CHAPITRE II -

L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L'ÉNERGIE

Le rapport pour avis sur les crédits de l'énergie inscrits au titre du projet de loi de finances pour 2001, rédigé au nom de la Commission des Affaires économiques, avait souligné deux mouvements de fond : la globalisation des activités au plan international d'une part et l'intégration croissante des entreprises d'autre part. Ces mouvements se sont renforcés en 2001, du fait de la multiplication des investissements à l'étranger et des accords internationaux. C'est dans ce contexte général que se constituent très progressivement les marchés européens de l'électricité et du gaz.

I. LE SECTEUR DE L'ÉLECTRICITÉ

A. LA DYNAMIQUE DU MARCHÉ ÉLECTRIQUE

Les opérateurs européens du secteur de l'électricité participent activement à des mouvements de capitaux qui correspondent soit à des investissements directs , soit à des prises de participation , sous la forme d'achats de titres, tant en Europe même qu'en dehors des frontières de l'Union.

Parmi les opérations réalisées hors d'Europe, on retiendra les perspectives d'achat, par un opérateur européen, de la société COPEL vendue par l'Etat brésilien du Parana et, aux frontières de l'Union, l'annonce d'une ouverture du secteur de l'électricité en Russie. Dans ce pays, en effet, seule l'intervention d'investisseurs privés pourrait permettre de pallier les carences d'un monopole incapable de trouver, par lui-même, les ressources nécessaires à la modernisation du secteur électrique russe.

Parmi les Etats qui doivent faire leur entrée dans l'Union européenne, la Pologne a mis en vente plusieurs centrales électriques. Un consortium dirigé par EDF et Dalkia a acheté près de la moitié d'une centrale située dans l'ouest du pays, à l'automne 2001, pour 12 millions d'euros.

Les mouvements observés au sein même de l'Union européenne ne sont pas moins importants. En Allemagne, l'opérateur suédois Vattenfall a pris le contrôle de la société HEW qui a elle-même acquis des participations dans un producteur de lignite allemand. En Grèce, EDF a demandé un permis de production d'électricité destiné à réaliser une installation de production fonctionnant au gaz naturel.

Les deux Etats d'Europe continentale dans lesquels l'organisation du secteur électrique a suscité le plus d'échos en 2001 n'en demeurent pas moins l'Italie et l'Espagne.

En Italie , EDF a pris le contrôle de 20 % du capital d'Italenergia, le deuxième opérateur du pays qui contrôle l'opérateur énergétique Montedison. Selon la presse, cette société pourrait prochainement tenter d'acquérir les tranches de centrales électriques que l'opérateur historique, ENEL, mettra aux enchères dans le cadre de sa privatisation. On notera cependant les réactions très hostiles suscitées, en Italie, par cette opération, Rome ayant adopté, en mai dernier, un décret-loi -dont la conformité au traité de l'Union européenne est contestée-, en vertu duquel les droits de vote des entreprises publiques étrangères dont les marchés ne sont pas ouverts à la concurrence sont limités à 2 % des sociétés italiennes qu'elles détiennent. On notera également que l'opérateur espagnol ENDESA a pris le contrôle, pour 2,6 milliards d'euros, de 7 % du marché italien, à l'occasion de la privatisation d'Elettrogen, une filiale d'ENEL.

Dans la péninsule ibérique , les deux premiers opérateurs, ENDESA et IBERDROLA, ont vainement tenté de fusionner. En outre, l'opérateur italien ENEL a acheté ENDESA pour 1,87 milliard de francs, soit environ 5 % du marché espagnol. Enfin, la Commission européenne a autorisé l'achat d'Hidrocantabrico (quatrième opérateur du pays) par le consortium EnBW-Villar Mir, dans lequel EDF est représentée, puisqu'elle détient 34,5 % d'EnBW depuis l'an passé. Cette autorisation a, cependant, été délivrée sous réserve que le RTE français accroisse la capacité de transport entre l'Espagne et l'Hexagone.

On notera qu'en France l'éventualité d'une vente de la filiale de production d'électricité de la SNCF, la SHEM, est régulièrement évoquée.

B. PREMIER BILAN DE L'OUVERTURE EN EUROPE

Par comparaison avec la libéralisation du marché de l'électricité survenue aux Etats-Unis, la création du marché intérieur européen de l'électricité apparaît prudente, si l'on considère ses premiers résultats, ou ambitieuse, si l'on s'intéresse à ses objectifs finaux. Une seule chose est sûre, cette libéralisation progressive n'a, en première analyse, eu d'incidence ni sur l'équilibre global du marché ni sur la qualité de la fourniture d'énergie délivrée aux clients. Par comparaison, la libéralisation américaine semble quelque peu improvisée. Aussi apparaît-il utile à votre rapporteur pour avis de faire le point sur la situation actuelle en Europe, avant d'examiner, à titre de contre-exemple, la situation préoccupante qui prévaut aux Etats-Unis.

1. Un fonctionnement « asymétrique »

Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, la libéralisation du marché de l'électricité en Europe atteint des degrés divers qui varient entre 30 %, au minimum, pour la France, la Grèce et le Portugal, et 100 % pour le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suède et la Finlande.


 

Part légale d'ouverture du marché

Concurrence dans la production

Séparation de l'activité de transport

ATR

Portugal

30 %

Autorisation pour les éligibles

Appel d'offre pour le marché captif

Juridique 1( * )

Acheteur unique pour le marché captif

Accès réglementé pour les éligibles

France

Autorisation

Appel d'offre en cas d'insuffisance

Gestion 2( * )

Accès réglementé

Grèce

Autorisation

Juridique

Irlande

 

Autriche

32%

Juridique : la + grande partie

Pays-Bas

33 %

 

Italie

35 %

Juridique

Acheteur unique pour le marché captif

Accès réglementé pour les éligibles

Belgique

 

Accès réglementé

Luxembourg

40 %

Gestion

Espagne

54 %

Propriété 3( * )

Danemark

90 %

Juridique

Finlande

100%

Propriété

Royaume-Uni

Irlande du Nord Propriété

Suède

Propriété

 

Allemagne

Gestion / Juridique

Accès négocié

A première vue, on pourrait donc croire que notre pays, tout en respectant en termes d'ouverture du marché la directive 96/92/CE de 1996, reste au dernier rang des pays européens. Cette analyse semble erronée à votre rapporteur pour avis, qui constate que certains Etats parmi les quinze sont bien plus en retard que la France . C'est ainsi que la Commission européenne a examiné, le 26 septembre dernier, l'éventualité de poursuites à l'encontre de la Belgique, qui n'a pas nommé de gestionnaire de réseau ni publié de tarif d'accès. En Italie, l'autorité chargée de la régulation du secteur énergétique elle-même a déploré publiquement les retards pris dans la libéralisation, et la place prépondérante que conserve l'opérateur historique ENEL, alors que le prix de l'électricité est supérieur de 20 % à la moyenne européenne.

Comme le montre le tableau ci-dessous, qui présente, au regard du degré théorique d'ouverture, le degré réel d'ouverture aux échanges communautaires, il n'existe pas de corrélation entre le degré théorique d'ouverture du marché et l'exercice réel de la concurrence sur ce marché .

ETAT D'OUVERTURE DU MARCHÉ EN EUROPE

Source : Secrétariat d'Etat à l'industrie.

La commission européenne considère, quant à elle, que la libéralisation des marchés est trop « asymétrique » , dans la mesure où, estime-t-elle, les Etats qui ont libéralisé a minima conservent aux opérateurs historiques une base de consommateurs captifs. Cette analyse semble, pour partie, partagée par les pouvoirs publics allemands qui ont dans un premier temps émis des réserves sur la prise de participation d'EDF dans EnBW. Il est loisible de s'interroger, toutefois, de façon symétrique, sur le réel degré d'ouverture du marché Outre-Rhin, où le mode de calcul du coût de transport, en fonction de la distance constitue un réel obstacle au développement des échanges.

Se fondant sur cette analyse, la Commission de Bruxelles a, dans le Livre vert qu'elle a publié, souhaité une accélération en trois étapes qui prévoyait notamment qu'au 1 er janvier 2003, toutes les entreprises seraient « éligibles » et qu'au 1 er janvier 2005, tous les consommateurs, sans distinction, pourraient acheter du courant chez le producteur de leur choix. Lors du dernier Conseil européen de l'énergie, la France et l'Allemagne se sont opposées à cette approche , tandis que le Conseil jugeait souhaitable de parvenir à un accord sous présidence espagnole au début 2002.

2. La question des interconnexions transfrontalières

Comme l'a souligné à plusieurs reprises le Commissaire européen à l'énergie, l'objectif poursuivi par les quinze n'est pas d'obtenir l'ouverture de quinze marchés de l'électricité distincts, mais bien la constitution d'un marché unique du courant électrique. C'est à ce titre qu'il convient de renforcer les interconnexions entre les pays européens .

En la matière, la CRE a accompli, en 2001, un important travail, en publiant, avec trois de ses homologues étrangers, une position commune sur l'allocation des capacités de transfert d'énergie, entre la France, la Suisse et l'Italie. De son côté, le secrétaire d'Etat à l'industrie a confirmé le renforcement de l'interconnexion entre les réseaux français espagnols. Encore convient-il de rappeler, en la matière, le rôle central que joue le réseau de transport d'électricité (RTE).

Les projets de renforcement des interconnexions avec l'étranger sont les suivants :

PROJETS D'INTERCONNEXIONS ENTRE LA FRANCE ET LES PAYS FRONTALIERS

Pays

Observations

Allemagne

Des travaux sur la ligne existante Vigy-Uchtelfangen sont prévus.

Espagne

Des travaux visant à accroître la capacité de transit sur les lignes existantes sont planifiés pour 2002.

Italie

Des travaux visant à accroître la capacité de transit sur les lignes existantes ont été réalisés.

Belgique

Une ligne est projetée entre Moulaine et Aubange.

Source : Secrétariat d'Etat à l'industrie

Votre Commission des Affaires économiques considère que le choix d'une ouverture maîtrisée a permis une adaptation progressive du marché de l'électricité. C'est pourquoi, sans perdre de vue l'objectif que constitue le marché unique de l'électricité, elle souhaite que celui-ci soit réalisé de façon pragmatique afin d'éviter des à coups qui seraient préjudiciables aux consommateurs comme aux producteurs.

3. La situation dans l'hexagone

Après avoir examiné la position des institutions et des acteurs de marché, on examinera les perspectives qu'ouvre la création d'une bourse de l'électricité et les conséquences des réformes sur les consommateurs. En France, 1.400 clients « éligibles » jouissent, en effet, désormais du droit de choisir librement leur fournisseur d'électricité. Ils représentent environ 30 % du marché soit 120 GWh.

a) Les acteurs et le marché
(1) Les institutions

Deux institutions dont la directive de 1996 a expressément prévu la création jouent désormais un rôle essentiel au bon fonctionnement du marché électrique : la Commission de régulation et le Réseau de transport d'électricité.

La Commission de régulation de l'électricité (CRE)

La CRE est une autorité indépendante chargée
, en vertu des articles 28 à 40 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, de veiller au bon fonctionnement du marché de l'électricité afin de satisfaire la demande du consommateur, lequel doit obtenir de l'ouverture du marché le meilleur rapport entre la qualité de l'électricité et son prix.

Au cours de l'exercice 2000-2001, la CRE a eu une très intense activité , notamment marquée par l'étude des modalités de la séparation comptable d'EDF et du RTE et par l'élaboration de plusieurs importants projets de décrets et d'avis sur le régime tarifaire applicable à l'électricité. Le temps de réaction de ses services a été particulièrement rapide, puisque ses délibérations ont été rendues dans un délai qui a varié entre 5 et 53 jours, au maximum, délai remarquablement bref si l'on songe à la complexité des sujets évoqués.

Tout comme il l'avait noté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2001, votre rapporteur pour avis constate que les moyens dévolus à la CRE demeurent très en deçà de ceux qui lui seraient nécessaires . Son effectif théorique de 80 emplois en 2001 n'a permis de recruter que 65 agents -y compris les commissaires-, compte tenu du niveau de qualification requis et des rémunérations qui s'ensuivent. Dans son Rapport annuel paru en 2001, la CRE déclare continuer à « s'interroger sur la compatibilité entre sa soumission aux règles habituelles d'élaboration du budget de l'Etat et le principe d'indépendance qui gouverne et légitime son statut. En effet, le Gouvernement fixe ses ressources alors qu'il est aussi le propriétaire de l'opérateur historique » 4( * ) .

A ce titre, la CRE estime que deux voies pourraient être explorées afin d'accroître son autonomie financière :

- l'affectation d'une ressource propre qui pourrait être assise sur le chiffre d'affaires des gestionnaires de réseaux ;

- un dialogue direct avec le Parlement pour la fixation de son budget.

Votre Commission des Affaires économiques souscrit à l'objectif de doter la CRE des ressources dont elle a besoin et rappelle que les moyens dont cette autorité indépendante est dotée sont notoirement moins élevés que ceux de ses homologues étrangers.

Le réseau de transport de l'électricité (RTE )

En vertu des articles 12 et 14 de la loi du 10 février 2000, le RTE , qui constitue un service d'EDF, est chargé de l'exploitation, de l'entretien et du développement du réseau de transport d'électricité . Ce service est indépendant d'EDF au plan budgétaire et comptable. Son directeur est nommé par le ministre chargé de l'énergie, après avis de la CRE.

Le RTE gère 100.000 kilomètres de lignes à très haute tension , un centre de « dispatching » national et sept centre régionaux. Son chiffre d'affaires est d'environ 25 milliards de francs. Ses agents sont au nombre de 8.000.

Le programme d'investissement du RTE, qui est autofinancé, est approuvé par la CRE et s'élève à 4,7 milliards de francs. Dans la perspective de l'élaboration du projet de programme d'investissement pour 2002, la CRE a demandé au RTE :

- de présenter sa stratégie d'aménagement et de développement du réseau de transport ;

- de développer de nouvelles méthodes économiques de sélection des projets d'investissement tenant compte de l'indépendance et des missions qui caractérisent le RTE ;

- de fournir des éléments de comparaison étrangers, notamment sur le plan des coûts.

(2) Les fournisseurs

Depuis la suppression du monopole d'EDF, le nombre de producteurs et de fournisseurs d'électricité a fortement augmenté en France.

Les nouveaux entrants

Sans procéder à une analyse exhaustive de l'activité des nouveaux entrants, votre rapporteur pour avis constate que la liste tenue à jour -sur la base de déclarations volontaires- par la CRE comprend désormais 37 noms, parmi lesquels figurent des producteurs originaires de tous les Etats membres de l'Union européenne.

Comme le montre le tableau ci-dessous, on retiendra, parmi les producteurs nationaux concurrents d'EDF, la SNET (au capital de laquelle l'espagnol ENDESA est entré à hauteur de 30 %) et la Compagnie nationale du Rhône. Celle-ci a conclu un accord avec Electrabel pour créer une filiale de commercialisation de l'énergie qu'elle produit à partir de barrages, sous le nom d'Electricité du Rhône (EDR).

Comme le montre le tableau ci-dessous, EDF produit encore 90 % de l'électricité générée dans l'Hexagone :

Producteurs

Part dans la production nationale

EDF (hors CNR)

90 %

CNR

3,5 %

SNET, Soprolif, Sodelif

1,5 %

SHEM

0,3 %

Petits producteurs hydrauliques hors SHEM

1,2 %

Cogénérateurs

1,2 %

Autres

2,3 %

Total

100 %

Source : Secrétariat d'Etat à l'industrie.

Pour accroître le nombre des fournisseurs en France, la Commission européenne a, en outre, souhaité qu'Electricité de France mette à disposition d'opérateurs concurrents 6.000 MW de capacités de productions , lesquels permettront à ces producteurs de disposer d'une plus large palette d'outils de production que la CRE définit comme des « quasi-moyens de production domestique » 5( * ) .

Selon la Commission de régulation, la capacité totale cédée représente près du tiers de la consommation de marché ouvert . Elle correspond à un volume total de production supérieur à celui vendu à des tiers dans un pays tel que l'Italie, qui a choisi de céder purement et simplement des centrales pour parvenir aux mêmes fins.

Electricité de France

L'incidence sur l'opérateur historique français de l'ouverture du marché est indéniable, puisqu'aux dires mêmes de ses dirigeants 6( * ) ; Electricité de France aurait, depuis l'an 2000, perdu 8 % de ses clients éligibles soit 75 gros clients répartis sur 105 sites . Cette proportion est conforme à celle observée dans les autres Etats de l'Union européenne où elle oscille entre 5 et 10 % des clients.

Confrontée à une hausse de la concurrence sur son marché domestique, EDF a exprimé la volonté d'accroître la part de ses activités réalisées hors de France. Elle a, à ce titre, réalisé d'importants investissements hors de France à l'instar :

- d'un accroissement de ses participations dans CINERGY (actionnaire majoritaire d'AZITO Energie - centrale à gaz de 300MW - en Côte d'Ivoire) et dans EnBW en Allemagne ;

- de l'achat de 35 % du capital de Rybnik (centrale charbon de 1.760 MW en Pologne) ;

- du financement des deux centrales de production en Egypte ;

- de sa prise de participation dans MONTEDISON.

- de l'obtention de licences : pour la construction, le financement et l'exploitation de la centrale au gaz naturel Rio Bravo 3 (495 MW) au Mexique et pour un investissement dans la centrale électrique Phu My 2 au Vietnam (715 MW cycle combiné gaz naturel) en coopération avec SUMITOMO et TOPCO.

b) La création d'une bourse de l'électricité

Votre Commission des Affaires économiques se félicite que le secrétaire d'Etat à l'industrie ait, devant la CRE réunie le 29 mars 2001, publiquement soutenu le projet de marché « spot » français de l'électricité, qui constituera un « marché de gros ». Par une délibération du 20 septembre dernier, la CRE a d'ailleurs approuvé les règles qui régiront ce marché, lequel permettra de faire émerger un prix de référence au sein du système électrique français et de prévenir la délocalisation des transactions vers des bourses étrangères.

Cette bourse pourrait voir le jour dans le courant de l'automne 2001. On notera que, comme le montre le tableau suivant, la libéralisation du secteur de l'électricité en Europe a suscité la création de six bourses de l'électricité.

LES BOURSES DE L'ÉLECTRICITÉ EUROPÉENNES

Nordpool

Norvège, Suède, Danemark

deux marchés à J-1 (ELSPOT, créé en 1993) et H-2 (ELBAS)

APX (Amsterdam Power Exchange)

Pays-Bas

juin 1999

LPX (Leipziger Power Exchange)

Allemagne

juin 2000 ; Nordpool en possède 35 %

EEX (European Energy Exchange)

Allemagne

août 2000

PPE (Polish Power Exchange)

Pologne

juin 2000

Powernext

France

Démarrage prévu en octobre 2001

EGL Italia

Italie

Création repoussée en 2002

Source : secrétariat d'Etat à l'industrie .

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, ces bourses ont souvent rencontré des difficultés en phase de démarrage, lesquelles étaient liées aux faibles volumes échangés ou aux contraintes physiques des réseaux.

c) Vers la constitution du fonds du service public de la production d'électricité

Créé par l'article 5-I de la loi du 10 février 2000, le fonds du service public de la production d'électricité (FSPPE), est destiné à compenser les surcoûts qui peuvent résulter, pour électricité de France et pour les distributeurs non nationalisés (DNN), des mécanismes de l'obligation d'achat ou des appels d'offres destinés à promouvoir l'essor des énergies renouvelables et des techniques performantes au plan énergétique. Il prend aussi en charge les contrats conclus et négociés avec EDF et les DNN avant la publication de la loi, lorsque ces contrats sont maintenus par les producteurs.

Les contributeurs au fonds seront :

- les opérateurs nationaux qui livrent de l'électricité aux clients finals installés en France (producteurs dont la puissance des installations est supérieure à 4,5 MW, opérateurs faisant de l'achat pour revente, organismes de distribution) ;

- les auto-producteurs pour la consommation de l'électricité qu'ils produisent, au-delà de 240 millions de kWh ;

- les clients finals qui importent ou qui effectuent des acquisitions intracommunautaires d'électricité.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le dispositif d'évaluation des charges reposerait sur la déclaration des charges de l'année précédente, effectuée par les opérateurs qui les supportent (EDF et les DNN). A partir de cette déclaration la Commission de régulation de l'électricité évaluerait le montant des charges pour l'année à venir. Ce montant global, ainsi que le montant de la contribution par kWh, serait arrêté et publié par le Gouvernement. Le versement des contributions s'apparenterait, quant à lui, au mécanisme de recouvrement de la TVA.

Votre Commission des Affaires économiques souhaiterait connaître la date à laquelle le FSPPE sera opérationnel.

4. Appréciation générale sur le fonctionnement du nouveau système

Deux sujets retiennent l'attention en ce qui concerne les premiers effets de l'ouverture du marché de l'électricité : son incidence sur les prix pour les clients éligibles , et l'efficacité des mécanismes mis en oeuvre pour financer le service public.

Effet de la libéralisation sur les prix

Tout en soulignant la relative réticence des clients éligibles à changer de fournisseur, et le fait qu'aujourd'hui, 90 % du marché est encore approvisionné par l'opération historique, la CRE estime que les clients éligibles ont profité, au minimum, d'une baisse de 15 % de leur coût d'approvisionnement énergétique du fait de la libéralisation partielle du secteur. Cette observation concorde avec l'analyse de la Commission européenne qui estime qu'au cours des quatre dernières années les prix de l'électricité ont baissé de 16 % en France, et 12 % en Allemagne et au Royaume-Uni. Parallèlement, les prix de vente de l'électricité aux clients non éligibles français ont baissé de 1,35 % en 2000.

Selon le secrétariat d'Etat à l'industrie, l'ouverture à la concurrence s'est traduite par la baisse du prix de l'électricité dans la plupart des pays européens, au profit à la fois des ménages et des industriels, tout en maintenant toutefois une forte segmentation par taille de clients. La baisse des prix a été significative lorsque le niveau du prix de l'électricité était à l'origine élevé (par exemple pour l'Allemagne de -14 à -23 % dans le secteur industriel).

Toutefois, la même source évoque un retournement de tendance, qui se traduit par une hausse du prix de l'électricité, notamment pour les consommateurs domestiques. Ainsi, sur la période comprise entre 1996 et 1999, le prix de l'électricité a augmenté en moyenne de 0,8 % en Allemagne et de 13,2 % au Royaume-Uni, deux pays dont les marchés sont théoriquement entièrement libéralisés (cf. la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 16 mai 2000).

Le Secrétariat d'Etat souligne enfin qu'en France, sur la période considérée, en dépit d'un niveau de prix de départ déjà particulièrement compétitif, le prix de l'électricité a baissé de 9,3 % pour les consommateurs domestiques, secteur qui demeure sous un régime de monopole.

Le financement du service public

Le montant estimé du fond est de 4,5 milliards de francs pour l'an 2000. Il croîtra dans les années à venir, à cause des nouvelles obligations d'achat (courants produits par des ENR telles que l'éolien).

Selon la CRE, le système déclaratif existant serait lourd et complexe , de nature à permettre une certaine « évasion » des cotisations, laquelle se renforcera avec l'abaissement progressif du seuil d'éligibilité.

Votre Commission des Affaires économiques souscrit à la recommandation de la CRE pour qui, sans remettre en cause le principe d'une contribution uniforme par kWh consommé, une modification technique de la loi permettrait que les gestionnaires de réseaux prélèvent une contribution proportionnelle aux kWh ayant transité sur leur réseau. Pour des motifs d'égalité et d'équité entre les cotisants et dans un souci d'efficacité, la Commission des Affaires économiques souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ces propositions.

C. LES CRISES DU SECTEUR DE L'ÉLECTRICITÉ

1. La crise du secteur électrique en Californie

Au cours de l'hiver 2000-2001, la Californie, Etat le plus peuplé des Etats-Unis, a connu une crise du marché électrique sans précédent. Cette crise a surpris l'opinion publique de l'un des Etats les plus riches -il représente à lui seul près de 15 % du produit intérieur brut américain- et surtout de celui qui a devancé tous les autres en adoptant, dès 1996, une loi portant libéralisation du secteur électrique, entrée en vigueur en 1998. C'est pourquoi il convient de tenter de tirer les premiers enseignements de ces événements.

Une pénurie électrique sans précédent

La crise a touché aussi bien les consommateurs que les distributeurs d'électricité
.

Au cours du mois de janvier 2001, des coupures de courant ont été imposées aux abonnés pour éviter l'écroulement du système électrique. En mars, la crise se poursuivant, les pouvoirs publics ont institué des coupures « tournantes » qui ont occasionné de gigantesques embouteillages, puisque les feux de circulation ne fonctionnaient pas, et des dommages à l'économie californienne dans son ensemble. Au printemps, la crise s'est diffusée dans d'autres Etats de l'Ouest du pays (Arizona, Oregon, Nevada) et jusque dans les Etats de Washington et de New York où des pénuries étaient redoutées pour l'été.

La crise a notamment entraîné la faillite du premier distributeur d'électricité de Californie , Pacific Gas et Electric, qui a déposé son bilan le 6 avril 2001, ce qui a accru la désorganisation du secteur. Cette faillite était due à la conjugaison du décuplement des prix de gros aux heures de pointe et de l'interdiction d'accroître le prix de vente au consommateur final. Au total, selon une étude citée par Les Echos des 18-19 avril 2001, la pénurie de courant pourrait avoir coûté 21,8 milliards de dollars à l'économie californienne dans son ensemble, et causé la perte de 135.000 emplois, outre une diminution du revenu des ménages estimée à 4,5milliards de dollars.

Une crise causée par un manque d'investissement et une libéralisation inefficace

La première cause de la crise américaine résulte d'un sous-investissement manifeste tant en termes de production qu'en matière de transport de courant.

Les capacités de production de courant n'ont pas suivi le rythme du développement de l'économie américaine , si bien que les marges de sécurité de production n'ont pas été respectées. Le problème n'est d'ailleurs pas résolu pour l'avenir, puisque l'on estime que la demande devrait croître de 20 à 25 % au cours de la prochaine décennie tandis que l'offre n'augmenterait que de 4 % environ si aucun dispositif encourageant l'investissement n'entre en oeuvre.

La question de la création de lignes à très haute tension, les seules qui permettent de créer un véritable marché unifié se pose également de façon récurrente , du fait des difficultés rencontrées pour installer ces lignes. Selon un responsable du Minnesota, la dernière ouverture de ligne dans cet Etat daterait de 1978 et l'on aurait, dès cette époque, dû surmonter des obstacles pour la mener à bien, vu l'hostilité de l'opinion publique à l'installation des lignes à très haute tension.

Pour lutter contre le sous-investissement chronique qui a atteint le secteur énergétique américain, le président des Etats-Unis a présenté en mai 2001, un « plan énergétique national » qui prévoit notamment la construction de plusieurs centaines de centrales électriques au cours des vingt prochaines années et la promotion du nucléaire qui ne représente aujourd'hui que 20 % du potentiel de production énergétique américaine.

Une libéralisation incontrôlée

Comme le souligne l'analyse de la crise américaine présentée par la Commission de régulation de l'électricité française 7( * ) , le déséquilibre entre l'offre et la demande observé aux Etats-Unis résulte de divers facteurs, outre le sous-investissement déjà évoqué, à savoir :

- une hausse de la consommation plus élevée que prévu du fait de la croissance économique ;

- un parc de centrales vieillissantes dont la disponibilité laisse à désirer ;

- des conditions climatiques défavorables (sécheresse de l'été, et rigueur l'hiver) ;

- le quadruplement du prix du gaz naturel observé entre janvier 2000 et janvier 2001.

Dans ce contexte, la hausse des prix de gros de l'électricité a été fatale aux distributeurs qui n'avaient pas le droit de la répercuter sur les consommateurs finaux . En effet, la loi de libéralisation adoptée en 1996 prévoyait qu'en contrepartie de la faculté de recouvrer le montant des « coûts échoués » accordée aux distributeurs, les hausses de tarifs à la vente leur étaient interdites jusqu'en mars 2002.

Les remèdes apportés à la crise californienne attestent de la nécessité d'une régulation efficace du marché . Ils consistent d'une part en une hausse du prix de l'électricité de 40 % en moyenne , destinée à rembourser à l'Etat de Californie les sommes qu'il a engagées pour financer l'achat en gros d'électricité aux compagnies locales et d'autre part, en une surveillance du mode de fixation du prix de l'électricité sur le marché de gros . Il semble, en effet, que les producteurs aient tiré profit des tensions existantes sur le marché pour majorer leurs bénéfices.

Enfin, au cours de l'hiver 2001, l'Etat de Californie a conclu des contrats d'approvisionnement à long terme avec des fournisseurs d'électricité pour les dix prochaines années.

Comme le souligne la CRE, la principale conclusion à tirer de cette crise est que : « aucun modèle de marché ne peut empêcher un déséquilibre entre l'offre et la demande de s'instaurer si des projets d'équipement de centrales de production sont durablement bloqués par les autorités politiques, administratives, ou par les oppositions locales » 8( * ) .

2. La gestion du risque « réseau » en France à la suite des tempêtes de 1999

Bien qu'elle n'ait pas revêtu l'ampleur de la crise américaine de 2001, la crise survenue en France à la suite des graves tempêtes de 1999, a montré les risques qu'encourt le système de transport et de distribution. Dans un rapport annuel 2000, le Réseau de transport de l'électricité dresse le bilan suivant des tempêtes qui l'ont mis dans l'incapacité d'acheminer environ 117 GWh d'électricité en :

- endommageant 1.000 pylônes du réseau à très haute tension et à haute tension (environ 0,5% du parc) ;

- mettant hors tension 119 lignes à très haute tension et 421 lignes à haute tension ;

- privant d'alimentation 184 postes sources de 90.000 et 63.000 volts, ainsi que de deux postes de 400.000 volts.

Elles ont, en outre, mis hors service :

- 38 des 447 circuits 400.000 volts (soit 8,5 % du parc national) et 135 des 27.000 supports 400.000 volts (soit 0,5 % du parc national) ;

- 81 des 1.421 circuits de 150.000 et 225.000 volts (soit 5,7 % du parc) et 145 des 63.000 supports (soit 0,2 % du parc) ;

- 421 des 5.093 circuits de 63.000 et 90.000 volts (soit 7,6 % du parc) et 790 des 170.000 supports (soit 0,5 % du parc).

Un rapport présenté au Gouvernement par le Conseil général des mines, a récemment souligné qu'il serait souhaitable de renforcer la politique d'enfouissement des lignes . Il a insisté sur la supériorité de l'enfouissement pour tous les types de réseaux, tout en rappelant les différences de coût encore notables qui jouent en sa défaveur, notamment pour les réseaux à haute tension, outre certains inconvénients tels que la sensibilité des réseaux enfouis aux inondations. Compte tenu du coût estimé des tempêtes pour la collectivité nationale (35 à 40 milliards de francs) et du risque de voir survenir de tels événements (50 à 100 ans), le Conseil général des mines considère qu'il n'y a pas lieu de consacrer plus de 3 milliards de Francs par an à l'enfouissement des réseaux. A l'exception de la moyenne tension, la recherche d'une utilisation optimale de cette enveloppe à la seule fin de sécurisation des réseaux électriques conduirait à privilégier le renforcement des réseaux aériens.

S'agissant de la basse tension, le Conseil général des mines envisage dans un souci esthétique, qu'environ 30 milliards de francs supplémentaires soient consacrés, sur 25 ans, à l'enfouissement d'une partie du stock des réseaux à basse tension.

Enfin, en ce qui concerne le réseau de transport, il serait envisagé d'enfouir plus systématiquement les nouveaux réseaux dans la périphérie des grandes agglomérations.

Votre Commission des Affaires économiques s'interroge, quant à elle, sur plusieurs conclusions du rapport précité. Elle estime, en premier lieu, que toute modification du rôle des collectivités concédantes de la distribution d'électricité (et notamment des compétences des maîtres d'ouvrages) ne saurait s'inscrire que dans le cadre global d'un réexamen des contrats de concession.

Elle considère, en outre, en ce qui concerne la sécurisation des réseaux, que les programmes de travaux doivent être élaborés par les concessionnaires et soumis, pour accord, aux autorités concédantes, ce qui n'est, malheureusement pas toujours le cas aujourd'hui.

Elle souscrit à l'objectif d'enfouir, d'ici à 25 ans, 80 % des lignes à basse tension en conducteurs nus, sous réserve qu'un objectif équivalent soit également fixé pour les lignes aériennes isolées.

Elle estime souhaitable que des études complémentaires soient réalisées sur le financement des investissements destinés à la sécurisation, pour chiffrer les conséquences sur les tarifs d'utilisation des réseaux et sur la fiscalité locale d'une politique d'enfouissement des lignes de distribution.

Elle souhaiterait connaître le montant de l'abattement forfaitaire susceptible d'être opéré sur les factures d'électricité des consommateurs qui subissent des interruptions de la fourniture de courant.

D'un point de vue plus général, votre commission des Affaires économiques souhaiterait que les concessionnaires de la distribution d'électricité fournissent au autorités concédantes un état patrimonial mis à jour.

S'agissant de l'élaboration d'un système d'information géographique national de cartographie des lignes par EDF, elle souhaite que ce système soit compatible avec les instruments utilisés par les collectivités locales et que les collectivités concédantes y aient accès pour exercer leur pouvoir de contrôle de l'exécution du service
. Elle rappelle aussi que l'article 53 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire prévoit, d'ores et déjà, qu'un décret définira les caractéristiques d'un système national de référence de coordonnées géographiques, planimétriques et altimétriques auxquelles seront rattachées toutes les informations localisées issues des travaux topographiques ou cartographiques réalisés par l'Etat, les collectivités locales, les entreprises chargées de l'exécution d'une mission de service public ou pour leur propre compte.

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