5. Une première avancée en matière de rationalisation des surrémunérations des fonctionnaires
En application de la loi du 3 avril 1950, le traitement servi aux fonctionnaires en poste dans les départements d'outre-mer (qu'ils soient affectés depuis la métropole ou résidents permanents de la collectivité ) est affecté d'un coefficient multiplicateur qui, fixé à 40 % en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, atteint 53 % à la Réunion. Ce coefficient est servi sans limitation de durée et s'applique également aux agents titulaires des fonctions publiques locales .
De plus, une indemnité d'éloignement est servie si l'affectation a donné lieu à un déplacement réel des fonctionnaires de l'Etat. Les résidents permanents n'en bénéficient donc pas . Au contraire du coefficient multiplicateur, il s'agit d'un élément temporaire versé au taux plein sur la base d'une durée de service de quatre ans (correspondant à un an de traitement indiciaire de base, 16 mois pour la Guyane). En raison de la montée en charge progressive des recrutements locaux, sa part dans le volume total des majorations ainsi que le nombre d'attributaires n'a cessé de se réduire.
Les différents rapports élaborés à la demande du Gouvernement dans la perspective de la préparation du projet de loi d'orientation formulaient différentes propositions de réforme 5 ( * ) , le coût de ces majorations étant supérieur à 610 millions d'euros par an pour 66.500 fonctionnaires civils de l'Etat .
Votre commission des Lois souligne déjà depuis plusieurs années le coût exorbitant de ce régime de surrémunérations des fonctionnaires dans les départements d'outre-mer et tout particulièrement à la Réunion, ainsi que les effets pervers qu'il peut induire sur le développement économique de ces départements.
M. Lionel Jospin, alors Premier ministre, ayant cependant déclaré que cette question ne constituait pas une priorité, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer ne comprenait donc aucune disposition relative à cette question. Cependant, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture un amendement proposé par M. Elie Hoarau, M. Claude Hoarau et Mme Huguette Bello, députés de la Réunion, prévoyant la suppression par décret dans les trois mois suivant la promulgation de la loi d'orientation des indemnités d'éloignement allouées aux fonctionnaires de l'Etat affectés dans les départements d'outre-mer, le Gouvernement s'en étant pour sa part remis à la sagesse de l'Assemblée nationale. Cette disposition a ensuite été votée conforme par le Sénat en première lecture.
Avec plus de neuf mois de retard , le décret n° 2001-1226 du 20 décembre 2001 6 ( * ) portant création d'une indemnité particulière de sujétion et d'installation a abrogé les dispositions relatives à la prime d'éloignement à compter du 1 er janvier 2002 .
Néanmoins, afin de prendre en compte les difficultés de recrutement de fonctionnaires en Guyane et dans les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy , il crée une indemnité particulière de sujétion et d'installation d'une durée de cinq ans pour les magistrats et fonctionnaires de l'Etat dont la précédente résidence était située hors de ces zones. Son montant correspond à 16 mois du traitement indiciaire brut de l'agent (contre 12 auparavant) sur la base d'une durée de services de quatre ans. A la différence de la prime d'éloignement et pour éviter des abus, il n'est possible de la percevoir qu'une fois au cours de sa carrière. L'article 11 du décret prévoit par ailleurs son application jusqu'au 1 er janvier 2007. Ces dispositions ont été étendues aux magistrats et aux fonctionnaires de l'Etat affectés à Saint-Pierre-et-Miquelon par le décret n° 2001-1224 du 20 décembre 2001.
Les personnels en fonctions au 1 er janvier 2002 et ceux dont l'affectation a été notifiée avant cette date continueront cependant de bénéficier de la prime d'éloignement.
En outre, le décret n° 2001-1225 du 20 décembre 2001 a créé une prime spécifique d'installation correspondant à 12 mois du traitement indiciaire brut de l'agent pour les fonctionnaires de l'Etat et les magistrats des départements d'outre-mer affectés pour la première fois en métropole . Ces dispositions ont été étendues à Saint-Pierre-et-Miquelon par le décret n° 2001-1224 du 20 décembre 2001.
De telles mesures visent donc clairement à favoriser les recrutements locaux dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, tout en préservant la mobilité des fonctionnaires originaires de ces zones.
Votre rapporteur se félicite donc des solutions apportées, qui permettent de favoriser les recrutements locaux, tout en tenant compte des difficultés de recrutement dans certaines zones plus isolées. Il souligne néanmoins qu'une telle politique nécessite la mise en place de formations performantes dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, et s'interroge sur une possible rupture de l'égalité entre fonctionnaires originaires des départements d'outre-mer et ceux originaires de métropole.
Par ailleurs, votre rapporteur regrette que cette réforme ait concerné uniquement la prime d'éloignement , l'application au traitement d'un coefficient multiplicateur apparaissant plus choquante, puisque bénéficiant à tous, affectés depuis la métropole ou résidents permanents, sans limitation de durée. En effet, un tel système, destiné à compenser la cherté de la vie outre-mer 7 ( * ) , induit des effets pervers, en incitant fortement les jeunes à entrer dans la fonction publique, au détriment du développement d'activités économiques privées.
* 5 Le rapport établi par Mme Eliane Mossé (« Quel développement pour les départements d'outre-mer ») proposait notamment la limitation des surrémunérations au double du différentiel de prix, la suppression de la seule indemnité d'éloignement, ou encore la suppression ou la réduction de l'avantage fiscal relatif à l'impôt sur le revenu - les habitants des DOM bénéficiant d'un abattement de 30 % de l'impôt sur le revenu, cet abattement étant porté à 40 % en Guyane-. Le rapport de M. Bertrand Fragonard (« Les départements d'outre-mer : un pacte pour l'emploi ») proposait pour sa part une réduction progressive du taux de majoration applicable à la fois aux agents actuellement en fonction et aux nouvelles embauches. MM. Claude Lise et Michel Tamaya préconisaient quant à eux un plafonnement de l'indemnité d'éloignement attribuée aux agents de catégorie A, l'économie réalisée allant à un fonds en faveur des PME.
* 6 pris en application de l'article 26 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer
* 7 alors même que jusqu'à une période récente le montant des prestations sociales outre-mer était inférieur au montant métropolitain