III. L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL
A. L'ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE
Le
Conseil européen qui s'est tenu à Nice en
décembre 2000 a rappelé le caractère historique du
processus de l'élargissement et a défini l'ordre des
négociations pour 2001 et 2002, prévoyant qu'elles devraient
être achevées pour la fin de l'année 2002.
Durant l'année 2001 devaient être abordées les questions de
fonds non encore débattues. En ce qui concerne le dossier agricole,
l'examen des volets vétérinaires et phytosanitaires devait
débuter au deuxième semestre 2001.
Toutefois, les questions ayant un fort impact sur le plan budgétaire ne
seront, de même que l'ensemble des questions non résolues,
évoquées qu'au cours du premier semestre 2002, avec les questions
institutionnelles. Pour le volet agricole, cela vise les questions relatives
aux quotas, aux organisations communes de marché et aux aides directes.
S'agissant de celles-ci, les pays candidats ont exprimé leur
inquiétude à l'égard d'éventuelles discriminations
après leur adhésion. La Commission européenne a exclu
cette éventualité, même si elle a toutefois reconnu qu'une
période de transition serait nécessaire avant de parvenir au
versement des mêmes aides directes.
Le principe de la reprise, par les pays candidats, de l'acquis communautaire
a été réaffirmé.
Seule une application stricte
de ce principe est à même d'empêcher des perturbations des
prix et des marchés lors des adhésions. En outre, elle
apparaît particulièrement indispensable en matière
sanitaire, afin de garantir au mieux la sécurité alimentaire des
consommateurs européens.
Entamées lors des conférences d'adhésion du
14 juin 2000 avec les six premiers pays, et à l'occasion de
celles du 12 juin 2001 avec trois autres pays - Lettonie, Lituanie et
Slovaquie-, les négociations sur le volet agricole se poursuivent.
L'Union européenne souhaite que soient mises en place au plus vite
des politiques agricoles convergentes avec les siennes
, et que la
période de référence qui servira à
déterminer les quotas de production soit définie sur une base
historique prenant en compte les résultats de la production sur la
période 1995-1999.
Le dossier des terres agricoles a constitué un point sensible des
négociations sur la libre circulation des capitaux,
et a
sûrement contribué à ralentir leur déroulement. Un
certain nombre de pays candidats, craignant le rachat massif des terres
agricoles par des investisseurs étrangers, ont demandé des
périodes de transition.
Dans une position commune adoptée fin mai, les Etats membres sont
finalement convenus d'offrir aux pays candidats qui le souhaitent la
possibilité de restreindre la vente de leurs terres agricoles et
forestières aux ressortissants communautaires pendant une période
maximale de sept ans après leur adhésion. Une période de
cinq ans est également accordée pour l'acquisition de
résidences secondaires.
Enfin, il convient de souligner le retard pris dans la mise en oeuvre du
programme spécial d'adhésion pour l'agriculture et le
développement rural (SAPARD
), dont la gestion est
théoriquement décentralisée auprès d'agences
accréditées dans les pays candidats. Seules la Bulgarie -en mai
2001- et l'Estonie -en juin 2001- se sont pour l'instant vu confier la gestion
de ce programme.
Quant à la question de l'impact de l'élargissement sur le
financement de la PAC, elle ne devrait pas être évoquée
avant 2004, année au cours de laquelle la Commission européenne
soumettra des propositions pour les perspectives d'après 2006.
B. LES RELATIONS DE L'UNION EUROPÉENNE AVEC LES PAYS TIERS
a) L'Union européenne et l'Amérique latine
En
juillet 2001, la Commission européenne a présenté une
proposition de libéralisation des échanges commerciaux.
Les produits agroalimentaires représentent les deux tiers des
exportations du MERCOSUR vers l'Union européenne. 60 % d'entre eux
entrent déjà librement sur le marché européen. Cet
accord vise à libéraliser les 40 % restants.
Il prévoit une libéralisation immédiate des
échanges de produits tropicaux tels que les pamplemousses et les
avocats, ainsi que des produits qui, comme les pommes, les poires ou encore les
citrons, ne sont pas produits toute l'année par l'Union
européenne.
La libéralisation des échanges d'autres produits est
prévue selon des paliers établis à l'horizon de quatre,
sept ou dix ans.
Cependant, les échanges de certains produits sensibles, tels que les
céréales, le riz, l'huile d'olive, les produits laitiers ou les
volailles, ne feront l'objet d'une libéralisation totale, mais de
réductions de droits de douane dans le cadre de quotas.
Enfin les importations communautaires de vins et spiritueux, essentiellement en
provenance d'Argentine et d'Uruguay, et qui représentent 60 millions
d'euros par an, seraient libéralisées très
progressivement, Bruxelles proposant de négocier un accord de
reconnaissance mutuelle des appellations d'origine et des pratiques
oenologiques.
Parallèlement, l'Union européenne a proposé au Chili une
offre semblable de libéralisation des échanges sur dix ans, qui
concerne cette fois 93% du commerce agricole.
Le principe de paliers différents selon les produits a également
été retenu.
S'agissant du vin, dont le Chili est un très grand exportateur -les
exportations chiliennes de vin à destination du marché
communautaire s'élèvent chaque année à 240 millions
d'euros. Un accord séparé sur la reconnaissance des appellations
protégées et des pratiques oenologiques devrait également
être conclu.
2. L'union européenne et les Balkans
L'Union
européenne a pris, au cours de l'année 2001, plusieurs
initiatives qui s'inscrivent dans son engagement de contribuer à la
stabilisation dans les Balkans.
Elle a signé le 9 avril 2001 un accord de stabilisation et d'association
avec la Macédoine, prévoyant une libéralisation
progressive des échanges des bilatéraux, dans le but de parvenir
au libre-échange à l'horizon 2011. Cet accord prévoit
l'élimination des barrières tarifaires et contingentaires de
l'Union européenne sur l'ensemble des produits agroalimentaires, sauf
sur la viande de jeune bovin, le vin et les produits de la pêche. En
contrepartie, la Macédoine s'engage à réduire ses
restrictions quantitatives et à réduire progressivement ses
droits à l'importation.
Un accord de même nature a été signé le 11 mai 2001
avec la Croatie.
Enfin, l'Union européenne a décidé le versement à
la Serbie d'une aide de 20 millions d'euros, qui doit servir à la
fourniture d'engrais, de fourrages et au financement d'une assistance
technique.
C. LES NEGOCIATIONS DANS LE CADRE DE L'OMC
Depuis
l'échec de la conférence ministérielle de Seattle, en
décembre 1999, les négociations agricoles se poursuivent
dans le cadre des sessions spéciales du comité de l'agriculture
de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Cependant, ces
négociations avaient peu de chance d'aboutir en dehors du lancement d'un
nouveau cycle global de négociations, sur lequel a statué la
quatrième conférence ministérielle de l'OMC, qui s'est
tenue à Doha au Qatar, du 9 au 13 novembre 2001.
Lors d'une session de février 2001, ont commencé
d'être examinées les propositions de négociations, au
nombre de 44, déposées par les Etats ou groupes d'Etats, en vue
d'établir un programme de pourparlers.
A cette occasion a été débattue
la proposition globale
de l'Union européenne
, qui avait été approuvée
en novembre 2000 par le Conseil des ministres agricoles.
Cette proposition tend à
accepter de nouvelles diminutions des
restitutions à l'exportation,
sous réserve que les autres
formes d'aides à l'exportation -crédit à l'exportation,
abus d'aide alimentaire, entreprises commerciales d'Etat-, mises en oeuvre
notamment par les Etats-Unis, soient aussi réglementées. Elle
consent également des
réductions supplémentaires du
soutien interne
,
à condition que les aides dites de la
« boîte bleue »,
liées à de
programmes de limitation de la production,
et celles de la
« boîte verte »,
versées au titre de la
multifonctionnalité
, soient maintenues
.
La proposition globale de l'Union européenne
plaide en faveur de
l'inclusion de sujets non commerciaux,
comme la protection de
l'environnement, le développement des zones rurales ou encore la
sécurité alimentaire et la reconnaissance des indications
géographiques protégées. Enfin, elle souhaite
l'instauration d'un traitement spécial et différencié
en faveur des pays en développement,
par des
préférences commerciales non réciproques.
Les réactions des différentes parties aux négociations ont
été contrastées. La proposition européenne a
été jugée trop timide par les pays du groupe de Cairns,
rejoints par l'Inde et le Pakistan, opposés à toute forme d'aide
ou de subvention.
L'examen de l'ensemble de ces propositions n'ayant pu être
achevé lors de la session spéciale de février, il a
dû être poursuivi au cours de celle de la
session
spéciale de mars 2001
, consacrée initialement à
l'établissement d'un programme de négociations.
Une approche thématique a été retenue pour les prochaines
réunions dans le cadre des sessions. Elle conduira à
évoquer dix thèmes sélectionnés parmi ceux
proposés par l'ensemble des participants. Ces thèmes sont :
- les subventions à l'exportation, en réponse à la
forte demande des Etas-Unis et du groupe de Cairns ;
- la sécurité alimentaire, la sécurité
sanitaire des aliments et le développement rural, dont la discussion est
demandée par l'Union européenne ;
- les soutiens à la production ;
- les tarifs douaniers ;
- les crédits à l'exportation ;
- les entreprises commerciales étatiques ;
- les quotas tarifaires ;
- les restrictions à l'exportation.
Enfin, la session spéciale a prévu que, quelle que soit l'issue
de la conférence ministérielle de Doha s'agissant du lancement
d'un nouveau cycle,
un examen de l'état d'avancement des
négociations aurait lieu en mars 2002.
S'agissant du lancement d'un nouveau cycle de négociations
multilatérales, les positions des différents pays ont quelque peu
évolué depuis l'année dernière.
Il en est ainsi des Etats-Unis, au départ partisans d'un cycle restreint
de négociations et aujourd'hui favorables à un cycle de
négociations élargies, à l'instar de l'Union
européenne. L'engagement des deux parties à lancer ce nouveau
cycle a été consacré dans une déclaration commune
lors du sommet euro-américain de Göteborg le
14 juin 2001.
Par ailleurs, la solidarité qui s'était manifestée
à Seattle entre les Etats-Unis et le groupe de Cairns apparaît
désormais beaucoup moins marquée, principalement en raison de
l'augmentation récente des aides directes versées par les
Etats-Unis à ses producteurs.
Le groupe de Cairns demande, quant à lui, une réduction drastique
des subventions aux exportations et une suppression des soutiens internes. En
outre, il souhaite que l'agriculture ne fasse plus l'objet d'un
« traitement spécifique » dans les
négociations multilatérales.
Les pays en développement souhaitent également plus
d'ouverture des marchés des pays développés, en même
temps que la possibilité de bénéficier de mesures
transitoires supplémentaires, en particulier s'agissant des protections
tarifaires, afin de pouvoir faire face à leurs problème
d'autosuffisance alimentaire et de pauvreté rurale. Ils
considèrent les préoccupations non commerciales, mis en avant par
l'Union européenne, comme une forme de protectionnisme
déguisé.
Le cadre des futures négociations agricoles dépendra du
contenu de la déclaration adoptée à l'issue de la
Conférence ministérielle de Doha.
A la différence des paragraphes relatifs aux autres secteurs de la
négociation globale, le volet agricole du projet de déclaration
ministériel présenté le 27 septembre 2001 par le
Président du Conseil général de l'OMC était
initialement peu développé.
Il ne se composait, en effet, que de sept têtes de chapitres
relatives :
- aux pourparlers en cours au sein du comité de
l'agriculture ;
- aux objectifs à long terme des réformes ;
- aux objectifs et orientations générales en matière
d'accès au marché, de concurrence à l'exportation et de
soutien interne ;
- au traitement interne spécial et différencié pour
les pays en développement ;
- aux préoccupations non commerciales ;
- au calendrier ;
- et à l'organe de négociation.
A l'issue de réunions qui se sont déroulées en octobre,
une première version du volet agricole a été
rédigée en vue d'être soumise aux parties lors de la
Conférence.
Retenant un objectif d'élimination totale des subventions à
l'exportation et de réduction substantielle des soutiens internes, ce
projet est apparu inacceptable tant pour l'Union européenne que pour la
France. Il fait, en outre, une place insuffisante à la notion de
multifonctionnalité, ainsi qu'à la protection des appellations
géographiques.
Votre rapporteur pour avis tient à rappeler ses principales convictions
à l'égard des négociations futures, qui rejoignent les
positions exprimées par le Conseil de l'agriculture française
(CAF) dans un document diffusé en octobre dernier :
- La France et l'Union européenne, grandes puissances exportatrices
de produits agro-alimentaires, ont tout à gagner d'un renforcement des
mécanismes de l'OMC, dans la mesure où il permettrait une
meilleure régulation de la libre concurrence dans ce secteur ;
- la spécificité de l'agriculture dans les
négociations multilatérales doit être respectée.
Elle ne doit en aucun cas servir de monnaie d'échange dans les
négociations qui concernent d'autres secteurs ;
- l'Union européenne a déjà fourni de gros efforts
pour se mettre ne conformité avec les exigences du Gatt, puis de
l'OMC : deux réformes de la PAC en moins d'une décennie ont
été réalisées, qui ont conduit à des baisses
de prix dans la plupart des secteurs et à la maîtrise de la
production ;
- alors que, dans le même temps, les Etats-Unis n'ont cessé
d'augmenter les aides distribuées à leurs agriculteurs et ont
multiplié les mécanismes de soutien déguisés aux
exportations.
S'agissant de la Conférence ministérielle de Doha, votre
rapporteur pour avis considère qu'il ne faut pas accepter une
déclaration sur l'agriculture qui fixerait des engagements trop
précis. Il convient également de refuser toute disposition
tendant à prévoir une discussion séparée des
différents volets (accès au marché, soutien interne,
concurrence à l'exportation et considérations non commerciales)
de la négociation agricole.