II. UNE POLITIQUE COMMUNAUTAIRE EN DÉBAT

A. LE LIVRE VERT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE SUR L'AVENIR DE LA POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE

Présenté par la Commission le 20 mars 2001, ce Livre vert sur l'avenir de la Politique commune de la pêche (PCP) répond à la nécessité de réformer la PCP à l'horizon 2002, d'abord en raison de l'échéance du règlement de base n° 3760/92 du 20 décembre 1992, mais aussi du fait de son incapacité à atteindre l'objectif d'une exploitation durable des ressources. Les défis que doit relever la Politique commune de la Pêche (élargissement de l'Union Européenne, mondialisation, considérations environnementales...) imposent également une réforme, indépendamment des faiblesses internes du système.

1. Constat des insuffisances de la PCP

Politique de conservation : inquiétude sur certains stocks

Du point de vue biologique, la Commission juge la durabilité d'un grand nombre de stocks menacée si l'intensité de l'exploitation se maintient au niveau actuel ; ce sont les stocks de poissons ronds démersaux, notamment le cabillaud et le merlu, qui seraient aujourd'hui le plus en danger et exigeraient des actions urgentes : les quantités de poissons démersaux adultes étaient en moyenne de 90% supérieures au début des années 1970 par rapport à la fin des années 1990.

Pour une exploitation maîtrisée des stocks, la Politique commune de la Pêche a recouru presque exclusivement au plafonnement des quantités qu'il est permis de pêcher en un an (totaux admissibles de capture, ou TAC, et quotas nationaux fixés en conséquence), et elle a établi des dispositions concernant par exemple le maillage, les zones interdites, les périodes d'arrêt biologique (mesures techniques). On s'est autrefois efforcé de combiner ces mesures (destinées à maîtriser les quantités pêchées) avec d'autres, portant sur la capacité de la flotte ; la Commission considère que ces tentatives ont largement échoué . Il n'a pas été possible de tirer parti de tous les instruments mis à disposition par le règlement 3760/92. De modestes progrès ont été réalisés grâce à une programmation pluriannuelle; quant à la gestion de l'effort de pêche, elle a donné des résultats médiocres.

Il est encore trop tôt pour apprécier l'efficacité de la réglementation sur les nouvelles mesures techniques, en vigueur depuis le début de l'an 2000, mais la Commission estime que ce dispositif ne pourra résoudre que partiellement les problèmes qui se posent à l'heure actuelle. Le contrôle des maillages reste une opération difficile, surtout lorsque plusieurs maillages différents peuvent être utilisés au cours de la même campagne de pêche. Si le respect des mesures techniques demeure problématique, c'est aussi en raison de la complexité des réglementations et de leur diversité selon les secteurs géographiques.

La Commission reconnaît qu'il n'a pas été possible non plus d'impliquer suffisamment les pêcheurs dans la politique mise en oeuvre, ce qui aurait permis d'obtenir leur adhésion et de mettre à profit leur savoir-faire.

La Commission regrette que le Conseil ait fixé certains totaux admissibles de capture (TAC) à des niveaux systématiquement supérieurs à ceux qu'elle proposait sur la base des avis scientifiques ; la surpêche, les rejets et la surcapacité de la flotte sont aussi partiellement responsables des problèmes actuels.

Enfin, la Commission relève qu'il y a des lacunes et des faiblesses notables dans les avis et les informations émanant des scientifiques, ces derniers n'ayant pas les moyens de se consacrer à des recherches innovantes portant sur d'autres possibilités envisageables aux fins de mesures de gestion.

Une dimension environnementale à prendre en compte

La Commission juge que la PCP devrait aller beaucoup plus loin dans le sens d'une intégration volontariste de la dimension environnementale
dans l'élaboration de la stratégie à mettre en oeuvre. En effet, la durabilité du secteur de la pêche est tributaire du bon fonctionnement de l'écosystème, ainsi que des espèces qui en font partie.

Elle regrette les lacunes des connaissances sur le fonctionnement des écosystèmes marins, et sur les effets collatéraux de la pêche propres à aggraver les déficiences environnementales de la PCP.

La pollution engendrée par l'industrie, le tourisme ou d'autres activités humaines a des effets négatifs sur la qualité et la quantité de poissons ainsi que sur les écosystèmes. Il importe de prendre les mesures adéquates pour combattre de manière cohérence ces effets négatifs.

Une politique de gestion de la flotte jugée peu rigoureuse

La flotte actuelle, dont la capacité de pêche est actuellement définie en termes de tonnage et de puissance motrice, est jugée beaucoup trop importante par la Commission.

Le progrès technique accroît l'efficacité des bateaux de pêche et il réduit ainsi l'impact des efforts tendant à une réduction programmée de la capacité.

Les programmes d'orientation pluriannuels (POP) de la flotte de pêche, censés réduire le problème de sa surcapacité, ont été fixés par le Conseil à des niveaux moins ambitieux que ce que la Commission estimait nécessaire pour traiter efficacement le problème de la surcapacité et souvent ils n'ont pas été mis en oeuvre.

Contrairement à la proposition de la Commission, l'actuel programme, POP IV (1997- 2001), est beaucoup moins ambitieux que le POP III : pour une période de validité de cinq ans, il vise une réduction de 3 % de la capacité et de 2 % de l'activité. Ces objectifs ont déjà été atteints en matière de capacité dès 1997, année d'adoption du POP IV.

En outre, le fait de combiner des réductions dont les unes portent sur l'activité et les autres sur la capacité, rend l'administration du POP IV extrêmement complexe et onéreuse, tant pour les États membres que pour la Commission.

Les aides au titre de la construction ou de la modernisation et les coûts d'exploitation ont peut-être concouru à aggraver la surcapacité actuelle.

Un processus décisionnel inadapté, négligeant d'impliquer les intéressés

La Commission européenne convient que le cadre juridique actuel n'est pas bien adapté à la nécessité de réagir à des problèmes locaux ou à des situations de crise.

De surcroît, elle n'ignore pas que les acteurs du secteur n'ont pas le sentiment d'être suffisamment associés à certains aspects importants de la politique mise en oeuvre (élaboration d'avis scientifiques, adoption de mesures techniques...).

Ce déficit de participation influe négativement sur l'adhésion aux mesures de conservation adoptées . Les intéressés ne sont pas satisfaits des dispositifs de consultation existants, tel que le comité consultatif de la pêche et de l'aquaculture. Les ateliers régionaux récemment organisés par la Commission pour traiter les problèmes de gestion spécifiques ont été considérés comme un pas dans la bonne direction, mais la Commission est consciente que les différents acteurs concernés attendent davantage.

Surveillance et contrôle défaillants

La Commission est consciente que les pêcheurs demandent la mise en place au niveau communautaire d'un système de contrôle plus centralisé et plus harmonisé, qui permettrait selon eux d'agir plus efficacement dans toute la Communauté et d'y assurer l'égalité de traitement. Elle n'ignore pas que les résultats obtenus quant au suivi des infractions ne leur semblent pas non plus satisfaisants.

L'organisation du contrôle et de la surveillance est aujourd'hui compartimentée et les ressources disponibles pour l'inspection et pour le contrôle sont loin d'être optimales.

La Communauté n'est pas davantage parvenue à arrêter une position sur le contrôle des activités de pêche dans le cadre des organisations régionales de la pêche (ORP).

Poids économique et malaise social

La PCP comporte une importante dimension économique.

Les effets économiques de la PCP sont importants. L'organisation commune du marché et la politique commerciale commune permettent de soutenir les cours et d'offrir une protection tarifaire aux producteurs communautaires. Par l'intermédiaire de l'Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP), la Communauté intervient significativement dans le secteur de la pêche, en finançant des investissements concernant aussi bien des bateaux de pêche que des installations côtières pour la transformation et pour l'aquaculture. Enfin, le secteur de la pêche bénéficie également de certaines aides d'Etat , hors IFOP. Si l'on totalise les financements communautaires et nationaux, la masse d'argent public injectée chaque année dans le secteur de la pêche en Europe s'établit à environ 1,1 milliard d'euros , soit une part importante de la valeur de la production communautaire totale (de l'ordre de 7 milliards d'euros pour le poisson débarqué et de 2 milliards pour l'aquaculture).

En outre, les fonds structurels prévoient que les zones côtières et îles les moins prospères de l'Union Européenne sont éligibles aux programmes d'aides de l'Objectif 1 (régions accusant un retard de développement) jusqu'en 2006. Ces programmes couvrent la plus grande partie des régions côtières et des îles appartenant à quatre pays : Portugal, Espagne, Italie et Grèce. D'autres régions sont aidées au titre de l'objectif 2 (régions en restructuration) qui vise entre autres, des régions dépendantes de la pêche en difficulté dans cinq Etats membres. Un programme particulier, PESCA , était également introduit pendant la période de programmation précédente, 1994-1999, pour soutenir l'adaptation des marins pêcheurs aux changements du secteur et pour les préparer à des activités alternatives.

Si la situation économique de la pêche s'est quelque peu améliorée au milieu des années 90 pour des raisons conjoncturelles (hausse de la valeur du poisson débarqué et baisse, en termes réels, du coût du carburant -tendance qui s'est brutalement inversée depuis lors-), la surcapacité a toujours des effets économiques fâcheux sur la rentabilité de la flotte . En effet, chaque navire, considéré isolément, est moins à même de procurer un revenu adéquat ; la rentabilité de la flotte souffre de la sous-utilisation des investissements ; concomitamment, l'insuffisance du retour sur investissement retarde la modernisation et affaiblit encore la compétitivité. C'est pourquoi la Commission considère que l'amélioration des résultats économiques et financiers de la flotte de pêche communautaire passe avant tout par une réduction quantitative globale des moyens de production mis en oeuvre, évaluée à 40 % .

La Commission juge également nocive la politique de subvention : réduisant artificiellement les coûts ainsi que les risques inhérents à l'investissement, les subventions aggravent les difficultés d'un secteur qui souffre déjà de « surcapitalisation ». Dès qu'un navire donne lieu à l'octroi de subventions, chaque navire de la flottille concernée enregistre une baisse de sa productivité et de sa rentabilité. La Commission relève aussi que la politique des subventions a des effets pervers sur la concurrence, étant donné que les navires, subventionnés ou non, se partagent les mêmes zones de pêche et le même marché. Enfin, supportant des coûts très élevés au titre du remboursement des emprunts contractés pour investir, les propriétaires de navires ont moins de moyens pour améliorer la rémunération de leurs équipages.

Le secteur de la pêche est en constante régression. De 1990 à 1997, la baisse des effectifs s'établit à 13 % (soit une perte de 60.000 emplois) et les aides communautaires à l'investissement en capital n'ont pu, selon la Commission, qu'accentuer la tendance.

Si les politiques existantes demeurent inchangées, le secteur européen de la pêche sera de plus en plus menacé dans sa durabilité , dans sa viabilité économique et dans sa compétitivité, même sur son propre marché. En outre, si la surcapitalisation persiste et si la flotte reste surdimensionnée, la durabilité des ressources de pêche sera compromise sans que soit résolu pour autant le problème de l'emploi dans les régions où la pêche revêt une grande importance économique.

Selon la Commission, une gestion durable de la pêche, impliquant l'accroissement des stocks de poisson, se soldera par une rentabilité accrue de la pêche, activité à laquelle de nouveaux venus pourraient alors s'intéresser.

L'aquaculture : un secteur à encourager

L'aquaculture contribue de manière importante à l'approvisionnement en poisson sans accroître la pression sur les stocks et elle fournit des emplois de substitution dans de nombreuses régions tributaires de la pêche.

La Commission souhaite que l'aquaculture européenne sache relever efficacement les défis résultant des exigences relatives à l'environnement et à la protection de la santé.

Un secteur de la transformation en difficulté

Le secteur de la transformation en Europe, quoi qu'ayant bénéficié de l'aide structurelle de la Communauté, est principalement constitué de petites et moyennes entreprises qui connaissent diverses difficultés : approvisionnement insuffisant, irrégulier et non compétitif; exigences relatives à la santé et à l'hygiène; concurrence des pays tiers; apparition de chaînes de grande distribution qui tirent les prix vers le bas.

Une dimension internationale de la PCP confrontée à de nouveaux défis

La flottille de la Communauté opère surtout dans les eaux communautaires, mais il n'en demeure pas moins que le secteur communautaire de la pêche est tributaire, dans une mesure non négligeable, de l'accès à des ressources non communautaires, c'est-à-dire à des ressources qu'il faut partager avec des pays tiers, lesquels doivent s'entendre avec la Communauté sur la définition des conditions d'accès.

Il faut que la politique actuelle s'adapte à l'évolution de la conjoncture et aux nouveaux défis à relever tels que l'apparition de nouveaux acteurs, les aspirations légitimes de nombreux pays en voie de développement désireux de renforcer leur industrie de la pêche et enfin les impératifs du développement durable et d'une pêche responsable.

2. La future PCP : propositions de la Commission européenne

La Commission est persuadée que la PCP serait à la hauteur des défis à relever si lui étaient assignés un ensemble d'objectifs cohérents et compatibles entre eux, ce qui implique des choix politiques plus clairs sur leur degré de priorité respectif.

Renforcer et améliorer la politique de conservation

- Mettre en oeuvre une gestion pluriannuelle écosystémique : une approche pluriannuelle devrait aider à écarter de graves inconvénients résultant de la fixation annuelle des TAC et des quotas, à savoir l'ajournement des décisions délicates pour l'avenir et de soudains changements, d'une année à l'autre, en ce qui concerne le volume des TAC.

- Adopter des mesures techniques plus énergiques (matériel sélectif, méthodes de pêche moins agressives pour l'environnement), destinées à protéger les juvéniles et à réduire les rejets. Établir des projets pilotes en vue d'expérimenter des mesures qui n'ont pas été appliquées jusqu'à présent, par exemple l'interdiction des rejets ou la fermeture de zones en temps réel.

- Mettre au point un système permettant de mesurer les progrès réalisés grâce à la PCP en matière de développement durable, ainsi que l'efficacité des programmes et mesures de gestion, au regard des objectifs assignés.

- Conserver le principe de la stabilité relative (clef de répartition des quotas entre Etats depuis 1983).

- Maintenir le régime d'accès à la zone comprise entre la limite des 6 milles et 12 milles et au Shetland Box.

Promouvoir la dimension environnementale de la PCP

- Appliquer intégralement les instruments environnementaux, plans d'action et stratégies pertinents pour la protection de la biodiversité et intégrer dans la PCP les exigences requises en matière de protection de l'environnement.

- Lancer le débat sur l'éco-étiquetage des produits de la pêche : les programmes d'éco-étiquetage offrent une méthode adaptée aux nécessités du marché en présentant plus clairement aux consommateurs les enjeux de leurs choix, sur la base d'une information relative aux effets environnementaux de tel ou tel produit ou à la durabilité de la ressource considérée.

La Commission veut encourager l'élaboration et l'application volontaire de programmes d'auto-étiquetage qui compléteraient la législation relative à l'exploitation des ressources de pêche et à la sécurité alimentaire.

Les pouvoirs publics seront peut-être amenés à établir un cadre juridique pour l'éco-étiquetage volontaire, de manière à obtenir des critères d'appréciation adéquats, mais aussi afin d'assurer l'indépendance du contrôle de la conformité et l'exactitude de l'information donnée aux consommateurs.

Porter une attention accrue aux aspects touchant la santé et la sécurité dans le secteur de la pêche pour assurer la protection du consommateur

- Etudier les répercussions qu'aura sur les produits de la pêche l'actuelle révision de la législation communautaire relative aux denrées alimentaires.

La nécessité d'un ajustement structurel imposé par l'application des normes sanitaires de la Communauté devra être prise en considération dans les programmes d'assistance des États membres en faveur de la pêche, dans le cadre de l'instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP).

- Assurer la protection des consommateurs dans le cadre des importations de pays tiers, en exigeant que les produits importés répondent à des normes sanitaires d'un niveau équivalent à celui de la réglementation communautaire.

Rétablir l'efficacité de la politique de la flotte et en renforcer le contrôle.

- Etablir une politique de la pêche qui soit plus efficace, bien adaptée aux objectifs pluriannuels, différenciée par segment de flotte, qui tienne compte des effets du progrès technique et qui évite que l'aide publique ne contribue à un accroissement de l'effort de pêche.

- Simplifier le nouveau système et subordonner l'octroi d'une aide publique pour construire ou moderniser un navire au retrait d'une capacité de pêche notablement plus élevée. Selon la Commission, ce système permettra aux Etats membres de renforcer les contrôles et de faire respecter plus énergiquement les règles en vigueur et il alourdira les sanctions infligées en cas de non-conformité.

Pour l'avenir, la Commission imagine donc un système qui soit plus simple et plus efficace que la politique actuelle en terme d'effets sur l'état des ressources. La politique de la flotte doit, à ses yeux, établir un équilibre entre, d'une part, la capacité de cette flotte, et d'autre part, des taux d'exploitation qui soient compatibles avec des objectifs de gestion à long terme. En vue des réductions à opérer, il faudra prendre en compte les taux d'exploitation qui sont liés aux TAC pluriannuels. Cela présenterait l'avantage d'assurer une cohérence entre les deux domaines de la politique. La Commission note toutefois que l'idée pourrait se révéler difficile à concrétiser, en particulier là où l'on pratique la pêche mixte.

Améliorer la gouvernance dans le cadre de la PCP

- Etablir des comités consultatifs régionaux pour mieux associer les acteurs concernés à l'élaboration de la politique ;

- Décentraliser certaines responsabilités en matière de gestion, pour faire face à des problèmes qui se posent à l'échelon local ou qui appellent des solutions urgentes ;

- Améliorer la transparence des avis scientifiques ;

- Améliorer la compatibilité de la PCP avec les autres politiques qui ont un impact sur la zone côtière en recourant à la gestion intégrée des zones côtières.

Assurer la surveillance, le contrôle et l'exécution

- Progresser dans la coordination des politiques nationales, l'harmonisation des sanctions, le suivi des infractions et la définition des responsabilités respectives des États membres et de la Commission quant à la mise en oeuvre des programmes de contrôle adoptés dans le cadre des organisations régionales de pêche.

- Ne pas exclure la possibilité de créer au sein de la Communauté une structure commune d'inspection qui cordonnerait les politiques et les actions des États membres et de la Communauté à cet égard.

Renforcer la dimension sociale et économique de la PCP

- Renouveler l'approche de la gestion économique pour assurer la durabilité et la viabilité économique du secteur en recentrant l'aide publique sur la réduction de la capacité de la flotte ;

- Adopter des mesures ayant pour objet d'aider les anciens pêcheurs à trouver un emploi dans d'autres secteurs ;

- Etudier les effets pouvant résulter de nouveaux instruments consistant par exemple à fonder la gestion sur les droits de pêche (quotas individuels transférables) ;

- Réexaminer les priorités relatives aux secteurs de l'aquaculture et de la transformation.

Promouvoir les relations extérieures

- Contribuer à l'amélioration de la gouvernance mondiale pour toutes les affaires qui touchent au secteur de la pêche, grâce à la mise en oeuvre effective du cadre juridique existant au niveau international, mais aussi au renforcement et à la promotion des mécanismes de coopération régionale ;

- Mettre en oeuvre une approche axée sur le partenariat avec les pays en voie de développement.

Développer la recherche et les avis scientifiques

- Mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes marins en vue d'un compromis viable et socialement acceptable entre divers objectifs contradictoires : efficacité économique, stabilité ou productivité de l'écosystème, emploi, disponibilité d'autres services ;

- Développer une recherche indépendante et interdisciplinaire, au-delà d'une recherche purement instrumentale servant à justifier des mesures techniques ;

- Mieux définir les priorités en matière de recherche : engins de pêche sélectifs et respectueux de l'environnement, génétique, systèmes d'aquaculture durable...

B. L'INQUIÉTUDE UNANIME DES PROFESSIONNELS FACE AU LIVRE VERT ET LES PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Un consensus se dégage sur la nécessité de réformer la Politique commune de la Pêche qui, au titre d'acquis de la construction européenne, doit être préservée mais dont les dysfonctionnements et les incohérences ont déçu.

1. Ambiguïté fondamentale de l'objectif de la Politique commune de la Pêche

Chacun s'accorde à reconnaître avec la Commission que la ressource de pêche -notamment certaines espèces- est surexploitée et que la durabilité de la pêche s'en trouve mise en cause, bien que des réserves soient émises sur l'exactitude de l'estimation scientifique des stocks et de la corrélation entre effort de pêche et affaiblissement du stock.

L'objectif essentiel d'une gestion durable des ressources fut à l'origine de la mise en place des limitations de capture, des mesures techniques et de la définition des règles communautaires en matière d'accès. Ces volets constituent l'architecture fondamentale de la politique commune de la Pêche et doivent, à ce titre, être améliorés. Ils ont été complétés par des réductions de capacité de la flotte qui mettent en péril la viabilité du secteur de la pêche.

Cependant, votre rapporteur pour avis estime que la première exigence de la Politique commune de la Pêche doit être de garantir une pêche durable, ce qui implique effectivement de limiter l'exploitation de la ressource mais ne passe pas exclusivement par une réduction de la puissance et du nombre de nos navires . En assurant une utilisation plus responsable des instruments de gestion et d'encadrement des activités de pêche et en améliorant leur efficacité par un contrôle renforcé, la viabilité à long terme de l'activité de pêche, comme celle de la ressource, peuvent être garanties simultanément et non alternativement.

2. Remettre en cause la logique capacitaire de gestion de la flotte

Les plans d'orientation pluriannuels (POP) constituaient, à l'origine, un complément aux différents instruments du volet « ressources » de la Politique commune de la Pêche. Au gré d'une dérive dans la hiérarchie des instruments, le POP a progressivement supplanté les outils qu'il avait seulement pour objet de renforcer.

Au prix de destructions lourdes menaçant l'équilibre socioéconomique et la vie de nombreuses régions littorales, les POP ont démontré leur inefficacité face à leur extraordinaire coût social et administratif. Principales cibles du mécontentement des professionnels, les POP sont jugés arbitraires et inéquitables, leur gestion opaque, leurs effets pervers et paralysants.

En effet, les réductions importantes prévues par les POP successifs, outre le fait qu'elles ont été réalisées par des destructions de navires particulièrement agressives et destructurantes pour le tissu économique littoral, ne semblent pas avoir d'effets directs et immédiats sur la situation des stocks. Ceci résulte notamment de l'absence de concordance entre les échelles du POP (segments de flottilles) et celles des ressources (stocks) et d'une non adéquation entre les critères actuels de capacité (jauge et puissance) et la mortalité par pêche.

En revanche, les POP ont des effets pervers importants (élévation du coût des navires neufs et d'occasion, vieillissement de la flotte, moindre attention à la sécurité des équipages). Le contrôle difficile du POP et le refus de certains Etats de faire respecter les objectifs fixés par tous, créent en plus des dissensions entre les Etats membres.

Après plus de quinze ans de destruction capacitaire, la simple casse de navires qu'envisage à nouveau le Livre vert, à hauteur de 40 %, n'est plus une réponse acceptable face à la surexploitation de certains stocks .

Il demeure vital de rechercher l'adéquation entre les potentialités de la ressource et l'effort de pêche déployé pour son exploitation. Pour ce faire, une meilleure articulation entre les différents instruments existants (contingentement des quantités et contrôles) doit être visée, ainsi qu'un recours accrû à la subsidiarité et un élargissement de la palette des outils de gestion .

Si l'ajustement de la capacité des flottilles doit malgré tout se poursuivre, votre rapporteur pour avis rappelle qu'il doit se faire à titre subsidiaire et en conformité avec les quotas disponibles dans chaque Etat. Une formule d'entrée-sortie de flotte qui permettrait aux navires les moins performants ou aux armateurs qui le souhaitent, de sortir de flotte avec un accompagnement financier -sans que, pour autant, cette sortie de flotte ne pèse sur le niveau moyen des prix des navires d'occasion- reste à déterminer de manière plus précise. Inversement, l'entrée en flotte se ferait en fonction des possibilités de quotas disponibles pour le nouveau navire.

Dans l'immédiat, votre rapporteur pour avis encourage le Gouvernement, lors des prochaines négociations du Conseil des Ministres de la pêche européens, à demander la prorogation d'un an du POP IV , afin de mettre en cohérence le calendrier des POP et la réforme de la Politique commune de la Pêche, mais en maintenant les mêmes objectifs de réduction de l'effort de pêche . Il juge inacceptable la proposition de la Commission d'accroître les taux-pilotes de réduction de la flottille au prorata de la durée supplémentaire du POP IV.

Votre rapporteur pour avis demande également au Gouvernement de faire preuve de la plus grande fermeté lors de la discussion du règlement IFOP 2792/99 : il se refuse à envisager que la modification des règles d'éligibilité aux aides publiques les durcisse encore et que le retard d'un seul segment de flotte au regard des objectifs du POP prive toute la flotte d'aides publiques.

3. Replacer les TAC et quotas au coeur de la PCP pour la gestion de la ressource

Le régime communautaire des TAC et quotas est en effet considéré comme un bon moyen de conservation et de gestion des ressources, de même qu'un instrument pertinent de régulation de la production et de répartition des accès, basé sur des bases historiques objectives et simples, à condition toutefois d'être réellement respecté par tous.

Les TAC et quotas, instrument central de la gestion des ressources

La limitation des captures par la détermination au niveau européen de Totaux Admissibles de Capture (TAC) et leur répartition entre Etats sous forme de quotas nationaux présente plusieurs avantages :

- en tant qu'instrument de gestion de la ressource, il s'agit de l'outil le plus direct. A cet égard, il est aussi le mieux compris par la profession.

- en tant qu'instruments de régulation et de répartition des accès, les TAC et quotas s'appuient sur des bases historiques objectives et simples. Dans ce sens, ils permettent une grande clarté dans les critères d'allocation, alors même que l'effort de pêche est un paramètre technique dont le mode de censure est encore aujourd'hui mal cerné.

En vertu de cette double fonction d'instrument explicite de limitation de l'exploitation et d'instrument de partage des droits d'accès, et du fait de l'absence d'ambiguïté des modes de mesures qui lui sont associés, le système des TAC et quotas doit être considéré comme l'instrument clé de gestion des ressources.

Des ajustements sont donc nécessaires si l'on souhaite redonner au régime des TAC et quotas toute son efficacité :


- augmenter le nombre de stocks couverts et mieux prendre en compte la pêche simultanée d'espèces différentes. En effet, certains stocks étant fréquemment capturés simultanément, leur gestion ne peut être considérée séparément ;

- gérer les TAC sur une base pluriannuelle. Une approche pluriannuelle contribuera à régler le conflit récurrent entre les impératifs socio-économiques de court terme, impliquant nécessairement une progressivité dans les variations des TAC, et la gestion de la ressource sur les moyens et long termes ;

- renforcer et harmoniser les contrôles au niveau communautaire ;

- développer la recherche afin d'améliorer l'évaluation des stocks, la connaissance des espèces, des engins et des pêcheries.

Il importe de placer l'interdisciplinarité des sciences (y compris économiques et sociales) au coeur des processus de formulation des avis scientifiques et de promouvoir la transparence et la publicité de ces derniers lorsqu'ils sont rendus disponibles.

Il devrait être possible d'apprécier la qualité des évaluations scientifiques disponibles, éventuellement de pouvoir les remettre en cause par des études plus complètes ou mieux documentées et d'orienter le champ d'investigation de la recherche aux domaines et aux espèces qui représentent le plus grand intérêt pour le secteur des pêches de la Communauté dans son ensemble. Il importe aussi que le secteur de la recherche puisse coopérer avec les professionnels dont l'expérience et les connaissances permettront la mise en oeuvre des solutions techniques et technologiques les plus adaptées ;

- impliquer les professionnels dans le processus d'élaboration des TAC afin d'accroître la transparence donc la compréhension et de partager la responsabilité de gestion de la ressource.

Il convient enfin de rappeler que le principe de non-patrimonialisation des droits de pêche a été clairement affirmé par la France dans la loi d'orientation de 1997. La majorité des professionnels français souscrit à ce principe , redoutant les effets pervers des quotas individuels transférables (QIT) évoqués dans le Livre Vert -concentration des capitaux, spéculation-. Ils considèrent que la répartition des quotas relève de la compétence des Etats membres au titre de la subsidiarité et souhaitent conserver le système français de répartition des quotas par organisations de producteurs (OP) ainsi que les possibilités d'échanges entre Etats membres qui apportent une souplesse utile au régime des TAC et quotas.

Votre rapporteur déplore que le Livre Vert de la Commission sur la future PCP ne confère pas aux TAC et quotas une place centrale dans le dispositif de régulation de la ressource et rappelle que la surproduction agricole a pu être résolue par des quotas ou des jachères et non par la casse des tracteurs. Toutefois, il se félicite que le principe de stabilité relative n'y soit pas remis en cause . La reconduction du principe de la stabilité relative des activités de pêche constitue un acquis politique majeur qu'il faut impérativement préserver puisqu'il garantit un droit d'exploitation sûr et durable sur la base des antériorités de pêche et qu'il répond au souci de stabilité du cadre juridique de base du règlement de 1992 exprimé par les professionnels.

Encourager la mise en oeuvre d'instruments complémentaires de gestion de la ressource.

Afin d'éviter que la réforme de la PCP ne se cantonne à une réduction de 40 % de l'effort de pêche, la filière pêche ne manque pas de suggérer des solutions efficaces alternatives aux POP : amélioration de la sélectivité des engins, arrêts temporaires de pêcherie (notamment pendant les périodes de frai)...

- L'amélioration de la sélectivité des engins de pêche

La capture des juvéniles, le volume des rejets et surtout la surexploitation de certains stocks comme le merlu et le cabillaud font particulièrement l'objet de l'attention des autorités communautaires. Chacun s'accorde à dire qu'il vaut mieux « trier sur le fond que trier sur le pont ».

Or des professionnels soucieux d'une exploitation maîtrisée de la ressource ont, de leur propre initiative et avec une aide technique et scientifique -notamment de l'IFREMER-, testé des engins sélectifs afin de limiter les captures accidentelles non désirées et ont obtenu des résultats prometteurs (réduction jusqu'à 60 % de la prise des poissons trop jeunes).

Ainsi, parmi les dispositifs « trieurs » mis au point par l'IFREMER, on peut citer la « maille carrée » (panneau constitué de mailles qui ne se referment pas, placé en fond de chalut), très efficace pour certaines espèces (mais pas le merlu), la nappe séparatrice, qui permet de capturer des langoustines dans le bas du chalut et de laisser les merluchons s'enfuir par le haut et surtout la grille, qui oriente les juvéniles vers un système d'évacuation.

Il serait par ailleurs souhaitable que tout nouvel engin de pêche ou amélioration substantielle d'un engin existant fasse l'objet d'un agrément, peut-être communautaire, avant de pouvoir être exploité commercialement. Ceci éviterait le développement d'engins peu respectueux d'une gestion saine de la ressource. A l'inverse, une telle étude préliminaire aurait pu sauver le filet maillant dérivant d'une interdiction obéissant à des motifs plus politiques que techniques.

A ce sujet, votre rapporteur pour avis demande que, face aux incertitudes persistantes sur les fondements scientifiques de l'interdiction du filet maillant dérivant pour la pêche au thon germon, le gouvernement obtienne la suspension de la mise en oeuvre du règlement CE/1239/98 du Conseil, dans l'attente de la refonte complète de la politique commune de la pêche. Il fait valoir que 400 emplois de marins-pêcheurs seraient encore sacrifiés, si cette interdiction était maintenue .

C'est donc encore un renforcement de la recherche qui est souhaité afin de trouver des solutions adaptées à chaque prise accessoire par des mesures de prévention, d'échappement ou de valorisation commerciale .

- Les arrêts temporaires de pêcherie

L'arrêt temporaire de pêcherie constitue un repos biologique tout comme le cantonnement. Il s'en distingue par le fait qu'il n'est pas dirigé sur un secteur géographique mais sur une espèce.

Ce système a l'avantage d'être plus facilement contrôlable, le navire devant soit rester à quai, soit ne pas détenir de captures de l'espèce concernée à bord. Il est déjà pratiqué en Bretagne depuis longtemps pour certaines activités (pêcheries de Saint Jacques fermées d'avril à octobre, araignées fermées du 1 er septembre au 15 octobre).

Néanmoins, s'il devait être étendu à d'autres pêcheries, il serait nécessaire d'en évaluer l'impact économique afin de programmer un étalement des arrêts sans lequel l'activité et la gestion des ports seraient difficiles. D'autre part, les professionnels ne pourront accepter l'extension de cette solution à de nouvelles espèces que si des compensations financières sont prévues, du moins dans un premier temps.

Les plans de reconstitution du merlu et du cabillaud adoptés en urgence par la commission européenne en juin dernier (règlements 1162/2001 et 456/2001) doivent être saisis par les professionnels comme une occasion de faire la preuve que la ressource peut être préservée autrement qu'en « cassant des bateaux ». Ils se fondent en effet sur des mesures de pêche sélective (interdiction de l'usage de chaluts aux mailles inférieures à 100 mm) et constituent en cela une forme d'étude de cas.

Le succès du mode de gestion drastique de la coquille Saint-Jacques a aussi valeur d'exemple : en réponse à l'épuisement des stocks, une gestion serrée a été mise en place autour de quotas, établis sur le fondement d'estimations scientifiques approfondies de l'état des stocks, de temps de pêche limités et contrôlés, et d'accès limité aux seuls bateaux ayant acquis la licence de pêche à la coquille Saint-Jacques. La préservation de cette ressource est ainsi assurée d'une manière qui pourrait inspirer la future politique commune de la pêche.

Approfondir la réflexion sur la dimension environnementale de la PCP.

Les professionnels s'accordent avec la Commission pour dire que la PCP doit mieux intégrer l'exigence de protection raisonnée de l'environnement, en s'appuyant notamment sur des moyens de recherche scientifiques accrus et une meilleure sélectivité des engins de pêche.

Certes, l'activité de pêche a un impact, difficilement mesurable d'ailleurs, sur l'environnement (perturbation des écosystèmes, captures accidentelles d'espèces protégées...), impact qu'il faudrait comparer à d'autres sources de mortalité (pollution industrielle, rejet de boues, extraction de graviers, aménagements portuaires...), plus graves à terre comme en mer.

Mais la pêche durable a également intérêt à ce que l'écosystème littoral et côtier soit préservé au mieux par l'ensemble des activités économiques ayant un impact sur la qualité de l'environnement marin. Les professionnels de la pêche sont, en ce domaine, souvent les victimes et non les responsables des atteintes à l'environnement.

4. Rendre efficace et équitable la politique de contrôle

Au même titre que les limitations de capture, la politique de contrôle en mer et à terre constitue un moyen primordial pour assurer une pêche durable. Elle présente aujourd'hui des défaillances, que la Commission a elle-même analysées dans son rapport de septembre 2001 sur le contrôle de l'application de la PCP, tel qu'il a été institué par le règlement CEE n 2847/03 du Conseil du 12 octobre 1993.

Le développement de la politique de contrôle des pêches est une clef de la réussite de la politique commune des pêches et de l'efficacité de ses instruments de gestion.

La standardisation des procédures de contrôle, l'uniformité, l'équité et la transparence dans leur application amélioreront la lisibilité de la PCP pour l'ensemble de la profession.


Garantir une application uniforme et équitable des contrôles

Loin d'être hostiles aux inspections, les professionnels souhaitent au contraire, comme la commission européenne, que celles-ci fassent l'objet de procédures standardisées dans les différents Etats membres afin de parvenir à un contrôle équitable. Ils appellent également de leurs voeux des sanctions uniformes pour une même infraction.

Si le règlement du Conseil instituant la notion de comportement graves constitue un premier pas en ce sens, encore convient-il de poursuivre cette démarche afin d'uniformiser les sanctions encourues dans les différents Etats membres pour ces mêmes faits, et envisager en amont une démarche visant à déterminer les modalités et la durée des procédures de contrôle, comme cela a déjà pu être fait dans le cadre de certaines organisations régionales de pêche.

Simplifier et codifier la réglementation existante

Les mesures techniques de conservation résultent actuellement de nombreux règlements émanant tant du Conseil que de la Commission, ces règlements faisant l'objet de nombreux modificatifs. Cette réglementation apparaît particulièrement complexe tant pour la profession elle-même que pour les agents chargés de la faire appliquer. Une réflexion doit être engagée rapidement afin de parvenir à une simplification et une clarification de la réglementation existante, condition première d'une meilleure application.

Intégrer les nouveaux outils de contrôle

Votre rapporteur pour avis est favorable, comme les professionnels, au développement du contrôle du positionnement par satellite ainsi qu'à l'amélioration -voire la simplification- des livres de bord grâce à l'informatique, afin d'obtenir des statistiques de pêche plus précises.

Renforcer les moyens communautaires dans le cadre du contrôle

Plusieurs voies sont ouvertes pour un contrôle plus efficace.

La Commission européenne doit non seulement contribuer à l'élaboration de la réglementation communautaire des pêches, mais aussi voir ses moyens renforcés afin de pouvoir participer de façon effective aux opérations de contrôle dans le cadre de l'Union européenne, tant dans les eaux relevant de la juridiction des Etats membres, qu'à terre.

Votre rapporteur pour avis souhaiterait que soit envisagé à cette fin le développement du corps des inspecteurs communautaires -qui compte aujourd'hui 25 membres-, lesquels accompagnent les inspecteurs nationaux et contrôlent également les activités de certaines pêcheries pratiquées dans les eaux internationales gérées par les organisations régionales de pêche. Leur habilitation pourrait être prévue auprès des autorités judiciaires et administratives des Etats membres afin qu'ils puissent constater valablement les infractions et être en mesure de poursuivre celles-ci devant les juridictions de l'Etat concerné.

Cette possibilité de contrôle offerte aux inspecteurs communautaires concourrait au développement de l'équité et de la transparence évoquées ci-dessus.

De la même façon, la prise en charge effective des opérations de contrôle des pêches dans le cadre des organisations régionales de pêche devrait être assurée au nom de l'Union européenne par ce corps d'inspecteurs communautaires, à l'aide de moyens navals et aériens affrétés par la Commission européenne. Cette procédure, se substituant à celle reposant sur le volontariat des Etats membres, rendrait ainsi plus rationnelle l'application de réglementations techniques spécifiques en assurant par là même une égalité de traitement entre les Etats quant à leur application et à la charge du coût de ces opérations.

Votre rapporteur pour avis regrette que le plan quinquennal mis en place pour participer aux dépenses de contrôle des Etats membres en 1995 n'ait été reconduit que pour trois ans, et avec une enveloppe financière en baisse (35 millions d'euros par an au lieu de 41). Il appelle de ses voeux une clarification rapide par l'Union de la répartition des responsabilités entre la Commission et les Etats membres en matière de contrôle.

5. Prendre en compte la dimension sociale de la pêche

Le volet social n'est abordé dans le Livre vert qu'à travers la reconversion éventuelle de professionnels vers d'autres activités. Cette lacune est préjudiciable à plus d'un titre. D'une part, elle empêche de réduire les distorsions de régimes sociaux entre les pays membres de l'Union, alors que « l'harmonisation sociale dans le progrès » -prévue à l'article 117 du Traité de Rome- est un des objectifs majeurs de l'Union Européenne et que les métiers de la pêche se distinguent par leur singulière dureté.

En second lieu, dans le cadre du marché unique et d'une politique pleinement intégrée, elle laisse subsister des conditions de travail très différentes qui sont une source de distorsions de concurrence considérables entre les entreprises et constituent des barrières à la libre circulation des travailleurs.

Enfin, elle néglige le fait que les activités de pêche et d'aquaculture jouent un rôle déterminant pour la cohésion économique et sociale de nombreuses régions littorales et remplissent une mission d'animation et d'aménagement du territoire.

La mission d'animation du territoire européen conférée à la P.C.P.

Elle devrait continuer de fonder durablement les interventions financières structurelles à vocation socioéconomique de la Communauté (via l'I.F.O.P.) et des Etats membres à l'attention du secteur.

Ce soutien, loin de se circonscrire au seul accompagnement de la restructuration du secteur des pêches (reconversions), devrait aussi l'accompagner dans ses mutations (adaptation des entreprises aux nouvelles données techniques, économiques, environnementales, réglementaires, etc.).

L'amélioration des conditions de travail à la pêche.

Cette amélioration passe en particulier par :

- une politique d'amélioration des conditions de sécurité et d'hygiène applicables aux équipages. La pêche est en effet un secteur particulièrement dur et dangereux, qui subit un niveau d'accidents extrêmement élevé ;

- une réduction du temps de travail à la pêche.

L'harmonisation de certains volets du droit du travail

Cette harmonisation pourrait notamment avoir lieu dans les domaines de :

- la formation professionnelle (mécanismes de reconnaissance des diplômes et brevets, aides à l'adaptation des connaissances et des savoir-faire des travailleurs ; aides à la reconversion professionnelle, etc.) à l'heure où la pénurie de main d'oeuvre laisse augurer une disparition de la pêche professionnelle faute de marins qualifiés ;

- la couverture sociale des travailleurs (charges sociales, temps de cotisation,...) ;

- la durée de la carrière des marins ;

- l'homogénéisation du temps de travail des marins, afin de limiter les distorsions de concurrence entre Etats.

Préciser les dispositions particulières annoncées pour la petite pêche

La petite pêche côtière -se caractérisant par des sorties inférieures à 24 heures- joue un rôle essentiel : génératrice d'emplois, actrice de l'aménagement du territoire, animatrice du littoral, porteuse d'une culture maritime et d'une attractivité touristique, et n'ayant enfin sur la ressource qu'un impact faible, elle mérite un programme d'aide spécifique, assorti de conditions d'éligibilité claires et précises.

Les navires de la petite pêche représentent 80 % des entreprises de pêche et 50 % des équipages en France. L'importance économique de ce segment se mesure donc autrement que par les quantités débarquées.

Si le Livre Vert en convient, il ne s'étend pas sur les voies et moyens d'une déclinaison particulière de la PCP pour la petite pêche.

Or la flottille des navires de petite pêche a concentré l'essentiel des réductions de capacité enregistrées au niveau français dans le cadre des POP successifs. En effet, le rapport entre la « prime à la casse » et la valeur vénale est beaucoup plus avantageux pour ces petites unités, alors que l'impact en termes de préservation de la ressource de ces sorties de flotte de navires souvent vétustes reste douteux. Il faut donc revoir la logique du dispositif de préservation de la ressource.

En outre, la petite pêche est fortement dépendante de quelques espèces (coquille Saint Jacques, langoustine, bar...) qui ne font pas toujours l'objet d'une protection. C'est pourquoi il convient d'élaborer pour ces espèces inféodées à l'espace côtier des plans de gestion organisant une exploitation optimale des ressources dans l'espace, dans le temps -suspension de la pêche en période de frai, notamment pour le bar- et entre les différents segments de flottille.

Enfin, la petite pêche, géographiquement très éclatée et souvent peu organisée, doit être soutenue dans ses initiatives collectives face aux multiples défis qu'elle doit relever : accès à la ressource, au marché, à la main d'oeuvre, au financement... Il convient donc de doter de plus de moyens les organisations professionnelles de la petite pêche qui répondent à un besoin d'animation particulièrement important de ce segment. Il faut également faciliter l'accès au marché de la petite pêche en aménageant pour elle les dispositions limitatives des règlements nationaux Ofimer qui excluent du champ d'intervention des aides les démarches visant à faire valoir une marque collective. En effet, il est difficile pour les acteurs de la petite pêche de se structurer autrement qu'autour d'une marque collective.

Votre rapporteur pour avis invite le Gouvernement, lors des prochains débats entre Etats membres en vue d'élaborer le nouveau règlement sur la PCP, à soutenir la position des professionnels français face au Livre Vert : d'une part privilégier la limitation des volumes de captures (TAC et quotas) comme instrument de gestion de la ressource, accompagné de mesures techniques et d'un renforcement des contrôles ; d'autre part, tenir compte de la dimension socioéconomique et d'aménagement du territoire de l'activité pêche. La France se doit de défendre ces deux volets indissociables à Bruxelles, avec une ardeur à la mesure du l'enjeu.

C. VOLET EXTERNE DE LA PCP : UN POSITIONNEMENT INTERNATIONAL À CONFORTER

1. Améliorer le réseau des accords de pêche sans occulter leur dimension commerciale

Les accords de pêche communautaires (APC) désignent les accords signés entre l'U.E. et un pays tiers visant à définir le niveau ainsi que les conditions d'attribution et d'utilisation de droits d'accès aux ressources halieutiques situées dans la zone économique exclusive (ZEE) du pays tiers signataire.

Les APC relèvent de la politique commune des pêches dont ils constituent l'un des volets.

Depuis le premier accord de pêche communautaire (APC) signé en 1977 avec les Etats-Unis, 29 accords au total ont été signés.

Les APC ne constituent pas une catégorie homogène. Se retrouvent sous cette même appellation différents accords que distinguent les modes de compensation mis en oeuvre.

On parle d' accords de réciprocité lorsque l'APC repose sur un échange de possibilités de pêche de part et d'autre. Ces possibilités portent sur des espèces différentes et permettent en général une continuité des activités de pêche de chacun à l'intérieur de sa ZEE en fonction de spécialités d'exploitation et d'intérêts commerciaux distincts. La Norvège, la Suède avant son adhésion, les Iles Féroé et l'Islande ont signé ce type d'accord.

Avec les pays tiers qui souhaitent concéder une part importante de l'exploitation de leurs ressources dans leur propre ZEE, sans réciprocité de droits d'accès, les APC se fondent sur le versement d'une contrepartie financière à charge du budget de l'U.E. et des armateurs qui bénéficient des droits d'accès. L'ensemble des APC avec les pays africains et ceux de l'Océan Indien entrent dans cette catégorie ainsi que l'accord avec le Groënland.

Un autre aspect des APC est constitué par des dotations pour des actions d'accompagnement de la coopération ou de contributions pour la dotation directe de services publics propres au secteur des pêches : recherche, formation ou administration.

Le budget communautaire consacré aux APC est passé de 5 millions d'euros en 1991 à près de 300 millions en 1997 et 276,1 millions en 2000. La contrepartie communautaire (intervention publique) a été en moyenne, sur la période 1992-2000, de l'ordre de 270 millions d'euros (stabilité), tandis que les redevances payées par les armateurs s'élevaient en moyenne à plus de 32 millions d'euros (à la hausse). En 2000, les accords de pêche représentaient environ 28,5 % du budget communautaire consacré à la politique commune de la pêche (PCP). La contrepartie financière est de plus en plus consacrée au financement d'actions ciblées telles que la recherche, la formation, les appuis institutionnels, le contrôle et la surveillance, les infrastructures à terre ou le soutien à la pêche artisanale.

Pour la France, la politique communautaire des accords de pêche est un élément essentiel de la PCP . En effet, la flotte française participe à deux types d'accords : les accords « nord » constituent un accès indispensable aux stocks (principalement lieu noir, cabillaud, maquereau, hareng, chinchard et espèces profondes) de l'Atlantique nord pour nos navires basés à Boulogne, Fécamp, Saint Malo, Lorient, et les accords « ACP » permettent à la flotte thonière d'avoir accès aux ZEE des Etats partenaires et ainsi de poursuivre la ressource thonière du nord au sud de l'océan Atlantique et à travers tout l'océan Indien occidental. L'exploitation de la flotte française dans le cadre des accords permet ainsi à la France de participer directement à l'approvisionnement de son marché et de ses industries ; les aspects positifs des accords pour l'Union européenne, notamment en matière de retombées économiques et d'emplois, ont également été mis à jour.

C'est pourquoi, votre rapporteur pour avis tient à réaffirmer le rôle essentiel des accords de pêche dans la PCP, dans la ligne des conclusions du Conseil des ministres de l'Union européenne du 30 octobre 1997 sur les relations extérieures en matière de pêche. Ils contribuent à favoriser une pêche durable et responsable, en luttant contre la pêche illégale et en protégeant l'environnement .

Les accords de pêche de première génération (essentiellement commerciaux, prévoyant un accès contre redevance) négociés entre les pays riverains et l'Union européenne sont le gage d'une bonne gouvernance qui évite la privatisation rampante au profit des pavillons tiers et de complaisance de la rente qui être dégagée d'une exploitation des ZEE des pays en voie de développement contraire aux objectifs de la pêche responsable, du principe de précaution, des organisations régionales de pêche (O.R.P.) et de l'Union européenne.

Votre rapporteur pour avis souhaite que la Commission affirme en la matière plus de détermination et de volonté à participer activement, dans le respect du droit international et du principe de la pêche responsable, à l'exploitation des ressources halieutiques du globe partout où elles sont disponibles et accessibles, tant pour assurer l'approvisionnement de la population que pour réduire sa dépendance dans ce domaine vis-à-vis de l'extérieur.

Concernant les accords dits de deuxième génération , comportant un volet « coopération et développement » et signés essentiellement avec les pays tiers en voie de développement, votre rapporteur pour avis rappelle le caractère prioritairement commercial de ces accords, et estime que les intérêts de la pêche communautaire doivent prévaloir. Ceci n'empêche pas de favoriser le développement des pêcheries locales, mais exige de soumettre les sociétés mixtes aux mêmes règles sanitaires ou environnementales afin d'éviter toute distorsion de concurrence.

C'est pourquoi il appelle le Gouvernement français à mieux associer le secteur de la pêche aux négociations internationales et à obtenir la stabilisation de la participation des professionnels au financement de ces accords. En effet, la part de la redevance pour l'accès à la ressource pèse de plus en plus dans les coûts de production des professionnels concernés.

2. Défendre la pêche européenne dans les négociations commerciales internationales

Les produits de la pêche sont consolidés au sein du GATT depuis les années 1960. Lors des négociations du cycle de l'Uruguay, les produits halieutiques et les produits industriels ont fait l'objet de procédures de négociations similaires, comme lors des précédents cycles de négociation.

Des négociations en vue de l'adoption du nouveau cycle de l'OMC ont été menées en 2000 et se sont intensifiées en 2001 dans la perspective de la conférence ministérielle de Doha (novembre 2001). Le contexte pour le secteur des produits de la pêche se présente de manière défavorable comme cela était le cas lors de la précédente conférence ministérielle de Seattle.

En effet, un certain nombre de pays, tels les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Chili, le Pérou, le Bangladesh et les pays de l'APEC (Asia Pacific Economic Coorporation) se sont montrés jusqu'à présent particulièrement offensifs sur deux thèmes : le démantèlement des protections tarifaires d'une part, la disparition des subventions dans le secteur de la pêche d'autre part .

Ainsi, les pays de l'APEC, soutenus notamment par les Etats-Unis, avaient placé les produits de la pêche parmi les secteurs pour lesquels les droits de douane devaient être, selon eux, démantelés en totalité en l'espace de dix ans.

Par ailleurs, les pays du groupe de Cairns, les Etats-Unis, la Norvège et l'Islande notamment, préconisaient la constitution d'un groupe de travail sur les subventions à la pêche avec l'objectif affiché d'en obtenir la suppression. La création d'un tel groupe a été à nouveau demandée dans la perspective du nouveau cycle de négociations multilatérales.

Sur ces deux thèmes, votre rapporteur pour avis soutient que la France et l'Union européenne ne peuvent accepter de telles propositions.

En ce qui concerne la libéralisation du commerce , un démantèlement total des droits de douane pour les produits de la pêche, intégrés aux produits non agricoles, est inacceptable. Seule une réduction limitée des protections aux frontières, dans le cadre de la négociation globale des différents secteurs non agricoles, est envisageable, les produits les plus sensibles devant être par ailleurs préservés. Il convient en effet de protéger notre filière pêche des perturbations de marché que provoquerait, inévitablement, une libéralisation excessive des droits de douane, et de maintenir les avantages comparatifs accordés par l'Union, dans le cadre de sa politique de développement, au profit de certains Etats tiers (pays ACP par exemple).

En matière de subvention , sous la pression de la France, l'Union européenne a jusqu'ici toujours refusé que la question des subventions dans le secteur de la pêche fasse l'objet d'une discussion spécifique à l'OMC, d'autant que ce thème est déjà examiné dans d'autres instances internationales telles que la FAO ou l'OCDE. Ces subventions font partie intégrante de la politique commune des pêches qui a pour objectif de faire en sorte que l'activité de pêche se maintienne, grâce à un encadrement sévère de celle-ci à travers les quotas de pêche ou la limitation des capacités de la flotte, aux fins d'une gestion durable et de la préservation de la ressource. Elles sont nécessitées par l'écart notoire qui sépare dans le contexte actuel le prix de la construction navale de ce que rapporte un navire, ou le coût d'exploitation d'un navire du « cash-flow » qu'il dégage.

Il est d'ailleurs significatif de constater que le rapport de l'OCDE (2000) sur les transferts publics à la pêche conclut que le Canada est le pays qui subventionne le plus le secteur de la pêche (à hauteur de 25 %, contre 15 % par l'Union européenne) .

Néanmoins, votre rapporteur pour avis est bien conscient que le contexte international et communautaire, actuellement très favorable aux préoccupations environnementales, rend la défense de cette position de principe de plus en plus difficile. Si la France envisage d'assouplir sa position en acceptant que la question des subventions à la pêche soit évoquée, mais dans le cadre d'une réflexion englobant l'ensemble des problématiques du secteur de la pêche -accès à la ressource, encadrement de la flotte de pêche, contrôles, pavillons de complaisance, mesures techniques...-, elle ne doit pas hypothéquer la survie du secteur de la pêche, sur laquelle votre rapporteur pour avis ne peut transiger.

Ce sujet demeure une préoccupation très forte de votre Commission des Affaires Economiques, à la veille de la prochaine conférence ministérielle de l'OMC.

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