II. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES POUR EXERCER EFFICACEMENT LES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ÉTAT
L'exercice des missions régaliennes de l'Etat, déjà jugé alarmant en métropole, présente une situation encore plus inquiétante outre-mer, ainsi que le montrent une fois encore les résultats enregistrés en matière de sécurité, de justice ou encore de contrôle de l'immigration. Mais c'est surtout l'évolution au cours de la dernière décennie qui semble montrer une perte de contrôle globale.
1. L'aggravation de la délinquance de voie publique et la persistance du trafic de drogue
Votre
rapporteur regrette tout d'abord de n'avoir pu recueillir d'informations quant
à l'évolution du taux de criminalité outre-mer
.
Si le secrétariat d'Etat met en avant la baisse des crimes et
délits constatés par la police et la gendarmerie de 5 % dans
les quatre départements d'outre-mer, alors qu'elle augmentait de
2,90 % au plan national,
la délinquance de voie publique
,
qui regroupe les infractions les plus durement ressenties par les populations
(vols à main armée, vols avec violences, cambriolages, vols de
véhicules, vols à la roulotte, destructions et
dégradations),
progresse de 19,5 % en cinq ans
.
Elle augmente sensiblement en Guadeloupe (+ 5,4 %), davantage en Guyane (+
17,5 %), mais enregistre des tendances fortes en Martinique (+
22,2 %) et surtout à la Réunion (+ 33,1 %).
Elle
représentait en 1995 41,6 % de la délinquance totale et en
2000 52,4 %, contre 51,37 % au plan national.
Par ailleurs, il est
inquiétant de constater que des
départements dans lesquels le taux de criminalité était
nettement inférieur à celui métropolitain (comme la
Martinique ou la Réunion), sont ceux qui sont le plus affectés
par
cette augmentation et semblent eux aussi connaître une
véritable dérive.
§ La Guadeloupe
connaît un niveau élevé
d'insécurité qui baisse cependant de 3,6 %, même si
l'augmentation est de 2,5 % depuis 1995.
Au cours de la
décennie, sa progression a été de 31,75 %, cette
hausse concernant surtout la délinquance violente.
La délinquance de voie publique a augmenté de 5,4 % depuis
1995 et de 4,95 % entre 1999 et 2000. Sa part dans la délinquance
globale est de 55,7 %. La catégorie des vols subit une hausse de
2,6 % en 2000 du fait notamment de l'augmentation des vols de
véhicules et de deux roues (44 % des vols), tandis qu'on assiste
à une stabilisation des cambriolages et à une baisse sensible des
vols à main armée.
Les crimes et délits contre les personnes sont en baisse, même si
la part de cette catégorie dans la criminalité globale
(11,34 % contre 6,74 % au plan national), est le taux le plus
élevé des départements d'outre-mer.
Les infractions à la législation des stupéfiants
n'augmentent que de 4,01 %.
En outre,
la part des mineurs mis en cause reste stable (9,41 % contre
22,41 % au plan national
).
§ En Martinique
, la délinquance a progressé de
4,5 %.
Le bilan de la dernière décennie se traduit
en outre par une hausse de 55,30 %
, ce qui nourrit la crainte d'une
évolution incontrôlable de la violence, notamment en milieu
scolaire.
La délinquance change de nature et utilise davantage la
violence
physique. Les crimes et délits contre les personnes progressent de
6,13 %. La délinquance de voie publique a augmenté de
22,2 % entre 1995 et 2000 et de 8,17 % entre 1999 et 2000. Sa part
dans la délinquance globale est passée de 47,7 % en 1995
à 55,79 % en 2000.
S'agissant des infractions à la législation sur les
stupéfiants
, elles
sont globalement en baisse de
4,19 % entre 1999 et 2000, mais on enregistre pour les deux
dernières années une augmentation de près de 28 % des
faits de consommation. La part de ces infractions dans la criminalité
totale est bien supérieure à celle de la métropole
(4,09 % contre 2,75 %).
On note également un doublement des délits relevant de la police
des étrangers.
§ En Guyane
, les crimes et délits constatés en 2000
ont connu une
baisse de 7,16 %, tandis que la progression de la
criminalité globale a été de 5,79 % au cours de la
décennie
.
On note une augmentation de la criminalité de voie publique (vols avec
violence et vols à main armée en particulier),
criminalité violente
qualifiée généralement
de
type sud-américain
. D'une manière
générale, le
nombre d'armes à feu
détenues
le plus souvent illégalement intensifie le sentiment
d'insécurité éprouvé par la population guyanaise.
Lors des émeutes de novembre 2000, des tirs d'armes à feu ont
ainsi été essuyés par les forces de l'ordre. Ces armes
proviennent généralement du Brésil et du Surinam.
S'agissant de la délinquance de voie publique, elle augmente de
17,5 % depuis 1995 et de 8,93 % entre1999 et 2000, tandis que les
vols avec violence ont progressé de 55,16 % au cours des cinq
dernières années, les crimes et délits contre les
personnes baissant de près de 40 % ces deux dernières
années. Les
infractions à la législation sur les
stupéfiants ont diminué de 20 % l'année
dernière et de 28,3 % depuis 1995
.
En outre, la Guyane connaît des sources d'insécurité
spécifiques, du fait d'une importante population immigrée en
situation irrégulière obligée de se livrer aux trafics
pour survivre.
Sur une
population totale estimée de 160.000 habitants
, il y
aurait
environ 37.000 étrangers en situation régulière,
et de 30.000 à 50.000 personnes en situation
irrégulière
. Les étrangers représentent
84,7 % des personnes mises en cause, dont les trois quarts pour
infractions aux conditions d'entrée et de séjour.
La part des
infractions à la législation des étrangers
représente près de la moitié de la criminalité
globale. Hors cette catégorie, la part des étrangers dans la
criminalité s'établit à près de 12 %
.
De plus, la présence d'
or
en Guyane entraîne des
conséquences dramatiques, dénoncées par le rapport de Mme
Christiane Taubira-Delannon, remis au Premier ministre en décembre 2000.
Outre les atteintes graves à l'environnement et à la santé
du fait du rejet de mercure dans les rivières, qui cause des troubles
neurologiques graves chez les populations amérindiennes, mais
également pour les populations vivant sur la bande côtière
(Cayenne et Kourou), les incidents se succèdent dans la région de
Maripasoula entre orpailleurs (des Bonis, descendants des esclaves marrons, ou
des Brésiliens entrés clandestinement) et les tribus
amérindiennes (principalement les Wayanas). Se développent par
conséquent dans cette région des milices armées, ainsi que
les trafics de drogue et de prostitution.
Actuellement, on compte 382 gendarmes répartis en trois compagnies, et
270 répartis en trois escadrons de gendarmerie mobile. Dans le cadre de
la future loi de programmation militaire, ces effectifs pourraient être
augmentés. Les effectifs de police ont augmenté de 25 %
depuis 1997 passant de 368 à 459 et une section d'intervention a
été créée en 1998 avec 62 adjoints de
sécurité (75 % des adjoints de sécurité
étant originaires de Guyane).
M. Christian Paul, à l'occasion de sa visite en Guyane en septembre
dernier, a annoncé un renfort de 30 policiers supplémentaires
à Cayenne, davantage de forces de gendarmerie (sans plus de
précision), la constitution d'une unité de 60 gendarmes mobiles
en forêt pour lutter contre l'orpaillage clandestin dans les 18 mois, la
mise en place de barrages mobiles de contrôles sur la route nationale
pour freiner l'immigration clandestine, ainsi que la création de 110
postes d'adultes relais chargés de servir de lien entre les jeunes
marginalisés et les associations de quartier.
En effet, la violence n'est pas circonscrite à l'intérieur du
territoire, mais touche également la zone littorale où se
concentre la population, provoquant régulièrement des
manifestations à Cayenne et à Kourou pour attirer l'attention des
autorités.
Si l'annonce du secrétaire d'Etat à l'outre-mer constitue un
premier pas
positif, il est
à craindre qu'elle demeure encore
largement insuffisante pour rétablir l'ordre dans un département
vaste comme le Portugal
.
Point sur l'évolution du trafic de drogue dans la Caraïbe
La
Caraïbe connaît une évolution inquiétante ces
dernières années. Géographiquement situés entre les
régions de production, localisées en Amérique du sud et
les régions de consommation de l'Amérique du Nord et de l'Europe,
les départements français d'Amérique se trouvent
aujourd'hui au centre du trafic de stupéfiants.
La Guyane est particulièrement concernée par le trafic de
cocaïne, tandis que le trafic et la consommation de crack (produit
dérivé de la cocaïne obtenu par adjonction d'ammoniaque ou
de bicarbonate de soude) se développent de manière
inquiétante en Martinique.
En juillet 2001, la marine française a intercepté un bateau de
pêche vénézuélien transportant 1,8 tonne de
cocaïne.
En outre, la Guadeloupe se trouve dans une situation délicate du fait de
l'important trafic international se développant à partir de
l'île de Saint-Martin. Sa partie néerlandaise, Sint-Maarten,
connaît un problème important de blanchiment d'argent par le biais
des neuf casinos, en grande majorité contrôlés par les
clans mafieux de la Camorra, Cosanostra et N'Drangheta.
Votre rapporteur souhaite que, dans le cadre de la coopération
européenne, cette question puisse être évoquée avec
les Pays-Bas.
Le fait nouveau concerne
l'augmentation inquiétante du trafic
à destination de la consommation locale
. Les effets du crack sur
l'évolution de la délinquance sont connus : la
dépendance quasi-immédiate qu'il entraîne explique la
recrudescence des vols à main armée et des vols avec violence.
Cette forme de délinquance a connu une progression
particulièrement importante.
Face à cette situation, les moyens mis à la disposition des
forces de police ont été renforcés (effectifs du SRPJ
Antilles-Guyane accrus, installation du fichier Canonge à
Fort-de-France, installation d'un centre interministériel de formation
anti-drogue à Fort-de-France).
La coopération internationale a été renforcée
grâce à une structure de coopération spécifique
à la zone, le Bureau des liaisons opérationnelles,
implanté au sein du SRPJ, mis en place afin de développer
l'analyse et l'échange du renseignement opérationnel, ainsi qu'au
réseau Interpol, au service de coopération technique
internationale de police (SCTIP) et à l'Office central de
répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), avec la
mise en place d'un réseau de délégations et d'antennes
internationales.
Si la présence de TRACFIN permet de prévenir et réprimer
le blanchiment d'argent dans les départements d'outre-mer, il serait
utile que son action s'étende à l'ensemble de la zone.
Un programme européen (Project Management Office -PMO-), auquel
participent les pays intéressés de la zone ainsi que la France,
la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l'Espagne permet, avec la collaboration
américaine, de mieux coordonner les moyens de coopération
maritime, un projet d'accord bilatéral entre la France et les Etats-Unis
ainsi qu'un accord de coopération multilatérale proposé
par les Pays-Bas étant en outre en cours de négociation.
L'Union européenne a engagé 35 millions d'euros sur cinq ans pour
les actions de lutte contre la drogue dans la région.
Cependant, votre rapporteur estime que les moyens mis à la disposition
des forces de l'ordre chargées des frontières (notamment
fluviales et maritimes), doivent être considérablement
renforcés.
§ La Réunion
a connu en 2000 une
hausse des crimes et
délits
constatés dans le département de plus de
8 %, et
de 16,8 % par rapport à 1995
.
Structurellement, on constate un nombre important de
crimes de sang et de
viols,
liés à l'alcool, la pauvreté et la
précarité, ainsi qu'aux efforts récents de signalement des
viols à caractère incestueux, qui représentent près
des deux tiers des condamnations criminelles.
La délinquance de voie publique progresse de 11 %. Les vols ont
augmenté de 27,9 % depuis 1995 et de 10,31 % entre 1999 et
2000. En outre, les crimes et délits contre les personnes ont
progressé de 11,40 % entre 1999 et 2000, malgré une
diminution de 27,31 % des viols.
Cependant, le fait marquant semble être
la hausse de la violence de la
délinquance d'appropriation, marque d'un déséquilibre
social et d'un comportement de plus en plus incontrôlé d'une
frange des mineurs
. La part des mineurs mis en cause est de 22,45 %
contre 19,05 % en 1999. Leur nombre augmente ainsi de 28,24 %.
39 policiers supplémentaires ont été affectés, afin
de créer des îlots et des patrouilles légères de
sécurité, représentant une augmentation de 15 %
depuis 1997. De plus, quatre contrats locaux de sécurité ont
été mis en place à Saint-Denis, Port des Galets, La
Possession et Saint-Benoît). Malgré tout, la situation
paraît inquiétante.
§ A Mayotte
.
Le taux de délinquance générale (de 54,9 pour mille en
2000), tend à se rapprocher rapidement du taux national (82,34 pour
mille en 1999).
En cinq ans, la délinquance constatée à
Mayotte a considérablement augmenté, pour passer d'un niveau
particulièrement bas à des seuils qui se rapprochent des moyennes
métropolitaines
.
La caractéristique essentielle de la
délinquance mahoraise est
d'être acquisitive (surreprésentation des vols et des
cambriolages
). Les faits constatés en matière de violence
contre les personnes sont relativement faibles, même si l'on observe des
prémices de constitution de bandes de jeunes. En 2000, les mineurs
représentaient 16 % des mis en cause, ce chiffre devant être
relativisé du fait de l'incertitude sur l'état-civil de nombreux
mis en cause.
En outre, les
étrangers représentent en 2000 39,4 % des
mis en cause
. Il s'agit essentiellement de ressortissants comoriens
(notamment des Anjouanais). L'immigration clandestine représente la
première cause d'instabilité de Mayotte. Elle prend la forme,
dans la zone urbaine de Mamoudzou, de villages entiers de clandestins. En 2000,
1.918 reconduites à la frontière ont été
réalisées.
L'application depuis le 1
er
mai 2001 des
nouvelles ordonnances sur le séjour des étrangers à
Mayotte
, en entraînant une juridicisation des procédures,
devrait bouleverser les statistiques de la délinquance.
Comptabilisées désormais au même titre que les
infractions, les reconduites à la frontière opérées
devraient provoquer un doublement des chiffres de la délinquance
constatée à Mayotte
.
- A Saint-Pierre-et-Miquelon
, situé en zone gendarmerie, la
délinquance est quasi dérisoire, l'archipel (6.600 habitants) ne
connaissant que des troubles d'ordre public liés à des
problèmes économiques et sociaux.
Ainsi,
malgré des évolutions contrastées de la
criminalité globale, ce bref tableau de la délinquance dans les
départements d'outre-mer et à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon
fait ressortir une progression
sensible des crimes et délits contre
les personnes, de la délinquance de voie publique
au cours de la
décennie passée, particulièrement dans les
départements qui paraissaient les plus préservés
(Martinique et Réunion notamment), avec l'augmentation
inquiétante de la délinquance des mineurs.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a cependant
indiqué lors de son audition par la commission des Lois qu'un effort
considérable en matière de sécurité depuis 1997,
les effectifs de gendarmes et policiers ayant augmenté de 20 %.
Au demeurant, les statistiques doivent être interprétées
avec prudence, compte tenu du découragement croissant des victimes
dissuadées de porter plainte par le taux réduit
d'élucidation et le nombre élevé de classements sans
suite, même lorsque l'auteur de l'infraction est identifié.
2. Une activité soutenue des juridictions installées dans des locaux inadaptés
Les
dernières statistiques disponibles concernent l'année 1999.
- L'évolution globale de l'activité des juridictions
situées dans les départements d'outre-mer est
caractérisée par une
augmentation supérieure à
la moyenne nationale, en particulier en matière civile
.
Le
nombre d'affaires civiles nouvelles
a progressé entre
1995 et 1999 de 24,8 % à la cour d'appel de Basse-Terre
(Guadeloupe), de 26,7 % à la cour d'appel de Fort-de-France et de
33,8 % à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion. Ces
cours d'appel conservent cependant des délais de traitement
inférieurs à la moyenne nationale, qui est de 18,1 mois : 15 mois
à la cour d'appel de Fort-de-France, 10,6 mois à la cour d'appel
de Basse-Terre, 13,3 mois à la cour d'appel de Saint-Denis de la
Réunion.
Les délais moyens devant les tribunaux de grande instance, qui sont de
9,1 mois au niveau national, atteignent des délais
contrastés : 4,8 mois au TGI de Saint-Pierre de la Réunion,
5,9 mois au TGI de Cayenne, 7,5 mois au TGI de Saint-Denis de la
Réunion, mais 9,8 mois au TGI de Fort-de-France, 11,2 mois au TGI de
Basse-Terre et 12 mois au TGI de Pointe-à-Pitre.
A
Mayotte
se pose le problème, inquiétant, d'un taux de
vacance de 39 %, alors même que les articles 61 et 62 de la loi
n° 2001-616 du 11 juillet 2001 sur le statut de Mayotte prévoient
que
les affaires relevant du statut civil de droit local d'inspiration
coranique seront désormais traités par les tribunaux de droit
commun
, les « cadis » ou juges musulmans
siégeant en tant qu'assesseurs ou exerçant des fonctions de
médiateurs. L'article 67-2 de la loi du 11 juillet 2001 autorise le
Gouvernement à prendre par ordonnances, les mesures législatives
nécessaires à la réforme de l'organisation judiciaire et
du statut des cadis, avant le 31 décembre 2002. Les moyens
matériels et humains du tribunal de première instance de
Mamoudzou devront donc être considérablement renforcés pour
faire face aux nouvelles attributions de cette juridiction.
S'agissant des
conditions matérielles de travail
, les
juridictions d'outre-mer ont bénéficié au titre des
exercices 1999, 2000 et 2001 des crédits accordés par la mission
modernisation de la direction des services judiciaires pour le soutien des
projets de modernisation, qui s'établissent à 0,24 million en
1999, 0,125 million d'euros en 2000 et 0,227 million d'euros en 2001, soit
plus de 7 % du montant total des crédits affectés à
la modernisation des juridictions.
Ces opérations visent en premier lieu l'accueil du justiciable,
l'acquisition d'équipements pour l'enregistrement audiovisuel des
mineurs placés en garde à vue et l'acquisition de
matériels audiovisuels numériques pour l'enregistrement des
mineurs victimes d'infractions sexuelles.
- S'agissant des
juridictions administratives
, le nombre annuel
d'affaires enregistrées s'est accru de 42 % entre 1992 et 2000, le
nombre d'affaires enregistrées se stabilisant à + 3 % par an
depuis 1994. Néanmoins, le nombre d'affaires traitées progresse
de 1992 à 2000 de 74,5 %, ce qui reflète à la fois
les effets du renforcement des effectifs de magistrats (+ 39 % sur la
période), et l'amélioration de la productivité au sein des
juridictions.
Le ratio des affaires jugées sur les affaires enregistrées de
l'ensemble des juridictions du premier degré dépasse pour la
première fois en 2000 les 100 % (105 % pour les juridictions
de la métropole, et 112,6 % pour les juridictions d'outre-mer, soit
une augmentation de 22 points par rapport à 1999).
Le volume des stocks des juridictions administratives d'outre-mer
représente environ 2,6 % de l'ensemble des affaires en instance
dans les juridictions administratives de premier degré en 2000. Le
délai théorique d'élimination du stock
9(
*
)
a diminué
régulièrement, pour passer de 2 ans et 1 mois à 1 an
et 3 mois de 1997 à 2000.
Par ailleurs, la structure du contentieux administratif dans les juridictions
d'outre-mer fait apparaître une
surreprésentation du
contentieux de la fonction publique
(37,2 % contre 12,8 % en
métropole)
et des marchés et contrats
(10 %
contre 3,6 % en métropole).
- L'effort financier consacré à la
situation
immobilière des juridictions
pour les DOM en 2002 représente
25 millions d'euros en autorisations de programme.
Les travaux de relogement des tribunaux administratifs de Cayenne et de
Saint-Denis de la Réunion se poursuivent. La livraison du nouveau
siège du tribunal administratif de Cayenne devrait être effective
à la fin du second trimestre 2002, les marchés de travaux ayant
été conclus à la mi-2001. Le coût total est
évalué à 489.000 euros (dont 183.000 euros en
2001). Le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion,
actuellement situé dans les locaux de la préfecture, devrait
être relogé après des travaux de rénovation, dont le
montant est estimé à 1,524 million d'euros.
Sont inscrites également sur l'exercice 2001 des études pour le
palais de justice de Fort-de-France, et diverses opérations
d'investissement pour la protection judiciaire de la jeunesse.
L'extension du palais de justice de Basse-Terre, trop exigu, est en cours de
réalisation. Après la désignation de deux architectes fin
1999, les études postérieures au concours ont pu débuter
en 2000. Le coût de l'opération est estimé à 16, 769
millions d'euros.
Les travaux se dérouleront sur 4 ans en deux
phases : à partir de 2001, édification du
bâtiment neuf et ensuite réhabilitation et restructuration du
palais de justice actuel.
Le même projet est prévu pour le
tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre. Les études de
programmation du nouveau bâtiment ont démarré en 2001.
A Fort-de-France a également été décidée la
construction d'un nouveau palais de justice destiné à accueillir
l'ensemble des juridictions du premier degré, le palais actuel
étant dévolu à terme à la seule cour d'appel.
L'installation effective des juridictions est prévue avant janvier 2002.
Le coût de la construction est de 44,21 millions d'euros, auquel
s'ajoutera le coût de la réhabilitation de l'actuel palais de
justice, prévue dans le programme pluriannuel 2000/2007 (études
à partir de 2003 et 2004 pour les travaux, estimés à 9,14
millions d'euros).
S'agissant du site du Lamentin (en Martinique), il n'a toujours pu être
trouvé de terrain adéquat, alors que la consultation des
entreprises en vue de la construction d'un nouveau bâtiment devait
initialement être engagée avant la fin de l'année 2000.
Comme votre rapporteur pour avis le faisait déjà observer en 1999
et 2000, il apparaît urgent que le
palais de justice de Cayenne
soit réhabilité. Cette opération a été
incluse dans le programme pluriannuel 2000/2007 (études à partir
de 2001 et travaux, actuellement estimés à 7,622 millions
d'euros, dans la continuité). Il est envisagé de construire un
nouveau palais de justice pour les juridictions du premier degré et de
réhabiliter le « palais » actuel au profit de la
chambre détachée de la cour d'appel de Fort-de-France.
Il faut noter que, malgré les efforts financiers importants consentis,
la réalisation d'un programme dure en moyenne 6 ans
(passation du
marché public, réalisation d'études et enfin phase de
travaux). L'ensemble des opérations concernant l'outre-mer n'en est
souvent qu'au stade des études, au mieux au début des travaux.
3. La persistance d'une surpopulation carcérale aggravée par la vétusté des établissements
En
dépit de la mise en service récente de nouveaux
établissements pénitentiaires, le nombre de détenus dans
les établissements pénitentiaires des départements
d'outre-mer et des collectivités territoriales de Mayotte et
Saint-Pierre-et-Miquelon s'élevait au 1er janvier 2001 à 2.869
personnes pour une capacité opérationnelle de 2.362 places, soit
un
taux d'occupation de 121,46 %, supérieur au taux
national moyen de 118 %, mais en baisse, puisqu'il s'établissait
en 2001 à 128 %.
Dans l'ensemble des départements d'outre-mer, la population
pénale s'élevait au 1
er
janvier 2001 à 2.738
détenus contre 2.751 au 1
er
janvier 2000. La situation est
donc à peu près identique. Le taux d'occupation des
établissements reste particulièrement élevé,
à l'exception de celui du centre pénitentiaire de Baie-Mahault et
celui de Guyane.
En ce qui concerne Mayotte, le taux d'occupation est particulièrement
élevé, puisqu'il s'établissait au 1
er
juin 2001
à 206 %.
L'importance de la toxicomanie, qui concerne 56 % des détenus
contre 32 % en moyenne nationale et induit un comportement souvent
agressif, s'ajoute aux difficultés de gestion résultant des
importants taux d'occupation et de la vétusté de certains
établissements. Pour chacun des trois départements des
Antilles-Guyane, une convention départementale d'objectifs de lutte
contre la toxicomanie a été signée en 1999 entre le
préfet et le procureur de la République pour améliorer la
prise en charge des toxicomanes placés sous main de justice.
L'enquête nationale menée en 2000 sur les conditions
d'hygiène en détention a montré que 78 % des cellules
d'outre-mer étaient jugées sales au regard des critères de
l'enquête, contre 33 % en métropole. Ainsi, la distribution
de produits d'hygiène individuelle n'est pas réalisée dans
75 % des maisons d'arrêt d'outre-mer.
-
Aux Antilles
, malgré la mise en service fin 1996 de deux
nouveaux établissements (Ducos et Baie Mahault), les taux d'occupation
sont encore de 124,1 % en 2000 (contre 115,1 % en 1999)
en Martinique et 122 % en Guadeloupe.
-
En Guyane
, l'ouverture en avril 1998 du nouvel
établissement de Remiré-Montjoly avait permis de ramener en 1999
le taux d'occupation record de 1997 de 279 % à
85,7 %. Cependant, le centre pénitentiaire a du être en
partie fermé à la suite des destructions provoquées par la
mutinerie de l'été 1999. Les travaux de sécurisation
complémentaires (d'un montant de 2,15 millions d'euros)
engagés en 2000 ont permis une réouverture progressive du
quartier maison d'arrêt, les travaux devant s'achever fin 2001.
-
A la Réunion
, la situation reste très
préoccupante dans les trois établissements pénitentiaires
(Le port, et surtout Saint-Denis et Saint-Pierre), où sont atteints
depuis plusieurs années des taux de surencombrement compris entre 175
% et 210 %. Ces taux d'occupation ont été
ramenés en 2001 entre 147,7 % et 176 %.
La maison d'arrêt de Saint-Denis, qu'une délégation de
votre commission des Lois, conduite par votre rapporteur, avait visitée
en 1999, est située dans un bâtiment colonial très
vétuste et présente une situation particulièrement
préoccupante, puisqu'elle comptait 213 détenus au 1
er
janvier 2001 pour une capacité de 121 places.
En réponse à une question de votre rapporteur, M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué lors de son
audition par la commission des Lois que la construction d'une nouvelle maison
d'arrêt de 635 places constituait une priorité du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Une mission technique
diligentée en octobre 1999 a finalement retenu le site de
Beauséjour, sur la commune de Sainte-Marie. Le coût de
l'opération est estimé à 450 millions de francs. La mise
en service de cet établissement, qui pourrait intervenir en 2006,
permettra de fermer celui de Saint-Denis.
En outre, des opérations d'équipement pour les trois
établissements existants ont été retenues dans le cadre du
programme d'équipement 2000. Elles ont permis d'augmenter la
capacité d'accueil de ces établissements de 46 nouvelles
places de détention. 50 places supplémentaires sont
prévues pour 2002 au centre pénitentiaire du Port.
-
A Mayotte
, la maison d'arrêt de Majicavo, construite en
1994 connaît un taux d'occupation de 206 % au 1
er
janvier 2001. En application de la convention de développement de 1999
liant l'Etat à la collectivité territoriale de Mayotte, elle
reçoit annuellement une subvention de 1,1 million d'euros. Le
schéma directeur de restructuration des structures pénitentiaires
prévoit la construction d'un quartier mineurs et d'un
belvédère de surveillance (2,13 millions d'euros). Une
deuxième phase (4,57 millions d'euros) devrait prévoir
l'extension de la capacité de l'établissement pour affecter les
bâtiments d'hébergement en fonction des régimes de
détention. Le coût des travaux de restructuration et d'extension
s'élève à près de 6,7 millions d'euros.
-
A Saint-Pierre-et-Miquelon
en revanche, le centre
pénitentiaire connaît un taux très bas d'occupation :
1 à 3 détenus pour 5 places.
L'avant-projet de loi pénitentiaire a par ailleurs été
rendu public le 18 juillet dernier par le Garde des Sceaux, Mme Marylise
Lebranchu. L'important programme de réhabilitation et de construction
d'établissements pénitentiaires devrait également
concerner l'outre-mer. Il devrait s'étaler sur 6 ans pour un
coût total de 10 milliards de francs et concerner 130 petits et moyens
établissements.
4. Une immigration difficilement contrôlable...
Les
départements d'outre-mer sont dans leur ensemble confrontés
à une importante immigration irrégulière, qui s'explique
largement par l'effet d'attraction suscité par des niveaux de vie et de
protection sociale considérablement plus élevés que dans
les Etats environnants.
La comparaison du PIB par habitant dans les DOM avec les pays de leur
environnement régional fait apparaître dans chaque cas un
écart nettement favorable aux DOM.
Dans la Caraïbe, le PIB par habitant de Porto-Rico, territoire le plus
développé de l'environnement des DOM antillais,
représentait en 1997 seulement les 2/3 du PIB par habitant de la
Martinique. Avec Cuba (737 $ par habitant), l'écart en faveur de la
Guadeloupe (12.480 $ par habitant) ou la Martinique (14.352 $ par habitant) est
considérable.
Le PIB par habitant de la Guyane était en 1997 12 fois supérieur
à celui du Surinam.
Dans l'océan Indien, le PIB par habitant était en 1997 trois fois
plus élevé que celui de l'île Maurice, souvent donné
en exemple de réussite économique. Celui des Seychelles
représentait à peine 60 % de celui de la Réunion.
Antilles françaises et pays voisins en 1997
|
Population |
Superficie (km2) |
Hab/km2 |
PIB
|
PIB/hab
|
Guadeloupe |
415 000 |
1 780 |
233 |
5 179 |
12 480 |
Martinique |
377 000 |
1 128 |
334 |
5 411 |
14 352 |
Dominique |
73 640 |
751 |
98 |
238 |
3 232 |
Barbade |
264 300 |
430 |
615 |
1 110 |
4 200 |
Sainte-Lucie |
151 000 |
616 |
245 |
575 |
3 808 |
Porto-Rico |
3 783 000 |
8 959 |
422 |
35 834 |
9 472 |
Cuba |
11 019 000 |
110 860 |
99 |
8 120 |
737 |
Haïti |
7 336 000 |
27 750 |
264 |
3 097 |
422 |
Jamaïque |
2 546 620 |
10 991 |
232 |
4 790 |
1 881 |
Guyane et pays voisins en 1997
|
Population |
Superficie (km2) |
Hab/km2 |
PIB
|
PIB/hab
|
Guyane |
147 000 |
86 504 |
2 |
1 979 |
13 465 |
Guyana |
775 000 |
215 083 |
4 |
743 |
959 |
Surinam |
415 000 |
163 820 |
3 |
470 |
1 133 |
Réunion et pays voisins en 1997
|
Population |
Superficie (km2) |
Hab/km2 |
PIB
|
PIB/hab
|
Réunion |
685 000 |
2 512 |
273 |
7 824 |
11 421 |
Maurice |
1 134 000 |
2 040 |
556 |
4 180 |
3 686 |
Seychelles |
76 670 |
454 |
169 |
520 |
6 782 |
Comores |
504 680 |
1 862 |
271 |
20 |
40 |
Madagascar |
13 704 620 |
587 041 |
23 |
3 450 |
252 |
Afrique du Sud |
37 643 000 |
1 223 200 |
31 |
128 230 |
3 406 |
(source : ATLASECO 1999)
-
Les Antilles françaises
subissent donc une forte
immigration clandestine en provenance des îles voisines de l'arc
caraïbe qui connaissent de graves difficultés économiques et
parfois des tensions politiques.
Sont par conséquent soumis à l'obligation de visa les
Haïtiens, les ressortissants de la Dominique et de Saint-Domingue. A titre
expérimental, les Saint-Luciens sont dispensés de visa pour des
séjours inférieurs à quinze jours en Martinique. Cette
immigration utilise essentiellement la voie maritime, par nature difficilement
contrôlable.
En Martinique
, la population étrangère est
évaluée à 6.500 personnes. S'y ajoutent entre 300 et
500 étrangers en situation irrégulière. 170 mesures de
reconduite à la frontière ont été
exécutées en 2000, contre 224 en 1999.
En Guadeloupe
, la population étrangère est de plus de
23.000 personnes (contre 10.596 en 1996). La régularisation des
étrangers intervenue depuis trois ans en application des réformes
sur l'entrée et le séjour des étrangers a permis de
diminuer de moitié la population clandestine, évaluée
à moins de 10.000 personnes en 1999. 826 mesures de reconduite à
la frontière ont été exécutées en 2000.
A Saint-Martin
, le problème de l'immigration clandestine est
particulièrement délicat en raison de la localisation de
l'aéroport international dans la partie néerlandaise de
l'île et de l'absence de contrôle à la frontière
entre les deux parties de l'île.
Sur une population totale de 35.000 habitants, 8.000 sont des étrangers
auxquels s'ajoutent 2.000 étrangers en situation
irrégulière. La population étrangère est
composée à 60 % de Haïtiens et à
20 % de Dominicains. En 1999, 218 mesures de reconduite à la
frontière sur les 795 comptabilisées pour toute la
Guadeloupe ont été exécutées à Saint-Martin.
En mars 2001 a fait naufrage au large de Saint-Martin un bateau transportant
des immigrés clandestins (originaires de République dominicaine
et de Chine).
L'accord franco-néerlandais du 17 mai 1994 relatif au contrôle
conjoint dans les aéroports de Saint-Martin, ratifié par la
France le 20 juillet 1995, devait faciliter l'éloignement des
étrangers non admis et se trouvant en situation
irrégulière mais son
entrée en vigueur est
subordonnée à la ratification par les Pays-Bas. Votre rapporteur
pour avis renouvelle son souhait qu'une concertation plus approfondie soit
menée avec les Pays-Bas sur ce sujet, en liaison avec l'Union
européenne.
Face à cette situation, la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative
à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit
d'asile prévoit des dispositions dérogatoires pour la Guyane et
la commune de Saint-Martin, en maintenant le caractère non suspensif des
recours contre les arrêtés de reconduite à la
frontière, et en renvoyant à cinq ans le rétablissement
des commissions du titre de séjour.
§ La Guyane
, frontalière du Surinam et du Brésil,
subit une forte immigration en provenance du Brésil, de Guyana, du
Surinam et d'Haïti.
De tous les départements d'outre-mer, c'est
à elle que se pose avec le plus d'acuité le problème de
l'immigration clandestine.
La lutte contre l'immigration clandestine constitue donc une priorité de
l'action de l'Etat en Guyane, d'autant plus qu'elle est un facteur important
d'insécurité, en particulier dans l'agglomération de
Cayenne.
Pour une population estimée à 160.000 habitants, on
dénombre environ 20.000 étrangers en situation
régulière (dont 37 % d'Haïtiens, 20 %
de Brésiliens et 20 % de Surinamiens) et on estime à
30.000
le nombre de
personnes en situation
irrégulière
.
La localisation de la plus grande partie du territoire guyanais dans la
forêt amazonienne rend difficile le contrôle de l'accès en
Guyane. Des dispositions ont cependant été prises pour tenter de
parvenir à un contrôle plus efficace des flux
migratoires :
- Les représentants des forces de l'ordre en Guyane ont
été renforcés (voir supra). Le département de la
Guyane possède un
ratio de représentants des forces de l'ordre
de 6,8 pour 1.000 habitants, pour une moyenne nationale de 3,7
.
En outre, le poste de la police aux frontières de Saint-Laurent du
Maroni a été restructuré en 1993, son effectif passant
à 45 policiers. L'effectif total de la police aux frontières a
été porté en 1999 de 119 à 138 agents.
Ceci paraît cependant largement dérisoire, la Guyane,
département d'une superficie égale au cinquième de la
France, cumulant une façade maritime difficile à contrôler
avec d'importants fleuves frontaliers.
- Un dispositif de surveillance et de contrôle spécifique (plans
« Alizé bis » et
« Galerne ») a donc été mis en place sur les
fleuves Maroni et Oyapock, comportant des patrouilles fluviales et une
surveillance des rives.
Il serait souhaitable que ses moyens soient considérablement
renforcés.
- Un centre de rétention, destiné à faciliter la
gestion des reconduites à la frontière (50 % du total
des reconduites aux frontières françaises)
a
été construit en 1996 près de l'aéroport de
Rochambeau. En 2000, 7.171 mesures de reconduite à la frontière
ont été exécutées, contre 6.967 en 1999.
L'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers en France, introduit
par la loi n° 97-396 du 24 avril 1997, permet en outre les
contrôles d'identité et les contrôles sommaires des
véhicules autres qu'individuels sur une zone s'étendant à
20 km à l'intérieur des frontières terrestres. Au cours de
l'année 2000, 70.518 contrôles ont été
effectués dans le cadre de ce dispositif spécifique au
département de la Guyane.
- Une politique active de
coopération régionale
a
été mise en place, avec des échanges de personnels
brésiliens, guyaniens et surinamais. Des projets d'accord de
réadmission sont en cours de transmission aux autorités du
Guyana, mais aussi du Surinam, pour lever les difficultés liées
au refus de ces Etats d'accepter leurs ressortissants dépourvus de
papiers d'identité, et de faciliter les procédures de reconduite
à la frontière. Ces textes s'inspirent de l'accord
franco-brésilien entré en vigueur le 24 août 2001. Par
ailleurs, une réflexion est engagée en vue de l'implantation d'un
consulat du Guyana à Cayenne.
Enfin, un projet d'accord est en discussion avec les autorités du
Surinam, pour la mise en oeuvre de patrouilles conjointes de surveillance sur
le fleuve Maroni.
Par ailleurs, trois agents de l'Office de protection des réfugiés
et apatrides (OFPRA) ont été envoyés en mission à
Cayenne du 11 au 24 juin 2001, afin de procéder à l'instruction
de 369 demandes d'asile présentées majoritairement par des
Haïtiens. Sur ce total, 120 entretiens ont pu être
réalisés en visioconférence depuis l'OFPRA. Cette
première expérience devrait être renouvelée et
développée.
§ La Réunion
reste aujourd'hui en revanche relativement
à l'abri des grands flux migratoires, les
Comoriens en provenance de
Mayotte
constituant la principale filière d'immigration clandestine.
Sur une population de 700.000 personnes, la population étrangère
en situation régulière est de 4.724 personnes, la population
étrangère en situation irrégulière étant
estimée à 300 personnes.
S'agissant des collectivités d'outre-mer à statut particulier,
Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon connaissent une situation opposée,
Saint-Pierre-et-Miquelon connaissant pour sa part une émigration de sa
population, et notamment des jeunes, du fait de conditions économiques
difficiles.
§ Il n'en est pas de même de
Mayotte
, confrontée
à une forte pression migratoire en provenance des îles composant
la république fédérale islamique des Comores, et plus
particulièrement d'Anjouan, due à l'élévation du
niveau de vie.
La population étrangère représente 25 % des
131.000 habitants de l'île, contre 7 % en
métropole.
Le nombre d'étrangers en situation
régulière est de 36.000 personnes, dont 27.000 mineurs. 20.000
personnes d'origine comorienne seraient en situation irrégulière.
La maîtrise de l'immigration est donc un enjeu majeur à Mayotte
pour le développement économique, mais aussi pour la
préservation de l'ordre public et des équilibres sociaux. Le
coût de l'immigration clandestine à Mayotte est de 15,24 millions
d'euros au minimum par an, dont 11,43 millions d'euros pour les services de
santé.
Face à cette situation, une politique active de contrôle de
l'immigration a été mise en place depuis quelques années.
En 2000, 5.239
reconduites à la frontière ont
été opérées (l'équivalent de la
métropole)
, soit une augmentation de plus de 30 % par
rapport à l'année passée. L'obligation de visa
préalable pour les ressortissants comoriens se rendant à Mayotte
a été rétablie en 1995 et les moyens de surveillance des
côtes renforcés. A été mis en place en novembre 2000
un plan global de prévention et de lutte contre l'immigration
clandestine dit « plan lagon », consistant en une
surveillance continue de l'espace maritime de Mayotte grâce à un
système radar basé à terre, de moyens maritimes (vedettes)
et d'un dispositif de surveillance à terre.
Le régime en matière de conditions d'entrée et de
séjour des étrangers étant obsolète et
inadapté au contexte de l'immigration dans cette collectivité,
l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte
,
entrée en vigueur le 1er mai 2001, a prévu la mise en place de
procédures de maintien en zone d'attente, d'expulsion et d'interdiction
du territoire ainsi qu'un arsenal de sanctions pénales. Le décret
n° 2001-635 du 17 juillet 2001 pris en application a précisé
les conditions d'admission et de délivrance des titres de séjour,
ainsi que celles des procédures de sanction administrative des
transporteurs, de placement en zone d'attente ou en centre de rétention
administrative et d'expulsion.
En outre, s'agissant du droit d'asile,
l'ordonnance n° 2000-370 du 26
avril 2000 relative au droit d'asile
en Polynésie française,
dans les îles Wallis-et-Futuna, à Mayotte et dans les Terres
australes et antarctiques françaises a aligné sur le droit commun
le droit applicable dans les collectivités d'outre-mer
concernées. La loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile s'y
applique désormais, y compris dans ses dispositions les plus
récentes relatives au séjour des demandeurs d'asile et au recours
à l'asile territorial.
Enfin, les pouvoirs publics s'efforcent de lutter contre l'important trafic de
faux documents par la réforme de l'état civil et la
création de fichiers, la mise en place de la carte nationale
d'identité sécurisée, la sécurisation du passeport
et des titres de séjour délivrés aux étrangers
étant prévue à l'automne 2001.
Plus fondamentalement, votre rapporteur renouvelle son souhait de mise en place
de programmes d'aide sanitaire en direction de l'île d'Anjouan, afin de
freiner l'exode massif de ses habitants, et notamment des plus jeunes, vers
Mayotte.
5. ...qui nécessite une coopération régionale renforcée
L'intégration des DOM dans un ensemble régional répond en premier lieu à une exigence humanitaire et politique, l'immigration clandestine, manifestation de la pauvreté des Etats voisins, perturbant un équilibre social déjà fragile. De plus, une coopération économique est également nécessaire, les DOM dépendant encore trop des échanges avec la métropole, et les échanges commerciaux avec les pays voisins étant encore extrêmement limités, à l'exception de la Réunion.
Part
des échanges commerciaux des DOM
avec leur environnement
régional en 2000
Guadeloupe avec la zone caraïbe
|
7,1 %
4,4 %
|
a) Les outils en matière de coopération régionale
La
loi d'orientation pour l'outre-mer
a ouvert de nouvelles
possibilités en matière d'action régionale.
- Ainsi, les articles 42 et 43 de la loi, qui s'appliquent respectivement au
département et à la région, ont permis une
déconcentration des décisions en matière de
coopération régionale, sans que soit modifiée la
responsabilité de la politique extérieure de la France, qui reste
confiée à l'Etat.
Chaque DOM peut adresser au Gouvernement des propositions en vue de la
conclusion d'engagements internationaux concernant la coopération
régionale entre la France et les Etats voisins.
Dans les domaines de compétence de l'Etat, les présidents du
conseil général et du conseil régional pourront être
habilités à négocier des accords internationaux (en tant
que représentants de l'Etat, comme l'a souligné le Conseil
constitutionnel dans sa décision du 7 décembre 2000), ou
être associés aux négociations (cette association
étant de droit s'agissant d'accords portant à la fois sur des
domaines de compétence de l'Etat, des départements ou des
régions).
Dans les domaines de compétence des départements et des
régions, les conseils peuvent demander aux autorités de la
République d'autoriser leur président à négocier et
à signer des accords internationaux.
En outre, les présidents des conseils généraux et
régionaux d'outre-mer pourront, à leur demande, participer, au
sein de la délégation française, aux négociations
relatives aux mesures spécifiques aux DOM, prévues par l'article
299§2 du traité d'Amsterdam.
Enfin, si les statuts des
organisations régionales
le permettent,
et
sous réserve de l'accord des autorités de la
République
,
les régions de Guadeloupe, de Martinique, de
Guyane et de la Réunion peuvent y participer en qualité de
membres associés
ou d'observateurs.
- De nouveaux moyens, non plus juridiques, mais financiers, sont ouverts aux
DOM. Succédant à la déconcentration du fonds
interministériel de coopération (FIC) en 1996, la loi
d'orientation a créé
quatre fonds de coopération
régionale
, un pour chaque DOM, qui succèdent au FIC,
destiné aux seules Antilles-Guyane, alimentés par des
crédits de l'Etat et pouvant également recevoir des dotations des
collectivités. Chaque fonds est géré par un comité
paritaire.
Le décret n° 2001-314 du 11 avril 2001 a permis leur mise en place
La dotation de ces fonds, inscrite au budget du secrétariat d'Etat
à l'outre-mer, s'élève à 762.245 euros pour
chacun
10(
*
)
.
La loi d'orientation institue également une
instance de concertation
dans la zone Antilles-Guyane
(dont l'initiative est due au Sénat en
première lecture).
b) Le bilan de la coopération régionale
§ dans la Caraïbe :
Créée en juillet 1994 par la convention de Carthagène en
réaction au projet américain de zone de libre-échange du
Canada à la Terre de Feu, l'Association des Etats de la Caraïbe
(AEC) regroupe 25 pays membres et trois
membres associés (dont la
France au titre des départements français d'Amérique
,
depuis le 20 février 1998). Elle couvre non seulement les Etats ou
territoires insulaires de la région, mais aussi les pays continentaux
riverains (à l'exception des Etats-Unis), soit au total un ensemble de
plus de 100 millions d'habitants.
L'AEC se définit comme « un organisme de consultation, de
concertation et de coopération ». Elle vise à favoriser
la libéralisation des échanges et à développer une
politique régionale en matière de tourisme, de protection de
l'environnement, de lutte contre les catastrophes naturelles, de transports,
d'éducation et de culture. Ont ainsi été signés un
protocole d'accord sur la création de la zone de tourisme durable de la
Caraïbe, ainsi qu'un accord de coopération régionale en
matière de catastrophes naturelles lors du deuxième sommet de
Saint-Domingue tenu les 16 et 17 avril 1999.
La France est généralement représentée à la
conférence ministérielle annuelle de l'organisation par l'un des
présidents des trois conseils régionaux des DFA. Cependant, lors
du sommet de Saint-Domingue, tenu en avril 1999, le président du conseil
régional de Guyane ne fut pas autorisé à signer la
déclaration finale relative au développement d'un tourisme
durable. En 1999, la France a donc été représentée
par la secrétaire d'Etat au tourisme Mme Michelle Demessine. La loi
d'orientation a réglé cette difficulté.
Interrogé par M. Robert Bret lors de son audition par la commission des
Lois à propos de la demande exprimée par le président de
la République en juillet dernier de retirer de l'ordre du jour de la
prochaine réunion de l'AEC la question de l'adhésion des
départements français d'Amérique à cet organisme en
tant que membres associés, M. Christian Paul, secrétaire d'Etat
à l'outre-mer, a déclaré ne pas comprendre cette position
et souhaité une évolution du président de la
République à ce sujet.
Le président de la République a cependant estimé
préférable que la République soit
représentée d'une seule voix, afin de conforter sa position sur
la scène internationale. Il a également estimé qu'il
serait réducteur pour les DOM de ne plus pouvoir s'exprimer au nom de la
France, mais seulement au nom de leur département respectif.
Le président de la République a en outre réaffirmé
sa position exprimée lors de sa visite à la Réunion le 18
mai dernier dans son discours de Champ fleuri, à savoir que dans les
organismes de coopération régionale, il appartenait aux
élus d'outre-mer, et non aux ministres, de représenter la France.
Enfin, il faut rappeler que la loi d'orientation pour l'outre-mer
prévoit que pour devenir membres associés des organismes
régionaux, les régions d'outre-mer doivent obtenir
l'accord
des autorités de la République
.
Par ailleurs, l'instance de concertation chargée de coordonner les
politiques conduites par l'Etat et les collectivités territoriales dans
la zone de la Caraïbe et les régions limitrophes des Etats
frontaliers de la Guyane s'est réunie pour la première fois le 24
avril 2001 à Basse-Terre (Guadeloupe), en présence de M.
Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Il existe un risque d'isolement accru de ces régions dans leur
environnement régional, du fait de la création de la Zone de
libre-échange des Amériques (ZLEA), qui compte 34 pays et inclut
les 11 Antilles anglophones, Haïti et le Guyana et le Surinam.
§ En Guyane
La Guyane, du fait de sa proximité géographique avec le
Brésil et le Surinam et de la forte immigration clandestine en
provenance de ces pays, a compris l'intérêt d'une politique de
coopération régionale, notamment en matière d'immigration,
ainsi qu'il a été vu précédemment.
La coopération avec
le Brésil et l'Etat
fédéré de l'Amapa
, initiée en 1984, avant
d'être élargie par l'accord cadre de coopération
franco-brésilien du 28 mai 1996, prévoyant la mise en place de
réunions annuelles de coopération transfrontalière, a
été formalisée au cours des consultations de Brasilia de
septembre 1997 et de Cayenne de mars 1999.
Un projet de carte de circulation transfrontalière est à
l'étude. En outre ont été développées des
actions portant sur le développement des liaisons aériennes et
des infrastructures routières, avec une route reliant Cayenne à
Macapa, capitale de l'Amapa. Des contacts ont également
été pris pour développer les échanges commerciaux
et financiers, en particulier en faveur des PME, dans les secteurs de la
pêche et de l'industrie agro-alimentaire. Un projet est à
l'étude afin de développer le tourisme durable. Une autre
série d'actions concerne l'environnement, la recherche,
l'éducation, la culture et le sport.
Les relations avec le
Surinam
, relancées par la mise en place en
août 1997 d'un secrétariat permanent à la
coopération régionale Guyane-Surinam, se concentrent sur la
santé. Un accord de partenariat portant sur la réhabilitation de
l'hôpital d'Albina a ainsi été signé par M.
Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, lors de sa
visite en Guyane et au Surinam en juin 2001. Il devrait permettre de limiter
l'attractivité de l'hôpital de Saint-Laurent du Maroni, dont
50 % des patients sont actuellement Surinamiens. Un programme de 0,46
million d'euros est en outre destiné à la lutte contre des
maladies telles que le paludisme.
§ Dans l'océan Indien
Cette coopération s'exerce principalement dans le cercle des cinq pays
membres de la
Commission de l'océan Indien
(COI)
créée en 1982 (Comores, Maurice, Madagascar, France, Seychelles).
La France, qui a rejoint la COI en 1986 au seul titre de la Réunion, y
est ordinairement représentée par le préfet de la
Réunion et par des élus du conseil général et du
conseil régional.
Les travaux concernent particulièrement le dialogue politique, le
maintien de la paix et de la sécurité régionale,
l'intégration économique, ainsi que la coopération
culturelle, par le biais de l'université de l'océan Indien
basée à la Réunion.
De nombreux programmes de coopération visent au développement des
échanges commerciaux, des capacités d'exploitation des ressources
halieutiques, de la formation, de la protection de l'environnement et notamment
des récifs coralliens, du tourisme régional, de la
coopération scientifique, en matière notamment de
météorologie.
La XVIIème session du conseil des ministres de la COI s'est tenue
à Tananarive le 21 février 2001. La France était
représentée par M. Charles Josselin, ministre
délégué à la coopération et à la
francophonie. A cette occasion, M. Wilfrid Bertile, Réunionnais, a
été nommé sur proposition de la France secrétaire
général de la COI.
Pour développer les échanges commerciaux intra-régionaux,
la COI a mis en place un programme régional intégré de
développement des échanges (PRIDE) en janvier 1994,
relancé en avril 1998. Financé par l'Union européenne
à hauteur de 9,3 millions d'euros pour 5 ans, il vise, par la
suppression des barrières réglementaires et tarifaires, à
la création à terme d'une zone de libre-échange. Les
conditions d'association de la Réunion à cette future zone, et
notamment la question de la compatibilité entre l'appartenance de la
Réunion à la Communauté européenne et son
adhésion à une zone préférentielle
extérieure sont à l'étude.
En outre,
l'Association des Pays Riverains de l'océan Indien pour la
Coopération régionale (IOR/ARC)
est la concrétisation
de l'idée, née en 1993, d'une Organisation regroupant des pays
riverains de l'océan Indien et rassemblant des zones telles que
l'Australie, l'Asie du Sud-Est, le sous-continent indien et l'Afrique australe
et orientale.
Elle vise à fonder un vaste regroupement économique auquel la
France a officiellement déposé sa candidature dès mars
1997. Cette demande a été rejetée en mars 1999 puis en
janvier 2000. Le Gouvernement poursuit ses efforts en vue d'une prochaine
participation.
S'agissant plus particulièrement de
Mayotte
, la loi du 11 juillet
2001 a cherché à favoriser son insertion régionale.
La situation est difficile, du fait de l'hostilité affichée par
la République islamique des Comores depuis son accession à
l'indépendance en 1975. Par ailleurs, Madagascar compte parmi l'un des
pays les plus pauvres au monde, ce qui ne favorise pas le développement
des échanges économiques.
Actuellement, la coopération avec les Comores est principalement
orientée en direction de la société civile, afin d'assurer
les services de base (infrastructures, eau, électricité et
santé publique).
L'accord de Fomboni II, signé le 17 février 2001 par le colonel
Azali Assoumani, chef de la junte militaire au pouvoir à Moroni depuis
avril 1999, le colonel Saïd Abeid, chef des séparatistes anjouanais
et l'opposition comorienne, sous l'égide de l'OUA, de l'Union
européenne et de l'organisation internationale de la francophonie,
devait mettre fin à la crise séparatiste d'Anjouan, en
créant un «
Nouvel ensemble comorien
».
En avril 2001, le président du conseil général de Mayotte,
M. Younoussa Bamana, avait ainsi rencontré le colonel Saïd
Abeid à Mayotte, tandis qu'une délégation du MEDEF se
rendait à Moroni afin de poser les jalons d'une coopération
économique régionale. Une mission du quai d'Orsay
s'était également rendue sur place afin d'adapter le dispositif
de coopération à la nouvelle donne politique.
Cependant, deux putschs sont depuis intervenus à Anjouan où la
situation est confuse
11(
*
)
. Par
ailleurs, le projet de Constitution des Comores, qui sera soumis à
référendum le 23 décembre prochain, prévoit
unilatéralement le retour de Mayotte au sein de l'Union des Comores.
La loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte prévoit cependant la
création d'une
instance de concertation
identique à celle
instaurée dans les Caraïbes par la loi d'orientation pour
l'outre-mer, la conférence de coopération régionale dans
l'océan Indien, et d'un fonds de coopération régionale.
Le conseil régional de la Réunion, par la déclaration de
Saint-Denis, a décidé d'une politique de coopération avec
les Comores axée sur le développement économique, les
énergies, les transports aériens et maritimes et les
échanges humains.
A Mayotte, une réunion intervenue à l'été 2001 a
décidé d'axer le développement sur l'eau, la santé,
le développement rural et l'animation sociale.
Tout cela reste cependant encore assez embryonnaire, mais une
coopération plus systématique entre la Réunion et Mayotte
doit concrétiser son ancrage dans la République.
La coopération régionale devrait connaître un large essor
dans les prochaines années, faute de quoi l'augmentation des moyens,
notamment en termes de police aux frontières, se
révèlerait purement illusoire.
6. Les questions relatives aux fonctions publiques d'Etat et territoriale
a) la question récurrente des surrémunérations des fonctionnaires
En
application de la loi du 3 avril 1950, le
traitement servi aux
fonctionnaires en poste dans les départements d'outre-mer (qu'ils soient
affectés depuis la métropole ou résidents permanents de la
collectivité) est affecté d'un coefficient multiplicateur
qui, fixé à 40 % en Guadeloupe, en Martinique et
en Guyane, atteint 53 % à la Réunion. Ce coefficient
est servi
sans limitation de durée et s'applique également aux
agents titulaires des fonctions publiques locales
.
De plus, une
indemnité d'éloignement
est servie si
l'affectation a donné lieu à un déplacement réel
des
fonctionnaires de l'Etat
. Les
résidents permanents n'en
bénéficient donc pas
. Au contraire du coefficient
multiplicateur, il s'agit d'un
élément temporaire
versé au taux plein sur la base d'une durée de service de quatre
ans (correspondant à un an de traitement indiciaire de base, 16 mois
pour la Guyane). En raison de la montée en charge progressive des
recrutements locaux, sa part dans le volume total des majorations ainsi que le
nombre d'attributaires n'a cessé de se réduire.
Les différents rapports élaborés à la demande du
Gouvernement dans la perspective de la préparation du projet de loi
d'orientation formulaient différentes propositions de réforme.
Considérant que le différentiel de prix effectivement
constaté entre les départements d'outre-mer et la
métropole, de l'ordre de 10 %, ne justifiait pas le maintien
des surrémunérations à leur niveau actuel, le rapport
établi par Mme Eliane Mossé
12(
*
)
proposait notamment la limitation
des surrémunérations au double du différentiel de prix, la
suppression de la seule indemnité d'éloignement, ou encore la
suppression ou la réduction de l'avantage fiscal relatif à
l'impôt sur le revenu
13(
*
)
.
Le rapport de M. Bertrand Fragonard
14(
*
)
proposait pour sa part une
réduction progressive du taux de majoration applicable à la fois
aux agents actuellement en fonction et aux nouvelles embauches.
MM. Claude Lise et Michel Tamaya indiquant que le niveau de l'indemnité
d'éloignement ne leur semblait plus se justifier, avaient
préconisé un plafonnement de l'indemnité
d'éloignement attribuée aux agents de catégorie A, les
sommes ainsi économisées étant affectées à
un fonds spécifique d'aide à la création ou au
fonctionnement des PME.
M. Bernard Pêcheur évaluait en 1996
le coût global des
surrémunérations à près de 8 milliards de francs
par an, dont plus de 4 milliards de francs pour les 66.500 fonctionnaires
civils de l'Etat, soit 17,3 % de plus que le budget total du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2001.
Votre commission des Lois souligne déjà depuis plusieurs
années le coût exorbitant de ce régime de
surrémunérations des fonctionnaires dans les départements
d'outre-mer et tout particulièrement à la Réunion, ainsi
que les effets pervers qu'il peut induire sur le développement
économique de ces départements.
M. Lionel Jospin, Premier ministre, avait cependant déclaré que
cette question ne constituait pas une priorité pour le Gouvernement, M.
Jean- Jack Queyranne, alors secrétaire d'Etat à l'outre-mer,
indiquant pour sa part que cette question, par ailleurs très sensible,
relevait du domaine réglementaire et non de la loi.
Le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer déposé par le
Gouvernement ne comprenait donc aucune disposition relative à cette
question. Cependant, l'Assemblée nationale a adopté en
première lecture un amendement proposé par M. Elie Hoarau, M.
Claude Hoarau et Mme Huguette Bello, députés de la
Réunion, prévoyant la
suppression par décret dans les
trois mois suivant la promulgation de la loi d'orientation des
indemnités d'éloignement
allouées aux fonctionnaires
de l'Etat affectés dans les départements d'outre-mer, le
Gouvernement s'en étant pour sa part remis à la sagesse de
l'Assemblée nationale. Cette disposition a ensuite été
votée conforme par le Sénat en première lecture.
Près d'un an après la promulgation de la loi, le décret
prévu n'est toujours pas paru
. Le secrétariat d'Etat à
l'outre-mer fait état de difficultés rencontrées pour le
pourvoi des postes à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles du
nord de la Guadeloupe et en Guyane, pour justifier ce retard.
Votre rapporteur ne peut donc que déplorer un tel retard
, en
soulignant que cette suppression avait également pour but de favoriser
les recrutements locaux, mais qu'une telle politique nécessite avant
tout que soient mises en place des formations performantes dans les
départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à
Mayotte.
Par ailleurs, on notera que c'est principalement l'application au traitement
d'un coefficient multiplicateur qui apparaît choquant, puisque
bénéficiant à tous, affectés depuis la
métropole ou résidents permanents, sans limitation de
durée. En effet, un tel système, destiné à
compenser la cherté de la vie outre-mer
15(
*
)
, induit des effets pervers, en
incitant fortement les jeunes à entrer dans la fonction publique, au
détriment du développement d'activités économiques
privées.
b) l'importance du nombre des agents non titulaires des communes des départements d'outre-mer du fait de ces surrémunérations
Le
rapport Lise-Tamaya de juin 1999 indiquait que les agents non titulaires
représentaient 83 % des agents communaux de la Martinique et
80 % de ceux de la Réunion, la proportion des non titulaires sur la
totalité des agents des collectivités territoriales étant
de 57 % en Guadeloupe, 69 % à la Martinique, 71 % en
Guyane et 75 % à la Réunion. Or, la loi du 26 janvier
1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
territoriale réserve les emplois permanents des collectivités
locales aux fonctionnaires.
Ce phénomène s'explique par le coût du recrutement de
fonctionnaires titulaires en raison de l'application de la
surrémunération par les collectivités locales.
A la suite du protocole d'accord sur la résorption de l'emploi
précaire dans les fonctions publiques du 10 juillet 2000, a
été votée la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative
à la résorption de l'emploi précaire et à la
modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de
travail dans la fonction publique territoriale.
S'agissant de la fonction publique territoriale, elle prévoit que les
agents recrutés entre 1984 et l'organisation du premier concours
d'accès au cadre d'emplois correspondant pourront se voir offrir une
titularisation sur titres. D'autre part, les agents non titulaires
recrutés postérieurement au 14 mai 1996 dans les cadres d'emplois
pour lesquels un concours a été organisé, pourront
bénéficier de concours réservés.
En outre, il est déjà possible d'intégrer des contractuels
sans concours dans les cadres d'emplois dotés de l'échelle de
rémunération la plus basse.
D'
éventuelles titularisations seraient coûteuses pour les
communes, compte tenu en particulier de l'existence de
surrémunérations
. Le surcoût pour les communes de la
seule Réunion d'une intégration dans la fonction publique
territoriale avec la surrémunération et l'étalement sur
quinze ans du rachat des cotisations de retraite serait de 646 millions de
francs par an (soit une augmentation de près de 60 % de la
masse salariale).
Le rapport de M. Bertrand Fragonard soulignait cette difficulté et
préconisait que le projet de loi d'orientation sur l'outre-mer
précise que la régularisation éventuelle des agents
contractuels se ferait sans application des coefficients de majoration afin de
ne pas peser sur les finances locales, le rapport de MM. Claude Lise et Michel
Tamaya excluant expressément l'hypothèse d'une intégration
et préconisant la création par la loi de « statuts
d'agents territoriaux contractuels » dans lesquels seraient
intégrés les non titulaires en fonction aujourd'hui, mais qui ne
pourrait servir de cadre à de nouveaux recrutements.
Néanmoins, le Conseil d'Etat, dans un avis du 16 avril 1996, a
indiqué que les surrémunérations relevaient du
régime indemnitaire. En application de l'article 88 de la loi du 26
janvier 1984 précitée, les collectivités locales
pourraient donc décider de ne pas accorder la
surrémunération aux fonctionnaires territoriaux, ou de retenir un
taux inférieur à celui dont bénéficient les
fonctionnaires d'Etat.
Par ailleurs, l'article 35 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative
aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations permet de
recruter en contrat à durée indéterminée les agents
de catégorie C non titulaires des collectivités locales
travaillant dans l'entretien et la restauration administrative avant la
promulgation de cette loi.
Répondant à une question posée par votre rapporteur, M.
Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, avait
indiqué en novembre 2000 qu'une éventuelle campagne de
titularisation des agents contractuels ne serait pas compensée par
l'Etat, en dépit de son impact pour les finances des
collectivités locales.
Aucune solution n'a donc été apportée à ce
problème.