III. UNE DIFFICILE ADÉQUATION DES MOYENS AUX BESOINS SUR LE TERRAIN
L'augmentation quantitative des moyens doit en effet être évaluée à la lumière des difficultés qu'a connues cette année l'institution judiciaire.
A. LA RECHERCHE D'UNE GESTION DES EFFECTIFS PLUS EFFICIENTE
1. Les effectifs réellement présents dans les juridictions
-
- • On constate un important décalage entre les effectifs budgétaires de magistrats et les effectifs réellement présents sur le terrain . Alors que l'effectif budgétaire s'est accru de 1.049 magistrats de 1997 à 2002, l'effectif réel n'aura augmenté que de 966 magistrats entre la fin 1997 et la fin 2002. Ce décalage correspond au délai de recrutement et de formation (31 mois à l'ENM). Ce raisonnement est également valable pour l'ensemble des personnels de greffes, dont la formation dure actuellement 12 mois.
-
- • L'augmentation des effectifs doit également s'analyser au regard des départs en retraite. On peut d'ailleurs s'interroger sur l'exactitude de l'estimation des départs en retraite effectuée par la Chancellerie.
Ainsi, la plupart des représentants des organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires se sont inquiété de l'évolution défavorable de la pyramide des âges à partir de 2004, et ont regretté l'absence de toute anticipation de la Chancellerie à cet égard.
-
- • Les difficultés liées au nombre élevé de vacances de postes atténuent également l'impact du renforcement des effectifs. Actuellement, le taux de vacances des magistrats s'élève à 321,32 postes de magistrats (évaluation au 1 er septembre 2001), ce qui réduit d'autant le nombre de magistrats présents sur le terrain.
Au total, 4,69 % des effectifs budgétaires de magistrats ne sont à ce jour pas occupés réellement dans les juridictions, soit un chiffre très supérieur au taux de vacances des personnels des greffes (1,09 %).
Le tableau ci-dessous retrace l'ensemble des données évoquées précédemment :
Évolution de l'effectif budgétaire
des
magistrats et du nombre d'emplois occupés
54(
*
)
Année |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Effectif budgétaire |
6 187,00 |
6 327,00 |
6 539,00 |
6 846,00 |
7166 |
Créations d'emplois |
70 |
140 |
212 |
307 |
320 |
Postes occupés au 1 er janvier |
5 878,80 |
5 985,24 |
6 202,32 |
6 408,28 |
6524,68 |
Départs en retraite |
- 58 |
- 64 |
- 56 |
- 50 |
- 46 |
Solde des emplois occupés |
5 820,80 |
5 921,24 |
6 146,32 |
6 358,68 |
6 344,28 |
Sorties de l' ENM |
147 |
154 |
161 |
200 |
208 |
Concours exceptionnel |
- |
99 |
91 |
- |
125 |
Solde autres entrées/sorties |
17,44 |
28,08 |
10,36 |
- |
- |
Total des emplois occupés au 31/12 |
5 985,24 |
6 202,32 |
6 408,68 |
6 558,68 |
6 844,68 |
Vacances de postes |
201,76 |
124,68 |
130,32 |
287,32 |
321,32 |
Taux de vacances |
3,26 % |
1,97 % |
1,99 % |
4,48 % |
4,69 % |
Source : Chancellerie
Relevons toutefois que
l'accroissement du nombre de magistrats
placés
observé ces dernières années a
constitué
une réponse adaptée au problème des
vacances de postes
. Cette disposition permet d'affecter temporairement dans
une juridiction des magistrats en cas de congés d'un magistrat
titulaire, ou de vacance de poste, ou pour renforcer les juridictions.
L'augmentation du nombre de magistrats placés ces dernières
années
55(
*
)
(passant de
17 en 1985, à 1.987 en 2001), a donc permis aux chefs de cour de mieux
gérer localement leurs effectifs.
La loi organique du 25 juin 2001 précitée a d'ailleurs
consolidé ce dispositif, en étendant de 4 à 8 mois ce
renforcement temporaire, et en permettant l'exercice de ces fonctions au sein
des cours d'appel.
Interrogée lors de son audition devant votre commission des Lois par
notre excellent collègue Michel Dreyfus-Schmidt sur
la lenteur
de la procédure actuelle de nominations des magistrats susceptible
d'engendrer des vacances de postes
, Mme Marylise Lebranchu, Garde des
Sceaux, a expliqué que les contraintes liées à la
procédure de la « transparence »
56(
*
)
ne permettaient pas d'assurer
une gestion des effectifs adaptée aux besoins immédiats. Elle a
souligné qu'il était souvent difficile de faire figurer dans le
même projet de nomination le magistrat faisant l'objet d'une mutation et
le magistrat appelé à le remplacer. Elle a annoncé qu'une
réflexion serait menée afin de concentrer le plus grand nombre de
mouvements de magistrats sur une même transparence.
-
- • Votre rapporteur pour avis tient également à évoquer l'existence de difficultés relationnelles entre les magistrats et les fonctionnaires travaillant au sein d'une même juridiction. Ce déficit de communication constitue un handicap au bon fonctionnement de la justice au quotidien , qui exige une collaboration permanente entre les magistrats et les fonctionnaires de toutes les catégories.
Par ailleurs, un rapport de l'inspection générale des services judiciaires sur la communication interne et le dialogue, remis au Garde des Sceaux en juin 2001 57( * ) , dresse le constat d'un certain malaise. Deux séries d'explications de ce phénomène sont d'ailleurs avancées. Les magistrats demeurant principalement axés sur l'activité juridictionnelle, s'impliqueraient peu dans la vie de la juridiction, tandis que les fonctionnaires exprimeraient une distance croissante à l'égard des magistrats, en raison d'un manque de reconnaissance 58( * ) .
Face à un tel constat, la Chancellerie a engagé une réflexion, en proposant notamment la création d'organismes régionaux de participation communs aux magistrats et aux fonctionnaires des services judiciaires. La réflexion devra se poursuivre afin d'aboutir à des résultats concrets et à des gains de productivité.
2. Une gestion des effectifs plus transparente et rationnelle
-
- • La gestion des effectifs fait cette année l'objet d'un effort de transparence visant à réduire le nombre de « mises à disposition » internes qui désignent des situations dans lesquelles des magistrats et des fonctionnaires sont « affectés pour ordre » dans les juridictions et en réalité mis à disposition d'autres juridictions, de l'administration centrale ou d'autres structures publiques.
- Parallèlement aux détachements officiels 60( * ) (253 magistrats détachés), 59 magistrats dont les postes budgétaires sont localisés dans les juridictions, font l'objet de mises à disposition auprès de la direction des services judiciaires ou d'autres organismes d'intérêt général ou privé 61( * ) .
Il est également prévu une transformation en détachements de certaines mises à disposition (tel est le cas des six magistrats recrutés comme maîtres de conférences à l'ENM), ainsi que le transfert sur le budget de l'administration centrale de 20 emplois de magistrats du premier grade, qui constitueront des postes « relais », sur lesquels seront déployés les magistrats mis à disposition.
Votre rapporteur se félicite de l'effort engagé cette année pour remédier à cette situation et revenir à un principe de bonne gestion . En effet, les mises à disposition bénéficiant aux cours d'appel et à la Cour de Cassation seront régularisées grâce aux créations d'emplois qui permettront un redéploiement des emplois entre juridictions.
- La mise à disposition touche également l'ensemble des fonctionnaires des juridictions, puisque l'administration centrale prélève actuellement 29 emplois de catégorie A, 53 emplois de catégorie B et 57 emplois de catégorie C (139 emplois de fonctionnaires au total) 62( * ) . Le projet de loi de finances pour 2002 marque la volonté de refléter plus fidèlement la présence des fonctionnaires sur le terrain et prévoit à cet effet le transfert des services judiciaires vers l'administration centrale de 24 emplois de greffiers. Il paraît toutefois important que cet effort soit poursuivi dans les années à venir.
La CFDT interco-justice a jugé ces transformations insuffisantes et a souhaité des créations d'emplois supplémentaires afin de mettre un terme à « l'utilisation » des postes affectés aux services déconcentrés.
-
- • Votre rapporteur pour avis se félicite également de la limitation de la durée des fonctions de certains magistrats au sein de la même juridiction , introduite par la loi organique du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature (10 ans pour les fonctions spécialisées et 7 ans pour les chefs de juridiction).
-
- • Votre rapporteur salue également l'effort de rationalisation des moyens humains entrepris depuis quatre ans à travers la mise en place de pôles de compétences spécialisés .
Un rapport remis en mars 2001 au Garde des Sceaux a fait état du succès des pôles économiques et financiers , qui apparaissent comme une expérience réussie 67( * ) . Leur intervention a eu un effet très positif sur la qualité et le traitement des affaires économiques et financières, avec une baisse significative des procédures en stock, notamment à Paris.
Ils ont bénéficié de l'affectation de 75 magistrats spécialisés et de 118 fonctionnaires . L'article 91 de cette loi a en outre prévu la possibilité de recruter des assistants spécialisés auprès des cours d'appel ou des tribunaux de grande instance, chargés d'apporter une assistance technique aux magistrats dans le déroulement de la procédure 68( * ) .
Le tableau ci-dessous récapitule l'ensemble des moyens en personnel de ces pôles :
Effectifs des pôles économiques et financiers
|
Magistrats |
Fonctionnaires |
Assistants spécialisés 1 |
Assistants de justice |
Total |
||
Parquet |
Instruction |
Parquet |
Instruction |
||||
Paris |
31 |
27 |
34 |
60 |
9 |
19 |
180 |
Marseille 2 |
4 |
3 |
6 |
3 |
2 |
5 |
23 |
Lyon 2 |
4 |
3 |
13 |
2 |
4 |
26 |
|
Bastia |
1 |
2 |
|
2 |
3 |
1 |
9 |
TOTAL |
75 |
118 |
16 |
29 |
238 |
||
(1)
Non compris les trois assistants spécialisés affectés dans
les juridictions spécialisées non constituées en
pôles financiers.
|
Source : Chancellerie
La qualité du travail des assistants spécialisés est
appréciée et reconnue par l'ensemble des magistrats. Une
première circulaire du 19 février 1999 a précisé
les conditions dans lesquelles devait s'effectuer leur assistance aux
magistrats. La Chancellerie, sur le fondement des propositions du groupe de
suivi, juge indispensable l'adoption de dispositions législatives
permettant de doter ces assistants
d'un véritable statut
. Ils
pourraient être rebaptisés « conseillers
techniques » et voir leurs compétences
étendues
69(
*
)
.
En outre, la Garde des Sceaux a annoncé
la création prochaine
de deux nouveaux pôles économiques (à Lille et
Fort-de-France), ainsi que la création de 21 postes de magistrats d'ici
2003
. On peut toutefois regretter qu'aucune dotation dans le budget 2002
n'ait été prévue en faveur de ces pôles.
Le Gouvernement envisage également la création d'
un pôle
de santé publique
et d'environnement
sur le modèle des
pôles économiques et financiers
70(
*
)
, auxquels seraient affectés
des assistants spécialisés
.
La spécialisation de certaines fonctions, accompagnée d'une
mutualisation des moyens
, présente des atouts qu'il conviendrait
d'exploiter davantage. Cette analyse est d'ailleurs partagée par
l'inspection des services judiciaires en ce qui concerne la fonction du juge de
la détention et des libertés mise en place par la loi du 15 juin
2000 renforçant la présomption d'innocence.
«
L'organisation retenue de façon dominante pour assurer
les fonctions de juge des libertés et de la détention, dans les
juridictions disposant d'une capacité de choix, repose sur un objectif
de cohérence à travers la concentration de l'exercice de ces
fonctions sur un nombre limité de magistrats
».
Les représentants de l'union syndicale de la magistrature ont
d'ailleurs fait part à votre rapporteur pour avis de l'utilité de
mettre en place
un « pool » de magistrats
prêts à intervenir ponctuellement en renforcement des
juridictions, pour faire face à l'afflux des recours dans les cas de
crise grave ou de catastrophe naturelle
. Ce modèle pourrait
être calqué sur le dispositif des magistrats placés. Elle a
en effet relevé le manque de moyens des juridictions face aux
catastrophes de l'Erika, du tunnel du Mont-Blanc, et a souligné la
nécessité de mettre en place un pole de compétence
technique.
B. LES CONTRAINTES LIÉES À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DES RÉFORMES NOUVELLES
1. Le poids de l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes
Sans
remettre en cause l'incontestable progrès apporté par la loi
n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la
présomption d'innocence et les droits des victimes, qui offre de
meilleures garanties à la défense et de nouveaux droits aux
victimes, force est de constater que sa mise en oeuvre
a absorbé une
grande partie des créations d'emplois intervenues entre 1999 et
2002
.
L'ampleur de cette réforme et les besoins humains induits ont d'ailleurs
nécessité
un échelonnement de l'entrée en
vigueur de ses principales dispositions
. Certaines
71(
*
)
ont été d'application
immédiate, d'autres mesures concernant l'enquête, la garde
à vue, le déroulement de l'instruction ne sont entrées en
vigueur qu'au 1
er
janvier 2001.
Par ailleurs le législateur, à la demande du Gouvernement, a
décidé, par une loi du 30 décembre 2000 de reporter au 16
juin 2001, l'entrée en vigueur d'une partie des dispositions de la loi
relatives au troisième volet relatif à la juridictionnalisation
des peines
72(
*
)
.
Ce
report était destiné à répondre aux
inquiétudes des organisations professionnelles de magistrats et de
fonctionnaires exprimées à la fin de l'année 2000.
Le projet de loi finances pour 2002, avec 80 emplois de magistrats et 23
emplois de greffiers supplémentaires, solde la dernière tranche
des créations d'emplois anticipées depuis l'exercice 1999.
Au total,
427 créations d'emplois de magistrats
(soit plus
de 40 % des créations d'emplois
73(
*
)
)
et 266 créations
d'emplois de greffiers
(soit près d'un quart des créations
d'emplois)
sont intervenues
depuis quatre ans. Les cours d'appel n'ont
toutefois bénéficié d'aucun renforcement pour faire face
à leurs nouvelles responsabilités.
La première phase de localisation des emplois créés en
2001, prévue par la circulaire du 8 février 2001 confirme
l'importance des moyens consacrés à la mise en oeuvre de la
réforme
. Sur les 209 emplois de magistrats et les 214 emplois de
greffiers déjà localisés, respectivement 179 et 118 l'ont
été exclusivement au bénéfice de la mise en oeuvre
de la loi du 15 juin 2000. Signalons que le parquet
bénéficie largement de la répartition des nouveaux
effectifs (près de la moitié des localisations).
Toutefois, malgré l'ampleur des moyens dégagés, un rapport
de l'inspection générale des services judiciaires remis au Garde
des Sceaux en juin 2001
74(
*
)
laisse
craindre «
une altération de la capacité
de réponse des juridictions faute d'une adaptation des moyens et de
l'organisation
».
La charge de travail nouvelle résultant de la création du juge
des libertés et de la détention a été
estimée respectivement à 110 et 96 emplois équivalent
temps plein de magistrats du siège et de greffiers. Cette
évaluation a été réalisée juridiction par
juridiction sur les quatre dernières années
75(
*
)
, en tenant compte du nombre moyen de
décisions relatives à la détention (placement en
détention, mise en détention et prolongation, mise en
liberté) et du temps moyen de traitement des procédures. Compte
tenu des diverses étapes procédurales à respecter, les
débats contradictoires se tenant durant les permanences du juge des
libertés et de la détention se déroulent à des
horaires très tardifs, pesant sur l'ensemble des services de la
juridiction
76(
*
)
. De plus,
l'instauration d'un service du juge de la libertés et de la
détention
77(
*
)
a
conduit à fragiliser l'organisation des petites juridictions n'ayant
qu'un seul magistrat susceptible d'exercer les fonctions des juges des
libertés et de la détention , le président.
En outre, de l'avis général des chefs de juridiction entendus par
l'inspection générale des services judiciaires,
l'instauration
d'un appel en matière criminelle pèsera lourdement sur le
fonctionnement de l'institution judiciaire.
Cette mesure n'a encore pas
produit son plein effet. Les statistiques actuellement disponibles ne retracent
que l'activité du premier trimestre 2001, qui enregistre un taux d'appel
de près de 27 %
78(
*
)
. Comme l'a admis la Chancellerie, la
montée en puissance de cette réforme nécessitera un
renforcement des effectifs de magistrats (conseillers, magistrat du parquet) et
des greffiers, qui assument une part significative de la charge des assises.
De plus,
la juridictionnalisation de l'application des peines a
engendré des contraintes
nouvelles, conduisant les magistrats et les
greffiers à réduire leur participation au service des audiences
civiles dans leur tribunal. L'exemple du tribunal de grande instance de Lyon
est significatif, les quatre juges de l'application des peines participant
à des audiences correctionnelles en tant que président ou
assesseurs ayant demandé à être déchargés de
ces fonctions.
En outre, les représentants des organisations professionnelles de
magistrats et d'avocats se sont inquiété du
formalisme
procédural accru
par la loi du 15 juin 2000, qui accentue les
sujétions particulières imposées en matière de
reprographie. Le président de l'association professionnelle des
magistrats s'est inquiété de l'impact de la délivrance
gratuite de la première copie pénale à l'ensemble des
avocats (décret du 31 juillet 2001), qui s'inscrit dans le mouvement de
la protection de la présomption d'innocence, et qui aggrave
considérablement la charge de travail de l'ensemble des personnels.
L'union syndicale des magistrats a annoncé son intention de
rédiger avec les syndicats de fonctionnaires et des hauts fonctionnaires
de la police nationale « un livre blanc » sur les
dysfonctionnements de la loi du 15 juin 2000
79(
*
)
.
Il paraît donc indéniable que les besoins demeurent importants.
2. La mise en place des trente-cinq heures
L'aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT) dans la fonction publique, et donc dans les juridictions, doivent intervenir à partir du 1 er janvier 2002 dans les conditions fixées par le décret du 25 août 2000 80( * ) .
-
- • Le ministère de la justice s'est engagé depuis le mois de juin 2000 dans un processus de concertation avec l'ensemble des organisations syndicales des services judiciaires (administration centrale et juridictions) . Plus de dix diagnostics sur le temps de travail de ces personnels ont été réalisés par des consultants extérieurs, dont les conclusions ont été débattues avec les instances nationales des organisations professionnelles et les responsables des services territoriaux.
Des discussions ont été engagées sur la base de ces propositions en septembre 2001 entre la Chancellerie et les principales organisations syndicales. Ces dernières n'ont pas souhaité retenir le principe d'un compte épargne temps.
L'ensemble des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires entendues par votre rapporteur pour avis a fait part de leur mécontentement à l'égard, tant des modalités d'application des trente-cinq heures proposées par la Chancellerie, que de la méthode de consultation retenue 82( * ) , soulignant le manque de dialogue social .
L'USAJ et le syndicat des greffiers de France ont en particulier regretté l'absence de dérogation accordée aux personnels sur lesquels pèsent de lourdes contraintes citant le cas du greffe du juge de la détention et des libertés en soulignant que les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration pénitentiaire bénéficieraient au contraire d'un régime différencié (1.560 heures annuelles au lieu de 1600).
L'ensemble des organisations syndicales a estimé insuffisantes les mesures d'accompagnement prévues par le projet de loi de finances pour 2002, qui accorde une dotation d'un montant de 2,732 millions d'euros afin de prendre en charge dans les juridictions les astreintes et les heures supplémentaires résultant de la mise en oeuvre de cette réforme . Ils ont par ailleurs regretté qu'aucune des créations d'emplois prévues par le projet de loi de finances pour 2002 ne soit destinée à accompagner la mise en place des trente-cinq heures.
En dépit des fortes réserves manifestées tout au long des négociations et exprimées devant votre rapporteur pour avis, et après deux mois de pourparlers, deux accords cadres, concernant respectivement les personnels de l'administration centrale 83( * ) et les fonctionnaires des services judiciaires 84( * ) , et destinés à la mise en oeuvre « des trente-cinq heures » au ministère de la justice ont été signés par les principales organisations syndicales.
La négociation avec les organisations professionnelles des magistrats pour la mise en ouvre du temps de travail n'a pas produit les effets escomptés . Un diagnostic de la charge de travail des magistrats a été effectué par un consultant extérieur à partir de questionnaires adressés aux magistrats, dont les principaux éléments ont été débattus avec les magistrats à la fin du mois de juillet 2001. Mais, comme l'a d'ailleurs admis la Garde des Sceaux à l'occasion du congrès de l'USM le 20 octobre 2001 85( * ) , « il n'y a pas eu véritablement de mesure ou d'audit, faute de délai suffisant pour mener ce type d'enquête ».
Un régime spécifique aux personnels d'encadrement doit être défini, portant non seulement sur la réduction du temps de travail, mais également sur le régime des astreintes, les congés et l'organisation du travail. D'après les informations fournies par la Chancellerie, la compensation de la variabilité et de l'importance des horaires de travail par un nombre de jours forfaitaires pourrait être la voie choisie.
L'ensemble des représentants des organisations professionnelles de magistrats a regretté que la mise en oeuvre des trente-cinq heures n'ait pas été gagée par des créations d'emplois de magistrats. Ils ont souligné que l'enveloppe prévue par le budget 2002 n'était pas à la hauteur des engagements du Gouvernement eu égard à la rémunération des astreintes 86( * ) et aux conditions de récupération 87( * ) . Le syndicat de la magistrature a considéré que la définition d'une norme de travail ne constituait pas une bonne méthode d'évaluation.