II. L'ACTION DES POUVOIRS PUBLICS
A. LES CRISES DE SANTÉ ANIMALE
1. L'encéphalopathie spongiforme bovine
a) L'interdiction des farines
En
vigueur depuis 1991 pour les bovins et, depuis 1994, pour l'ensemble des
ruminants, l'interdiction d'utiliser des protéines animales dans
l'alimentation a été étendue à l'ensemble des
animaux de rente par un arrêté du 14 novembre 2000. Depuis
cette date est ainsi suspendue l'autorisation d'incorporer dans l'alimentation
et la fabrication d'aliments pour animaux :
- des farines de viande, des farines d'os, des farines de viande osseuse,
ainsi que toute autre protéine d'origine animale, à l'exception
des protéines issues du lait, des produits laitiers ou des ovoproduits
et de la gélatine de porc ;
- des graisses issues de la transformation des os destinés à
la production de gélatine et des graisses obtenues à partir des
farines de viande, des farines d'os et des farines de viande osseuse, des
farines de volailles, des farines de plumes et des farines de poisson.
Par dérogation à ces dispositions, restent toutefois admis :
- les produits issus de poissons, de crustacés ou coquillages dans
l'alimentation des poissons ;
- les farines de poisson dans l'alimentation des animaux autres que
ruminants. Cette mesure est autorisée dès lors qu'aucun ruminant
n'est détenu sur l'exploitation faisant usage des farines de poisson.
Cette mesure, conforme à la décision 2001/9/CE, est
introduite par l'arrêté du 13 février 2001.
Ces dispositions ont été complétées par un
arrêté du 24 août 2001 qui interdit l'utilisation,
pour l'ensemble des animaux de rente :
- des graisses de ruminants, à l'exception des tissus adipeux de
bovins collectés à l'abattoir avant fente de la colonne
vertébrale ;
- des graisses issues de la transformation des os de ruminants
destinés à la production de gélatine ;
- ou des graisses contenant des tissus osseux de ruminants.
L'arrêté précité interdit également
l'incorporation dans l'alimentation des ruminants :
- de phosphate bicalcique dérivé d'os ;
- de protéines hydrolysées issues de poissons et de plumes.
Les graisses de ruminants encore valorisables sont, par ailleurs, soumises
à des traitements spécifiques -filtration des impuretés et
traitement thermique à 133°, sous trois bars de pression pendant
vingt minutes-, conformément à deux arrêtés du
9 avril 2001 et du 2 août 2001.
Des mesures de précaution ont également été
prises à l'égard de l'alimentation des animaux de compagnie, un
arrêté du 15 juin 2001 interdisant dans ce cas l'emploi
de :
- protéines animales transformées issues de ruminants,
telles que les farines de viande et d'os, les farines de cornes et de sang,
ainsi que les cretons séchés ;
- graisses extraites de protéines animales transformées
issues de produits de ruminants.
Depuis le 14 novembre 2000, les co-produits de viande provenant des
abattoirs continuent à être transformés en farines et
graisses, avant d'être détruites.
Compte tenu de leurs caractéristiques qui les rapprochent du fuel lourd,
les graisses animales ont rapidement trouvé un débouché
commercial comme combustible.
En revanche, la faiblesse des capacités de destruction des farines
animales -essentiellement les cimenteries- a rendu nécessaire leur
stockage dans une vingtaine de sites.
Selon les déclarations du ministre de l'agriculture devant la Commission
des Affaires économiques, le 7 novembre dernier, le volume de farines
stockées devrait atteindre 450.000 tonnes d'ici la fin de
l'année 2001.
L'ouverture d'un site de stockage est cependant rendue difficile par les
réticences des populations riveraines qui craignent les nuisances
environnementales, olfactives, ainsi que les risques d'accidents qu'une telle
présence pourrait occasionner.
Le financement du service de collecte et de transformation en farines des
co-produits animaux est temporairement assuré par l'Etat qui verse, sur
le fondement du décret n° 2000-1166 du
1
er
décembre 2000, une indemnité dans ce but
aux équarrisseurs. Il semblerait que cette prestation de service doive,
à terme, être financée par les industriels des viandes
eux-mêmes.
Compte tenu des problèmes soulevés par le stockage des farines,
les pouvoirs publics souhaiteraient voir se développer la technique de
l'incinération des déchets crus, en particulier au niveau des
abattoirs. Un décret du 16 mars 2001 encourage le
développement de ce procédé, qui semble, pour l'heure,
n'être pas encore opérationnel.
b) La systématisation du dépistage
(1) La mise en place du dépistage systématique de l'ESB à l'abattoir
La
décision, prise par un arrêté du 2 janvier 2001, de
soumettre systématiquement à un test de dépistage tous les
bovins de plus de trente mois entrant dans la chaîne alimentaire, est une
mesure de prévention sanitaire complémentaire à celle du
retrait des MRS.
Elle a également constitué une mesure de réassurance des
consommateurs qui a contribué à faire remonter le niveau de la
consommation de viande bovine, tombé très bas au cours du dernier
trimestre de l'année 2001.
Rendu obligatoire à compter du 1
er
janvier 2001, ce
dépistage a quelque peu désorganisé l'activité
d'abattage durant les deux premiers mois de l'année, dans la mesure
où il impliquait d'intégrer, dans l'organisation interne des
établissements, le délai d'analyse par les laboratoires des
échantillons prélevés.
Pour la mise en oeuvre du dépistage systématique, le
ministère de l'agriculture et de la pêche a autorisé le
recours au test Biorad, développé par le Commissariat à
l'énergie atomique et produit par une entreprise américaine, et
au test Prionics, développé par une société suisse.
Cer dernier a été le plus souvent choisi, parce qu'il avait
déjà été utilisé dans le cadre du programme
pilote de dépistage de l'ESB sur les bovins à risque.
Le dépistage systématique de l'ESB sur les bovins abattus en vue
de la consommation humaine a été étendu aux animaux
âgés de vingt-quatre mois et plus par un arrêté du
19 juillet 2001.
Au 13 novembre 2001, 58 cas d'ESB ont été
diagnostiqués dans le cadre du dépistage systématique
à l'abattoir.
(2) Le dépistage dans le cadre du programme national de surveillance de l'ESB sur les bovins à risque
Un
programme national de surveillance de l'ESB sur les catégories de bovins
à risque a été lancé en juin 2001. Il consiste
à pratiquer un dépistage systématique de l'ESB sur tous
les bovins de plus de 24 mois arrivant dans les équarrissages
après avoir été trouvés morts ou euthanasiés.
Ce programme, qui devrait concerner 200.000 bovins sur la période
comprise entre juin 2001 et juin 2002, a pour l'instant permis de diagnostiquer
61 cas d'ESB.
Il prend la suite de l'étude dite « pilote »
réalisée en 2000, principalement dans les douze
départements du grand Ouest, sur les bovins à risque de plus de
24 mois.
Portant sur 56.000 bovins, morts à la ferme, malades ou abattus
d'urgence pour cause d'accident, cette étude avait permis de
détecter 60 cas d'ESB en 2000 et 14 en 2001, soit un total de 74 cas.
Les résultats intermédiaires du programme, rendus publics par
l'AFSSA le 11 décembre 2000, ont fait apparaître un taux de
prévalence assez important de 2,1 pour mille de l'ensemble des
catégories à risque, et de 3 pour mille chez les bovins abattus
d'urgence à la suite d'un accident.
Afin de tenir compte de ce dernier résultat, les bovins
accidentés ont été totalement exclus de la chaîne
alimentaire par un arrêté du 7 février 2001, alors qu'ils
pouvaient auparavant être vendus en vue d'être consommés,
dans le délai maximal de 48 heures après l'accident.
(3) La détection de l'ESB dans le cadre du réseau national d'épidémio-surveillance
Depuis
le 13 juin 1990, date à laquelle l'ESB a été reconnue
comme maladie contagieuse à déclaration obligatoire, est en place
un réseau national de surveillance clinique de cette maladie, qui fait
intervenir les éleveurs, les vétérinaires sous mandat
sanitaire, les laboratoires départementaux d'analyse, les services
vétérinaires et le laboratoire national de
référence -l'AFSSA-.
Ce dispositif vise à repérer tout bovin vivant présentant
des troubles neurologiques suspects en élevage ou à l'abattoir et
à assurer la collecte et l'analyse de ces bovins suspects.
Il a diagnostiqué 102 cas d'ESB en 2000 et 84 cas en 2001
(résultat au 13 novembre 2001).
Au total, depuis l'apparition de la maladie en 1991, 458 cas d'ESB avaient
été diagnostiqués en France, dont 217 (58 lors du
dépistage systématique à l'abattoir, 75 dans le cadre du
programme de recherche sur les animaux à risque et 84 par le
réseau d'épidémio-surveillance) en 2001 (résultats
au 13 novembre 2001).
(4) Programme de dépistage du prion pathogène chez les ovins et les caprins
La
prévention d'un éventuel risque d'ESB chez le mouton passant par
un renforcement des mesures de lutte contre la tremblante, tous les Etats
membres de l'Union européenne devront obligatoirement, à compter
du 1
er
janvier 2002, procéder à des tests de
dépistage de cette maladie sur une partie de leur cheptel d'ovins et de
caprins âgés de 18 mois.
Pour la France, ce programme impliquera au minimum la réalisation de
3.000 tests sur des ovins et caprins à risque : morts ou
euthanasiés pour cause de maladie ou d'accident, et de 15.000 tests
sur des animaux sains.
c) L'extension de la liste des matériaux retirés de la chaîne alimentaire
Dès 1996, la France a établi une liste des matériaux à risque spécifiés (MRS) dont le retrait est imposé à l'abattoir, compte tenu de leur exposition particulière au risque de contamination par l'ESB.
(1) Le retrait des MRS chez les bovins
Cette
liste, qui comprenait, jusqu'à l'automne 2000, l'encéphale, la
moelle épinière, les amygdales, l'iléon (partie de
l'intestin), la rate, ainsi que, pour les bovins nés avant le
1
er
mai 1999, le thymus, a été étendue par un
arrêté du 10 novembre 2000 au thymus, aux amygdales et aux
intestins des bovins, quel que soit leur âge.
Les obligations françaises vont plus loin que la réglementation
européenne qui distingue selon l'âge des bovins pour certains
matériaux.
Par ailleurs, des mesures de précaution ont été prises
à l'égard de la colonne vertébrale, compte tenu du risque
de projection de moelle épinière lors de la fente des carcasses,
mais aussi de la présence de ganglions nerveux rachidiens.
L'obligation de retirer la moelle épinière avant la fente des
carcasses à l'abattoir -dite opération de
démédullation- entrera en vigueur le 1
er
janvier 2002.
Par ailleurs, des dispositifs de retrait ont été définis
avec les professionnels de la découpe et avec les bouchers
détaillants, afin d'assurer que la manipulation des viandes contenant de
l'os vertébral, incontournable dans cette profession, soit
réalisée dans des conditions satisfaisantes pour la santé
humaine.
Un avis du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie aux distributeurs de viande bovine, publié au journal
officiel du 30 octobre 2001 définit ainsi le contenu des cahiers des
charges des bouchers et des ateliers de découpe s'agissant du retrait
des os de la colonne vertébrale des bovins de plus de douze mois.
(2) Le retrait des MRS chez les ovins et les caprins
L'obligation de retrait des matériaux à risque
spécifiés concerne également les ovins et caprins.
Jusqu'en 2001, étaient inclus dans cette liste l'encéphale, la
moelle épinière, la rate et les amygdales des ovins de plus de
douze mois.
Un arrêté du 24 juillet 2001 renforce ces mesures. En premier
lieu, il abaisse l'âge à partir duquel le système nerveux
central doit être retiré et détruit. Dorénavant le
crâne entier sera détruit quel que soit l'âge de l'animal,
à l'exception des muscles des joues et de la langue.
La cervelle des animaux de moins de six mois pourra être
commercialisée sous réserve que l'âge puisse effectivement
être prouvé à l'abattoir. En outre, à partir du
1
er
janvier 2002, date à laquelle tous les abattoirs devront
être équipés du matériel de
prélèvement nécessaire, la moelle épinière
sera éliminée sur toutes les bêtes de plus de six mois, ou
quel que soit l'âge, si ce dernier ne peut être attesté par
l'éleveur.
Enfin, dans son avis du 14 février 2001, l'AFSSA recommande le retrait
et l'élimination des intestins d'ovins et caprins quel que soit leur
âge. Cependant ces intestins subissent avant d'entrer dans la
chaîne alimentaire un traitement mécanique, appelé
délimonage, qui est en théorie susceptible d'éliminer les
tissus nerveux et lymphoïdes seuls susceptibles d'être contaminants.
Aucune donnée scientifique ne permet à ce jour de vérifier
l'efficacité de ce processus de délimonage. C'est pourquoi
l'AFSSA mène actuellement une étude visant à
évaluer l'efficacité de ce processus.
2. La fièvre aphteuse
L'apparition en Grande-Bretagne d'une épizootie de
fièvre aphteuse le 20 février 2001 a conduit à l'adoption
de mesures drastiques de prévention en France, qui ont permis de limiter
son extension à seulement deux foyers.
En application de la loi n° 91-639 du 10 juillet 1990 relative à la
fièvre aphteuse, le programme de préalerte fièvre aphteuse
a été appliqué dès le lendemain de l'annonce du
premier cas en Grande-Bretagne, ce qui a conduit, tout d'abord, à
recenser et à mettre sous séquestre toutes les exploitations
ayant reçu des animaux du Royaume-Uni, ainsi que toutes les carcasses et
viandes d'ovins importées de ce pays entre le 31 janvier et le 21
février 2001.
A partir du 28 février, a été mise en oeuvre la
destruction de tous les animaux importés de Grande-Bretagne
-essentiellement des ovins-, de l'ensemble des animaux avec lesquels ces
derniers ont été en contact, ainsi que des animaux sensibles
à la fièvre aphteuse dont l'origine n'avait pu être
établie avec certitude, soit en tout près de 50 000 bêtes,
auxquelles il convient d'ajouter quelques 10 000 carcasses.
9000 animaux en provenance des Pays-Bas et d'Irlande, pays dans lesquels
s'étaient, entre-temps, déclarés des foyers de
fièvre aphteuse, ont également été abattus.
En Grande-Bretagne, le nombre total d'animaux abattus s'est
élevé, rappelons-le, à plus de trois millions.
Des prélèvements sanguins ayant été
réalisés sur une partie des animaux euthanasiés afin
d'évaluer leur contact avec le virus de la maladie, des
périmètres de protection ont pu être instaurés
autour des élevages ayant révélé des cas
séro-positifs pendant quatre semaines après l'abattage.
Des systèmes de désinfection des personnes -pédiluves- et
des véhicules -rotoluves- ont été mis en place autour de
ces périmètres de protection, ainsi que dans les zones
côtières en relation avec le Royaume-Uni et les aéroports.
Les mouvements et les rassemblements d'animaux des espèces sensibles,
ainsi que les déplacements d'équidés ont été
interdits à partir du 6 mars 2001.
Deux foyers de fièvre aphteuse ont été recensés en
France, le premier dans le département de la Mayenne, l'autre en
Seine-et-Marne. Si ce chiffre reste sans commune mesure avec les quelque 2000
foyers déclarés en Grande-Bretagne, les restrictions de
mouvements d'animaux et de denrées animales imposées par la
Commission européenne dans les départements touchés et les
départements voisins n'en ont pas moins affecté significativement
l'activité économique autour de ces foyers.
Les indemnisations versées aux éleveurs dont les animaux ont
été abattus se sont élevées à près de
7,3 millions d'euros (48 millions de francs), auxquels il convient d'ajouter
5 millions d'euros (33 millions de francs) dépensés pour la
mise en oeuvre des différentes mesures de maîtrise de
l'épizootie, telles que la surveillance sanitaire, l'euthanasie et la
destruction des animaux, ou encore la désinfection. Le coût pour
le budget de l'Etat s'est élevé à plus de
12,2 millions d'euros (80 millions de francs), l'Union européenne
devant toutefois prendre en charge 60% de cette somme.
DÉTAIL DES INDEMNISATIONS VERSÉES
(en euros)
|
Montant des indemnisations par espèce |
|
|||||||
Ovins |
Bovins |
Porcins |
Caprins |
||||||
Nombre |
75,5 €/anl |
Nombre |
984 € /anl |
Nombre |
165 €/anl |
Nombre |
107 €/anl |
||
RU |
47 850 |
3 610 347 |
558 |
398 885 |
396 |
50 966 |
216 |
22 995 |
4 083 193 |
PB |
1 868 |
142 387 |
707 |
7 166 655 |
6 673 |
810 190 |
0 |
0 |
1 890 633 |
F1 |
0 |
0 |
112 |
239 345 |
3 133 |
828 067 |
0 |
0 |
1 086 422 |
F2 |
1 447 |
107 629 |
119 |
116 959 |
26 |
915 |
1 |
152 |
225 655 |
TOTAL |
51 165 |
3 860 363 |
1 496 |
1 471 844 |
10 228 |
1 687 398 |
217 |
23 147 |
7 300 772 |
RU :
Royaume-Uni et contacts
PB : Pays-Bas
F1 : Foyer n° 1 et périfocaux
F2 : Foyer n° 2 et périfocaux
Source
: ministère de l'agriculture et de la
pêche
Dans son rapport
2(
*
)
, au nom de
la mission d'information de la Commission des Affaires économiques sur
la lutte contre l'épizootie de fièvre aphteuse,
présidée par M. Philippe Arnaud, notre collègue Jean-Paul
Emorine a relevé l'insuffisante indemnisation des préjudices
indirects générés par les mesures de restriction de la
circulation, qui ont paralysé des secteurs comme l'élevage, les
industries agroalimentaires ou le tourisme.
Dès le 23 juin 2001, la France a pu demander à l'Office
international des épizooties (OIE) sa requalification en pays indemne de
fièvre aphteuse, ce qui permet la levée des restrictions aux
échanges de la part de pays tiers.
Ce statut, qui ne peut être attribué que trois mois après
que le dernier cas a été traité et que le dernier animal
vacciné a été abattu, a été officiellement
reconnu à la France le 19 septembre 2001.
Si la gestion de cette crise a illustré le bon fonctionnement de
l'organisation sanitaire française, elle a souligné l'enjeu que
représentent les mouvements d'animaux sur le plan tant économique
que sanitaire. Cet épisode aphteux a révélé
à cet égard les lacunes du système d'identification des
ovins, qui devrait prochainement être renforcé.
Le rapport de la mission d'information sénatoriale sur la fièvre
aphteuse s'interroge, quant à lui, sur la possibilité de
rétablir la vaccination contre la fièvre aphteuse, compte tenu du
risque non négligeable de survenue d'une nouvelle
épidémie, dès lors que ce virus existe à
l'état endémique sur les trois quarts du globe. Il propose
notamment de prendre en considération les progrès récents
des techniques vaccinales, qui permettent désormais de distinguer les
animaux infectés de ceux vaccinés.
Il recommande, en outre, de renforcer la veille sanitaire par la
réalisation de contrôles sérologiques réguliers, et
plaide en faveur d'une délimitation plus précise des
périmètres soumis à embargo.
B. LA GESTION DES CRISES SECTORIELLES
1. La crise bovine
a) Une succession de plans d'aides
(1) Les mesures communautaires
? Face
à l'ampleur de la crise qui gagnait l'ensemble des pays de l'Union
européenne, le Conseil agriculture du 4 décembre 2000 a
pris des décisions visant à rétablir l'équilibre du
marché. Il s'agit :
- de la mesure de retrait (
régime dit d'achat-destruction
)
des bovins de plus de trente mois présenté à l'abattage et
n'ayant pas fait l'objet d'un test ESB. 500.000 tonnes de viande bovine
devaient à l'origine être détruites dans le cadre de ce
programme.
Financée à 70 % par le budget communautaire, cette mesure
devait être appliquée de 1
er
janvier au
30 juin 2001.
- de la mise en oeuvre du
régime d'intervention publique
sur
le marché de la viande bovine, qui oblige la Commission a
procéder à des achats lorsque les prix du marché tombent
en dessous d'un certain niveau de prix.
? Un nouveau régime de retrait à caractère
obligatoire, dit
« régime de retrait
spécial »
a été instauré en
mars 2001, en vue de remplacer le régime facultatif
d'achat-destruction. Il concerne les bovins non éligibles à
l'intervention, âgés de plus de trente mois et ayant donné
un résultat négatif au test de l'ESB. Il laisse le choix aux
Etats de procéder au stockage des carcasses retirées plutôt
qu'à leur destruction. Cette dernière disposition vise à
répondre aux préoccupations de l'opinion publique de certains
pays comme l'Allemagne, qui désapprouve les destructions massives.
A la différence du régime d'achat-destruction, basé sur
des prix préfixés auxquels les éleveurs peuvent souscrire
en proposant leurs bovins de plus de trente mois à la destruction en
contrepartie d'indemnités, le régime spécial met en oeuvre
une procédure d'adjudication, en moyenne deux fois par mois, les
abattoirs présentant eux-mêmes les offres aux agences
d'intervention. Le financement de cette mesure, applicable jusqu'à la
fin de l'année 2001, est assuré à 70 % par le budget
communautaire.
? Lors du Conseil agricole du 20 juin 2001, les ministres
européens de l'agriculture ont adopté la réforme de
l'organisation commune de marché de viande bovine
présentée par la Commission en février 2000.
Cette réforme a relevé de 350.000 à 500.000 tonnes le
plafond de l'intervention publique, pour l'année 2001, afin de permettre
un dégagement plus efficace du marché dans un contexte
marqué par l'importance de l'excédent de production. Ce plafond
est ainsi relevé, et maintenu à 350.000 tonnes pour le
premier semestre 2002, avant la suppression de l'intervention.
En contrepartie, les Etats membres ont dû accepter des mesures tendant
à restreindre certaines aides, en vue d'encourager la maîtrise de
la production. C'est ainsi que :
- le taux de chargement maximal à l'hectare pour
bénéficier de la prime au maintien du troupeau de vache
allaitante (PMTVA) et de la prime spéciale pour les bovins mâles
(PSBM) a été réduit de 2 à 1,9 unité de gros
bovin (Ugb) pour 2002 et à 1,8 Ugb pour 2003 ;
- les plafonds régionaux de droits à la prime
spéciale pour bovins mâles ont été diminués
pour les années 2002 et 2003. Cette diminution atteint 1 pour la
France et 9 % pour l'ensemble des pays européens ;
- la part maximale de génisses dans les troupeaux éligibles
à la prime à la vache allaitante a été
portée de 15 à 40 %, sauf lorsque l'éleveur a droit
à moins de 14 primes ;
- la possibilité pour les Etats d'introduire des dérogations
au plafond de 90 têtes de bétail par exploitation pour la
prime spéciale au bovin mâle a été
supprimée ;
- enfin, les droits à PMTVA reversés à la
réserve nationale ont été gelés jusqu'à la
fin de l'année 2003.
Votre rapporteur pour avis déplore le manque de solidarité
dont a fait preuve l'Union européenne en refusant le versement d'aides
directes aux éleveurs
. Il convient, par ailleurs, de regretter le
comportement de certains Etats qui, à l'instar de l'Allemagne, ont
refusé d'appliquer chez eux les mesures européennes de
dégagement de marchés, contribuant ainsi à aggraver et
à prolonger la crise à l'échelle de l'Union
européenne.
(2) Les plans français
Le
Gouvernement a annoncé un
premier train de mesures en faveur de la
filière bovine le 21 novembre 2000
.
Doté d'une enveloppe de 3,2 milliards de francs (0,49 milliards
d'euros), ce plan prévoyait le versement d'environ 1,6 milliard de
francs aux éleveurs sous la forme de reports de cotisations sociales
(1,2 milliards de francs) et d'allègements de charges (400 millions
de francs).
A la suite de l'échec des Etats membres à s'accorder sur
l'attribution d'aides communautaires aux éleveurs, le Gouvernement a mis
en place un
second plan de soutien aux éleveurs le
28 février 2001
, comportant 1,2 milliard de francs de
crédits destinés :
- au versement d'aides ciblées, plafonnées, et
décentralisées, pour un montant d'un milliard de francs ;
- au versement de 100 millions de francs d'aides à la
filière « veaux de boucherie » ;
- au versement, pour 100 millions de francs, du complément national
de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes.
En apparence significatives, ces mesures ont cependant déçu le
monde agricole dans la mesure où elles n'ont pas permis une couverture
satisfaisante des pertes subies du fait de la crise. En outre leur versement
est apparu souvent tardif, ce qui a contribué à fragiliser la
trésorerie de nombreux éleveurs.
Enfin, après l'annonce de versements anticipés de diverses
primes, le Gouvernement a rendu public, le
17 octobre 2001
,
un
nouveau plan de vingt mesures
, parmi lesquelles :
-
la mise au point, sur la base d'une enquête nationale, relative
à la situation de l'élevage bovin, d'un plan d'accompagnement des
éleveurs en difficulté,
qui ne devrait toutefois pas entrer
en application avant l'année 2002 ;
- une réflexion sur les moyens de valoriser les jeunes veaux
dans des filières spécifiques
telles que l'alimentation des
animaux domestiques (petfood) ;
A court terme devrait toutefois être instauré un dispositif de
dégagement des jeunes veaux.
-
le lancement d'une mission sur l'avenir du bassin allaitant ainsi
qu'une réflexion autour de la différenciation de la viande issue
du troupeau allaitant
.
Votre rapporteur pour avis espère que ces mesures seront
appliquées dans les plus brefs délais. Il souhaite
également que l'accent soit mis plus fortement sur les actions de
promotion et de communication, lesquelles sont indispensables pour
rétablir le niveau de la consommation.
b) Une crise sans précédent
La
nouvelle crise de l'ESB, déclenchée à l'automne 2000, a
plongé l'élevage bovin français dans un marasme profond et
durable.
Les premiers mois de l'année 2001 ont été marqués
par la rétention d'un gros volume d'animaux sur les exploitations, la
chute brutale du niveau de la consommation et les difficultés
liées à la mise en place du dépistage systématique
à l'abattoir ayant pour conséquence une forte diminution de
l'activité d'abattage.
En dépit de la mise en place de mesures de dégagement du
marché, qui ont permis de retirer plus de 150.000 tonnes de viande
bovine,
la filière reste durablement engorgée
. Un
excédent estimé à 80.000 tonnes subsiste à
l'échelle européenne.
Si le niveau de consommation est remonté depuis l'automne dernier, il
reste encore inférieur de 8 % à ce qu'il était avant
la crise. Considérée comme structurelle, la diminution de la
consommation concerne autant les achats des ménages que les commandes de
la restauration collective.
Il en résulte une forte baisse des cours à la production, dont le
niveau a chuté de 25 à 30% depuis un an, avec pour
conséquence une
dégradation substantielle du revenu des
éleveurs
.
Dans ces conditions, le maintien à un niveau
élevé des prix de vente aux consommateurs, expliqué
partiellement par la répercussion du coût des tests et de
l'augmentation de la taxe d'équarrissage, pose la question de la
répartition des marges entre les différents opérateurs de
la filière.
De même, l'afflux sur le marché français de viande bovine
étrangère à bas prix a déclenché la
colère légitime des producteurs français au début
de l'automne.
Les initiatives prises au sein de la filière, en particulier la
signature, le 24 octobre 2001, d'un accord entre producteurs et
abatteurs convenant d'une grille de prix d'achat des bovins et suspendant
provisoirement les importations de viande bovine, ont toutefois
contribué à apaiser les tensions.
Alors que les trésoreries des éleveurs restent vides, votre
rapporteur pour avis plaide pour l'attribution rapide des aides directes
annoncées dans le cadre du dernier plan gouvernemental. Il tient
également à souligner la nécessité de mettre en
place, de manière urgente, le programme d'abattage temporaire des veaux
laitiers, afin de dégager le marché à moyen terme.
De nombreuses exploitations sont au bord de la faillite. Une étude de
l'Institut national de la recherche agronomique évalue à 59 000
le nombre des exploitations directement menacées. Sans un engagement
massif en faveur des éleveurs, notamment du bassin allaitant,
l'effondrement de toute une filière est à craindre, qui
fragiliserait l'équilibre économique de nombreuses
régions, sans parler des conséquences en termes d'occupation de
l'espace rural.
Les deux composantes du cheptel bovin français ont été
affectées par la crise de confiance. Traditionnellement
valorisées dans la production de steak haché, les vaches
laitières de réforme ont vu leur principal débouché
se restreindre.
Le cheptel allaitant a quant à lui subi les conséquences de la
diminution des achats de broutards par l'Italie. L'organisation de
l'élevage allaitant en France, essentiellement tourné vers
l'activité de naissage a démontré ses faiblesses à
l'occasion de cette crise. Alors qu'il semble exister, en France, une demande
spécifique des consommateurs à l'égard des races bovines
dites à viandes, il conviendrait de développer une
activité d'engraissement dans les zones françaises de production.
A cet égard, votre rapporteur pour avis attend avec intérêt
les propositions que devrait formuler l'expert désigné par le
Gouvernement sur l'avenir du bassin allaitant.
Estimant que la filière ne fera pas l'économie d'une
réflexion sur la maîtrise de sa production, il considère
aussi comme indispensable la réforme de l'organisation commune de
marché. Celle-ci devra notamment renforcer les outils de gestion du
marché et permettre une meilleure prise compte de l'élevage bovin
allaitant, qui reste une spécificité française.
2. La crise viticole
Le
secteur viticole a connu une année difficile, notamment en raison de la
surproduction et de la mévente des vins de table et des vins de pays du
sud est.
Cette crise provoquée par la tendance confirmée
au recul
de la consommation française et par la concurrence accrue des vins des
nouveaux pays producteurs
s'est traduite par une augmentation de
l'excédent qui devrait s'établir à 5 millions
d'hectolitres à la fin de l'année 2001. Il est vrai que les
parts de marché de la France à l'exportation ne cessent de
baisser. Après le niveau record de 15 millions d'hectolitres vendus
en 1998, les exportations ont connu un repli de 0,6 million d'hectolitres
en 1999, confirmé par une nouvelle diminution de 0,7 million
d'hectolitres sur l'année 2000.
La chute des ventes a entraîné une baisse des prix des vins de
l'ordre de 30 %
, qui a contraint les coopératives à
diminuer les acomptes versés à leurs adhérents. Ceux-ci
ont très vite été confrontés à un manque de
trésorerie, compte tenu de l'importance de leurs charges.
Les producteurs de vins de pays et de vins de table de la région
Languedoc-Roussillon ont exprimé leur mécontentement au cours de
plusieurs manifestations qui se sont déroulées avant
l'été. La tension été particulièrement forte
à l'égard de la grande distribution, accusée d'accorder sa
préférence à la vente de vins européens.
A la suite de réunions qui se sont tenues en juillet à l'ONIVINS,
la Fédération du commerce et de la distribution, (FCD), qui
représente une partie des distributeurs, s'est engagée à
mettre en avant les vins français dans les linéaires.
Par ailleurs, la France a dû recourir à plusieurs distillations de
crise pour assainir le marché. Du 9 janvier au
15 février 2001, une première distillation de crise
avait été réalisée en vue de transformer en alcool
quelques 800.000 hectolitres de vins. Cette distillation s'étant
avérée insuffisante pour redresser les cours, le Gouvernement
français, sur la demande des professionnels, a obtenu en juin dernier de
la Commission européenne l'autorisation de distiller 1,5 million
d'hectolitres supplémentaires.
En juillet dernier, un rapport
3(
*
)
sur la situation du secteur viticole
français au regard du marché mondial des vins a été
remis au ministre de l'agriculture et de la pêche.
Dans la droite ligne de ce rapport, le Ministre de l'agriculture a
annoncé, le 25 septembre 2001,
un plan d'adaptation pour la
viticulture
, invitant par ailleurs les acteurs professionnels à
élaborer avec Jacques Berthomeau une stratégie pour la
filière à l'horizon 2010.
Le plan d'adaptation rendu public définit les objectifs suivants :
- accélérer et achever la restructuration du vignoble ;
Il s'agit de reconvertir, avec le soutien de la nouvelle OCM viti-vinicole, les
surfaces produisant des vins pour lesquels il n'existe plus de demande.
- moderniser et restructurer l'outil de vinification ;
Cette action sera fondée sur des schémas de restructuration
établis au niveau départemental, en vue de favoriser une
meilleure adéquation entre les vignobles et les caves. Elle implique un
recours accru des caves aux services d'oenologues. Un soutien à
l'accompagnement technique serait est prévu dans ce but.
- renforcer la puissance commerciale de la filière ;
Ce renforcement nécessite une concentration dans le secteur du
négoce, actuellement très éclaté. Les soutiens
publics, y compris les aides classiques telles que les primes d'orientation
agricole (POA), seront conditionnés à des projets s'inscrivant
dans des stratégies définies au niveau départemental.
- améliorer l'OCM viti-vinicole ;
Il s'agirait de reconnaître aux Etats membres la possibilité de
rendre obligatoire tout ou partie de la distillation de crise qu'ils
sollicitent. Une demande en ce sens devait être formulée par le
Gouvernement français. De même devrait être demandées
la mise en place d'une mesure de reconversion différée et
l'instauration d'un délai indemnisé entre l'arrachage et la
replantation.
Dans l'immédiat devraient être appliquées des mesures
destinées à constituer le
premier volet du plan
d'adaptation
. Le Ministre de l'agriculture a ainsi annoncé :
- la demande, auprès des autorités communautaires, d'une
distillation supplémentaire d'un volume de 4 à 5 millions
d'hectolitres, ainsi que l'autorisation d'attribuer une aide nationale pour
relever le prix payé aux producteurs ;
- l'affectation d'une enveloppe de 15 millions de francs en vue du
versement aux jeunes agriculteurs d'aides à la trésorerie ;
- le paiement des aides à la restructuration du vignoble - pour un
montant de 141 millions de francs - et des primes d'orientation agricole - pour
un montant de 841 millions de francs - dont le versement est en retard.
Le Gouvernement a, en outre, promis l'attribution, dès cette
année, de 115 millions de francs à l'ONIVINS en vue de
soutenir l'amélioration des structures de production et de vinification.
Prenant la mesure des enjeux auxquels est aujourd'hui confrontée
notre filière viti-vinicole, la Commission des affaires
économiques a récemment décidé la
c
réation d'un groupe de travail sur l'avenir de la viticulture
française.
Ce groupe de travail cherchera à analyser les causes structurelles de la
diminution des ventes de vin en France, et les problèmes liés
à la surproduction, à l'insuffisante organisation des producteurs
et à l'inadaptation partielle de l'offre. Il s'agira également de
prendre la mesure de la percée des nouveaux pays producteurs sur le
marché mondial des vins, d'identifier leurs facteurs de réussite,
notamment en termes de communication et de stratégie commerciale, et de
formuler des propositions en vue de préserver l'avenir de ce secteur.
Il devrait rendre ses conclusions au cours du premier trimestre de
l'année 2002.