait permettre de donner des perspectives financières claires et pluriannuelles, tant aux établissements qu'aux financeurs.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur vous proposera d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2004.

I. UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS AMBITIEUSE MALGRÉ LA CONJONCTURE DIFFICILE, ET PLACÉE SOUS LE SIGNE DE LA PROXIMITÉ

Les crédits consacrés à la solidarité 1 ( * ) s'élèvent à 9,7 milliards d'euros dans le projet de budget pour 2004, ce qui représente une diminution de 31 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003. Il faut toutefois corriger cette évolution des conséquences du transfert du financement du RMI aux départements, à compter du 1 er janvier 2004 : cette dépense représentait, en 2003, 4,9 milliards d'euros.

Au total, à périmètre constant, le budget de la solidarité pour 2004 progresse de 2 % , même si cette hausse est moins accentuée qu'elle ne l'avait été en 2003 (les dépenses - hors RMI - avaient alors augmenté de 7,4 %).

Ce ralentissement est essentiellement le résultat de deux paramètres :

- la réduction de la part des minima sociaux , dépenses traditionnellement dynamiques, dans le budget : alors qu'ils représentaient 70 % des crédits en 2003, ils constituent en 2004 à peine plus de la moitié du budget (55 %). Par ailleurs la progression des crédits relatifs à l'AAH et à l'API ralentit (1,9 % contre 3,7 % l'an passé) ;

- des efforts budgétaires ciblés sur deux priorités : les crédits consacrés au handicap augmentent ainsi de 3,1 % et ceux consacrés à l'hébergement et à la réinsertion sociale, tant des nationaux que des migrants, de 2 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2003.

A. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES LIÉES AUX MINIMA SOCIAUX : UN EXERCICE DÉLICAT DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DÉGRADÉ

1. Un budget marqué par la décentralisation du RMI

a) Le coût du RMI est étroitement lié à la situation économique

La diminution du nombre de bénéficiaires du RMI en 2000 et 2001 aura été de courte durée et l'hypothèse d'une stabilisation des effectifs - au moins en métropole - retenue en loi de finances pour 2003 est loin d'être vérifiée : ainsi, la hausse des effectifs aura été, en réalité, de 3 % en métropole et 3,14 % dans les DOM.

Cette évolution est très largement corrélée à la dégradation de la conjoncture économique : s'il avait fallu trois ans de croissance forte pour amorcer une légère décrue - sans toutefois mordre sur le « noyau dur » des bénéficiaires -, le ralentissement économique depuis deux ans s'est immédiatement traduit par un retour à la hausse brutal du nombre d'allocataires.

Ainsi, après trois années de baisse entre 1997 et 2000 et une quasi-stabilité en 2001, le nombre d'ouvertures de droits à l'allocation de RMI a crû de 11 % en 2002, alors que le rythme des sorties a poursuivi sa diminution (- 5 % après une baisse de 9 % en 2001).

Au total, la dépense réelle pour 2003 sera donc supérieure aux crédits inscrits en loi de finances initiale , d'autant plus que la dépense pour 2002 - qui a servi de base au calcul de la dotation pour 2003 - a, elle aussi, été supérieure aux prévisions.

Comparaison de l'évolution du nombre de bénéficiaires du RMI au regard des crédits budgétaires ouverts et de la dépense réelle
(1989-2002)

 

Nombre d'allocataires

Evolution
en %

Coût des allocations versées
(en M€)

Evolution en %

Crédits budgétaires
(en M€)
(1)

Evolution en %

Décembre 1989

407.081

 

927.1

 

914.7

 

Décembre 1990

510.145

+ 25,3

1.528,2

+ 64,8

1.321,4

+ 45

Décembre 1991

582.361

+ 14,2

1.797,9

+ 17,6

2.183,8

+ 65

Décembre 1992

671.242

+ 15,3

2.061,5

+ 14,7

2.007,4

- 8

Décembre 1993

792.944

+ 18,1

2.411,6

+ 17,0

2.535,4

+ 26

Décembre 1994

908.336

+ 14,6

2.898,4

+ 20,2

2.929,6

+ 16

Décembre 1995

946.010

+ 4,1

3.175,3

+ 9,6

3.357,2

+ 15

Décembre 1996

1.010.472

+ 6,8

3.407,6

+ 7,3

3.533,6

+ 5

Décembre 1997

1.067.901

+ 5,7

3.699,2

+ 8,6

3.693,8

+ 4,5

Décembre 1998

1.112.108

+ 4,1

4.153,4

+ 12,3

3.998,3

+ 8,2

Décembre 1999

1.145.023

+ 3,0

4.337,6

+ 4,4

4.863,1 (2)

+ 21,6

Décembre 2000

1.096.851

- 4,2

4.319,7

- 0,4

4.608,3

- 5,2

Décembre 2001

1.073.446

- 2,1

4.323,0

+ 0,1

4.513,2

- 2,1

Décembre 2002

1.090.348

+ 1,6

4.491,9

+ 3,9

5.106,9 (3)

+ 13,2

(1) Compte tenu des lois de finances rectificatives.

(2) Dont 277,4 millions d'euros pour couvrir les insuffisances de la dotation pour 1998 (l'augmentation budgétaire nette de 1999 par rapport à 1998 s'élèverait donc à 7,25 %).

(3) Dont 235,7 millions d'euros pour couvrir les insuffisances de la dotation pour 2001 (l'augmentation budgétaire nette de 2002 par rapport à 2001 s'élèverait donc à 2,6 %).

Une telle sous-estimation des besoins n'est pas nouvelle : les deux lois de finances rectificatives d'août et de décembre 2002 ont ainsi ouvert 925 millions d'euros supplémentaires pour apurer les dettes de l'État à l'égard de la branche famille et du régime agricole pour les années 2000 et 2001 au titre du RMI et pour pallier les insuffisances, d'ores et déjà, prévisibles de la dotation pour 2002.

Cette année encore, et de façon pressante du fait de la décentralisation de l'allocation, l'État sera contraint d'ouvrir des crédits supplémentaires en loi de finances rectificative, les dépenses prévisionnelles pour 2003 se montant à 4,9 milliards d'euros, soit 400 millions d'euros de plus que les crédits inscrits en loi de finances initiale.

b) Le transfert aux départements des dépenses liées au RMI sera compensé par l'attribution d'une fraction de la TIPP

Le projet de loi n° 282 (2002-2003) portant décentralisation en matière de RMI et créant un revenu minimum d'activité, adopté en première lecture au Sénat le 28 mai dernier, confie au département la responsabilité de l'ensemble du dispositif du RMI : insertion des allocataires mais aussi gestion et donc financement de l'allocation.

Cette réforme se traduit par la disparition des crédits consacrés au RMI par l'État qui figuraient au chapitre 46-83 et par l'attribution aux départements d'une part du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), conformément à l'article 3 du projet de loi précité. Cette solution constitue la première mise en oeuvre du nouvel article 72-2, de la Constitution qui dispose que : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » .

Le mécanisme de calcul de la part de TIPP transférée est fixé par l'article 40 du présent projet de loi de finances :

- la fraction du produit total de la TIPP transférée aux départements sera équivalente aux dépenses constatées en 2003 au titre du RMI et du revenu de solidarité versé dans les départements d'outre-mer (RSDOM) ;

- des fractions de tarif provisoires seront fixées en fonction des dépenses prévisionnelles, soit 4,9 milliards d'euros, à charge pour la « plus prochaine loi de finances » de fixer les fractions définitives, en fonction des dépenses réellement constatées ;

- la part du produit de la TIPP attribuée à chaque département sera fixée en fonction des dépenses de l'État sur leur territoire, au titre du RMI en 2003, par rapport à l'ensemble des dépenses d'allocation au niveau national.

Modalités financières du transfert de RMI aux départements

 

=

 

=

 

=

Montant transféré de TIPP sur le supercarburant sans plomb = 20,98 % du produit de la TIPP sur ce produit en 2003

= 1.861.663.200 euros

 
 
 

Consommation constatée en 2003 = 150,62 millions d'hectolitres

X

Fraction du tarif de TIPP sur le supercarburant

sans plomb

 
 
 

+

Montant des transferts de ressources au bénéfice de l'ensemble des départements en 2004

Montant des dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre du RMI et du revenu de solidarité

=

4.947.465.000 euros

Montant de TIPP transféré à l'ensemble des départements

=

4.947.465.000 euros

soit 20,96 % du produit total de la TIPP en 2003 pour le supercarburant sans plomb, le supercarburant ARS et le gazole (23.608.656.000 euros)

Montant transféré de TIPP sur le supercarburant = 20,86 % du produit de la TIPP sur ce produit en 2003 = 199.166.200 euros

Consommation constatée en 2003 = 14,93 millions d'hectolitres

X

Fraction du tarif de TIPP sur le supercarburant

 
 
 

+

 
 
 

Montant transféré de TIPP sur le gazole = 20,95 % du produit de la TIPP sur ce produit en 2003 = 2.886.636.000 euros

 
 
 

Consommation constatée en 2003 = 351,60 millions d'hectolitres

X

Fraction du tarif de TIPP sur le gazole

Source : Assemblée Nationale, rapport n° 1110 de M. Gilles Carrez, rapporteur général,
sur le projet de loi de finances pour 2004 - Tome II « Conditions générales de l'équilibre financier »

Par la suite, le montant de la part de TIPP transférée aux départements évoluera en fonction du dynamisme propre de l'assiette de cet impôt.

c) Les inquiétudes sur l'adéquation entre dépenses et recettes transférées doivent être nuancées

Les craintes concernant l'adéquation entre les dépenses et les recettes transférées sont légitimes, tant il est évident que le transfert des recettes et des dépenses ne sera équitable que si les deux flux connaissent des évolutions équivalentes.

Notre collègue Bernard Seillier notait d'ailleurs, dans son rapport sur le projet de loi portant décentralisation du RMI 2 ( * ) , que si la décentralisation de cette allocation était intervenue en 1993, « il en aurait coûté 8,6 milliards d'euros aux départements, notamment du fait des revalorisations successives du RMI et de l'aménagement de l'assiette de la TIPP ».

C'est la raison pour laquelle il rappelait que « toute modification des termes de l'échange, par le biais d'une revalorisation de la prestation supérieure à l'indice des prix ou la modification de l'assiette de la TIPP, [devrait] être compensée aux départements, ces derniers restant in fine responsables sur leurs deniers de l'évolution du nombre de RMIstes. »

Il insistait également pour que le périmètre des charges transférées soit clarifié. Il avait notamment attiré l'attention sur la question des « primes de Noël » attribuées chaque année et régularisées en collectif budgétaire. Compte tenu de l'annonce par le Premier ministre, le 25 octobre dernier, de la reconduction de cette mesure, il convient de s'interroger sur une intégration de cette charge supplémentaire dans les dépenses transférées aux départements.

Le coût de gestion du RMI demande également à être précisé. En réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur, le ministère des affaires sociales indique que « les personnels seront également transférés, le cas échéant, dans les conditions de droit commun prévues par le projet de loi de décentralisation ». Il reste que les postes concernés et les crédits de rémunération équivalents ne sont pas isolés au sein du budget : il conviendrait que le Gouvernement puisse apporter les précisions nécessaires à leur évaluation au cours du débat sur le présent projet de loi de finances.

Une dernière interrogation est née à la suite de l'annonce de la réforme prochaine de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) : la réduction de la durée de versement de cette allocation pourrait avoir pour conséquence d'accroître le nombre de bénéficiaires du RMI.

Votre rapporteur note toutefois que les députés ont adopté, à l'initiative de M. Gilles Carrez, rapporteur général, un amendement tendant à prévoir l'information du Parlement sur l'évolution du coût, pour chaque département, de la gestion des politiques publiques transférées à l'occasion de la mise en oeuvre de la future loi. A l'occasion de ce rapport, le Gouvernement proposera les mesures complémentaires de compensation financière nécessaires à la prise en compte de la réforme de l'ASS.

En dernier lieu, votre rapporteur tient à souligner que l'indépendance entre évolution des dépenses et des recettes est le lot de toutes les politiques publiques et qu'elle est liée à la prise de responsabilité : les départements doivent être incités à renforcer l'efficacité de l'insertion des bénéficiaires du RMI, afin de maintenir les dépenses liées à l'allocation dans un rythme d'évolution compatible avec celui de la ressource transférée.

d) La décentralisation du RMI et la création du RMA sont une chance pour l'insertion

Fondé sur un engagement réciproque du bénéficiaire et de la société, le RMI, lors de sa création en 1988, devait représenter une rupture par rapport à la logique d'assistance qui prévalait jusque là dans le domaine de la lutte contre l'exclusion : la collectivité s'engageait à proposer une offre d'insertion suffisante, tandis qu'il était demandé au bénéficiaire d'entrer dans une démarche d'insertion.

Quinze ans après, force est de constater que les conditions de cet engagement réciproque n'ont pas été remplies. Trois variables en témoignent plus particulièrement :

si le taux de consommation des crédits départementaux d'insertion s'établit, pour 2001, dernière année connue, à 95 %, les reports de crédits s'élèvent quant à eux à 66,5 % de l'obligation légale au titre de cette même année.

Taux de consommation des crédits départementaux d'insertion

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

97 %

101 %

96 %

94 %

94 %

98 %

98 %

92 %

95 %

Si une proportion importante de ces reports est supérieure à un an (seuls 8 % des crédits reportés sont imputables à l'exercice 2000), témoignant de la mise en place difficile du dispositif d'insertion à ses débuts, l'importance des reports s'explique également par un manque de souplesse d'utilisation des crédits d'insertion.

En effet, ceux-ci ne peuvent être utilisés que dans le cadre des actions inscrites dans les programmes départementaux d'insertion : or, seuls 87 départements avaient adopté un programme - annuel ou pluriannuel - en 2001 et, même lorsqu'il est adopté, il est souvent trop peu précis et exhaustif pour pouvoir servir de base à l'engagement des crédits ;

la part des allocataires ayant signé un contrat d'insertion stagne autour de 50 % depuis dix ans : elle n'a connu qu'une faible augmentation en 2002, s'établissant à 49,2 % contre 48,6 % un an plus tôt.

Il est vrai que le nombre de signataires d'un contrat ne reflète qu'imparfaitement l'aide à l'insertion effective réalisée par les services sociaux ou l'ANPE, celle-ci ne donnant pas toujours lieu à contractualisation.

Il n'en reste pas moins que le taux de contractualisation est un bon indicateur du suivi des allocataires car il donne une idée du degré de mobilisation des acteurs et de la qualité du dispositif. En effet, l'existence d'un contrat garantit des contacts avec l'instructeur et un diagnostic régulier de la situation des personnes ;

La nature des actions inscrites dans les contrats d'insertion en 2001

le recentrage de l'offre d'insertion autour des allocataires du RMI ne s'est pas poursuivi : la part des contrats ou stages attribués aux allocataires est toujours inférieure à un tiers (23,7 %). La stratégie adoptée depuis plusieurs années consistant, par un meilleur ciblage, à contrebalancer la diminution de la dotation globale en mesures « emploi » marque donc le pas. Dans ce contexte, environ 13,5 % seulement des allocataires ont pu accéder à l'une des mesures au cours de l'année 2002 alors qu'ils étaient encore 15,1 % dans ce cas en 2001 et plus de 21 % en 1996.

Evolution de l'accès des bénéficiaires du RMI aux mesures « emploi »

Part des allocataires du RMI dans l'ensemble des bénéficiaires

2001

2002

CEC

27,9 %

27,5 %

CES

37,0 %

35,2 %

CIE

18,9 %

22,9 %

SIFE

28,5 %

28,5 %

SAE

5,9 %

8,8 %

AFPA

10,3 %

9,7 %

SIFE individuel

16,6 %

14,8 %

Emplois jeunes

3,8 %

3,1 %

TOTAL

23,7 %

23,7 %

Taux de couverture
(part des bénéficiaires du RMI bénéficiant d'une mesure emploi)

15,1 %

13,5 %

La décentralisation du RMI et, parallèlement, la création du nouvel outil que représente le revenu minimum d'activité (RMA) devraient pouvoir donner un nouveau souffle à la politique d'insertion :

- la fin du copilotage du dispositif d'insertion donne aux départements les moyens de mettre en place un programme d'insertion plus précis et cohérent avec les crédits disponibles.

Dans ces conditions et compte tenu du transfert aux départements du financement de l'allocation elle-même, le maintien de l'obligation pour les départements de consacrer à l'insertion des allocataires une somme correspondant à 17 % des dépenses d'allocation de l'année précédente paraît excessivement rigide. C'est la raison pour laquelle, à l'initiative de la commission des finances, la Haute Assemblée a supprimé cette obligation.

- les départements disposeront, à côté des outils de la politique de l'emploi qui resteront sous la responsabilité de l'État, d'un outil dont ils auront la maîtrise totale, le RMA , pour activer les dépenses liées à l'allocation et proposer des contrats d'insertion ayant un réel contenu en terme d'insertion par l'activité professionnelle.

Votre rapporteur approuve une telle redynamisation du dispositif d'insertion, ainsi que son transfert au département, dont la proximité et la compétence sociale devraient permettre une meilleure adéquation de l'offre d'insertion aux besoins de la population.

2. Des baisses de dépenses pour l'API à concrétiser

a) Les évolutions de l'API sont largement déconnectées de la croissance économique

L'allocation parent isolé (API) est une allocation différentielle versée à toute personne enceinte ou assumant seule la charge d'un ou plusieurs enfants, lorsque ses revenus ne dépassent pas, au 1 er janvier 2003, 521,52 euros par mois pour une femme enceinte et 695,36 euros lorsqu'un enfant est à charge. Ce plafond est majoré de 173,84 euros par enfant supplémentaire à charge. Il s'agit donc à la fois d'une prestation familiale et d'un minimum social. Elle est à la charge de l'État depuis 1999.

Évolution de l'API

Année

Nombre de bénéficiaires

Évolution (en %)

Crédits consommés (en millions d'euros)

1991

157.000

0,0

638,6

1992

160.000

+ 1,9

657,2

1993

164.000

+ 2,5

688,6

1994

169.000

+ 3

719,7

1995

164.000

- 3

724,2

1996

163.000

- 0,6

759,9

1997

164.000

+ 0,6

708,7

1998

165.000

+ 0,6

700,0

1999

168.000

+ 3,2

706,7

2000

170.000

+ 1,2

721,2

2001

175.000

+ 3,9

752,7

2002

181.000

+ 2,3

794,8

L'évolution du nombre de bénéficiaires de l'API est très peu corrélée à la croissance et semble avant tout liée aux évolutions démographiques. Les évolutions de la situation du marché du travail n'ont en effet un impact que sur un peu plus d'un quart des bénéficiaires et cette proportion est en constante diminution.

Si un nombre important de femmes séparées ou divorcées ont pu bénéficier du retour de la croissance et donc sortir du dispositif de l'API, à l'inverse, le nombre de bénéficiaires célibataires, a augmenté de façon considérable (+ 53 % entre 1997 et 2002).

Cette évolution s'explique essentiellement par une hausse importante de la natalité chez les jeunes, voire très jeunes femmes, essentiellement avant vingt-quatre ans, à un âge où les naissances en dehors de toute vie de couple sont les plus fréquentes et où, pour des jeunes femmes isolées, les situations de grossesse ou de charge d'enfant peuvent rapidement se traduire par des situations d'exclusion, scolaire puis professionnelle.

b) La mise en oeuvre de la PAJE devrait avoir un impact positif sur les bénéficiaires de l'API (

Les crédits consacrés à l'API s'élèvent à 770 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004, en diminution de 4,37 % par rapport à 2003. Trois facteurs devraient pourtant contribuer à un alourdissement du coût de l'API :

- les dépenses prévisionnelles pour 2003 devraient d'abord être plus importantes que prévues en loi de finances initiale , dans la mesure où la hausse des effectifs pour 2003 est estimée à 1,4 %, alors que l'hypothèse de croissance était de 0,7 % lors du vote de la loi de finances. De même, la revalorisation de l'allocation n'a pas été de 1,5 % comme prévu mais de 1,7 %. Au total, l'État est débiteur à l'égard de la CNAF de 36,8 millions d'euros au titre des exercices 2002 et 2003 ;

- l'allocation devrait, conformément à l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix, être revalorisée de 1,5 % du montant en 2004 ;

- le barème de l'API dans les départements d'outre-mer, est, conformément à la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, revalorisé pour aligner progressivement les montants de l'API servis dans les DOM sur ceux de la métropole.

La diminution prévisionnelle de la dépense relative à l'API est donc essentiellement due à l' impact positif attendu de la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) , créée par le projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2004, et qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2004.

La mise en place de cette nouvelle allocation devrait d'abord se traduire mécaniquement par une réduction du nombre de bénéficiaires de l'API ou, en tout cas, par une réduction des sommes versées, à titre différentiel, aux bénéficiaires.

La PAJE sera en effet comprise dans le calcul des ressources prises en compte pour l'attribution de l'allocation, alors que jusqu'ici, une partie des prestations recouvertes par la nouvelle allocation - notamment l'allocation pour jeune enfant (APJE) - étaient exclues de ce calcul.

Plus largement, la création de cette nouvelle allocation devrait permettre d'apporter une meilleure réponse à la question de l'accès à l'emploi des parents isolés, en réduisant le coût d'accès aux différents modes de garde.


La prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE)

Cette nouvelle prestation, qui regroupe les six allocations existantes en faveur de la petite enfance (allocation pour jeune enfant courte et longue - APJE, allocation parentale d'éducation - APE, aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée - AFEAMA, allocation de garde d'enfant à domicile - AGED et allocation d'adoption) comprend :

- une prime à la naissance de 800 euros, versée au septième mois de grossesse ;

- une allocation de base, de 160 euros par mois, versée de la naissance de l'enfant jusqu'à son troisième anniversaire ;

- un complément dit de « libre choix », calculé en fonction du mode de garde choisi par les parents ou versé aux parents qui interrompent leur activité professionnelle pour élever leurs jeunes enfants.

La PAJE sera versée pour tous les enfants nés à compter du 1 er janvier 2004.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur estime que l'hypothèse de croissance des effectifs de l'API de 0,74 % retenue par le présent projet de loi de finances est, contrairement aux années passées, réaliste.

3. Des dépenses d'AAH suspendues à la réforme de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées

a) Les prévisions de dépenses pour 2004 sont vraisemblablement sous-évaluées

Les crédits relatifs au financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de son complément s'élèvent à 4,7 milliards d'euros dans le projet de loi de finances 2004.

Leur progression (+ 3 %) est moins soutenue qu'en 2003 (5,8 %), d'autant plus que ces crédits comprennent également un transfert de 50,3 millions d'euros, en provenance du budget des charges communes (chapitre 46-90, article 70), au titre du financement de l'AAH des exploitants agricoles. Au total, hors transfert, les crédits ne progressent donc que de 1,9 % par rapport à 2003.

Cette évolution résulte de trois phénomènes :

- une revalorisation du montant du minimum vieillesse (qui sert de base au calcul du montant de l'AAH) à hauteur de 1,5 %, conformément à l'évolution des prix hors tabac : entre 1998 et 2003, le montant de l'AAH est ainsi passé de 529,14 à 577,92 euros et son complément, égal à 16 % de l'AAH à taux plein, de 84,66 à 92,47 euros ;

- un ralentissement de l'augmentation du nombre de bénéficiaires : le rythme de progression retenu (1,26 %) est ainsi moitié moins important qu'en 2003 (2,5 %). Il est, de façon générale, en retrait par rapport au rythme tendanciel de progression des bénéficiaires de l'AAH depuis 1998 (2,8 %) ;

- une diminution du coût de gestion de l'AAH, de l'ordre de 30 millions d'euros, qui devrait être obtenue grâce, notamment, à la poursuite de la modernisation des COTOREP.

Votre rapporteur s'interroge sur le brutal ralentissement du rythme de progression des bénéficiaires de l'AAH qui sert de base à la fixation de la dotation pour 2004.

Il convient en effet de souligner que les bénéficiaires de l'AAH se caractérisent par une durée de présence très longue au sein du dispositif. Ce phénomène est d'abord dû aux durées d'ouverture du droit à l'AAH par les COTOREP qui s'élevaient en moyenne, en 2002, à 4,2 ans pour une première demande et cinq ans pour un renouvellement. Plus fondamentalement, on constate que les bénéficiaires restent en général dans le dispositif jusqu'à soixante ans, âge auquel ils basculent vers les avantages vieillesse.

Le stock de bénéficiaires de l'AAH subit donc nécessairement une pression à la hausse liée à la forte croissance du nombre d'allocations accordées les années passées et aux durées d'attribution longues liées à ces accords.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur est dubitatif quant à l'adéquation aux besoins de la dotation prévue pour 2004. Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003 fait en effet état de prévisions autrement plus importantes, tant pour 2003 que pour 2004 : ainsi, la dépense réelle pour 2003 s'élèverait à 4,63 milliards d'euros, soit 104,4 millions de plus que les crédits ouverts en loi de finances initiale et à 4,85 milliards pour 2004, soit 239,4 millions de plus que la dotation prévue à ce titre dans le présent projet de loi de finances.

Années

Nombre de bénéficiaires

Evolution (en %)

Dotation budgétaire (en millions d'euros)

Evolution (en %)

1998

668.000

+ 2,9

3.565,63

+ 5,1

1999

694.000

+ 3,8

3.776,01

+ 5,9

2000

712.000

+ 2,6

3.895,07

+ 3,2

2001

732.000

+ 2,8

4.046,00

+ 3,9

2002

753.000

+ 2,8

4.477,72

+ 10,7

2003 (prévision)

767.000

+ 2,5

4.526,34

+ 1,1

2004 (prévision)

776.000

+ 1,3

4.661,42

+ 3,0

Une telle sous-estimation des besoins liés à l'AAH n'est au demeurant pas nouvelle : depuis 2000, ce chapitre fait l'objet d'ouvertures de crédits récurrentes en lois de finances rectificatives (129 millions en 2000, 51 millions en 2001 et 150 millions d'euros en 2002).

b) L'amélioration de l'emploi des personnes handicapées est la condition indispensable de la modération des dépenses

Même si les attributions nouvelles d'AAH sont moins nombreuses, les sorties du dispositif ne peuvent pas être suffisantes pour entraîner le ralentissement de la progression des effectifs prévu en 2004.

Par conséquent, le rythme de progression du nombre de bénéficiaires de l'AAH, sur lequel est fondée la dotation pour 2004, ne peut être qu'un objectif volontariste et non le résultat de l'évolution spontanée du nombre d'allocataires . Votre rapporteur estime que, pour tenir cet objectif sans remettre en cause les conditions même d'attribution de l'allocation, deux conditions doivent être réunies : une réforme de fond des COTOREP et un effort important en faveur de l'emploi des personnes handicapées.

Il ne peut que souscrire à cet effort, dans la mesure où, parmi les bénéficiaires de l'AAH, un nombre vraisemblablement sous-estimé de personnes handicapées pourraient occuper un emploi.

On constate en effet, depuis plusieurs années, une modification de la structure des bénéficiaires de l'AAH. Il convient en effet de rappeler que l'AAH peut être attribuée, sous condition de ressources, à deux catégories de personnes handicapées :

- les personnes handicapées dont le taux d'invalidité est supérieur ou égal à 80 % (article L. 821-1 du code de l'action sociale et des familles) ;

- les personnes handicapées titulaires d'un taux d'invalidité situé entre 50 et 79 %, lorsqu'elles sont dans l'impossibilité, appréciée par les COTOREP, de se procurer un emploi (article L. 821-2).

Or, si le nombre d'allocations accordées au titre de l'article L. 821-1 est quasiment stable, celui des allocations accordées sur la base de l'article L. 821-2 a augmenté à un rythme rapide de 6 % en moyenne par an depuis 1995. Au total, en 2002, les allocations accordées au titre de l'article L. 821-2 représentaient 41 % de l'ensemble, contre 32 % seulement en 1995.

La situation économique dégradée pousse souvent les COTOREP à accorder le bénéfice de l'AAH à des personnes qui ne sont pas dans l'impossibilité physique d'occuper un emploi mais qui, du fait de difficultés particulières d'accès à l'emploi, liées ou non à leur handicap, connaissent des situations de chômage de longue durée.

C'est la raison pour laquelle, en matière d'emploi, la future loi relative à l'égalité des chances des personnes handicapées devrait poursuivre deux objectifs 3 ( * ) :

- « mobiliser les partenaires sociaux, notamment en les appelant à ouvrir systématiquement aux personnes handicapées l'offre de formation de droit commun et à prendre en compte l'emploi des personnes handicapées dans les négociations collectives de branche, ainsi qu'en apportant aux entreprises la compensation financière éventuelle qu'elles pourraient faire valoir en contrepartie d'un surcoût lié à une embauche » ;

- « encourager le travail des personnes handicapées. A cet égard, deux pistes de réflexion méritent une attention particulière. L'une conduit à établir un enchaînement logique et équitable des rémunérations entre CAT, atelier protégé (ou entreprise adaptée) et entreprise ordinaire de manière telle que la rémunération globale de la personne augmente avec sa participation à l'activité productive. L'autre conduit à aménager de manière plus favorable les conditions du cumul des ressources tirées du travail avec celles tirées de la solidarité nationale, soit en relevant substantiellement les plafonds de cumul, soit en créant des effets de seuil incitatifs à l'emploi » ;

Votre rapporteur approuve ces deux objectifs, qu'il avait lui-même fixés dans son rapport d'information du 26 juillet 2002. Il considère que l'incitation au retour à l'emploi des titulaires de l'AAH doit être une priorité, notamment en ce qui concerne les bénéficiaires de l'article L. 821-2 et que c'est à cette condition que les économies prévues par le présent projet de loi de finances seront réalisables.

4. Un effort de maîtrise des dépenses d'AME à poursuivre

a) Un effort important d'apurement des dettes de l'État a été conduit en 2002

Créé en 2000 pour les personnes étrangères résidant en France mais ne remplissant pas les conditions de l'admission à la CMU - c'est à dire, essentiellement pour les étrangers en situation irrégulière -, le dispositif de l'aide médicale de l'État (AME) était censé être résiduel.

C'était sans compter le dynamisme des flux migratoires, les difficultés de chiffrage liées à l'immigration clandestine et à l'augmentation du nombre de déboutés du droit d'asile qui ont fait de l'AME un dispositif de masse qui regroupe aujourd'hui près de 170.000 personnes.

Evolution du nombre de bénéficiaires de l'AME

 

2000

2001

2002

2003

Nombre de bénéficiaires

73.300

125.400

153.600

170.000

Evolution en %

-

+ 71,8

+ 22,5

+ 10,7

La montée en charge de ce dispositif n'a, à l'évidence, pas été anticipée et le retard pris par les caisses d'assurance maladie pour liquider les dossiers 4 ( * ) a eu pour conséquence de masquer un temps l'importance des besoins financiers liés à l'AME. En conséquence, on constate une sous-dotation chronique de ce chapitre par rapport aux dépenses réelles. Au total, la dette de l'État à l'égard de la CNAM s'élevait à 311 millions d'euros au 31 décembre 2002.

Comparaison entre les dotations initiales et les dépenses réelles relatives à l'AME

(en millions d'euros)

 

2000

2001

2002

Dotation en loi de finances initiale

74,5

53,4

61

Dépenses réelles

25

145

330

Différentiel

49,5

- 91,6

- 269

Un effort important d'apurement des comptes a toutefois été engagé en 2002 : la loi de finances rectificative du 6 août 2002 a ainsi ouvert 445 millions d'euros de crédits supplémentaires au chapitre 46-82-10 concernant l'aide médicale de l'État. Cette dotation exceptionnelle a permis à l'État de rembourser la totalité des dettes constatées jusqu'en 2002, soit :

- 134 millions d'euros au titre de dettes - à l'égard des départements, des établissements de santé et des URSSAF - antérieures à la création de l'AME qui concernaient les dépenses de l'ancienne aide médicale ;

- 125 millions d'euros au titre des exercices 2000 et 2001 ;

- 186 millions d'euros au titre de l'exercice 2002.

b) Une réforme de plus grande ampleur de l'AME apparaît nécessaire

Le projet de loi de finances pour 2003 avait prévu une dotation de 233 millions d'euros au titre de l'AME. Mais la dépense prévisionnelle pour 2003 est d'ores et déjà bien supérieure à cette dotation inscrite en loi de finances initiale, les estimations faisant état de besoins situés entre 590 et 742 millions d'euros.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement envisage une réforme de l'AME selon quatre axes :

- un meilleur contrôle de l'ouverture des droits : il s'agit notamment de limiter le recours, devenu trop souvent systématique, aux déclarations sur l'honneur concernant l'identité et les conditions du séjour en France des demandeurs ;

- l'introduction d'un ticket modérateur : cette mesure avait été décidée par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 mais sa mise en oeuvre avait été suspendue, afin d'en évaluer l'impact en termes d'accès aux soins. Les concertations menées depuis décembre dernier ont conduit à plafonner ce ticket modérateur et à en exonérer les personnes présentant les pathologies les plus lourdes ;

- la limitation des remboursements aux soins médicalement indispensables ;

- la possibilité, pour les bénéficiaires de l'AME, d'accéder à la médecine de ville : cette simplification pour les usagers devrait également permettre de désengorger les services d'urgence des hôpitaux qui pourraient alors se concentrer sur les pathologies lourdes.

Votre rapporteur approuve cette démarche mais il doute que ces mesures soient suffisantes pour contenir totalement les dépenses d'AME , ainsi que le prévoit le présent projet de budget qui inscrit, au titre de ce dispositif, une dotation de 233 millions d'euros, soit une reconduction de la dotation ouverte en 2003.

Il estime qu'une réforme de plus grande ampleur de l'AME sera sans doute nécessaire et il demande que, dans ce cadre, une réflexion soit entamée sur la prévention sanitaire à destination des migrants, qui constitue un enjeu de santé publique de première importance.

* 1 Ces crédits regroupent les agrégats « Développement social » (23), « Intégration et lutte contre les exclusions » (24), « Famille et personnes handicapées » (25) et « Gestion des politiques de santé et de solidarité » (31).

* 2 Rapport n° 304 (2002-2003) de M. Bernard Seillier, fait au nom de la commission des Affaires sociales, sur le projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un revenu minimum d'activité.

* 3 Note d'orientation de la loi relative à l'égalité des chances des personnes handicapées, avril 2003.

* 4 Selon l'IGAS, près de la moitié des dossiers d'AME des années 2000 et 2001, soit 235 millions d'euros de prestations, a ainsi été reportée sur l'année 2002.

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