IV. LA POURSUITE DE L'AMÉLIORATION DE L'ÉQUIPEMENT ET DE LA GESTION DES JURIDICTIONS
A. UN AMBITIEUX PROGRAMME D'INVESTISSEMENT IMMOBILIER
1. La persistance d'une sous-consommation des crédits d'équipement en dépit des efforts accomplis
Le volume des dotations budgétaires allouées à l'équipement des juridictions judiciaires traduit cette année encore la priorité accordée par la Chancellerie à la remise en état du parc immobilier judiciaire (1.200 juridictions réparties sur 1.300 sites et 1.800.000 m 2 de terrain) amorcée depuis 1987 88( * ) .
Pour la première fois depuis 1995, les autorisations de programme d'un montant de plus de 83,850 millions d'euros (soit 550 millions de francs) comme les crédits de paiement d'un montant plus de 79 millions d'euros (soit 520 millions de francs) accusent respectivement un recul de 27,9 % et de 37,8 % ; ainsi que le montre le tableau ci-après. Cette décélération résulte mécaniquement de l'achèvement des opérations lourdes autorisées par la loi de programme relative à la justice du 6 janvier 1995.
Source : chancellerie
La
baisse des crédits d'équipement demandés pour 2002
constitue
un effort non négligeable de transparence eu égard
à la préoccupante
sous-consommation des crédits du
ministère de la justice.
On constate en effet depuis quelques années
un décalage
significatif
entre le montant de crédits de paiements ouverts en
lois de finances et celui des crédits consommés par la
Chancellerie. En 2000, près de 74 millions d'euros (485 millions de
francs), soit 40 % de la ressource disponible, n'ont pu être
consommés
89(
*
)
.
L'année 2001, malgré une sensible amélioration du taux de
consommation des crédits de paiement par la Chancellerie
90(
*
)
, confirme cette tendance.
Cette situation entraîne
une multiplication des reports de
crédits
d'un exercice sur l'autre, régulièrement
dénoncée par la Cour des comptes
91(
*
)
, car portant
atteinte à la
lisibilité de l'autorisation budgétaire parlementaire
.
L'écart entre les crédits de paiement initiaux adoptés par
le Parlement et les crédits de paiement ouverts abondés des
multiples reports n'a donc cessé de se creuser, passant de 50,7 millions
d'euros en 1997 à 93,7 millions d'euros en 2000.
L'enveloppe des
crédits pour 2001, constituée à hauteur de 38 % des
reports issus de l'exercice 2000
92(
*
)
, confirme ce constat
.
La complexité du processus même de construction
93(
*
)
(délais nécessaires
aux études préparatoires, lancement des appels d'offres,
réalisation concrète des travaux)
94(
*
)
explique les difficultés du
ministère de la justice à consommer les crédits
d'équipement. Toutefois, l'évaluation des provisions
demandées chaque année paraît encore trop
déconnectée de l'état d'avancement des programmes de
construction et des études de faisabilité
ce qui
entraîne inévitablement
une surestimation des
crédits
par rapport à la
réalité des
besoins
.
Compte tenu de ces difficultés persistantes, votre rapporteur pour avis
se félicite de
la création d'une agence de maîtrise
d'ouvrage des travaux du ministère de la justice
95(
*
)
, appelée à se
substituer à la délégation générale du
programme pluriannuel d'équipement. Cet établissement
bénéficie d'une dotation globale de fonctionnement de près
de 6 millions d'euros (39 millions de francs) et de 40 emplois dont 25 par
transfert de l'administration centrale et 15 par création non
budgétaire
96(
*
)
.
Ses missions sont précisées par le décret du 31
août 2001, et consistent à assurer à la demande de l'Etat
ou avec son accord, dans le cadre de conventions de mandat, les
opérations de construction, d'aménagement, de
réhabilitation, de restauration et de ré-utilisation d'immeubles
de l'Etat. Les autorisations de programme concernées par les conventions
de mandat représenteront 69 % des crédits
d'équipement du ministère.
La mise en place d'une agence spécifique dotée de techniciens
compétents, permettra sans doute
une accélération du
processus de construction
.
2. Les opérations en cours
Les crédits d'investissement destinés
à
la poursuite du programme pluriannuel d'équipement
97(
*
)
s'élèvent pour 2002
à 27,4 millions d'euros. Ils sont destinés à la poursuite
des grandes opérations engagées à Grenoble, Narbonne,
Toulouse (12 millions d'euros); au lancement d'études
complémentaires et de travaux à Basse-Terre (7 millions d'euros)
et au lancement d'études à Chartres et Fort de France (7 millions
d'euros) . Ces opérations seront pilotées par l'agence de
maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice.
Pour l'année 2002, les autorisations de programmes allouées
aux opérations déconcentrées d'équipement (hors
palais de justice de Paris) d'un montant de 44 millions d'euros (290 millions
de francs) marquent une augmentation.
Cette enveloppe est destinée à
la mise en
sécurité et à l'adaptation des bâtiments aux besoins
du service public
, affichées comme des priorités à la
suite des avis défavorables rendus par les commissions de
sécurité à l'égard de certains sites judiciaires
« à risque »
98(
*
)
. Cette dotation se décompose,
d'une part, en opérations individualisées affectées
à la construction-restructuration des bâtiments
judiciaires
99(
*
)
(16 millions
d'euros) et, d'autre part, en crédits déconcentrés
consacrés à la rénovation et à la maintenance
lourde (28 millions d'euros).
En outre, s'ajoutent plus de 12 millions d'euros d'autorisations de programme
(80 millions de francs)
100(
*
)
,
destinés comme chaque année à la rénovation du
palais de justice de Paris, dans l'attente de la réalisation du
programme de construction d'un nouveau tribunal de grande instance à
Paris.
3. La construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris, une opération urgente en attente
La
construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris
101(
*
)
, annoncée fin 1999 par Mme
Elisabeth Guigou, alors Garde des Sceaux, est encore loin d'être
achevée, et constitue
une illustration des difficultés
rencontrées par la Chancellerie pour exécuter son programme
d'investissement.
Son financement
est déjà
partiellement
engagé
, une enveloppe de 53 millions d'euros (350 millions de
francs) d'autorisations de programme, ainsi qu'une provision de plus de 7
millions d'euros (50 millions de francs) de crédits de paiement ayant
déjà été accordées par la loi de finances
rectificative pour 1999. Ces sommes ont été
intégralement reportées en 2000
, complétées
par la loi de finances initiale pour 2001
102(
*
)
qui a accordé 12 millions
d'euros (80 millions de francs) de crédits de paiement
supplémentaires.
A ce jour,
le taux de consommation des crédits
disponibles est
très bas
, s'élevant à
moins de 1 %
. Les
dépenses engagées ont été limitées au seul
financement d'une étude de faisabilité portant sur les trois
sites répondant aux critères de sélection techniques et
urbanistiques (un bâtiment près de Tolbiac dans la Zone
d'Aménagement Concertée (ZAC) Seine-Rive gauche, la prison de la
Santé et l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul). Ces trois études
n'ont pas abouti.
A l'heure actuelle, aucune décision n'a été prise.
L'étude de faisabilité, loin d'être achevée, n'a pas
encore produit de résultats concrets (prix d'acquisition du futur
terrain) et doit désormais prendre en compte deux nouveaux sites mis
à disposition par la ville de Paris
103(
*
)
. Ce programme d'équipement
ne devrait donc pas connaître d'avancée significative au cours de
l'année 2002.
Toutefois, la Chancellerie veut marquer sa volonté de faire
avancer
cette opération. Il est permis d'espérer que la nouvelle agence
de maîtrise d'ouvrage pourra accélérer ce chantier.
Notons à cet égard que 750 millions d'euros d'autorisations
de programme supplémentaires sont d'ailleurs inscrits dans le projet de
loi de finances rectificative pour 2001
104(
*
)
.
B. LA MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE, UN ÉQUILIBRE PRÉCAIRE
La
dotation inscrite au projet de loi de finances pour 2002, d'un montant de
293,19 millions d'euros (1923,2 millions de francs), enregistre une
progression
de 16,022 millions d'euros (+ 5,8 %), contrastant
avec l'année 2001, au cours de laquelle un ralentissement des
dépenses avait pu être observé
105(
*
)
.
Cette
augmentation substantielle
résulte d'une hausse
prévisible des dépenses de 14 millions d'euros. Des mesures
nouvelles d'un montant de 1,95 million d'euros expliquent également
cette augmentation, qui correspondent à la revalorisation du tarif des
huissiers de justice intervenant dans la procédure pénale
(2,2 millions d'euros), au financement de la désignation d'un
administrateur
ad hoc
pour les mineurs isolés entrant sur le
territoire (0,167 million d'euros)
106(
*
)
, à la compensation des
charges supportées par le groupement des cartes bancaires et les
fournisseurs d'accès à l'internet pour le traitement des
réquisitions judiciaires (0,152 million d'euros).
Cette progression s'explique principalement par des revalorisations
tarifaires
ainsi que par
l'entrée en vigueur des réformes
récentes
, comme la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative
à la prévention et à la répression des infractions
sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs
107(
*
)
et la loi n° 99-515 du 23
juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure
pénale
108(
*
)
.
Notons également que la loi du 15 juin 2000 relative au renforcement de
la présomption d'innocence a amélioré les conditions
d'indemnisation des personnes mises en détention provisoire et ayant
bénéficié d'un non-lieu, d'un acquittement ou d'une
relaxe
109(
*
)
. De même
cette loi a institué l'indemnisation de certains frais exposés
par les personnes poursuivies (même sans avoir été
placées en détention) dans des procédures ayant abouti
à des résultats identiques. La mesure de 3,9 millions d'euros
prévue par le projet de loi de finances pour 2002 anticipe une
montée en charge de ces demandes.
L'évolution future du chapitre des frais de justice
«
particulièrement sensibles tant aux évolutions
pénales des enquêtes qu'aux modifications juridiques liées
aux réformes récentes
doit et devra faire l'objet d'un suivi
et d'une attention particulière
», comme l'a
souligné très justement la Cour des comptes
110(
*
)
. La hausse de la dotation inscrite
cette année au projet de loi de finances qui succède à la
diminution constatée en 2001 confirme que la maîtrise des
dépenses s'avère être
un exercice difficile
.
On peut toutefois noter que la progression des frais de justice pour 2002
demeure largement inférieure au
rythme soutenu
des augmentations
de crédits constaté les années précédentes,
(+ 10 % en moyenne par an entre 1989 et 1998), traduisant ainsi
l'efficacité du
suivi des dépenses mis en place en 1996
.
Ce dispositif repose sur la
transmission à
la Chancellerie
tous les six mois par chaque cour d'appel des informations relatives aux
dépenses effectuées dans son ressort.
A partir de
1998
111(
*
)
, cette politique de
maîtrise des dépenses s'est étoffée. Initialement
limitée aux frais de justice pénale, elle s'est étendue
à l'ensemble des frais de justice. Un mécanisme destiné
à inciter les juridictions à ne pas relâcher leurs efforts
a été également mis en place, les cours d'appel
présentant les meilleurs résultats en termes de maîtrise
des dépenses se voyant attribuer une dotation
complémentaire
112(
*
)
.
La généralisation d'une comptabilité analytique par
cabinet d'instruction ou par affaire, l'informatisation des régies des
juridictions, actuellement expérimentées dans quelques sites,
doivent prochainement compléter ce dispositif
113(
*
)
.
Plusieurs réformes législatives et modifications
réglementaires sont intervenues pour accompagner ce suivi de la
dépense, comme par exemple la loi n° 99-515 du 23 juin 1999
renforçant l'efficacité de la procédure pénale qui
a permis une meilleure maîtrise de frais de gardiennage des
véhicules
114(
*
)
, ou
encore le décret n°2001-71 du 29 janvier 2001, qui instaure une
tarification spécifique pour les missions confiées aux
délégués du procureur de la République
115(
*
)
.
A cet égard, on peut noter
la mesure d'économie
prévue
cette année (0,533 million d'euros) sur le
montant de la dépense des frais commerciaux avancés par l'Etat
dans les
procédures collectives de redressement et liquidation
judiciaires des entreprises en difficulté en cas
d'impécuniosité du débiteur
.
Ces frais constituent
une lourde charge pour le Trésor Public
. Le
montant de cette dépense s'élevait en 2000 à 28,4 millions
d'euros, dont 11,13 millions d'euros pour des frais autres que ceux des
greffes. De plus, en rapportant ce montant au nombre de jugements d'ouverture
de procédure collective, il est apparu une disparité
préoccupante entre les juridictions.
Afin de remédier à cette évolution, l'article 75 du projet
de loi de finances pour 2002
116(
*
)
tend en effet
à clarifier
et à limiter le champ d'application de l'actuel article
L. 627-3
du code de commerce
, qui détermine les frais de
procédure pouvant faire l'objet d'une avance de l'Etat en cas
d'impécuniosité du débiteur (émoluments des
huissiers, redevance de greffes, frais d'insertion et d'impression des
jugements). Votre rapporteur pour avis estime que ces mesures devraient
utilement limiter la progression des frais de justice et contribuer à
leur meilleure maîtrise
117(
*
)
.