III. LES APPORTS DE L'INTÉGRATION À L'UNION EUROPÉENNE
A la différence des territoires d'outre-mer et des collectivités territoriales à statut particulier de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon qui ont un statut d'association à l'Union européenne, les départements d'outre-mer sont pleinement intégrés à l'Union européenne, ce qui leur permet de bénéficier largement des crédits des fonds structurels européens, dont le montant a été substantiellement accru pour la période 2000- 2006.
1. Un cadre juridique spécifique précisé par l'article 299- 2 du traité d'Amsterdam
A
l'article 227-2 du Traité de Rome, qui ne concernait que les
départements d'outre-mer français, a été
substitué un nouvel article 299- 2, introduit par le Traité
d'Amsterdam. Sont reconnus désormais les
handicaps structurels
des
régions ultra-périphériques
que constituent les
départements d'outre-mer français, ainsi que les Açores,
Madère et les îles Canaries. Cet article autorise
expressément le Conseil des ministres européen à adopter
à la
majorité qualifiée
des « mesures
spécifiques » en faveur de ces régions, qui pourront
intervenir dans l'ensemble des matières couvertes par le Traité,
ces mesures ne devant cependant pas «
nuire à
l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique
communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques
communes
».
Ce nouvel article permet de consolider la position des départements
d'outre-mer mise à mal depuis quelques années par la
jurisprudence restrictive de la Cour de Justice des Communautés
Européennes, notamment au regard de la fiscalité
particulière pour le rhum et du régime de l'octroi de mer.
Le Conseil européen de Cologne (3 et 4 juin 1999) ayant invité la
Commission à présenter un rapport sur les mesures
destinées à mettre en oeuvre ce nouvel article, la Commission
européenne, après avoir sollicité les trois Etats
concernés, Espagne, Portugal et France, qui ont répondu par des
mémorandums publiés fin 1999, a rendu son rapport le 14 mars
2000. Accompagné d'un calendrier indicatif, il prévoit que les
thèmes prioritaires seront les productions traditionnelles, la relance
économique des régions ultra-périphériques, et la
coopération régionale.
Ce programme a connu une première application concrète en juillet
2000 avec la possibilité d'octroyer des aides au fonctionnement non
dégressives et non limitées dans le temps dans le cadre des aides
d'Etat à finalité régionale, cette dérogation
étant ouverte sur la seule justification de
l'ultrapériphicité.
Le traitement des autres dossiers ayant subi un retard important, ainsi que
l'avait déploré votre rapporteur dans son avis 2001, le Premier
ministre a adressé au président de la Commission une lettre lui
rappelant l'urgence de ces mesures. La Commission a alors adopté le
29 novembre 2000
cinq propositions de règlement, formellement
adoptées par le Conseil le 28 juin 2001, prévoyant en particulier
le
relèvement de la participation des fonds structurels à
l'investissement dans les petites et moyennes entreprises de 35 à
50 % du coût total exigible.
Par ailleurs, le
taux plafond d'intervention des fonds structurels a
été aligné à 85 % du coût total
éligible pour toutes les régions
ultrapériphériques
16(
*
)
, qu'elles appartiennent ou non
à des Etats membres couverts par les fonds de cohésion. Cette
disposition est très importante, puisque l'attribution de crédits
européens est soumise à un principe d'additionnalité, les
collectivités locales et l'Etat devant également contribuer au
financement des opérations programmées. La détermination
de ce taux de co-financement conditionne donc fortement les taux de
mobilisation des enveloppes allouées.
Cependant,
la Commission paraît réticente à fonder sa
politique sur l'article 299 § 2
et fonder les mesures
spécifiques sur d'autres références juridiques comme
l'article 161 relatif aux fonds structurels ou l'article 37 concernant les
mesures agricoles.
Cette démarche
doit être dénoncée
avec
vigueur par les autorités françaises.
La question de la base
juridique n'est pas anodine, les décisions article 299 § 2
étant prises à la majorité après consultation du
Parlement européen, alors que celles relevant de l'article 161
nécessitent l'unanimité et l'avis conforme du Parlement
européen
. Il est cependant positif de constater que ces
règlements ont été adoptés sur la base commune des
articles 299§2, 161 et 37.
Il faut également protester contre l'affaiblissement du rôle du
Groupe interservices. La diminution de ses effectifs et le projet de
rattachement à la Direction générale en charge de l'action
régionale, loin de constituer une simple réforme administrative,
pourraient apparaître comme un retrait de l'engagement de la Commission
à l'égard du concept d'ultrapériphérie.
2. Une intégration à l'Union européenne largement bénéfique
Les
départements d'outre-mer bénéficient de régimes
d'aides spécifiques, essentiellement dans le cadre du programme
POSEIDOM
(programme d'options spécifiques à
l'éloignement et à l'insularité des DOM)
créé en 1989. Il comporte depuis 1991 un volet agricole (qui a
récemment fait l'objet d'une révision), ainsi qu'un volet
pêche introduit en 1993 et un volet environnement.
En outre, les départements d'outre-mer reçoivent d'importantes
dotations au titre des
fonds structurels européens
. A la suite de
la réforme décidée au sommet européen de Berlin (24
mars 1999), un regroupement des aides sur les régions les plus en retard
de développement a été décidé, le nombre
d'objectifs passant de 7 à 3. Les départements d'outre-mer
restent éligibles à «
l'objectif
1
»
17(
*
)
qui
s'adresse aux régions dans lesquelles le PIB par habitant est
inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Ils
bénéficient dans ce cadre de financements communautaires
regroupés dans le document unique de programmation (DOCUP), qui
rassemble les crédits émanant des Fonds européens de
développement régional - FEDER, Fonds social
européen - FSE, Fonds européen d'orientation et de garantie
agricole - FEOGA, et l'Instrument financier d'orientation pour la
pêche - IFOP.
Le montant global des fonds ainsi alloués aux départements
d'outre-mer, qui s'est élevé à près de
12
milliards de francs pour la période 1994-1999
, dont 44 %
pour la Réunion, 23 % pour la Guadeloupe, 22 %
pour la Martinique et 11 % pour la Guyane, a été
porté
pour la période 2000-2006 à plus de 22 milliards
de francs
(les programmes étant cependant prévus pour 7 ans
au lieu de 6 précédemment).
Le montant des crédits disponibles pour l'investissement dans les
départements d'outre-mer sera donc considérable.
3. La nécessité de veiller à une consommation optimale des crédits communautaires
Dans
certains cas, on constate des
difficultés à programmer les
opérations d'investissement et à mobiliser les crédits
correspondants, ce qui aboutit à une sous-consommation des
crédits communautaires
tout à fait regrettable, les fonds
structurels constituant un atout essentiel pour le développement
économique des départements d'outre-mer.
Ceci peut s'expliquer par le fait que les aides communautaires ne sont
versées, à l'exception d'un acompte de 5 à 10 %,
qu'après la réalisation des travaux. Elles impliquent donc, dans
un premier temps, un préfinancement des investissements. A ce principe
de préfinancement s'ajoute une lenteur des délais de
remboursement par les autorités communautaires atteignant parfois deux
ans. Ne sont ainsi souvent éligibles que les projets soutenus par de
grandes entreprises.
Les taux de consommation des crédits communautaires illustrent ces
difficultés : pour les départements d'outre-mer, une
sous-consommation importante des crédits communautaires a ainsi
été constatée sur la période 1994-1999, les fonds
n'ayant été engagés qu'à hauteur de 64,9 % et
payés à hauteur de 42,66 %.
Engagement des fonds structurels européens
allouées aux DOM pour la période 1994-1999
|
FEDER |
FSE |
FEOGA |
IFOP |
Total |
Guadeloupe |
50,9 % |
88, 8 % |
67,9 % |
7,51 % |
60,4 % |
Martinique |
43,2 % |
80,4 % |
50,5 % |
31,4 % |
53,8 % |
Réunion |
51,4 % |
100 % |
84,7 % |
39,4 % |
71,7 % |
Guyane |
66,7 % |
97,7 % |
70,1 % |
75 % |
73,9 % |
Total |
53,0 % |
91,7 % |
68,3 % |
38,3 % |
64,9 % |
Financement au titre des DOCUP pour 2000-2006
(en
millions
d'euros)
régions |
dotation globale DOCUP |
dont
dotation
|
Guadeloupe |
1.986,38 |
808,54 |
Guyane |
730,45 |
370,58 |
Martinique |
1.681,22 |
673,78 |
Réunion |
2.878,20 |
1.516,00 |
Total |
7.276,26 |
3.368,91 |
Source : secrétariat d'Etat à
l'outre-mer
Il est important de noter, en outre, que ces taux positifs de consommation des
crédits sont pour
la plupart obtenus grâce à des
reports de crédits non utilisés, ce qui fausse
l'appréciation.
De plus, au-delà des simples aspects quantitatifs, il importe avant
tout de veiller à la pertinence de l'utilisation qui est faite de ces
crédits communautaires.
Une circulaire du Premier ministre de mai 1998 avait prévu
l'instauration d'une cellule Europe dans chaque département, suivant
l'exemple de la Réunion. La
loi d'orientation sur l'outre-mer
consacre
dans la loi (à l'initiative de votre rapporteur),
l'existence dans chacun des départements d'outre-mer d'une
commission
18(
*
)
de
suivi de l'utilisation des fonds structurels européens
, instance de
concertation réunissant l'ensemble des partenaires
intéressés
19(
*
)
.
En outre, dans le cadre de l'Agenda 2000, la Commission européenne a
prévu un certain nombre de mécanismes destinés à
améliorer la gestion et la consommation des crédits
communautaires.
Ainsi, 4 % des crédits seront mis en réserve en
début de période et reversés à mi-parcours aux
programmes les plus performants. Par ailleurs, les engagements seront
effectués de façon annuelle au plus tard au 30 avril et la part
des engagements qui n'aura pas fait l'objet de paiement à la fin de la
deuxième année après celle de l'engagement sera
dégagée d'office par la Commission.
Enfin, il faut prendre conscience qu'un tel montant de fonds structurels ne
sera plus envisageable dans la perspective d'un élargissement à
25 membres de l'Union européenne et qu'une vingtaine de régions
devra alors sortir de l'objectif 1.
4. L'évolution du statut de PTOM de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon
Les
collectivités territoriales de
Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon
, qui n'ont pas le statut de département
d'outre-mer, ne peuvent bénéficier des fonds structurels
européens.
Leur statut de
pays et territoires d'outre-mer (PTOM)
20(
*
)
associés à l'Union
européenne leur permet toutefois de bénéficier des aides
du Fonds européen de développement (FED), dont le montant est
sans commune mesure avec celui des fonds structurels
21(
*
)
.
La décision d'association du 25 juillet 1991, modifiée le 24
novembre 1997, est arrivée à expiration le 29 février
2000. En raison du retard pris par la Commission européenne, elle a
été prorogée d'un an, soit jusqu'au 28 février
2001.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a
annoncé lors de son audition par la commission des Lois que le Conseil
européen des affaires générales avait approuvé le
renouvellement du statut d'association des PTOM avec l'Union européenne
le 19 novembre dernier. La future association avec les PTOM pour la
période du 1
er
mars 2001 au 31 décembre 2007 reprend
en grande partie les orientations fixées par la déclaration
n° 36 concernant les PTOM et annexée à l'acte final du
traité d'Amsterdam.
Cette décision de l'Union européenne va entraîner une
augmentation substantielle des dotations européennes aux PTOM. Le
montant du
9
ème
FED
(2001-2007)
a ainsi
été fixé à 126,5 millions d'euros pour l'ensemble
des PTOM, soit une
augmentation de 20,4 %
par rapport au
8
ème
FED. Mayotte devrait ainsi recevoir 15,2 millions
d'euros, contre 10 auparavant, soit une augmentation de 52 %,
Saint-Pierre-et-Miquelon, obtenant 12,4 millions d'euros contre 4 auparavant,
soit plus de 3 fois plus, ce qui est considérable si on le rapporte au
nombre d'habitants (6.600).
Par ailleurs, sera de nouveau autorisé le régime de
transbordement, c'est-à-dire d'importations dans l'Union
européenne à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces opérations,
interdites en 2000 à la suite d'irrégularités, vont
permettre à nouveau au territoire de dédouaner et d'introduire
dans l'Union des produits de pays tiers et d'encaisser les droits de douanes au
bénéfice du budget de la collectivité.