CHAPITRE II -

LA MARINE MARCHANDE

A. LA FLOTTE DE COMMERCE

La flotte de commerce sous pavillon français a légèrement baissé au cours de l'année 2000, passant de 209 à 206 navires. Sa capacité s'est également réduite de 6,5 % et se monte aujourd'hui à 4,39 millions de tonneaux de jauge brute (tjb). Le tonnage de port en lourd, de 6,72 millions de tonnes de port en lourd (tpl), a enregistré, lui aussi, une diminution de 3,6 %.

Ces évolutions de tonnage et de jauge résultent de dix-huit sorties de flotte au cours de l'année 2000, alors que seules quinze entrées ont été enregistrées. Parmi les dix-huit sorties, dix portent sur des transporteurs d'hydrocarbures. Les quinze entrées consistent en six achats neufs, deux achats d'occasion et sept francisations provisoires. Ces mouvements ont notamment permis un rajeunissement de la flotte pétrolière française, son âge étant passé de 16,5 ans à 13,5 ans au cours de l'année 2000.

La flotte marchande française occupe à ce jour le vingt-huitième rang mondial.

La répartition de ces navires selon les différents registres du pavillon français s'opère de la manière suivante : quatre vingt un navires sous registre métropolitain, quatre vingt dix-sept sous celui des Terres australes et antarctiques françaises, et vingt huit sous ceux de Wallis et Futuna et de Polynésie.

Au cours de l'année 2001, on aura relevé la poursuite du renouvellement de la flotte de transporteurs de pétrole brut au travers de la sortie de cinq vieilles unités, remplacées par cinq à six navires récents, l'entrée en flotte de quatre porte-conteneurs de 6.500 équivalents vingt pieds (evp), et enfin la mise en service d'un nouveau navire de croisière, livré par les chantiers de l'Atlantique.

Lors du Comité interministériel de la mer (CIM) du 27 juin 2000, un certain nombre d'orientations ont été prises concernant les différents secteurs du transport maritime.

Pour les transbordeurs opérant en Manche et ceux desservant la Corse, ainsi que pour les navires portuaires ou affectés à une exploitation dans le ressort exclusif des eaux françaises, le Gouvernement souhaite maintenir et renforcer le registre métropolitain.

En revanche, pour la flotte française de long cours et de cabotage , le Gouvernement souhaite développer un registre économique à l'instar des autres pays européens ; à cet effet, il envisage une réforme du registre « Terres australes et antarctiques françaises » (TAAF), principalement sous son aspect social.

Parallèlement, se sont tenues des discussions relatives au mode de composition des équipages embarqués sur des navires immatriculés aux TAAF entre le comité central des armateurs de France et les organisations syndicales de marins.

A cet égard, le Gouvernement envisage une réforme visant à ce que le nombre de marins français à bord des navires puisse procéder non seulement de la voie réglementaire, mais aussi de la négociation entre partenaires sociaux.

Les partenaires sociaux ont également engagé des discussions concernant les moyens de fonctionnement des organisations syndicales et concernant les navigants étrangers embarqués sur les navires immatriculés aux TAAF. Elles ont abouti en juin 2001 à deux protocoles d'accord.

Notons encore l'ouverture du registre des TAAF à l'immatriculation des navires de croisière afin de profiter des retombées, en termes d'emploi de marins français, de la forte croissance de la navigation de croisière.

Le pavillon « terres australes et antarctiques françaises » et la flotte contrôlée par des intérets français

Au 1 er janvier 2001, 97 navires de commerce effectuant des relations internationales et totalisant 3.647.975 unités de jauge brute et 6.292.810 tonnes de port en lourd étaient enregistrés au pavillon des « terres australes et antarctiques françaises » (TAAF).

L'immatriculation des navires au territoire des TAAF permet de réduire les coûts d'exploitation en offrant aux armements qui optent pour ce registre la possibilité d'être plus compétitifs sur le marché du transport maritime international.

La proportion de navires de notre flotte nationale immatriculés dans le territoire des TAAF n'a cessé de progresser depuis la création de ce registre. Elle s'élève aujourd'hui à 47 % pour ce qui est du nombre d'unités, et à près de 93 % pour ce qui est de la capacité de transport.

Pour votre rapporteur pour avis, ce dispositif reste néanmoins encore largement insuffisant.

C'est l'article 26 de la loi du 26 février 1996 relative aux transports qui a donné un fondement législatif au registre d'immatriculation des navires aux TAAF.

Le décret du 14 mars 1997 a ouvert l'immatriculation sous ce registre à l'ensemble des navires de commerce à l'exception des navires transporteurs de passagers.

Dans leur rapport sur la flotte française de commerce remis au ministre de l'Equipement, des transports et du logement, deux inspecteurs généraux ont préconisé d'apporter plusieurs modifications au registre TAAF. De nouvelles conditions d'armement pour les navires, accompagnées d'un renforcement des règles sociales applicables aux marins étrangers embarqués à bord de ces navires ont, aussi, été suggérées.

Le registre TAAF rencontre, toutefois, certaines difficultés juridiques auprès des administrations maritimes de certains Etats membres de la Communauté européenne qui ont contesté le caractère pleinement « communautaire » du registre TAAF, compte tenu de sa localisation dans un territoire non-communautaire. Ces Etats refusent, en conséquence, aux navires qui y sont immatriculés le bénéfice des dispositions communautaires relatives à la liberté de cabotage maritime.

Le Gouvernement étudie actuellement ce dossier avec la Commission européenne.

La flotte contrôlée par des intérêts français représente, quant à elle, plus du tiers de la capacité de transport des armateurs français, avec, en 2000, quelque 100 navires en propriété sous divers pavillons étrangers, soit environ 2,6 millions de tonnes de port en lourd.

Le tableau ci-après montre l'évolution et l'état de la flotte sous pavillon national, dont celle qui est immatriculée au TAAF de 1996 à 2001.

ÉVOLUTION DE LA FLOTTE DE COMMERCE DE 1996 À 2001

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Flotte de commerce sous pavillon national

Nombre

209

210

210

210

209

206

JB (unités de jauge brute)

3 947 881

4 085 748

4 211 070

4 155 137

4 348 763

4 431 348

PL (tonnes de port en lourd)

6 264 183

6 339 262

6 562 763

6 472 507

6 728 138

6 744 386

Dont immatriculation TAAF

Nombre

86

89

91

102

100

97

JB (unités de jauge brute)

3 002 232

3 123 761

3 288 617

3 490 692

3 594 638

3 647 975

PL (tonnes de port en lourd)

5 462 709

5 562 788

5 796 086

6 021 258

6 292 810

6 314 418

Pourcentage de la flotte sous immatriculation TAAF

Unités

41,15 %

42,38 %

43,33 %

48,57 %

47,85 %

47,09 %

Capacités de transport (TPL)

87,21 %

87,75 %

88,32 %

93,03 %

93,53 %

93,62 %

Postes de navigants sur les navires immatriculés aux TAAF

Français

807

807

NC

NC

759

742

Etrangers

736

749

NC

NC

815

849

TOTAL

1 5343

1 556

NC

NC

1 574

1 591

B. L'ARMEMENT FRANÇAIS

L'activité générale

On sait que la France est la quatrième puissance commerciale du monde : 56 % de ses importations et près de 40 % de ses exportations en volume utilisent la voie maritime. L'armement français a enregistré, en 2000, un chiffre d'affaires de 3,964 milliards d'euros.

Le trafic global de notre flotte s'est établi au cours des dernières années, à environ 100 millions de tonnes transportées (dont 80 % en vrac et 20 % par lignes régulières) pour un chiffre d'affaires moyen d'un peu plus de 4 milliards d'euros.

Le secteur des lignes régulières de long cours , qui assure l'essentiel du transport intercontinental des marchandises générales, comprend actuellement deux grands ensembles français, le groupe CMA-CGM, qui se situait, au mois d'août 2001, au neuvième rang mondial pour le transport de conteneurs, et l'armement Delmas, propriété du groupe Bolloré.

Ces deux entreprises assurent plus des deux tiers du chiffre d'affaires du secteur français.

En ce qui concerne le marché du vrac sec , le résultat de l'activité de l'armement français s'établissait à 21,7 millions de tonnes en 1998. Ce résultat tenait compte du transport de cargaisons de produits bruts et de matières premières, ainsi que des transports spécialisés (produits chimiques, colis lourds, liquides).

Ce trafic relève principalement des armements Louis Dreyfus et Setaf-Saget, filiale du groupe Bourbon, qui exploitent à eux deux une quarantaine de navires.

Le transport d'hydrocarbures est un secteur centré autour des deux activités que sont le transport de pétrole brut et celui des produits pétroliers.

Les autres activités maritimes sous pavillon français sont la prestation de services portuaires et de remorquage en France et à l'étranger, les services aux compagnies pétrolières (recherche sismique, ravitaillement, travaux sous-marins) ainsi que le micro-cabotage , notamment outre-mer.

On relèvera notamment dans ce secteur le groupe Bourbon au travers de ses différentes filiales (Les Abeilles, Les Abeilles Internationales, Surf SAS) et Louis Dreyfus Armateurs. Le secteur du remorquage représente à peu près le quart de l'emploi maritime en France.

Les principaux armements

En 2000, la situation des principaux armements français peut être ainsi résumée :

- Brittany Ferries (BAI)

On sait que le groupe BAI-Brittany ferries comprend notamment les sociétés BAI (transport de passagers), Truckline (transport de fret) Serestel (hôtellerie) et les sociétés d'économie mixte Somacal, Sabemen, Senacal et Senamanche.

Cet ensemble dessert l'Angleterre et l'Irlande à partir de la France ainsi que l'Espagne à partir de l'Angleterre. Elle associe à son activité de transporteur maritime celle de tour opérateur en offrant des produits touristiques.

Les navires du groupe ont transporté deux millions et demi de passagers en 2000, en réduction de 5,8 % par rapport à 1999 ; ce recul s'explique notamment par la diminution du nombre des touristes britanniques en Bretagne à la suite de la catastrophe de l'Erika, et par la suppression des ventes hors taxes.

Le nombre des voitures transportées, (730.100) a reculé également de 4,3 % alors que celui des camions et véhicules de fret continue de progresser pour dépasser les 176.300 unités transportées.

Sur le marché de la Manche-Ouest en recul pour la deuxième année consécutive (-6,6 % pour les passagers et -4,5 % pour le fret), Brittany-Ferries a augmenté néanmoins ses parts de marché avec respectivement 52,6% pour l'activité passagers et 57,7 % pour le fret.

En 2000, le groupe exploitait six lignes avec une flotte composée de sept navires transbordeurs de grande capacité renforcée par un navire cargo affrété pour répondre à la hausse du trafic des camions.

En moyenne, le groupe a employé un effectif de 1.940 personnes en basse saison et de 2.460 en haute saison, dont 1.640 navigants.

Les comptes financiers du groupe font apparaître un chiffre d'affaires consolidé de 292,1 millions d'euros, en régression de 1,8 %.

Au total, le résultat s'est établi à 6,73 millions d'euros, en 2000, contre 25,947 millions d'euros en 1999.

- Groupe CMA-CGM

Exclusivement consacré au transport maritime de lignes régulières de « conteneurs », le groupe CMA-CGM a transporté, en 2000, 1,6 million de « conteneurs », soit 20 % de plus qu'en 1999. Il se classe désormais au 9 ème rang mondial pour ce transport, au 4 ème rang européen et au 1er rang français.

CMA-CGM a poursuivi la modernisation de sa flotte.

De nouvelles lignes ont été ouvertes entre l'Asie et la côte Ouest des Etats-Unis dans le prolongement du service entre l'Europe, la Chine et le Japon vers l'Amérique du Nord, entre l'Inde et la côte Est des Etats-Unis et entre la France et l'Algérie.

Au 31 décembre 2000, la flotte du groupe comptait 80 navires dont 19 en propriété et un parc de 300.000 conteneurs.

Si l'effectif moyen des sociétés intégrées au groupe était d'environ 3.500 personnes dont 2.200 en France, principalement à Marseille, on note que le nombre des navigants est resté stable avec 460 personnes.

Le chiffre d'affaires est passé de 1,448 milliard d'euros, en 1999, à 2,018 milliards d'euros en 2000, le résultat d'exploitation passant de 39,6 à 125,9 millions d'euros. Le résultat courant s'est établi, quant à lui, à 91,7 millions d'euros en 2000.

Malgré le ralentissement de la croissance américaine, relevons que le trafic « conteneurisé » reste bien orienté.

La croissance projetée est, en effet, de l'ordre de 7 % en 2001.

Pour 2001, le groupe prévoit de poursuivre son développement par la création de lignes nouvelles et en continuant la modernisation de son matériel naval.

- Armement Delmas

Spécialisé dans le transport maritime par lignes régulières, plus particulièrement à destination de l'Afrique, l'armement Delmas constitue le maillon maritime d'une entreprise de transport assurant la prise en charge des marchandises de « bout en bout ».

L'année 2000 a été difficile pour le groupe.

Le chiffre d'affaires de Bolloré Investissements, la société-mère, a enregistré une baisse de 3 % par rapport à l'exercice précédent. Le résultat net (128 millions d'Euros) a accusé, pour sa part, un recul de 34,2 %, dû majoritairement aux mauvais résultats des activités maritimes.

En fait, le groupe Bolloré a été pénalisé par la baisse des taux de fret sur la côte ouest de l'Afrique à la suite du doublement de la capacité de transport décidé par son concurrent, l'armement danois Maersk, sur cette destination.

Notons, cependant qu'au cours des deux dernières années, les parts de marché de Delmas sur la COA sont passées de 23 à 40 % grâce, en particulier, au rachat de l'armement britannique OTAL.

Le nombre de conteneurs transportés est passé, dans le même temps, de 55.000 à 130.000.

Au premier trimestre 2000, le chiffre d'affaires des activités maritimes de Bolloré Investissements a augmenté de 13 %, le résultat d'exploitation de la branche transports triplant par rapport à la même période en 1999.

- Louis Dreyfus armateurs

Louis Dreyfus Armateurs (LDA) transporte chaque année environ 45 millions de tonnes de marchandises sur les principales voies maritimes à l'aide de plus de 40 navires.

Il emploie 700 marins dont 200 français.

Cet armement intervient principalement dans le secteur du transport en vrac.

Au courant de l'année 2000, Louis Dreyfus armateurs a racheté la participation de la Navale Française au capital de France Euro Tramp SA.

- Groupe Bourbon

Bourbon Maritime, branche maritime du groupe Bourbon, exploite une flotte de plus de 100 navires au travers de ses différentes filiales que sont Les Abeilles SA et Les Abeilles International (remorquage et sauvetage), Surf SAS (marine de services), Setaf-Saget (transport de vrac). Il s'agit de quatre-vingt dix remorqueurs, quatre remorqueurs de haute-mer, douze « supplies » et remorqueurs de service, soixante-cinq vedettes de liaison et deux vraquiers auxquels s'ajoutent plus d'une trentaine de navires affrétés.

Au cours de ces derniers mois, Bourbon Maritime a décidé de se recentrer sur le remorquage, le transport de vrac et l'off-shore.

Malgré la vente des filiales Antilles Transport Express et Rivages Croisières, le chiffre d'affaires de Bourbon Maritime a été, en 2000, de 322,3 millions d'euros, en hausse de 12,2 % par rapport à l'exercice précédent.

Bourbon Maritime emploie 1.400 marins, dont 700 officiers.

C. LE COÛT DU PAVILLON FRANÇAIS

Votre rapporteur pour avis a interrogé le ministère chargé des transports sur un problème qui lui est apparu comme majeur : le « coût du pavillon français ».

Pour le Gouvernement, les armateurs français ne sont pas dans une situation particulièrement défavorable, qu'il s'agisse des frais d'entretien et de sécurité, des frais financiers, des frais divers de gestion, des dotations aux amortissements, des consommables ou des assurances.

Il a, toutefois, admis, sur la base d'une étude sur le « coût des équipages dans l'espace économique européen » conduite en 1996 que si les coûts salariaux des marins français étaient légèrement supérieurs à la moyenne des autres pays européens, leurs conditions d'emploi (durée annuelle de travail, congés) étaient par contre nettement plus favorables. De même, les charges sociales étaient supérieures à celles rencontrées dans les registres concurrents.

D'autre part, toujours selon le Gouvernement, le coût des équipages des navires immatriculés aux Taaf, a eu tendance, entre 1996 et 2000, à se rapprocher de la moyenne européenne. Par rapport à une moyenne européenne de 100, le registre Kerguelen est passé de l'indice 133 à l'indice 113 pour les navires à marchandises diverses de 1.500 tonneaux de jauge brute (TJB), de 129 à 109 pour les navires à cargaisons sèches de 3.300 TJB et de 104 à 89 pour les navires citernes de 9.000 TJB.

Pour votre rapporteur pour avis, les mesures existantes sont largement insuffisantes.

Les exemples italiens et anglais montrent que des dispositifs d'exonération et de soutien beaucoup plus audacieux tant sur le plan social que fiscal sont possibles dans le cadre communautaire.

Un véritable plan de soutien apparaît indispensable à l'heure où la flotte de la 4 ème ou 5 ème puissance économique mondiale -la France- occupe la 28 ème place dans le monde.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page