2. La place du service public dans la TNT
• La remise en cause des projets du précédent gouvernement
Outre la reprise en numérique des chaînes publiques, le précédent gouvernement avait préempté pour le compte de France Télévisions trois canaux destinés à la diffusion de nouvelles chaînes. Ainsi le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions prévoyait-il la création d'une chaîne d'information continue, de huit chaînes régionales et d'une chaîne de découverte culturelle -la « chaîne de rediffusion »- destinée aux 25-40 ans.
On notera que les décrets approuvant les cahiers des charges de ces nouvelles chaînes ont été publiés le 2 mai 2002.
L'actuel gouvernement a, pour l'instant, préservé les trois canaux préemptés pour le service public. Cependant, dès son arrivée à la tête du ministère de la culture et de la communication, M. Jean-Jacques Aillagon a fait part de ses interrogations quant à la nécessité de profiter de la TNT pour étendre à tout prix l'offre de programmes du service public. Au contraire, il a souhaité que celui-ci « ne se disperse pas sur un trop grand nombre de programmes ». Devant votre commission, il a déclaré préférer « un service public concentré à un service public diffus et banalisé ». On peut difficilement lui donner tort sur ce point, tant une extension mal calibrée pourrait rapidement se transformer en dispersion, voire en gaspillage.
M. Jean-Marie Le Guen, dans son rapport Télévision numérique et télévisions publiques 3 ( * ) allait dans le même sens : « l'idée ne doit pas être de multiplier les chaînes de production et les surfaces de ventes d'un produit d'une qualité insuffisante comme du temps des usines LADA, mais de travailler à développer une nouvelle gamme de produits complémentaire du produit de base qui doit lui même être développé ». La comparaison est osée mais n'en est pas moins vraie.
Afin d'éviter le risque de « développer un produit d'une qualité insuffisante », le gouvernement, contrairement à son prédécesseur, a préféré s'assurer de celle des projets choisis.
Cette décision paraît sage, d'autant plus que votre rapporteur soulignera que d'autres éléments sont à prendre en compte :
- les moyens de financement du service public ne sont pas indéfiniment extensibles, et on relèvera d'ailleurs, à ce sujet, que le financement des projets du précédent gouvernement était rien moins qu'assuré ;
- il convient d'assurer un certain équilibre du paysage audiovisuel numérique et donc une certaine complémentarité entre l'offre publique et l'offre privée ;
- comme l'avait souligné le ministre devant votre commission, il convient aussi de veiller à éviter que la multiplication de nouvelles chaînes publiques n'incite les « chaînes-mères » à se désengager de leurs missions de service public.
L'analyse critique que fait le rapport Boyon des trois projets de l'ancien gouvernement confirme d'ailleurs le bien-fondé de ce réexamen.
En ce qui concerne la chaîne d'information continue , il relève que sur ce créneau, contrairement à la radio publique, la télévision publique n'a pas su saisir sa chance, « alors que des opérateurs privés ont déjà pris le risque de s'engager, d'investir des sommes importantes sans d'ailleurs encore parvenir à l'équilibre d'exploitation, et alors que l'un d'entre eux détient une place reconnue ».
Notant en outre la difficulté de mesurer l'attente du public dans ce domaine et le coût élevé du projet, il souligne enfin, très justement, qu'une décision sur le lancement de cette chaîne « ne peut être prise indépendamment du projet de chaîne d'information internationale dont l'étude vient d'être engagée » , chaîne dont il se demande « si elle n'aurait pas sa place naturelle dans l'offre de programmes publics en clair de la TNT ».
* La chaîne de rediffusion suscite aussi quelques critiques, le rapport relevant que :
- « ce projet, dont le concept a beaucoup évolué au cours des mois, paraît aujourd'hui flou, sans exprimer une véritable ambition » ;
- « le secteur public télévisuel comporte déjà une chaîne, TV5, qui consacre une large part de sa grille à la rediffusion d'oeuvres françaises et francophones ».
* Enfin, tout en estimant, et votre rapporteur partage ce jugement, que le projet de création de huit chaînes numériques régionales est « sans doute celui qui s'inscrit le mieux dans les potentialités offertes par la TNT », le rapport Boyon fait néanmoins état de « quelques interrogations » portant notamment sur la carte des nouvelles chaînes et leur coïncidence, « source de rigidité » , avec le découpage des directions régionales, sur le coût des multiples décrochages qui seraient nécessaires pour répondre à l'attente de proximité des téléspectateurs et, enfin, sur l'articulation entre les nouvelles chaînes et les programmes régionaux actuels de France 3.
• Les pistes de réflexion
Le retard constaté dans la mise en place du projet de TNT laisse au gouvernement un délai supplémentaire de réflexion pour définir les « contours » du service public sur la TNT.
Une décision devra cependant être prise rapidement, ne serait-ce que pour achever de définir le futur « paysage numérique terrestre » et pour mettre au point, éventuellement, le ou les projets que le gouvernement jugerait utile de retenir.
A cet égard, votre rapporteur juge excellente l'idée d'une diffusion sur la TNT de la future chaîne d'information internationale. Il souhaite que soit également prise en considération la proposition du rapport Boyon de prendre en compte « l'effort de créativité et de renouvellement (qui) est étroitement lié à la raison d'être de la télévision publique » et d'utiliser la TNT pour favoriser « certains types de programmes, cherchant à bousculer la routine, le conformisme et l'habitude d'imitation, à s'adresser à de nouveaux publics, spécialement celui des enfants, des adolescents et des jeunes adultes, à susciter de nouveaux modes de consommation télévisuelle » : à cet égard, la création d'une chaîne publique destinée aux enfants et aux adolescents et dégagée de toute pression publicitaire paraît être une piste à explorer, d'autant plus qu'une seule chaîne destinée à la jeunesse figure parmi les projets retenus par le CSA.
* 3 « Télévision numérique et télévisions publiques » rapport d'information au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale (n°2963- IIème législature)