II. LES CRÉDITS EN DIMINUTION RESTENT TOUTEFOIS COHÉRENTS AVEC LES PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT
A. UN BUDGET EN BAISSE MAIS FIDÈLE AUX ORIENTATIONS ARRÊTÉES
1. Des crédits en baisse
a) Structure du budget
Les
crédits consacrés au logement et à l'urbanisme dans le
projet de loi de finances diminuent globalement de 1,7 % et n'atteignent
plus, en 2002, que 7,3 milliards d'euros.
Sans doute ce budget retrace-t-il de plus en plus imparfaitement l'effort
national en faveur du logement ; les annonces faites par Mme
Marie-Noëlle Lienemann lors du comité interministériel des
villes du 1
er
octobre dernier, relatives à la mobilisation du
1 % logement, confirment ce constat.
La structure du budget n'évolue guère. La majeure partie des
crédits est constituée des dépenses ordinaires, et la
quasi-totalité de ces dernières sont consacrées aux aides
à la personne.
Structure des crédits logements et urbanisme
Dépenses ordinaires |
Dépenses en capital |
74 % |
26 % |
5,4 md€ |
1,9 md€ |
Structure des dépenses ordinaires du « bleu » logement
Aide à la personne |
Autres dépenses |
97 % |
3 % |
5,24 md€ |
0,16 md€ |
En
conséquence, l'encouragement et les interventions en matière
d'action économique d'une part et les participations de l'Etat au fonds
de solidarité pour le logement et aux associations, d'autre part,
restent modestes.
Le chapitre 46-50 retrace la participation de l'Etat aux fonds de
solidarité pour le logement, aux fonds d'aide aux accédants en
difficulté et les subventions associations logeant des personnes
défavorisées.
Participation de l'Etat aux fonds de solidarité
|
2001 |
2002 |
Evolution |
Participation Etat au FSL |
82.017 |
82.020 |
STABLE |
Contribution ALT |
27.440 |
33.075 |
+ 20 % |
Participation aux fonds aides aux accédants en difficulté |
304 |
0 |
- 100 % |
Total |
109.763 |
115.095 |
+ 4,8 % |
En milliers d'euros
Les aides provenant des fonds de solidarité pour le logement (FSL)
Ces
aides financent principalement trois types d'actions : des aides aux
locataires en impayés de loyer, des aides à l'accès au
logement locatif et l'accompagnement social des personnes en difficulté.
Ces aides financières peuvent être accordées sous forme de
prêts ou de subventions. Leur champ d'intervention est distinct de celui
des aides personnelles : celles-ci sont des aides structurelles au
paiement du loyer ou de l'emprunt, à la différence des aides
versées par les FSL qui interviennent ponctuellement pour aider au
paiement d'une dette constituée de loyers ou de charges de logement. De
1998 à 1999, on constate une augmentation de 10 % du nombre de
ménages aidés par le FSL.
Les prestations des FSL sont financées par les dotations annuelles des
contributeurs (Etat, conseils généraux, caisses d'allocations
familiales, ASSEDIC, communes, groupements de communes, organismes HLM et
sociétés d'économie mixte), ainsi que par les ressources
propres des FSL (retours de prêts, trésorerie...).
Les compétences des FSL, à l'origine ciblées sur les aides
à destination des locataires en difficulté, ont été
élargies par la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise
en oeuvre du pacte de relance pour la ville, aux copropriétaires
accédants en difficulté habitant notamment une zone urbaine
sensible (ZUS). Plus récemment, la loi d'orientation n° 98-657
du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a
renforcé le rôle des FSL et harmonisé ses principes
d'intervention.
En dernier lieu, la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000
relative à la solidarité et au renouvellement urbains comporte un
important volet consacré aux copropriétés dont le
bâti est dégradé ou dont les habitants connaissent de
graves difficultés.
Cette loi :
- rend obligatoire l'ouverture des FSL aux propriétaires occupants d'un
logement situé dans un plan de sauvegarde, en cas d'impossibilité
pour ceux-ci d'assumer leurs obligations concernant les charges
collectives ;
- permet aux FSL d'accorder des aides à ces mêmes
propriétaires occupants s'ils se trouvent dans l'impossibilité
d'assumer leurs obligations relatives aux remboursements d'emprunts
contractés pour l'acquisition de leurs logements (article 84) ;
- permet aux FSL d'accorder des aides aux propriétaires occupants qui se
trouvent dans l'impossibilité d'assumer le paiement de leurs charges
collectives ou de remboursement d'emprunt si leur logement est situé
dans le périmètre d'une opération programmée
d'amélioration de l'habitat (OPAH° définie à
l'article L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation,
limitée à un groupe d'immeubles bâtis en
société d'attribution ou en société
coopérative de construction donnant vocation à l'attribution d'un
lot ou soumis au régime de la copropriété (article 140).
Les FSL sont majoritairement gérés par les caisses d'allocations
familiales (75) ; dans les autres cas, ils sont gérés par
des associations ou par des groupements d'intérêts publics (GIP)
ad hoc.
Source : annexe « bleu » fascicule budgétaire
Montant des aides versées par le FSL
|
Montant total des aides financières et prestations financées (en millions d'euros) hors frais de gestion et répartition en % des montants pour les principaux types d'aide |
Dotations de l'Etat
|
Nombre total de bénéficiaires et montant moyen en euros de l'aide par principal type d'aide |
|||
|
1999 |
2000 |
1999 |
2000 |
1999 |
2000 |
FSL |
197 |
217 |
76 |
74 |
256.540 ménages |
Non encore disponible |
- accès au logement locatif |
38,6 % |
37,4 % |
|
|
512,23 |
|
- maintien dans le logement locatif |
32,1 % |
31,5 % |
|
|
1.030,56 |
|
- accompagnement social lié au logement |
23,4 % |
24,7 % |
|
|
731,76 |
|
Les dépenses d'investissement s'élèvent à 1,9 milliard d'euros en baisse de 1,9 % en 2002 après avoir déjà diminué de 1,3 % en 2001.
b) Les mesures nouvelles
Dans ce
contexte, les mesures nouvelles prévues par le budget sont modestes. Il
faut rappeler la hausse signalée ci-dessus de la contribution pour
l'aide au logement temporaire (+ 5,6 millions d'euros) et le doublement
des crédits des opérations de financement des
réquisitions, démolitions et changements d'usages qui passent de
31,2 millions d'euros à 68,9 millions d'euros.
Il faut également saluer la hausse de la dotation pour la
résorption de l'habitat insalubre qui progresse de 28 %
après avoir diminué en 2001 et l'augmentation des dotations aux
agences départementales d'information sur le logement (ADIL) et aux
agences d'urbanisme liées à la création de nouvelles
structures.
L'effort budgétaire reste modeste, encore faut-il y ajouter les moyens
mis à la disposition de la politique du logement par le comité
interministériel des villes du 1
er
octobre dernier.
En effet, tournant résolument la politique de la ville vers celle du
logement social, ou peut-être l'inverse, le Gouvernement a annoncé
un plan de démolition-reconstruction ambitieux au regard de la
situation présente : 15.000 démolitions en 2002 et 30.000 en
rythme annuel par la suite.
Cet objectif sera atteint au moyen d'une mobilisation forte des fonds du
1 % logement, prévue dans un contexte préoccupant.
2. Un budget qui traduit les priorités du Gouvernement
a) Les objectifs de démolition-reconstruction sont menés aux dépens de la réhabilitation
Détruire pour reconstruire ou réhabiliter des
logements anciens semble constituer un dilemme.
Dans le secteur de l'habitat social, M. Jacques Bimbenet, alors rapporteur pour
avis de votre commission, avait déjà constaté le dynamisme
des opérations de réhabilitation.
Les raisons de ce dynamisme sont en effet connues : devant la hausse du
taux de vacance des appartements et surtout l'alourdissement des prix du
foncier et de la construction, les bailleurs sociaux ont
préféré restaurer le parc existant.
Ils disposent pour cela d'un outil : la prime à
l'amélioration des logements à usage locatif et à
occupation sociale (PALULOS).
Consommation PALULOS
en millions d'euros
Année |
Montants AP |
Montants CP |
1997 |
322 |
198 |
1998 |
166 |
197 |
1999 |
177 |
203 |
2000 |
181 |
163 |
Source : secrétariat d'Etat au logement
Pour 2000, 181 millions d'euros auront permis le financement de la
réhabilitation de 124.132 logements pour un coût moyen de 1.457
euros par logement.
En 2002, le montant prévu sur la ligne fongible dédiée au
financement du logement social
(chapitre 65-48, article 10)
révèle une diminution des crédits consacrés aux
PALULOS qui ne devraient pas dépasser 142 millions d'euros.
Ce chiffre correspond à une diminution de 10.000 PALULOS environ en
2002, alors même que les organismes HLM admettent pouvoir conduire un
volume d'opérations supplémentaires
susceptibles de consommer
entre 30 et 60 millions d'euros supplémentaires.
Les partisans d'une diminution de ces crédits avancent un argument
repris par le Gouvernement dans son choix de privilégier la
démolition-reconstruction par rapport à la restauration.
Les logements visés par ces démolitions sont des logements que
nos concitoyens ne souhaitent plus habiter, malgré parfois deux ou trois
réhabilitations.
Recevable dans son principe, cet argument ne doit pas être
surestimé.
Fin 2000, le taux de vacance atteint 3 % et demeure très
concentré puisque 25 % des logements vacants se trouvent dans
1,5 % du parc.
Ces immeubles constituent une cible
a priori
pour la démolition.
Il est de bon sens de ne pas investir dans leur restauration.
Pour le reste, comment ne pas croire que la réhabilitation, voire
l'amélioration de logements plus ou moins dégradés, ne
bonifie pas l'environnement et le bien-être des habitants ?
Ce constat ne serait pas si préoccupant s'il n'était
accompagné d'une réduction des crédits budgétaires
consacrés à la réhabilitation du parc privé.
Développement et renouvellement du parc privé
Il
s'agit principalement de la subvention versée à l'Agence
nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) au titre de ses
crédits d'intervention ainsi que de la contribution de l'Etat aux
dépenses de personnel de cet établissement public administratif
de l'Etat.
Dans le cadre de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000
relative à la solidarité et au renouvellement urbains (article
185), les missions de l'ANAH ont été élargies, afin de
permettre la transformation en logements de locaux initialement non
destinés à un usage d'habitation ainsi que le versement de
subventions aux propriétaires occupants, donnant ainsi à l'ANAH
compétence pour intervenir sur l'ensemble du parc privé. A ce
titre, l'ANAH, traditionnellement chargée de verser pour le compte de
l'Etat des aides à destination des propriétaires bailleurs qui
réalisent des travaux d'amélioration, devrait également
prendre en charge, à compter du 1
er
janvier 2002,
l'attribution des primes d'amélioration de l'habitat (PAH)
versées aux propriétaires occupants sous condition de
ressources
3(
*
)
.
Le décret n° 2000-351 du 20 avril 2001, outre les nouvelles
modalités d'organisation et de fonctionnement de l'ANAH, définit
le nouveau cadre de son intervention en faveur de l'ensemble des
propriétaires, bailleurs ou occupants.
Les subventions de l'ANAH sont attribuées par une commission
départementale, la « commission d'amélioration de
l'habitat », présidée par le directeur
départemental de l'équipement ; les dossiers sont instruits
et les paiements ordonnancés par la délégation locale de
l'ANAH qui est composée d'agents de la DDE apportant le concours des
services de l'Etat à l'établissement public.
Relèvent également de cette composante les crédits
relatifs à la lutte contre le saturnisme. Mis en oeuvre dans le cadre de
la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, ces
crédits sont affectés à la réalisation de
diagnostics à la charge de l'Etat, dont le coût est de l'ordre de
457 euros par logement et/ou par partie commune, et, le cas
échéant, en cas de carence des propriétaires, au
financement des travaux nécessaires pour supprimer
l'accessibilité au plomb, dont le coût est de l'ordre de
4.573 euros par logement et/ou par partie commune ; s'y ajoutent les
contrôles postérieurs aux travaux à la charge de l'Etat
ainsi que l'hébergement provisoire des occupants d'immeubles
traités, en cas de travaux réalisés d'office par le
préfet.
Source : annexe « bleu » fascicule budgétaire
Crédits en faveur de la réhabilitation du secteur privé en 2000
|
Montant
des subventions versées par l'Etat
|
Nombre de logements subventionnés |
Coût moyen des subventions versées
|
ANAH |
267 |
135.542 |
2.839 |
PAH |
128 |
80.184 |
1.628 |
En effet, en 2002, les crédits de l'ANAH révèlent une diminution de 10 % en autorisations de programme et de 14 % en crédits de paiement, malgré une évolution rendue moins lisible du fait de la fusion des crédits avec ceux de la prime à l'amélioration de l'habitat au sein d'une même ligne en 2001.
Évolution des crédits de l'ANAH
(en milliards de francs)
(1) LFI
(2) PLF
Sans
doute, la majorité plurielle n'est-elle pas favorable à
l'orientation donnée par le Gouvernement en la matière.
Le rapporteur spécial de la commission des Finances de
l'Assemblée nationale a obtenu le vote, contre l'avis du Gouvernement,
d'un amendement visant à réduire de 200 millions de francs
les crédits du fonds de garantie à l'accession sociale à
la propriété (FGAS), invitant par la même occasion le
Gouvernement à relever d'autant les crédits de l'ANAH.
Il s'est d'ailleurs justifié
4(
*
)
de la nécessité de
procéder à cette augmentation.
« Les nouvelles missions de l'Agence et la volonté
politique affichée d'appliquer la loi de solidarité et de
renouvellement urbains vont pousser
l'ANAH à
se mobiliser
et à traiter, grâce à un montant suffisant d'autorisations
de programme, tous les dossiers qui lui seront soumis ».
« Pour autant, je rappelle que
l'insuffisance de la ligne
budgétaire destinée à doter la prime à
l'amélioration de l'habitat a, à une certaine époque,
empêché le règlement de dossiers et créé des
files d'attente. Il ne faudrait donc pas qu'en 2002, l'Agence ne puisse pas
faire face à la demande, pour le simple prétexte que sa dotation
a été établie en fonction du niveau qui était le
sien en 2000 ou 2001
»
.
Au cours d'une nouvelle délibération, le Gouvernement a
proposé un amendement donnant satisfaction aux députés.
Mme Florence Parly
5(
*
)
a alors
déclaré :
« Le troisième objet de la seconde
délibération est de modifier plusieurs dispositions votées
au cours de la discussion ou de procéder à quelques augmentations
de crédits qui n'avaient pu intervenir. Les augmentations
opérées sur proposition de votre commission des Finances
s'élèvent, au total, à 89,9 millions d'euros. Il vous
est demandé, en outre, de revenir sur la suppression de la cotisation de
l'Etat au Fonds de garantie de l'accession sociale à la
propriété ; j'ai bien entendu vos interrogations sur le
fonctionnement de ce fonds, mais il ne paraît raisonnablement pas
possible de remettre en cause un système qui garantit l'accès de
millions de Français modestes à la propriété, et
c'est pourquoi je propose de rétablir les moyens permettant à
l'état d'honorer ses engagements,
en même temps que d'abonder
les crédits de l'ANAH, puisque tel est le souhait de votre commission
des Finances
».
Votre rapporteur prend acte de cette majoration tout en souhaitant
néanmoins à cet égard formuler deux observations.
Elle partage en tout point l'avis du rapporteur spécial quand celui-ci
déclare
6(
*
)
:
« Si j'ai déposé cet amendement, c'est pour que les
nouvelles missions réservées à l'ANAH soient mieux prises
en compte
. Il faut peut-être aller au-delà d'un simple
affichage politique,
ainsi que l'a fort bien souligné Jean-Pierre
Kucheida
, et bien voir ce qu'il en est exactement de l'ensemble des
mouvements budgétaires
, c'est-à-dire des reports d'une
année sur l'autre, des annulations ou des gels de crédits -pour
cela, je vous renvoie aux pages 29 à 35 de mon rapport. »
Les pages 29 à 35 de ce rapport
7(
*
)
rappellent combien les crédits
de l'ANAH sont « sous contrainte budgétaire » lors
des collectifs successifs.
« L'arrêté du 21 mai 2001 a annulé
30,49 millions d'euros (200 millions de francs) d'autorisations de
programme sur le chapitre 65-48, intégralement imputés sur
l'article de l'ANAH. Il a annulé également 21,34 millions
d'euros (140 millions de francs) de crédits de paiement dont
13,72 millions d'euros (90 millions de francs) ont été
imputés sur le même article. Au 30 septembre 2001, il s'ajoutait
à ce moment 15,24 millions d'euros (100 millions de francs) de
crédits de paiement bloqués, à mettre au regard de
21,51 millions d'euros (141,1 millions de francs) de reports de
l'exercice 2000 ».
La seconde observation est la suivante : le Gouvernement doit recourir
à l'autorisation du Parlement pour engager une dépense... mais
une autorisation parlementaire en dépense ne vaut pas obligation de
dépenser...
Le Gouvernement a obtenu le rétablissement de la dotation en faveur du
FGAS mais, en revanche, rien ne l'empêchera d'annuler, lors des
collectifs 2002, la rallonge consentie à l'ANAH.
Qu'en sera-t-il ? Malgré le bilan qu'il dresse de la consommation
des crédits de l'ANAH en 2001, le rapporteur spécial de
l'Assemblée nationale a remercié le Gouvernement de son geste.
Pour sa part, votre rapporteur craint que, dans un contexte de tension
budgétaire plus accrue en 2002 qu'en 2001, ce
« geste » ne soit précaire.
Sans doute, les critiques formulées par la Cour des comptes dans son
rapport d'activité 2000
8(
*
)
sont-elles fondées, encore
faudrait-il que le Gouvernement justifie que la diminution des crédits
de l'Agence par un questionnement sur
« la pertinence des
subventions de l'ANAH dans un contexte en évolution et sur l'incertitude
du rapport coût/efficacité ».
9(
*
)
Or, la revalorisation du rôle de l'ANAH par la loi SRU souligne
a
contrario
que le Gouvernement attribue une pertinence au moins
équivalente aux subventions versées par cette Agence (ANAH)
qu'à l'incitation fiscale, qui donne également, dans la
réhabilitation privée, de bons résultats
10(
*
)
.
Dans ce contexte, la seule justification du « sacrifice »
de la réhabilitation dont témoigne ce budget est la contrainte
budgétaire que le Gouvernement ne parvient pas, malgré ses
efforts, à masquer.
En effet, et votre rapporteur conclura ce développement sur ce point,
lorsque le Gouvernement prétend relancer un pan de l'activité du
logement
11(
*
)
, et notamment la
« rénovation de la copropriété
dégradée »
, c'est bien à des moyens
extra-budgétaires qu'il recourt et notamment aux fonds des partenaires
sociaux.
b) Un programme de démolition-reconstruction amplifié
Le
constat a été maintes fois fait que des zones entières
devaient être démolies pour donner lieu à des
réorganisations, des reconstructions souhaitées d'ailleurs par
les locataires des organismes qui ne désirent plus vivre dans certains
immeubles.
Les appartements sociaux vacants, concentrés pour un quart dans
1,5 % du parc, constituent une cible toute désignée.
Sous le titre
« casser les ghettos »
, le
Gouvernement a créé un groupe d'appui
12(
*
)
dont la mission est de permettre
d'atteindre les objectifs fixés à 30.000 destructions annuelles
à terme.
Pour 2001, les objectifs semblent atteints puisque le secrétariat d'Etat
avance le chiffre de 10.632 logements démolis pour 10.000 en
prévisions.
Nombre
de logements démolis
Source : Secrétariat d'Etat au logement
* prévision.
Votre rapporteur souscrit à cet objectif tout en formulant trois
réserves.
Les logements démolis sont parfois les « projets
porteurs » d'hier. L'urbanisme, comme d'autres secteurs,
bénéficie -ou est victime- d'un effet de mode. La tendance des
années 1980 était à la construction de grands ensembles
ouverts, avec des coursives. Ces derniers sont aujourd'hui mis en cause car
jugés responsables de la hausse de la délinquance. Faudra-t-il,
parce que les modes urbanistiques changent, détruire demain ce qui fut
fait hier ? Une dimension est ignorée dans le concept de
« ghetto ». On ne peut prétendre détruire les
« cités-dortoirs » qu'en implantant
l'activité économique dans les quartiers
défavorisés. Le développement seul combat le
paupérisme.
Les objectifs sont, nous dit-on, atteints en 2001 soit 10.032 logements
démolis.
Que représente ce chiffre au regard des besoins en la matière
alors que dans son rapport pour 2001
13(
*
)
, votre rapporteur spécial, M.
Jacques Pelletier évaluait entre 150.000 et 200.000 les besoins en
matière de reconstruction-démolition ?
Reste enfin la question du financement. L'Etat triple sa contribution en 2002
puisque celle-ci passe de 26 millions d'euros en 2001 à 76 millions
d'euros.
Les décisions prises lors du comité interministériel des
villes du 1
er
octobre dernier, simplification des
procédures de décision, augmentation du taux et de l'assiette des
dépenses subventionnées, élargissement du taux
réduit de TVA (5,5 %) aux démolitions partielles, sont des
éléments susceptibles d'encourager le processus.
Il n'empêche que ce n'est pas véritablement le budget qui porte
cette réforme.
Pour la première fois, il est annoncé que les organismes verront
une part des coûts indirects de la construction pris en charge... par le
1% logement.
Les coûts de la démolition pour un organisme HLM
Principaux postes de la démolition :
1. Les coûts sociaux :
Ce premier groupe concerne principalement les dépenses engagées
pour assurer le relogement des ménages logés dans les
bâtiments à démolir : études de relogement,
travaux à réaliser dans les nouveaux logements, prise en charge
des déménagements, etc.
Le coût moyen observé se monte à 15.000 francs par logement.
2. Les coûts techniques :
Il s'agit des coûts de démolition proprement dits : fermeture
des bâtiments, démolition, tri et évacuation des
déchets, etc. Ces coûts sont sensiblement augmentés par la
directive sur le tri des déchets.
Le coût moyen observé se monte à 46.000 francs par logement.
3. Les coûts financiers :
Ces dépenses concernent principalement le remboursement des prêts
et des aides initialement accordés lors de la construction :
remboursement du capital restant dû pour les prêts consentis lors
de la construction du bâtiment ou lors de travaux de
réhabilitation, mais aussi le remboursement d'aides de diverses
provenances (CAF, CIL, etc).
Le coût moyen observé se monte à 40.000 francs par logement.
4. Les pertes de recettes :
Il s'agit de montants qui correspondent aux loyers et aux charges non
perçus pendant la période où l'immeuble se vide. Ils sont
pris en compte à partir du moment où la décision de
démolir est prise, jusqu'au jour où le bâtiment est
effectivement démoli.
Le coût moyen observé se monte à 30.000 francs par logement.
Le coût moyen d'une démolition se monte à 131.000 francs
par logement.
Les coûts du programme proposé par le Gouvernement pourraient
s'envoler mais
c'est en réalité les partenaires sociaux qui
devraient l'assumer par un prélèvement de 460 millions
d'euros par an pendant cinq ans, soit 2,3 milliards d'euros au total, sur
le 1 % logement.
c) La crédibilisation du programme de construction
La crise
de la construction de logements sociaux a déjà été
évoquée ci-dessus.
Les annonces du plan de relance du 7 mars dernier seront-elles en mesure de
contrer la tendance ?
Pour 2002, le Gouvernement propose pour la ligne fongible PLA-PLUS-PALULOS
457 millions d'euros en autorisations de programme et 399 millions
d'euros en crédits de paiement.
Sachant que 142 millions d'euros seront consacrés à la
PALULOS, c'est-à-dire moins que l'an passé, la
quasi-totalité de la ligne traduit une légère augmentation
des crédits disponibles pour la construction sociale.
Le Gouvernement annonce 43.000 PLUS et PLA-I auxquels il ajoute 12.000 PLS, ce
qui induit un total de 55.000 logements construits.
Ces propositions conduisent votre rapporteur à formuler trois
observations.
La première est une prise d'acte quant à la réduction des
objectifs. Votre commission avait, au cours des deux dernières
années, dénoncé les objectifs fantaisistes fixés
par le Gouvernement (+ 70.000).
L'écart s'accroissant chaque année entre les prévisions
et les réalisations, sans doute était-il utile de procéder
à un « rebasage ».
Evolution du programme PLA/PLUS
Année |
PLA et PLUS prévus au budget |
PLA/PLUS financés
|
PLA/PLUS mis en chantier (neuf) |
||
|
PLA et PLUS |
PLA sociaux |
Total |
|
|
1993 |
88.000 |
13.000 PLA-I |
101.000 |
92.868 |
72.000 |
1994 |
80.000 |
20.000 PLA-TS |
100.000 |
89.324 |
72.500 |
1995 |
60.000 |
28.000 PLA-TS |
88.000 |
66.440 |
60.000 |
1996 |
60.000 |
20.000 PLA-TS |
80.000 |
60.051 |
54.000 |
1997 |
50.000 |
30.000 PLA-TS |
80.000 |
59.911 |
45.600 |
1998 |
50.000 |
30.000 PLA-LM et PLA-I |
80.000 |
51.415 |
44.000 |
1999 |
50.000 |
30.000 PLA-LM et PLA-I |
80.000 |
47.695 |
42.500 |
2000 |
65.000 |
5.000 PLA-I |
70.000 |
42.117 |
ND |
Source : Secrétaire d'Etat au logement
La seconde est la constatation que
le Gouvernement réduit de
40 % l'objectif des logements subventionnés
(70.000 à
43.000 car les PLS ne donnent pas lieu à subvention, donc ne
coûtent rien à l'Etat), tout en augmentant
légèrement les crédits disponibles de par la
réorientation des fonds qui auraient pu être disponibles pour la
PALULOS.
Cet affichage crédibilise les annonces du 7 mars dernier relatives aux
améliorations entourant le financement des logements sociaux.
Mais
ceci tient à une réserve forte : celle que les organismes
adhèrent à ce contrat de relance contraignant, qui leur sera
proposé.
Seulement dans ce dernier cas
bénéficieront-ils d'une subvention accrue. Dans le cas inverse,
la ligne PLA-PLUS-PALLULOS présentera, à nouveau, un fort taux de
crédits non consommés.
Certes, le Gouvernement ouvre l'accès à un prêt
préférentiel pour financer des logements au profil
« moins social », le PLS, que les PLA et PLUS mais cela ne
lui coûte rien et augure de cette tendance générale d'un
financement non budgétaire du logement social.
B. LES INTERROGATIONS DE VOTRE COMMISSION : VERS UN FINANCEMENT NON BUDGÉTAIRE DU LOGEMENT SOCIAL ?
Ces
interrogations rejoignent un même constat, celui d'économies
réalisées de manière générale par le budget
de l'Etat dans un contexte de fortes annonces.
La mise en oeuvre des priorités évoquées aboutit
finalement à transférer sur d'autres, et en l'espèce les
fonds sociaux, le coût des politiques décidées par l'Etat.
Si la politique du logement et de l'urbanisme ne dépend pas du budget de
l'Etat, de qui dépend-elle ?
Devant ces mécanismes de financement croisé, votre rapporteur
s'interroge sur la frontière qui sépare la contractualisation de
la débudgétisation.
A ce stade, et au vu des éléments décrits ci-dessus, votre
rapporteur formule deux interrogations.
1. La réforme des aides au logement est-elle financée ?
En 2002, la seconde étape de la réforme des aides à la personne sera achevée.
Les aides à la personne
-
• L'allocation de logement à caractère social (ALS)
Elle est financée par le fonds national d'aide au logement (FNAL), qui est alimenté par l'Etat, et par une cotisation des employeurs.
Elle a progressivement été étendue à d'autres catégories de bénéficiaires puis attribuée, depuis le 1 er janvier 1993, à toute personne sous seule condition de ressources, qui n'entre pas dans les conditions fixées pour bénéficier de l'ALF ou de l'APL.
- • L'aide personnalisée au logement (APL)
Le champ d'application de l'APL comprend :
- en accession à la propriété : les logements financés avec des prêts aidés par l'Etat (PAP ou PC/PAS) ;
- en secteur locatif : les logements conventionnés, financés avec des PLA/PLUS ou des PC locatifs, ou conventionnés avec des subventions à l'amélioration (PALULOS ou ANAH), ainsi que les logements existants, conventionnés sans travaux, appartenant à des organismes d'habitation à loyer modéré ou des sociétés d'économie mixte ou appartenant à d'autres bailleurs lorsque les logements ont bénéficié avant 1977 des anciennes aides de l'Etat.
Son financement est assuré par le fonds national de l'habitation (FNH) dont les recettes sont constituées par des contributions du FNPF, du FNAL et du BAPSA (budget annexe des prestations sociales agricoles) et par une contribution de l'Etat inscrite au budget du ministère chargé du logement.
Les trois aides (ALF, ALS et APL) sont versées sous condition de ressources aux personnes qui s'acquittent d'un minimum de loyer ou de mensualité, sous réserve que le logement constitue bien leur résidence principale, c'est-à-dire qu'il soit occupé pendant au moins huit mois par an par elles-mêmes ou leur conjoint ou des personnes à charge.
Le barème, selon lequel sont calculées les trois aides, tient compte de la situation familiale du demandeur, du montant du loyer (de la redevance dans les foyers ou des mensualités de prêts) dans la limite d'un plafond, et de ses ressources, ainsi que, s'il y a lieu, de celles de son conjoint et des personnes vivant habituellement à son foyer.
Les ressources qui servent au calcul de l'aide sont, en règle générale, les revenus nets catégoriels de l'année n-1, abstraction faite des reports de déficit de l'année précédente et après application, le cas échéant, de certains abattements pour tenir compte de la situation particulière du bénéficiaire (divorce, invalidité, chômage...).
Les aides personnelles au logement sont liquidées par les caisses d'allocations familiales (CAF) et de mutualité sociale agricole (CMSA) ; leur versement s'effectue mensuellement à terme échu. Contrairement à l'ALF et l'ALS, qui sont en règle générale versées directement aux bénéficiaires, l'APL est versée en tiers payant.
Cette réforme était utile et justifiée, notamment en ce qu'elle simplifie les barèmes et traite à égalité les revenus de transferts et les revenus du travail, à quelques exceptions près.
La réforme des aides au logement
Présentée par le Premier ministre le 15 juin
2000,
lors de la conférence de la Famille, cette réforme consiste en la
création d'un barème unique des aides personnelles et simplifie
le traitement des ressources ayant de faibles revenus, issus tant du travail
que des transferts sociaux.
- au 1
er
janvier 2001 entre en vigueur un barème permettant
le même niveau d'aide jusqu'à un revenu équivalent à
75 % du RMI.
- au 1
er
janvier 2002 entre en vigueur le barème
définitif prévoyant un même montant d'aide jusqu'au niveau
de revenu correspondant au RMI.
Sans doute, pourra-t-on discuter du caractère achevé de cette
réforme. M. Jacques Bimbenet, dans l'avis qu'il présentait l'an
dernier au nom de votre commission, en avait souligné les
limites
14(
*
)
.
Déjà, en juin 1994, la Cour des comptes avait décrit les
difficultés de l'unification du système d'aides
15(
*
)
. Votre rapporteur n'y reviendra pas
ici.
Une question demeure néanmoins particulièrement
préoccupante : c'est le financement de cette réforme.
La simplification des barèmes d'aides, figurant à juste titre
parmi les plus complexes de la protection sociale française, n'a certes
pas de prix mais elle a un coût.
Annoncée opportunément lors de la conférence de la Famille
2000, alors même que le caractère « familial »
de l'objectif sous-tendu par cette réforme n'est pas évident, la
fusion des barèmes pourrait coûter globalement 991 millions
d'euros, dont une grosse moitié pour le budget de l'Etat.
Coût annoncé de la réforme des aides à la personne
(en millions d'euros)
|
Budget Etat |
Tiers |
Total |
2001 |
305 |
198 |
503 |
2002 |
244 |
244 |
488 |
Total |
549 |
442 |
991 |
Au
coût de cette réforme, il faut ajouter celui de
la
revalorisation des barèmes qui a eu lieu le 1
er
juillet
2001 et qui représente 242 millions d'euros en année
pleine.
Or, depuis 2001, les contributions de l'Etat au
Fonds national d'aide au
logement
(FNAL) et au
Fonds national de l'habitat
(FNH) qui
financent l'ALS et l'APL diminuent.
Mesures nouvelles inscrites au « bleu »
(en millions d'euros)
|
FNH |
FNAL |
Total |
LFI 2001 |
- 122 |
+ 222 |
+ 100 |
PLF 2002 |
- 16 |
- 149 |
- 165 |
Total 2001/2002 |
- 138 |
+ 73 |
- 65 |
Le
coût d'une réforme,
a priori
élevé, des aides
aux logements, encore accru par la revalorisation des barèmes d'aides,
n'a pas engendré un franc de dépenses nouvelles de la part de
l'Etat.
Cette surprenante conclusion est justifiée
16(
*
)
« grâce aux
marges de manoeuvre dégagées sur l'évolution tendancielle
des prestations sous l'effet d'une situation économique favorable, de
l'augmentation mécanique des cotisations des employeurs, de la
croissance des revenus et donc de la décroissance en francs constants du
montant des allocations et enfin de la baisse du chômage ».
« Celle-ci se traduit à la fois par une diminution du nombre
d'allocataires et par des économies, les chômeurs
bénéficiant automatiquement d'un abattement de 30 % sur
l'assiette de ressources qui majore les prestations qui leur sont servies.
Cette dotation permet de financer l'extension sur 2002 de l'actualisation au
1
er
juillet 2001 (64 millions d'euros) et la mise en
oeuvre au 1
er
janvier 2002 de la deuxième phase de la
réforme des barèmes locatifs (244 millions
d'euros) ».
Cette ambitieuse réforme devait coûter 549 milliards d'euros
à l'Etat à allocataires constants.
Or, la croissance,
distribuant des revenus, a fait sortir du dispositif des allocataires ou a
réduit le montant de cette aide différentielle.
La manne distribuée est restée dans un premier temps
équivalente mais elle est partagée entre moins
d'allocataires : de ce point de vue, cette réforme s'est traduite
par une redistribution plus affirmée entre les familles. Aujourd'hui
elle diminue.
A ce stade,
votre rapporteur ne peut que souligner les risques que font
peser un retournement de la conjoncture et une reprise du chômage
.
L'analyse de votre rapporteur aurait dû en rester là si, lors du
collectif d'automne, le chapitre 46-40 relatif à ces aides n'avait pas
enregistré une annulation de crédit de 195 millions d'euros.
Une telle annulation porte à 260 millions d'euros le montant des
économies réalisées en deux ans sur un poste de
dépenses qui aurait dû coûter 550 millions d'euros de
plus.
Le Gouvernement justifie cette annulation par l'existence d'une
« cagnotte » en 2000, du fait de la diminution des
dépenses.
Votre rapporteur ne peut se satisfaire de cette explication pour plusieurs
raisons.
Les comptes du FNAL et du FNH affichent, il est vrai, un excédent en
2000. D'une part, celui-ci ne représente que 84 millions d'euros
contre une annulation de 195 millions d'euros et relève tant
d'économies sur les dépenses que
du dynamisme de la
contribution des employeurs dont le produit s'est révélé
supérieur aux prévisions
.
L'année 2001 pourrait-elle présenter 100 millions
d'économies sur prestation ? Justifie-t-elle cette
annulation ? Cette éventualité est très improbable
pour trois raisons.
En réalité, on ignore le montant exact des prestations jusqu'au
sixième mois de l'année n + 1. Une estimation précise des
dépenses 2001 serait aujourd'hui très prématurée.
En second lieu, les crédits sont généralement
destinés au plus juste puisque des régularisations doivent
être faites en cours d'année en raison d'une insuffisance
chronique des crédits.
Enfin, l'effet frein joué par la croissance sur les prestations,
constatées en 2000, a été anticipé en LFI
2001
17(
*
)
. D'ailleurs, la
remontée du chômage dès le second trimestre de cette
année aurait plutôt poussé à la hausse les
dépenses.
La « surbudgétisation » des aides à la
personne est peu crédible. Votre rapporteur propose une explication
alternative.
Depuis deux ans (2000-2001), les prévisions initiales de croissance de
la masse salariale sont sous-estimées.
Or, le FNAL est alimenté par une contribution des employeurs assise sur
la masse salariale et par une dotation de l'Etat. Le FNH est, lui,
alimenté par la CNAF et par un versement du FNAL. Les deux fonds
bénéficient donc pleinement de dynamisme des cotisations des
employeurs.
Votre rapporteur constate le caractère concomitant des annonces de Mme
Elisabeth Guigou, rappelées par M. Alfred Recours
18(
*
)
« le Gouvernement s'est
trompé sur la masse salariale qu'il a sous-estimé de 0,6 %
en 2001 »
et l'arrêté d'annulation du 18 novembre
dernier.
Cette annulation de crédit traduit en réalité un
désengagement de l'Etat du financement des aides à la personne.
Profitant d'une pression fiscale accrue sur les entreprises, le Gouvernement
diminue sa contribution, afin d'afficher en collectif un déficit
d'exécution minoré de 195 millions d'euros.
Le Gouvernement assèche les réserves des « fonds
logement ». Une telle attitude est-elle raisonnable à l'heure
où la conjoncture fait peser un fort aléa à la hausse sur
les dépenses du FNAL ?
Votre rapporteur ne le pense pas.
Soulignant par ailleurs que les employeurs sont appelés à
financer une réforme décidée par l'Etat,
votre
rapporteur déplore de ne pas disposer d'informations plus
précises de l'effort de chaque financeur
.
Constatant néanmoins que l'existence de deux fonds gérés
par la Caisse des dépôts et consignations rend plus difficile la
collecte de ces informations, votre rapporteur rappelle le constat
dressé par la Cour des comptes
19(
*
)
:
« Les deux fonds, FNH et FNAL, qui isolent les circuits de
financement et d'attribution de l'APL et de l'ALS constituent des écrans
dont l'utilité n'est pas démontrée ».
2. L'appel au 1 % logement
Le 12 octobre dernier, l'Etat et l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL) signaient une convention de prolongation de la convention du 3 août 1998, afin que « ces emplois du 1 % logement contribuent à une politique ambitieuse de renouvellement urbain » .
a) La participation du 1 % aux priorités de l'Etat
Cette
courte convention, qui ne comprend que quatre articles, prévoit, dans le
B du premier article, les conditions dans lesquelles
« le 1 %
logement affectera 3 milliards de francs par an à la politique de
renouvellement urbain (...) sous les formes suivantes
:
« le financement des opérations de démolition de
logements locatifs sociaux -y compris les coûts
associés-
qui concerneront à terme 30.000 logements
par an. La participation du 1 % logement prendra la forme de subventions
aux maîtres d'ouvrage ;
« en complément
, le traitement de
copropriétés dégradées ;
« le versement des subventions
actuarielles initiales permettant
la mise en oeuvre d'une nouvelle enveloppe unique de
prêts au
renouvellement urbain (PRU)
20(
*
)
de 15 milliards de francs
au taux de 3,25 % ».
Mais la convention comporte une clause additionnelle :
« Pour tenir compte de la montée en puissance de ces
actions nouvelles, le 1 % logement apportera un financement à
hauteur de 2,8 milliards de francs au titre de 2002 pour faciliter la
conduite d'actions concourant au renouvellement urbain
. Ce
financement se fera par versement au budget général de l'Etat
selon des modalités qui devront être précisées dans
la convention d'application ».
Certes, la convention prévoit bien que
« l'Etat et les
partenaires sociaux définiront en commun la répartition de
l'enveloppe de 3 milliards de francs entre les différents emplois
prévus »
.
Mais elle prévoit par avance que « d'autres affectations
pour des sommes dont il serait anticipé qu'elles ne seront pas
consommées l'année suivante ou constaté qu'elles n'ont pas
été consommées l'année en cours pourront être
prévues en lien avec des actions de renouvellement
urbain ».
Par un amendement à l'article 12 du présent projet de loi, le
Gouvernement a inscrit en 2002, en ressources non fiscales, l'apport des
partenaires sociaux au titre du 1 % (2,8 milliards de francs,
427 millions d'euros).
Il est très clair que ces sommes ne serviront pas à l'usage qui
leur est destiné par la convention. Ainsi que le confirme le tableau
ci-dessous, tout au plus peut-on convenir que le 1 % logement finance les
mesures issues des CIV du 19/12/1999 (ORU et GPV) et du CIV du 1
er
octobre dernier.
Inscription budgétaire des actions susceptibles
d'être
financées par l'apport du 1 % logement en 2002
(en milliers d'euros)
GPV et ORU |
10.671 |
Actions démolition |
68.980 |
Qualité de service |
11.430 |
Accession très sociale propriété |
10.700 |
Copropriété dégradées - habitat insalubre |
16.550 |
A - Total |
118.331 |
B - Apport 1 % logement |
426.857 |
Reliquat |
308.526 |
Au
regard de ce tableau, votre rapporteur ne peut que formuler deux observations.
Le 1 % logement finance 100 % des annonces faites par le
Gouvernement, et notamment les actions prévues dans le cadre des GAAP
mis en place par Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce constat amène votre
rapporteur à s'interroger sur cette frontière ténue :
celle qui sépare la contractualisation des politiques du transfert de
charges pur et simple.
Votre rapporteur constate en second lieu que plus de 300 millions d'euros
ne serviront pas aux objectifs qui leur sont assignés par la convention
nouvellement conclue.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, M. Gilles Carrez a
déclaré :
« L'UESL a accepté de se faire
plumer de 2,8 milliards de francs »
.
Pour sa part, le rapporteur de la commission des Finances, M. Philippe
Marini, a proposé de supprimer ce versement en 2002 car ce dernier est,
selon lui
, « contraire à la convention de 1998 car ayant le
caractère d'un prélèvement sans
contrepartie »
.
Louant la pertinence des analyses du rapporteur général,
votre
rapporteur s'interroge néanmoins sur l'absence d'une contrepartie
à ce prélèvement.
Cette interrogation se justifie par le contexte et le contenu de la convention
du 3 août 1998.
Cette convention terminait un contentieux ouvert en 1995. Le Gouvernement avait
alors prélevé sur les réserves du 1 % pour financer
le prêt à taux zéro.
Certainement cavalière sur la forme, cette ponction permettait
néanmoins au 1 % de justifier son existence : promouvoir
l'accession sociale à la propriété.
Les partenaires de l'UESL ne souhaitaient pas financer le prêt à
taux zéro (PTZ) et ont obtenu de l'Etat, par la convention de 1998, une
sortie progressive de leur « engagement forcé ».
Or, le renouvellement urbain semble plus éloigné des objectifs du
1 % logement que l'accession sociale à la propriété.
A son grand regret, votre rapporteur n'a pu entendre les représentants
de l'UESL. L'exposé de leurs motivations l'aurait probablement
éclairé sur l'intérêt de ces négociateurs
avisés pour le renouvellement urbain.
En l'absence d'explications votre rapporteur ne saurait conclure, même si
un pan de la convention du 11 octobre dernier soulève ses
interrogations.
b) La constitution d'une société foncière aux contours imprécis
Le A du
premier article de cette convention stipule en effet :
« une société foncière sera
créée ayant pour objet de financer l'acquisition de logements
locatifs privés destinés en priorité aux salariés
des entreprises du secteur assujetti sur une partie des emprises
foncières libérées dès 2002 par la politique de
renouvellement urbain, en contrepartie des financements affectés par le
1 % logement à cette politique tels qu'ils sont convenus au
paragraphe B (et) sous conditions de loyers et de ressources, sur des
territoires où l'offre de logements locatifs est
insuffisante ».
La convention précise par ailleurs que les opérations seront
financées pour partie par emprunt, pour partie par des fonds propres
apportés par le fonds d'intervention de l'UESL, qui assurera
également la couverture des déficits d'exploitation
éventuels.
Un investissement annuel en fonds propres de 7 milliards de francs est
prévu à moyen terme
. La société foncière
constituera un actif immobilier, dont l'objectif sera d'améliorer les
garanties sociales des salariés du secteur assujetti.
Devant l'avènement d'une société foncière
appelée à devenir, au regard des moyens dont elle est
dotée
21(
*
)
, un des tous
premiers acteurs du secteur, votre rapporteur souhaite formuler plusieurs
interrogations.
Le rôle de cette société foncière se cantonnera-t-il
à faciliter des opérations de restructurations urbaines
menées par les bailleurs sociaux ou la société
foncière deviendra-t-elle une sorte de bailleur social national au
détriment des organismes d'HLM ?
La cible potentielle des logements détenus par la société
foncière s'approche du calibre du nouveau prêt locatif social
(PLS). Il s'agirait donc, de fait, des locataires les plus solvables du parc
social qui seraient attirés hors des HLM...
Imprécise, la convention ne semble pas fermer la porte à ce
risque.
En second lieu, votre rapporteur constate que le Gouvernement a promu le
1 %, par les subventions qu'il est appelé à verser, au rang
de financeur des organismes HLM.
Or, la convention prévoit que la société foncière
doit intervenir sur les emprises foncières libérées par
les destructions que le 1 % aura, lui-même, financées.
N'y a-t-il pas alors un risque que les organismes HLM ou les
collectivités locales, propriétaires aujourd'hui des emprises,
doivent céder des terrains à la société
foncière en contrepartie de subventions ? Cette dérive n'est
bien sûr que potentielle mais votre rapporteur, qui ignore les termes de
la négociation entre l'Etat et l'UESL, estime qu'elle mérite
d'être soulignée.
Lors du congrès de Bordeaux du 20 septembre 2000, M. Michel Delebarre,
Président de l'Union nationale des HLM avait alors
déclaré :
« Le débat sur le projet de loi relatif à la
solidarité et au renouvellement urbains est une bonne illustration de
nos difficultés, à savoir nous faire entendre et comprendre. Nous
avons découvert tardivement un
projet de loi qui, à
l'évidence, ne pouvait nous satisfaire quant aux compétences
d'intervention qui nous étaient reconnues ».
« Il n'était pas question de reconnaître que nos
missions d'intérêt général puissent s'étendre
aux opérations de renouvellement urbain, pas question non plus
d'entendre que la diversité de l'habitat rendait nécessaire le
développement d'une offre d'accession à la
propriété. Nous partions donc de loin ! »
Dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi SRU, qui prévoit
à terme un taux de 20 % de logements sociaux dans les communes
urbaines, le Gouvernement promeut la création d'une
société foncière financée par le 1 % sans
clairement définir son rôle et ses rapports avec les bailleurs
sociaux actuels.
La création de cette société foncière peut-elle
éviter d'être, en l'état actuel de l'information
disponible, considérée comme une marque de défiance
à l'égard des organismes HLM ?
Votre rapporteur n'ose le penser.