III. L'ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ
A. UNE RÉFORME CONTRE-PRODUCTIVE DU PRÊT À TAUX ZÉRO
1. Les caractéristiques du prêt à taux zéro
Le prêt à taux zéro (PTZ) offre un financement complémentaire aux particuliers qui souhaitent réaliser des opérations de construction ou d'acquisition d'un logement neuf, d'acquisition-amélioration d'un logement existant, et de location-accession pour chacun des types d'opérations précédents. Le PTZ est distribué par les établissements de crédit habilités à cet effet par convention, l'Etat leur versant une subvention destinée à compenser l'absence d'intérêt. Le PTZ est destiné, sous conditions de ressources, aux personnes physiques qui acquièrent un logement pour l'occuper en tant que résidence principale et qui n'ont pas été propriétaires de leur résidence principale au cours des deux dernières années précédant l'offre de prêt. Antérieurement au 16 octobre 2003, les plafonds de ressources à prendre en compte étaient ceux figurant sur l'avis d'imposition de l'avant dernière année précédant celle de l'offre de prêt émise (avis d'imposition délivré en 2001 pour une offre de prêt émise en 2003). Ces plafonds varient en fonction du nombre de personnes composant le ménage accédant à la propriété et de la zone d'implantation du logement.
PLAFOND DE RESSOURCES ANNUELLES IMPOSABLES
|
Nombre de personnes du ménage |
||||
|
1 |
2 |
3 |
4 |
5 et plus |
Ile-de-France (Euros) |
22 105,25 |
28 416,64 |
31 572,34 |
34 728,03 |
37 883,73 |
soit en net mensuel ( Euros) |
2 558,48 |
3 288,96 |
3 654,21 |
4 019,45 |
4 384,69 |
et en nombre de SMIC 1 : |
2,68 |
3,44 |
3,82 |
4,20 |
4,58 |
Province (Euros) |
18 949,56 |
25 260,95 |
28 416,64 |
31 572,34 |
34 728,03 |
soit en net mensuel ( Euros) |
2 193,24 |
2 923,72 |
3 288,96 |
3 654,21 |
4 019,45 |
et en nombre de SMIC 1 : |
2,29 |
3,06 |
3,44 |
3,82 |
4,20 2 |
Valeur du SMIC net fiscal au 1 er juillet 2003 : 956,43 €, soit 688,62 € imposables.
Source : Ministère du logement
Les modalités de remboursement du PTZ dépendent du revenu imposable du ménage, apprécié de la même manière que les plafonds de ressources. Cette forme de modulation des conditions de remboursement de l'aide publique permet d'ajuster les charges de remboursement aux capacités financières des ménages. Ainsi, les personnes sont classées selon sept tranches en fonction de leurs revenus, qui leur offrent des délais de différé plus ou moins longs et une subvention plus ou moins importante.
Le montant moyen du PTZ est de 16.100 euros. Sur l'année 2002, la subvention moyenne par prêt, représentant le coût budgétaire unitaire, est de 7.464 euros (7.928 euros en neuf et 7.000 euros en acquisition-amélioration).
Subvention moyenne (en euros)
|
Neuf |
Ancien |
Tranche 1 |
10 243 |
7 693 |
Tranche 2 |
9 490 |
7 785 |
Tranche 3 |
8 131 |
7 045 |
Tranche 4 |
4 883 |
4 412 |
Tranche 5 |
4 213 |
3 813 |
Tranche 6 |
3 175 |
2 962 |
Tranche 7 |
2 939 |
2 588 |
Moyenne toutes tranches |
7 928 |
7 000 |
Source : Ministère du logement
2. Les moyens budgétaires du PTZ
Dans le projet de loi de finances pour 2004, les crédits se répartissent ainsi :
- 550 millions d'euros sont inscrits en AP, soit une baisse de 29,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 ;
- 525 millions d'euros sont inscrits en CP, soit une baisse de 32,7 %.
Cette correction à la baisse est liée à une réforme du mode d'attribution des prêts, notamment en matière d'appréciation des ressources du demandeur. Par ailleurs, la faiblesse des taux d'intérêt est, comme l'année dernière, avancée par le Gouvernement pour justifier cette réduction.
3. La réforme proposée par l'arrêté du 16 octobre 2003
Le Gouvernement a procédé, avec la publication d'un arrêté le 16 octobre 2003, au « recalibrage » du PTZ pour améliorer, grâce à un allongement de la durée du différé des deux premières tranches, la situation des ménages disposant des revenus les plus bas (inférieurs à deux SMIC). Selon l'analyse du ministère, la réforme tend à corriger un défaut inhérent à la prise en compte des ressources, qui, reposant sur une référence relativement ancienne, à savoir les revenus perçus deux années avant la demande du prêt, permettait à certains ménages de bénéficier d'un PTZ particulièrement avantageux, alors que les revenus perçus au moment de l'octroi du prêt étaient très supérieurs.
Selon les statistiques fournies à votre rapporteur pour avis, dans la population des bénéficiaires de PTZ en 2002, l'augmentation moyenne des revenus constatée entre l'année N-2 et N s'élève à 25 % pour l'ensemble des tranches du barème et même à 68 % pour les ménages situés dans la première tranche, c'est à dire ceux disposant des revenus les plus élevés au regard des barèmes. Dès lors, ces bénéficiaires disposaient des PTZ avec les délais de différé les plus longs, alors que les revenus perçus l'année N les auraient placés dans les tranches élevées du barème. Il est ainsi désormais prévu de prendre en référence les revenus connus les plus récents, ceux de l'année N-1, comme le font actuellement les établissements de crédit dans l'octroi du prêt principal, afin de supprimer cet « effet d'aubaine » et pour redéployer une partie de l'économie réalisée sur les ménages qui en ont le plus besoin et dont les revenus courants se situent entre un et deux SMIC.
Votre rapporteur pour avis considère que cette réforme, même si elle vise à concentrer les moyens budgétaires en faveur de l'accession à la propriété vers les personnes qui en ont le plus besoin, va se traduire par une baisse massive des bénéficiaires. Au surplus, il constate que l'amélioration du différé pour les deux premières tranches s'accompagne d'un raccourcissement de ce différé, parfois très sensible, pour les autres tranches du barème.
4. Une baisse prévisible du nombre de bénéficiaires
Cette réforme s'ajoute aux autres mesures prises depuis 1997 qui ont eu pour effet de limiter le coût du PTZ et le nombre des bénéficiaires. Entre 1997 et 2002, le nombre de bénéficiaires a diminué de plus de 17 %. Les deux premiers trimestres de l'année 2003 montreraient également une tendance à la baisse de l'ordre de 7 %. Le changement de critère d'éligibilité est applicable à compter du 3 novembre 2003. La diminution et la redistribution des effectifs entre les tranches s'appliqueront donc sur les deux derniers mois de l'année 2003. Compte tenu du nombre de prêts déjà émis depuis le début de l'année, le nombre de PTZ qui seraient émis en 2003 est estimé à environ 95.000. Le ministère affirme que ce niveau devrait être maintenu en 2004, ce dont votre rapporteur pour avis est amené à douter au vu des chiffres.
NOMBRE DE PRÊTS À TAUX ZÉRO
année |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
PTZ émis |
145 000 |
123 000 |
111 200 |
126 266 |
111 000 |
102 000 |
101 323 |
PTZ mis en force |
117 900 |
129 150 |
109 200 |
116 858 |
112 169 |
101 893 |
102 124 |
Source : Ministère du logement
Votre rapporteur pour avis ne peut, à titre personnel, que regretter cette évolution préjudiciable au développement de l'accession sociale à la propriété, qu'il juge contradictoire avec les ambitions affichées par le Gouvernement en la matière . Comme il l'avait déjà fait valoir l'année dernière, ce prêt bénéficie pourtant aux ménages les plus modestes. En effet, les catégories socioprofessionnelles les plus concernées sont les ouvriers (33 %), les employés (28 %) et les professions intermédiaires (21,5 %). Ce constat a d'ailleurs été appuyé par le travail d'évaluation sur le PTZ réalisé conjointement par l'inspection générale des finances, le conseil général des ponts et chaussées et le directeur de l'Agence nationale d'information sur le logement. En outre, cette aide contribue à la mobilité dans le parc locatif, puisque 85 % des accédants avec un PTZ sont d'anciens locataires (dont 20 % de locataires HLM).
Enfin, ce prêt a largement contribué à améliorer la situation du secteur du bâtiment et constitue l'un des moteurs de la dynamique des mises en chantier. L'effet de levier du dispositif est évalué à environ 2,5, ce qui signifie que 250 millions d'euros de subventions versées en moins cette année pourraient entraîner une baisse importante d'activité économique pour les entreprises de la construction.
B. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE FORMULE D'ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ
Le Gouvernement a décidé de mettre en place un nouveau dispositif d'aide à la location-accession 2 ( * ) destiné aux ménages ayant des revenus inférieurs aux plafonds du prêt à l'accession sociale (PAS). Cette nouvelle formule, le prêt social location accession (PSLA) , leur permettra de bénéficier d'une TVA à taux réduit et d'une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant 15 ans. A l'issue d'une phase locative qui ne devrait pas excéder quatre ans mais qui permettra de constituer une épargne et donc un apport personnel, les ménages pourront alors rentrer dans une phase d'accession à la propriété. Un dispositif transitoire sera mis en place pour permettre la distribution de ce nouveau produit dès le début de l'année 2004.
Votre rapporteur pour avis estime néanmoins que cette mesure, même si elle mérite d'être saluée, aura vraisemblablement un impact limité.
* 2 Le contrat de location-accession est défini par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984.