II. L'ÉVOLUTION DU RÉSEAU DES CENTRES CULTURELS ET DES ALLIANCES FRANÇAISES

A. LA RESTRUCTURATION EN COURS

J'avais évoqué, dans mon précédent rapport sur le projet de budget pour 2003, la nécessité de restructurer et de resserrer notre réseau culturel, qui est trop étendu pour les moyens que les gouvernements successifs semblent disposés à lui affecter.

Il faut se rendre au principe de réalité. Nous ne sommes plus en 1960, quand la France compensait l'affaiblissement de sa puissance dû à la perte de son empire colonial par un investissement considérable, en personnels et en moyens budgétaires pour soutenir son influence culturelle dans le monde et maintenir ses liens avec ses anciennes colonies par un dispositif impressionnant de coopération technique et culturelle.

De nos jours, l'influence culturelle, ce que les Américains appellent le « softpower », dont l'importance est reconnue et proclamée, n'est plus la priorité budgétaire d'aucun gouvernement et il y a bien longtemps qu'en ce domaine la distance entre les discours et les actes s'accroît ; force est de reconnaître que nul ne peut tout financer à la fois. Le développement réussi de l'audiovisuel extérieur a eu un coût, même s'il est en réalité modique. Les financements nécessaires ont été prélevés sur les outils traditionnels de proximité que sont les Centres culturels et les Alliances françaises. L'examen du dispositif actuel prouve que des synergies remarquables s'instaurent entre ce réseau de proximité et l'audiovisuel. Mais la pénurie budgétaire se conjugue avec l'obligation de faire évoluer les modes d'intervention culturelle pour valoriser de façon efficace le travail accompli par les personnels des quelque 151 centres culturels de statuts divers, répartis dans pas moins de 84 pays.

Le ministère des affaires étrangères semble avoir pris la mesure du caractère inadapté, car démesuré, de ce réseau . Ainsi, la « Stratégie ministérielle de réforme », qui décrit les futures missions du ministère pour préparer l'application de la Loi organique relative aux Lois de Finances, adoptée en 2001, et qui entrera en vigueur pour le PLF de 2006, retient l'objectif de promouvoir la création française à l'étranger dans les termes suivants : « les moyens d'interventions seront modernisés, les méthodes repensées en privilégiant la médiation culturelle. Le recours à des opérateurs spécialisés, qui disposent de l'expertise technique nécessaire , s'inscrira dans des contrats d'objectifs et de moyens qui seront élaborés en 2004 avec l'Association française pour l'action artistique (AFAA) et avec l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF) ».

L'objectif global est donc de déléguer à des opérateurs la gestion quotidienne des éléments de ce réseau, en réservant au ministère la charge de « pilotage stratégique » , un peu à l'image de nos actions d'aide au développement, dont la réalisation est confiée, de façon croissante, à l'Agence française de développement (AFD). En fait, depuis la création de l'AEFE (1990) et les diverses formes d'autonomie financière expérimentées au niveau des Services d'action culturelle ou des Centre eux-mêmes, cette évolution est largement entamée.

Cette inflexion peut être positive si elle s'accompagne d'une démarche active de reconfiguration du réseau qui est partiellement exsangue, car démesuré et si elle est réalisée en concertation avec les acteurs de terrain et dans des conditions respectueuses des personnels. Votre rapporteur est conscient que l'application de ce principe d'opportunité générale sera difficile, et qu'il n'existe pas de lignes de partage incontestables entre les établissements à sauvegarder, et ceux à fermer. Seule une démarche pragmatique peut permettre d'aboutir à des résultats concrets : si les bâtiments sont excentrés, difficiles d'accès, mal entretenus et donc peu fréquentés, il faut les fermer : il y va de l'image même de la France.

S'il existe une Alliance française dynamique dans la même ville qu'un centre culturel, elle doit être privilégiée, et réciproquement. Mais cela suppose que l'Alliance française soit en mesure de proposer des statuts et des conditions de rémunération convenables au personnel qui serait ainsi contraint à changer d'employeur. La complémentarité doit être recherchée, au détriment d'une concurrence souvent stérile, et toujours mal comprise par nos partenaires.

Une telle restructuration s'impose d'autant plus que notre pays dispose, sous une forme ou une autre, de près de 600 implantations culturelles sur tout le globe, alors que la Grande-Bretagne, souvent citée, à juste titre, en exemple, pour son réseau de « British Councils » n'en a que 220, et l'Allemagne 140 « Goethe Institut ».

Les centres devraient être dotés d'une réelle autonomie financière, condition indispensable à une gestion responsable par des directeurs et des agents comptables préparés à cette tâche. Les postes libérés par la fermeture de certains centres culturels devraient être affectés à un renforcement de ceux qu'il faut dynamiser, et non rendus au ministère du budget. Sinon, toute restructuration sera perçue par les agents du réseau culturel comme un sabordage déguisé.

Le ministère avance à pas comptés dans cette voie : les évolutions récentes intervenues dans le réseau sont très modestes, et plus liées à la situation intérieure des pays considérés qu'à une volonté déterminée, hormis le cas de l'Allemagne.

Ainsi, en 2002, des centres culturels ont-ils été ouverts à Tachkent et Tbilissi et, en 2003, à Kaboul, Sarajevo et Bakou.

En revanche, les fermetures sont toutes intervenues en Allemagne : 2002 : Hanovre, Rostock et Fribourg ; 2003 : Sarrebruck.

Des rapprochements et coordinations d'actions entre établissements et alliances situés dans une même ville ont été conduits à Zagreb, Lisbonne et Londres.

Quant aux moyens financiers, ils sont en légère décroissance pour les subventions accordées aux alliances, et en légère augmentation pour les centres culturels.

BILAN DES SUBVENTIONS ACCORDÉES AUX ALLIANCES,
ET AUX INSTITUTS ET CENTRES CULTURELS


Années

Montants
(en millions de francs)

Alliances françaises

Centres et Instituts

2000

11,6 M€

71 M€

2001

11,4 M€

69 M€

2002

11,8 M€

70 M€

2003

10,9 M€

72 M€

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