II. LES CRÉDITS EN DIMINUTION RESTENT TOUTEFOIS COHÉRENTS AVEC LES PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT

A. UN BUDGET EN BAISSE MAIS FIDÈLE AUX ORIENTATIONS ARRÊTÉES

1. Des crédits en baisse

a) Structure du budget

Les crédits consacrés au logement et à l'urbanisme dans le projet de loi de finances diminuent globalement de 1,7 % et n'atteignent plus, en 2002, que 7,3 milliards d'euros.

Sans doute ce budget retrace-t-il de plus en plus imparfaitement l'effort national en faveur du logement ; les annonces faites par Mme Marie-Noëlle Lienemann lors du comité interministériel des villes du 1 er octobre dernier, relatives à la mobilisation du 1 % logement, confirment ce constat.

La structure du budget n'évolue guère. La majeure partie des crédits est constituée des dépenses ordinaires, et la quasi-totalité de ces dernières sont consacrées aux aides à la personne.

Structure des crédits logements et urbanisme

Dépenses ordinaires

Dépenses en capital

74 %

26 %

5,4 md€

1,9 md€

Structure des dépenses ordinaires du « bleu » logement

Aide à la personne

Autres dépenses

97 %

3 %

5,24 md€

0,16 md€

En conséquence, l'encouragement et les interventions en matière d'action économique d'une part et les participations de l'Etat au fonds de solidarité pour le logement et aux associations, d'autre part, restent modestes.

Le chapitre 46-50 retrace la participation de l'Etat aux fonds de solidarité pour le logement, aux fonds d'aide aux accédants en difficulté et les subventions associations logeant des personnes défavorisées.

Participation de l'Etat aux fonds de solidarité

 

2001

2002

Evolution

Participation Etat au FSL

82.017

82.020

STABLE

Contribution ALT

27.440

33.075

+ 20 %

Participation aux fonds aides aux accédants en difficulté

304

0

- 100 %

Total

109.763

115.095

+ 4,8 %

En milliers d'euros

Les aides provenant des fonds de solidarité pour le logement (FSL)

Ces aides financent principalement trois types d'actions : des aides aux locataires en impayés de loyer, des aides à l'accès au logement locatif et l'accompagnement social des personnes en difficulté. Ces aides financières peuvent être accordées sous forme de prêts ou de subventions. Leur champ d'intervention est distinct de celui des aides personnelles : celles-ci sont des aides structurelles au paiement du loyer ou de l'emprunt, à la différence des aides versées par les FSL qui interviennent ponctuellement pour aider au paiement d'une dette constituée de loyers ou de charges de logement. De 1998 à 1999, on constate une augmentation de 10 % du nombre de ménages aidés par le FSL.

Les prestations des FSL sont financées par les dotations annuelles des contributeurs (Etat, conseils généraux, caisses d'allocations familiales, ASSEDIC, communes, groupements de communes, organismes HLM et sociétés d'économie mixte), ainsi que par les ressources propres des FSL (retours de prêts, trésorerie...).

Les compétences des FSL, à l'origine ciblées sur les aides à destination des locataires en difficulté, ont été élargies par la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, aux copropriétaires accédants en difficulté habitant notamment une zone urbaine sensible (ZUS). Plus récemment, la loi d'orientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a renforcé le rôle des FSL et harmonisé ses principes d'intervention.

En dernier lieu, la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains comporte un important volet consacré aux copropriétés dont le bâti est dégradé ou dont les habitants connaissent de graves difficultés.

Cette loi :

- rend obligatoire l'ouverture des FSL aux propriétaires occupants d'un logement situé dans un plan de sauvegarde, en cas d'impossibilité pour ceux-ci d'assumer leurs obligations concernant les charges collectives ;

- permet aux FSL d'accorder des aides à ces mêmes propriétaires occupants s'ils se trouvent dans l'impossibilité d'assumer leurs obligations relatives aux remboursements d'emprunts contractés pour l'acquisition de leurs logements (article 84) ;

- permet aux FSL d'accorder des aides aux propriétaires occupants qui se trouvent dans l'impossibilité d'assumer le paiement de leurs charges collectives ou de remboursement d'emprunt si leur logement est situé dans le périmètre d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH° définie à l'article L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation, limitée à un groupe d'immeubles bâtis en société d'attribution ou en société coopérative de construction donnant vocation à l'attribution d'un lot ou soumis au régime de la copropriété (article 140).

Les FSL sont majoritairement gérés par les caisses d'allocations familiales (75) ; dans les autres cas, ils sont gérés par des associations ou par des groupements d'intérêts publics (GIP) ad hoc.

Source : annexe « bleu » fascicule budgétaire

Montant des aides versées par le FSL

 

Montant total des aides financières et prestations financées (en millions d'euros) hors frais de gestion et répartition en % des montants pour les principaux types d'aide

Dotations de l'Etat

(en millions d'euros)

Nombre total de bénéficiaires et montant moyen en euros de l'aide par principal type d'aide

 

1999

2000

1999

2000

1999

2000

FSL

197

217

76

74

256.540 ménages

Non encore disponible

- accès au logement locatif

38,6 %

37,4 %

 
 

512,23

 

- maintien dans le logement locatif

32,1 %

31,5 %

 
 

1.030,56

 

- accompagnement social lié au logement

23,4 %

24,7 %

 
 

731,76

 

Les dépenses d'investissement s'élèvent à 1,9 milliard d'euros en baisse de 1,9 % en 2002 après avoir déjà diminué de 1,3 % en 2001.

b) Les mesures nouvelles

Dans ce contexte, les mesures nouvelles prévues par le budget sont modestes. Il faut rappeler la hausse signalée ci-dessus de la contribution pour l'aide au logement temporaire (+ 5,6 millions d'euros) et le doublement des crédits des opérations de financement des réquisitions, démolitions et changements d'usages qui passent de 31,2 millions d'euros à 68,9 millions d'euros.

Il faut également saluer la hausse de la dotation pour la résorption de l'habitat insalubre qui progresse de 28 % après avoir diminué en 2001 et l'augmentation des dotations aux agences départementales d'information sur le logement (ADIL) et aux agences d'urbanisme liées à la création de nouvelles structures.

L'effort budgétaire reste modeste, encore faut-il y ajouter les moyens mis à la disposition de la politique du logement par le comité interministériel des villes du 1 er octobre dernier.

En effet, tournant résolument la politique de la ville vers celle du logement social, ou peut-être l'inverse, le Gouvernement a annoncé un plan de démolition-reconstruction ambitieux au regard de la situation présente : 15.000 démolitions en 2002 et 30.000 en rythme annuel par la suite.

Cet objectif sera atteint au moyen d'une mobilisation forte des fonds du 1 % logement, prévue dans un contexte préoccupant.

2. Un budget qui traduit les priorités du Gouvernement

a) Les objectifs de démolition-reconstruction sont menés aux dépens de la réhabilitation

Détruire pour reconstruire ou réhabiliter des logements anciens semble constituer un dilemme.

Dans le secteur de l'habitat social, M. Jacques Bimbenet, alors rapporteur pour avis de votre commission, avait déjà constaté le dynamisme des opérations de réhabilitation.

Les raisons de ce dynamisme sont en effet connues : devant la hausse du taux de vacance des appartements et surtout l'alourdissement des prix du foncier et de la construction, les bailleurs sociaux ont préféré restaurer le parc existant.

Ils disposent pour cela d'un outil : la prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale (PALULOS).

Consommation PALULOS

en millions d'euros

Année

Montants AP

Montants CP

1997

322

198

1998

166

197

1999

177

203

2000

181

163

Source : secrétariat d'Etat au logement

Pour 2000, 181 millions d'euros auront permis le financement de la réhabilitation de 124.132 logements pour un coût moyen de 1.457 euros par logement.

En 2002, le montant prévu sur la ligne fongible dédiée au financement du logement social (chapitre 65-48, article 10) révèle une diminution des crédits consacrés aux PALULOS qui ne devraient pas dépasser 142 millions d'euros.

Ce chiffre correspond à une diminution de 10.000 PALULOS environ en 2002, alors même que les organismes HLM admettent pouvoir conduire un volume d'opérations supplémentaires susceptibles de consommer entre 30 et 60 millions d'euros supplémentaires.

Les partisans d'une diminution de ces crédits avancent un argument repris par le Gouvernement dans son choix de privilégier la démolition-reconstruction par rapport à la restauration.

Les logements visés par ces démolitions sont des logements que nos concitoyens ne souhaitent plus habiter, malgré parfois deux ou trois réhabilitations.

Recevable dans son principe, cet argument ne doit pas être surestimé.

Fin 2000, le taux de vacance atteint 3 % et demeure très concentré puisque 25 % des logements vacants se trouvent dans 1,5 % du parc.

Ces immeubles constituent une cible a priori pour la démolition. Il est de bon sens de ne pas investir dans leur restauration.

Pour le reste, comment ne pas croire que la réhabilitation, voire l'amélioration de logements plus ou moins dégradés, ne bonifie pas l'environnement et le bien-être des habitants ?

Ce constat ne serait pas si préoccupant s'il n'était accompagné d'une réduction des crédits budgétaires consacrés à la réhabilitation du parc privé.

Développement et renouvellement du parc privé

Il s'agit principalement de la subvention versée à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) au titre de ses crédits d'intervention ainsi que de la contribution de l'Etat aux dépenses de personnel de cet établissement public administratif de l'Etat.

Dans le cadre de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (article 185), les missions de l'ANAH ont été élargies, afin de permettre la transformation en logements de locaux initialement non destinés à un usage d'habitation ainsi que le versement de subventions aux propriétaires occupants, donnant ainsi à l'ANAH compétence pour intervenir sur l'ensemble du parc privé. A ce titre, l'ANAH, traditionnellement chargée de verser pour le compte de l'Etat des aides à destination des propriétaires bailleurs qui réalisent des travaux d'amélioration, devrait également prendre en charge, à compter du 1 er janvier 2002, l'attribution des primes d'amélioration de l'habitat (PAH) versées aux propriétaires occupants sous condition de ressources 3( * ) .

Le décret n° 2000-351 du 20 avril 2001, outre les nouvelles modalités d'organisation et de fonctionnement de l'ANAH, définit le nouveau cadre de son intervention en faveur de l'ensemble des propriétaires, bailleurs ou occupants.

Les subventions de l'ANAH sont attribuées par une commission départementale, la « commission d'amélioration de l'habitat », présidée par le directeur départemental de l'équipement ; les dossiers sont instruits et les paiements ordonnancés par la délégation locale de l'ANAH qui est composée d'agents de la DDE apportant le concours des services de l'Etat à l'établissement public.

Relèvent également de cette composante les crédits relatifs à la lutte contre le saturnisme. Mis en oeuvre dans le cadre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, ces crédits sont affectés à la réalisation de diagnostics à la charge de l'Etat, dont le coût est de l'ordre de 457 euros par logement et/ou par partie commune, et, le cas échéant, en cas de carence des propriétaires, au financement des travaux nécessaires pour supprimer l'accessibilité au plomb, dont le coût est de l'ordre de 4.573 euros par logement et/ou par partie commune ; s'y ajoutent les contrôles postérieurs aux travaux à la charge de l'Etat ainsi que l'hébergement provisoire des occupants d'immeubles traités, en cas de travaux réalisés d'office par le préfet.

Source : annexe « bleu » fascicule budgétaire

Crédits en faveur de la réhabilitation du secteur privé en 2000

 

Montant des subventions versées par l'Etat

(en millions d'euros)

Nombre de logements subventionnés

Coût moyen des subventions versées
(en euros)

ANAH

267

135.542

2.839

PAH

128

80.184

1.628

En effet, en 2002, les crédits de l'ANAH révèlent une diminution de 10 % en autorisations de programme et de 14 % en crédits de paiement, malgré une évolution rendue moins lisible du fait de la fusion des crédits avec ceux de la prime à l'amélioration de l'habitat au sein d'une même ligne en 2001.

Évolution des crédits de l'ANAH

(en milliards de francs)

(1) LFI

(2) PLF

Sans doute, la majorité plurielle n'est-elle pas favorable à l'orientation donnée par le Gouvernement en la matière.

Le rapporteur spécial de la commission des Finances de l'Assemblée nationale a obtenu le vote, contre l'avis du Gouvernement, d'un amendement visant à réduire de 200 millions de francs les crédits du fonds de garantie à l'accession sociale à la propriété (FGAS), invitant par la même occasion le Gouvernement à relever d'autant les crédits de l'ANAH.

Il s'est d'ailleurs justifié 4( * ) de la nécessité de procéder à cette augmentation.

« Les nouvelles missions de l'Agence et la volonté politique affichée d'appliquer la loi de solidarité et de renouvellement urbains vont pousser l'ANAH à se mobiliser et à traiter, grâce à un montant suffisant d'autorisations de programme, tous les dossiers qui lui seront soumis ».

« Pour autant, je rappelle que l'insuffisance de la ligne budgétaire destinée à doter la prime à l'amélioration de l'habitat a, à une certaine époque, empêché le règlement de dossiers et créé des files d'attente. Il ne faudrait donc pas qu'en 2002, l'Agence ne puisse pas faire face à la demande, pour le simple prétexte que sa dotation a été établie en fonction du niveau qui était le sien en 2000 ou 2001 »
.

Au cours d'une nouvelle délibération, le Gouvernement a proposé un amendement donnant satisfaction aux députés.

Mme Florence Parly 5( * ) a alors déclaré :

« Le troisième objet de la seconde délibération est de modifier plusieurs dispositions votées au cours de la discussion ou de procéder à quelques augmentations de crédits qui n'avaient pu intervenir. Les augmentations opérées sur proposition de votre commission des Finances s'élèvent, au total, à 89,9 millions d'euros. Il vous est demandé, en outre, de revenir sur la suppression de la cotisation de l'Etat au Fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété ; j'ai bien entendu vos interrogations sur le fonctionnement de ce fonds, mais il ne paraît raisonnablement pas possible de remettre en cause un système qui garantit l'accès de millions de Français modestes à la propriété, et c'est pourquoi je propose de rétablir les moyens permettant à l'état d'honorer ses engagements, en même temps que d'abonder les crédits de l'ANAH, puisque tel est le souhait de votre commission des Finances ».

Votre rapporteur prend acte de cette majoration tout en souhaitant néanmoins à cet égard formuler deux observations.

Elle partage en tout point l'avis du rapporteur spécial quand celui-ci déclare 6( * ) :

« Si j'ai déposé cet amendement, c'est pour que les nouvelles missions réservées à l'ANAH soient mieux prises en compte . Il faut peut-être aller au-delà d'un simple affichage politique, ainsi que l'a fort bien souligné Jean-Pierre Kucheida , et bien voir ce qu'il en est exactement de l'ensemble des mouvements budgétaires , c'est-à-dire des reports d'une année sur l'autre, des annulations ou des gels de crédits -pour cela, je vous renvoie aux pages 29 à 35 de mon rapport. »

Les pages 29 à 35 de ce rapport 7( * ) rappellent combien les crédits de l'ANAH sont « sous contrainte budgétaire » lors des collectifs successifs.

« L'arrêté du 21 mai 2001 a annulé 30,49 millions d'euros (200 millions de francs) d'autorisations de programme sur le chapitre 65-48, intégralement imputés sur l'article de l'ANAH. Il a annulé également 21,34 millions d'euros (140 millions de francs) de crédits de paiement dont 13,72 millions d'euros (90 millions de francs) ont été imputés sur le même article. Au 30 septembre 2001, il s'ajoutait à ce moment 15,24 millions d'euros (100 millions de francs) de crédits de paiement bloqués, à mettre au regard de 21,51 millions d'euros (141,1 millions de francs) de reports de l'exercice 2000 ».

La seconde observation est la suivante : le Gouvernement doit recourir à l'autorisation du Parlement pour engager une dépense... mais une autorisation parlementaire en dépense ne vaut pas obligation de dépenser...

Le Gouvernement a obtenu le rétablissement de la dotation en faveur du FGAS mais, en revanche, rien ne l'empêchera d'annuler, lors des collectifs 2002, la rallonge consentie à l'ANAH.

Qu'en sera-t-il ? Malgré le bilan qu'il dresse de la consommation des crédits de l'ANAH en 2001, le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale a remercié le Gouvernement de son geste.

Pour sa part, votre rapporteur craint que, dans un contexte de tension budgétaire plus accrue en 2002 qu'en 2001, ce « geste » ne soit précaire.

Sans doute, les critiques formulées par la Cour des comptes dans son rapport d'activité 2000 8( * ) sont-elles fondées, encore faudrait-il que le Gouvernement justifie que la diminution des crédits de l'Agence par un questionnement sur « la pertinence des subventions de l'ANAH dans un contexte en évolution et sur l'incertitude du rapport coût/efficacité ». 9( * )

Or, la revalorisation du rôle de l'ANAH par la loi SRU souligne a contrario que le Gouvernement attribue une pertinence au moins équivalente aux subventions versées par cette Agence (ANAH) qu'à l'incitation fiscale, qui donne également, dans la réhabilitation privée, de bons résultats 10( * ) .

Dans ce contexte, la seule justification du « sacrifice » de la réhabilitation dont témoigne ce budget est la contrainte budgétaire que le Gouvernement ne parvient pas, malgré ses efforts, à masquer.

En effet, et votre rapporteur conclura ce développement sur ce point, lorsque le Gouvernement prétend relancer un pan de l'activité du logement 11( * ) , et notamment la « rénovation de la copropriété dégradée » , c'est bien à des moyens extra-budgétaires qu'il recourt et notamment aux fonds des partenaires sociaux.

b) Un programme de démolition-reconstruction amplifié

Le constat a été maintes fois fait que des zones entières devaient être démolies pour donner lieu à des réorganisations, des reconstructions souhaitées d'ailleurs par les locataires des organismes qui ne désirent plus vivre dans certains immeubles.

Les appartements sociaux vacants, concentrés pour un quart dans 1,5 % du parc, constituent une cible toute désignée.

Sous le titre « casser les ghettos » , le Gouvernement a créé un groupe d'appui 12( * ) dont la mission est de permettre d'atteindre les objectifs fixés à 30.000 destructions annuelles à terme.

Pour 2001, les objectifs semblent atteints puisque le secrétariat d'Etat avance le chiffre de 10.632 logements démolis pour 10.000 en prévisions.

Nombre de logements démolis

Source : Secrétariat d'Etat au logement

* prévision.


Votre rapporteur souscrit à cet objectif tout en formulant trois réserves.

Les logements démolis sont parfois les « projets porteurs » d'hier. L'urbanisme, comme d'autres secteurs, bénéficie -ou est victime- d'un effet de mode. La tendance des années 1980 était à la construction de grands ensembles ouverts, avec des coursives. Ces derniers sont aujourd'hui mis en cause car jugés responsables de la hausse de la délinquance. Faudra-t-il, parce que les modes urbanistiques changent, détruire demain ce qui fut fait hier ? Une dimension est ignorée dans le concept de « ghetto ». On ne peut prétendre détruire les « cités-dortoirs » qu'en implantant l'activité économique dans les quartiers défavorisés. Le développement seul combat le paupérisme.

Les objectifs sont, nous dit-on, atteints en 2001 soit 10.032 logements démolis.

Que représente ce chiffre au regard des besoins en la matière alors que dans son rapport pour 2001 13( * ) , votre rapporteur spécial, M. Jacques Pelletier évaluait entre 150.000 et 200.000 les besoins en matière de reconstruction-démolition ?

Reste enfin la question du financement. L'Etat triple sa contribution en 2002 puisque celle-ci passe de 26 millions d'euros en 2001 à 76 millions d'euros.

Les décisions prises lors du comité interministériel des villes du 1 er octobre dernier, simplification des procédures de décision, augmentation du taux et de l'assiette des dépenses subventionnées, élargissement du taux réduit de TVA (5,5 %) aux démolitions partielles, sont des éléments susceptibles d'encourager le processus.

Il n'empêche que ce n'est pas véritablement le budget qui porte cette réforme.

Pour la première fois, il est annoncé que les organismes verront une part des coûts indirects de la construction pris en charge... par le 1% logement.

Les coûts de la démolition pour un organisme HLM

Principaux postes de la démolition :

1. Les coûts sociaux :


Ce premier groupe concerne principalement les dépenses engagées pour assurer le relogement des ménages logés dans les bâtiments à démolir : études de relogement, travaux à réaliser dans les nouveaux logements, prise en charge des déménagements, etc.

Le coût moyen observé se monte à 15.000 francs par logement.

2. Les coûts techniques :

Il s'agit des coûts de démolition proprement dits : fermeture des bâtiments, démolition, tri et évacuation des déchets, etc. Ces coûts sont sensiblement augmentés par la directive sur le tri des déchets.

Le coût moyen observé se monte à 46.000 francs par logement.

3. Les coûts financiers :

Ces dépenses concernent principalement le remboursement des prêts et des aides initialement accordés lors de la construction : remboursement du capital restant dû pour les prêts consentis lors de la construction du bâtiment ou lors de travaux de réhabilitation, mais aussi le remboursement d'aides de diverses provenances (CAF, CIL, etc).

Le coût moyen observé se monte à 40.000 francs par logement.

4. Les pertes de recettes :

Il s'agit de montants qui correspondent aux loyers et aux charges non perçus pendant la période où l'immeuble se vide. Ils sont pris en compte à partir du moment où la décision de démolir est prise, jusqu'au jour où le bâtiment est effectivement démoli.

Le coût moyen observé se monte à 30.000 francs par logement.

Le coût moyen d'une démolition se monte à 131.000 francs par logement.

Les coûts du programme proposé par le Gouvernement pourraient s'envoler mais c'est en réalité les partenaires sociaux qui devraient l'assumer par un prélèvement de 460 millions d'euros par an pendant cinq ans, soit 2,3 milliards d'euros au total, sur le 1 % logement.

c) La crédibilisation du programme de construction

La crise de la construction de logements sociaux a déjà été évoquée ci-dessus.

Les annonces du plan de relance du 7 mars dernier seront-elles en mesure de contrer la tendance ?

Pour 2002, le Gouvernement propose pour la ligne fongible PLA-PLUS-PALULOS 457 millions d'euros en autorisations de programme et 399 millions d'euros en crédits de paiement.

Sachant que 142 millions d'euros seront consacrés à la PALULOS, c'est-à-dire moins que l'an passé, la quasi-totalité de la ligne traduit une légère augmentation des crédits disponibles pour la construction sociale.

Le Gouvernement annonce 43.000 PLUS et PLA-I auxquels il ajoute 12.000 PLS, ce qui induit un total de 55.000 logements construits.

Ces propositions conduisent votre rapporteur à formuler trois observations.

La première est une prise d'acte quant à la réduction des objectifs. Votre commission avait, au cours des deux dernières années, dénoncé les objectifs fantaisistes fixés par le Gouvernement (+ 70.000).

L'écart s'accroissant chaque année entre les prévisions et les réalisations, sans doute était-il utile de procéder à un « rebasage ».

Evolution du programme PLA/PLUS

Année

PLA et PLUS prévus au budget

PLA/PLUS financés
(neuf et acquisition-accession)

PLA/PLUS mis en chantier (neuf)

 

PLA et PLUS

PLA sociaux

Total

 
 

1993

88.000

13.000 PLA-I

101.000

92.868

72.000

1994

80.000

20.000 PLA-TS

100.000

89.324

72.500

1995

60.000

28.000 PLA-TS

88.000

66.440

60.000

1996

60.000

20.000 PLA-TS

80.000

60.051

54.000

1997

50.000

30.000 PLA-TS

80.000

59.911

45.600

1998

50.000

30.000 PLA-LM et PLA-I

80.000

51.415

44.000

1999

50.000

30.000 PLA-LM et PLA-I

80.000

47.695

42.500

2000

65.000

5.000 PLA-I

70.000

42.117

ND

Source : Secrétaire d'Etat au logement

La seconde est la constatation que le Gouvernement réduit de 40 % l'objectif des logements subventionnés (70.000 à 43.000 car les PLS ne donnent pas lieu à subvention, donc ne coûtent rien à l'Etat), tout en augmentant légèrement les crédits disponibles de par la réorientation des fonds qui auraient pu être disponibles pour la PALULOS.

Cet affichage crédibilise les annonces du 7 mars dernier relatives aux améliorations entourant le financement des logements sociaux. Mais ceci tient à une réserve forte : celle que les organismes adhèrent à ce contrat de relance contraignant, qui leur sera proposé. Seulement dans ce dernier cas bénéficieront-ils d'une subvention accrue. Dans le cas inverse, la ligne PLA-PLUS-PALLULOS présentera, à nouveau, un fort taux de crédits non consommés.

Certes, le Gouvernement ouvre l'accès à un prêt préférentiel pour financer des logements au profil « moins social », le PLS, que les PLA et PLUS mais cela ne lui coûte rien et augure de cette tendance générale d'un financement non budgétaire du logement social.

B. LES INTERROGATIONS DE VOTRE COMMISSION : VERS UN FINANCEMENT NON BUDGÉTAIRE DU LOGEMENT SOCIAL ?

Ces interrogations rejoignent un même constat, celui d'économies réalisées de manière générale par le budget de l'Etat dans un contexte de fortes annonces.

La mise en oeuvre des priorités évoquées aboutit finalement à transférer sur d'autres, et en l'espèce les fonds sociaux, le coût des politiques décidées par l'Etat.

Si la politique du logement et de l'urbanisme ne dépend pas du budget de l'Etat, de qui dépend-elle ?

Devant ces mécanismes de financement croisé, votre rapporteur s'interroge sur la frontière qui sépare la contractualisation de la débudgétisation.

A ce stade, et au vu des éléments décrits ci-dessus, votre rapporteur formule deux interrogations.

1. La réforme des aides au logement est-elle financée ?

En 2002, la seconde étape de la réforme des aides à la personne sera achevée.

Les aides à la personne

L'allocation de logement à caractère social (ALS)

L'ALS, qui relève également du code de la sécurité sociale, a été créée par la loi du 16 juillet 1971 afin de venir en aide à des catégories de personnes, autres que les familles, caractérisées par le niveau modeste de leurs ressources (personnes âgées, handicapés, jeunes travailleurs salariés de moins de 25 ans).

Elle est financée par le fonds national d'aide au logement (FNAL), qui est alimenté par l'Etat, et par une cotisation des employeurs.

Elle a progressivement été étendue à d'autres catégories de bénéficiaires puis attribuée, depuis le 1 er janvier 1993, à toute personne sous seule condition de ressources, qui n'entre pas dans les conditions fixées pour bénéficier de l'ALF ou de l'APL.
L'aide personnalisée au logement (APL)
L'APL, qui a été créée par la loi du 3 janvier 1977, relève du code de la construction et de l'habitation (CCH). Elle s'applique à un parc de logements déterminé, quelles que soient les caractéristiques familiales des occupants.

Le champ d'application de l'APL comprend :

- en accession à la propriété : les logements financés avec des prêts aidés par l'Etat (PAP ou PC/PAS) ;

- en secteur locatif : les logements conventionnés, financés avec des PLA/PLUS ou des PC locatifs, ou conventionnés avec des subventions à l'amélioration (PALULOS ou ANAH), ainsi que les logements existants, conventionnés sans travaux, appartenant à des organismes d'habitation à loyer modéré ou des sociétés d'économie mixte ou appartenant à d'autres bailleurs lorsque les logements ont bénéficié avant 1977 des anciennes aides de l'Etat.

Son financement est assuré par le fonds national de l'habitation (FNH) dont les recettes sont constituées par des contributions du FNPF, du FNAL et du BAPSA (budget annexe des prestations sociales agricoles) et par une contribution de l'Etat inscrite au budget du ministère chargé du logement.

Les trois aides (ALF, ALS et APL) sont versées sous condition de ressources aux personnes qui s'acquittent d'un minimum de loyer ou de mensualité, sous réserve que le logement constitue bien leur résidence principale, c'est-à-dire qu'il soit occupé pendant au moins huit mois par an par elles-mêmes ou leur conjoint ou des personnes à charge.

Le barème, selon lequel sont calculées les trois aides, tient compte de la situation familiale du demandeur, du montant du loyer (de la redevance dans les foyers ou des mensualités de prêts) dans la limite d'un plafond, et de ses ressources, ainsi que, s'il y a lieu, de celles de son conjoint et des personnes vivant habituellement à son foyer.

Les ressources qui servent au calcul de l'aide sont, en règle générale, les revenus nets catégoriels de l'année n-1, abstraction faite des reports de déficit de l'année précédente et après application, le cas échéant, de certains abattements pour tenir compte de la situation particulière du bénéficiaire (divorce, invalidité, chômage...).

Les aides personnelles au logement sont liquidées par les caisses d'allocations familiales (CAF) et de mutualité sociale agricole (CMSA) ; leur versement s'effectue mensuellement à terme échu. Contrairement à l'ALF et l'ALS, qui sont en règle générale versées directement aux bénéficiaires, l'APL est versée en tiers payant.

Cette réforme était utile et justifiée, notamment en ce qu'elle simplifie les barèmes et traite à égalité les revenus de transferts et les revenus du travail, à quelques exceptions près.

La réforme des aides au logement

Présentée par le Premier ministre le 15 juin 2000, lors de la conférence de la Famille, cette réforme consiste en la création d'un barème unique des aides personnelles et simplifie le traitement des ressources ayant de faibles revenus, issus tant du travail que des transferts sociaux.

- au 1 er janvier 2001 entre en vigueur un barème permettant le même niveau d'aide jusqu'à un revenu équivalent à 75 % du RMI.

- au 1 er janvier 2002 entre en vigueur le barème définitif prévoyant un même montant d'aide jusqu'au niveau de revenu correspondant au RMI.

Sans doute, pourra-t-on discuter du caractère achevé de cette réforme. M. Jacques Bimbenet, dans l'avis qu'il présentait l'an dernier au nom de votre commission, en avait souligné les limites 14( * ) .

Déjà, en juin 1994, la Cour des comptes avait décrit les difficultés de l'unification du système d'aides 15( * ) . Votre rapporteur n'y reviendra pas ici.

Une question demeure néanmoins particulièrement préoccupante : c'est le financement de cette réforme.

La simplification des barèmes d'aides, figurant à juste titre parmi les plus complexes de la protection sociale française, n'a certes pas de prix mais elle a un coût.

Annoncée opportunément lors de la conférence de la Famille 2000, alors même que le caractère « familial » de l'objectif sous-tendu par cette réforme n'est pas évident, la fusion des barèmes pourrait coûter globalement 991 millions d'euros, dont une grosse moitié pour le budget de l'Etat.

Coût annoncé de la réforme des aides à la personne

(en millions d'euros)

 

Budget Etat

Tiers

Total

2001

305

198

503

2002

244

244

488

Total

549

442

991

Au coût de cette réforme, il faut ajouter celui de la revalorisation des barèmes qui a eu lieu le 1 er juillet 2001 et qui représente 242 millions d'euros en année pleine.

Or, depuis 2001, les contributions de l'Etat au Fonds national d'aide au logement (FNAL) et au Fonds national de l'habitat (FNH) qui financent l'ALS et l'APL diminuent.

Mesures nouvelles inscrites au « bleu »

(en millions d'euros)

 

FNH

FNAL

Total

LFI 2001

- 122

+ 222

+ 100

PLF 2002

- 16

- 149

- 165

Total 2001/2002

- 138

+ 73

- 65

Le coût d'une réforme, a priori élevé, des aides aux logements, encore accru par la revalorisation des barèmes d'aides, n'a pas engendré un franc de dépenses nouvelles de la part de l'Etat.

Cette surprenante conclusion est justifiée 16( * ) « grâce aux marges de manoeuvre dégagées sur l'évolution tendancielle des prestations sous l'effet d'une situation économique favorable, de l'augmentation mécanique des cotisations des employeurs, de la croissance des revenus et donc de la décroissance en francs constants du montant des allocations et enfin de la baisse du chômage ».

«  Celle-ci se traduit à la fois par une diminution du nombre d'allocataires et par des économies, les chômeurs bénéficiant automatiquement d'un abattement de 30 % sur l'assiette de ressources qui majore les prestations qui leur sont servies. Cette dotation permet de financer l'extension sur 2002 de l'actualisation au 1 er juillet 2001 (64 millions d'euros) et la mise en oeuvre au 1 er janvier 2002 de la deuxième phase de la réforme des barèmes locatifs (244 millions d'euros) ».


Cette ambitieuse réforme devait coûter 549 milliards d'euros à l'Etat à allocataires constants. Or, la croissance, distribuant des revenus, a fait sortir du dispositif des allocataires ou a réduit le montant de cette aide différentielle.

La manne distribuée est restée dans un premier temps équivalente mais elle est partagée entre moins d'allocataires : de ce point de vue, cette réforme s'est traduite par une redistribution plus affirmée entre les familles. Aujourd'hui elle diminue.

A ce stade, votre rapporteur ne peut que souligner les risques que font peser un retournement de la conjoncture et une reprise du chômage .

L'analyse de votre rapporteur aurait dû en rester là si, lors du collectif d'automne, le chapitre 46-40 relatif à ces aides n'avait pas enregistré une annulation de crédit de 195 millions d'euros.

Une telle annulation porte à 260 millions d'euros le montant des économies réalisées en deux ans sur un poste de dépenses qui aurait dû coûter 550 millions d'euros de plus.

Le Gouvernement justifie cette annulation par l'existence d'une « cagnotte » en 2000, du fait de la diminution des dépenses.

Votre rapporteur ne peut se satisfaire de cette explication pour plusieurs raisons.

Les comptes du FNAL et du FNH affichent, il est vrai, un excédent en 2000. D'une part, celui-ci ne représente que 84 millions d'euros contre une annulation de 195 millions d'euros et relève tant d'économies sur les dépenses que du dynamisme de la contribution des employeurs dont le produit s'est révélé supérieur aux prévisions .

L'année 2001 pourrait-elle présenter 100 millions d'économies sur prestation ? Justifie-t-elle cette annulation ? Cette éventualité est très improbable pour trois raisons.

En réalité, on ignore le montant exact des prestations jusqu'au sixième mois de l'année n + 1. Une estimation précise des dépenses 2001 serait aujourd'hui très prématurée.

En second lieu, les crédits sont généralement destinés au plus juste puisque des régularisations doivent être faites en cours d'année en raison d'une insuffisance chronique des crédits.

Enfin, l'effet frein joué par la croissance sur les prestations, constatées en 2000, a été anticipé en LFI 2001 17( * ) . D'ailleurs, la remontée du chômage dès le second trimestre de cette année aurait plutôt poussé à la hausse les dépenses.

La « surbudgétisation » des aides à la personne est peu crédible. Votre rapporteur propose une explication alternative.

Depuis deux ans (2000-2001), les prévisions initiales de croissance de la masse salariale sont sous-estimées.

Or, le FNAL est alimenté par une contribution des employeurs assise sur la masse salariale et par une dotation de l'Etat. Le FNH est, lui, alimenté par la CNAF et par un versement du FNAL. Les deux fonds bénéficient donc pleinement de dynamisme des cotisations des employeurs.

Votre rapporteur constate le caractère concomitant des annonces de Mme Elisabeth Guigou, rappelées par M. Alfred Recours 18( * ) « le Gouvernement s'est trompé sur la masse salariale qu'il a sous-estimé de 0,6 % en 2001 » et l'arrêté d'annulation du 18 novembre dernier.

Cette annulation de crédit traduit en réalité un désengagement de l'Etat du financement des aides à la personne.

Profitant d'une pression fiscale accrue sur les entreprises, le Gouvernement diminue sa contribution, afin d'afficher en collectif un déficit d'exécution minoré de 195 millions d'euros.

Le Gouvernement assèche les réserves des « fonds logement ». Une telle attitude est-elle raisonnable à l'heure où la conjoncture fait peser un fort aléa à la hausse sur les dépenses du FNAL ?

Votre rapporteur ne le pense pas.

Soulignant par ailleurs que les employeurs sont appelés à financer une réforme décidée par l'Etat, votre rapporteur déplore de ne pas disposer d'informations plus précises de l'effort de chaque financeur .

Constatant néanmoins que l'existence de deux fonds gérés par la Caisse des dépôts et consignations rend plus difficile la collecte de ces informations, votre rapporteur rappelle le constat dressé par la Cour des comptes 19( * ) :

« Les deux fonds, FNH et FNAL, qui isolent les circuits de financement et d'attribution de l'APL et de l'ALS constituent des écrans dont l'utilité n'est pas démontrée ».

2. L'appel au 1 % logement

Le 12 octobre dernier, l'Etat et l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL) signaient une convention de prolongation de la convention du 3 août 1998, afin que « ces emplois du 1 % logement contribuent à une politique ambitieuse de renouvellement urbain » .

a) La participation du 1 % aux priorités de l'Etat

Cette courte convention, qui ne comprend que quatre articles, prévoit, dans le B du premier article, les conditions dans lesquelles « le 1 % logement affectera 3 milliards de francs par an à la politique de renouvellement urbain (...) sous les formes suivantes :

« le financement des opérations de démolition de logements locatifs sociaux -y compris les coûts associés- qui concerneront à terme 30.000 logements par an. La participation du 1 % logement prendra la forme de subventions aux maîtres d'ouvrage ;

« en complément , le traitement de copropriétés dégradées ;

« le versement des subventions
actuarielles initiales permettant la mise en oeuvre d'une nouvelle enveloppe unique de prêts au renouvellement urbain (PRU) 20( * ) de 15 milliards de francs au taux de 3,25 % ».


Mais la convention comporte une clause additionnelle :

« Pour tenir compte de la montée en puissance de ces actions nouvelles, le 1 % logement apportera un financement à hauteur de 2,8 milliards de francs au titre de 2002 pour faciliter la conduite d'actions concourant au renouvellement urbain . Ce financement se fera par versement au budget général de l'Etat selon des modalités qui devront être précisées dans la convention d'application ».

Certes, la convention prévoit bien que « l'Etat et les partenaires sociaux définiront en commun la répartition de l'enveloppe de 3 milliards de francs entre les différents emplois prévus » .

Mais elle prévoit par avance que « d'autres affectations pour des sommes dont il serait anticipé qu'elles ne seront pas consommées l'année suivante ou constaté qu'elles n'ont pas été consommées l'année en cours pourront être prévues en lien avec des actions de renouvellement urbain ».

Par un amendement à l'article 12 du présent projet de loi, le Gouvernement a inscrit en 2002, en ressources non fiscales, l'apport des partenaires sociaux au titre du 1 % (2,8 milliards de francs, 427 millions d'euros).

Il est très clair que ces sommes ne serviront pas à l'usage qui leur est destiné par la convention. Ainsi que le confirme le tableau ci-dessous, tout au plus peut-on convenir que le 1 % logement finance les mesures issues des CIV du 19/12/1999 (ORU et GPV) et du CIV du 1 er octobre dernier.

Inscription budgétaire des actions susceptibles d'être
financées par l'apport du 1 % logement en 2002

(en milliers d'euros)

GPV et ORU

10.671

Actions démolition

68.980

Qualité de service

11.430

Accession très sociale propriété

10.700

Copropriété dégradées - habitat insalubre

16.550

A - Total

118.331

B - Apport 1 % logement

426.857

Reliquat

308.526

Au regard de ce tableau, votre rapporteur ne peut que formuler deux observations.

Le 1  % logement finance 100 % des annonces faites par le Gouvernement, et notamment les actions prévues dans le cadre des GAAP mis en place par Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce constat amène votre rapporteur à s'interroger sur cette frontière ténue : celle qui sépare la contractualisation des politiques du transfert de charges pur et simple.

Votre rapporteur constate en second lieu que plus de 300 millions d'euros ne serviront pas aux objectifs qui leur sont assignés par la convention nouvellement conclue.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, M. Gilles Carrez a déclaré : « L'UESL a accepté de se faire plumer de 2,8 milliards de francs » .

Pour sa part, le rapporteur de la commission des Finances, M. Philippe Marini, a proposé de supprimer ce versement en 2002 car ce dernier est, selon lui , « contraire à la convention de 1998 car ayant le caractère d'un prélèvement sans contrepartie » .

Louant la pertinence des analyses du rapporteur général, votre rapporteur s'interroge néanmoins sur l'absence d'une contrepartie à ce prélèvement.

Cette interrogation se justifie par le contexte et le contenu de la convention du 3 août 1998.

Cette convention terminait un contentieux ouvert en 1995. Le Gouvernement avait alors prélevé sur les réserves du 1 % pour financer le prêt à taux zéro.

Certainement cavalière sur la forme, cette ponction permettait néanmoins au 1 % de justifier son existence : promouvoir l'accession sociale à la propriété.

Les partenaires de l'UESL ne souhaitaient pas financer le prêt à taux zéro (PTZ) et ont obtenu de l'Etat, par la convention de 1998, une sortie progressive de leur « engagement forcé ».

Or, le renouvellement urbain semble plus éloigné des objectifs du 1 % logement que l'accession sociale à la propriété.

A son grand regret, votre rapporteur n'a pu entendre les représentants de l'UESL. L'exposé de leurs motivations l'aurait probablement éclairé sur l'intérêt de ces négociateurs avisés pour le renouvellement urbain.

En l'absence d'explications votre rapporteur ne saurait conclure, même si un pan de la convention du 11 octobre dernier soulève ses interrogations.

b) La constitution d'une société foncière aux contours imprécis

Le A du premier article de cette convention stipule en effet :

« une société foncière sera créée ayant pour objet de financer l'acquisition de logements locatifs privés destinés en priorité aux salariés des entreprises du secteur assujetti sur une partie des emprises foncières libérées dès 2002 par la politique de renouvellement urbain, en contrepartie des financements affectés par le 1 % logement à cette politique tels qu'ils sont convenus au paragraphe B (et) sous conditions de loyers et de ressources, sur des territoires où l'offre de logements locatifs est insuffisante ».

La convention précise par ailleurs que les opérations seront financées pour partie par emprunt, pour partie par des fonds propres apportés par le fonds d'intervention de l'UESL, qui assurera également la couverture des déficits d'exploitation éventuels.

Un investissement annuel en fonds propres de 7 milliards de francs est prévu à moyen terme . La société foncière constituera un actif immobilier, dont l'objectif sera d'améliorer les garanties sociales des salariés du secteur assujetti.

Devant l'avènement d'une société foncière appelée à devenir, au regard des moyens dont elle est dotée 21( * ) , un des tous premiers acteurs du secteur, votre rapporteur souhaite formuler plusieurs interrogations.

Le rôle de cette société foncière se cantonnera-t-il à faciliter des opérations de restructurations urbaines menées par les bailleurs sociaux ou la société foncière deviendra-t-elle une sorte de bailleur social national au détriment des organismes d'HLM ?

La cible potentielle des logements détenus par la société foncière s'approche du calibre du nouveau prêt locatif social (PLS). Il s'agirait donc, de fait, des locataires les plus solvables du parc social qui seraient attirés hors des HLM...

Imprécise, la convention ne semble pas fermer la porte à ce risque.

En second lieu, votre rapporteur constate que le Gouvernement a promu le 1 %, par les subventions qu'il est appelé à verser, au rang de financeur des organismes HLM.

Or, la convention prévoit que la société foncière doit intervenir sur les emprises foncières libérées par les destructions que le 1 % aura, lui-même, financées.

N'y a-t-il pas alors un risque que les organismes HLM ou les collectivités locales, propriétaires aujourd'hui des emprises, doivent céder des terrains à la société foncière en contrepartie de subventions ? Cette dérive n'est bien sûr que potentielle mais votre rapporteur, qui ignore les termes de la négociation entre l'Etat et l'UESL, estime qu'elle mérite d'être soulignée.

Lors du congrès de Bordeaux du 20 septembre 2000, M. Michel Delebarre, Président de l'Union nationale des HLM avait alors déclaré :

« Le débat sur le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains est une bonne illustration de nos difficultés, à savoir nous faire entendre et comprendre. Nous avons découvert tardivement un projet de loi qui, à l'évidence, ne pouvait nous satisfaire quant aux compétences d'intervention qui nous étaient reconnues ».

« Il n'était pas question de reconnaître que nos missions d'intérêt général puissent s'étendre aux opérations de renouvellement urbain, pas question non plus d'entendre que la diversité de l'habitat rendait nécessaire le développement d'une offre d'accession à la propriété. Nous partions donc de loin ! »


Dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi SRU, qui prévoit à terme un taux de 20 % de logements sociaux dans les communes urbaines, le Gouvernement promeut la création d'une société foncière financée par le 1 % sans clairement définir son rôle et ses rapports avec les bailleurs sociaux actuels.

La création de cette société foncière peut-elle éviter d'être, en l'état actuel de l'information disponible, considérée comme une marque de défiance à l'égard des organismes HLM ?

Votre rapporteur n'ose le penser.

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