B. LA SÉCURISATION DES ÉCHANGES
Hormis la levée de certains aléas et obstacles juridiques, le projet de loi tend à conforter l'essor des échanges électroniques en renforçant leur sécurisation.
1. La prise en compte du caractère transfrontalier des échanges
Au-delà des questions de portée symbolique
telles que
la
définition du commerce électronique
ou la proclamation
du
principe du libre exercice de cette activité
- aspects du
texte mis en exergue par les travaux de l'Assemblée nationale - les
articles 6 à 8
du projet de loi définissent, par
transposition de la directive du 8 juin 2000, le cadre juridique applicable
à des échanges qui se caractérisent par leur
caractère transfrontalier. Ils délimitent le champ d'exercice de
l'activité de commerce électronique et posent les règles
de détermination de la loi applicable au contrat.
Ainsi, comme le prévoit la directive, certaines
activités
telles que les jeux d'argent, la représentation en justice ou encore le
notariat sont
exclues
du champ du commerce électronique ; en
outre, lorsque cette activité est exercée par une personne
établie dans un Etat membre de la Communauté européenne
autre que la France, celle-ci est assujettie au respect de certaines
législations dans des domaines sensibles tels que les assurances, la
fiscalité, le droit de la propriété intellectuelle ou
encore le droit de la concurrence et de la concentration économique.
Enfin, l'article 8 introduit une
clause de sauvegarde
permettant
à l'autorité administrative de déroger au principe de la
liberté du commerce électronique sur le territoire national dans
des cas limitativement énumérés tels que le maintien de
l'ordre public, la protection des mineurs ou de la santé publique, ou la
préservation des intérêts de la défense nationale.
Concernant la
loi applicable
, l'
article 7
désigne la
loi du pays d'établissement du prestataire
, sous réserve
de la commune intention des parties et, pour les contrats conclus avec les
consommateurs, des mesures protectrices définies par la convention de
Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
2. Des exigences accrues en matière de transparence et de formalisme protecteur
Conformément à l'objectif affiché par le
considérant n° 30 de la directive du 8 juin 2000 en vertu
duquel «
dans l'intérêt de la protection des
consommateurs et de la loyauté des transactions, les communications
commerciales [...] doivent respecter un certain nombre d'obligations relatives
à la transparence
», l'article 9 du projet de loi
énonce les informations qui doivent être portées à
la connaissance des clients potentiels et permettent
l'identification du
prestataire
.
Par ailleurs, et au-delà du champ du seul commerce électronique,
l'
article 14
du projet de loi tend à encadrer la
procédure de conclusion des contrats de façon à
protéger la personne qui accepte une offre émanant d'un
professionnel
. A cet effet, il insère trois nouveaux articles dans
le code civil qui précisent les obligations à la charge dudit
professionnel et, en particulier, les conditions de pérennité de
son engagement juridique, les mentions qui doivent figurer dans l'offre pour
renseigner le cocontractant sur la procédure à suivre et les
conditions ultérieures d'accès au contrat archivé, ainsi
que l'exigence d'une étape de confirmation de l'acceptation de l'offre
après vérification de sa teneur, procédure dite du
« double clic ».
Enfin, l'
article 16
du projet de loi crée une
obligation de
conserver l'écrit électronique constatant le contrat lorsque
celui-ci porte sur un montant d'une certaine importance
, dont la
détermination est renvoyée à un décret. Cette
mesure, en l'absence d'écrit sur support papier, doit faciliter
l'administration de la preuve et permettre, le cas échéant, de
produire le contrat à titre de pièce justificative.
3. Une nouvelle donne pour la cryptologie
La
confiance que peuvent avoir les utilisateurs dans l'économie
numérique dépend largement des conditions techniques dans
lesquelles les échanges de toute nature, intervenant par voie
électronique, sont opérés. Parmi celle-ci, la
sécurité des transactions est essentielle. Elle repose sur
l'utilisation de procédés de cryptologie par les prestataires de
la société de l'information.
Des algorithmes permettent ainsi de chiffrer les données circulant sur
les réseaux de communication publique en ligne. Ce chiffrement a deux
objets distincts.
Il peut d'abord permettre d'authentifier ou de contrôler
l'intégrité des données transmises par voie
électronique. Parmi les techniques utilisées, on peut notamment
ranger le moyen nouveau de la signature électronique
6(
*
)
. Elle certifie l'identité
de l'auteur de données adressées par voie électronique.
Mais le chiffrement peut aussi avoir pour objet d'assurer la
confidentialité des échanges de données. Il rend ainsi ces
données inintelligibles aux personnes qui ne détiendraient pas
une clé susceptible de les décoder.
La libéralisation progressive du régime applicable à
la cryptologie
En France, les procédés de cryptologie ont longtemps
été considérés comme stratégiques pour la
défense nationale et la préservation de la sécurité
intérieure et extérieure de l'Etat. En conséquence la
détention, l'utilisation et la fourniture de moyens de cryptologie ont
fait l'objet d'une réglementation particulièrement stricte.
La rigueur du régime adopté par la France en matière de
cryptologie faisait d'ailleurs figure d'exception parmi les Etats
démocratiques. Ces derniers ont en effet opté, pour la plupart,
en faveur d'un régime de liberté en matière de
cryptologie
7(
*
)
, cette
liberté étant parfois restreinte s'agissant de l'exportation de
moyens de cryptologie
8(
*
)
.
Toutefois, depuis une dizaine d'années, le régime juridique de la
cryptologie a fait l'objet d'une libéralisation par étapes.
Ainsi, l'article 28 de la loi n° 90-1170 du 29 décembre 1990
sur la réglementation des télécommunications,
assouplissant le régime antérieurement applicable a, dans un
premier temps, soumis tant l'utilisation que la fourniture de moyens de
cryptologie à un régime administratif de déclaration ou
d'autorisation préalable auprès du Premier ministre.
La loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications a accentué cette libéralisation
en soumettant à un régime de liberté totale l'utilisation
de moyens de cryptologie visant exclusivement à assurer l'identification
et le contrôle de l'intégrité des données
transmises. Elle a soumis, d'une part, l'utilisation des moyens visant à
assurer la confidentialité des données à un régime
d'autorisation ou, le cas échéant, à l'intervention d'un
« tiers de confiance », agréé par
l'autorité administrative et chargé de détenir les
clés de chiffrement et, d'autre part, la fourniture, l'exportation et
l'importation de moyens de cryptologie à un régime de
déclaration ou d'autorisation préalable.
Cette loi a également ouvert la possibilité à des
décrets en Conseil d'Etat de prévoir qu'aucune formalité
administrative ne serait exigée pour l'utilisation ou la fourniture de
certains matériels de cryptologie qui, compte tenu de leurs
caractéristiques techniques, ne constituaient pas un danger pour la
sécurité de l'Etat. Sur ce fondement, plusieurs moyens de
cryptologie ont vu les conditions de leur utilisation ou de leur fourniture
considérablement assouplies
9(
*
)
.
Le chapitre Ier du titre III du présent projet de loi procède
à une réforme complète du régime de la cryptologie,
en
accentuant plus encore la libéralisation des conditions
d'utilisation et de fourniture des moyens de cryptologie.
La libéralisation achevée du régime applicable
à la cryptologie proposée par le présent projet de loi
Après avoir défini plus largement les moyens et prestations de
cryptologie à l'
article 17
, le présent projet de loi, en
son
article 18
, libéraliserait totalement l'utilisation de ces
moyens et assouplirait les conditions de leur fourniture, de leur importation
et de leur exportation. Deux régimes -déclaration ou autorisation
préalables- coexisteraient.
L'
article 19
prévoit que l'activité de fourniture de
prestation de moyens de cryptologie serait désormais soumise à un
simple régime de déclaration préalable.
Les
articles 20 et 21
du projet de loi visent à responsabiliser
davantage les acteurs de la cryptologie en prévoyant des régimes
de présomption de responsabilité à l'égard des
prestataires de services de confidentialité et des prestataires de
services de certification électronique.
Parallèlement à cette libéralisation, il convenait
cependant de
renforcer les sanctions applicables aux personnes ne
satisfaisant pas aux formalités exigées par la loi.
L'
article 22
confère au Premier ministre un pouvoir de sanction
administrative à l'encontre des fournisseurs de prestations de
cryptologie qui n'auraient pas satisfait aux formalités exigées
par l'article 18.
Les
articles 23 et 24
du projet de loi sanctionnent pénalement la
violation des obligations définies aux articles 18, 19 et 22 et
prévoient des modalités particulières de constatation de
ces infractions.
Créant un nouvel article 132-77 dans le code pénal, l'
article
25
du présent projet de loi accentue la répression
pénale des infractions, lorsque leurs auteurs ont utilisé des
moyens de cryptologie en vue de les commettre. Il prévoit cependant
que ces aggravations de peines ne seraient pas applicables aux personnes qui
auraient remis aux autorités judiciaires ou administratives les
données mises au clair ainsi que les conventions secrètes
indispensables à leur déchiffrement.
Le présent projet de loi renforce par ailleurs les moyens mis
à la disposition des pouvoirs publics pour réprimer les
comportements délictueux résultant de l'utilisation des
procédés de cryptologie
.
L'
article 26
tend ainsi à pérenniser les dispositions de
la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à
la sécurité quotidienne, imposant aux personnes fournissant des
prestations de cryptologie de remettre leurs conventions de
déchiffrement pour les besoins des procédures judiciaires.
Enfin, l'
article 27
du présent projet de loi vise à
pérenniser les dispositions prévues par la loi sur la
sécurité quotidienne visant à obtenir, dans le cadre d'une
procédure judiciaire, la mise au clair de données
chiffrées, le cas échéant, en utilisant les moyens de
l'Etat couverts par le secret de la défense nationale.