B. LES AMÉLIORATIONS PROPOSÉES
Votre rapporteur approuve l'équilibre général du projet de loi, ne souhaitant l'amender que sur trois points. Il souligne la nécessité de mettre en oeuvre prudemment les nouveaux concepts juridiques, de pouvoir mieux évaluer le coût de la prise en charge de l'asile, de développer les centres d'hébergement et de garantir les moyens de l'OFPRA et de la CRR.
1. La référence au protocole de 1967
Le premier amendement proposé par votre rapporteur consiste à introduire dans l'article 1 er du projet de loi la référence au protocole du 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés . Cette modification est d'ailleurs souhaitée par le HCR.
En effet, en raison des circonstances historiques préludant à l'adoption de la convention en 1951, son champ d'application comprenait une limitation temporelle et, selon l'option des Etats contractant, une limitation géographique, le statut de réfugié ne pouvant être reconnu qu'à la suite de persécutions résultant « d'événements survenus avant le premier janvier 1951 », ces événements pouvant être compris comme restreints à l'Europe.
De nouvelles catégories de réfugiés étant apparues, le protocole du 31 janvier 1967 a permis de ne plus tenir compte des limitations, temporelle et géographique, donnant à la convention de Genève la portée universelle que nous lui connaissons aujourd'hui et à laquelle la France a adhéré le 3 février 1971.
Il apparaît donc souhaitable d'introduire cette référence complémentaire qui est, en fait, le fondement de l'application de la convention de Genève aux conflits contemporains.
2. Mieux assurer l'indépendance de la Commission des recours des réfugiés
Les deuxième et troisième amendements proposés par votre rapporteur visent à mieux assurer l'indépendance de la commission des recours des réfugiés en clarifiant sa situation juridique.
En effet, organiquement rattachée à l'OFPRA, dont elle dépend pour son fonctionnement, la Commission doit être confortée dans son statut de juridiction administrative indépendante dont les décisions relèvent en cassation du Conseil d'Etat , d'autant qu'elle va désormais traiter l'ensemble du contentieux de l'asile, y compris celui qui était dévolu, au titre de l'asile territorial, aux tribunaux administratifs.
Le deuxième amendement confirme, en l'inscrivant dans la loi, la qualité de juridiction administrative de la CRR, jusqu'à présent uniquement reconnue par la jurisprudence depuis l'arrêt du Conseil d'Etat, Paya Monzo , du 29 mars 1957 et confirmée par la décision du Conseil constitutionnel n°98-399 du 5 mai 1998 sur la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile.
Le troisième amendement précise que les décisions de la CRR, comme les arrêts rendus par les cours administratives d'appel et toutes les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions administratives (article L. 821-1 du code de justice administrative), peuvent être déférées au Conseil d'Etat par la voie du recours en cassation.
Enfin, votre rapporteur , en confortant le statut, l'indépendance et l'appartenance de la CRR à la justice administrative, souhaite que le gouvernement la dote d'un budget propre . Il semble, en effet, indispensable qu'une juridiction administrative, saisie de plus de 30 000 recours et rendant plus de 25 000 décisions par an, puisse disposer et gérer son propre budget de manière autonome, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et le budget de la Commission est inclus dans celui de l'organisme dont elle contrôle les décisions.
Il est donc souhaitable de conférer par la loi à la commission un statut mieux assuré et, par un décret futur, une pleine autonomie de gestion garantissant son indépendance dans de meilleures conditions.
3. Une application prudente des nouveaux concepts
Comme l'a souligné votre rapporteur dans l'examen des dispositions du projet de loi, les concepts nouveaux introduits dans notre droit par le projet et qui se fondent sur les projets de directives ou les pratiques de nos partenaires, suscitent certaines réserves, souvent motivées par les inquiétudes que suscitent leur application future.
Il est donc souhaitable que l'OFPRA puisse en faire une application prudente, par l'examen individuel de chaque demande et éclairé par les circonstances de fait.
Cette observation paraît, à votre rapporteur, d'autant plus justifiée en ce qui concerne les agents de protection . En effet, conformément au projet de directive, le gouvernement, en même temps qu'il reconnaît l'existence de persécutions non étatiques, reconnaît la possibilité d'un asile interne et la possibilité que des personnes persécutées puissent trouver une protection auprès d'autres acteurs que l'Etat, c'est-à-dire des organisations internationales, des partis ou des organisations. Invoquer l'existence de tels agents de protection nécessitera une analyse poussée des circonstances au moment de l'examen de la demande pour ne pas risquer de porter atteinte aux droits des demandeurs.
En ce qui concerne plus particulièrement le rôle des organisations internationales, le HCR lui-même considère que le contrôle et l'autorité d'une organisation internationale ne peuvent être considérés comme équivalents à la protection d'un Etat. Comme l'histoire récente l'a montré à travers les exemples dramatiques de la Bosnie ou du Rwanda, les organisations internationales ne sont pas toujours en mesure de faire respecter le droit, même si dans certaines circonstances, avec l'appui militaire des Etats, elles peuvent avoir un rôle déterminant comme au Kosovo.
Votre rapporteur souhaite néanmoins tempérer les critiques fortes qui sont émises au sujet de l'introduction des nouveaux concepts juridiques introduits par la loi . L'expérience des officiers de protection de l'OFPRA constitue à cet égard une garantie forte qui s'ajoute au cadre légal dans lequel ils exercent leur mission.
4. Mieux connaître le coût global de la prise en charge des demandes d'asile
Au cours de l'étude du projet de loi, votre rapporteur a constaté que le coût global de la prise en charge des demandes d'asile était mal connu . Ce coût relève en effet de trois ministères principaux : le ministère des affaires sociales pour les aspects sociaux, les ministère de l'intérieur pour le séjour, l'asile territorial et éventuellement la reconduite à la frontière et enfin le ministère des affaires étrangères pour l'OFPRA et la CRR. Or, non seulement il n'existe pas de données agrégées fiables recensant l'ensemble de ces dépenses mais, de plus, dans un certain nombre de cas, les dépenses occasionnées par les demandeurs d'asile ne sont pas individualisées en tant que telles , qu'il s'agisse de l'activité administrative des préfectures ou de certaines prises en charge médicales ou sociales.
Il est donc indispensable qu'à l'avenir et dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique sur les lois de finances (LOLF), chaque ministère responsable identifie le traitement de l'asile comme une action spécifique à l'intérieur d'un programme ministériel . Leur addition permettra de mieux connaître le coût global de cette politique. Plus encore, cela permettra d'exercer les arbitrages adaptés sur les conséquences financières de telle ou telle mesure.
Il serait également souhaitable que la politique d'asile face l'objet d'un projet coordonné de politique interministérielle (PCPI), sous la direction du ministère des affaires étrangères , pour coordonner l'action des différents ministères et assurer la cohérence de notre politique d'asile en intégrant la prise en charge des demandeurs pendant la durée de la procédure, les conditions d'admission sur le territoire et, éventuellement, d'éloignement en cas de rejet, et l'intégration des réfugiés.
5. L'indispensable augmentation du nombre de places d'hébergement
En raison de la durée beaucoup trop importante des procédures, les centres d'accueil dévolus aux réfugiés sont aujourd'hui saturés . Cette situation entraîne des surcoûts élevés et l'éviction de personnes vers d'autres dispositifs d'accueil.
Face à ce problème le gouvernement a, d'une part, l'intention d'augmenter le nombre de places dans les CADA de 15 à 17 000 d'ici 2005 et, d'autre part, grâce à la réduction des délais des procédures, d'au moins doubler les capacités d'accueil, dans la mesure où les demandeurs y séjourneraient six mois au lieu de un à deux ans actuellement.
Evolution des places disponibles et du nombre de centres depuis 1998
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
06/2003 |
|
Capacité CADA |
3 558 |
3 781 |
4 756 |
5 282 |
10 357* |
11 480 |
Nombre de centres |
61 |
63 |
73 |
83 |
151* |
165 |
Capacité autres transit |
126 |
126 |
126 |
126 |
126 |
146 |
Nombre de centres |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
|
Total des capacités |
3 684 |
3 907 |
4 882 |
5 400 |
10 483* |
11 626 |
* dont 1 200 places d'AUDA (Accueil d'urgence des demandeurs d'asile) transformées en CADA au 1 er janvier 2002, 3 000 places nouvelles et 535 places nouvelles supplémentaires ouvertes par anticipation (LFI 2003)
Votre rapporteur considère cependant qu'une capacité annuelle de 34 000 places environ reste très en deçà (un peu plus d'un tiers des demandeurs) de ce qui serait nécessaire pour pouvoir donner la priorité à ce type d'hébergement .
Il est souhaitable de multiplier les places d'hébergement afin de mieux garantir les droits des demandeurs. Les statistiques révèlent que le taux de succès des demandes est nettement plus élevé pour les personnes logées dans les CADA, qui bénéficient d'un accompagnement et d'une aide dans leurs démarches administratives et devant l'OFPRA. Il serait également possible aux associations d'entreprendre des actions de formation et d'adaptation à la société française (apprentissage du français, connaissance générale sur la France, préparation à l'intégration professionnelle), comme cela se pratique à l'étranger. Héberger un plus grand nombre de demandeurs dans des centres appropriés permettra d'éviter des hébergements d'urgence et certaines prises en charge sociale. Cela faciliterait, enfin, l'exécution d'un plus grand nombre de mesures d'éloignement.
C'est pourquoi, en ce fondant sur le nombre des demandes depuis plusieurs années , soit entre 20 et 50 000 demandes annuelles auxquelles s'ajoutent les demandes d'asile territorial -entre 10 et 30 000 demandes annuelles-, votre rapporteur estime qu'une augmentation de la capacité d'accueil, de l'ordre de 25 %, serait souhaitable .
6. La garantie des moyens humains et matériels consacrés au traitement des demandes et des recours
Enfin, la capacité de traitement des données par l'OFPRA et la CRR est fondamentale pour la réussite de la réforme de l'asile.
Il est donc nécessaire d'augmenter les moyens de ces deux organismes . Le budget 2004 répond à ce besoin, dans la mesure où il prévoit une augmentation de près de 9 millions d'euros du budget de l'OFPRA. Celui-ci passera de 28,5 à 38,28 millions d'euros et 196 emplois seront créés.
Il est indispensable de poursuivre les efforts de productivité déjà entrepris et d'améliorer la coordination interministérielle . Ainsi, il est prévu que la Commission des recours fasse l'objet d'un audit pour estimer les possibilités de réduction des délais des procédures de jugement et le nombre de personnels nécessaires à la réduction du stock (25 emplois sont conditionnels). En outre, une expérimentation doit être entreprise dans la région Rhône-Alpes pour mettre en place une plate-forme régionale regroupant les différents services compétents et susceptibles d'améliorer très sensiblement les délais de traitement.