I. LA MARGE DE CROISSANCE FRAGILE DÉGAGÉE SUR LES DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE L'EXCLUSION NE COUVRE PAS LES NOUVEAUX BESOINS SOCIAUX
Le
budget de l'emploi et de la solidarité représente au total
208 milliards de francs en 2002, dont 42 % sont consacrés aux
deux actions qui relèvent de cet avis budgétaire, à savoir
l'intégration et la lutte contre les exclusions
, d'une part, et
le
développement social
, d'autre part.
L'action dite de « lutte contre l'exclusion », qui recouvre
notamment les dépenses liées au revenu minimum d'insertion (RMI),
représente 47 milliards de francs.
L'agrégat relatif au
développement social
, soit
40 milliards de francs,
assez hétérogène,
regroupe notamment les dépenses relatives aux interventions en faveur
des droits des femmes, aux rapatriés, à la formation des
travailleurs sociaux, au financement des
centres d'aide par le travail
(CAT), ainsi que les dépenses d'action sociale de l'Etat
destinées aux personnes handicapées et aux personnes
âgées, y compris les prestations obligatoires telles que
l'allocation aux adultes handicapés
(AAH).
Au total, les crédits relatifs à la solidarité dans le
budget de l'Etat représentent donc
87 milliards de francs,
soit
5 % des dépenses nettes du budget général
qui s'établissent à 1.730 milliards de francs.
La croissance retrouvée permet de dégager des économies
sur les crédits relatifs au revenu minimum d'insertion (RMI) et sur le
financement de la protection complémentaire au titre de la couverture
maladie universelle (CMU) ; toutefois, les économies
réalisées en 2002 apparaissent difficiles à consolider.
A. LES MARGES DE MANoeUVRE DÉGAGÉES AU TITRE DU RMI SONT ENCORE FRAGILES
1. Les économies réalisées au titre du RMI doivent être relativisées
Le
retour de la croissance aurait pu laisser espérer une baisse plus rapide
des effectifs du RMI. En réalité, la décrue n'a
été enregistrée qu'à partir du premier semestre
2000 et encore sur le seul territoire de la métropole ; le
dispositif fait preuve d'une forte « inélasticité au
retour de la croissance ».
Peuvent bénéficier du RMI tous les résidents en France,
sans condition de nationalité -une condition de résidence de
trois ans étant toutefois requise pour les ressortissants de pays
étrangers- à condition qu'ils soient âgés de plus de
25 ans et qu'ils ne soient pas étudiants, ou s'ils ont moins de
25 ans, qu'ils aient au moins un enfant à charge. L'allocation
versée complète les ressources des intéressés de
façon à leur garantir un revenu minimum fixé à
2.608,50 francs par mois au 1
er
janvier 2001 pour une
personne isolée sans enfant à charge et à
3.912,75 francs par mois
1
pour un couple (ce montant est
majoré de 782,55 francs par mois pour chaque enfant à
charge). L'allocation est conditionnée à un engagement du
bénéficiaire à participer aux actions ou activités
définies avec lui et nécessaires à son insertion sociale
ou professionnelle. Cet engagement peut être formalisé dans un
contrat d'insertion.
a) Le dispositif du RMI bénéficie tardivement du retour de la croissance
Au 31 décembre 1999, la France a enfin enregistré une baisse nette de 52.000 bénéficiaires du RMI en métropole dont le nombre s'élève néanmoins à 965.000.
Evolution des effectifs et des crédits afférents au RMI
|
|
|
|
|
|
|
Crédits budgétaires en MF (1) |
|
Décembre 1989 |
335.514 |
|
71.567 |
|
407.081 |
|
6.000 |
|
Décembre 1990 |
422.101 |
25,8 % |
88.044 |
23,0 % |
510.145 |
25,3 % |
8.668 |
+ 45 % |
Décembre 1991 |
488.422 |
15,7 % |
93.939 |
6,7 % |
582.361 |
14,2 % |
14.325 |
+ 65 % |
Décembre 1992 |
575.034 |
17,7% |
96.208 |
2,4 % |
671.242 |
15,3 % |
13.168 |
- 8 % |
Décembre 1993 |
696.589 |
21,1 % |
96.355 |
0,2 % |
792.944 |
18,1 % |
16.631 |
+ 26 % |
Décembre 1994 |
803.303 |
15,3 % |
105.033 |
9,0 % |
908.336 |
14,6 % |
19.217 |
+ 16 % |
Décembre 1995 |
840.839 |
4,7 % |
105.171 |
0,1 % |
946.010 |
4,1% |
22.022 |
+ 15 % |
Décembre 1996 |
903.804 |
7,5 % |
106.668 |
1,4 % |
1.010.472 |
+ 6,8 % |
23.179 |
+ 5 % |
Décembre 1997 |
956.596 |
5,8 % |
111.305 |
4,3 % |
1.067.901 |
+ 5,7 % |
24.230 |
+ 4,5 % |
Décembre 1998 |
993.286 |
3,8 % |
118.822 |
6,8 % |
1.112.108 |
+ 4,1 % |
26.227 |
+ 8,24 % |
Décembre 1999 |
1.017.847 |
2,5 % |
127.176 |
7 % |
1.145.023 |
+ 3 % |
31.900 (2) |
+ 21,63 % |
Décembre 2000 |
965.000 |
- 5,1 % |
131.000 |
3 % |
1.096.000 |
- 4,3 % |
29.255 (3) |
- 8,78 % |
(1)
En millions de francs, compte
tenu des
lois de finances rectificatives.
(2)
Dont 1,82 milliard de francs pour couvrir les
insuffisances de la dotation 1998 (l'augmentation budgétaire nette de
1999 sur 1998 s'élèverait donc à 7,25 %).
(3)
Prévision.
L'évolution des effectifs du RMI en métropole a été
forte jusqu'en 1994, avec une croissance annuelle moyenne de 15 % par an,
liée d'abord à la montée en charge initiale du RMI puis
à la réforme de l'assurance chômage en 1992 qui a conduit
à une diminution du nombre de chômeurs indemnisés.
L'évolution du RMI est en effet largement conditionnée par le
nombre de chômeurs non bénéficiaires des régimes
d'assurance chômage et solidarité, pour qui cette prestation offre
une couverture financière minimum.
De 1995 à 1997, le rythme d'évolution du RMI a fortement
diminué, mais s'est maintenu à un niveau proche ou
supérieur à 5 %, et globalement plus élevé que
celui du chômage.
Depuis quatre ans, le taux de croissance du RMI s'est progressivement
essoufflé (+ 5,8 % en 1997 et + 3,8 % en 1998,
+ 2,5 % en 1999) pour atteindre - 0,9 % en 2001.
Au cours de l'année 2000, pour la première fois depuis la
création du dispositif, le nombre d'allocataires a diminué de
5,2 % en métropole
1(
*
)
. En parallèle, la croissance
des effectifs dans les départements d'outre-mer s'est ralentie passant
de 7 % en 1999 à 3,5 % en 2000. En un an, le nombre
d'allocataires du RMI a ainsi reculé de plus de 52.000 en
métropole.
Cette évolution favorable reflète l'amélioration de la
conjoncture économique et, plus particulièrement, la baisse du
chômage non indemnisé.
La baisse du RMI profite principalement aux moins de trente ans et à
ceux qui sont entrés récemment dans le dispositif : le
nombre d'allocataires du RMI de moins de trente ans a diminué de
20 % depuis 1997, soit une baisse de près de 55.000 allocataires.
En outre,
quatre
signes encourageants
sont constatés en
2000.
Tout d'abord, le nombre d'allocataires présents
depuis plus d'un
an
a ainsi diminué de près de 2 % pour la
première fois depuis la création du dispositif. En 1999, les
jeunes et les allocataires récents étaient les seules
catégories à bénéficier du contexte favorable de
l'activité économique.
Ensuite, le mouvement de baisse touche désormais
toutes les classes
d'âge
, à l'exception des personnes de plus de 50 ans qui
relèvent de dispositifs spécifiques.
Par ailleurs, grâce aux créations d'emploi, le rythme des sorties
du dispositif s'est nettement accéléré en 2000 pour
atteindre 350.000 en métropole, soit une progression de 9 % par
rapport à 1999. Ce résultat est d'autant plus remarquable que la
forte diminution du flux d'entrées (+ 345.000 en 2000 contre
+ 392.000 en 1999), a mécaniquement limité le potentiel des
sorties (on rappellera en effet qu'un tiers des entrants au RMI sortent du
dispositif avant six mois).
Enfin, on peut se féliciter que la baisse du RMI se soit largement
diffusée à travers tout le territoire.
A l'exception de trois départements ruraux (Haute-Corse, Ariège
et Lozère), la baisse du RMI profite à l'ensemble des
départements. Les diminutions les plus fortes sont observées dans
l'ouest du pays, autour de l'axe Rhin-Rhône et, pour le bassin parisien,
dans les Yvelines. Les départements qui enregistrent les
résultats moins favorables sont concentrés principalement dans la
partie sud du pays. Globalement, la baisse du RMI a été
modérée dans les départements où le chômage a
le moins diminué et forte lorsque la baisse du chômage a
été vigoureuse.
b) Des économies grevées par les dépenses à venir
Au
total, le Gouvernement envisage donc pour 2002 une diminution des
dépenses de lutte contre les exclusions de
470 millions de
francs
au titre du RMI en tenant compte de la revalorisation de
l'allocation.
La dotation pour 2002 prend en considération une revalorisation du
montant de l'allocation de 2,2 % au 1
er
janvier 2001 et de
1,2 % au 1
er
janvier 2002 compte tenu de
l'hypothèse relative au rythme de l'inflation fournie par la
direction de la prévision
du
ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie.
Les prévisions établies pour l'évolution du nombre
d'allocataires sont les suivantes : - 4,2 % en métropole
et + 4,4 % dans les DOM en 2001 ; - 1 % en
métropole et + 4,4 % dans les DOM pour 2002.
L'économie nette de 470 millions de francs doit être
rapprochée toutefois des
29,38 milliards
de francs que
représente au total la dotation budgétaire pour le RMI dans le
projet de loi de finances pour 2002.
L'économie doit être relativisée également au regard
du
coût des revalorisations successives
du montant de l'allocation
qui apparaissent dans les comptes d'exécution. En décembre 1999,
le Premier ministre a ainsi décidé d'une allocation forfaitaire
de fin d'année dont le montant a représenté
1,6 milliard de francs sur l'exercice correspondant ; de même,
les dépenses liées à l'allocation exceptionnelle de la fin
d'année 2000 représentait 1,53 milliard de francs.
En
d'autres termes, les économies constatées en prévision sur
2002 ont été plus que « gagées » par
le coût des revalorisations de fin d'année intervenues
successivement depuis 2000
.
Pour 2002, la presse a fait état d'informations concernant la prime de
Noël selon lesquelles
« bien que la réunion
d'arbitrage officielle n'ait pas encore eu lieu, il paraît acquis que
l'enveloppe consacrée à cette aide aux personnes sans emploi sera
identique à celle de 2000 à près de 2 milliards de
francs »
2(
*
)
.
Ensuite, le Gouvernement engage une dépense de 270 millions de
francs pour renforcer, au titre de l'API et du RMI, les
procédures
d'intéressement à la reprise d'activité
.
Actuellement, le cumul entre allocation et revenu d'activité joue
intégralement pour un trimestre puis fait l'objet d'un abattement
à hauteur de 50 % pour les trois trimestres suivants. L'objectif de
la réforme est de parvenir à un cumul intégral pendant un
trimestre supplémentaire soit pendant près de six mois.
Cette mesure a été mise en place par le
décret
n° 2001-1078 du 16 novembre 2001
: ainsi,
jusqu'à la première révision trimestrielle, le cumul des
revenus avec le RMI demeure intégral. Lors de la première
révision trimestrielle suivant l'exercice de l'activité, les
revenus du trimestre précédent, appréciés en
moyenne annuelle, sont pris en compte avec un abattement de 100 % (et non
plus 50 %). Enfin, pour les trois révisions trimestrielles
suivantes, les revenus du trimestre écoulé sont affectés
d'un nouvel abattement de 50 % (inchangé). Les modalités de
cumul de l'allocation de parent isolé (API) avec des revenus
d'activité sont semblables à celles retenues en matière de
RMI.
Les dépenses prévisionnelles prennent également en compte
l'exclusion des bourses de l'enseignement supérieur des ressources
prises en compte
pour le calcul du RMI.
Si les bourses de l'enseignement primaire et secondaire (collège et
lycée) sont exclues du calcul des revenus des parents percevant le RMI,
le montant des bourses d'enseignement supérieur perçues par les
étudiants était pris en compte pour le calcul des ressources de
la famille lorsque celle-ci était bénéficiaire du RMI. Le
décret n° 2001-1073 du 16 novembre 2001 a mis fin
à ce qui était perçu comme une injustice.
Votre commission est favorable aux formules d'incitation à la reprise
d'activité
. Il reste que le dispositif issu du décret du 16
novembre dernier aura
une incidence au-delà de la seule année
2002
puisque les mécanismes d'intéressement ont pour effet de
limiter numériquement le nombre de sorties du dispositif.
Certes, le ministère fait valoir que, dans la majorité des cas,
les formules d'intéressement ne sont pas utilisées au-delà
de trois mois, les revenus professionnels de l'intéressé
entraînant le dépassement des seuils fixés par la loi.
Il reste que cet élément statistique repose sur les constatations
établies au cours de l'année 2000 qui peuvent être remises
en cause par l'évolution de la conjoncture économique et le
retournement du marché de l'emploi observé depuis six mois.
On sait que la mise en place, au début de 1999, des mesures
d'amélioration de l'intéressement prévues par la
loi du
29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions,
renforçant les
possibilités de cumul du RMI et des mesures d'activité, a eu un
impact important sur le nombre de bénéficiaires de la
mesure : 127.000 personnes bénéficiaient, au 31
décembre 2000, de ce mécanisme en métropole, soit
13,5 % des allocataires du RMI.
c) Les dépenses d'ensemble du RMI se situent toujours à niveau élevé
Comme
les années précédentes, le coût total du RMI
excède largement, pour la collectivité nationale, celui de la
seule dotation budgétaire destinée à financer
l'allocation. Il s'élève en réalité à
46 milliards de francs
en 2000, dont 17 % à la charge
des conseils généraux
3(
*
)
.
La créance de proratisation dans les DOM, le coût de l'aide
médicale assurée par l'Etat pour les personnes sans domicile fixe
et le coût de la mise en oeuvre des aides à l'emploi, viennent
s'ajouter aux crédits destinés au financement de l'allocation
stricto sensu.
Le coût de la créance de proratisation
4(
*
)
dans les DOM s'élève
à 913 millions de francs. Les majorations d'aide au logement dont
bénéficient les allocataires du RMI s'élèvent
à 1 milliard de francs.
Le poste essentiel reste celui du coût des
mesures pour l'emploi
(contrat emploi consolidé, contrat emploi-solidarité,
emplois-jeunes) mises en oeuvre au profit des titulaires du RMI dont le montant
total est estimé à
7,2 milliards de francs pour 2000
,
soit une multiplication par sept depuis la mise en place du dispositif
(1 milliard de francs en 1989).
A cela, il faut ajouter les
crédits d'insertion des
départements
résultant de l'obligation légale
d'inscrire à leurs budgets 20 % des sommes versées par
l'Etat l'année précédente au titre de l'allocation, afin
de financer des actions d'insertion pour les bénéficiaires du RMI
: ce montant, qui représentait 1,98 milliard de francs en 1992, est
passé à
4,9 milliards de francs en 2000
(dont
4,5 milliards de francs pour les dépenses en métropole).
Tableau récapitulatif des dépenses liées au RMI en 2000
(en milliards de francs)
|
Etat |
Conseils généraux |
Total |
Allocation RMI |
30,8 |
|
|
Mesures emploi (e) |
7,2 |
|
|
Crédits d'insertion DOM |
0,8 |
|
|
Majoration d'aide au logement (e) |
1 |
|
|
Exonération de taxe d'habitation |
1,16 |
|
|
Crédits d'insertion |
|
4,9 |
|
Total |
40,96 |
4,9 |
45,86 |
Total en % |
89 % |
11 % |
100 % |
d) Le maintien d'un « noyau dur » de personnes installées dans le RMI appelle des solutions innovantes
Près d'un tiers des allocataires ne perçoit
l'allocation que pendant moins de six mois, tandis qu'à l'inverse
plus d'un tiers reste dans le dispositif plus de quatre ans
.
Sur les 345.000 entrées au RMI enregistrées en 1999, un tiers des
allocataires perçoit l'allocation pendant moins de six mois. Comme dans
la plupart des processus d'insertion, les chances de sortie sont plus
élevées lorsque les allocataires sont jeunes,
diplômés ou plus proches de l'emploi.
Phénomène plus inquiétant : la décrue des
effectifs du RMI ne concerne pas fortement les personnes entrées depuis
longtemps dans le dispositif : ainsi en 2000, a-t-on constaté que
le nombre d'allocataires présents depuis plus de deux ans au RMI
avait augmenté de 1,6 %.
Les politiques d'insertion des départements ne sont pas en cause.
La consommation des crédits d'insertion RMI a représenté
4,8 milliards de francs en 1999 (731.755.282 euros), soit
98 % du montant de l'obligation légale
et des concours de
l'année. Le taux de consommation est en hausse significative :
98 % contre 94 % en 1997. Un effort particulier semble avoir
été fait par les départements dont le niveau de
consommation était faible.
Taux de consommation des crédits départementaux d'insertion
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
97 % |
101 % |
96 % |
94 % |
94 % |
98 % |
98 % |
En
même temps, les politiques d'insertion professionnelle par le recours aux
contrats aidés d'accès à l'emploi non marchand (contrats
emploi-solidarité ; contrats emplois consolidés) semblent
avoir atteint les limites de leur efficacité.
Le nombre d'entrées de bénéficiaires du RMI en mesures
ciblées de la politique de l'emploi
(CES, CEC, CIE et SIFE)
a
diminué en 2000
passant de 174 600 à 156 000.
Le recentrage de l'offre d'insertion autour du public RMI demeure stable
conformément aux orientations données au service public de
l'emploi. La part des contrats ou stages attribués à ces
allocataires est de l'ordre de 30 % dans les mesures ciblées pour
2000 (30.8% en 1999).
Dans un contexte de diminution du nombre de mesures aidées pour
l'emploi, liée au développement plus important des
opportunités d'accès direct à l'emploi marchand, le taux
de couverture a connu une certaine baisse : moins de 16 % des allocataires
ont pu accéder à l'une des mesures ciblées dans
l'année 2000 contre 19 % en 1999 et plus de 21 % en 1996, dans un
contexte d'accès à l'emploi il est vrai très
différent.
Dans un tel contexte, il est nécessaire d'imaginer de
s
solutions innovantes
.
Au cours de la séance publique du jeudi 8 février 2001,
réservée aux textes d'initiative parlementaire, le Sénat a
examiné en première lecture, sur le rapport de M. Philippe
Nogrix
5(
*
)
la
proposition de
loi n° 317 (1999-2000) portant création du revenu minimum
d'activité (RMA),
déposée par M. Alain Lambert,
président de la commission des Finances et M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce dispositif innovant permet au titulaire d'un minimum social (RMI par
exemple) de convertir son allocation en un salaire qui lui serait versé
directement par l'entreprise.
Ce dispositif, dégressif sur trois ans, serait neutre pour les finances
publiques et ne remettrait pas en cause le droit aux minima sociaux existants.
Il vise à lutter contre le chômage structurel par une incitation
à l'embauche dans le cadre de contrats de travail à durée
indéterminée. La rémunération des salariés,
qui devrait être légèrement supérieure au SMIC,
serait fixée par des accords de branche professionnelle.
Votre commission des Affaires sociales a approuvé entièrement la
démarche. Elle a souhaité que les négociations de branche
mettent en place un plan de formation, accompagné ou non d'un tutorat,
au profit des personnes embauchées ainsi qu'une prise en charge des
frais de retour à l'emploi.
Votre rapporteur ne peut que regretter que l'Assemblée nationale n'ait
pas souhaité engager la navette sur un dispositif incontestablement
utile.
2. L'allocation de parent isolé (API) ne connaît pas de diminution de ses effectifs
L'API
est à la fois
une prestation à vocation familiale
et
un
minimum social
. Il s'agit d'assurer un minimum de ressources aux personnes
isolées assumant seules la charge d'un ou plusieurs enfants. L'API est
versée par la caisse d'allocation familiale (CAF) ou par les caisses de
mutualité sociale agricole.
Ce n'est que depuis le budget pour 1999 que l'API est inscrite sur les
crédits du ministère de l'emploi et de la
solidarité : la décision de procéder à la
« budgétisation » de l'API -auparavant
financée par la branche famille de la sécurité sociale- a
été prise pour compenser le rétablissement du principe de
l'universalité des prestations familiales.
L'allocation de parent isolé (API) est versée à la future
mère en situation d'isolement ou à toute personne qui du fait du
décès du conjoint ou concubin, d'un divorce, d'une
séparation de droit ou de fait se retrouve seule pour élever un
ou plusieurs enfants. L'allocation est au plus versée pendant un an ou
jusqu'au troisième anniversaire du dernier enfant. Il s'agit d'une
allocation strictement différentielle qui n'est versée que si les
ressources totales du demandeur sont inférieures au montant garanti
variable selon le nombre d'enfants. Pour une personne seule (femme enceinte),
le montant garanti s'élève à
3.295 francs
pour une
femme enceinte
sans enfant à charge et à
4.395
francs
pour un
parent isolé avec un enfant à charge
.
Les ressources prises en compte pour calculer la différentielle
intègrent tous les revenus du trimestre précédant à
l'exclusion de l'allocation logement et de l'allocation pour jeune enfant
(APJE) versée du 4
ème
mois de grossesse au
3
ème
mois suivant la naissance ; elles comprennent
donc toutes les autres prestations familiales.
L'API a été créée en 1976 : ses effectifs ont
connu une forte progression de l'ordre de 14 % par an entre 1978 et 1988.
De 25.000 personnes en 1977, le nombre de personnes concernées est
passé à 75.000 en 1981, 125.000 en 1985 et 150.000 en 1989.
Les effectifs concernés par l'API connaissent à nouveau une
augmentation en 1999 et 2000, alors que la tendance au ralentissement
était encore observée en 1998.
Evolution de l'API
Année |
Nombre de bénéficiaires |
Evolution par rapport à l'année précédente en % |
Niveau
des crédits consommés en trésorerie
|
1989 |
156.000 |
|
3.945 |
1990 |
157.000 |
+ 0,6 |
4.104 |
1991 |
157.000 |
0 |
4.189 |
1992 |
160.000 |
+ 1,9 |
4.311 |
1993 |
164.000 |
+ 2,5 |
4.517 |
1994 |
169.000 |
+ 3 |
4.720 |
1995 |
164.000 |
- 3 |
4.750 |
1996 |
163.000 |
- 0,6 |
4.985 |
1997 |
164.000 |
+ 0,6 |
4.649 |
1998 |
163.000 |
+ 0,6 |
4.561 |
1999 |
168.000 |
+ 3,2 |
4.635 |
2000 |
170.000 |
+ 1,2 |
4.731 |
La
dotation budgétaire
qui était fixée à 4,35
milliards de francs en 2000 et à 4,7 milliards de francs en 2001
augmenterait de 3,6 % en 2002 pour atteindre 4,8 milliards de
francs
.
L'API, plus encore que le RMI, est une prestation qui s'avère lente
à enregistrer les effets d'une amélioration de l'activité
économique, alors même qu'elle a été conçue
pour faciliter la vie des familles pendant une période de recherche
d'emploi.
L'hypothèse, selon laquelle les mesures tendant à
améliorer la couverture des frais pour garde d'enfants liés
à la reprise d'un emploi devaient contribuer à diminuer le nombre
de titulaires de l'API, ne s'est pas vérifiée.
Les créations d'emploi sur la période 1997-2000 auraient dû
entraîner une baisse d'environ 25.000 allocataires, mais cette diminution
théorique ne se retrouve pas dans l'évolution d'ensemble des
allocataires de l'API. En effet si sur cette période, le nombre
d'allocataires a continué de croître à un rythme plus
faible en raison de l'amélioration de la situation de l'emploi
(+ 3,2 % en 1999, + 1,2 % en 2000) l'impact d'une meilleure
conjoncture sur l'évolution des effectifs a été
atténué par deux phénomènes.
Tout d'abord, la mise en place des
mesures de cumul avec des revenus
d'activité,
tout en garantissant une meilleure couverture en cas de
reprise d'activité, a pour conséquence de maintenir plus
longtemps les allocataires dans le dispositif : sur la période
1997-2000, 10.000 bénéficiaires ont été
concernés.
Ensuite, le
nombre des familles monoparentales
évolue
parallèlement à celui des naissances et
augmente depuis
1996
(sur la période 1997-2000, contribution de 11.000
bénéficiaires).
La dotation pour 2002 a été fixée en se fondant, selon les
éléments transmis à votre rapporteur, sur une
stabilisation de l'évolution des effectifs de la dotation, d'une
revalorisation du montant de l'allocation en fonction de la base mensuelle des
allocations familiales, la majoration du barème de l'API dans les
départements d'outre-mer conformément à
la loi
d'orientation du 13 décembre 2000 sur l'outre-mer
et la
prolongation d'un trimestre de la période de cumul intégral de
l'allocation avec un revenu d'activité dans le cadre de
l'amélioration du régime d'intéressement.
En fait, votre rapporteur partage l'objection émise par votre commission
lorsque le financement de l'API avait été
transférée de la branche famille au budget de l'Etat et que M.
Jean Chérioux avait reprise à son compte dans son avis de
l'année dernière.
Tant qu'elle était considérée avant tout comme une
prestation familiale, l'API pouvait éviter de devenir un dispositif
stigmatisant comme peut l'être parfois le RMI ; en revanche,
le
financement direct par l'Etat ne peut que conduire à faire
prévaloir la dimension de minimum social de cette prestation au
détriment de la volonté d'insérer les parents
isolés dans la vie économique
.
3. Les incertitudes sur les économies prévues au titre de la couverture maladie universelle (CMU)
a) Le dispositif de la CMU
La loi
du 27 juillet 1999 a prévu deux dispositifs :
-
une couverture maladie universelle de base
obligatoire ouverte
aux personnes résidant en France de façon stable et
régulière dont les ressources n'excèdent pas 3.600 francs
par mois pour une personne seule. Les dépenses de cette couverture de
base sont prises en charge directement au sein de la branche assurance
maladie ; en 2000, le coût des prestations de la CMU de base s'est
élevé à
10,941 milliards de francs
pour le
régime général.
-
une couverture complémentaire
ouverte sous conditions de
ressources, permettant de bénéficier d'une prise en charge
à 100 % des soins (avec la prise en charge intégrale du
ticket modérateur), de la prise en charge du forfait hospitalier, ainsi
que de divers appareillages. Le bénéfice du tiers payant est
étendu aux intéressés qui ont le choix de leur organisme
d'affiliation, soit une caisse d'assurance maladie, soit une mutuelle, soit une
institution de prévoyance, soit une compagnie d'assurance.
b) La révision à la baisse des crédits
Pour 2001, la prévision de dépenses était de 7,4 milliards de francs au titre de la couverture complémentaire.
Les effectifs détaillés de la CMU au 30 décembre 2000
-
• A la date du 30 décembre 2000, dernier chiffre connu, l'effectif des bénéficiaires de la couverture de base , ou « régime de résidence » s'établit à 1.130.717 personnes . Parmi ces bénéficiaires, 80 % sont domiciliés en France métropolitaine, et la très grande majorité (73 %) sont également bénéficiaires du RMI. 5,4 %, acquittent une cotisation du fait qu'ils dépassent le plafond de ressources en deçà duquel a été instaurée une franchise de cotisations. En outre, 165.519 bénéficiaires du régime de résidence n'ont pas de couverture CMU complémentaire.
• A la date du 30 décembre 2000, dernier chiffre connu, les effectifs des bénéficiaires de la couverture complémentaire sont les suivants :
- 103.000 bénéficiaires affiliés à la CMU complémentaire gérée par une caisse mutuelle régionale ;
- 6.860 bénéficiaires affiliés à la CMU complémentaire gérée par une caisse de mutualité sociale agricole ;
- près de 400.000 bénéficiaires affiliés à la CMU complémentaire gérée par un organisme complémentaire, dont 344.000 affiliés au régime général, 22.000 au régime des non salariés non agricoles et 15.740 au régime agricole.
En définitive, les comptes prévisionnels du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie s'établissent comme suit pour 2001.
Compte prévisionnel du fonds CMU pour 2001
(en millions de francs)
Recettes |
Dépenses |
||
Dotation budgétaire de l'Etat |
6.599 |
Versements aux organismes de sécurité sociale et aux organismes de couverture maladie complémentaire |
7.589 |
Contribution de 1,75 % à la charge des organismes de couverture maladie complémentaire |
1.000 |
Gestion administrative |
10 |
Total |
7.599 |
|
7.599 |
Le
financement de la couverture complémentaire de la couverture maladie
universelle, créée par la loi du 27 juillet 1999,
soulève des interrogations
(chapitre 46-82).
La dotation pour
2002 fait apparaître une
économie de 450 millions de
francs
. Par ailleurs, l'arrêté d'annulation de crédits
du 14 novembre 2001, repris en annexe du projet de loi de finances
rectificative pour 2001, fait apparaître une économie de
521 millions de francs
. On rappellera qu'un milliard de francs
avait également fait l'objet d'une annulation en 2000.
La dotation budgétaire pour 2000 avait été fixée
à 7 milliards de francs et celle pour 2001 à
6,6 milliards de francs en se fondant sur l'hypothèse de
6 millions de bénéficiaires.
Selon les informations transmises par le Gouvernement, le montant de
6,6 milliards de francs fixé par la loi de finances pour 2001
reposait sur une
« connaissance limitée de la montée
en charge du dispositif »
(nombre de bénéficiaires,
dépense individuelle), comme des conditions de sortie des anciens
bénéficiaires de l'aide médicale.
« Cette dernière variable reste la plus difficile à
déterminer. Selon la CNAMTS, environ 900 000 anciens
bénéficiaires de l'aide médicale ont vu leurs droits
s'interrompre au 30 juin 2001. Cependant, le bilan définitif de cette
opération de fin de droits reste incertain : d'une part, de nombreux
anciens bénéficiaires doivent faire réexaminer leurs
droits au cours du deuxième semestre, d'autre part il est impossible
d'apprécier avec exactitude le nombre de personnes qui ne se sont pas
manifestées avant le 30 juin 2001 mais qui tenteront d'entrer à
nouveau dans le dispositif d'ici la fin de l'année.
« Néanmoins, sur la base des premières données
disponibles concernant le nombre de bénéficiaires et le montant
moyen de la dépense individuelle, l'exécution de la loi de
finances pour 2001 devrait dégager un léger reliquat de
crédits non consommés. »
c) Les crédits demandés ne tiennent pas compte des insuffisances du dispositif
Selon
les éléments transmis par le Gouvernement :
« Le
montant de la dotation de l'État au fonds CMU pour 2002 retenu dans le
cadre du projet de loi de finances pour 2002 devrait être de
6,1 milliards de francs. La diminution de crédits s'explique
notamment par les sorties de bénéficiaires, notamment les
personnes dont les droits ont été prolongés jusqu'au 30
juin 2001 et qui sont sortis à cette date si leurs ressources
étaient inférieures à une moyenne mensuelle de
4.000 francs pour une personne seule. »
Votre rapporteur considère que la situation prévue
budgétairement pour 2002 ne tient pas compte de la réalité
des besoins : le Gouvernement procède à l'affichage d'un
abattement de 450 millions de francs pour tenir compte des sorties
prévisibles parmi la population des 900.000 personnes qui
bénéficiaient auparavant de l'aide médicale gratuite et
ont été maintenues à titre temporaire dans le champ de la
nouvelle CMU.
Il reste que les droits de ces personnes qui devaient expirer au 30 juin 2001
ont été finalement reconduits jusqu'à la fin de cette
année par décision ministérielle. Les pressions seront
fortes au cours de l'exercice 2002 pour que les personnes concernées
soient à nouveau maintenues.
En effet, le seuil de 3.600 francs de revenu mensuel prévu pour la
couverture complémentaire de la CMU ne permet toujours pas de couvrir la
population des titulaires des minima sociaux.
Les associations de
handicapés et l'UNIOPSS regrettent particulièrement que les
bénéficiaires de l'AAH ou du minimum vieillesse ne puissent pas
avoir droit à la CMU, à 50 francs près
.
Au demeurant, un certain nombre de personnes qui sont aujourd'hui
écartées du dispositif bénéficiaient de l'ancienne
aide médicale gratuite grâce aux initiatives prises dans de
nombreux départements.
Toutefois, dans la mesure où la suppression de la compétence des
départements en matière d'aide médicale gratuite a pour
contrepartie des abattements effectués sur la dotation
générale de décentralisation des départements qui
sont calculés en tenant compte de l'ensemble des dépenses d'aide
médicale auparavant financées par les collectivités
locales, qu'il s'agisse de dépenses obligatoires ou de dépenses
facultatives et en tenant compte d'un abattement forfaitaire de 5 %. Les
départements ont donc déjà été
amputés des crédits qu'ils auraient pu consacrer à
l'amélioration du dispositif de la CMU, ceci même en tenant compte
de l'abattement de 5 %.
Enfin, va se poser inéluctablement la question de l'adaptation du
montant forfaitaire de 1.500 francs par affilié versé par le
Fonds aux organismes complémentaires.
Ce forfait apparaît
manifestement sous-évalué
.
En ce qui concerne les organismes de protection sociale complémentaire,
le fonds CMU a effectué en 2000 près de 450 remboursements
représentant environ 71 millions de francs. Du fait de
l'augmentation du nombre d'adhésions et de contrats gérés
par les organismes de protection sociale complémentaire, ce montant
devrait
augmenter fortement en 2002.
Ainsi, pour 2002,
la
prévision de dépenses est de 7,492 millions de francs.
La consommation moyenne par bénéficiaire et par an, en 2000, est
de l'ordre de 1.500 à 1.600 francs soit d'ores et
déjà supérieure au seuil des 1.500 francs
précités. Selon une étude de la
Fédération nationale de la mutualité
interprofessionnelle
, le coût moyen de la prise en charge aurait
atteint 1.845 francs en 2001.
Les crédits relatifs à la CMU sont donc frappés par une
double incertitude : sur l'avenir des personnes bénéficiant
d'un maintien des droits d'une part ; sur la pérennité du
remboursement forfaitaire aux organismes complémentaires, d'autre
part.
Dans ces conditions, votre commission ne peut que s'interroger sur la
réalité des économies prévisionnelles
affichées sur ce poste.