B.
FRANCE
TÉLÉVISIONS : UN GROUPE EN MUTATION
Le groupe France Télévisions est placé, depuis quelques mois, au centre du débat médiatique. Signataire, le 20 décembre 2001, d'un contrat d'objectifs et de moyens avec l'Etat fixant le cadre de son développement pour la période 2001-2005, il doit faire face aux incertitudes concernant le nombre de ses nouvelles chaînes sur la TNT et aux critiques dirigées contre la programmation de deux de ses principales chaînes, France 2 et France 3.
1. Le service public et les « programmes culturels »
a) Une dérive commerciale des chaînes de France Télévisions ?
La programmation des chaînes de France Télévisions se différencie-t-elle suffisamment de celle des chaînes privées pour justifier un financement public ? La question méritait d'être posée.
En effet, alors que la diminution de la durée des écrans publicitaires devait permettre aux chaînes du groupe d'accentuer leur indépendance vis-à-vis des annonceurs et d'assurer, conformément aux obligations contenues dans leur cahier des charges et, depuis le 20 décembre 2001, dans le contrat d'objectifs et de moyens, la diversité et la spécificité des programmes, les critiques se sont au contraire multipliées pour dénoncer leur dérive commerciale 2 ( * ) .
Ainsi, dans un article daté du mardi 25 juin 2002, le journal Le Monde mettait-il en évidence quelques uns des travers de la programmation proposée par les chaînes de France Télévisions et notamment l'heure de diffusion plus que tardive des émissions « culturelles » : « cette semaine, les dossiers de l'histoire sont à l'antenne de France 3 à 1 heure 15 du matin, la pièce de théâtre Henri V enregistrée à Avignon en 1999 passe à 2 heures du matin sur France 2, quand Campus, l'émission littéraire de Guillaume Durand est proposée à 23 heures 15. Les quatre mois de campagne électorale ont aussi montré l'absence d'émissions de débat politique -seule subsiste Mots croisés d'Arlette Chabot à 23 heures sur France 2. Comme les autres opérateurs privés, le groupe public se soumet à la logique de l'audience ».
Certes la critique est quelque peu excessive. Elle oublie ainsi de recenser parmi les émissions de débat politique France Europe Express présentée par Christine Ockrent diffusée -à 23 heures- sur France 3 chaque dimanche. Néanmoins, elle traduit un sentiment diffus qui pourrait à terme saper la légitimité de l'audiovisuel public : l'absence notable de différence entre la télévision de service public et les chaînes privées.
C'est pour vérifier si ce sentiment correspond à une réalité que le ministre de la culture et de la communication, a confié à l'écrivain Catherine Clément une mission d'évaluation, d'analyse et de propositions relative à l'offre des programmes culturels de France 2 et de France 3.
b) Le respect des cahiers des charges et des contrats d'objectifs et de moyens
En attendant les conclusions prochaines de la mission confiée à Catherine Clément, on ne peut évaluer l'offre de programmes culturels proposée par France Télévisions qu'à l'aune des obligations consignées dans le cahier des charges de chacune des chaînes et le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions. Ces obligations, en dépit de leur caractère insuffisamment précis, sont en effet le seul critère objectif disponible permettant de mesurer les « performances » des chaînes publiques en ce domaine.
Or, même si votre rapporteur regrette que ces obligations quantitatives ne soient pas accompagnées de critères qualitatifs tels que des horaires de diffusion plus accessibles, il doit néanmoins constater que les obligations de France Télévisions en matière de programmes « culturels » ont été largement respectées.
(1) Les émissions tournées vers la culture, la connaissance et la découverte, les programmes d'information, les magazines de reportages et d'investigations et les émissions de services
Elles ont représenté 58 % du volume total d'émissions diffusées par le groupe en 2001. Ce dernier a donc dépassé les 54 % atteints en 2000 et l'objectif de 50 % fixé par le COM .
L'ensemble de cette offre représente un volume horaire mensuel de plus de 30 heures de programmes sans tenir compte des rubriques et entretiens inclus dans des émissions généralistes, scientifiques ou religieuses.
(2) Les spectacles vivants
France 2 et France 3 ont diffusé 37 spectacles vivants en 2001 (22 pièces de théâtre, 9 spectacles lyriques, 4 spectacles chorégraphiques, 2 spectacles musicaux) soit sept spectacles de plus que l'obligation des cahiers des charges et deux de plus que l'objectif fixé dans le COM .
Cette offre devrait en outre être renforcée grâce à la signature d'un contrat pluriannuel de coopération avec l'Opéra de Paris portant sur la coproduction de six spectacles par saison durant trois saisons théâtrales.
(3) Les documentaires
Tout comme France 5, chaîne majeure dans le domaine du documentaire (plus de 30 cases de diffusion hebdomadaires), France 2 et France 3 pratiquent une politique volontariste dans ce secteur aussi bien en production qu'en programmation. Elles consacrent ainsi au documentaire 10 cases en moyenne par semaine.
c) Rentrée 2002 : une grille plus « culturelle » ?
France Télévisions semble avoir été sensible aux remarques formulées à l'encontre de sa programmation. En effet, les grilles de chacune des chaînes du groupe pour 2003 traduisent un effort particulier en faveur « de certaines des missions du service public télévisé » que le ministre de la culture et de la communication souhaitait voir mieux assurées. S'il convient de ne pas se laisser abuser par l'emploi systématique de l'adjectif « culturel » pour qualifier le moindre téléfilm français diffusé sur les chaînes du service public, il est néanmoins légitime de faire état des nouveaux programmes qui contribueront à rendre à France Télévisions sa spécificité au sein du paysage audiovisuel français.
• France 2
La chaîne amplifiera son effort en direction des documentaires, avec une programmation plus fréquente en première partie de soirée. Elle innovera également en produisant et diffusant dans les tranches « jeunesse » des documentaires spécialement destinés au public adolescent.
Par ailleurs, on relève parmi les nouvelles émissions proposées par France 2 un magazine scientifique mensuel, un programme hebdomadaire scientifique et un programme destiné à faire découvrir à un large public les richesses des musées nationaux.
• France 3
France 3 entend rester le premier partenaire des producteurs d'animation et de documentaires, grâce notamment aux antennes régionales.
France 3 n'entend pas seulement donner accès à la culture mais aussi la rendre accessible. La chaîne a lancé un nouveau magazine citoyen quotidien, un magazine multiculturel, une émission d'entretiens sur le théâtre et le cinéma, un nouveau journal télévisé des enfants et un magazine documentaire historique.
Au cours de la saison, France 3 multipliera par ailleurs les diffusions exceptionnelles de documentaires.
• France 5
La chaîne, qui avait renouvelé 80 % de ses programmes en septembre 2001, proposera cette année encore de nombreuses nouveautés dans le domaine culturel : un magazine historique hebdomadaire, un magazine scientifique, un magazine rendant compte de l'actualité du documentaire, un nouveau magazine consacré au cinéma, etc.
France 5 organisera également au cours de la saison des opérations spéciales autour du bicentenaire de Victor Hugo, du transfert des cendres d'Alexandre Dumas, de la fête de la science.
Enfin, sur le câble et le satellite, à partir de 20 heures, France 5 rediffusera dorénavant les magazines culturels emblématiques des chaînes publiques françaises : Culture et dépendances, Ombre et Lumière, Bibliothèque Médicis, Campus .
d) Un choix qu'il convient d'encourager : le refus de la télé-réalité
Les programmes de « télé-réalité », ensemble d'émissions aux concepts disparates (Loft Story, Koh-Lanta, L'île de la Tentation, Star Academy) , ont en commun de donner un rôle actif et central à des gens « ordinaires », et de les placer sur une longue durée face à des situations inédites, parfois extrêmes, dans des conditions d'enfermement ou d'isolement, où l'intime est traqué pour être partie intégrante du spectacle. Ces émissions sont sans réelle valeur de témoignage et les participants, filmés pratiquement 24 heures sur 24, sont exhibés d'une manière qui peut se révéler parfois dégradante.
Les chaînes du service public en général et de France Télévisions en particulier considèrent, à juste titre, qu'il n'est pas conforme à leur identité et à leurs missions de proposer ce type de programmes.
A cette « télé-réalité », les chaînes publiques « souhaitent opposer à travers leurs journaux, leurs documentaires, leurs magazines de société, une télévision du réel, dont la vocation est d'informer et de faire comprendre le monde, y compris à travers des témoignages individuels lorsqu'ils permettent la transmission utile d'une expérience ou l'enrichissement d'un débat ». Votre rapporteur leur donne acte de cette position qui incarne de manière exemplaire le « supplément d'exigence » qu'évoquait le président de France Télévisions lors de la présentation de la grille de rentrée des différentes chaînes du groupe, mais estime par ailleurs que le service public doit aussi s'interroger sur l'existence d'émissions dont les bons scores d'audience ne doivent pas faire oublier la médiocre qualité.
* 2 On rappellera à cette occasion « l'affaire » C'est mon choix , émission toujours diffusée quotidiennement à 13 heures 55 sur France 3.