B. LES GRANDES LIGNES DE LA DOTATION DES FORCES TERRESTRES EN 2002
La dotation des forces terrestres connaîtra en 2002 son niveau le plus bas des 6 années de la loi de programmation .
Evolution du budget de l'armée de terre
au cours de la loi de programmation militaire 1997-2002
(crédits en loi de finances initiale)
|
Euros courants |
Euros constants |
1997 |
7 479,1 |
7 910,3 |
1998 |
7 309,3 |
7 658,9 |
1999 |
7 498,8 |
7 771,9 |
2000 |
7 429,2 |
7 631,1 |
2001 |
7 393,7 |
7 482,5 |
2002 |
7 247,1 |
7 247,1 |
Pour
2002, la dotation des forces terrestres inscrite dans le projet de loi de
finances s'élèvera à
7,247 milliards d'euros
, soit
2 % de moins (- 146,6 millions d'euros)
qu'en 2001. En euros
constants, le recul atteint 3,1 %, la part du budget de l'armée de terre
dans un budget de la défense lui-même en baisse, passant de 25,7 %
à 25,1 %.
Les
dépenses ordinaires
progressent de 1 %,
soit un peu
moins que l'évolution des prix, et atteignent
4,763 milliards
d'euros
. Ce sont en réalité les rémunérations
et charges sociales (+ 1,3 %) qui soutiennent cette progression. Elles
représentent près de 3,9 milliards d'euros, soit le niveau
inégalé de 81,8 % du titre III et de 53,8 % de l'ensemble du
budget de l'armée de terre. Les autres dépenses du titre III
représentent 866 millions d'euros, soit un montant
légèrement inférieur (- 0,2 %) à celui de l'an
passé.
Aux
titres V et VI
, les
crédits de paiement diminuent de
7,3 %
et s'établissent à
2,483 milliards d'euros
.
Lors de la présentation du projet de budget, le ministre de la
défense a en outre additionné aux crédits inscrits dans le
projet de loi de finances et figurant au « bleu »
budgétaire, des crédits figurant au budget 2001 dont le
report
sur 2002
serait garanti, permettant leur intégration dans la
construction budgétaire de 2002. Ces crédits, déjà
votés l'an passé, s'élèveraient pour l'armée
de terre à
91,5 millions d'euros
, ce qui porterait les
crédits de paiement disponibles aux titres V et VI à 2,575
milliards d'euros, limitant leur recul à 3,8 %, pour autant qu'une
telle comparaison entre deux masses financières non homogènes
possède un sens. Il reste à savoir si les annulations de
crédits opérées en 2001, et en dernier lieu le 14 novembre
dernier, permettront de garantir l'intégralité de ce report qui
risque, en tout état de cause, d'être totalement absorbé
par l'inévitable report de charges de 2001 vers 2002.
Quant aux
autorisations de programme
des titres V et VI, très
fortement réduites (- 19 %) en 2001, elles rattrapent la
moitié de la diminution de l'an passé en
progressant de
10 %
et en s'élevant à
2,843 milliards d'euros
.
Évolution des crédits de l'armée de
terre
(en millions d'euros)
|
Autorisations de programme |
Crédits de paiement |
||||
|
2001 |
2002 |
|
2001 |
2002 |
|
RCS
|
22,7 |
6,9 |
- 69,4% |
3 847,4
|
3 896,9
|
+ 1,3%
|
Titres V et VI |
2 583,5 |
2 843,3 |
+ 10,1% |
2 678,1 |
2 483,5 |
- 7,3% |
TOTAL |
2 606,2 |
2 850,2 |
+ 9,4% |
7 393,7 |
7 247,1 |
- 2.0% |
1. Le décrochage définitif par rapport à la loi de programmation s'amplifie
Pour la
troisième année consécutive, il faut malheureusement
constater que le gouvernement n'honore pas les engagements qu'il avait
lui-même formulés en 1998, après avoir révisé
à la baisse les objectifs de la loi de programmation militaire
1997-2002. Rappelons qu'après un budget 1998 très en dessous du
niveau requis et une « revue de programmes »,
le Premier
ministre avait défini un montant de crédits d'équipement
constant sur les quatre dernières années de la programmation
(1999-2002)
, montant situé à mi-chemin entre celui de 1998,
qui avait subi une sévère «encoche », et celui de
la loi de programmation
2(
*
)
.
Dès le budget 2000, cet engagement était remis en cause
,
les crédits de paiement du titre V étant cette année
là, pour l'armée de terre, inférieurs de 200 millions
d'euros au niveau prévu. L'abaissement s'est renouvelé, à
hauteur de 175 millions d'euros en 2001. Par rapport à une stricte
application de la « revue de programmes », le budget pour
2002 entraînera quant à lui un manque à gagner de
337 millions d'euros, ce qui porte à plus de 710 millions
d'euros courants l'écart, sur les trois dernières années,
entre les crédits prévus par la revue de programme et ceux
effectivement inscrits en loi de finances initiale au profit de l'armée
de terre.
Indépendamment de « l'encoche » de 1998, des
abattements décidés dans le cadre de la « revue de
programmes » et des annulations de crédits intervenues au
cours de chaque année,
le budget 2002, amplifiant les écarts
déjà constatés en 2000 et 2001
,
consacre un
décrochage définitif par rapport à la loi de
programmation.
Il n'est pas indifférent d'observer que cet affaissement de l'effort
d'équipement intervient dans un contexte international qui vient nous
rappeler la persistance des menaces et la nécessité de disposer
de matériels performants et fiables pour s'en protéger et,
éventuellement, y répondre.
2. Un titre III qui s'améliore sans pour autant s'avérer pleinement satisfaisant
Comme on
l'a relevé plus haut, la progression du titre III reste
inférieure à celle des prix et résulte de surcroît
exclusivement d'une progression des rémunérations et charges
sociales.
Si l'on ne peut que se féliciter de voir mis en place les effectifs
globalement conformes à la loi de programmation, il faut cependant
observer que la hausse modérée des rémunérations et
charges sociales fait ressortir un
contraste saisissant entre la modestie
des mesures d'amélioration de la condition militaire
, les
premières depuis quatre ans pour l'armée de terre, pour un
montant de 9,5 millions d'euros à destination des sous-officiers,
et l'évolution au cours des quatre dernières années des
dépenses de personnel des administrations civiles de l'Etat.
Votre rapporteur souhaite une nouvelle fois insister sur la
nécessité de veiller à ne pas creuser l'écart
entre la condition militaire et le traitement
réservé
à d'autres catégories professionnelles.
Les personnels
militaires, en particulier dans l'armée de terre, devraient pouvoir
sentir que leur engagement, bien au-delà des 35 heures, dans leurs
missions intérieures et extérieures et leur contribution, depuis
1997, à la réforme de l'Etat, sont pris en compte. Il n'est pas
certain que ce sera le cas avec ce projet de budget.
S'agissant du
fonctionnement courant
, après une compression
excessive des dotations au cours de la première partie de la loi de
programmation, le budget 2000, après la « revue du titre
III », a amorcé un
redressement qui s'est confirmé
en 2001 et se poursuivra en 2002
. En effet, les crédits sont
globalement maintenus alors que la réduction du format entraîne
une légère diminution des besoins. De la sorte, quelques
améliorations ont pu être apportées, essentiellement au
profit de l'entraînement des forces. Pour positif qu'il soit, cet effort
laisse subsister des besoins non couverts, en particulier en matière
d'entretien immobilier, de locations, de frais de déplacement et de
changement de résidence ou d'aide au recrutement et à la
reconversion. De même, avec 89 jours d'activité prévus en
2002, l'entraînement des forces demeure loin de l'objectif de 100 jours
lui-même inférieur aux normes américaines et
britanniques.
3. Un budget qui ralentit la modernisation des équipements de l'armée de terre
Alors
que la gestion 2001 s'achève avec de nouvelles annulations de
crédits risquant de provoquer un
important report de charges
sur 2002
, le niveau de crédits de paiement arrêté
pour 2002 paraît à peine suffisant pour honorer les besoins
générés par les engagements antérieurs dont le
rythme, il faut le rappeler, a été notablement
accéléré ces deux dernières années.
Quant au montant des
autorisations de programme
, s'il correspond au
niveau prévu pour l'application de la « revue de
programmes », il n'a pas été ajusté à la
modification du contenu physique des commandes envisagées. Correspondant
au niveau initial des besoins, l'enveloppe doit en effet financer pour 2002 une
charge supplémentaire : la commande semi-globale et pluriannuelle
du missile sol-air moyenne portée/terrestre (SAMP/T), qui mobilisera
à elle seule 200 millions d'euros. L'obligation de passer cette
commande à enveloppe constante dans un contexte d'une réduction
de l'encours des autorisations de programme disponibles, a imposé
le
report ou la diminution d'un certain nombre de commandes.
Les commandes
concernant 5 dépanneurs Leclerc, l'Atlas Canon (automatisation des tirs
et des liaisons des régiments d'artillerie), le système de pose
rapide de travures (SPRAT) pour le Génie, le système de guerre
électronique de l'avant (SGEA), les terminaux MIDS pour le
système de défense sol-air et la valorisation du système
de transmissions RITA ont été reportées. Celles relatives
au radar de contrebatterie Cobra, aux munitions ou aux gilets pare-balles ont
été réduites.
Par son niveau insuffisant,
le budget 2002 amplifie les retards et
glissements des opérations prévues par la loi de programmation.
Ceux-ci sont relativement peu spectaculaires concernant les grands
programmes, bien qu'ils continuent, en repoussant les échéances,
à alimenter la « bosse » des besoins financiers des
années à venir. Ils sont beaucoup plus insidieux lorsqu'ils
touchent les dépenses dites de flux (entretien programmé des
personnels, infrastructure) ou les programmes de cohérence
opérationnelle, peu visibles, mais essentiels pour l'aptitude de nos
forces.
Le recul du budget d'équipement prend par ailleurs le contre-pied des
objectifs fixés par le projet de future loi de programmation, qui se
situe à un niveau nettement supérieur et qui prévoit une
augmentation régulière des crédits du titre V au cours des
six années 2003-2008. Ainsi, pour l'armée de terre, cette loi
prévoit un budget d'équipement moyen de 2,85 milliards d'euros,
supérieur d'environ 15 % à celui prévu en 2002. De la
sorte, le budget d'équipement 2002, en s'écartant largement du
point de départ de la future programmation, fragilise dangereusement
cette dernière et, à travers elle, le rythme de modernisation de
nos forces prévu pour atteindre le modèle d'armée 2015.
Cette évolution est, aux yeux de votre rapporteur, très
inquiétante. Elle retarde la livraison des matériels les plus
modernes. Elle impose un maintien en service de matériels vieillissants
remis à niveau. Elle crée une contrainte extrêmement forte
pouvant conduire à l'abandon de programmes ou faisant obstacle au
lancement de nouveaux développements utiles.
Au titre des programmes abandonnés, il faut mentionner le
missile
antichar de 3
e
génération moyenne portée
(AC3G-MP)
. Après l'échec de la coopération
européenne sur le projet Trigat, l'industriel (EADS) a proposé
une version nationale dénommée
Trigan
consistant à
adopter un nouveau missile filoguidé sur les postes de tir Milan. Il
avait été initialement envisagé de remplacer le Milan
dès 2003-2004 et, en tout état de cause, ce remplacement
deviendra inévitable au cours de la prochaine décennie. La
restriction des ressources financières de l'armée de terre a
conduit, pour le moment, à renoncer au développement du Trigan,
au risque de devoir acheter « sur étagère »,
dans quelques années, des missiles antichar américains ou
israéliens plus coûteux et moins adaptés aux besoins
français. Une telle décision fragiliserait
considérablement la capacité industrielle nationale dans le
domaine des missiles antichars, alors que le Trigan offre une grande
polyvalence d'emploi le rendant capable de percer tous les blindages des
prochaines années et de traverser des bunkers de béton
renforcé, et qu'il présente un fort potentiel à
l'exportation, auprès de tous les possesseurs du Milan.
Dans un autre domaine, celui des
hélicoptères de combat
,
la restriction, pour ne pas dire la disparition des marges de manoeuvres
financières rend aujourd'hui difficile le lancement d'un
développement particulièrement judicieux, celui d'une
version
« multirôles » du Tigre
qui répondrait
mieux aux besoins futurs de l'armée de terre tout en favorisant les
perspectives d'exportation, en particulier en Espagne.
Le restriction excessive des ressources entretient ainsi une contrainte
financière qui obère l'adaptation de nos équipements tout
en conditionnant l'évolution de programmes majeurs à de simples
considérations de court terme.