B. L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
Le coût du drame de l'amiante monte progressivement en puissance, maintenant que les principaux éléments du cadre législatif sont fixés.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général est le principal contributeur des deux fonds créés pour assurer l'indemnisation des victimes de l'amiante : le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).
Les contributions de la branche AT-MP pèsent de plus en plus sur les comptes de la branche. La CNAM AT-MP contribuerait ainsi pour 2,5 milliards d'euros au financement des fonds sur la période 2000-2004, soit une contribution moyenne de près de 500 millions d'euros par an.
Le tableau suivant retrace les dotations versées par la CNAM AT-MP aux fonds liés à l'amiante.
Les dotations de la CNAM AT-MP aux fonds liés à l'amiante
1. Le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA)
L'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé une allocation de cessation anticipée d'activité, c'est-à-dire une préretraite, destinée aux travailleurs de l'amiante âgés de plus de 50 ans, et a également institué le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) qui finance cette allocation.
Le dispositif était initialement ouvert aux personnes atteintes d'une maladie professionnelle liée à l'amiante et aux personnes ayant travaillé dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante.
L'article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a élargi le dispositif aux personnes ayant travaillé dans un établissement de flocage et de calorifugeage à l'amiante, de même qu'il a été étendu aux personnes qui avaient exercé un métier dans un établissement de construction ou de réparation navale ou avaient été « ouvriers dockers professionnels ».
Un arrêté du 3 décembre 2001 a étendu le dispositif aux personnes atteintes de plaques pleurales. L'article 54 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a également étendu le dispositif aux salariés agricoles reconnus atteints d'une maladie professionnelle liée à l'amiante. Depuis le 1 er janvier 2003, quatre arrêtés complétant et modifiant les listes d'établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation ont été pris. Le dispositif couvrant les secteurs d'activité où l'amiante a été le plus largement utilisé, il n'est pas envisagé de nouvelle extension de son périmètre.
Le nombre d'allocataires présents dans le dispositif, inférieur à 4.000 personnes fin 2000, s'élevait à 13.519 personnes fin juin 2002. Fin juin 2003, 21.936 personnes percevaient ou avaient perçu cette allocation.
a) Les charges du FCAATA
En raison de l'augmentation du nombre de bénéficiaires, le montant de l'allocation - versé mensuellement par les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et financé par le fonds - ne cesse d'augmenter. En outre, le fonds prend à sa charge les cotisations d'assurance volontaire vieillesse et les cotisations de retraite complémentaire des bénéficiaires de l'allocation. Enfin, le fonds rembourse les frais de gestion avancés par les différents acteurs du dispositif : CNAMTS et CRAM, qui verse l'allocation, et la Caisse des dépôts et consignations, qui verse aux organismes concernés les prises en charge de cotisations.
Ainsi, en 2003, les charges totales du FCAATA ont doublé par rapport à 2002 (166,4 millions d'euros) pour s'établir à 324,5 millions d'euros.
b) Les produits du FCAATA
Initialement, l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait instauré, pour financer les charges du fonds, une contribution de l'Etat et une contribution de la branche AT-MP du régime général.
L'article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a substitué à la contribution de l'Etat (30,5 millions d'euros) une rétrocession, pour un montant équivalent, d'une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs (article 5 de la loi de finances pour 2000). Enfin, l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a substitué à la rétrocession précédente une rétrocession d'une fraction égale à 0,39 % du produit du droit de consommation sur les tabacs. Cette fraction a été ramenée à 0,35 % de ce produit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 et serait ramenée à 0,32 % par la loi de finances pour 2004.
L'Etat ayant finalement financé seul le fonds l'année de son démarrage en 1999, à hauteur d'une avance de 15,2 millions d'euros, qui s'était révélée largement suffisante pour couvrir les premières charges, le résultat du fonds en 1999, soit 6,6 millions d'euros, a été repris par l'Etat.
La contribution de la branche AT-MP du régime général n'a alors été effective qu'à partir de 2000 : elle a été fixée par arrêté en 2000 et 2001, et est inscrite en loi de financement de la sécurité sociale depuis 2002.
En 2001, les rentrées de droit de consommation sur les tabacs de 31,5 millions d'euros, et la contribution de la branche AT-MP fixée à 205,8 millions d'euros (après 102,9 millions d'euros en 2000) permettaient au fonds de dégager un résultat net largement excédentaire de 71,6 millions d'euros, équivalent au résultat net acquis en 2000 (79,4 millions d'euros).
En 2002, une contribution de la branche AT-MP 21 ( * ) a permis au fonds d'assurer un résultat net excédentaire de 10,4 millions d'euros.
La contribution de la branche AT-MP pour 2003 avait été fixée à 450 millions d'euros. L'article 46 du présent projet de loi de financement fixe le montant de la contribution de la branche AT-MP pour 2004 à 500 millions d'euros. L'exposé des motifs indique que ce montant a été fixé « compte tenu d'une anticipation de croissance des dépenses et d'un produit correspondant à 0,25 % des droits de consommation sur le tabac ». Or le projet de loi de finances pour 2004 prévoit que 0,32 % des droits de consommation sur le tabac sont affectés au FCAATA. Il a été indiqué à votre rapporteur pour avis que le montant de 500 millions d'euros correspondait bien à une anticipation de produits de 0,32 % des droits de consommation sur le tabac, et non de 0,25 % comme indiqué dans l'exposé des motifs.
Le FCAATA recevrait donc 500 millions d'euros au titre de la dotation de la branche AT-MP, environ 30 millions d'euros au titre des droits de consommation sur le tabac et détient encore 140 millions d'euros au titre des dotations antérieures.
2. Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA)
Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) a été institué par l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 afin de procéder à la réparation intégrale des préjudices subis par les personnes ayant obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante ou par les personnes ayant été directement exposées à l'amiante.
S'agissant des perspectives de financement, il est rappelé que le FIVA a été doté comme suit, tant au titre des lois de finances qu'au titre des lois de financement de la sécurité sociale de 2001 à 2003 :
Dotations du FIVA de 2001 à 2003
( en millions d'euros )
Dotations du FIVA |
État |
Branche AT/MP |
Total des ressources |
2001 |
|
438 |
438 |
2002 |
38 |
180 |
218 |
2003 |
40 |
190 |
230 |
Total au 31/12/2003 |
78 |
808 |
886 |
Le FIVA, qui n'a été installé qu'en avril 2002, est en mesure de recevoir les dossiers des victimes depuis le 1 er juillet 2002, date de mise à disposition des formulaires de renseignements nécessaires à l'instruction des demandes.
Dans l'attente de l'adoption du barème indicatif par le Conseil d'administration du FIVA au début de l'année 2003, le FIVA a répondu aux demandes d'indemnisation déposées par les victimes des maladies de l'amiante par le versement de provisions. L'adoption du barème indicatif a permis, compte tenu du délai d'instruction des demandes, que les premières offres définitives soient proposées dès le mois de mars et versées dès le mois d'avril 2003.
Au 6 août 2003, le montant total des sommes versées par le FIVA s'élève à 59 millions d'euros dont 42 millions au titre des provisions et 17 millions au titre des offres, déduction faite des provisions déjà versées. Cette somme correspond aux offres acceptées par les victimes et payées par le FIVA; elle n'équivaut pas au montant total des offres proposées. En effet, le délai de deux mois accordé au demandeur pour accepter ou refuser l'offre du FIVA décale d'autant le versement potentiel.
Depuis que le FIVA est en capacité de proposer des offres définitives, le rythme des dépenses s'accélère. Ainsi, sur les 17 millions d'euros versés au 6 août 2003, 2,06 millions d'euros ont été versés au mois d'avril, 2,9 millions d'euros au mois de mai, 4,9 millions d'euros au mois de juin et 6,25 millions d'euros au mois de juillet. Cette croissance devrait se confirmer durant le deuxième semestre 2003.
Pour 2004 , il est proposé, par l' article 47 du présent projet de loi de financement, de fixer la dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles à 100 millions d'euros , ce qui, compte tenu des dotations déjà votées et de besoins du fonds, permet de lisser les dotations de la branche AT-MP.
Vers une réparation intégrale du risque ?
A la suite du rapport de M. Roland Masse, M. Michel Yahiel avait été chargé de conduire une réflexion sur les conditions de mise en place d'une réparation intégrale des risques professionnels. Il a remis son rapport à Mme Elisabeth Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, en avril 2002.
En effet, compte tenu notamment du développement de systèmes de réparation de « droit commun » et de l'évolution de la jurisprudence, la législation des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui repose sur le « compromis » d'avril 1898, mérite un réexamen approfondi.
L'évolution vers la réparation dite « intégrale » est ainsi une possibilité mise en avant par les associations de victimes. Toutefois, comme l'a souligné le rapport de M. Michel Yahiel, « la pauvreté des informations disponibles pour éclairer d'éventuelles décisions » et l'absence d'éléments d'analyse sérieux sur les incidences économiques des choix possibles « d'un point de vue général, mais aussi au regard des gains et pertes à anticiper pour les victimes » montrent « l'extrême incertitude entourant les conditions de réalisation et les conséquences de la réparation intégrale, à commencer par son coût ».
Il apparaît ainsi impossible de s'avancer dans la voie de la réparation intégrale, avant même d'en avoir mesuré les conséquences, notamment financières.
Dans son rapport, M. Michel Yahiel préconisait une méthodologie pour concevoir la réforme. Il proposait notamment :
- de confier à la CNAMTS une série d'études et de simulations économiques portant sur un certain nombre de situations concrètes afin de mesurer les enjeux financiers du passage à la réparation intégrale, ainsi que les écarts d'indemnisation moyens entre la branche AT-MP et le régime de droit commun ;
- d'examiner, sous l'égide du Haut comité médical de la sécurité sociale, les conditions dans lesquelles le barème habituellement utilisé dans le régime d'indemnisation de droit commun pourrait être appliqué, en matière de préjudice physiologique, aux accidents du travail et maladies professionnelles.
M. Yahiel proposait également de mettre en place un comité de pilotage associant la direction de la sécurité sociale, la direction des relations du travail et la CNAMTS, qui sera chargé d'approfondir l'expertise sur la réparation intégrale dans ses aspects juridiques, financiers et organisationnels.
Un comité de pilotage associant la direction de la sécurité sociale, la direction des relations du travail et la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés a donc été mis en place. Il est chargé d'approfondir l'expertise sur la réparation intégrale dans ses aspects juridiques, financiers et organisationnels.
Ce comité de pilotage qui a été conduit par M.Yahiel, puis par M. Laroque, inspecteur général des affaires sociales, vient de terminer une série de travaux relatifs :
- aux études et simulations de la CNAMTS à partir d'une double évaluation des préjudices dans le cadre de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) et dans le droit commun ;
- aux études du Haut comité médical de la sécurité sociale portant sur la comparaison des barèmes applicables en AT/MP et en droit commun et les possibilités d'adaptation de ce dernier aux AT/MP ;
- à l'étude des évolutions jurisprudentielles récentes en matière de réparation des accidents du travail et maladies professionnelles.
Les travaux ont été complétés d'une analyse de la situation dans divers pays européens. Des études complémentaires doivent être menées notamment sur le préjudice professionnel et le reclassement professionnel et leurs conséquences financières, ainsi que sur les maladies professionnelles. Par ailleurs, l'impact social et financier, pour les différentes catégories de bénéficiaires, d'un passage à la réparation intégrale doit encore être précisé et affiné.
Ces travaux, qui ont fait l'objet d'une note d'étape remise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité au mois de juillet, doivent permettre d'arrêter des orientations pour la suite des travaux techniques. Par ailleurs, une consultation des partenaires sociaux et des associations les plus concernées sur ces premiers éléments est envisagée afin d'établir avant la fin de cette année un rapport définitif sur la faisabilité et les enjeux de la réforme.
Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur pour avis
* 21 Initialement fixée à 200 millions d'euros par la loi de financement pour 2002, elle fut rectifiée et portée à 300 millions d'euros dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 pour tenir compte d'une réévaluation à la hausse des charges à couvrir.