B. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE
1. Les évolutions institutionnelles et politiques
L'année 2002 a été marquée par la disparition des chefs de file des partis non indépendantistes opposants au Tahoeraa du président Gaston Flosse, par une modification du mode de scrutin municipal et par l'engagement d'une réforme constitutionnelle devant permettre à la Polynésie française d'obtenir de nouvelles avancées institutionnelles dans le sens d'une autonomie encore plus poussée. Dans l'attente de l'adoption d'un nouveau statut déclinant les possibilités offertes par le cadre constitutionnel consacré aux collectivités d'outre-mer, on observera que les dispositifs institutionnels novateurs résultant du statut du 12 avril 1996 sont largement mis en oeuvre, en particulier le recours à la procédure de consultation du juge administratif en matière de répartition des compétences et la procédure de consultation de l'assemblée territoriale en matière de conventions internationales.
a) 2002 : une opposition non indépendantiste décapitée et la modification du mode de scrutin municipal
(1) La disparition accidentelle des chefs de file de l'opposition non indépendantiste
La campagne pour les élections législatives de juin 2002 a été marquée par la disparition des plus hauts responsables de l'opposition non indépendantiste dans un accident d'avion le 23 mai 2002. Ont ainsi disparu M. Boris Leontieff, conseiller territorial, maire d'Arue et président du Fetia Api, M. Lucien Kimitete, conseiller territorial et maire de Nuku Hiva, chef du parti marquisien, M. Arsen Tuairau, conseiller territorial du Fetia Api et candidat aux législatives ainsi que Mme Ferfine Besseyre sa suppléante, en campagne aux Tuamotu-Gambier. Rappelons qu'aux élections territoriales de mai 2001, le parti autonomiste Fetia Api avait obtenu 6 sièges sur 49, devenant la troisième force politique du territoire derrière le Tahoeraa et le Tavini, parti indépendantiste.
(2) La modification du mode de scrutin municipal
Le
scrutin majoritaire à deux tours avec panachage et vote
préférentiel s'appliquait jusqu'à présent dans les
48 communes du territoire
quelle que soit l'importance de leur population.
L'existence d'un seul mode de scrutin pour toutes les communes, quelle qu'en
soit l'importance démographique, qui correspond à celui des
communes de moins de 3.500 habitants en vigueur en métropole et
dans les départements d'outre-mer, avec une possibilité de
panachage qui est en réalité peu utilisée, ne permettait
pas une représentation au sein des conseils municipaux des
minorités politiques. La réforme avait donc pour objectif
d'introduire une représentation pluraliste et de favoriser de
véritables débats sur la gestion municipale tout en assurant
à la majorité un nombre de sièges suffisants pour le bon
fonctionnement de l'institution communale, encore récente en
Polynésie française puisque sa généralisation ne
date que de 1972. Cette réforme a été introduite par voie
d'amendement au projet de loi relatif à la démocratie de
proximité, devenu la
loi du 27 février 2002
.
Sont désormais étendues aux seules communes ne comportant pas de
communes associées les dispositions du régime mixte en vigueur en
métropole dans les communes de 3.500 habitants et plus
. Les
communes concernées sont au nombre de huit, toutes situées dans
l'île de Tahiti
, ayant une population variant entre
7.934 habitants et 25.595 habitants au dernier recensement de 1996.
Leur population totale, soit 122.975 habitants, représente
56,44 % de la population du territoire.
b) Des procédures novatrices du statut de 1996 largement utilisées en attendant l'avènement d'une autonomie encore plus avancée dans un cadre constitutionnel rénové
La
fréquence d'utilisation de dispositifs novateurs résultant de la
loi organique statutaire du 12 avril 1996 atteste du bon fonctionnement de ce
statut et des institutions. Il s'agit notamment de la procédure de
consultation de l'assemblée de la Polynésie française en
matière internationale et des procédures administrative et
contentieuse de demande d'avis au Conseil d'Etat en matière de
répartition des compétences.
En vertu de l'article 68 du statut, l'assemblée de la Polynésie
française doit être consultée
sur les projets de loi
autorisant la ratification ou l'approbation de conventions internationales et
sur les propositions d'actes communautaires
. Ces
consultations
sont
en moyenne au nombre d'
une
vingtaine par an
et portent
principalement sur les conventions relatives à la protection des
investissements et à l'environnement.
Par ailleurs, la
répartition des compétences
entre l'Etat
et le territoire est garantie par la possibilité de demander son
avis
au
Conseil d'Etat
, tant à l'occasion d'un recours
contentieux que dans le cadre d'une procédure purement administrative.
Rappelons que l'article 113 de cette loi prévoit une procédure de
saisine pour avis du Conseil d'État par le tribunal administratif de
Papeete lorsque celui-ci est saisi d'un recours pour excès de pouvoir
à l'encontre de délibérations de l'assemblée de la
Polynésie française ou d'actes pris sur leur fondement,
motivé par une inexacte application de la répartition des
compétences entre l'État, le territoire et les communes.
L'article 114 prévoit une procédure comparable susceptible
d'être initiée soit par le président du gouvernement de la
Polynésie française, soit par le président de
l'assemblée territoriale, en cas d'incertitude sur une question de
répartition des compétences.
Depuis 1996, le Conseil d'État s'est ainsi prononcé sur 33
dossiers, 11 au titre de la procédure contentieuse de l'article 113 et
22 au titre de la procédure administrative de l'article 114
.
En
matière contentieuse
, outre le rejet d'une demande d'avis
comme n'entrant pas dans le champ de l'article 113, les avis rendus depuis 1997
ont conclu
sur six points
à la
compétence du
territoire
(fixation des règles applicables aux loteries
proposées au public autres que les règles relatives au
contrôle de leur installation et de leur fonctionnement ;
réglementation en matière de procédure d'attestation de
conformité et de marquage des équipements terminaux des
télécommunications utilisant des fréquences
radioélectriques sous réserve du respect des règles
étatiques fixant les conditions d'utilisation des
fréquences ; nomination des agents des établissements
publics territoriaux sous réserve des compétences de
l'État en matière de fonction publique de l'État ;
allocation d'une indemnité complémentaire à une
salariée en congé de maternité ; organisation des
liaisons aériennes internationales au départ de la
Polynésie française à l'exception de celles qui font
escale sur d'autres points du territoire français ; dispositions
prévoyant une procédure de citation des incapables, des cas de
dispense de ministère d'avocat et les règles relatives aux
procédures d'exécution) et
sur sept autres points
à
la
compétence de l'État
(recherche et constatation des
infractions à la réglementation territoriale en matière de
protection des végétaux ; création d'un service
d'assistance et de sécurité du territoire chargé d'une
mission de police et délivrance des autorisations de port d'arme aux
agents de ce service ; création d'un service territorial du
travail ; placement des fonds libres des établissements publics
territoriaux à caractère industriel et commercial ; mise
à la charge des employeurs d'une indemnité créée
par le territoire ; création d'un service des relations
internationales ; procédure civile tendant à instaurer un
délai pour faire l'inventaire d'une succession et procédure de
prise à partie des juges).
En matière de procédure consultative administrative
de
l'article 114, sur les
vingt-deux dossiers examinés
, le
Conseil d'État s'est prononcé
à sept reprises
dans
le sens de la
compétence territoriale
(mission dévolue en
matière d'adoption au service d'aide sociale à l'enfance ;
organisation des transports en commun sur l'île de Tahiti sous
réserve des compétences reconnues par la loi aux communes ;
imputation des dépenses des services de sécurité et
d'assistance aux aéronefs des aérodromes territoriaux ;
réglementation applicable aux biens culturels maritimes dans le domaine
public maritime du territoire ; délimitation des zones à
risque et établissement des plans de prévention en matière
de risques naturels ; prévention et règlement amiable des
difficultés des entreprises à l'exception des principes
fondamentaux des obligations commerciales ; réglementation des
recours administratifs non contentieux) et par
quinze fois
dans le sens
de la
compétence de l'État
(mesures de saisie et de
destruction opérées par les agents habilités et
assermentés du service d'hygiène et de salubrité publique
dans le cadre d'une police sanitaire ; fixation du taux
d'alcoolémie dans le sang au-delà duquel le conducteur d'un
véhicule se trouve en infraction et fixation du taux de l'amende ;
création de groupements d'intérêt public dans les domaines
de compétence du territoire et en particulier dans le domaine de
l'insertion sociale des jeunes ; réglementation des services
financiers de l'office des postes et télécommunications ;
réglementation de l'aide juridictionnelle en matière civile et
administrative et création du service public y afférent ;
réglementation applicable aux biens culturels maritimes dans la zone
économique contiguë au domaine public maritime du territoire ;
réglementation des concentrations économiques ;
règles d'immatriculation au registre du commerce, à l'exception
de celles applicables aux coopératives et mutuelles ; accès
à la qualité de pupille de l'État et règles
régissant ce statut ; instauration d'un service public pour
l'approvisionnement du territoire en hydrocarbures ; en matière de
règlement des difficultés liées au surendettement des
ménages, règles de procédure civile applicables à
l'instance en cas de saisine du juge de l'exécution et aux voies de
recours contre les décisions de celui-ci ; instauration d'un
régime de publication d'urgence des actes réglementaires
territoriaux ; définition des droits et obligations des
transporteurs aériens ; mise en place d'un dispositif de
dépistage des substances classées comme stupéfiants en cas
d'accidents de la route ; réglementation de l'utilisation des
fréquences radioélectriques par des opérateurs de
téléphonie mobile).
Le Conseil d'État s'est enfin prononcé en octobre 1999 sur la
question des
conflits entre les lois et les délibérations de
l'assemblée de la Polynésie française
occasionnés par les transferts de compétence opérés
par la loi organique statutaire : il a affirmé la
prééminence de la loi organique et de la loi sur lesdites
délibérations à l'exception des lois antérieures
à la loi organique et portant sur des matières
transférées dans le domaine de compétence du territoire.
Sur ces vingt-deux avis, quatre ont été rendus en 1997, un en
1998, sept en 1999, cinq en 2000, trois en 2001 et deux en 2002
. On
constate donc que
ces procédures de demande d'avis au Conseil
d'État sont très régulièrement utilisées et
constituent d'appréciables mécanismes de régulation
.
Avec l'aboutissement de la réforme constitutionnelle en cours d'examen,
la répartition des compétences devrait être garantie par un
nouveau mécanisme. Il résulterait en effet du nouvel article 74
fixant le statut constitutionnel des collectivités d'outre-mer que, pour
celles dotées de l'autonomie, la loi organique pourrait
déterminer «
les conditions dans lesquelles
l'assemblée délibérante [pourrait] modifier une loi
promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du
statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi
notamment par les autorités de la collectivité, a constaté
que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de
cette collectivité
».
2. Les concours financiers de l'État au développement de la Polynésie française
a) La politique contractuelle
Le
contrat de développement
conclu entre l'État et le
territoire de la Polynésie française, signé le 31 octobre
2000, porte sur un montant de 341,49 millions d'euros à
parité entre l'État et le territoire, soit une augmentation
annuelle de 11,5 % par rapport au contrat précédent. Sa
durée est fixée à quatre années correspondant
à la
période 2000-2003
.
Ce nouveau contrat s'articule autour de
quatre axes majeurs
:
-
promouvoir le développement économique
de la
Polynésie française en favorisant l'emploi et en
améliorant les dispositifs de formation, notamment par une meilleure
connaissance des ressources halieutiques et la modernisation des outils de
production, par une meilleure qualité en matière
d'équipement touristique et la mise en valeur de nouvelles zones en
encourageant la création d'entreprises artisanales et de petites
industries ;
-
aménager le territoire et gérer l'environnement
en
préservant et en mettant en valeur les ressources naturelles par une
meilleure prévention des risques naturels, la réalisation
d'études d'assainissement, la collecte et la gestion des déchets,
le développement des énergies renouvelables et de l'alimentation
en eau potable ;
-
réduire les inégalités entre les populations
par la réalisation d'équipements scolaires et universitaires, la
construction de logements sociaux, la rénovation et la création
d'équipements sanitaires, la poursuite des actions de formation et
d'insertion et l'aménagement d'équipements sociaux ;
-
poursuivre la déconcentration administrative et le
développement des archipels
.
Pour le financement de ce contrat, les deux principaux ministères
contributeurs sont le ministère de l'outre-mer dont la participation
s'élève à 68,92 millions d'euros et le
ministère de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche dont
la participation s'élève à 67,7 millions d'euros.
Ce
contrat
, qui
a démarré avec presque une année
de retard
en raison de sa signature tardive le 31 octobre 2000,
était
engagé au 31 décembre 2001 à hauteur
de 21,4 %
, soit 36,54 millions d'euros. S'il n'a pas
été possible d'engager toutes les opérations
prévues, des avancées significatives ont cependant
été réalisées en 2001 en matière
d'éducation et de formation, de logement social, d'agriculture,
d'adduction d'eau potable et de politique de la ville.
b) La convention pour le développement de l'autonomie économique de la Polynésie française
En vue
d'aider à la reconversion de l'économie polynésienne
à la suite du démantèlement du Centre
d'expérimentation du Pacifique et pour compenser le tarissement des flux
financiers corrélatifs, une
convention
a été
signée entre l'État et la Polynésie française le
25 juillet 1996
.
Le mécanisme de compensation financière est le suivant : le
Haut-commissaire constate les flux financiers réels après
consultation du président du gouvernement de la Polynésie
française, à l'aide des chiffres fournis par le commandement
supérieur des forces armées en Polynésie française,
et le
montant
de ces
flux réels
est
déduit du
montant de la compensation de référence
(151 millions
d'euros) pour déterminer les sommes attribuées à la
Polynésie française.
En 2001, les flux réels
ont été constitués
par :
- des dépenses effectuées par les forces armées au
titre des activités résiduelles liées au Centre
d'expérimentation du Pacifique, soit 12,8 millions d'euros contre
23,2 millions d'euros en 2000 ;
- des dépenses du SMA, soit 6,2 millions d'euros ;
- les frais du délégué et notamment les
crédits des études de bilan, soit 0,5 million d'euros.
Le
solde par rapport au montant de référence
de
150,92 millions d'euros qui s'élève à
132 millions
d'euros
, est ventilé de la façon suivante :
- un versement de nature fiscale au budget de la Polynésie
française : la convention garantit un montant de recettes de
33 millions d'euros, valeur 1996 indexée, soit environ
35,04 millions d'euros pour 2001 à verser à la
Polynésie française ;
- un versement de la somme restante au fonds pour la reconversion
économique de la Polynésie française, soit
96,37 millions d'euros. Cette dotation est inscrite au budget du
ministère de la Défense, au chapitre 66-50.
Les années précédentes, les dotations attribuées au
fonds ont été successivement de 1,6 million d'euros pour
1996, 23,934 millions d'euros pour 1997, 57,32 millions d'euros pour
1998, 82,93 millions d'euros pour 1999 et 86 millions d'euros pour
l'année 2000.
Les
décisions d'affectation des
aides
du fonds pour la
reconversion économique de la Polynésie française sont
prises par le
comité de gestion État-territoire
. Celui-ci
ne s'est pas réuni en 2000, ni au premier semestre 2001 du fait de
difficultés à conclure des discussions engagées entre
l'État et le territoire puis de l'absence de
délégué. Un nouveau délégué a pu
être désigné en août 2001 par le haut-commissaire et
le président du gouvernement de la Polynésie française et
le comité de gestion a dès lors pu retrouver un fonctionnement
normal en
se réunissant à trois reprises en 2001
.
Quinze décisions de financement ont été prises pour un
montant de 120 millions d'euros et des paiements ont été
effectués pour 78,86 millions d'euros.
Les décisions de financement sur l'exercice 2001 se répartissent
de la façon suivante : 33,6 millions d'euros pour l'aide au
logement, 8,4 millions d'euros pour les aides à l'emploi,
9,6 millions d'euros pour les infrastructures routières et
portuaires, 15,6 millions d'euros pour les aides aux entreprises,
1,9 million d'euros pour l'aide aux communes, 43,2 millions d'euros
pour l'aide à l'achat d'un Airbus par Air Tahiti nui et
7,8 millions d'euros pour l'aide aux technologies de l'information et de
la télécommunication. A ceci s'est ajouté un remboursement
d'avances faites par le territoire pendant les trois premières
années où les dotations du fonds ne permettaient pas de couvrir
les programmes prioritaires en matière de logement social et d'aides
à l'emploi, soit 16,77 millions d'euros. Le comité de
gestion du fonds pour la reconversion économique de la Polynésie
française a également décidé d'affecter
3 millions d'euros au financement d'études de deux projets de
grands travaux sur l'île de Tahiti concernant respectivement
l'aménagement du port de Faratea et d'une nouvelle liaison
routière entre Papeete et la presqu'île, afin de contribuer au
désenclavement de celle-ci. Il a enfin donné un avis favorable
à la participation du fonds à l'achat par le territoire d'un
avion Twin-Otter destiné à la desserte des îles Marquises.
Depuis la mise en place du fonds et jusqu'au 31 décembre 2001
,
les engagements s'élèvent à 318 millions d'euros et
les paiements à 175,78 millions d'euros, soit 55,3 % des
engagements. Ce fonds a permis :
- la construction d'importants programmes de logements, dont le nombre
dépasse à ce jour 1500 ;
- la mise en place d'aides à l'emploi qui ont permis
d'éviter des fermetures d'établissements lors des chocs
conjoncturels (reprise des essais nucléaires, crise asiatique, attentat
du 11 septembre) dans le secteur touristique et d'instaurer des dispositifs
contractuels adaptés pour permettre à des chômeurs
potentiels d'exercer une activité ;
- l'émergence de la compagnie Air Tahiti nui comme compagnie de
desserte internationale en lui permettant d'acquérir dans de bonnes
conditions un appareil pour compléter sa flotte ;
- la réalisation d'équipements d'infrastructures (port et
aménagement d'Uturoa à Raiatea, travaux routiers à Tahiti,
routes aux Marquises ...) ;
- l'aide au développement de la pêche hauturière ;
- l'aide à des programmes communaux d'assainissement, comme
à Bora-Bora, ou d'adduction d'eau, comme à Hao.
Depuis le
4 octobre 2002
, une
nouvelle convention
a
été signée par le Premier ministre et le président
du gouvernement de la Polynésie française, qui
se substitue
aux mécanismes mis en place en 1996 à compter du
1
er
janvier 2003
. Cette convention
pérennise le
fonds pour la reconversion économique de la Polynésie
française
(FREPF) doté de
150,92 millions d'euros par
an
.
Cette dotation ne fait plus l'objet de prélèvements et
est désormais intégralement versée sur la section
d'investissement du budget de la Polynésie française
. La
Polynésie française communique chaque année à
l'Etat un programme d'investissements auquel est affectée la dotation
globale de développement économique. Le
contrôle
a
posteriori
est mis en oeuvre sous l'égide essentiellement de la
chambre territoriale des comptes qui sera destinataire de l'ensemble des
pièces afférentes aux travaux réalisés.
3. L'évolution de la délinquance et la situation des établissements pénitentiaires
a) L'évolution de la délinquance
Avec
8.314 faits constatés par les services de police et de gendarmerie en
2001,
le mouvement de baisse de la délinquance enregistré
depuis 1997 marque le pas
. La délinquance a ainsi globalement
progressé l'an dernier de 2,85 % (+ 22,93 % en zone de
compétence police, c'est-à-dire l'agglomération de
Papeete ; - 7,27 % en zone de compétence gendarmerie).
Le taux d'élucidation est élevé
, oscillant depuis
1996 entre 43 % et 58 %.
Le taux de criminalité en Polynésie française est de
38,11 %o, contre 68,8 %o au plan national, 57,45 %o dans les
départements d'outre-mer et 46 %o en Nouvelle-Calédonie.
L'évolution du nombre de crimes et délits constatés
à la fois par les services de police et de gendarmerie depuis 1996
,
date à partir de laquelle la gendarmerie nationale dispose de
statistiques, est la suivante :
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Faits constatés par la police |
3551 |
3441 |
2849 |
2780 |
2708 |
3329 |
Faits élucidés par la police |
932 |
748 |
612 |
806 |
513 |
682 |
Faits constatés par la gendarmerie |
6396 |
6693 |
6619 |
5959 |
5376 |
4985 |
Faits élucidés par la gendarmerie |
4160 |
3852 |
4878 |
4257 |
3612 |
2914 |
Total des faits constatés |
9947 |
10134 |
9468 |
8739 |
8084 |
8314 |
Total des faits élucidés |
5092 |
4600 |
5490 |
5063 |
4125 |
3596 |
Sur la
décennie 1991-2000
, les crimes et délits constatés
en Polynésie française par la police nationale ont
augmenté de 40 %
. Un sommet a été atteint en
1995, année à compter de laquelle le nombre de faits
constatés n'a cessé de régresser, la plus forte baisse
annuelle ayant été enregistrée en 1998.
Avec 3329 crimes et délits constatés par les services de police
en
2001
contre 2708 l'année précédente, la
délinquance en
zone police
, soit l'agglomération de
Papeete, enregistre une
hausse brutale de 22,93 %.
La grande criminalité ou la criminalité organisée demeure
quasi inexistante ; les infractions les plus courantes restent
majoritairement liées aux délits d'appropriation, aux affaires de
stupéfiants et aux atteintes aux personnes. On assiste à une
importante augmentation des vols avec violence (+ 126,47 %). La
totalité de la
délinquance de voie publique
(cambriolages,
toutes catégories de vols) est nettement haussière, en
particulier les vols à la roulotte (+ 60,11 %). Les
infractions à la législation sur les stupéfiants
représentent près de 9 % de l'ensemble des faits
constatés en 2001 : les opérations de recherche de
plantations de cannabis dans les différents archipels ont conduit
à la destruction de plus de 35.000 pieds et de près de
22 kg de feuilles séchées.
Evolution de la délinquance et de la criminalité constatées par la police nationale dans sa zone de compétence (Papeete) sur la période 1991-2001
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Total des faits constatés |
1935 |
2015 |
2647 |
3026 |
3586 |
3551 |
3441 |
2849 |
2780 |
2708 |
3329 |
Délinquance de voie publique |
1036 |
1174 |
1769 |
1826 |
2098 |
2224 |
1775 |
1278 |
1056 |
1048 |
1803 |
Nombre de personnes mises en cause |
400 |
430 |
687 |
733 |
869 |
906 |
750 |
642 |
757 |
525 |
809 |
Nombre de mineurs mis en cause |
60 |
90 |
151 |
96 |
150 |
90 |
104 |
102 |
94 |
89 |
201 |
Évolution du nombre de délinquants sur la période 1991-2001
Concernant la
délinquance des mineurs
, le nombre de mises en
cause est en
forte augmentation
: 201 en 2001 contre 89 en 2000,
soit une progression de 126 %.
La proportion de mineurs dans l'ensemble
des personnes mises en cause est passée de 17 % à 25 %,
dépassant celle enregistrée en métropole
(21,18 %). Cependant, aucun cas de délinquance de mineur de
13 ans n'a été constaté à ce jour.
En matière de
toxicomanie, les mineurs consommateurs ont en moyenne
14 ans
et sont à 75 % des garçons. Les mineurs sont
également touchés par la délinquance en qualité de
victime, notamment dans les affaires de moeurs : ainsi, en 2000 et 2001,
la gendarmerie a constaté une hausse de 41,37 % des viols sur
mineurs.
b) La situation des établissements pénitentiaires
Concernant
les établissements
pénitentiaires
,
ils sont au nombre de trois en Polynésie française : le
centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania
dont la construction
remonte à 1972, la
maison d'arrêt de Taiohae
à Nuku
Hiva, dans l'archipel des Marquises, et la
maison d'arrêt d'Uturoa
à Raiatea, aux Iles Sous-le-Vent.
La
population carcérale
s'élevait au 1
er
juillet 2002 à 254 détenus pour 149 places disponibles, soit
à cette dernière date un
taux de surpopulation de
170,5 %.
Les effectifs de détenus sont répartis de la façon
suivante entre les différents établissements
pénitentiaires :
Établissement |
Capacité mise en service |
Effectifs
|
Densité
|
Centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania |
126 |
244 |
193,7 % |
Maison d'arrêt de Taiohahe (Iles Marquises) |
3 |
3 |
100 % |
Maison d'arrêt d'Uturoa (Raiatea) |
20 |
7 |
35 % |
Ensemble de la Polynésie française |
149 |
254 |
170,5 % |
Concernant
l'amélioration des
équipements
, une
mission technique pénitentiaire diligentée fin mai 1999 a
élaboré un
schéma directeur
pluriannuel de
restructuration et de rénovation
de ces établissements et en
particulier du centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania.
Le coût total de ce programme pluriannuel est estimé à
5,35 millions d'euros. Une première tranche de travaux au cours de
l'exercice 2000 a permis la rénovation des cuisines et la
réfection des circuits de distribution des fluides pour une somme de
1,05 million d'euros. Une deuxième tranche, inscrite au programme
d'équipement 2001 pour un montant de 762.245 euros, concerne la
construction d'un ouvrage de franchissement d'une rivière et la
réalisation d'une station d'épuration. La poursuite de ces
travaux est inscrite au programme d'équipement 2002 pour un montant de
369.000 euros. En outre, des études sont en cours pour
procéder à l'extension du centre pénitentiaire de Faa'a
Nuutania.
Les effectifs des
personnels pénitentiaires
en fonction au
1
er
janvier 2002 se répartissent de la façon
suivante : 1 agent de direction, 4 agents administratifs, 9 agents
socio-éducatifs, 5 agents techniques et 78 agents de surveillance,
soit un
effectif total de 97 agents titulaires
.
Il demeure en outre au centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania
14 agents non fonctionnaires de l'administration pénitentiaire qui
n'ont pu bénéficier d'une intégration dans les corps
d'État des services déconcentrés de l'administration
pénitentiaire en raison de leur échec à l'examen
professionnel organisé en application de la loi n° 94-443 du 3
juin 1994. Pour permettre leur maintien dans les services
pénitentiaires, une convention avait été conclue le
30 décembre 1999 avec le président du gouvernement de la
Polynésie française en vue de la prise en charge de leurs
rémunérations par le budget du ministère de la justice
sous la forme d'une su
bvention allouée au
territoire. Cependant, une disposition a été inscrite dans la
loi d'orientation et de programmation pour la justice
habilitant le
Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures d'extension à
l'outre-mer et, notamment, les dispositions fixant les modalités
d'intégration de ces agents (3° du I de l'article 68 de la loi
n° 2002-1138 du 9 septembre 2002).
Enfin, 15 élèves-surveillants ont été
recrutés en mars 2002 par un concours organisé localement pour
renforcer les effectifs du centre.
c) Les moyens et l'activité des juridictions
(1) Les juridictions judiciaires
L'
organisation
de la justice judiciaire en
Polynésie
française repose sur une cour d'appel dont les bâtiments
situés à Papeete abritent également le tribunal de
première instance (TPI). Ce tribunal est pourvu de deux sections
situées respectivement à Uturoa (île de Raiatea aux
îles Sous-le-Vent) depuis la fin du siècle dernier et à
Taihoae (île de Nuku-Hiva aux Marquises) depuis 1981. Les archipels des
Tuamotu, des Gambier et des Australes ne disposent pas de section
détachée et la justice y est rendue par des formations foraines.
Le montant de la
dotation de fonctionnement
est passé de
971.835 € en 1998 à 1.015.176 € pour 2002, soit une
progression de près de 4,5 % sur cinq ans.
En outre, depuis 1999, ces juridictions ont bénéficié de
mesures de modernisation s'inscrivant dans le cadre d'actions nationales ou de
projets d'initiative locale. Ainsi, après avoir
délégué en 1999 plus de 4.650 € pour
l'acquisition de matériels audiovisuels numériques à la
cour d'appel de Papeete pour l'enregistrement des mineurs victimes
d'infractions sexuelles en application de la loi du 17 juin 1998, la
mission
modernisation
a financé en 2000 pour un montant de plus de
43.753 € la création d'un centre de documentation
informatisé. En 2001, elle a financé l'acquisition de six
stations de travail pour les magistrats se déplaçant dans les
archipels pour un coût de plus de 22.923 €.
Au 1
er
août 2001,
l'effectif
réel des
juridictions judiciaires se répartit de la façon suivante :
30 magistrats (au lieu de 32 pour l'effectif budgétaire) et
78 fonctionnaires (au lieu de 85 pour l'effectif budgétaire) dont
28 greffiers et 4 greffiers en chef, soit un total de 108 personnes (pour 117
postes budgétaires). Ajoutons que 3 interprètes assurent
l'interprétariat lors des audiences civiles et pénales de la cour
et du tribunal.
Concernant
l'évolution du contentieux
, les statistiques
permettent de constater un
tassement en 2001 du nombre des affaires civiles
et commerciales
portées tant devant le tribunal de première
instance (753 en 2001 contre 813 en 2000) que devant la cour d'appel
(460 au lieu de 557 en 2000) et en revanche une
augmentation sensible du
nombre des arrêts rendus en matière criminelle et
correctionnelle
devant cette même cour. Après une stagnation
depuis 1997, le nombre d'arrêts d'assises est ainsi passé de 49 en
2000 à 64 en 2001.
Dans son discours d'audience solennelle pour 2002, le premier président
de la cour d'appel observe que si le stock des affaires civiles varie peu, le
délai de traitement de ces affaires lorsqu'elles sont en état
étant de deux mois,
la situation en matière pénale est
préoccupante, les affaires en attente représentant quelque quinze
mois d'audiences
(250 affaires en stock en janvier) ce qui est peu
compatible avec la notion de délai de jugement raisonnable.
Notons qu'en matière civile,
le contentieux le plus lourd est celui
relatif aux problèmes de terres
qui trouve son origine dans la
possession coutumière des terres d'avant la colonisation. La
colonisation a en effet initié une appropriation individuelle des terres
et les Polynésiens ont dû faire reconnaître leurs droits sur
des terres occupées et appropriées selon un système
traditionnel en appliquant la norme juridique métropolitaine. Cela s'est
traduit par la constatation de très nombreuses situations d'indivision,
le juge ayant à rétablir des généalogies
entières pour pouvoir procéder à des partages le plus
souvent contestés. La
commission de conciliation en matière
foncière
sert de filtre aux nombreuses procédures qui
s'engagent : elle a été
saisie en 2001 de 441 nouvelles
requêtes
en matière de sortie d'indivision, de reconnaissance
de propriété immobilière, de bornage et de tracé de
servitudes immobilières. Comme le souligne le président du
tribunal de Papeete dans son discours d'audience solennelle de janvier 2002, le
«
flux grandissant des demandes portées devant cette
commission s'explique certainement par la procédure simplifiée de
saisine, mais aussi et surtout par la situation endémique et persistante
depuis des décennies de la propriété immobilière
caractérisée en Polynésie par l'existence d'indivisions
vieilles de plusieurs générations, par l'absence de cadastre
à jour dans de nombreuses îles, par la précarité de
certaines décisions de justice remises régulièrement en
cause par la voie de la tierce opposition, par des pratiques notariales
anciennes, sources de contentieux, telles que les ventes de droits indivis en
proportion indéterminée ou les notoriétés
prescriptives que les notaires délivraient comme titre de
propriété en se contentant de témoignages
aléatoires, par l'existence d'un nombre important et non
déterminé de terres sans acte de revendication originel et
présumées domaniales mais en réalité
occupées par des familles qui en revendiquent la propriété
ancestrale sans pouvoir justifier ni d'un titre, ni de la prescription
acquisitive, puisque les biens du domaine public ne sont pas susceptibles de
prescription
».
En dehors de l'activité contentieuse, il convient de souligner que 2001
a vu aboutir un travail de cinq années réalisé par une
commission spéciale chargée d'élaborer
un nouveau code
de procédure civile
. Celui-ci a été
adopté
par l'assemblée de la Polynésie française le 4
décembre 2001
et est
entré en vigueur le 1
er
mars 2002
.
(2) La juridiction administrative
Concernant
la juridiction administrative, comme l'an
passé,
aucune information relative à l'activité
contentieuse n'a été transmise à votre rapporteur si ce
n'est sous une forme globale pour l'ensemble de l'outre-mer
français
. Cela semble paradoxal à l'heure où chaque
nouveau texte relatif aux collectivités d'outre-mer s'emploie à
individualiser chaque situation et à faire du « cousu
main » ! La seule information fournie concernant le tribunal
administratif de Papeete est le nombre de magistrats (5) et le nombre de
fonctionnaires (6) qui y sont affectés.
Grâce aux informations communiquées directement par le
président du tribunal administratif, votre rapporteur est cependant en
mesure de fournir quelques éléments sur les moyens et
l'activité de cette juridiction.
Observant que les locaux de la juridiction sont en cours d'extension, que
l'informatisation est pratiquement achevée et que l'effectif des
magistrats vient d'être abondé d'une unité ainsi que
l'effectif du greffe, il considère que la situation des moyens humains,
immobiliers et techniques est désormais normalisée mais souligne
le caractère préoccupant de la situation budgétaire.
L'évolution de l'activité
du tribunal administratif de
Papeete montre une
nette progression au cours des deux dernières
années
:
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Affaires nouvelles |
350 |
267 |
396 |
439 |
331 |
397 |
535 |
412 |
630 |
903 |
Jugements |
380 |
317 |
326 |
428 |
312 |
340 |
471 |
485 |
571 |
820 |
Stock |
180 |
113 |
177 |
170 |
197 |
254 |
326 |
283 |
457 |
619 |
On
constate une
forte augmentation du nombre d'affaires nouvelles (il a plus
que doublé en deux ans) et du nombre d'affaires traitées en
progression de près de 70 %.
En dépit des efforts
déployés par la juridiction, l'arriéré de dossiers
en stock a brutalement augmenté (+ 119 % sur la même
période).
Notons que le contentieux des actes concerne majoritairement des actes pris par
le territoire (69 %), des actes de l'Etat dans 29 % des cas et,
à titre résiduel, des actes émanant des communes
(2 %).
(3) La juridiction financière
Concernant enfin
la juridiction financière
,
rappelons
que sa
création
a été décidée, sur
une
initiative sénatoriale
, par la loi organique
n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la
Nouvelle-Calédonie qui a abrogé les dispositions du code des
juridictions financières prévoyant que les chambres territoriales
des comptes de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie
française pouvaient être présidées par le même
président et dotées des mêmes assesseurs.
La chambre est
entrée dans ses locaux en mai 2000
et
l'arrivée du personnel administratif (greffier, assistants de
vérification, agents) s'est faite progressivement jusqu'à la fin
de l'année 2000 si bien qu'aucun jugement, avis ou observations
définitives n'ont été rendus cette année-là.
Le nombre total de collectivités, établissements et organismes
publics concernés par les
contrôles effectués en
2001
est de
117
. Ils ont concerné 48 communes, 21
établissements publics territoriaux, 11 syndicats intercommunaux et
syndicats mixtes, 1 établissement public territorial du secteur
sanitaire et social, 1 établissement public territorial du secteur
construction-logement et 33 établissements publics territoriaux du
secteur enseignement dont 9 lycées et 22 collèges.
La chambre territoriale des comptes a prononcé
22 jugements
, dont
19 premiers jugements concernant quinze communes, deux syndicats et deux
établissements publics. Au total,
9 lettres d'observations
provisoires
ont été adressées dont sept à des
communes, une à un syndicat et une à un établissement
public territorial du secteur de l'enseignement. Enfin,
3 lettres du
commissaire du Gouvernement
ont été respectivement
adressées à une commune, un syndicat et un établissement
public territorial.