CHAPITRE III -
CONCILIER LA POLITIQUE DE L'ÉNERGIE
ET LA
PRÉSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT
Les pouvoirs publics français souhaitent parvenir à mieux coordonner la politique de l'énergie et la préservation de l'environnement par une action menée tant dans le cadre des négociations internationales multilatérales que grâce à la poursuite des programmes nationaux de maîtrise de la demande d'énergie.
I. LES INCERTITUDES DES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES
A. LES OBSTACLES À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU PROTOCOLE DE KYOTO
Des
objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre ont
été fixés, dès 1997, par la troisième
conférence des parties à la Convention cadre sur les changements
climatiques qui s'est tenue à Kyoto. Cet accord prévoit que
l'Union européenne et les Etats-Unis diminueront respectivement leurs
émissions par rapport à 1990 de 8 et de 7 %, tandis que le
Japon, le Canada, la Pologne et la Hongrie abaisseront les leurs de 6 %.
Compte tenu de la grille de répartition retenue au sein de l'Union
européenne, la France doit, pour sa part, maintenir ses émissions
de gaz à effet de serre au niveau qu'elles avaient atteint en 1990.
Depuis lors, les parties à la Convention cadre sur les changements
climatiques ont poursuivi leurs travaux, conformément au plan d'action
arrêté à
Buenos Aires
en novembre 1998. Ce plan
prévoyait de parvenir avant novembre 2000 à :
- établir un régime de sanctions en cas de non
conformité des engagements et obligations des parties et
déterminer la nature des « mécanismes de
flexibilité » (en particulier les permis négociables
d'émissions) ;
- lancer un programme destiné à assurer la mise en oeuvre de
la convention, notamment par les pays en voie de développement.
Lors de la sixième conférence, tenue à
La Haye
en
novembre 2000, les parties ne sont pas parvenues à un accord et ont
décidé de poursuivre leurs travaux jusqu'à la
conférence qui s'est réunie à Bonn en juillet 2001.
Entre temps,
les Etats-Unis ont annoncé leur refus d'adhérer
au protocole de Kyoto
. Cette décision était, au demeurant,
prévisible après que le président Bush eut annoncé,
en mars 2001, qu'il renonçait à imposer une limitation des
émissions de dioxyde de carbone des centrales thermiques qui utilisent
des combustibles fossiles (alors même que cette limitation constituait
l'un des principaux engagements qu'il avait pris pendant la campagne
électorale en matière d'environnement).
Lors de la
conférence de Bonn
, les parties sont parvenues
à s'entendre sur les engagements financiers pris par les pays
développés en faveur des PVD.
On a décidé
de créer trois nouveaux fonds pour aider les pays en
développement à s'adapter aux effets du changement climatique et
à se procurer les technologies efficaces pour réduire leurs
émissions de gaz à effet de serre
. L'Union européenne,
le Canada, la Suisse et la Norvège, la Nouvelle Zélande et
l'Islande ont déclaré leur intention de verser au total
450 millions d'euros par an, à compter de 2005 pour abonder ces
fonds.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis,
la négociation s'est avérée beaucoup plus
délicate sur la définition des modalités de mise en oeuvre
des engagements pris par les pays développés au titre du
Protocole de Kyoto
. En effet, l'Union européenne et les pays du
G 77, qui avaient pour objectif commun de préserver le volet
environnemental du Protocole de Kyoto, souhaitaient obtenir les
modalités de mise en oeuvre les plus strictes pour le respect des
engagements quantitatifs : limitation du recours aux mécanismes de
flexibilité au profit de politiques et mesures nationales majoritaires,
non prise en compte de certains projets concernant ces mécanismes (en
particulier les projets nucléaires), prise en compte à minima des
puits de carbone (plantation de forêts notamment), mécanisme de
sanction très contraignant en cas de non-respect des objectifs.
En revanche, les pays de « l'Ombrelle » (Canada, Nouvelle
Zélande, Australie, Japon, Russie, Etats-Unis), conscients qu'ils auront
les plus grandes difficultés à respecter les engagements de
Kyoto, ont oeuvré pour minimiser le caractère contraignant du
mécanisme de sanctions et pour obtenir le plus de souplesse possible
dans l'utilisation des mécanismes de flexibilité et des puits de
carbone.
Les Etats-Unis -qui demeurent partie à la Convention sur les Changements
climatiques, bien qu'ils aient annoncé qu'ils ne ratifieraient pas le
Protocole de Kyoto-, ont participé à la négociation. Ils
ont veillé à ce que les dispositions relatives aux engagements
pris au titre de la Convention soient bien distingués de ceux souscrits
au titre de son Protocole.
D'après les services compétents, les compromis trouvés
concernant les engagements quantitatifs de réduction d'émission
des pays développés sur la comptabilisation des puits de carbone,
les mécanismes de flexibilités et le mécanisme de
sanctions seraient suffisamment souples pour permettre aux pays les plus
réticents (Japon, Canada, Australie et Russie) de ratifier le Protocole
de Kyoto et aux Etats-Unis d'y adhérer, le moment venu.
Votre Commission des Affaires économiques se déclare
très préoccupée par l'information selon laquelle l'accord
paraît exclure la comptabilisation des crédits d'émission
de gaz susceptibles de résulter d'investissements de production
nucléaires, dans le cadre des mécanismes de flexibilité,
durant la première période d'engagement. Ces dispositions -qui
reviennent à ne pas prendre en compte le nucléaire dans le
calcul- pénalisent, en effet, une technologie particulièrement
efficace en matière de réduction d'émissions de
CO
²
et pourraient, en conséquence, s'avérer
contraires aux intérêts français.
B. LES INITIATIVES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EN MATIÈRE D'ÉNERGIES RENOUVELABLES
La
commission européenne a rendu publique, en novembre 2000, une
réflexion prospective en partant du constat que sur la base des
tendances actuelles, le taux de dépendance énergétique de
l'Union serait de 70 % en 2030, tandis que les quinze s'avèreraient
incapables de respecter les engagements pris à Kyoto. C'est pourquoi
elle préconise, dans son
Livre vert
sur la sécurité
d'approvisionnement énergétique, une action volontariste pour
stabiliser la demande dans les secteurs du bâtiment et des transports,
sans négliger l'intérêt du développement des sources
d'énergie renouvelables.
Dans ce
Livre vert
, la commission européenne souligne aussi qu'il
convient de développer les autres énergies renouvelables, comme
le bois de chauffage ou l'hydroélectricité, même si les
ressources renouvelables de haute technologie sont, seules, susceptibles de
limiter la tendance vers une dépendance quantitative
énergétique croissante. C'est pourquoi elle s'interroge sur
l'opportunité d'une contribution des secteurs dont le
développement a bénéficié, au départ,
d'aides considérables et qui sont aujourd'hui très rentables,
à l'instar du gaz, du pétrole et du nucléaire.
Les instances européennes préparent également une
directive sur les sources d'énergie renouvelables qui fixe comme
objectif indicatif global aux ENR d'atteindre, en 2010, 12 % de la
consommation énergétique intérieure brute et 22,1 %
de la consommation totale d'électricité dans la
communauté
.
Au cours des débats qui ont eu lieu au Conseil des Ministres
européens, puis au Parlement, en liaison avec la Commission
européenne
deux sujets de désaccords
sont apparus. Ils
concernent :
- le
caractère contraignant ou indicatif des objectifs nationaux
d'utilisation des ENR
;
- la
prise en compte de l'incinération des déchets au
titre de ces énergies
.
Sur le premier point, le Parlement et le Conseil sont convenus que si les Etats
ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs nationaux, la Commission
présentera des propositions qui pourront comporter des objectifs
contraignants. Le second point reste en discussion.
Autre signe de l'intérêt que porte l'Europe à la
maîtrise de la consommation d'énergie et à la
réduction des émissions de gaz à effet de serre : la
Commission a préparé un
projet de directive sur le commerce
des crédits d'émission de gaz carbonique
. Issu du protocole
de Kyoto, ce mécanisme tend à réduire les émissions
industrielles de gaz à effet de serre en allouant à chaque site
industriel un
permis annuel d'émission de gaz polluants
. Le site
pourrait acheter ou vendre ces permis en fonction du taux de réalisation
de l'objectif qui lui est assigné.
Dans le même esprit, on notera que la Commission européenne a
autorisé le système des «
certificats
verts
» imaginé pour le secteur électrique de
Flandre. Il prévoit de soumettre les distributeurs
d'électricité à l'obligation d'avoir recours, pour une
partie de leur activité, à du courant produit à partir de
sources d'énergie non polluantes. Fixé, en 2001, à
0,96 % du total des ventes d'électricité aux clients finals,
ce quota croîtrait progressivement jusqu'à 5 %. Les
distributeurs qui ne le respecteraient pas seraient assujettis à une
taxe destinée à alimenter un fonds pour les énergies
vertes.