Projet de loi de finances pour 2002 - Tome VI : Energie
BESSON (Jean)
AVIS 89 - TOME VI (2001-2002) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES
Rapport au format Acrobat ( 170 Ko )Table des matières
- AVANT-PROPOS
-
CHAPITRE IER -
LE BILAN ÉNERGÉTIQUE FRANÇAIS POUR 2000 -
CHAPITRE II -
L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L'ÉNERGIE-
I. LE SECTEUR DE L'ÉLECTRICITÉ
- A. LA DYNAMIQUE DU MARCHÉ ÉLECTRIQUE
- B. PREMIER BILAN DE L'OUVERTURE EN EUROPE
- C. LES CRISES DU SECTEUR DE L'ÉLECTRICITÉ
- II. LE SECTEUR GAZIER
-
I. LE SECTEUR DE L'ÉLECTRICITÉ
-
CHAPITRE III -
CONCILIER LA POLITIQUE DE L'ÉNERGIE
ET LA PRÉSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT -
CHAPITRE IV -
L'ÉNERGIE EN FRANCE EN 2000-2001
N° 89
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2001
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME VI
ÉNERGIE
Par M. Jean BESSON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Gérard Larcher, président ; Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kerguéris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.) :
3262
,
3320
à
3325
et T.A.
721
Sénat
:
86
et
87
(annexe n°
12
)
(2001-2002)
Lois de finances. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La politique énergétique de la France fait, depuis plusieurs
années, l'objet d'un consensus qui repose sur l'utilisation de
l'énergie nucléaire pour assurer l'indépendance nationale.
Cette option, clairement réaffirmée par le Gouvernement, a
montré toute sa validité à l'occasion de la récente
hausse du prix des produits pétroliers et gaziers. Aussi, ne saurait-il
être question, à brève échéance de la
remettre en cause, sauf à faire courir à notre pays le risque
d'une crise analogue à celle qu'ont connue les Etats-Unis.
Pour autant, la politique énergétique ne saurait demeurer dans
l'attentisme. C'est pourquoi deux pistes doivent être explorées au
cours des mois et des années à venir.
La première consiste à mieux allier politique de l'énergie
et politique de l'environnement. Tel est l'objet des plans ambitieux qui sont
poursuivis pour limiter le volume des émissions de gaz à effet de
serre et pour accroître la part des énergies renouvelables dans la
production nationale.
La seconde tient à renforcer progressivement les mécanismes de
marché afin de diminuer le coût de l'énergie et
d'élargir la palette des choix offerts aux consommateurs.
Tels sont les principaux sujets qui seront examinés dans le
présent rapport pour avis, avant que ne soit évoquée la
situation des différentes composantes du secteur
énergétique français.
CHAPITRE IER -
LE BILAN ÉNERGÉTIQUE FRANÇAIS POUR
2000
La
production nationale d'énergie primaire
a crû, en l'an
2000, de 2,1 % après avoir augmenté, en 1999, de 2,7 %.
Elle atteint 126 millions de tonnes d'équivalent pétrole
(Mtep). Sa structure reste caractérisée par l'importance
incontournable de l'énergie d'origine nucléaire qui atteint
73 % de la production, en hausse par rapport à 1999, année
où elle représentait 71 %. La seconde source de production
française est constituée par l'énergie hydraulique qui
représente 12,8 % du total produit, suivie des énergies
renouvelables autres que l'hydraulique (9,4 %). Les autres sources
d'énergie occupent une part résiduelle : 1,9 % pour le
charbon, 1,5 % pour le pétrole et enfin 1,2 % pour le gaz.
Alors qu'il avait baissé de 82,6 % en 1997 à 79,3 en
l'an 2000, le taux de disponibilité du parc
électro-nucléaire français dont la puissance
installée est de 63.200 Mégawatts (MW), est remonté
à 80,4 % en l'an 2000.
La
consommation totale d'énergie primaire
atteint
257,6 Mtep après correction climatique, en hausse de 1,7 % par
rapport à 1999. Elle se décompose en quatre sources
principales :
- le pétrole pour 38,2 % ;
- l'électricité primaire (nucléaire et hydraulique)
pour 36,8 % ;
- le gaz pour 14,5 % ;
- le charbon pour 5,5 % ;
- les énergies renouvelables autres que l'hydraulique pour
4,9 %.
La
consommation finale énergétique
(différence entre la consommation totale d'énergie primaire, la
consommation finale non énergétique et la consommation de la
branche énergie) représente 215 Mtep. Elle se répartit
entre trois secteurs principaux : le résidentiel-tertiaire pour
46,7 %, l'industrie pour 26,8 %, et les transports pour 24,9 %.
Le solde, soit 1,6 % est constitué par la consommation
énergétique du secteur agricole.
Le
taux d'indépendance énergétique
(rapport
de la production nationale primaire à la consommation totale non
corrigée des effets climatiques) est repassé, en l'an 2000, au
dessus du seuil de 50 % (50,21 %) alors qu'il avait atteint son
étiage en 1998 et 1999 (respectivement avec 48,5 % et 49,4 %).
Il retrouve un niveau voisin de celui observé entre 1993 et 1997,
période pendant laquelle il avait dépassé 51 %.
La
facture énergétique
de la France,
qui
correspond au solde des importations et des exportations de produits
énergétiques, avait crû entre 1998 et 1999, du fait de
l'accroissement du prix des produits pétroliers. En 2000, elle demeure
à un niveau élevé (le double de 1998 soit
23,6 milliards d'euros), et représente 1,7 % du PIB national.
Cet accroissement procède de l'envolée des produits
pétroliers et de la hausse du prix du gaz qui s'en est suivie. Par
delà la hausse globale de la facture énergétique, il
convient de noter que cette évolution résulte de mouvements
divers :
- malgré la hausse des cours, le bas niveau des stocks a
incité les raffineurs, les distributeurs et EDF à reconstituer
leurs réserves, de même que GDF ;
- la diminution de l'extraction de combustibles fossiles s'est
accentuée en France ;
- la douceur du climat a, en revanche, eu un impact favorable sur la
facture énergétique, qu'elle a diminuée d'environ
2 % ;
- enfin la hausse de la production nationale d'énergie primaire a
aussi tempéré l'accroissement de la facture.
L'intensité énergétique
(rapport entre la
consommation d'énergie primaire corrigée du climat et le PIB
total en volume) poursuit sa décroissance constante depuis 1975. Le
contenu énergétique de la croissance française atteint son
minimum : 74,2 en indice base 100 en 1973.
CHAPITRE II -
L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE
L'ÉNERGIE
Le rapport pour avis sur les crédits de l'énergie inscrits au titre du projet de loi de finances pour 2001, rédigé au nom de la Commission des Affaires économiques, avait souligné deux mouvements de fond : la globalisation des activités au plan international d'une part et l'intégration croissante des entreprises d'autre part. Ces mouvements se sont renforcés en 2001, du fait de la multiplication des investissements à l'étranger et des accords internationaux. C'est dans ce contexte général que se constituent très progressivement les marchés européens de l'électricité et du gaz.
I. LE SECTEUR DE L'ÉLECTRICITÉ
A. LA DYNAMIQUE DU MARCHÉ ÉLECTRIQUE
Les
opérateurs européens du secteur de l'électricité
participent activement à des mouvements de capitaux qui correspondent
soit à des
investissements directs
, soit à des
prises
de participation
, sous la forme d'achats de titres, tant en Europe
même qu'en dehors des frontières de l'Union.
Parmi les opérations réalisées hors d'Europe, on retiendra
les perspectives d'achat, par un opérateur européen, de la
société COPEL vendue par l'Etat brésilien du Parana et,
aux frontières de l'Union, l'annonce d'une ouverture du secteur de
l'électricité en Russie. Dans ce pays, en effet, seule
l'intervention d'investisseurs privés pourrait permettre de pallier les
carences d'un monopole incapable de trouver, par lui-même, les ressources
nécessaires à la modernisation du secteur électrique russe.
Parmi les Etats qui doivent faire leur entrée dans l'Union
européenne, la Pologne a mis en vente plusieurs centrales
électriques. Un consortium dirigé par EDF et Dalkia a
acheté près de la moitié d'une centrale située dans
l'ouest du pays, à l'automne 2001, pour 12 millions d'euros.
Les mouvements observés au sein même de l'Union européenne
ne sont pas moins importants. En Allemagne, l'opérateur suédois
Vattenfall a pris le contrôle de la société HEW qui a
elle-même acquis des participations dans un producteur de lignite
allemand. En Grèce, EDF a demandé un permis de production
d'électricité destiné à réaliser une
installation de production fonctionnant au gaz naturel.
Les deux Etats d'Europe continentale dans lesquels l'organisation du secteur
électrique a suscité le plus d'échos en 2001 n'en
demeurent pas moins l'Italie et l'Espagne.
En
Italie
, EDF a pris le contrôle de 20 % du capital
d'Italenergia, le deuxième opérateur du pays qui contrôle
l'opérateur énergétique Montedison. Selon la presse, cette
société pourrait prochainement tenter d'acquérir les
tranches de centrales électriques que l'opérateur historique,
ENEL, mettra aux enchères dans le cadre de sa privatisation. On notera
cependant les réactions très hostiles suscitées, en
Italie, par cette opération, Rome ayant adopté, en mai dernier,
un décret-loi -dont la conformité au traité de l'Union
européenne est contestée-, en vertu duquel les droits de vote des
entreprises publiques étrangères dont les marchés ne sont
pas ouverts à la concurrence sont limités à 2 % des
sociétés italiennes qu'elles détiennent. On notera
également que l'opérateur espagnol ENDESA a pris le
contrôle, pour 2,6 milliards d'euros, de 7 % du marché
italien, à l'occasion de la privatisation d'Elettrogen, une filiale
d'ENEL.
Dans la
péninsule ibérique
, les deux premiers
opérateurs, ENDESA et IBERDROLA, ont vainement tenté de
fusionner. En outre, l'opérateur italien ENEL a acheté ENDESA
pour 1,87 milliard de francs, soit environ 5 % du marché
espagnol. Enfin, la Commission européenne a autorisé l'achat
d'Hidrocantabrico (quatrième opérateur du pays) par le consortium
EnBW-Villar Mir, dans lequel EDF est représentée, puisqu'elle
détient 34,5 % d'EnBW depuis l'an passé. Cette autorisation
a, cependant, été délivrée sous réserve que
le RTE français accroisse la capacité de transport entre
l'Espagne et l'Hexagone.
On notera qu'en France l'éventualité d'une vente de la filiale de
production d'électricité de la SNCF, la SHEM, est
régulièrement évoquée.
B. PREMIER BILAN DE L'OUVERTURE EN EUROPE
Par comparaison avec la libéralisation du marché de l'électricité survenue aux Etats-Unis, la création du marché intérieur européen de l'électricité apparaît prudente, si l'on considère ses premiers résultats, ou ambitieuse, si l'on s'intéresse à ses objectifs finaux. Une seule chose est sûre, cette libéralisation progressive n'a, en première analyse, eu d'incidence ni sur l'équilibre global du marché ni sur la qualité de la fourniture d'énergie délivrée aux clients. Par comparaison, la libéralisation américaine semble quelque peu improvisée. Aussi apparaît-il utile à votre rapporteur pour avis de faire le point sur la situation actuelle en Europe, avant d'examiner, à titre de contre-exemple, la situation préoccupante qui prévaut aux Etats-Unis.
1. Un fonctionnement « asymétrique »
Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, la libéralisation du marché de l'électricité en Europe atteint des degrés divers qui varient entre 30 %, au minimum, pour la France, la Grèce et le Portugal, et 100 % pour le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suède et la Finlande.
|
Part légale d'ouverture du marché |
Concurrence dans la production |
Séparation de l'activité de transport |
ATR |
|||
Portugal |
30 % |
Autorisation pour les éligibles |
Appel d'offre pour le marché captif |
Juridique 1( * ) |
Acheteur unique pour le marché captif |
Accès réglementé pour les éligibles |
|
France |
Autorisation |
Appel d'offre en cas d'insuffisance |
Gestion 2( * ) |
Accès réglementé |
|||
Grèce |
Autorisation |
Juridique |
|||||
Irlande |
|
||||||
Autriche |
32% |
Juridique : la + grande partie |
|||||
Pays-Bas |
33 % |
|
|||||
Italie |
35 % |
Juridique |
Acheteur unique pour le marché captif |
Accès réglementé pour les éligibles |
|||
Belgique |
|
Accès réglementé |
|||||
Luxembourg |
40 % |
Gestion |
|||||
Espagne |
54 % |
Propriété 3( * ) |
|||||
Danemark |
90 % |
Juridique |
|||||
Finlande |
100% |
Propriété |
|||||
Royaume-Uni |
Irlande du Nord Propriété |
||||||
Suède |
Propriété |
|
|||||
Allemagne |
Gestion / Juridique |
Accès négocié |
A
première vue, on pourrait donc croire que notre pays, tout en respectant
en termes d'ouverture du marché la directive 96/92/CE de 1996, reste au
dernier rang des pays européens. Cette analyse semble erronée
à votre rapporteur pour avis, qui constate que
certains Etats parmi
les quinze sont bien plus en retard que la France
. C'est ainsi que la
Commission européenne a examiné, le 26 septembre dernier,
l'éventualité de poursuites à l'encontre de la Belgique,
qui n'a pas nommé de gestionnaire de réseau ni publié de
tarif d'accès. En Italie, l'autorité chargée de la
régulation du secteur énergétique elle-même a
déploré publiquement les retards pris dans la
libéralisation, et la place prépondérante que conserve
l'opérateur historique ENEL, alors que le prix de
l'électricité est supérieur de 20 % à la
moyenne européenne.
Comme le montre le tableau ci-dessous, qui présente, au regard du
degré théorique d'ouverture, le degré réel
d'ouverture aux échanges communautaires,
il n'existe pas de
corrélation entre le degré théorique d'ouverture du
marché et l'exercice réel de la concurrence sur ce
marché
.
ETAT
D'OUVERTURE DU MARCHÉ EN EUROPE
Source
: Secrétariat d'Etat à
l'industrie.
La commission européenne considère, quant à elle, que
la libéralisation des marchés est trop
« asymétrique »
, dans la mesure où,
estime-t-elle, les Etats qui ont libéralisé a minima conservent
aux opérateurs historiques une base de consommateurs captifs. Cette
analyse semble, pour partie, partagée par les pouvoirs publics allemands
qui ont dans un premier temps émis des réserves sur la prise de
participation d'EDF dans EnBW. Il est loisible de s'interroger, toutefois, de
façon symétrique, sur le réel degré d'ouverture du
marché Outre-Rhin, où le mode de calcul du coût de
transport, en fonction de la distance constitue un réel obstacle au
développement des échanges.
Se fondant sur cette analyse, la Commission de Bruxelles a, dans le
Livre
vert
qu'elle a publié, souhaité une
accélération en trois étapes qui prévoyait
notamment qu'au 1
er
janvier 2003, toutes les entreprises
seraient « éligibles » et qu'au 1
er
janvier 2005, tous les consommateurs, sans distinction, pourraient acheter du
courant chez le producteur de leur choix.
Lors du dernier Conseil
européen de l'énergie, la France et l'Allemagne se sont
opposées à cette approche
, tandis que le Conseil jugeait
souhaitable de parvenir à un accord sous présidence espagnole au
début 2002.
2. La question des interconnexions transfrontalières
Comme
l'a souligné à plusieurs reprises le Commissaire européen
à l'énergie,
l'objectif poursuivi par les quinze n'est pas
d'obtenir l'ouverture de quinze marchés de l'électricité
distincts, mais bien la constitution d'un marché unique du courant
électrique. C'est à ce titre qu'il convient de renforcer les
interconnexions entre les pays européens
.
En la matière, la CRE a accompli, en 2001, un important travail, en
publiant, avec trois de ses homologues étrangers, une
position
commune
sur l'allocation des capacités de transfert
d'énergie, entre la France, la Suisse et l'Italie. De son
côté, le secrétaire d'Etat à l'industrie a
confirmé le renforcement de l'interconnexion entre les réseaux
français espagnols. Encore convient-il de rappeler, en la
matière, le rôle central que joue le réseau de transport
d'électricité (RTE).
Les projets de renforcement des interconnexions avec l'étranger sont les
suivants :
PROJETS D'INTERCONNEXIONS ENTRE LA FRANCE ET LES PAYS
FRONTALIERS
Pays |
Observations |
Allemagne |
Des travaux sur la ligne existante Vigy-Uchtelfangen sont prévus. |
Espagne |
Des travaux visant à accroître la capacité de transit sur les lignes existantes sont planifiés pour 2002. |
Italie |
Des travaux visant à accroître la capacité de transit sur les lignes existantes ont été réalisés. |
Belgique |
Une ligne est projetée entre Moulaine et Aubange. |
Source
: Secrétariat d'Etat à
l'industrie
Votre Commission des Affaires économiques considère que le
choix d'une ouverture maîtrisée a permis une adaptation
progressive du marché de l'électricité. C'est pourquoi,
sans perdre de vue l'objectif que constitue le marché unique de
l'électricité, elle souhaite que celui-ci soit
réalisé de façon pragmatique afin d'éviter
des
à coups
qui seraient préjudiciables aux consommateurs comme
aux producteurs.
3. La situation dans l'hexagone
Après avoir examiné la position des institutions et des acteurs de marché, on examinera les perspectives qu'ouvre la création d'une bourse de l'électricité et les conséquences des réformes sur les consommateurs. En France, 1.400 clients « éligibles » jouissent, en effet, désormais du droit de choisir librement leur fournisseur d'électricité. Ils représentent environ 30 % du marché soit 120 GWh.
a) Les acteurs et le marché
(1) Les institutions
Deux
institutions dont la directive de 1996 a expressément prévu la
création jouent désormais un rôle essentiel au bon
fonctionnement du marché électrique : la Commission de
régulation et le Réseau de transport d'électricité.
La Commission de régulation de l'électricité (CRE)
La CRE est une autorité indépendante chargée
, en vertu
des articles 28 à 40 de la loi n° 2000-108 du
10 février 2000 relative à la modernisation et au
développement du service public de l'électricité,
de
veiller au bon fonctionnement du marché de
l'électricité
afin de satisfaire la demande du consommateur,
lequel doit obtenir de l'ouverture du marché le meilleur rapport entre
la qualité de l'électricité et son prix.
Au cours de l'exercice 2000-2001, la CRE a eu une
très intense
activité
, notamment marquée par l'étude des
modalités de la séparation comptable d'EDF et du RTE et par
l'élaboration de plusieurs importants projets de décrets et
d'avis sur le régime tarifaire applicable à
l'électricité. Le temps de réaction de ses services a
été particulièrement rapide, puisque ses
délibérations ont été rendues dans un délai
qui a varié entre 5 et 53 jours, au maximum, délai
remarquablement bref si l'on songe à la complexité des sujets
évoqués.
Tout comme il l'avait noté lors de l'examen du projet de loi de finances
pour 2001, votre rapporteur pour avis constate que
les moyens dévolus
à la CRE demeurent très en deçà de ceux qui lui
seraient nécessaires
. Son effectif théorique de
80 emplois en 2001 n'a permis de recruter que 65 agents -y compris
les commissaires-, compte tenu du niveau de qualification requis et des
rémunérations qui s'ensuivent. Dans son
Rapport annuel
paru en 2001, la CRE déclare continuer à
«
s'interroger sur la compatibilité entre sa soumission aux
règles habituelles d'élaboration du budget de l'Etat et le
principe d'indépendance qui gouverne et légitime son statut. En
effet, le Gouvernement
fixe ses ressources alors qu'il est aussi le
propriétaire de l'opérateur historique
»
4(
*
)
.
A ce titre, la CRE estime que deux voies pourraient être explorées
afin d'accroître son autonomie financière :
- l'affectation d'une ressource propre qui pourrait être assise sur
le chiffre d'affaires des gestionnaires de réseaux ;
- un dialogue direct avec le Parlement pour la fixation de son budget.
Votre Commission des Affaires économiques souscrit à
l'objectif de doter la CRE des ressources dont elle a besoin et rappelle que
les moyens dont cette autorité indépendante est dotée sont
notoirement moins élevés que ceux de ses homologues
étrangers.
Le réseau de transport de l'électricité (RTE
)
En vertu des articles 12 et 14 de la loi du
10 février 2000,
le RTE
, qui constitue un service
d'EDF,
est chargé de l'exploitation, de l'entretien et du
développement du réseau de transport
d'électricité
. Ce service est indépendant d'EDF au
plan budgétaire et comptable. Son directeur est nommé par le
ministre chargé de l'énergie, après avis de la CRE.
Le RTE gère 100.000 kilomètres de lignes à
très haute tension
, un centre de « dispatching »
national et sept centre régionaux. Son chiffre d'affaires est d'environ
25 milliards de francs. Ses agents sont au nombre de 8.000.
Le programme d'investissement du RTE, qui est autofinancé, est
approuvé par la CRE et s'élève
à 4,7 milliards de francs. Dans la perspective de
l'élaboration du projet de programme d'investissement pour 2002, la CRE
a demandé au RTE :
- de présenter sa stratégie d'aménagement et de
développement du réseau de transport ;
- de développer de nouvelles méthodes économiques de
sélection des projets d'investissement tenant compte de
l'indépendance et des missions qui caractérisent le RTE ;
- de fournir des éléments de comparaison étrangers,
notamment sur le plan des coûts.
(2) Les fournisseurs
Depuis
la suppression du monopole d'EDF, le nombre de producteurs et de fournisseurs
d'électricité a fortement augmenté en France.
Les nouveaux entrants
Sans procéder à une analyse exhaustive de l'activité des
nouveaux entrants, votre rapporteur pour avis constate que la liste tenue
à jour -sur la base de déclarations volontaires- par la CRE
comprend désormais 37 noms, parmi lesquels figurent des producteurs
originaires de tous les Etats membres de l'Union européenne.
Comme le montre le tableau ci-dessous, on retiendra, parmi les producteurs
nationaux concurrents d'EDF, la SNET (au capital de laquelle l'espagnol ENDESA
est entré à hauteur de 30 %) et la Compagnie nationale du
Rhône. Celle-ci a conclu un accord avec Electrabel pour créer une
filiale de commercialisation de l'énergie qu'elle produit à
partir de barrages, sous le nom d'Electricité du Rhône (EDR).
Comme le montre le tableau ci-dessous, EDF produit encore 90 % de
l'électricité générée dans
l'Hexagone :
Producteurs |
Part dans la production nationale |
EDF (hors CNR) |
90 % |
CNR |
3,5 % |
SNET, Soprolif, Sodelif |
1,5 % |
SHEM |
0,3 % |
Petits producteurs hydrauliques hors SHEM |
1,2 % |
Cogénérateurs |
1,2 % |
Autres |
2,3 % |
Total |
100 % |
Source
: Secrétariat d'Etat à
l'industrie.
Pour accroître le nombre des fournisseurs en France,
la Commission
européenne a, en outre, souhaité qu'Electricité de France
mette à disposition d'opérateurs concurrents 6.000 MW de
capacités de productions
, lesquels permettront à ces
producteurs de disposer d'une plus large palette d'outils de production que la
CRE définit comme des « quasi-moyens de production
domestique »
5(
*
)
.
Selon la Commission de régulation,
la capacité totale
cédée représente près du tiers de la consommation
de marché ouvert
. Elle correspond à un volume total de
production supérieur à celui vendu à des tiers dans un
pays tel que l'Italie, qui a choisi de céder purement et simplement des
centrales pour parvenir aux mêmes fins.
Electricité de France
L'incidence sur l'opérateur historique français de l'ouverture du
marché est indéniable, puisqu'aux dires mêmes de ses
dirigeants
6(
*
)
;
Electricité de
France aurait, depuis l'an 2000, perdu 8 % de ses clients éligibles
soit 75 gros clients répartis sur 105 sites
. Cette
proportion est conforme à celle observée dans les autres Etats de
l'Union européenne où elle oscille entre 5 et 10 % des
clients.
Confrontée à une hausse de la concurrence sur son marché
domestique, EDF a exprimé la volonté d'accroître la part de
ses activités réalisées hors de France. Elle a, à
ce titre, réalisé d'importants investissements hors de France
à l'instar :
- d'un accroissement de ses participations dans CINERGY (actionnaire
majoritaire d'AZITO Energie - centrale à gaz de 300MW - en Côte
d'Ivoire) et dans EnBW en Allemagne ;
- de l'achat de 35 % du capital de Rybnik (centrale charbon de
1.760 MW en Pologne) ;
- du financement des deux centrales de production en Egypte ;
- de sa prise de participation dans MONTEDISON.
- de l'obtention de licences : pour la construction, le financement
et l'exploitation de la centrale au gaz naturel Rio Bravo 3 (495 MW) au Mexique
et pour un investissement dans la centrale électrique Phu My 2 au
Vietnam (715 MW cycle combiné gaz naturel) en coopération avec
SUMITOMO et TOPCO.
b) La création d'une bourse de l'électricité
Votre
Commission des Affaires économiques se félicite que le
secrétaire d'Etat à l'industrie ait, devant la CRE réunie
le 29 mars 2001, publiquement soutenu le projet de marché
« spot » français de l'électricité,
qui constituera un « marché de gros ». Par une
délibération du 20 septembre dernier, la CRE a d'ailleurs
approuvé les règles qui régiront ce marché, lequel
permettra de faire émerger un prix de référence au sein du
système électrique français et de prévenir la
délocalisation des transactions vers des bourses
étrangères.
Cette bourse pourrait voir le jour dans le courant de l'automne 2001. On
notera que, comme le montre le tableau suivant, la libéralisation du
secteur de l'électricité en Europe a suscité la
création de six bourses de l'électricité.
LES BOURSES DE L'ÉLECTRICITÉ EUROPÉENNES
Nordpool |
Norvège, Suède, Danemark |
deux marchés à J-1 (ELSPOT, créé en 1993) et H-2 (ELBAS) |
APX (Amsterdam Power Exchange) |
Pays-Bas |
juin 1999 |
LPX (Leipziger Power Exchange) |
Allemagne |
juin 2000 ; Nordpool en possède 35 % |
EEX (European Energy Exchange) |
Allemagne |
août 2000 |
PPE (Polish Power Exchange) |
Pologne |
juin 2000 |
Powernext |
France |
Démarrage prévu en octobre 2001 |
EGL Italia |
Italie |
Création repoussée en 2002 |
Source
: secrétariat d'Etat à
l'industrie
.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis,
ces bourses ont souvent rencontré des difficultés en phase de
démarrage, lesquelles étaient liées aux faibles volumes
échangés ou aux contraintes physiques des réseaux.
c) Vers la constitution du fonds du service public de la production d'électricité
Créé par l'article 5-I de la loi du 10
février 2000,
le fonds du service public de la production
d'électricité
(FSPPE), est destiné à compenser
les surcoûts qui peuvent résulter, pour électricité
de France et pour les distributeurs non nationalisés (DNN), des
mécanismes de l'obligation d'achat ou des appels d'offres
destinés à promouvoir l'essor des énergies renouvelables
et des techniques performantes au plan énergétique. Il prend
aussi en charge les contrats conclus et négociés avec EDF et les
DNN avant la publication de la loi, lorsque ces contrats sont maintenus par les
producteurs.
Les contributeurs au fonds seront :
- les opérateurs nationaux qui livrent de
l'électricité aux clients finals installés en France
(producteurs dont la puissance des installations est supérieure à
4,5 MW, opérateurs faisant de l'achat pour revente, organismes de
distribution) ;
- les auto-producteurs pour la consommation de l'électricité
qu'ils produisent, au-delà de 240 millions de kWh ;
- les clients finals qui importent ou qui effectuent des acquisitions
intracommunautaires d'électricité.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis,
le dispositif d'évaluation des charges reposerait sur la
déclaration des charges de l'année précédente,
effectuée par les opérateurs qui les supportent (EDF et les DNN).
A partir de cette déclaration la Commission de régulation de
l'électricité évaluerait le montant des charges pour
l'année à venir. Ce montant global, ainsi que le montant de la
contribution par kWh, serait arrêté et publié par le
Gouvernement. Le
versement des contributions
s'apparenterait, quant
à lui, au mécanisme de recouvrement de la TVA.
Votre Commission des Affaires économiques souhaiterait
connaître la date à laquelle le FSPPE sera opérationnel.
4. Appréciation générale sur le fonctionnement du nouveau système
Deux
sujets retiennent l'attention en ce qui concerne les premiers effets de
l'ouverture du marché de l'électricité : son
incidence sur les prix pour les clients éligibles
, et
l'efficacité des mécanismes mis en oeuvre pour financer le
service public.
Effet de la libéralisation sur les prix
Tout en soulignant la relative réticence des clients éligibles
à changer de fournisseur, et le fait qu'aujourd'hui, 90 % du
marché est encore approvisionné par l'opération
historique,
la CRE estime que les clients éligibles ont
profité, au minimum, d'une baisse de 15 % de leur coût
d'approvisionnement énergétique
du fait de la
libéralisation partielle du secteur. Cette observation concorde avec
l'analyse de la Commission européenne qui estime qu'au cours des quatre
dernières années les prix de l'électricité ont
baissé de 16 % en France, et 12 % en Allemagne et au Royaume-Uni.
Parallèlement, les prix de vente de l'électricité aux
clients non éligibles français ont baissé de 1,35 % en
2000.
Selon le secrétariat d'Etat à l'industrie, l'ouverture à
la concurrence s'est traduite par la baisse du prix de
l'électricité dans la plupart des pays européens, au
profit à la fois des ménages et des industriels, tout en
maintenant toutefois une forte segmentation par taille de clients. La baisse
des prix a été significative lorsque le niveau du prix de
l'électricité était à l'origine élevé
(par exemple pour l'Allemagne de -14 à -23 % dans le secteur
industriel).
Toutefois, la même source évoque un retournement de tendance, qui
se traduit par une hausse du prix de l'électricité, notamment
pour les consommateurs domestiques. Ainsi, sur la période comprise entre
1996 et 1999, le prix de l'électricité a augmenté en
moyenne de 0,8 % en Allemagne et de 13,2 % au Royaume-Uni, deux pays
dont les marchés sont théoriquement entièrement
libéralisés (cf. la communication de la Commission au Conseil et
au Parlement européen du 16 mai 2000).
Le Secrétariat d'Etat souligne enfin qu'en France, sur la période
considérée, en dépit d'un niveau de prix de départ
déjà particulièrement compétitif, le prix de
l'électricité a baissé de 9,3 % pour les consommateurs
domestiques, secteur qui demeure sous un régime de monopole.
Le financement du service public
Le montant estimé du fond est de 4,5 milliards de francs pour l'an
2000. Il croîtra dans les années à venir, à cause
des nouvelles obligations d'achat (courants produits par des ENR telles que
l'éolien).
Selon la CRE, le système déclaratif existant serait lourd et
complexe
, de nature à permettre une certaine
« évasion » des cotisations, laquelle se renforcera
avec l'abaissement progressif du seuil d'éligibilité.
Votre Commission des Affaires économiques souscrit à la
recommandation de la CRE pour qui, sans remettre en cause le principe d'une
contribution uniforme par kWh consommé, une modification technique de la
loi permettrait que les gestionnaires de réseaux prélèvent
une contribution proportionnelle aux kWh ayant transité sur leur
réseau. Pour des motifs d'égalité et
d'équité entre les cotisants et dans un souci
d'efficacité, la Commission des Affaires économiques souhaite
connaître l'avis du Gouvernement sur ces propositions.
C. LES CRISES DU SECTEUR DE L'ÉLECTRICITÉ
1. La crise du secteur électrique en Californie
Au cours
de l'hiver 2000-2001, la Californie, Etat le plus peuplé des
Etats-Unis, a connu une crise du marché électrique sans
précédent. Cette crise a surpris l'opinion publique de l'un des
Etats les plus riches -il représente à lui seul près de
15 % du produit intérieur brut américain- et surtout de
celui qui a devancé tous les autres en adoptant, dès 1996, une
loi portant libéralisation du secteur électrique, entrée
en vigueur en 1998. C'est pourquoi il convient de tenter de tirer les premiers
enseignements de ces événements.
Une pénurie électrique sans précédent
La crise a touché aussi bien les consommateurs que les distributeurs
d'électricité
.
Au cours du mois de janvier 2001,
des coupures de courant ont
été imposées aux abonnés
pour éviter
l'écroulement du système électrique. En mars, la crise se
poursuivant, les pouvoirs publics ont institué des coupures
« tournantes » qui ont occasionné de gigantesques
embouteillages, puisque les feux de circulation ne fonctionnaient pas, et des
dommages à l'économie californienne dans son ensemble. Au
printemps, la crise s'est diffusée dans d'autres Etats de l'Ouest du
pays (Arizona, Oregon, Nevada) et jusque dans les Etats de Washington et de New
York où des pénuries étaient redoutées pour
l'été.
La crise a notamment entraîné la
faillite du premier
distributeur d'électricité de Californie
, Pacific Gas et
Electric, qui a déposé son bilan le 6 avril 2001, ce
qui a accru la désorganisation du secteur. Cette faillite était
due à la conjugaison du décuplement des prix de gros aux heures
de pointe et de l'interdiction d'accroître le prix de vente au
consommateur final. Au total, selon une étude citée par
Les
Echos
des 18-19 avril 2001, la pénurie de courant pourrait
avoir coûté 21,8 milliards de dollars à
l'économie californienne dans son ensemble, et causé la perte de
135.000 emplois, outre une diminution du revenu des ménages
estimée à 4,5milliards de dollars.
Une crise causée par un manque d'investissement et une
libéralisation inefficace
La première cause de la crise américaine résulte d'un
sous-investissement
manifeste tant en termes de production qu'en
matière de transport de courant.
Les capacités de production de courant n'ont pas suivi le rythme du
développement de l'économie américaine
, si bien que
les marges de sécurité de production n'ont pas été
respectées. Le problème n'est d'ailleurs pas résolu pour
l'avenir, puisque l'on estime que la demande devrait croître de 20
à 25 % au cours de la prochaine décennie tandis que l'offre
n'augmenterait que de 4 % environ si aucun dispositif encourageant
l'investissement n'entre en oeuvre.
La question de la création de lignes à très haute
tension, les seules qui permettent de créer un véritable
marché unifié se pose également de façon
récurrente
, du fait des difficultés rencontrées pour
installer ces lignes. Selon un responsable du Minnesota, la dernière
ouverture de ligne dans cet Etat daterait de 1978 et l'on aurait, dès
cette époque, dû surmonter des obstacles pour la mener à
bien, vu l'hostilité de l'opinion publique à l'installation des
lignes à très haute tension.
Pour lutter contre le sous-investissement chronique qui a atteint le secteur
énergétique américain, le président des Etats-Unis
a présenté en mai 2001, un « plan
énergétique national » qui prévoit notamment la
construction de plusieurs centaines de centrales électriques au cours
des vingt prochaines années et la promotion du nucléaire qui ne
représente aujourd'hui que 20 % du potentiel de production
énergétique américaine.
Une libéralisation incontrôlée
Comme le souligne l'analyse de la crise américaine
présentée par la Commission de régulation de
l'électricité française
7(
*
)
,
le déséquilibre entre l'offre et la demande observé aux
Etats-Unis résulte de divers facteurs, outre le sous-investissement
déjà évoqué, à savoir :
- une hausse de la consommation plus élevée que prévu
du fait de la croissance économique ;
- un parc de centrales vieillissantes dont la disponibilité laisse
à désirer ;
- des conditions climatiques défavorables (sécheresse de
l'été, et rigueur l'hiver) ;
- le quadruplement du prix du gaz naturel observé entre
janvier 2000 et janvier 2001.
Dans ce contexte,
la hausse des prix de gros de l'électricité
a été fatale aux distributeurs qui n'avaient pas le droit de la
répercuter sur les consommateurs finaux
. En effet, la loi de
libéralisation adoptée en 1996 prévoyait qu'en
contrepartie de la faculté de recouvrer le montant des
« coûts échoués » accordée aux
distributeurs, les hausses de tarifs à la vente leur étaient
interdites jusqu'en mars 2002.
Les remèdes apportés à la crise californienne attestent
de la nécessité d'une régulation efficace du
marché
. Ils consistent d'une part en une
hausse du prix de
l'électricité de 40 % en moyenne
, destinée
à rembourser à l'Etat de Californie les sommes qu'il a
engagées pour financer l'achat en gros d'électricité aux
compagnies locales et d'autre part,
en une surveillance du mode de fixation
du prix de l'électricité sur le marché de gros
. Il
semble, en effet, que les producteurs aient tiré profit des tensions
existantes sur le marché pour majorer leurs bénéfices.
Enfin, au cours de l'hiver 2001, l'Etat de Californie a conclu des
contrats d'approvisionnement à long terme avec des fournisseurs
d'électricité pour les dix prochaines années.
Comme le souligne la CRE, la principale conclusion à tirer de cette
crise est que : «
aucun modèle de marché ne
peut empêcher un déséquilibre entre l'offre et la demande
de s'instaurer si des projets d'équipement de centrales de production
sont durablement bloqués par les autorités politiques,
administratives, ou par les oppositions locales
»
8(
*
)
.
2. La gestion du risque « réseau » en France à la suite des tempêtes de 1999
Bien
qu'elle n'ait pas revêtu l'ampleur de la crise américaine de 2001,
la crise survenue en France à la suite des graves tempêtes de
1999, a montré les risques qu'encourt le système de transport et
de distribution. Dans un rapport annuel 2000, le Réseau de
transport de l'électricité dresse le bilan suivant des
tempêtes qui l'ont mis dans l'incapacité d'acheminer environ
117 GWh d'électricité en :
- endommageant 1.000 pylônes du réseau à
très haute tension et à haute tension (environ 0,5% du
parc) ;
- mettant hors tension 119 lignes à très haute tension
et 421 lignes à haute tension ;
- privant d'alimentation 184 postes sources de 90.000 et
63.000 volts, ainsi que de deux postes de 400.000 volts.
Elles ont, en outre, mis hors service :
- 38 des 447 circuits 400.000 volts (soit 8,5 % du parc
national) et 135 des 27.000 supports 400.000 volts (soit 0,5 % du
parc national) ;
- 81 des 1.421 circuits de 150.000 et 225.000 volts (soit
5,7 % du parc) et 145 des 63.000 supports (soit 0,2 % du
parc) ;
- 421 des 5.093 circuits de 63.000 et 90.000 volts (soit 7,6 %
du parc) et 790 des 170.000 supports (soit 0,5 % du parc).
Un rapport présenté au Gouvernement par le Conseil
général des mines, a récemment souligné
qu'il
serait souhaitable de renforcer la politique d'enfouissement des lignes
. Il
a insisté sur la supériorité de l'enfouissement pour tous
les types de réseaux, tout en rappelant les différences de
coût encore notables qui jouent en sa défaveur, notamment pour les
réseaux à haute tension, outre certains inconvénients tels
que la sensibilité des réseaux enfouis aux inondations. Compte
tenu du coût estimé des tempêtes pour la collectivité
nationale (35 à 40 milliards de francs) et du risque de voir
survenir de tels événements (50 à 100 ans), le
Conseil général des mines considère qu'il n'y a pas lieu
de consacrer plus de 3 milliards de Francs par an à l'enfouissement
des réseaux. A l'exception de la moyenne tension, la recherche d'une
utilisation optimale de cette enveloppe à la seule fin de
sécurisation des réseaux électriques conduirait à
privilégier le renforcement des réseaux aériens.
S'agissant de la basse tension, le Conseil général des mines
envisage dans un souci esthétique, qu'environ 30 milliards de
francs supplémentaires soient consacrés, sur 25 ans,
à l'enfouissement d'une partie du stock des réseaux à
basse tension.
Enfin, en ce qui concerne le réseau de transport, il serait
envisagé d'enfouir plus systématiquement les nouveaux
réseaux dans la périphérie des grandes
agglomérations.
Votre Commission des Affaires économiques s'interroge, quant à
elle, sur plusieurs conclusions du rapport précité. Elle estime,
en premier lieu, que toute modification du rôle des collectivités
concédantes de la distribution d'électricité (et notamment
des compétences des maîtres d'ouvrages) ne saurait s'inscrire que
dans le cadre global d'un réexamen des contrats de concession.
Elle considère, en outre, en ce qui concerne la sécurisation des
réseaux, que les programmes de travaux doivent être
élaborés par les concessionnaires et soumis, pour accord, aux
autorités concédantes, ce qui n'est, malheureusement pas toujours
le cas aujourd'hui.
Elle souscrit à l'objectif d'enfouir, d'ici à 25 ans,
80 % des lignes à basse tension en conducteurs nus, sous
réserve qu'un objectif équivalent soit également
fixé pour les lignes aériennes isolées.
Elle estime souhaitable que des études complémentaires soient
réalisées sur le financement des investissements destinés
à la sécurisation, pour chiffrer les conséquences sur les
tarifs d'utilisation des réseaux et sur la fiscalité locale d'une
politique d'enfouissement des lignes de distribution.
Elle souhaiterait connaître le montant de l'abattement forfaitaire
susceptible d'être opéré sur les factures
d'électricité des consommateurs qui subissent des interruptions
de la fourniture de courant.
D'un point de vue plus général, votre commission des Affaires
économiques souhaiterait que les concessionnaires de la distribution
d'électricité fournissent au autorités concédantes
un état patrimonial mis à jour.
S'agissant de l'élaboration d'un système d'information
géographique national de cartographie des lignes par EDF, elle souhaite
que ce système soit compatible avec les instruments utilisés par
les collectivités locales et que les collectivités
concédantes y aient accès pour exercer leur pouvoir de
contrôle de l'exécution du service
. Elle rappelle aussi que
l'article 53 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire prévoit, d'ores et déjà, qu'un décret
définira les caractéristiques d'un système national de
référence de coordonnées géographiques,
planimétriques et altimétriques auxquelles seront
rattachées toutes les informations localisées issues des travaux
topographiques ou cartographiques réalisés par l'Etat, les
collectivités locales, les entreprises chargées de
l'exécution d'une mission de service public ou pour leur propre
compte.
II. LE SECTEUR GAZIER
Le secteur gazier européen se trouve actuellement dans une période de transition, puisque la commission de Bruxelles a souhaité accélérer la libéralisation avant même que la directive de 1998, qui est juridiquement entrée en vigueur au mois d'août 2000, ait porté tous ses fruits.
A. LA MULTIPLICATION DES FUSIONS ACQUISITIONS ET DES PRISES DE PARTICIPATION
Si elles
sont moins nombreuses que celles enregistrées sur le marché de
l'électricité, les opérations de fusion-acquisition et de
privatisation opérées dans le secteur gazier n'en restent pas
moins d'actualité. C'est ainsi que la Norvège a ouvert le capital
de son opérateur historique, Statoil, en introduisant en bourse
17,5 % de celui-ci. Au mois de juillet dernier, l'opérateur russe
Gazprom a annoncé qu'il entendait faire passer la part du capital
détenu par des opérateurs étrangers de 11,5 à
20 %.
Parmi les opérations récemment survenues en Europe, on retiendra
notamment l'alliance entre le groupe pétrolier italien ENI et
l'énergéticien allemand EnBW destinée à
créer une filiale commune de transport et de vente de gaz en Allemagne.
De son côté, Gaz de France a :
- réorganisé ses participations en Allemagne en
renforçant notamment ses activités gazières dans les
nouveaux Länder ;
- annoncé une hausse des ses investissements au Mexique ;
- annoncé son association avec Ruhgas pour entrer dans le capital
de la Société de distribution Tchèque Transgas ;
- fait son entrée au capital de l'opérateur indien petronet
LNG.
B. L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ EUROPÉEN
1. Une ouverture du marché encore imparfaite
Malgré l'entrée en vigueur de la directive de
1998,
l'ouverture du marché gazier en Europe demeure limitée. Aussi, le
forum des régulateurs du gaz européen, réuni à
Madrid en juillet 2001, a-t-il souligné le manque de
flexibilité du marché gazier européen, et les
carences
des capacités de transport
. Les questions posées par
l'interopérabilité des gestionnaires
de réseaux de
transport ont aussi été soulevées. Il est, en effet,
nécessaire d'assurer le traitement non discriminatoire des transporteurs
par des moyens appropriés (protocoles de communication
normalisés, harmonisation des définitions et des unités de
mesure...). Selon
Europolitique
du 11 juillet 2001 :
«
Les autorités ont exprimé leur
« déception »
car
il n'a pas
été possible de
publier
« la capacité
disponible détaillée aux principaux points d'entrée et de
sortie du gaz en Europe ».
C'est dans ce contexte que l'Office fédéral allemand des cartels
a déploré, en juin 2001, que la libéralisation
gazière soit encore insuffisante, tandis qu'au mois de septembre
suivant, la fédération européenne des
« traders » en énergie décidait de ne plus
participer aux négociations relatives à la libéralisation
du marché outre-Rhin. De son côté, l'opérateur
Ruhrgas mettait en garde contre l'éventualité d'une crise
analogue à celle de Californie, susceptible de résulter de
l'interdiction de conclure des contrats d'approvisionnement de longue
durée et considérait que l'idée de maintenir durablement
des prix peu élevés qui sous-tend les projets de
libéralisation était illusoire.
2. Vers un renforcement de la libéralisation
La
Commission européenne a adopté, le 13 mars 2001, une
proposition de directive tendant à réviser les directives
« gaz » de 1998 et
« électricité » de 1996. Outre des mesures
techniques tendant à renforcer la libéralisation du marché
(accès des tiers au réseau en fonction d'un tarif
réglementé, création d'un régulateur
indépendant approuvant les conditions d'accès au réseau et
les modalités de répartition des capacités
d'interconnexion...), elle a proposé le calendrier suivant :
- au
1
er
janvier 2003
,
éligibilité de
toutes les entreprises consommatrices
d'électricité
;
- au
1
er
janvier 2004
,
éligibilité de
toutes les entreprises
à la
fourniture de
gaz
;
- au
1
er
janvier 2005,
éligibilité de tous les consommateurs européens, sans
exception.
Examinées par le Conseil européen de Stockholm, ces propositions
« maximalistes » n'ont finalement pas été
retenues, la France et l'Allemagne considérant le calendrier
proposé par Bruxelles comme inenvisageable.
C. LA SITUATION SUR LE MARCHÉ FRANÇAIS
1. Tarifs et consommation
En
l'an 2000, les tarifs du gaz
, qui sont indexés moyennant un
« effet retard » sur ceux du pétrole,
ont
augmenté par deux fois : + 6,5 % en mai et + 13 % en
septembre. En mars 2001, le prix du gaz a de nouveau augmenté d'environ
13 %
. Ces évolutions résultent du doublement du
cours du pétrole brut en 1999-2000.
La consommation de gaz a crû de + 3,6 % entre 1999 et l'an
2000
, du fait de l'accroissement de la consommation industrielle.
2. La question du statut de GDF
Malgré une forte augmentation de son
chiffre
d'affaires
qui
atteint 73 milliards de francs
, soit
+ 23 % en 2000, GDF enregistre une diminution de son
bénéfice de 3 % qui atteint 2,8 milliards de francs.
Cette baisse procède directement du
décalage existant entre la
hausse des prix à l'achat -elle-même due à la hausse des
prix du pétrole- et sa répercussion sur les prix à la
vente
.
C'est dans ce contexte général que se pose
la question de la
« sociétisation »
de Gaz de France
,
autrement dit de son passage du statut d'établissement public d'Etat
à celui de société à capitaux publics majoritaires.
Celle-ci apparaît, de l'avis de tous les experts, comme une
nécessité incontournable pour que GDF puisse mettre en oeuvre une
stratégie industrielle de long terme. En effet, comme l'opérateur
historique ne produit que 5 % du gaz qu'il commercialise, il doit se
constituer des réserves plus étendues. Envisagée par le
Gouvernement au printemps 2001, cette opération a été
repoussée à une date ultérieure.
Votre Commission des Affaires économiques observe cependant que pour
poursuivre son développement, GDF a besoin de trouver des capitaux
propres dès que possible. Faute de quoi, cet opérateur verra sa
notation abaissée sur les marchés financiers internationaux et sa
dépendance financière, due à une hausse de son
endettement, limiter ses projets. C'est pourquoi, votre Commission des Affaires
économiques entend connaître les mesures que le Gouvernement
envisage de prendre pour remédier à une situation
préjudiciable à l'opérateur gazier historique
français.
3. Etat de la transposition de la directive de 1998
La
commission européenne a saisi, le 8 mai 2001, la Cour de
justice des Communautés pour non transposition de la directive
« gaz » par la France, tandis que le régulateur
espagnol notifiait officiellement, au cours de l'été, à
GDF qu'il lui serait désormais interdit d'accéder au
réseau de transport ibérique. De son côté, le
Gouvernement a souligné devant le Sénat, le
10 mai 2000, que le marché français était ouvert
même si la directive n'était pas formellement transposée.
Il soulignait, en outre que :
- les conditions générales et la tarification de
l'accès au réseau ont été rendues publiques par les
différents opérateurs de transport (GDF, CFM et GSO) et sont
disponibles sur Internet. Le niveau de prix de la prestation de transport peut
se comparer favorablement aux tarifs d'accès que pratiquent les
gestionnaires de réseaux situés dans d'autres Etats membres ;
- GDF, CFM et GSO ont complété le dispositif d'accès
au réseau en mettant à la disposition des clients
éligibles un service de « modulation de la fourniture de gaz
» (possibilité de dépôt temporaire de gaz en certains
points des réseaux en apportant certaines garanties d'équilibre
de souscriptions journalières). Cette solution permet d'éviter
l'instauration d'un « d'accès des tiers aux stockages de gaz
», qui mettrait en péril l'équilibre des réseaux
gaziers français et serait discriminatoire à l'encontre des
entreprises de stockage ;
-
l'application du régime transitoire a d'ores et
déjà permis aux premiers clients éligibles de
renégocier leurs contrats de fourniture de gaz
et, dans certains
cas, de changer de fournisseur. GDF a ainsi perdu, dès la fin de
l'année 2000, des clients éligibles représentant un volume
de ventes annuelles de 6 TWh (5 % des ventes aux clients éligibles), au
bénéfice de nouveaux fournisseurs de gaz naturel installés
dans d'autres Etats membres et notamment au Royaume-Uni.
Les pouvoirs publics français soulignent, en outre, que le
degré d'ouverture théorique du marché gazier en Europe est
bien loin de refléter le degré d'ouverture réel des
transactions, ainsi que le montre le tableau ci-dessous :
ÉTAT D'OUVERTURE DU MARCHÉ GAZIER EN EUROPE
Année 2000 |
Degré d'ouverture théorique |
Degré d'ouverture réel
|
Minimum fixé par la directive |
20 % |
|
Autriche |
49 % |
5 % |
Belgique |
59 % |
5 % |
Danemark |
30 % |
0 % |
Finlande |
90 % |
0 % |
France |
20 % |
5 % |
Allemagne |
100 % |
1 % |
Grèce |
0 % |
0 % |
Irlande |
75 % |
NC |
Italie |
96 % |
7 % |
Luxembourg |
51 % |
0 % |
Pays-Bas |
45 % |
45 % |
Portugal |
0 % |
0 % |
Espagne |
72 % |
3 % |
Suède |
47 % |
0 % |
Royaume-Uni |
100 % |
25 % |
Moyenne UE |
79 % |
|
* part
des clients ayant changé de fournisseur
Source
: secrétariat d'Etat à l'industrie.
Votre Commission des Affaires économiques est convaincue de la
nécessité de libéraliser progressivement les
marchés de l'énergie en Europe. Elle constate que nos
compatriotes ne sont d'ailleurs nullement hostiles à ces
réformes. Selon des enquêtes réalisées par le CREDOC
à la demande du Secrétariat d'Etat à l'industrie, en
janvier 2000 et janvier 2001, 67 % d'entre eux
considèrent que l'ouverture du marché gazier présente
plutôt des avantages tandis que leur pourcentage s'élève
à près de 76 % pour le marché de
l'électricité
9(
*
)
.
Elle souhaiterait, cependant, qu'une étude exhaustive du bilan
coût/avantage d'une accélération de la
libéralisation soit effectuée tant pour le marché gazier
que pour le marché électrique
. Elle constate, en effet, que
la Commission européenne soutenait, le 13 mars 2001, en
présentant son projet de directive que les précédentes
mesures de libéralisation avaient entraîné une baisse des
prix d'environ 20 % chez les quinze. Or, selon d'autres sources
10(
*
)
entre avril 2000 et avril 2001, la facture
énergétique globale aurait augmenté de 9 % en
Grande-Bretagne, et 8 % en Allemagne alors qu'elle aurait baissé de
3,6 % aux Pays-Bas et 1,8 % en France.
De telles disparités dans les estimations, non moins que l'exemple de
la crise survenue aux Etats-Unis incitent votre Commission des Affaires
économiques à recommander que les mesures de
libéralisation soient mises en oeuvre avec détermination, mais
avec prudence.
CHAPITRE III -
CONCILIER LA POLITIQUE DE L'ÉNERGIE
ET LA
PRÉSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT
Les pouvoirs publics français souhaitent parvenir à mieux coordonner la politique de l'énergie et la préservation de l'environnement par une action menée tant dans le cadre des négociations internationales multilatérales que grâce à la poursuite des programmes nationaux de maîtrise de la demande d'énergie.
I. LES INCERTITUDES DES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES
A. LES OBSTACLES À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU PROTOCOLE DE KYOTO
Des
objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre ont
été fixés, dès 1997, par la troisième
conférence des parties à la Convention cadre sur les changements
climatiques qui s'est tenue à Kyoto. Cet accord prévoit que
l'Union européenne et les Etats-Unis diminueront respectivement leurs
émissions par rapport à 1990 de 8 et de 7 %, tandis que le
Japon, le Canada, la Pologne et la Hongrie abaisseront les leurs de 6 %.
Compte tenu de la grille de répartition retenue au sein de l'Union
européenne, la France doit, pour sa part, maintenir ses émissions
de gaz à effet de serre au niveau qu'elles avaient atteint en 1990.
Depuis lors, les parties à la Convention cadre sur les changements
climatiques ont poursuivi leurs travaux, conformément au plan d'action
arrêté à
Buenos Aires
en novembre 1998. Ce plan
prévoyait de parvenir avant novembre 2000 à :
- établir un régime de sanctions en cas de non
conformité des engagements et obligations des parties et
déterminer la nature des « mécanismes de
flexibilité » (en particulier les permis négociables
d'émissions) ;
- lancer un programme destiné à assurer la mise en oeuvre de
la convention, notamment par les pays en voie de développement.
Lors de la sixième conférence, tenue à
La Haye
en
novembre 2000, les parties ne sont pas parvenues à un accord et ont
décidé de poursuivre leurs travaux jusqu'à la
conférence qui s'est réunie à Bonn en juillet 2001.
Entre temps,
les Etats-Unis ont annoncé leur refus d'adhérer
au protocole de Kyoto
. Cette décision était, au demeurant,
prévisible après que le président Bush eut annoncé,
en mars 2001, qu'il renonçait à imposer une limitation des
émissions de dioxyde de carbone des centrales thermiques qui utilisent
des combustibles fossiles (alors même que cette limitation constituait
l'un des principaux engagements qu'il avait pris pendant la campagne
électorale en matière d'environnement).
Lors de la
conférence de Bonn
, les parties sont parvenues
à s'entendre sur les engagements financiers pris par les pays
développés en faveur des PVD.
On a décidé
de créer trois nouveaux fonds pour aider les pays en
développement à s'adapter aux effets du changement climatique et
à se procurer les technologies efficaces pour réduire leurs
émissions de gaz à effet de serre
. L'Union européenne,
le Canada, la Suisse et la Norvège, la Nouvelle Zélande et
l'Islande ont déclaré leur intention de verser au total
450 millions d'euros par an, à compter de 2005 pour abonder ces
fonds.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis,
la négociation s'est avérée beaucoup plus
délicate sur la définition des modalités de mise en oeuvre
des engagements pris par les pays développés au titre du
Protocole de Kyoto
. En effet, l'Union européenne et les pays du
G 77, qui avaient pour objectif commun de préserver le volet
environnemental du Protocole de Kyoto, souhaitaient obtenir les
modalités de mise en oeuvre les plus strictes pour le respect des
engagements quantitatifs : limitation du recours aux mécanismes de
flexibilité au profit de politiques et mesures nationales majoritaires,
non prise en compte de certains projets concernant ces mécanismes (en
particulier les projets nucléaires), prise en compte à minima des
puits de carbone (plantation de forêts notamment), mécanisme de
sanction très contraignant en cas de non-respect des objectifs.
En revanche, les pays de « l'Ombrelle » (Canada, Nouvelle
Zélande, Australie, Japon, Russie, Etats-Unis), conscients qu'ils auront
les plus grandes difficultés à respecter les engagements de
Kyoto, ont oeuvré pour minimiser le caractère contraignant du
mécanisme de sanctions et pour obtenir le plus de souplesse possible
dans l'utilisation des mécanismes de flexibilité et des puits de
carbone.
Les Etats-Unis -qui demeurent partie à la Convention sur les Changements
climatiques, bien qu'ils aient annoncé qu'ils ne ratifieraient pas le
Protocole de Kyoto-, ont participé à la négociation. Ils
ont veillé à ce que les dispositions relatives aux engagements
pris au titre de la Convention soient bien distingués de ceux souscrits
au titre de son Protocole.
D'après les services compétents, les compromis trouvés
concernant les engagements quantitatifs de réduction d'émission
des pays développés sur la comptabilisation des puits de carbone,
les mécanismes de flexibilités et le mécanisme de
sanctions seraient suffisamment souples pour permettre aux pays les plus
réticents (Japon, Canada, Australie et Russie) de ratifier le Protocole
de Kyoto et aux Etats-Unis d'y adhérer, le moment venu.
Votre Commission des Affaires économiques se déclare
très préoccupée par l'information selon laquelle l'accord
paraît exclure la comptabilisation des crédits d'émission
de gaz susceptibles de résulter d'investissements de production
nucléaires, dans le cadre des mécanismes de flexibilité,
durant la première période d'engagement. Ces dispositions -qui
reviennent à ne pas prendre en compte le nucléaire dans le
calcul- pénalisent, en effet, une technologie particulièrement
efficace en matière de réduction d'émissions de
CO
²
et pourraient, en conséquence, s'avérer
contraires aux intérêts français.
B. LES INITIATIVES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EN MATIÈRE D'ÉNERGIES RENOUVELABLES
La
commission européenne a rendu publique, en novembre 2000, une
réflexion prospective en partant du constat que sur la base des
tendances actuelles, le taux de dépendance énergétique de
l'Union serait de 70 % en 2030, tandis que les quinze s'avèreraient
incapables de respecter les engagements pris à Kyoto. C'est pourquoi
elle préconise, dans son
Livre vert
sur la sécurité
d'approvisionnement énergétique, une action volontariste pour
stabiliser la demande dans les secteurs du bâtiment et des transports,
sans négliger l'intérêt du développement des sources
d'énergie renouvelables.
Dans ce
Livre vert
, la commission européenne souligne aussi qu'il
convient de développer les autres énergies renouvelables, comme
le bois de chauffage ou l'hydroélectricité, même si les
ressources renouvelables de haute technologie sont, seules, susceptibles de
limiter la tendance vers une dépendance quantitative
énergétique croissante. C'est pourquoi elle s'interroge sur
l'opportunité d'une contribution des secteurs dont le
développement a bénéficié, au départ,
d'aides considérables et qui sont aujourd'hui très rentables,
à l'instar du gaz, du pétrole et du nucléaire.
Les instances européennes préparent également une
directive sur les sources d'énergie renouvelables qui fixe comme
objectif indicatif global aux ENR d'atteindre, en 2010, 12 % de la
consommation énergétique intérieure brute et 22,1 %
de la consommation totale d'électricité dans la
communauté
.
Au cours des débats qui ont eu lieu au Conseil des Ministres
européens, puis au Parlement, en liaison avec la Commission
européenne
deux sujets de désaccords
sont apparus. Ils
concernent :
- le
caractère contraignant ou indicatif des objectifs nationaux
d'utilisation des ENR
;
- la
prise en compte de l'incinération des déchets au
titre de ces énergies
.
Sur le premier point, le Parlement et le Conseil sont convenus que si les Etats
ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs nationaux, la Commission
présentera des propositions qui pourront comporter des objectifs
contraignants. Le second point reste en discussion.
Autre signe de l'intérêt que porte l'Europe à la
maîtrise de la consommation d'énergie et à la
réduction des émissions de gaz à effet de serre : la
Commission a préparé un
projet de directive sur le commerce
des crédits d'émission de gaz carbonique
. Issu du protocole
de Kyoto, ce mécanisme tend à réduire les émissions
industrielles de gaz à effet de serre en allouant à chaque site
industriel un
permis annuel d'émission de gaz polluants
. Le site
pourrait acheter ou vendre ces permis en fonction du taux de réalisation
de l'objectif qui lui est assigné.
Dans le même esprit, on notera que la Commission européenne a
autorisé le système des «
certificats
verts
» imaginé pour le secteur électrique de
Flandre. Il prévoit de soumettre les distributeurs
d'électricité à l'obligation d'avoir recours, pour une
partie de leur activité, à du courant produit à partir de
sources d'énergie non polluantes. Fixé, en 2001, à
0,96 % du total des ventes d'électricité aux clients finals,
ce quota croîtrait progressivement jusqu'à 5 %. Les
distributeurs qui ne le respecteraient pas seraient assujettis à une
taxe destinée à alimenter un fonds pour les énergies
vertes.
II. UNE POLITIQUE NATIONALE ACTIVE
A. LES PROGRAMMES NATIONAUX EN COURS
Deux grands programmes de long terme sont actuellement mis en oeuvre en France : le programme national de lutte contre le changement climatique, d'une part, et le programme national d'amélioration de l'efficacité énergétique.
1. Le programme national de lutte contre le changement climatique (PNLCC)
Elaboré par la Mission Interministérielle de
lutte
contre l'effet de serre,
le programme national de lutte contre le changement
climatique
a été adopté par le Gouvernement le
19 janvier 2000. Il détermine la stratégie mise en
oeuvre au cours de la prochaine décennie pour respecter l'engagement
relatif à la stabilisation des émissions françaises de gaz
à effet de serre. Il repose sur trois types de mesures :
- la réglementation, la normalisation et la labellisation et des
actions de maîtrise de l'énergie touchant tous les secteurs de
l'économie ;
- des instruments économiques ;
- des mesures structurelles dans les transports, le bâtiment et
l'énergie.
Les trois catégories de mesures visent l'ensemble des secteurs :
industrie, production d'énergie et énergies renouvelables,
transports, bâtiment, agriculture, forêts, déchets. Une
contribution significative est demandée au secteur de la production
d'énergie dont la part des émissions de gaz à effet de
serre représente seulement 8 % des émissions totales de
notre pays. Ce programme pourrait permettre à la France, d'ici 2012,
d'éviter d'émettre 16 milliards de tonnes et de stabiliser
les émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de
1990 (144 milliards de tonnes de carbone). En ayant recours à cette
stratégie, la France ne serait ni vendeur net, ni acheteur net de permis
d'émissions.
2. Le programme national d'amélioration de l'efficacité énergétique
Adopté par le Gouvernement le
6 décembre 2000, le nouveau
programme national
d'amélioration de l'efficacité énergétique
(PNAEE) vise à :
- réduire les conséquences des crises
pétrolières qui secouent périodiquement l'économie
mondiale ;
- renforcer l'indépendance énergétique
nationale ;
- compléter le PNLCC.
Afin de favoriser les économies d'énergie, le programme
prévoit de :
- créer un réseau d'information de proximité
géré par l'ADEME en partenariat avec les collectivités
territoriales (points Info-Energie), à destination des particuliers, des
petites entreprises et des collectivités locales (500 personnes
seront recrutées à cet effet) ;
- lancer dans les médias nationaux et régionaux une campagne
nationale d'information pour sensibiliser les Français à la
nécessité de modifier leurs comportements en matière de
consommation énergétique.
Le PNAEE comporte des mesures techniques telles que :
- la création par l'ADEME d'un fonds d'intervention pour
l'environnement et la maîtrise de l'énergie (FIDEME) qui permettra
aux PME de trouver des quasi-fonds propres pour leurs investissements
d'économie d'énergie ;
- l'institution d'un crédit d'impôt de 1.524 € pour
les particuliers et les entreprises qui feront l'acquisition d'un
véhicule fonctionnant au GPL ou d'un véhicule hybride ;
- un programme de développement des énergies renouvelables
comportant notamment la fixation de tarifs d'achat de
l'électricité produite par l'énergie éolienne,
l'hydraulique et l'incinération des ordures ménagères,
particulièrement favorables, sur lequel votre rapporteur reviendra
ci-après ;
- le financement par l'ADEME d'études préalables à
l'élaboration de plans de déplacement urbain (eux-mêmes
éligibles aux aides du ministère chargé des
transports) ;
- le développement du fret ferroviaire (projet
« d'autoroute ferroviaire » entre Lyon et Turin et aide en
faveur du transport combiné) ;
- le renforcement de exigences réglementaires relatives aux
performances thermiques des bâtiments (grâce à une
amélioration des performances énergétiques de 20 %
pour les locaux à usage d'habitation, et de 40 % pour le
tertiaire).
B. L'ACTIVITÉ DE L'AGENCE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE
L'Agence
de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est le principal
outil de mise en oeuvre du PNLCC et du PNAEE. Le montant des
crédits
de fonctionnement
demandés au titre de ses activités pour
2002 reste stable à hauteur de 15,1 millions d'euros
(chapitre 45-91).
Les autorisations de programme
, qui avaient connu
un triplement entre 1998 et 1999, en passant de 14,8 à
36,9 millions d'euros, restent à ce niveau en l'an 2002. En
revanche, les
crédits de paiement
diminuent fortement de 30,5
à 12,2 millions d'euros entre la loi de finances pour 2001 et le
projet de loi de finances pour 2002. Cette baisse résulte d'une
correction des estimations de dépense de l'Agence et tiennent compte du
rythme effectif des mandatement.
Comme le montre le tableau ci-dessous, les crédits d'intervention de
l'ADEME sont destinés, pour près de 40 % aux déchets,
pour 21 % aux transports, et 16 % pour les énergies
renouvelables. Le solde de ces crédits se répartit de
façon équilibrée entre l'utilisation rationnelle de
l'énergie, le bruit et des actions transversales.
AFFECTATION DE LA DOTATION BUDGETAIRE DE L'ADEME
EPRD 2001 après DM3 (05.07.2001) |
ORIGINE BUDGETAIRE DES CREDITS |
||||
|
|
|
|
|
|
THEMES D'INTERVENTION |
Recherche |
Environne-ment |
Industrie |
Autres |
TOTAL |
Déchets |
|
221,4 |
|
2,0 |
223,4 |
Transport Air |
3,9 |
102,4 |
12,9 |
0,9 |
120,2 |
Utilisation Rationnelle de l'Energie |
3,2 |
27,6 |
16,9 |
1,2 |
48,8 |
Bruit |
0,5 |
41,3 |
|
|
41,8 |
Energies Nouvelles et Renouvelables |
13,2 |
48,7 |
26,0 |
6,6 |
94,6 |
Actions transversales |
4,0 |
26,0 |
3,5 |
4,5 |
37,9 |
Action internationale |
0,2 |
1,7 |
0,9 |
6,2 |
9,1 |
TOTAL GENERAL |
25 |
469,1 |
60,2 |
21,4 |
575,8 |
Source
: Secrétariat d'Etat à
l'industrie
En mars 2001, le Conseil d'administration de l'Agence a approuvé le
contrat de plan
avec l'Etat pour la période 2000-2006. Ce
document reprend les trois orientations fixées par le projet
d'entreprise de l'ADEME, à savoir :
- développer une économie du déchet à haute
qualité environnementale ;
- poursuivre et amplifier un effort durable de maîtrise de
l'énergie ;
- améliorer les performances des transports et réduire les
pollutions de l'air.
Des engagements qualitatifs figurent dans le contrat. Ils portent notamment sur
la gestion des procédures, et répondent à des observations
formulées par l'IGF lors d'un récent contrôle à
l'instar de :
- l'optimisation du circuit de la dépense (tenue d'un portefeuille
de projets en préparation, mise en place d'indicateurs
budgétaires, suppression des « journées
complémentaires » pour l'engagement des crédits) ;
- l'amélioration du contrôle interne, avec la création
d'un service de l'inspection générale ;
- l'optimisation des procédures de passation des marchés
(formalisation de la procédure d'achat en dessous du seuil de
consultation de la commission des marchés, création d'une cellule
chargée du suivi de la politique des achats, présentation d'un
rapport à la commission des marchés sur la totalité des
marchés) ;
- l'amélioration de la gestion de l'activité des
personnels ;
- la gestion des ressources humaines grâce à la mise en place
d'un référentiel des métiers et d'un
référentiel des compétences du personnel ;
- enfin, la gestion de l'action internationale avec le
développement d'un outil de comptabilité analytique et du suivi
de l'activité des contrats sur recettes externes.
CHAPITRE IV -
L'ÉNERGIE EN FRANCE EN 2000-2001
I. LE SECTEUR PÉTROLIER
La poursuite du mouvement de concentration
A l'instar du marché du gaz et de celui de l'électricité,
le secteur pétrolier mondial connaît un nombre élevé
de fusions-acquisitions. C'est ainsi qu'au cours des dix derniers
mois
11(
*
)
les fusions ont
représenté 166,6 milliards de dollars dans le monde. Cette
concentration du capital s'accompagne de la disparition périodique de
nombreuses petites compagnies. Aux dires de certains experts, compte tenu du
rythme de ces changements, il ne resterait, dans cinq ans, plus que dix grands
opérateurs pétroliers indépendants dans le monde. A titre
d'exemple, on retiendra qu'en 2001, on a enregistré non moins de
dix-sept fusions en Amérique du Nord, avec un montant unitaire record de
8,5 milliards de dollars lors de l'achat de Westcoast Energy par Duke
Energy.
Une autre des raisons pour lesquelles les experts considèrent que ce
mouvement se poursuivra tient à ce que l'achat de réserves
identifiées est moins coûteux que la recherche de nouveaux
gisements et qu'en outre, les investisseurs anticipent une forte augmentation
de la demande de gaz dans les années à venir (le gaz étant
un sous produit de l'exploitation pétrolière).
C'est dans ce contexte général que se situe la politique
française à l'égard d'une source d'approvisionnement qui
satisfait plus d'un tiers de la consommation énergétique totale.
La situation du marché pétrolier français
En termes géographiques, les sources d'approvisionnement de la France
sont diversifiées. Les trois premiers fournisseurs de notre pays sont la
Norvège (22,6 %), l'Arabie Saoudite (14,6 %) et le
Royaume-Uni. La part des trois suivants (Russie, Nigéria et Irak)
évolue entre 5,5 et 7,5 % du total des importations. Hormis
l'Algérie, aucun des vingt autres fournisseurs ne détient plus de
3,3 % du marché français.
Votre Commission des Affaires économiques souhaiterait
connaître les stocks prévus pour faire face à toute
éventualité, dans le contexte géopolitique tendu qui
prévaut à l'automne 2001.
Alors que la
marge de raffinage
(différence entre le prix des
produits finis et le prix du pétrole brut) avait fortement
diminué en 1999, la hausse du prix des produits survenue en 2000 a
rétabli cette marge à un niveau élevé, ce qui
explique la forte augmentation des résultats des compagnies
pétrolières.
Sur le marché intérieur français, les ventes de produits
pétroliers ont, du fait de la hausse des prix, diminué de
1,7 % pour atteindre 8 millions de tonnes (Mt). Au cours de la
même période, la demande de carburants routiers est restée
stable. Cet état de fait procède d'un mouvement de sens
contraire :
- une baisse de 4,7 % de la demande d'essence ordinaire (carburant le
plus lourdement taxé) ;
- un ralentissement des ventes de gazole-moteur qui, quoique ralentie par
rapport à 1999, atteint cependant +2,6 %.
On retiendra qu'en dix ans, les ventes de gazole-moteur ont progressé
jusqu'à atteindre le double des ventes d'essence, alors que le volume
respectif des unes et des autres était identique au début des
années 1990. Ce mouvement est indissociable de la hausse du taux de
« diésélisation » du parc automobile
français. Désormais, les ventes de véhicules diesel
représentent 53 % des immatriculations de voitures
particulières, contre 44% en 1999.
Votre Commission des Affaires économiques s'interroge sur l'incidence
de la hausse de la part du diesel dans la motorisation du parc automobile. Elle
souhaiterait savoir si, d'après les évaluations du Gouvernement,
celle-ci a une incidence sur le volume des émissions polluantes
rejetées dans l'atmosphère.
La mise en oeuvre du mécanisme de TIPP
« flottante »
Institué par la loi de finances pour 2001,
le mécanisme de
flottement des taux de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers (TIPP) neutralise l'accroissement des recettes de TVA en cas
de hausse des cours
. Si ce dispositif n'a pas vocation à compenser
la hausse des prix du pétrole, il
évite
, dans un contexte
de grande volatilité des cours du pétrole brut, une
augmentation purement mécanique des recettes de l'Etat
, lorsque
le prix de vente des produits pétroliers croît fortement.
Depuis le 1
er
octobre 2000, les tarifs de la TIPP sur les
supercarburants, le gazole et le fioul domestique sont abaissés à
hauteur du surcroît de TVA consécutif à l'augmentation des
prix des produits pétroliers, dès lors que le cours moyen du
pétrole brut de référence Mer-du-Nord constaté au
cours d'un bimestre augmente de plus de 10 % par rapport au bimestre
précédent. Ces tarifs sont systématiquement
revalorisés lorsque les cours du pétrole brut sont de nouveau
orientés à la baisse. Ce mécanisme a joué une
première fois, le 1
er
octobre 2000. Les tarifs de la TIPP ont
été abaissés d'environ 2,59 €/hl sur les
supercarburants, le gazole et le fioul domestique. Cette baisse a
résulté de l'application conjointe du mécanisme de
flottement de la TIPP et d'une réduction exceptionnelle temporaire
d'environ 0,76 €/hl sur le supercarburant et sur le gazole,
0,91 €/hl sur le supercarburant sans plomb et 0,3 €/hl sur
le fioul domestique. Il a été mis en oeuvre une seconde fois, le
21 mars. Les tarifs de la TIPP ont été relevés d'environ
1,07 €/hl sur les supercarburants et le gazole et d'environ
1,22 €/hl sur le fioul domestique.
La desserte territoriale en carburants et la disparition des
stations-services
Depuis plusieurs années, votre rapporteur pour avis s'interroge sur la
dégradation progressive du « maillage » du
territoire en stations-services
.
Celle-ci s'est une nouvelle fois accrue en 2000, puisque les
ventes des
centrales d'achat de la grande distribution ont
, avec une progression de
près de 10 % en volume,
dépassé le seuil
symbolique de la moitié du marché, en passant de 48,8 à
53,53 %.
La forte hausse du prix à la pompe en l'an 2000 a
donc accru la compétitivité du secteur de la grande distribution.
Parallèlement,
le nombre des points de vente poursuit sa diminution,
de 19.970 en 1996 à 16.230 en 2000
. Selon les informations
communiquées à votre rapporteur pour avis, «
les
contraintes de mise aux normes pour la protection de l'environnement des
stations dont le débit annuel est supérieur à
500 m
3
ainsi que les départs à la retraite, pour
plus d'un tiers des exploitants dans les cinq années à venir,
pourraient provoquer une nouvelle érosion du
réseau
».
Votre commission regrette que la totalité du produit de la taxe
perçue sur les grandes surfaces (taxe additionnelle à la TACA)
n'ait pas été, dès l'origine, intégralement
versé au CPDC
12(
*
)
. Elle craint que
malgré la hausse des crédits alloués en 2001, dont le
total atteint 73 millions de francs, le système existant ne
permette pas au CPDC de faire face aux demandes d'aides qui lui sont
présentées dans un délai raisonnable, c'est-à-dire
avant la fermeture des stations les plus menacées
.
II. LE SECTEUR GAZIER
Malgré une hausse des cours du gaz de près de
65 % en moyenne dans l'Union européenne, la consommation a
crû, en 2000, de 3,3 % en Europe et de 5 % en France. Cette
hausse résulte, moyennant un « effet retard », de
l'accroissement des prix du pétrole. L'Europe est bien loin de rester
insensible à l'internationalisation progressive du marché gazier.
Celle-ci a, en particulier, une incidence directe sur la stratégie de
l'opérateur historique français du secteur, Gaz de France, sur
ses résultats et sur le rapport qualité/prix du service qu'il
dispense à ses clients.
L'application du contrat d'entreprise GDF-Etat
L'Etat et EDF ont décidé de proroger, jusqu'à la fin 2000,
le contrat d'entreprise théoriquement en vigueur jusqu'en 1999.
En termes de
satisfaction des clients
GDF a globalement
progressé, puisque le nombre des clients très satisfaits de ses
prestations est passé de 37,2 à 41 % pour les
ménages, de 33,4 à 34,4 % pour les professionnels et de 26,3
à 26,4 % pour les entreprises.
En outre, conformément aux objectifs qui lui sont assignés, GDF a
poursuivi
l'extension du réseau de desserte
gazière en
l'élargissant à 430 nouvelles communes en 2000, portant le
nombre total des communes desservies à 7.535, soit 44,1 millions
d'habitants (75 % de la population de la France métropolitaine).
Des actions ont également porté leurs fruits en ce qui concerne
la
sécurité des installations
. En aval du compteur, la
multiplication des aides au diagnostic et à l'amélioration des
installations intérieures correspond à 0,7 % du chiffre
d'affaires annuel de GDF. Ces actions sont d'autant plus essentielles que les
accidents survenus sur des installations intérieures, ou du fait
d'appareils domestiques, représentent près de 94 % du total
des accidents dus au gaz recensés en 2000.
Pour ce qui concerne l'amélioration de la
sécurité des
ouvrages exploités en amont du compteur
, Gaz de France est parvenu
à diminuer de moitié, en 2000, le nombre de victimes
résultant de ses activités. Celui-ci, qui était de 16 en
1997, s'élève à 8 en 2000.
Résultats et stratégie
En volume, l'accroissement des ventes a été très
supérieur à l'objectif fixé par le contrat de plan. Le
taux d'endettement de l'entreprise
(endettement/capitaux propres)
a
été très fortement réduit, passant de 85 % en
1997 à 28 % environ en 1999
, soit dix-sept points de mieux que
l'objectif assigné par le contrat de plan (45 %).
Au cours de la période 2000-2001, le chiffre d'affaires a crû de
24 % par rapport à 1999, pour atteindre 10,7 milliards
d'euros. Cette progression tient à :
- la hausse des prix de vente du gaz naturel (dont l'effet positif
explique plus des quatre cinquièmes de l'accroissement du chiffre
d'affaires (CA)) ;
- l'augmentation des ventes aux industriels qui explique 30 % de la
hausse du CA ;
En revanche, la baisse de la consommation due à la douceur du climat
joue en revanche négativement et a pour effet de réduire de
10 % la hausse du chiffre d'affaires.
Malgré la forte hausse du chiffre d'affaires, le
résultat net
de GDF se réduit cependant du tiers en 2000, passant de
416 millions à 287 millions d'euros. Cette baisse
résulte de la forte baisse de la marge de l'entreprise,
confrontée à une hausse des cours d'une part et à une
hausse plus limitée du prix de vente.
Ce
« pincement » de la marge intervient alors que les tarifs
de vente avaient baissé en mai 1999. Ils ont crû de
6,5 % en mai 2000 et 13 % en septembre de la même
année, avant de s'élever de nouveau en mars 2001.
Votre commission des Affaires économiques s'interroge sur
l'opportunité de mettre en oeuvre un mécanisme destiné
à limiter les prélèvements fiscaux calculés en
fonction du prix du gaz, dès lors que le cours de celui-ci
sélève de façon substantielle.
Politique d'investissement
En septembre 2001, à l'occasion de la clôture du Congrès de
l'Association française du gaz, le président de GDF a
présenté les objectifs de l'entreprise :
- servir 15 millions de clients dans le monde en 2005 ;
- doubler de taille en nouant des partenariats aussi bien en amont qu'en
aval de son activité de distribution gazière.
Cette politique s'appuie sur de forts investissements, tant en France
qu'à l'étranger. C'est ainsi que
GDF a investi
1,9 milliards d'euros en 2000, dont 1,44 milliard sur le territoire
national et 465 millions en prises de participations à
l'étranger et en créations de filiales
. Cette somme a
été répartie entre 281 millions d'euros dans le
domaine de l'exploitation production, 73 millions d'euros dans la
distribution et 78 millions dans les activités climatiques et
thermiques.
L'importance des sommes nécessaires à la croissance externe de
Gaz de France rend, pour votre Commission des Affaires économiques, la
question de sa « sociétisation », puis de
l'ouverture de son capital, incontournable
.
III. L'ÉLECTRICITÉ D'ORIGINE NUCLÉAIRE
A. LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ ET L'ACTIVITÉ D'EDF
1. Poursuite de la hausse de la production
En 2000,
la production poursuit sa croissance qui passe de +2 % en 1999 à
+5,4 %, soit 395 Térawatts/heure
13(
*
)
au total. Cette hausse résulte d'une
amélioration de la disponibilité des tranches REP 1300 et des
réacteurs de dernière génération (REP 1450)
installés à Chooz (leur taux de disponibilité a atteint
95 %).
Parmi les événements importants de la vie du parc
nucléaire national, on retiendra :
- le redémarrage de Chooz B1 et B2 après la visite survenue
à l'issue du premier cycle de fonctionnement ;
- le redémarrage de la centrale du Blayais.
Votre Commission des Affaires économiques s'interroge sur la
perspective de voir EDF produire de l'électricité à partir
de farines animales et souhaiterait connaître l'état d'avancement
de l'arrêté relatif à ce sujet.
2. Les résultats d'EDF
Pour la
première fois, en 2000, EDF a établi une comptabilité
dissociée (
unbundling
) entre la production, le transport et la
distribution d'électricité. Elle répond aux obligations
fixées par la directive de libéralisation de 1996 et par la loi
du 10 février 2000.
Le chiffre d'affaires d'EDF -28,28 milliards d'euros- a très faiblement
augmenté en 2000, cette évolution résultant de deux
mouvements inverses :
- une augmentation de 2,8 % des ventes en volume (+ 1,9 % pour les ventes
en France et + 7,2 % pour les ventes à l'étranger), en
dépit dune douceur climatique exceptionnelle ;
- une quasi stagnation des ventes en valeur (+ 0,1 %), du fait de la
baisse des tarifs intervenue en application du contrat d'entreprise, mais aussi
des effets de la concurrence.
Investissements
En 2000, ces investissements se sont élevés à
6,095 milliards d'euros, en forte hausse par rapport à 1998
(5,44 milliards d'euros).
Le détail de ces investissements se présente comme suit
:
(M€) |
1998 |
1999 |
2000 |
Grand
équipement
Investissements annexes |
363
|
176
|
118
|
Participations financières |
2 049 |
1 231 |
3 312 |
TOTAL |
5 435 |
4 205 |
6 095 |
Source
: Secrétariat d'Etat à
l'Industrie
Résultats
Le résultat d'exploitation et le résultat net comptable d'EDF ont
évolué comme suit :
(M€) |
1998 |
1999 |
2000 |
Résultat d'exploitation |
1 950 |
2 282 |
1 488 |
Résultat net comptable (après prélèvement de l'Etat) |
+ 318 |
+ 694 |
+ 327 |
L'exercice 2000 a dégagé un résultat
d'exploitation de 1.488 millions d'euros (contre 2,28 milliards
d'euros en 1999). EDF a acquitté un impôt sur les
sociétés de 207 millions d'euros. Par ailleurs,
l'établissement a versé au total 380 millions d'euros à
l'Etat : 162 millions d'euros au titre de la rémunération
des dotations en capital, au taux de 2,1 %, et 218 millions au titre
de la rémunération complémentaire, calculée
conformément au contrat d'entreprise (40 % du résultat net
comptable). Dans ces conditions, le résultat net comptable de l'exercice
s'est établi à 327 millions d'euros en 2000, contre 694 millions
d'euros en 1999.
A la fin de 1999, la dette brute après « swaps »
d'EDF atteignait 110,4 milliards de francs. A la fin de 2000, et
grâce à une amélioration de 10,5 milliards de francs
du désendettement, la dette de l'établissement a
été ramenée à 99,9 milliards de francs (15,24
millions d'euros) : l'objectif fixé par le contrat d'entreprise
1997-2000 - un niveau d'endettement ramené à 100 milliards
de francs à la fin de l'année 2000 est donc atteint.
La politique tarifaire
Conformément au contrat d'entreprise 1997-2000, qui a prévu une
baisse de 13,3 %, en francs constants, sur quatre ans, quatre baisses ont
été réalisées entre avril 1997 et mai 2000
(respectivement -4,6 %, -2,5 %, -2 % et -1,3 % en francs
courants). Pour la grande majorité des clients, les baisses sont
très sensibles : ainsi, le client domestique a vu le prix moyen de
ses consommations décroître de 3,2 % en francs courants en
avril 1997, de 1,9 % en mai 1998, de 2 % environ en mai 1999 et de 1,3% environ
en mai 2000.
L'évolution des tarifs entre 1997 et 2000 figure dans le tableau
ci-après :
Année |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Prix
à la consommation
|
1,10% |
0,35% |
0,2% |
1,6% |
Date du mouvement tarifaire |
20/04 |
01/05 |
01/05 |
01/05 |
Evolutions tarifaires :
|
-3,7%
|
-1,9%
|
-2/1,7%
|
-1%
|
Source : Secrétariat d'Etat à l'Industrie
B. LA GESTION DU CYCLE NUCLÉAIRE
Du démarrage des centrales au stockage des déchets, la gestion du cycle nucléaire doit faire l'objet d'une surveillance de tous les instants, afin de maintenir un haut niveau des installations de sûreté.
1. La sécurité des installations
En ce
qui concerne les
installations nucléaires
, alors que
l'autorité de sûreté nucléaire avait relevé
618 événements significatifs -dont trois seulement avaient
été classés au niveau 2 de l'échelle INES, qui
mesure la gravité des incidents survenus dans l'industrie
nucléaire-, 637 événements ont été
recensés en 2000 dont deux de niveau 2, survenus sur des
réacteurs à eau sous pression, 173 de niveau 1 et 462 de
niveau zéro.
Il convient de rappeler que les incidents de niveau zéro (écarts)
n'ont aucune incidence au plan de la sûreté, que les
événements de niveau 1 (anomalies) surviennent lorsque l'on
sort du régime de fonctionnement autorisé et que les faits
relevant du niveau 2 (incidents) sont soit caractérisés par
la contamination importante et/ou la surexposition d'un travailleur soit
assortis d'une défaillance importante des dispositions de
sécurité.
Les deux incidents de niveau 2 étaient dus :
- à la défaillance répétée d'une
procédure de conduite concernant le système d'injection de
sécurité de chaque réacteur de la centrale
nucléaire de Dampierre dans le Loiret (23 juin 2000) ;
- à une succession d'incidents sur le réacteur 3 de la
centrale de Tricastin lors de son redémarrage qui, selon les
éléments communiqués à votre rapporteur pour avis,
était «
significative d'un manque de rigueur
caractérisé
».
En ce qui concerne les
transports de
matières
radioactives
, l'Autorité de sûreté n'a relevé
que 27 écarts de niveau zéro et un seul incident de
niveau 1.
Votre Commission des Affaires économique s'interroge
également, à la suite de la polémique dont la presse s'est
fait l'écho, après les récents attentats survenus aux
Etats-Unis, sur les mesures de sécurité prises, en France, pour
éviter que des attentats ne surviennent sur des installations
nucléaires (centrales de production ou usines de retraitement).
2. Le retraitement des déchets
La
capacité française de retraitement des combustibles usés
est constituée des deux usines UP3 et UP2-800 de La Hague,
exploitées par COGEMA. La capacité annuelle autorisée de
retraitement de chacune de ces usines est d'environ 800 tonnes de combustibles
usés. L'ensemble représente aujourd'hui environ 67% du
marché (le reste étant détenu par la société
britannique British Nuclear Fuels Limited). La construction de l'usine de
retraitement japonaise de Rokkasho-Mura (capacité d'environ 900 t/an),
dont la mise en service est annoncée pour 2005 limitera la
capacité française de retraitement à 48% du marché
mondial.
A La Hague, COGEMA a retraité une quantité totale de 1.198 tonnes
de combustibles usés en 2000, contre 1.562 tonnes en 1999. Cette
diminution s'explique par l'achèvement de contrats de retraitement
signés à la fin des années 70 avec des électriciens
européens et japonais.
Au cours du même exercice, COGEMA a reçu 1.158 tonnes de
combustibles usés (950 tonnes en 1999). Au 31 décembre 2000,
7.370 tonnes de combustibles usés étaient entreposées
dans les piscines de La Hague. Ces combustibles proviennent de France
(essentiellement EDF pour 7.004 tonnes), d'Allemagne (204 tonnes) de Suisse
(80 tonnes) de Belgique (45 tonnes), des Pays-Bas (37 tonnes) ainsi
que 6 tonnes en provenance des réacteurs de recherche
français, belge et australien.
Au-delà de l'année 2000, seuls des contrats avec des
électriciens allemands ont été signés pour une
quantité ferme de 1.400 tonnes. L'exécution de ces contrats est,
selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis,
soumise cependant à de fortes incertitudes du fait de la signature d'un
accord entre le Gouvernement allemand et les quatre principaux
électriciens, tendant à :
- arrêter le transport de combustibles usés à
l'étranger au 1
er
juillet 2005 ;
- limiter l'aval du cycle du combustible nucléaire au stockage
direct.
Le chiffre d'affaires consolidé de COGEMA pour l'activité de
retraitement-recyclage-ingénierie s'est élevé à
2,07 Md€ en 2000, représentant ainsi 34 % de son chiffre
d'affaires total.
Les contrats actuels de retraitement de combustible étranger
représentent un chiffre d'affaires supérieur à
1 Md€/an. Ils dégagent une très forte valeur
ajoutée pour COGEMA, car ces opérations sont
réalisées essentiellement en France, sans recours à la
sous-traitance étrangère.
Sur le marché français, COGEMA et EDF négocient
actuellement un nouveau contrat post-2000 pour une quantité annuelle de
l'ordre de 850 tonnes/an.
3. Le stockage des déchets
En vertu
de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991, les recherches
relatives à la diversification des modes de stockage concernent :
- la séparation et la transmutation des éléments de
haute activité à vie longue ;
- l'étude de la possibilité de stockage en couches
géologiques profondes, avec la construction de laboratoires de recherche
souterrains ;
- l'entreposage de longue durée et le conditionnement des
déchets.
Les principales avancées au titre de 2000 et du début de
l'année 2001 sont les suivantes :
Séparation et transmutation :
Ces recherches, pilotées par le Commissariat à l'énergie
atomique, ont pour objet de réduire la nocivité des
déchets par l'utilisation de réacteurs produisant moins de
radioéléments à vie longue ou en séparant certains
des éléments les plus toxiques pour les transformer en
éléments radioactifs moins actifs ou à durée de vie
plus courte (retraitement poussé puis transmutation).
Les travaux de recherche-développement en cours dans l'installation
ATALANTE de Marcoule tendent à fabriquer des colis de verre ne contenant
que des produits de fission dont la radiotoxicité
décroîtrait au niveau de l'uranium naturel au bout de quelques
centaines d'années, au lieu d'environ 10.000 ans, alors que le stockage
direct du combustible usé s'effectue pour 100.000 ans.
Stockage géologique
Les travaux de construction du laboratoire en site
« argileux » de Bure aux confins de la Meuse et de la
Haute-Marne ont démarré après la mise en place, en site,
le 15 novembre 1999, du Comité local d'information et de suivi. Le
fonçage des puits d'accès principaux a débuté en
août 2000, il se poursuivra jusqu'en 2003.
S'agissant du second laboratoire souterrain, dont la localisation reste
à déterminer, le Gouvernement a confié à trois
hauts fonctionnaires le soin d'étudier les possibilités de
stockage profond et réversible dans le granit. Au vu de leur rapport, le
Gouvernement a estimé que «
les conditions
d'acceptabilité locale ne sont actuellement pas
réunies
» pour une telle opération. L'ANDRA
poursuit donc les études en milieu granitique grâce à une
coopération avec les laboratoires étrangers.
L'entreposage de longue durée
Le CEA poursuit à ce titre un programme de recherches.
IV. LES ÉNERGIES RENOUVELABLES
Les pouvoirs publics favorisent le développement de technologies moins polluantes notamment grâce à la fixation des conditions d'achat du courant qu'elles produisent.
A. LES TECHNOLOGIES D'ACTUALITÉ
Depuis
le vote de la loi de finances pour 2001, deux technologies connaissent un
développement prometteur : l'énergie éolienne et la
pile à combustible.
L'énergie éolienne
Si les pouvoirs publics ont mis en oeuvre un système de rachat de
l'électricité fournie par le vent favorable à cette
filière, force est de constater que l'installation des
générateurs d'électricité ne s'effectue pas sans
heurts, qu'il s'agisse de la Bretagne où la multiplication des
implantations d'éoliennes suscite des polémiques, ou de
l'éventuelle création d'une batterie de rotors sur le cap corse,
où des manifestations locales hostiles à cette énergie
« propre » semble se faire de plus en plus jour
14(
*
)
.
Aussi votre Commission des Affaires économiques souhaiterait-elle
connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour favoriser
le développement de cette filière tout en respectant les
aspirations des habitants des zones où ces engins sont
installés.
La pile à combustible
La pile à combustible permet, quant à elle, de fournir de
l'électricité et de la chaleur en ne rejetant que de la vapeur
d'eau.
Elle est susceptible d'être utilisée d'une part dans
l'automobile
où elle permet d'obtenir un excellent rendement
énergétique du moteur (au moins le double des véhicules
à essence). Les véhicules fonctionnant grâce à cette
pile sont encore au stade expérimental (des recherches sont notamment
menées pour le programme européen Hydro-Gen qui regroupe PSA,
Renault, le CEA, De Nora, Solvay et l'Air Liquide), mais, selon les
informations communiquées à votre rapporteur pour avis, des
progrès importants restent à réaliser pour diminuer la
taille des composants et pour limiter les coûts de fabrication, si bien
que, selon les experts, la commercialisation des premiers véhicules de
série ne devrait pas intervenir avant une dizaine d'année.
Elle est aussi utilisable sur des postes fixes, dans le
bâtiment
ou
l'industrie
, où la question de l'encombrement du
matériel est moins cruciale. Des fabricants nord américains ont
déjà vendu plusieurs centaines d'installations dans le monde,
mais leur coût unitaire (0,6 million d'euros) demeure un frein
à leur diffusion.
Le marché mondial de la pile à combustible est estimé
à 120 milliards d'euros dont 46 pour l'automobile, 43 pour
l'électronique portable et 30 milliards pour les bâtiments
industriels et individuels.
Votre Commission des Affaires économiques partage les
préoccupations des membres de l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques qui, dans un récent rapport
considéraient comme nécessaire de «
combler de toute
urgence le retard pris par nos équipes scientifiques et nos industriels
sur les Etats-Unis, le Canada et le Japon
»
15(
*
)
.
B. LES CONDITIONS DE RACHAT DE L'ÉNERGIE PRODUITE PAR LES ENR
Il
existe, en France, une
obligation d'achat de l'électricité
produite par les filières fonctionnant grâce à des
énergies renouvelables ou à la cogénération
.
Elle permet de soutenir l'activité d'unités de production qui ne
seraient pas rentables tout au long de l'année, mais sont cependant
susceptibles d'apporter une contribution positive à l'allègement
de la facture énergétique française. Un décret du
6 décembre 2000 a fixé à 12 MW le seuil de
l'obligation d'achat.
La CRE a émis, conformément à la loi, deux avis portant
respectivement sur les arrêtés fixant les conditions de rachat de
l'électricité produite par :
- les éoliennes, les centrales hydrauliques et les usines
d'incinération d'ordures ménagères (le
5 juin 2001) ;
- les installations de cogénération
d'électricité et de chaleur valorisée
(12 juillet 2001).
La CRE rappelle qu'en vertu du décret du
6 décembre 2000 précité, le tarif d'achat est la
somme des
coûts évités
de long terme et d'une
rémunération supplémentaire correspondant à la
contribution à «
l'indépendance et la
sécurité d'approvisionnement, la qualité de l'air et la
lutte contre l'effet de serre, la gestion optimale et le développement
des ressources nationales, la maîtrise des choix technologiques d'avenir,
et l'utilisation rationnelle de l'énergie
».
Tout en observant que la plupart de ces contributions ne peuvent pas
être établies de façon rationnelle et objective ,
la CRE souligne le risque d'un trop grand écart entre les tarifs
d'achat et le coût réel de chaque filière
. Elle
constate que «
si ces prix sont inférieurs aux coûts,
la filière ne se développera pas ; si ceux-ci sont
supérieurs, elle risque de se développer au-delà des
objectifs poursuivis, générant pour certains producteurs des
rentes anormalement élevées et un coût important pour la
collectivité. Ce coût se manifestera par l'augmentation des prix,
supportée par l'ensemble des consommateurs français et
pénalisera la compétitivité de
l'économie
»
16(
*
)
.
C'est pourquoi la commission estime qu'il serait préférable de
recourir soit à des
appels d'offres
, que prévoit la loi de
février 2000, soit à des mécanismes de
«
certificats verts
» qui permettent de soutenir
l'essor de filières qui ne sont pas économiquement
compétitives en fournissant la preuve qu'un producteur a injecté
dans le réseau de l'électricité qui provient
d'énergies renouvelables et en permettant l'achat de cette
électricité à un prix plus avantageux que le tarif annuel
(cf. l'encadré ci-dessous). Selon la CRE, ce système permettrait
de mieux maîtriser les volumes réalisés et de soutenir les
filières concernées au moindre coût pour la
collectivité.
Votre Commission des Affaires économiques souhaiterait savoir si le
Gouvernement envisage de recourir au système des appels d'offres ou des
« certificats verts » que recommande la CRE
.
Les marchés des certificats verts
Les
marchés de certificats verts sont de nouveaux mécanismes
permettant le soutien des filières d'énergies renouvelables qui
ne sont pas économiquement compétitives avec les filières
classiques.
Un certificat vert est la preuve attestant que l'électricité qui
a été injectée sur le réseau par un producteur est
bien d'origine renouvelable. Ce certificat prend la forme d'un document (papier
ou électronique) contenant des informations sur la nature et le contexte
de la production concernée. Il est émis sous le contrôle
d'une autorité compétente.
Du point de vue commercial, un producteur d'électricité
renouvelable vend séparément son électricité sur le
marché de l'électricité (au prix du marché, donc
généralement sans en retirer une rémunération
suffisante de ses investissements). Il peut ensuite vendre les certificats
verts correspondants sur un marché de certificats distinct et
spécifique.
La demande sur un tel marché peut reposer sur le volontariat des
consommateurs ou sur des dispositifs réglementaires ou fiscaux.
Ainsi, aux Pays-Bas, la demande d'électricité verte (et donc des
certificats associés) est très forte car son prix pour certains
consommateurs est inférieur à celui de
l'électricité d'origine fossile, du fait d'une taxe pesant sur
cette dernière.
Au Danemark, le système des certificats verts qui doit entrer
progressivement en vigueur à partir de 2003 pour remplacer le
mécanisme d'obligation d'achat aujourd'hui en vigueur,
prévoit :
- une obligation portant sur les consommateurs de justifier d'un certain
pourcentage C de leur consommation d'origine renouvelable ;
- une pénalité P en cas de non respect de cet objectif.
Un tel dispositif crée une demande de certificats pour une
quantité égale au pourcentage C de la consommation
intérieure totale sous réserve que leur prix soit
inférieur à P.
Source
: CRE
La CRE a émis un avis défavorable au projet
d'arrêté fixant les conditions d'achat de
l'électricité produite par des installations de
cogénération et de chaleur valorisée
,
considérant que le «
niveau du tarif proposé et ses
modalités techniques sont exagérément favorables aux
producteurs et entraînent une augmentation inutilement
élevée du prix de l'électricité pour les
consommateurs en France
».
La commission a fondé son avis sur le fait que :
- le niveau du tarif proposé est bien supérieur à la
somme des coûts et des externalités évités d'une
centrale à cycle combiné au gaz ;
- le tarif proposé est, par ailleurs, très supérieur
aux coûts et externalités évités d'une production
issue d'une centrale nucléaire, avec en plus dans ce cas un bilan
environnemental dégradé en termes de lutte contre l'effet de
serre et de pollution de l'air ;
- il est possible de conclure que le tarif proposé permet,
conformément à l'objectif poursuivi, de rémunérer
largement la plupart des projets de cogénération ;
- certaines modalités techniques du tarif proposé sont
très favorables aux producteurs et inutilement coûteuses pour la
collectivité.
La Commission des Affaires économiques s'interroge, quant à
elle, sur les surcoûts susceptibles de résulter, pour les
consommateurs, des tarifs choisis et souhaiterait connaître les
réponses que le Gouvernement peut apporter aux observations de la CRE.
V. LE SECTEUR DU CHARBON
La
production charbonnière française
par bassins
s'élève à 3,4 millions de tonnes pour l'ensemble des
houillères, dont 2,5 millions pour la Lorraine et 0,9 millions
pour le Centre-Midi.
Le
coût moyen d'extraction à la tonne s'élève
à 166 francs
pour l'ensemble des houillères
(177 francs en Lorraine et 136 francs dans le Centre-Midi), soit une
hausse de 37 % sur un an. De ce fait, la perte à la tonne des
Charbonnages de France s'accentue, passant de 84 francs par tonne en 1999
à 121 francs en l'an 2000. On rappellera que cette perte
était de 63 francs en 1996. A titre de comparaison, on retiendra
que
le prix moyen du charbon importé est de 40,7 francs la
tonne
en hausse de 12 % par rapport à 1999.
La situation des Charbonnages de France
En application du « pacte charbonnier », l'emploi dans les
houillères poursuit sa décrue, passant de 9.007 personnes en
1999 à 7.837 en 2000 et à 6.795 en 2001. Au total, si la tendance
se poursuit, les effectifs actifs auront été ramenés,
entre 1990 et 2006 de 22.494 à 1.428.
La fermeture des sites, programmée par les pouvoirs publics, se
poursuit. Les sites de Blagny et du Gard ont fermé en
décembre 2000 puis en janvier 2001. Dernières en date,
les mines découvertes de Decazeville et d'Aumance ont fermé fin
juin 2001
. Il n'existe désormais plus de mines à ciel ouvert
en France
. Les prochains sites souterrains qui seront fermés
sont :
- en Lorraine, Merlebach en 2003 et la Houve en 2005 ;
- dans le Midi, Gardanne à la fin 2005.
En 1999, le montant global de l'aide de l'Etat aux Charbonnages de France
(821,70 millions d'euros [5.389,9 millions de francs]) a
été maintenu à un niveau proche de celui de 1998
. Il a
consisté en une dotation en capital provenant d'un compte d'affectation
spéciale, et des crédits budgétaires inscrits au budget du
ministère de l'industrie. Le montant de la dotation en capital de 1999 a
été de 384,17 millions d'euros (2.519,9 millions de
francs). La subvention sur crédits budgétaires s'est
élevée à 437,53 millions d'euros (2.870 millions
de francs).
Pour l'année 2000, à la demande de la Commission
européenne (qui considère que les emprunts émis par CdF
pour couvrir le déficit de l'activité
« houille », sont assimilables à une aide d'Etat),
l'aide de l'Etat à Charbonnages de France a été
budgétisée tant au titre des crédits 2000 que pour les
sommes correspondantes à la charge des emprunts contractés en
1997, 1998 et 1999. Il s'ensuit que cette aide, s'est élevée
à 1.010,74 millions d'euros (6.630,01 millions de francs) en
2000, soit 428,38 millions d'euros (2.809,9 millions de francs) de
couverture des charges spécifiques inscrits désormais sur le
chapitre 45-10 intitulé subventions aux établissements
publics dans les domaines de l'énergie et des matières
premières, article 10 Charbonnages de France et 33,54 millions
d'euros (220 millions de francs) de couverture des intérêts
des emprunts et 548,82 millions d'euros (3.600 millions de francs) de
dotation en capital. Celle-ci est destinée à améliorer la
situation des capitaux propres et à couvrir le déficit de
l'extraction houillère.
Pour l'année 2001, une méthode de calcul identique à celle
de l'année 2000 a été adoptée, qui conduit à
accorder à CdF :
- 456,28 millions d'euros (2.993 millions de francs) au titre
des charges spécifiques et intérêts des emprunts ;
- 533,57 millions d'euros (3.499,98 millions de francs) de
dotation en capital.
L'aide totale s'élèvera en 2001 à 965 millions
d'euros (6.329 millions de francs), soit 447 millions d'euros
(2.932 millions de francs) de crédits budgétaires et
518 millions d'euros (3.397 millions de francs) de dotation en
capital.
Les pouvoirs publics ont fixé pour objectif à Charbonnages de
France de limiter l'accroissement de leur dette au montant atteint en 1999,
soit 27 milliards de francs.
*
* *
Contrairement à la proposition de son rapporteur pour avis, la Commission des Affaires économiques a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002.
1
Juridique : filialisation de
l'activité de transport
Source CRE - mai 2001
2
Gestion : indépendance de gestion du GRT au sein de
l'opérateur intégré
3
Propriété : activité de transport
exercée par une société n'ayant aucun lien capitalistique
avec les fournisseurs ou les producteurs.
4
Page 40
5
Rapport annuel page 31.
6
Cités par les Echos du 26 juin2001.
7
Rapport annuel de la CRE page 16.
8
Rapport annuel précité, Page 17.
9
Etude citée par la Lettre de la FNCCR du
7 juin 2001.
10
Cf. notamment une étude citée par Libération
du 7 juillet 2001.
11
Bulletin de l'industrie pétrolière du
1
er
octobre 2001.
12
Comité professionnel de la distribution des carburants.
13
Milliards de kilowatt heure.
14
Cf Le Monde des 6 juillet et 23 août 2001.
15
Cf. Les perspectives offertes par la technologie de la pile
à combustible, rapport de MM. R. Galley et C. Gatignol,
députés, Sénat n° 426, page 149.
16
Rapport annuel de la CRE, page 35.