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ÉTUDE D'IMPACT

PROJET DE LOI

pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration

NOR : IOMV2236472L/Bleue-1

1er février 2023

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION GÉNÉRALE 5

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 30

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 34

TABLEAU D'INDICATEURS 38

TITRE I ER - ASSURER UNE MEILLEURE INTÉGRATION DES ÉTRANGERS PAR LE TRAVAIL ET LA LANGUE 42

CHAPITRE I ER - MIEUX INTÉGRER PAR LA LANGUE 42

Article 1 er : Conditionner la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau minimal de français afin de conforter l'intégration 42

Article 2 : Mettre à la charge de l'employeur une obligation de formation à la langue française 57

CHAPITRE II - FAVORISER LE TRAVAIL COMME FACTEUR D'INTÉGRATION 69

Article 3 : Créer une carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension » 69

Article 4 : Accélérer l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile ressortissant de pays bénéficiant d'un taux de protection internationale élevé 82

Article 5 : Conditionner le statut d'auto entrepreneur à la preuve de la régularité du séjour 96

Articles 6 et 7 : Réformer les passeports « talent » et création d'une carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » 104

CHAPITRE III - MIEUX PROTÉGER LES ÉTRANGERS CONTRE LES EMPLOYEURS ABUSIFS 119

Article 8 : Prévoir une amende administrative sanctionnant les employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler 119

TITRE II - AMÉLIORER LE DISPOSITIF D'ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS REPRÉSENTANT UNE MENACE GRAVE POUR L'ORDRE PUBLIC 134

CHAPITRE I ER - RENDRE POSSIBLE L'ÉLOIGNEMENT D'ÉTRANGERS CONSTITUANT UNE MENACE GRAVE POUR L'ORDRE PUBLIC 134

Article 9 : Assouplir la protection quasi-absolue pour permettre l'expulsion d'étrangers en situation régulière ayant commis des infractions graves et extension des peines d'interdiction du territoire français 134

Article 10 : Réduire le champ des protections contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français en cas de menace grave pour l'ordre public 158

Article 11 : Permettre la prise d'empreintes par coercition 167

Article 12 : Mettre fin à la présence de mineurs de 16 ans dans les centres de rétention administrative 177

CHAPITRE II - MIEUX TIRER LES CONSÉQUENCES DES ACTES DES ÉTRANGERS EN MATIÈRE DE DROIT AU SÉJOUR 186

Article 13a : Fonder le refus ou le retrait d'un document de séjour détenu par un étranger dont le comportement manifeste le rejet des principes et valeurs de la République française 186

Article 13d : Conditionner la délivrance de tout document de séjour à la signature, par l'étranger, d'un acte d'engagement aux principes et valeurs de la République française 186

Article 13b : Permettre le retrait ou le non-renouvellement de la carte de résident en cas de menace grave pour l'ordre public 204

Article 13c : Condition de séjour effectif de six mois par an pour obtenir le renouvellement d'un titre de séjour 216

TITRE III - SANCTIONNER L'EXPLOITATION DES MIGRANTS ET CONTRÔLER LES FRONTIÈRES 229

Article 14 : Criminaliser la facilitation en bande organisée, de l'entrée et du séjour d'étrangers en situation irrégulière 229

Article 15 : Durcir les sanctions contre l'habitat indigne 237

Article 16 : Etendre l'obligation de contrôle documentaire des transporteurs au contexte nouveau né de l'entrée en vigueur prochaine de l'autorisation de voyage prévue par le règlement UE 2018/1240 ainsi que les modalités de sanction de son manquement par amende administrative 246

Article 17 : Permettre l'inspection visuelle des véhicules particuliers par les officiers de police judiciaire en zone frontalière 252

Article 18 : Encadrer le refus de visa aux étrangers ayant fait l'objet d'une OQTF au cours d'un séjour antérieur sur le territoire français 260

TITRE IV - ENGAGER UNE RÉFORME STRUCTURELLE DU SYSTÈME DE L'ASILE 269

Article 19 : Création de pôles territoriaux « France asile » 269

Article 20 : Organisation de la CNDA - chambres territoriales - composition de la formation de jugement 280

TITRE V - SIMPLIFIER LES RÈGLES DU CONTENTIEUX RELATIF À L'ÉNTRÉE, AU SÉJOUR ET À L'ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS 292

CHAPITRE I ER - CONTENTIEUX ADMINISTRATIF 292

Articles 21 à 23 : Réformer le contentieux administratif des étrangers 292

CHAPITRE II - CONTENTIEUX JUDICIAIRE 322

Articles 21 et 24 : Limiter les déplacements au tribunal des étrangers maintenus en zone d'attente ou en rétention administrative 322

Article 25 : Porter le délai de jugement de la requête aux fins de maintien en zone d'attente de 24h à 48h en cas de placement simultané dans une même zone d'un nombre important d'étrangers 333

TITRE VI - DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES 344

Article 26 : Habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter les dispositions du projet de loi à l'Outre-mer 344

ANNEXES 347

Chiffres publiés sur l'immigration 347

Tableau comparatif « Code modifié - Règlement UE 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) et modifiant les règlements (UE) n° 1077/2011, (UE) n° 515/2014, (UE) n° 2016/399, (UE) n° 2016/1624 et (UE) n° 2017/2226 » 357

INTRODUCTION GÉNÉRALE

La France est fière d'être un pays d'immigration ancienne et riche de ce que cette immigration lui a apporté. Depuis vingt ans, les flux migratoires s'accélèrent dans toute l'Europe. Il est nécessaire de regarder cette réalité au moment où les demandes d'asile, par exemple augmentent de soixante pourcent dans l'Union européenne en 2022, pour préparer notre pays aux défis qui l'attendent, pour mieux contrôler nos frontières et lutter contre l'immigration irrégulière, pour faire droit à la demande d'asile légitime, et assurer l'intégration effective des immigrés arrivant légalement sur notre territoire.

*

Rappelons en premier lieu que l'intégration européenne est à l'origine d'une mobilité accrue entre Etats-membres, qui permet à chaque Français de s'établir librement chez nos partenaires et réciproquement, d'y étudier ou d'y travailler. Avec le reste du monde également, les flux migratoires de toutes natures n'ont cessé de progresser.

La demande d'asile en France a ainsi triplé en dix ans, passant de 36 000 demandes en 2010 à 121 268 en 2021, dont plus du tiers résulte de mouvements secondaires au sein de l'Union européenne, après passage par un pays de première entrée, même si nous en connaissons un tiers de moins qu'en Allemagne.

L'immigration régulière, qui traduit le renforcement de l'attractivité de notre pays, pour les étudiants étrangers ou les profils qualifiés, est majoritairement familiale depuis les années 1970 et la régulation forte de l'immigration de travail.

*

Depuis 2017, le Gouvernement a mobilisé des moyens sans précédent pour notre politique migratoire. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a fixé un cap clair, qui a donné des résultats dans un contexte rendu particulièrement incertain par les crises que nous avons traversées.

La lutte contre l'immigration irrégulière a ainsi pu s'appuyer sur des instruments juridiques renforcés, qu'il s'agisse de l'augmentation du temps laissé aux policiers et aux gendarmes pour la vérification de la situation administrative, ou de la durée maximale de rétention administrative portée à 90 jours. Ses effets ont été réels. Les éloignements forcés sont parvenus à un niveau jamais atteint de près de 19 000 mesures exécutées en 2019 et un total de 24 000 éloignements et plus de 31 000 éloignements et départs d'étrangers en situation irrégulière comptabilisés. Après deux années 2020 et 2021 marquées par les restrictions sanitaires, le nombre d'éloignements a de nouveau progressé de 20% en 2022, au prix d'un effort diplomatique permanent avec les principaux pays concernés.

La réponse de l'Etat à l'endroit des étrangers constituant une menace pour l'ordre public a fait l'objet de la plus grande fermeté. Depuis 2017, plus de 700 étrangers radicalisés ont été expulsés. En deux ans, plus de 90 000 titres de séjour ont été retirés ou refusés, et 3 200 étrangers représentant une menace pour l'ordre public ont été expulsés du territoire français.

Depuis cinq ans, des moyens inédits ont été engagés pour faire diminuer les délais d'instruction des demandes d'asile. L'OFPRA et la CNDA ont vu une augmentation significative de leurs effectifs, ce qui a permis d'enregistrer des progrès, qui restent néanmoins insuffisants pour répondre à la dynamique de la demande qui reprend très fortement en 2022 et dépassera 120 000 nouvelles demandes enregistrées. L'orientation directive des demandeurs d'asile sur le territoire, combinée à la création de 26 000 places d'hébergement depuis 2017 a permis de faire progresser la part des demandeurs d'asile hébergés de 50 à plus de 70%.

Pour renforcer l'attractivité économique et scientifique de notre pays, le plan « Bienvenue en France » a fixé l'objectif d'accueillir 500 000 étudiants étrangers en France d'ici 2027. L'élargissement du titre passeport talents aux chercheurs et aux créateurs d'entreprises a déjà permis de renforcer l'immigration professionnelle très qualifiée, décisive pour le dynamisme de notre économie.

La politique d'intégration menée au bénéfice des étrangers a enfin été profondément renouvelée. La refonte du contrat d'intégration républicaine a ainsi permis de doubler le nombre d'heures de formation linguistique et de formation civique grâce à un effort de financement inédit de 190 millions d'euros supplémentaires. Les exigences linguistiques ont par ailleurs été relevées pour l'accès à la nationalité française.

L'évolution des flux migratoires se traduit par une forte hausse des demandes de visas et titres de séjour depuis 2009.

A titre d'illustration 1 ( * ) sur une période de dix ans, allant de 2009 à 2019 2 ( * ) :

? en 2009, 2 083 733 visas ont été demandés (1 823 631 ont été délivrés), alors qu'en 2019, 4 290 040 visas avaient été demandés (3 534 999 délivrés) ;

? en 2009, 194 410 premiers titres de séjour ont été délivrés, alors qu'en 2019, ils étaient plus de 277 466 ;

La délivrance des premiers titres de séjour par famille de motifs est représentée ci-dessous :

Pour ce qui concerne la demande d'asile, celle-ci a considérablement augmenté de 2015 à 2019, période pendant laquelle le nombre de demandes reçues à l'OFPRA est passé de 80 075 à 132 625.

La loi d'orientation et du programmation du Ministère de l'intérieur 3 ( * ) a acté une hausse du budget pour permettre d'atteindre l'objectif de 3 000 places de rétention administrative. Le rapport annexé à cette loi prévoit que le délai de traitement d'un dossier par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sera abaissé à soixante jours.

Les chiffres relatifs à l'immigration, à l'asile et à l'intégration, sur une période longue, sont publiés en annexe de la présente étude d'impact.

*

Cinq ans après la dernière et seule loi du quinquennat précédent en matière d'immigration et d'asile, l'environnement international continue de peser sur les flux migratoires, alimentés par les évolutions démographiques, l'instabilité de plusieurs Etats de notre environnement proche, et les déplacements de population engendrés par le changement climatique.

La loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration renforcée (IMDAEIR), du 10 septembre 2018 4 ( * ) , avait été adoptée dans le contexte de post-crise migratoire.

Le projet de loi alors déposé consistait à concrétiser ces mesures dans les champs nécessitant des mesures de niveau législatif, expliquant qu'il soit organisé autour des trois objectifs suivants:

? la réduction des délais d'instruction de la demande d'asile ;

? le renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière ;

? l'amélioration de l'accueil des étrangers admis au séjour pour leurs compétences et leurs talents.

Cette loi, dont le contenu n'a fait l'objet d'aucune censure du Conseil constitutionnel, a été appliquée dans son intégralité dès le 1 er mars 2019, date où tous les textes d'application avaient été pris.

Les mesures de cette loi ont notamment permis :

? de créer dans la loi le principe d'orientation directive, qui a été mis en oeuvre via la publication du schéma national d'accueil des demandeurs d'asile ; cela permet de rééquilibrer la prise en charge des demandeurs d'asile sur le territoire national ;

? de permettre une meilleure évaluation des mineurs non accompagnés étrangers en autorisant la création d'un traitement de données (AEM) ;

? d'agir efficacement contre le maintien sur le territoire des déboutés de l'asile originaires de pays d'origine sûr ;

? d'améliorer la lisibilité et la compréhension du droit des étrangers en simplifiant le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'ordonnance portant recodification a été publiée en décembre 2020.

*

L'insertion professionnelle des immigrés, en particulier des femmes, reste nettement inférieure à celle du reste de la population, en raison notamment d'une maîtrise insuffisante du français.

La part des ressortissants étrangers dans la délinquance représente par ailleurs plus du double de leur représentation dans la population, situation qui s'est dégradée au cours des dernières années, particulièrement dans les grandes villes.

Cette pression migratoire est particulièrement marquée dans la région parisienne et dans quelques grandes métropoles, pesant sur les services publics, en particulier de l'hébergement et du logement.

Cette situation n'offre pas les conditions d'une intégration réussie.

Il est donc nécessaire de nous doter de nouveaux outils budgétaires et juridiques, d'engager une réforme structurelle de notre système d'asile, et de renforcer les exigences d'une intégration réussie par la langue, par le respect de nos valeurs et par le travail.

*

Le présent projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, ne concerne pas les mêmes mesures que celles introduites ou modifiées par les dispositions introduites par la loi IMDAEIR. Au contraire, le présent projet de loi est porteur de nouveautés (création de nouveaux titres de séjour), notamment s'agissant de lever les freins à l'éloignement. Ce projet de loi est également porteur de réformes structurantes, nécessaires au regard, d'une part, des constats faits depuis 2018 et, d'autre part, des rapports institutionnels produits.

Ainsi, le présent projet de loi doit être perçu non pas comme une couche supplémentaire de sédimentation législative mais bien comme un outil indispensable porteur de transformations fortes, pour tous les acteurs de la politique publique de l'immigration, de l'asile et de l'intégration ainsi que pour les étrangers.

*

Le gouvernement entend porter une attention particulière à l'intégration des étrangers. C'est l'objet du titre premier du présent projet de loi qui a pour objet de favoriser l'intégration des étrangers par le travail et par la langue.

Titre I er - Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue

Chapitre I er - Mieux intégrer par la langue

L'article 1 er a pour objet de conditionner la première délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau minimal de français. Cette mesure permet ainsi de s'assurer de l'intégration des étrangers bénéficiant de ce titre de séjour, tout en appréciant, à cette occasion le niveau de langue et l'effectivité des engagements pris lors de la conclusion du contrat d'intégration républicaine (CIR).

Aujourd'hui, les cartes de séjour pluriannuelles sont délivrées, sauf exceptions prévues par le droit en vigueur, à condition d'avoir suivi et participé aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du CIR et de ne pas avoir manifesté de rejet des valeurs de la République. Ainsi, l'étranger qui sollicite la carte de séjour pluriannuelle n'a pas d'obligation de maîtrise de la langue mais uniquement d'assiduité et de sérieux dans sa participation aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du CIR.

Dès lors, le présent article a pour objet de vérifier que le primo-demandeur de titre de séjour pluriannuel signataire d'un CIR maîtrise la langue française, témoignant ainsi de sa bonne intégration, condition qui doit être requise pour accéder à un titre pluriannuel.

La mesure a pour objectif d'inciter les étrangers qui souhaitent demeurer durablement sur le territoire à se mobiliser davantage dans leur apprentissage du français, de manière à favoriser leur intégration en France.

Elle ne s'applique pas aux personnes dispensées de CIR listées à l'article L. 413-5 du CESEDA ni aux bénéficiaires de la protection internationale qui se voient attribuer un titre de séjour de plein droit lié à leur statut, ni aux Algériens sous l'empire de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

L'article 2 a pour objectif d'organiser la contribution des employeurs à la formation en français des travailleurs étrangers allophones afin de favoriser leur insertion professionnelle et sociale en France.

En effet, la maîtrise de la langue est l'une des premières conditions d'une intégration réussie, socialement et professionnellement. Dans le domaine professionnel, il s'agit notamment de faciliter la compréhension des instructions et normes applicables (qualité, sécurité au travail) dans le cadre de l'emploi occupé mais également de faire valoir ses droits dans le cadre de la relation contractuelle établie avec l'employeur. L'amélioration du niveau de langue conditionne par ailleurs la capacité du salarié à acquérir de nouvelles compétences et à progresser professionnellement.

Aujourd'hui, la participation des employeurs à la formation de ses salariés a trois niveaux d'intensité qui varient selon la transférabilité des compétences acquises prévues à l'article L. 6321-1 du Code du travail, en vertu duquel l'employeur a l'obligation d'adapter le salarié à son poste de travail, veille à la capacité du salarié à occuper un emploi, et peut proposer des actions participant au développement des compétences y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences.

Il est proposé de compléter les actions participant au développement des compétences que les employeurs pourront proposer à leurs salariés allophones dans le cadre du plan de développement des compétences. Il s'agit de permettre aux employeurs de proposer à ces salariés de suivre un parcours de formation linguistique pour leur assurer une connaissance suffisante de la langue française, dont le niveau est fixé par décret. Cette possibilité s'inscrivant dans le plan de formation des employeurs, celle-ci a vocation à se dérouler pendant le temps de travail conformément aux dispositions du code du travail (articles L. 6321-2 et L. 6321-6).

Cet article prévoit également que lorsque le salarié signataire du CIR est engagé dans un parcours de formation en français langue étrangère, le temps de formation à réaliser durant la mise en oeuvre de son contrat de travail constitue un temps de travail effectif et donne lieu au maintien de sa rémunération.

Lorsque les salariés allophones signataires du CIR mobilisent leur compte personnel de formation pour financer une formation en français réalisée en tout ou partie durant le temps de travail, l'autorisation d'absence est accordée de droit, dans la limite d'une durée fixée par décret en Conseil d'Etat.

Chapitre II - Favoriser le travail comme facteur d'intégration

L'article 3 crée, à titre expérimental, une carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension ». Ce nouveau titre permettra, durant la phase de son expérimentation, d'ouvrir une voie d'accès au séjour à la seule initiative du ressortissant étranger en situation irrégulière exerçant une activité salariée tout en confirmant le rôle de l'Etat en qualité de régulateur de l'ordre public social. D'une durée de validité d'un an, la carte de séjour vaudra autorisation de travail, sans démarche à la charge de l'employeur.

L'expérimentation est prévue jusqu'au 31 décembre 2026. Un rapport dressant le bilan de la mise en oeuvre de ce titre de séjour sera remis au Parlement, il précisera si la pérennisation de ce titre est nécessaire.

Aujourd'hui, seule la procédure d'admission exceptionnelle au séjour permet une régularisation par le travail des ressortissants étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national. Par cette procédure, les ressortissants étrangers peuvent solliciter, sous une double condition de durée de présence et de durée d'activité salariée (telle que précisée dans la circulaire du 12 novembre 2012, dite circulaire « Valls »), un titre de séjour « salarié » ou « salarié temporaire » en fonction du contrat de travail détenu, sans avoir l'obligation de produire un visa d'entrée.

Néanmoins, cette procédure nécessite la production par l'étranger de preuves de son investissement professionnel - notamment un formulaire CERFA rempli par son employeur - et de bulletins de salaire. Dès lors, l'admission exceptionnelle au séjour par le travail a pour effet d'induire un déséquilibre entre l'employeur, dont l'action positive est requise pour initier la procédure de régularisation, et le salarié étranger, plaçant ce dernier dans la dépendance de l'employeur y compris au regard du séjour.

De même, alors que l'emploi de ressortissants étrangers dépourvus d'une autorisation de travail est puni de cinq ans d'emprisonnement en vertu du code pénal, la procédure d'admission exceptionnelle ouvre la faculté pour l'employeur de contribuer à la régularisation administrative de la situation constitutive du délit, en la portant à la connaissance de l'administration.

Pour pallier ces limites, la carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension » relèverait de la seule initiative du travailleur étranger. Elle serait délivrée de plein droit sous réserve de la preuve, apportée par tout moyen, d'une ancienneté de résidence sur le territoire national ainsi que d'une expérience professionnelle salariée dans un emploi figurant sur la liste des métiers en tension à l'exception des activités qui, exercées dans le régime du salariat, obéissent à des conditions réglementaires d'exercice.

Les travailleurs saisonniers seront par ailleurs exclus du champ d'application de ce dispositif, la condition de résidence habituelle leur faisant défaut.

A l'occasion de l'instruction de la demande de titre, la situation de l'employeur fera l'objet des contrôles et vérifications prévus au code du travail (respect des obligations déclaratives sociales, vérification que l'employeur n'a pas fait l'objet de sanctions, que le salaire proposé à l'étranger est conforme aux minima prévus par la loi, les conventions collectives de branche, ou d'entreprises).

Le titulaire de la carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension » pourra, au moment de son renouvellement, bénéficier d'une carte pluriannuelle mention « salarié » s'il justifie d'un CDI. Les titulaires de la CST « travail dans les métiers en tension » pourront après le 31 décembre 2026 solliciter une CSP « salarié » ou « travailleur temporaire », selon la nature de leur contrat de travail, en demandant un changement de statut et s'ils justifient les conditions de délivrance de ces titres.

Conformément à l'article L. 436-4 du CESEDA, les étrangers entrés irrégulièrement en France ou non muni d'un titre de séjour dans les délais réglementaires doivent s'acquitter d'un droit de visa de régularisation d'un montant de 200€ en sus de la taxe de primo-délivrance lors de leur première admission au séjour. Une exception sera prévue pour les titulaires de cette carte, qui seront redevables du droit de timbre au tarif en vigueur pour la CST « travailleur temporaire » (soit 225€ au total).

L'article 4 instaure un dispositif d'accès au marché du travail sans délai pour les demandeurs d'asile dont il est fortement probable, au regard de leur nationalité, qu'ils obtiendront une protection internationale en France.

En vertu de l'article L. 554-1 du CESEDA, les demandeurs d'asile n'ont aujourd'hui accès au marché du travail qu'au bout d'un délai de 6 mois, sous réserve d'obtenir une autorisation préfectorale. Entre avril 2021 et avril 2022, sur 4 745 demandes d'autorisations de travail présentées par des demandeurs d'asile, 1 814 ont fait l'objet d'un accord, soit 38,2 % des personnes en ayant fait la demande. Cela représente environ 2,3% du total des demandeurs d'asile majeurs enregistrés sur l'année 2021.

Une accélération de l'accès au marché du travail se justifie en revanche pour les demandeurs dont il est le plus probable qu'ils obtiendront ce statut, afin d'accélérer leur parcours d'intégration et de lutter contre l'emploi illégal d'étrangers sans autorisation de travail.

Le champ d'application de la présente mesure, qui déroge au principe prévu par l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repose sur un critère objectif : le taux de protection internationale en France constaté au cours de la dernière année civile échue par nationalité. Seuls les demandeurs d'asile ressortissant de pays dont le taux de protection excède un seuil élevé et fixé par décret, pourront accéder sans délai au marché du travail. Dans une logique symétrique à celle qui préside à l'établissement de la liste des pays d'origine sûre, qui permet de déroger à la procédure d'asile de droit commun au regard du pays d'origine du demandeur, la dérogation au principe d'égalité se justifie au regard la différence de situation objectivée par la probabilité d'obtenir une protection internationale en France.

Dès lors que le demandeur attestera de sa nationalité lors de l'introduction de sa demande d'asile, il pourra déposer une demande d'autorisation de travail, sauf si sa demande est placée en procédure accélérée (menace pour l'ordre public, fraude, réexamen...).

Les demandeurs d'asile qui obtiendront l'autorisation de travail nécessaire à l'exercice d'une activité professionnelle pourront également bénéficier d'une formation linguistique et professionnelle visant à renforcer leur intégration.

Cette mesure ne bénéficiera qu'aux demandeurs d'asile dont la demande relève de la responsabilité de la France, à l'exclusion des demandeurs placés sous procédure Dublin.

L'article 5 conditionne la création d'une entreprise individuelle à la régularité du séjour de son fondateur.

L'auto-entreprise est un régime simplifié du statut de l'entreprise individuelle, défini aux articles L. 526-22 et suivants du code de commerce et qui relève d'un régime fiscal et social allégé (articles 50 du code général des impôts et L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale).

Les auto-entrepreneurs sont des travailleurs indépendants non-salariés, qui peuvent exercer en tant :

? qu' artisans, l'immatriculation au répertoire des métiers est alors obligatoire ;

? que commerçants , l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés est alors obligatoire ;

? que profession libérale.

L'immatriculation des auto-entrepreneurs commerçants au registre du commerce et des sociétés et celle des artisans au répertoire des métiers sont assujetties à une obligation de produire un titre de séjour en cours de validité, mentionnée à l'annexe 1-1 du code de commerce et dans un arrêté du 29 novembre 2021. Cependant, il apparaît qu'une part importante de personnes exerçant sous le régime de l'auto-entreprenariat, notamment en liaison avec des plateformes dites « collaboratives », sont dépourvues de titre de séjour. En outre, ce statut est également utilisé pour des sous-traitances de comptes enregistrés auprès de plateformes collaboratives, qui permettent à des étrangers en situation irrégulière de travailler alors qu'ils n'ont ni titre de séjour, ni autorisation de travail.

Ainsi conformément à la charte relative à la lutte contre la fraude et la sous-traitance signée en mars 2022 par les plateformes de livraison de repas, certaines de ces entreprises ont procédé ou envisagent de procéder à la désactivation de plusieurs milliers de comptes à l'issue de contrôles internes des profils des livreurs.

En relais et en complément de l'engagement des principales plateformes à uniformiser et développer des moyens de lutte contre le travail illégal, il est proposé de renforcer les règles afférentes à l'enregistrement d'une auto-entreprise par les centres de formalité des entreprises.

D'une part cela permettra d'éviter que la facilité d'accès à ce statut soit un facteur d'attractivité du territoire national pour l'immigration irrégulière. D'autre part, cette réforme participe de la lutte contre des situations de forte précarité, voire d'exploitation de cette main d'oeuvre irrégulière particulièrement vulnérable.

L'article 6 vise à accroitre la lisibilité, la cohérence et la visibilité du titre de séjour passeport talent.

D'une part, le titre est renommé carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent ». En effet, il apparaît que l'expression « passeport » conduit à une possible confusion sur la nature du document délivré pour le public cible des talents étrangers, ainsi que pour l'environnement des entreprises. La nouvelle formulation, en évitant de se référer au « passeport » pour un titre de séjour, et centrée uniquement sur la notion de talent, permet de lever toute forme d'ambiguïté, et d'accroitre de fait la visibilité du titre de séjour.

D'autre part les titres délivrés actuellement pour les motifs de création d'entreprise, de projet économique innovant et d'investissement en France sont fusionnés sous un unique titre portant la mention " talent-porteur de projet ".

En effet, ces motifs de délivrance similaires, en ce qu'ils consistent à porter un projet économique sur le territoire national, ne représentent respectivement que des volumes relativement faibles de titres délivrés, comparativement à d'autres motifs, ce qui justifie leur fusion. A titre d'exemple :

? Pour le motif « création d'entreprise » : 72 titres ont été délivrés en première demande en 2021 (33 en 2020) et 128 en renouvellement en 2021 (89 en 2020) ;

? Pour le motif « projet économique innovant » : 55 titres ont été délivrés en première demande en 2021 (38 en 2020) et 68 en renouvellement (66 en 2020) ;

? Pour le motif « investissement économique » : 30 titres ont été délivrés en première demande en 2021 (18 en 2020) et 29 en renouvellement (17 en 2020).

? A titre de comparaison, le passeport talent pour un emploi salarié (public hautement diplômé ou salarié d'une entreprise innovante) représente à lui seul en première demande 410 titres en 2020 (et 598 en 2019), et en renouvellement 8 635 titres en 2020 (et 9748 en 2019).

Regrouper les porteurs de projet sous un même titre « talent - porteur de projet » conduirait ainsi à une rationalisation du nombre de catégories actuellement existantes (10 catégories, et une catégorie supplémentaire pour les membres de famille). Cela permettra une meilleure compréhension du dispositif, en couvrant sous une catégorie unique et au sein d'un même cadre réglementaire, les porteurs de projets étrangers (création d'entreprise, développement de start-ups liées à l'innovation, investissement en France etc.).

L'article 7 crée une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talent - professions médicales et de la pharmacie » dédiée aux professionnels de santé et à leurs familles dès lors qu'ils sont recrutés par un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social.

Ce nouveau titre vise à répondre au besoin de recrutement de personnels qualifiés de santé dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux ainsi que les établissements sociaux. En effet, toutes les opportunités autorisant l'exercice de professionnels étrangers qualifiés ne peuvent actuellement être saisies par les établissements, faute de titre de séjour répondant pleinement à la spécificité de ces situations.

La nouvelle carte de séjour « talent - professions médicales et de la pharmacie » permettra d'améliorer la lisibilité et l'attractivité du droit au séjour pour ces publics qualifiés, tout en tenant compte des enjeux de vérification de l'aptitude de professionnels étrangers à exercer au sein d'un établissement du système de santé français.

Sont visés par cette mesure les étrangers exerçant une profession correspondant à celles visées aux articles L. 4111-1 et L. 4221-12 du code de la santé publique, c'est-à-dire les médecins (quelle que soit leur spécialité), les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens.

La délivrance du titre de séjour sera expressément conditionnée :

? à l'obtention d'une autorisation d'exercice produite par l'agence régionale de santé dont les conditions de délivrance et la durée de validité seront définies par un arrêté du ministre de la santé ;

? à la production d'un contrat de travail établi avec un établissement public ou privé à but non lucratif ;

? au respect d'un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d'Etat.

La carte de séjour pluriannuelle « talent - professions médicales et de la pharmacie » pourra être délivrée dans deux cas de figure :

? aux praticiens diplômés hors Union Européenne (PADHUE) venant en France pour exercer une activité salariée d'une durée égale ou supérieure à un an au sein d'un établissement de santé public ou privé à but non lucratif et qui s'engagent à passer les épreuves anonymes de vérification des connaissances (EVC) durant la période de validité de leur contrat de travail. Dans ce cadre, le demandeur se verra délivrer en première demande un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) mention « talent - professions médicales et de la pharmacie » d'une durée de treize mois. En cas de non validation des EVC durant la période couverte par le VLS-TS, et sous réserve que le demandeur justifie d'une inscription au concours des EVC, celui-ci pourra solliciter un unique renouvellement de son titre après délivrance d'une autorisation provisoire d'exercer par une autorité régionale pour une durée maximale de treize mois.

? à l'ensemble des PADHUE ayant réussi les EVC. Dans ce cadre, le demandeur se voit délivrer, en première demande, en renouvellement ou en changement de statut, une carte de « talent - professions médicales et de la pharmacie » d'une durée maximale de quatre ans.

A l'instar de l'ensemble des titres « talents », le titre « talent - professions médicales et de pharmacie » est délivré sans recours à une demande d'autorisation de travail et entraîne le bénéfice d'un titre de séjour « talents - famille » aux membres de la famille de l'étranger bénéficiaire du titre.

Par ailleurs, le présent article qui modifie le code de la santé publique a pour objet de déconcentrer la compétence pour délivrer les autorisations d'exercer en France pour les personnes titulaires d'un diplôme étranger. Ce ne serait plus le ministre ou le directeur du centre national de gestion sur délégation qui délivrerait les autorisations, mais une autorité régionale (soit le directeur général de l'agence régionale de santé, soit une autorité collégiale régionale) après avis d'une commission (selon le cas, une commission régionale ou une commission nationale). Cela permettrait ainsi d'augmenter le nombre d'autorités compétentes pour se prononcer et donc d'accélérer le flux de traitement des dossiers. Ces dispositions s'articulent avec la création de la carte de séjour pluriannuelle « talent - professions médicales et de pharmacie » créée par le présent article.

Chapitre III - Mieux protéger les étrangers contre les employeurs abusifs

L'article 8 crée une amende administrative sanctionnant les employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler. Cette nouvelle amende, prononcée par le préfet de département, s'ajoute aux sanctions pénales et administratives existantes et permettra de sanctionner de manière simplifiée les employeurs abusifs.

L'article L. 8251-1 du code du travail prohibe l'embauche ainsi que le fait de conserver à son service ou d'employer un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. La violation de cette interdiction ainsi que le fait de recourir sciemment aux services d'un employeur d'un étranger sans titre est un délit susceptible d'entraîner des sanctions pénales (peine d'emprisonnement et amende) et administratives (fermeture préfectorale).

Aussi, l'amende administrative pour emploi d'étranger non autorisé à travailler s'inscrit dans une gradation des sanctions, en s'appliquant dans les situations où cette infraction est caractérisée mais où les conditions ne sont pas rassemblées pour justifier une fermeture administrative. Aucun critère de gravité ou de répétition n'est prévu, l'autorité administrative devant uniquement prendre en compte les circonstances du manquement, le comportement de son auteur (notamment sa bonne foi) ainsi que ses capacités financières.

L'amende est prononcée sur la base d'un procès-verbal ou d'un rapport établi par un agent de contrôle compétent en matière de lutte contre le travail illégal. La décision du préfet ne peut être prise avant un délai de 15 jours à compter de la notification du courrier émanant de la préfecture informant l'employeur des mesures envisagées et l'invitant à présenter ses observations écrites ou orales, afin de respecter le principe du contradictoire.

En cohérence avec les amendes prononcées sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail ou en matière de formalités préalables au détachement, le montant maximum de l'amende serait fixé à 4 000 euros par salarié concerné (porté au double, soit 8 000 euros par salarié, en cas de nouveau manquement dans un délai de deux ans). Sous réserve du respect du principe de proportionnalité des sanctions, cette amende pourra se cumuler avec la fermeture administrative si celle-ci est prononcée

Afin de respecter le principe à valeur constitutionnelle « non bis in idem », s'il y a un cumul d'une amende administrative et d'une amende pénale à l'encontre d'une même personne, le montant global des amendes prononcées ne doit pas dépasser le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues. Enfin, le préfet avise le procureur lorsqu'il envisage de prononcer une telle amende.

*

Le Titre II du projet de loi a pour objet de rendre plus efficace le dispositif de lutte contre l'immigration irrégulière et d'améliorer le dispositif de protection de l'ordre public. A cette fin, ce titre est composé de deux chapitres : un chapitre I er dont la finalité est de lever certains obstacles à l'éloignement et un second chapitre qui permettra de mieux tirer les conséquences des actes des étrangers sur leur droit au séjour.

Titre II - Améliorer le dispositif d'éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l'ordre public

Chapitre I er - Rendre possible l'éloignement d'étrangers constituant une menace grave pour l'ordre public

L'article 9 a d'abord pour objet d'aménager le régime de protection quasi-absolue contre l'expulsion dont bénéficient certains étrangers, en permettant d'y passer outre lorsque ceux-ci ont fait l'objet d'une condamnation pour des crimes ou délits punis de dix ans ou plus d'emprisonnement ou de cinq ans en réitération de crimes ou délits punis de la même peine.

En cohérence, la disposition harmonise sur deux points la rédaction de l'article L. 631-2 du CESEDA qui définit les protections relatives, applicables à d'autres catégories d'étrangers dont l'expulsion n'est possible qu'en cas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique d'une part, en prenant en compte l'échelle des peines encourues plutôt que le quantum de la condamnation effective et d'autre part, en étendant à ces catégories la possibilité de lever le protections bénéficiant aux conjoints de français ou parents d'enfants français qui se sont rendus coupables de violences à leur égard.

La légalité des mesures d'expulsion est conditionnée au respect de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. Ainsi, et sous le contrôle du juge, elles doivent prendre en compte de manière proportionnée, au regard de la menace représentée par l'étranger, les circonstances relatives à sa vie privée et familiale.

D'autre part, l'article 9 prévoit de tirer les conséquences des aménagements du régime de l'expulsion pour faciliter l'adoption des peines complémentaires d'interdiction du territoire français. Par cohérence, il est proposé d'harmoniser ces mêmes protections qui figurent à l'article 132-30-2 du code pénal, article miroir pour les interdictions du territoire français de celui du CESEDA pour les expulsions. Il serait en effet paradoxal et incohérent que le juge correctionnel qui déclare coupable un étranger pour des faits d'une particulière gravité ne puisse prononcer une interdiction du territoire français alors même que sur la base de ces mêmes faits le préfet pourrait prononcer, à la suite de cette condamnation, une expulsion.

Par ailleurs, le projet de loi vise à faciliter les expulsions et reconduites à la frontière d'étrangers ne respectant pas les valeurs de la République et commettant des infractions sur le territoire national. A cet égard, il apparaît inadapté de ne pas pouvoir prononcer des interdictions du territoire français, peine complémentaire qui doit être spécialement prévue à chaque fois par le législateur pour l'infraction en cause, pour des faits contre lesquels le Gouvernement lutte de façon prioritaire. Ainsi, les violences graves contre les forces de sécurité intérieure, les violences conjugales avérées mais dont l'incapacité temporaire de travail n'atteindrait pas neuf jours, ne peuvent aujourd'hui être sanctionnées par le tribunal correctionnel par une interdiction du territoire français. De même, il apparaît incohérent qu'une telle peine complémentaire ne soit pas prévue pour les vols aggravés dont certains sont pourtant punis de sept ou dix ans d'emprisonnement comme les vols commis à l'aide de mineurs ou les vols commis en réunion dans un local d'habitation. Le projet de loi étend donc la possibilité de prononcer des interdictions du territoire français pour ces catégories d'infractions.

L'article 10 a pour objet de réduire le champ des protections contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) lorsque l'étranger a commis des faits constituant une menace grave pour l'ordre public.

L'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit en effet des cas dans lesquels un étranger ne peut pas faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

Ces protections visent différentes catégories de personnes en raison de la durée de leur présence sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de leurs liens avec la France et de leur situation personnelle.

Toutefois, elles représentent un frein à l'éloignement, plus particulièrement dans les cas où l'étranger représente une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat, ayant justifié le retrait de son titre de séjour. Le principe retenu est donc celui de la préservation des protections en vigueur, sous réserve d'un comportement menaçant gravement l'ordre public. La notion de menace grave figure déjà à l'article L. 631-1 du CESEDA. Elle est appréciée par le juge sur la base d'un faisceau d'indices (actualité, gravité, répétition des faits commis). Elle s'applique aux cas de condamnations, mais aussi aux situations où la matérialité des faits est établie, mais n'a pas donné lieu à condamnation judiciaire (ex : violences conjugales où la victime n'a pas déposé plainte).

Cette réforme permettra, dans le cas où l'étranger menace l'ordre public, de ne pas voir appliquer un cadre automatique de protections prévues par la loi, mais de mieux prendre en compte, de façon spécifique, l'impératif de sauvegarde de l'ordre public au regard de la situation personnelle de l'étranger.

La seule exception à cette suppression des protections en cas de menace grave à l'ordre public concerne les mineurs, qui n'étant pas soumis à l'obligation de détention de titre de séjour, ne peuvent être éloignés pour séjour irrégulier.

Ainsi, cette nouvelle rédaction n'a pas pour effet de soustraire les décisions portant obligation de quitter le territoire français aux dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment ses articles 3 (protection contre les risques de tortures et de traitement dégradant) et 8 (droit à la vie privée et familiale), l'autorité administrative devant, sous le contrôle du juge administratif, prendre des mesures qui assurent une juste conciliation entre ces principes et le risque de trouble à l'ordre public.

La mesure préserve le cas particulier des ressortissants de l'Union européenne et des membres de leurs familles qui séjournent en France depuis plus de dix ans, en permettant leur éloignement en cas de nécessité impérieuse de sécurité publique.

L'article 11 a pour objet d'autoriser le recours à la coercition pour le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie des étrangers en séjour irrégulier ou contrôlés à l'occasion de leur franchissement de la frontière alors qu'ils ne satisfont pas aux conditions d'entrée sur le territoire.

La loi prévoit déjà le principe du relevé des empreintes digitales et de la prise de photographie de ces catégories d'étrangers (article L. 142-1, 3° CESEDA). Ces opérations ont pour objet d'établir la situation de l'étranger, qui, n'étant pas en mesure de fournir à un officier de police judiciaire les pièces qui l'autorisent à circuler et séjourner en France est contrôlé à l'occasion du franchissement de la frontière ou est placé en retenue pour vérification de son droit de circulation et de séjour.

En ce qui concerne la retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour dans un local de police ou gendarmerie, les conditions du contrôle sont prévues aux articles L. 813-1 et suivants du CESEDA. La décision de retenir l'étranger est communiquée au procureur qui peut y mettre fin à tout moment. Lors de la retenue, si l'étranger ne fournit pas d'éléments pour apprécier son droit à la circulation, ses empreintes digitales et sa photographie peuvent être prises pour établir sa situation, ainsi que le prévoit l'article L. 813-10 dudit code. Les empreintes ne peuvent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé en application du 3° de l'article L. 142-1, que s'il apparaît, à l'issue de la retenue, que l'étranger ne dispose pas d'un droit de circulation ou de séjour.

Toutefois, de nombreux étrangers en situation irrégulière refusent de donner leurs empreintes digitales, afin d'empêcher leur identification, ce qui a pour conséquences non seulement la difficulté à identifier de manière certaine l'étranger, mais aussi la possibilité qu'existent pour un seul et même individu divers alias, qui ne permettent pas d'apprécier la situation exacte de l'individu au regard du séjour, pour l'autorité administrative, comme pour le juge administratif ou judiciaire. En outre, l'absence d'empreintes est une difficulté supplémentaire objective pour identifier la nationalité de l'étranger et par suite mettre en oeuvre son éloignement effectif, puisque le préfet ne pourra pas fournir cet élément à l'appui de sa demande de laissez-passer consulaire.

Les articles L. 821-2, L. 822-1 et L. 824-2 du même code punissent déjà d'un an d'emprisonnement, 3 750 € d'amende et trois ans d'interdiction du territoire français l'étranger en situation irrégulière qui refuse de se conformer à l'opération de relevé de ses empreintes digitales. Pour autant, la sanction n'apparaît que peu dissuasive et ne permet pas in fine d'identifier l'étranger pendant la phase de retenue (article L. 813-10), ni de mémoriser par la suite ses empreintes s'il s'avère être en situation irrégulière (article L. 142-1, 3°).

Le présent article a dès lors pour objectif de renforcer l'efficacité du dispositif en permettant le recours à la contrainte, de façon proportionnée, après information du Procureur, aux fins de procéder aux relevés des empreintes digitales. Il modifie donc l'article L. 813-10 précité en ce sens.

S'agissant des étrangers contrôlés lors du franchissement de la frontière sans satisfaire aux conditions d'entrée, également tenus de se soumettre au relevé de leurs empreintes digitales et à la prise de photographie conformément à l'article L. 142-1, le CESEDA est complété par un article L. 331-4 prévoyant un dispositif de relevé d'empreintes et de prise de photographie similaire à celui prévu en retenue pour les étrangers interpellés sur le territoire national.

L'article 12 a pour objet d'interdire le placement en centre de rétention administrative de tout étranger mineur de moins de 16 ans. Aujourd'hui, aucun mineur ne peut être placé seul en rétention ; toutefois, dans certaines conditions, il est possible de placer en rétention un étranger majeur avec l'étranger mineur qui l'accompagne.

La première phrase de l'article L. 741-5 du CESEDA pose le principe de l'impossibilité qu'un mineur fasse l'objet d'une décision de placement en rétention le visant personnellement. Cette phrase n'est pas modifiée par le présent article.

En outre, compte tenu de la vulnérabilité particulière des mineurs de moins de 16 ans, ils ne pourront plus être placés en centre de rétention administrative, y compris lorsqu'ils accompagnent un adulte.

Les étrangers mineurs de 16 à 18 ans pourront toujours être placés en centre de rétention dès lors qu'ils sont accompagnés d'un étranger majeur. Parce que ces mineurs ne sont pas dans la même situation que les mineurs de moins de 16 ans, les conditions de leur placement en centre de rétention n'évoluent pas.

Chapitre II - Mieux tirer les conséquences des actes des étrangers en matière de droit au séjour

L'article 13 a pour objet d'imposer à l'étranger qui demande un titre de séjour de s'engager à respecter les principes de la République et de rendre possible le refus, le retrait ou le non-renouvellement de certains titres de séjour pour de nouveaux motifs liés à son comportement.

Dans un premier temps , le présent article crée une obligation pour l'étranger demandant un titre de séjour de s'engager à respecter les principes de la république. A cette fin, une section nouvelle intitulée « Respect des principes de la République française » est insérée dans le CESEDA. Conformément à la décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 du Conseil constitutionnel, la notion « principes de la République » est définie par la loi. Les principes de la République comprennent la liberté personnelle, liberté d'expression et de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution et le fait de ne pas se prévaloir de ses croyances ou convictions pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers .

En outre, le présent article défini ce qu'est un rejet des principes de la République, il résulte d'agissements délibérés de l'étranger troublant l'ordre public en ce qu'ils portent une atteinte grave à un ou plusieurs principes de la République. La précision de ce qu'est un rejet des principes de la République avait été rendue nécessaire par la décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 du Conseil constitutionnel.

Aujourd'hui la délivrance de certains titres de séjour n'est pas conditionnée au respect des principes et des valeurs de la République. Les articles L. 413-5 et L. 433-5 du CESEDA prévoient en effet que les demandeurs de la plupart des titres de séjour relevant de l'immigration professionnelle et étudiante sont dispensés de la signature du contrat d'intégration républicaine (CIR) prévu au second alinéa de l'article L. 413-2 du CESEDA. Or, la signature de ce contrat par l'étranger admis pour la première fois au séjour comporte l'engagement à respecter les valeurs de la République (article L. 413-2).

Surtout, les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative peut refuser la délivrance ou le renouvellement ou procéder au retrait d'un document de séjour sont restreintes à des situations bien précises qui ne prennent pas en considération l'hypothèse où le comportement de l'étranger caractériserait un rejet des principes de la République.

Cette mesure, qui s'applique à tous les détenteurs de titres de séjour hormis les ressortissants algériens qui sont exclusivement régis par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, complète les dispositions législatives existantes. Elle permet au préfet de tirer les conséquences, en matière de droit au séjour, d'un comportement manifestant un tel éloignement aux valeurs de la République qui atteste que l'intégration est compromise, sans nécessairement que ce comportement ne constitue une menace à l'ordre public.

Cette disposition permet par exemple d'envisager le refus de délivrance ou le retrait de titre de séjour à un étranger qui révèle par son comportement un refus de l'égalité entre les sexes, le rejet des principes de liberté de conscience, ou ayant commis un outrage au drapeau français au sens du décret n° 2010-835 du 21 juillet 2010 5 ( * ) .

Le présent article, en rendant obligatoire l'engagement à respecter les principes de la République, aura deux conséquences : si l'étranger refuse de manifester son engagement au respect de ces principes de la République, sa demande de titre de séjour pourra être rejetée ; s'il manque à son engagement à respecter les principes de la République, son titre de séjour pourra être retiré.

Pour tenir compte de la durée de présence d'un étranger sur le territoire au moment du retrait ou du refus de renouveler son titre de séjour en cas de rejet des principes de la République, il est prévu des garanties spécifiques pour les titres de long séjour (CSP/CR) telles que l'impossibilité de retirer ou de refuser le renouvellement si l'étranger est protégé contre l'éloignement et l'avis que sera systématiquement rendue par la commission du titre de séjour.

Le décret en Conseil d'Etat relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel « Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France » (AGDREF) sera modifié pour prendre en compte cette possibilité.

Dans un deuxième temps , le présent article a pour objet de rendre possibles le refus de renouvellement et le retrait de la carte de résident en cas de menace grave pour l'ordre public.

Aujourd'hui, le refus de renouvellement de la carte de résident et son retrait ne sont possible que lorsque :

? une décision d'expulsion est prise ;

? ou, depuis la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, l'étranger a commis certaines infractions spécifiques et limitativement énumérées à l'article 222-9 du code pénal (violence ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de moins de 15 ans), ou vit en état de polygamie.

Toutefois, si l'étranger titulaire d'une carte de résident est protégé contre une mesure d'expulsion, il demeure possible, pour certains délits, de « dégrader » son titre en une carte de séjour temporaire (CST).

On aboutit ainsi à une situation où la simple possession d'une carte de résident, accessible après cinq ans de séjour, trois ans pour certaines nationalités (notamment le Maroc et la Tunisie) voire immédiatement dans certaines situations (ascendants de Français, anciens combattants), ne permet de retirer ou de refuser de renouveler le titre que dans des cas extrêmement limités. La réserve d'ordre public ne s'applique donc pas pleinement pour les cartes de résident, alors que les détenteurs de ces titres peuvent représenter une menace grave pour l'ordre public.

Par ailleurs, l'étranger qui perd le bénéfice du statut de réfugié par une décision de l'OFPRA, ne peut se voir retirer sa carte de résident lorsque l'intéressé justifie de cinq années de présence régulière sur le territoire. De la même manière, l'étranger qui perd le bénéficie de la protection subsidiaire ne peut se voir retirer sa carte de séjour pluriannuelle lorsqu'il justifie de cinq années de présence régulière. Cette difficulté sera levée par le présent article, en rendant possible le retrait ou le non-renouvellement de ces titres de séjour dès lors que la protection aura été retirée et que l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public.

Par conséquent, cet article, d'une part, en rendant possible le non-renouvellement ou le retrait d'une carte de résident lorsque le comportement de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, lève un frein injustifié à la prise en compte du comportement de l'étranger dans l'examen du droit au séjour. D'autre part, en révisant les conditions dans lesquelles une carte de résident peut être « dégradée » en CST, il préserve l'étranger d'une situation dans laquelle sa carte de résident lui serait retirée sans pour autant pouvoir faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

Dans un troisième et dernier temps , le présent article vise à mettre fin à la pratique de certains étrangers de demander le renouvellement de leurs titres de séjour de longue durée (certaines cartes de séjour pluriannuelles et cartes de résident) alors qu'ils n'ont pas établi leur résidence effective et habituelle en France. Dans ce cas, il sera désormais possible de refuser le renouvellement du titre de séjour.

Aujourd'hui, un étranger qui bénéficie d'un titre de séjour de longue durée (CSP ou carte de résident) peut obtenir le renouvellement de son titre même s'il vit principalement à l'étranger. Il doit simplement justifier d'un domicile en France qui peut être d'ailleurs un hébergement chez un tiers.

Dans cette hypothèse, l'étranger qui demande le renouvellement de son titre vient en France uniquement dans le but de faire la démarche en préfecture et il obtient ledit renouvellement sans difficultés car le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit aucun moyen de s'y opposer.

La dématérialisation des procédures peut avoir pour effet d'accentuer ce phénomène puisque les étrangers n'auront plus besoin de se présenter personnellement en préfecture, au moins une fois, pour effectuer les démarches de renouvellement (obtention d'un récépissé, etc.).

En droit européen, le chapitre II de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée indique que les États membres accordent, sous certaines conditions, ce statut aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant cinq années, sauf dans certaines situations (études, formation, séjours temporaires, etc.).

Or, si l'étranger ne se présente en France que pour faire les démarches relatives au renouvellement de son titre de séjour, il méconnait la première condition d'une réelle intégration qui tient à la présence et la résidence en France de l'étranger.

Le présent article remédie à cette situation en rendant possible le refus de renouveler un titre de séjour dès lors que l'étranger ne réside pas effectivement et habituellement en France.

La notion de résidence habituelle et effective se définit ainsi : d'une part, la résidence effective implique que les étrangers soient domiciliés en France et y aient transféré le centre de leurs intérêts privés et familiaux. D'autre part, la résidence habituelle implique que les étrangers résident en France au moins six mois au cours de l'année civile, durant les trois dernières années précédant le dépôt de la demande.

Lorsque ces deux conditions ne seront pas remplies, le titre de séjour (certaines CSP et carte de résident) pourra ne pas être renouvelé.

Il est précisé que ne seront pas concernées par cette disposition les personnes titulaires d'un titre dont la logique s'oppose à l'exigence d'une telle résidence : cartes de séjour pluriannuelles « passeport-talent », « travailleur saisonnier », « étudiant-programme de mobilité » et les cartes de résident portant la mention « résident de longue durée UE ». De plus, au regard de la spécificité de leurs situations, cette condition ne s'appliquera pas aux cartes de séjour pluriannuelles délivrées aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides, et à leurs familles respectives. Il en va de même pour les cartes de résident délivrées aux réfugiés et à leur famille. Enfin, elle ne s'appliquera pas non plus à la carte de séjour « retraité » car le bénéfice de ce titre nécessite d'établir sa résidence habituelle hors de France.

Titre III - Sanctionner l'exploitation des migrants et contrôler les frontières

L'article 14 a pour objet de sanctionner plus durement les passeurs pour mettre fin aux drames consécutifs aux tentatives de traversées par voie maritime. Le 24 novembre 2021, 27 étrangers en situation irrégulière qui tentaient de rejoindre les côtes britanniques ont trouvé la mort, noyés dans la Manche après le naufrage de leur embarcation au large de Calais.

Les premiers responsables de cette situation sont les passeurs qui, profitant des populations vulnérables, les exposent à des traversées maritimes périlleuses vers le Royaume-Uni. Plus de 1 500 passeurs ont ainsi été interpellés en 2021. La gravité de tels faits, comparables à la traite des êtres humains, et leur multiplication, justifient désormais l'aggravation des peines actuellement encourues, en mettant par ailleurs l'accent sur les têtes de réseaux.

Aujourd'hui, le fait, pour toute personne, de faciliter ou de tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France constitue un délit, que l'article L. 823-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) punit de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

En application de l'article L. 823-3 du même code, ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 750 000 € d'amende en cas de circonstances aggravantes. En outre, l'article L. 823-6 du même code prévoit une peine d'interdiction du territoire français pour une durée maximale de dix ans ou à titre définitif en cas de circonstances aggravantes.

Le présent projet de loi propose, à l'instar de l'infraction de traite des êtres humains, de criminaliser ces faits lorsqu'ils sont commis en bande organisée dans les circonstances suivantes :

? une peine de quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 1 000 000 € seront encourues lorsque les étrangers auront été exposés à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

? les dirigeants et les organisateurs de ces groupements seront quant à eux passibles, quelles que soient les circonstances, de vingt ans de réclusion criminelle et d'une amende de 1 500 000 €.

Ces peines sont sans préjudice des peines d'interdiction du territoire français applicables aux étrangers ayant commis ces faits.

L'article 15 a pour objet de durcir les sanctions contre les « marchands de sommeil » en créant des aggravations pour les peines encourues lorsque l'occupant d'un appartement insalubre est une personne vulnérable, en particulier un étranger en situation irrégulière. En effet, les étrangers en situation irrégulière sont, au regard des pratiques des marchands de sommeil, dans une situation de particulière vulnérabilité.

Aujourd'hui, lorsque l'autorité compétente constate que l'appartement d'une personne ne respecte pas les normes de sécurité ou de salubrité, elle prend un arrêté de mise en sécurité et de traitement de l'insalubrité, le propriétaire doit alors remettre les lieux en état. S'il ne le fait pas, il peut faire l'objet d'une astreinte administrative ou la personne publique peut exécuter d'office la remise en état. Cependant, si malgré toutes ces mesures les lieux n'ont pas été remis en état, si l'insalubrité n'a pas pris fin ou si le propriétaire de l'appartement menace l'occupant pour qu'il quitte les lieux, alors le propriétaire encourt une sanction pénale. Pour lutter contre l'habitat insalubre et pour contraindre les propriétaires à respecter les arrêtés de de mise en sécurité et de traitement de l'insalubrité, le présent article modifie les sanctions pénales prévues par le code de la construction et de l'habitation (CCH), en faisant du fait que la victime est un étranger en situation irrégulière une circonstance aggravante pour :

? le refus délibéré et sans motif légitime d'exécuter les travaux et mesures prescrits (art. L. 511-22 I CCH) : la peine passe d'un an d'emprisonnement et 50 000€ d'amende à deux ans d'emprisonnement et 75 000€ d'amende si l'occupant est un ressortissant étranger en situation irrégulière ;

? le fait de ne pas déférer à une mise en demeure du représentant de l'Etat dans le département pour mettre fin à l'insalubrité concernant des locaux mis à disposition aux fins d'habitation dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation (art. L. 511-22 II CCH) : la peine passe de deux ans d'emprisonnement et 75 000€ d'amende à trois ans d'emprisonnement et 100 000€ d'amende ;

? le fait de dégrader, détériorer, détruire des locaux ou de les rendre impropres à l'habitation de quelque façon que ce soit dans le but d'en faire partir les occupants lorsque ces locaux sont visés par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité (article L. 511-22 III CCH) : la peine passe de trois ans d'emprisonnement et 100 000€ d'amende à cinq ans d'emprisonnement et 150 000€ d'amende ;

? le fait, de mauvaise foi, de ne pas respecter une interdiction d'habiter ou d'accéder aux lieux prise en application du présent chapitre (article L. 511-22 III CCH) : la peine passe de trois ans d'emprisonnement et 100 000€ d'amende à cinq ans d'emprisonnement et 150 000€ d'amende.

Enfin, le présent article transpose cette nouvelle circonstance aggravante pour les délits prévus par le CCH concernant les faits suivants :

? en vue de contraindre un occupant à renoncer aux droits qu'il détient en application des articles L. 521-1 à L. 521-3-1 , de le menacer, de commettre à son égard tout acte d'intimidation ou de rendre impropres à l'habitation les lieux qu'il occupe ;

? de percevoir un loyer ou toute autre somme en contrepartie de l'occupation du logement, y compris rétroactivement, en méconnaissance du I de l'article L. 521-2 ;

? de refuser de procéder à l'hébergement ou au relogement de l'occupant, bien qu'étant en mesure de le faire.

La peine initialement encourue est de trois ans d'emprisonnement et 100 000€ d'amende ; elle sera portée à cinq ans d'emprisonnement et 150 000€ d'amende si l'occupant est une personne vulnérable, notamment un étranger en situation irrégulière.

Pour ne pas limiter les aggravations de peine aux seuls locataires en sens juridique, il est proposé que soient concernés les « occupants » au sens de l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH) : « l'occupant est le titulaire d'un droit réel conférant l'usage, le locataire, le sous-locataire ou l'occupant de bonne foi des locaux à usage d'habitation et de locaux d'hébergement constituant son habitation principale ».

L'article 16 est un article de mise en cohérence avec l'entrée en vigueur prochaine de « l'autorisation de voyage » telle que prévue par le règlement UE 2018/1240 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS). Il va transcrire en droit interne l'obligation pour les compagnies de transporteurs de contrôler l'ETIAS et, par voie de conséquence, il sera possible de sanctionner les compagnies en cas de non-respect de l'obligation de contrôle documentaire. Cet article étend donc le champ d'application d'une sanction administrative sans modifier le montant de l'amende administrative.

Aujourd'hui, en application de l'article L. 821-6 du CESEDA, des amendes administratives sont en effet prononcées à l'encontre des transporteurs qui acheminent des voyageurs ne remplissant pas les conditions d'entrée prévues dans l'espace « Schengen » telles qu'elles résultent du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), de la loi ou de l'accord international applicable à raison de la nationalité de la personne concernée.

Par conséquent, il est proposé de modifier les articles L. 821-6 et L. 821-7du CESEDA pour tenir compte de l'extension de ces conditions qui résultent de la prochaine entrée en vigueur de « l'autorisation de voyage » (ETIAS). La sanction administrative encourue est l'amende pour défaut de contrôle documentaire dont le montant peut aller jusqu'à 10 000 euros.

L'article 17 a pour objet de permettre aux gardes-frontières de la police aux frontières d'inspecter visuellement des véhicules particuliers en « zone-frontière ».

En application de l'article L. 812-3 du CESEDA, les agents de la police aux frontières procèdent régulièrement à des opérations de visite sommaire des véhicules de plus de neuf places au bord des routes situées dans la bande des 20 km de la ligne frontière. L'efficacité de ces contrôles est en baisse marquée depuis plusieurs années du fait des contre-mesures prises par les passeurs. En effet, ceux-ci ont maintenant recours à des véhicules particuliers de moins de neuf places pour échapper aux contrôles.

La mesure proposée constitue donc une réponse à l'évolution des pratiques des passeurs ainsi qu'à l'augmentation des flux migratoires aux frontières terrestres de la France. Elle permettra, dans la perspective de la fin du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, de rendre plus efficaces les contrôles qui seront opérés à proximité de la frontière.

Par ailleurs, les dispositions du code frontières Schengen prévoient que, lors du contrôle aux points de passage aux frontières (PPF) ou, lors de la surveillance des frontières extérieures entre les PPF, les vérifications réalisées par les garde-frontières concernent non seulement les personnes mais également leur moyen de transport. Les frontières intérieures, en période de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, comme c'est le cas pour la France depuis 2015, bénéficient toutes choses égales par ailleurs, des mesures applicables aux frontières extérieures (article 32 du code frontières Schengen).

Une modification législative est proposée afin d'autoriser l'inspection visuelle des véhicules des particuliers, à l'article L. 812-3 du CESEDA.

L'article 18 a pour objet de mieux tenir compte des infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France dans les conditions de délivrance des visas.

Les règles actuelles relatives à l'entrée sur le territoire national ne tiennent pas explicitement compte des infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France commises par la personne qui souhaite entrer sur le territoire national.

Dès lors, les refus de visas opposés aux étrangers ayant fait l'objet d'une OQTF au cours d'un séjour antérieur récent sur le territoire français pourraient être insuffisamment fondés.

L'édiction d'une obligation de quitter le territoire français révèle en effet une infraction à la législation française sur l'entrée et le séjour des étrangers, qui doit être susceptible de justifier de restrictions particulières au retour de l'intéressé sur le territoire national, mais aussi qu'il en soit tenu compte dans l'examen d'une demande ultérieure d'entrée sur le territoire national.

Aujourd'hui, les OQTF peuvent être assorties d'une interdiction de retour - laquelle fait obstacle à la délivrance d'un visa d'entrée en France - dont la durée maximale est de deux à trois ans selon les cas (L. 612-6 à L. 612-10). Sauf circonstances humanitaires, l'interdiction de retour est systématiquement prononcée par l'autorité préfectorale lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'intéressé, ou lorsque celui-ci s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire. L'interdiction de retour peut être prolongée pour une durée maximale de deux ans lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement en France en dépit de l'OQTF, ou y est revenu alors que l'interdiction de retour était toujours en vigueur (L. 612-11).

Pour parfaire le dispositif législatif en vigueur, et intégrer aux règles relatives à l'entrée sur le territoire national le principe d'une prise en compte des infractions récentes à la législation relative à l'entrée et au séjour, il est proposé d'instituer un nouveau motif de refus d'entrée en France dont la mise en oeuvre relèverait de dispositions communes à l'examen de demandes de visas, en instituant un nouvel article L. 312-1-A introduisant le chapitre « visas » du CESEDA.

La mesure envisagée prévoit que, lorsqu'un étranger a fait l'objet d'une OQTF exécutée au cours des cinq années qui précèdent sa demande de visa, et qu'il ne démontre pas s'y être effectivement conformé dans les délais fixés, le visa pourrait lui être refusé.

Ce principe est conforme au droit communautaire, qui autorise la prise en compte de la durée des séjours antérieurs au titre de l'appréhension du risque migratoire, qui peut lui-même fonder un refus de délivrance de visa (article 21 du code communautaire des visas), sous réserve d'un examen individuel.

Il est prévu une exception à ce principe nouveau : celle du constat de circonstances humanitaires par l'autorité chargée de délivrer le visa permettant d'accéder au territoire national, qui justifient de ne pas faire application de ce critère.

Le titre IV permet d'engager une réforme structurelle du système de l'asile.

L'article 19 a pour objet de permettre la création de pôles territoriaux « France Asile » qui offriront aux demandeurs d'asile un parcours administratif simplifié entre les différentes administrations compétentes (préfecture, Office français de l'immigration et de l'intégration, Office français de protection des réfugiés et des apatrides). L'enregistrement de la demande d'asile, l'octroi des conditions matérielles d'accueil et l'introduction de la demande d'asile pourront ainsi être effectués au sein d'un même pôle.

Le dispositif pourra être déployé progressivement sur le territoire, en fonction des besoins et des capacités locales, afin de favoriser un rééquilibrage territorial de l'accueil des demandeurs d'asile, et de mettre à disposition un service public de proximité.

Plus lisible pour l'usager, ce dispositif permettra également de raccourcir de plusieurs semaines les délais de la procédure, grâce à l'introduction immédiate de la demande d'asile, sans affecter les garanties apportées aux demandeurs d'asile, en particulier le temps nécessaire à l'établissement du récit et à la préparation de l'entretien avec l'officier de protection.

L'article 20 a pour objet de modifier l'organisation de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) afin de l'adapter à l'ampleur du contentieux et d'en renforcer l'efficacité.

D'une part, des chambres territoriales du droit d'asile pourront être créées. Gage de proximité et d'accessibilité pour les demandeurs et de maitrise des coûts que génère l'implantation aujourd'hui exclusivement francilienne de la CNDA (coûts de déplacements, hébergement, etc.), elles permettront d'engager un rééquilibrage du contentieux de l'asile sur territoire.

D'autre part, il est prévu que la cour statue, en principe, par décision d'un juge unique, sans préjudicie de la possibilité de renvoyer à une formation collégiale lorsque la complexité de l'affaire le justifiera.

Titre V - Simplifier les règles du contentieux relatif à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers

Les articles 21 à 24 ont pour objet de tirer les conséquences du rapport du Conseil d'Etat relatif à la simplification du contentieux « étranger ».

A la douzaine de procédures existantes, est substituée une architecture contentieuse simplifiée, organisée en quatre catégories de recours. Cette organisation contentieuse a pour objectif de prioriser l'intervention du juge administratif en fonction de l'urgence qui s'y attache, compte tenu de la nature des décisions concernées :

La réforme du contentieux étranger est structurée autour de quatre procédures :

? OQTF avec délai de départ volontaire (un mois délai de recours / six mois délai de jugement) ;

? OQTF sans délai de départ volontaire (72h / six semaines) ;

? OQTF avec assignation à résidence (7 jours / 15 jours) ;

? OQTF avec placement en rétention (48h / 96h).

L'OQTF débouté du droit d'asile pourra être contestée dans un délai de 7 jours. Un délai de jugement de 15 jours commencera à courir à compter de la décision de la CNDA.

Intègrent également la procédure « 7 jours / 15 jours » les contentieux de l'enregistrement de la demande d'asile et des conditions matérielles d'accueil.

Enfin, les décisions de transferts Dublin s'insèrent également dans cette nouvelle architecture contentieuse :

? Les décisions de transfert sans mesure d'exécution ou avec assignation à résidence : 7 jours de délai de recours / 15 jours de délai de jugement ;

? Les décisions de transfert avec placement en rétention : 48h / 96h

Cette proposition de réforme répond au double critère de simplification et de maintien de l'efficacité de la politique d'éloignement.

Les articles 21 et 24 comportent également des dispositions visant à limiter les déplacements au tribunal des étrangers maintenus en rétention administrative ou en zone d'attente, en prévoyant une possibilité de recourir à des moyens de communication audiovisuelle pour les audiences. Ainsi, lorsque cette possibilité sera exploitée, l'étranger sera présent, avec son conseil, dans une salle d'audience spécialement aménagée à proximité du lieu de rétention ou de la zone d'attente, tandis que le juge se tiendra au siège de la juridiction.

L'article 25 vise à permettre au juge des libertés et de la détention de statuer dans un délai de 48 h lorsque le nombre d'étrangers placés simultanément en zone d'attente est trop important pour lui permettre de statuer en 24h.

Aujourd'hui, un étranger peut être placé en zone d'attente pour une durée de quatre jours, à l'issue de laquelle son maintien peut être prolongé par le juge des libertés et de la détention pour une période de huit jours renouvelable une fois. Saisi à cette fin par le préfet, le juge dispose de 24 h pour statuer à compter de sa saisine.

Ce délai prescrit par la loi s'avère parfois insuffisant. C'est ainsi que, suite à l'arrivée du navire Ocean Viking à Toulon le 11 novembre 2022, les requêtes aux fins de prolongation du maintien n'ayant pu être traitées par les juges dans les 24 h prescrites par la loi, la plupart des étrangers en situation irrégulière ont été remis en liberté.

Le législateur avait pourtant prévu, dès 2011, que le juge doit pouvoir disposer d'un délai plus long - 48h - pour statuer lorsque les nécessités de l'instruction l'imposent. Les juges ont toutefois considéré que cette dérogation doit s'apprécier au cas par cas, et qu'elle ne peut résulter d'un contexte extérieur au dossier ; cette solution a été confirmée en appel.

Pour répondre à cette situation, il est prévu que le juge, constatant son impossibilité à statuer en 24h, puisse bénéficier de 48h pour le faire, lorsque le placement en zone d'attente simultané d'un nombre important d'étrangers s'avère incompatible avec les contraintes du service juridictionnel.

Titre VI - Dispositions diverses et finales

L'article 26 prévoit que les mesures nécessaires à l'adaptation et à l'extension aux collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie fassent l'objet d'une ordonnance, prise dans les dix-huit mois qui suivront la promulgation de la loi. Ce délai permettra, en pleine concertation, d'adapter les importantes réformes contenues dans cette loi au contexte propre aux Outre-mer. Dans l'attente de cette adaptation, les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux Outre-mer.

L' article 27 détermine les modalités d'entrée en vigueur pour les articles 12, 21 à 24 ainsi que dans les territoires mentionnés aux articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Consultations facultatives

1 er

Conditionner la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau minimal de français

Néant

Néant

2

Mettre à la charge de l'employeur une obligation de formation à la langue française

Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle

Néant

3

Créer une carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension »

Néant

Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle

Organisations représentatives nationales de salariés et d'employeurs

Organisations sectorielles d'employeurs

4

Accélérer l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile ressortissant de pays bénéficiant d'un taux de protection internationale élevé

Néant

Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP)

Associations nationales spécialisées en matière d'asile

5

Conditionner le statut d'auto entrepreneur à la preuve de la régularité du séjour

Néant

Organisations professionnelles de salariés et d'employeurs

6

Réformer les passeports « talent »

Néant

Néant

7

Création d'une carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie »

Néant

Néant

8

Prévoir une amende administrative sanctionnant les employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler

Néant

Néant

9

Assouplir la protection quasi-absolue pour permettre l'expulsion d'étrangers en situation régulière ayant commis des infractions graves et extension des peines d'interdiction du territoire français

Néant

Néant

10

Réduire le champ des protections contre les décisions d'OQTF en cas de menace grave pour l'ordre public

Néant

Néant

11

Permettre la prise d'empreintes par coercition

Néant

Néant

12

Mettre fin à la présence de mineurs de 16 ans dans les centres de rétention administrative

Néant

Néant

13a

Fonder le refus ou le retrait d'un document de séjour détenu par un étranger dont le comportement manifeste le rejet des principes et valeurs de la République française

Néant

Néant

13b

Permettre le retrait ou le non-renouvellement de la carte de résident en cas de menace grave pour l'ordre public

Néant

Néant

13c

Condition de séjour effectif de six mois par an pour obtenir le renouvellement d'un titre de séjour

Néant

Néant

13d

Conditionner la délivrance de tout document de séjour à la signature, par l'étranger, d'un acte d'engagement aux principes et valeurs de la République française

Néant

Néant

14

Criminaliser la facilitation en bande organisée, de l'entrée et du séjour d'étrangers en situation irrégulière

Néant

Néant

15

Durcir les sanctions contre l'habitat indigne

Néant

Néant

16

Etendre l'obligation de contrôle documentaire des transporteurs au contexte nouveau né de l'entrée en vigueur prochaine de l'autorisation de voyage prévue par le règlement UE 2018/1240 ainsi que les modalités de sanction de son manquement par amende administrative

Néant

Néant

17

Permettre l'inspection visuelle des véhicules particuliers par les officiers de police judiciaire en zone frontalière

Néant

Néant

18

Encadrer le refus de visa aux étrangers ayant fait l'objet d'une OQTF au cours d'un séjour antérieur sur le territoire français

Néant

Néant

19

Création de pôle asile territoriaux « France asile »

Néant

Néant

20

Organisation de la CNDA - chambres territoriales - composition de la formation de jugement

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

Comité social d'administration de la CNDA

Néant

21

Réforme du contentieux des étrangers

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Comité spécial d'administration des greffes des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

Néant

21

Limiter les déplacements au tribunal administratif des étrangers maintenus en zone d'attente ou en rétention administrative

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Comité spécial d'administration des greffes des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

Néant

22

Réforme du contentieux des étrangers (coordinations dans le code de justice administrative)

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Comité spécial d'administration des greffes des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

Néant

23

Réforme du contentieux des étrangers (coordinations dans la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique)

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Comité spécial d'administration des greffes des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

Néant

24

Limiter les déplacements au tribunal judiciaire des étrangers maintenus en zone d'attente ou en rétention administrative

Néant

Néant

25

Porter le délai de jugement de la requête aux fins de maintien en zone d'attente de 24h à 48h en cas de placement simultané dans une même zone d'un nombre important d'étrangers

Néant

Néant

26

Habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter les dispositions du projet de loi à l'Outre-mer

Néant

Néant

27

Entrée en vigueur

Néant

Néant

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION

Article

Objet de l'article

Textes d'application

Administration compétente

1 er

Conditionner la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau minimal de français

Décret en Conseil d'Etat

Arrêtés

Ministère de l'intérieur et des Outre-mer / DGEF

2

Mettre à la charge de l'employeur une obligation de formation à la langue française

Décret en Conseil d'Etat

Décret simple

DGEF et DGEFP

3

Créer une carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension »

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de l'intérieur et des Outre-mer / DGEF

4

Accélérer l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile ressortissant de pays bénéficiant d'un taux de protection internationale élevé

Décret en Conseil d'Etat

Arrêté

Arrêté

Ministre chargé de l'asile et ministre chargé du travail

Ministre chargé de l'accueil et de l'intégration

5

Conditionner le statut d'auto entrepreneur à la preuve de la régularité du séjour

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de l'Economie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France

Ministère de l'intérieur et des Outre-mer

6

Réformer les passeports « talent »

Mise à jour des dispositions réglementaires du CESEDA

DGEF - MIOM

7

Création d'une carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie »

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de la santé et de la prévention (DGOS)

Ministère de l'intérieur et des Outre-mer (DGEF)

8

Prévoir une amende administrative sanctionnant les employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler

Décret en Conseil d'Etat

DGT/DGEF/DACG

9

Assouplir la protection quasi-absolue pour permettre l'expulsion d'étrangers en situation régulière ayant commis des infractions graves et extension des peines d'interdiction du territoire français

Néant

Sans objet

10

Réduire le champ des protections contre les décisions d'OQTF en cas de menace grave pour l'ordre public

Néant

Sans objet

11

Permettre la prise d'empreintes par coercition

Néant

Sans objet

12

Mettre fin à la présence de mineurs de 16 ans dans les centres de rétention administrative

Décret en Conseil d'Etat

13a

Fonder le refus ou le retrait d'un document de séjour détenu par un étranger dont le comportement manifeste le rejet des principes et valeurs de la République française

Décret en Conseil d'Etat

Arrêté

Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer (DGEF)

13b

Permettre le retrait ou le non-renouvellement de la carte de résident en cas de menace grave pour l'ordre public

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de l'intérieur et des Outre-mer (DGEF)

13c

Condition de séjour effectif de six mois par an pour obtenir le renouvellement d'un titre de séjour

Arrêté

Ministère de l'intérieur et des Outre-mer (DGEF)

13d

Conditionner la délivrance de tout document de séjour à la signature, par l'étranger, d'un acte d'engagement aux principes et valeurs de la République française

Décret en Conseil d'Etat

Arrêté

Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer (DGEF)

14

Criminaliser la facilitation en bande organisée, de l'entrée et du séjour d'étrangers en situation irrégulière

Néant

Sans objet

15

Durcir les sanctions contre l'habitat indigne

Néant

Sans objet

16

Etendre l'obligation de contrôle documentaire des transporteurs au contexte nouveau né de l'entrée en vigueur prochaine de l'autorisation de voyage prévue par le règlement UE 2018/1240 ainsi que les modalités de sanction de son manquement par amende administrative

Néant

Sans objet

17

Permettre l'inspection visuelle des véhicules particuliers par les officiers de police judiciaire en zone frontalière

Néant

Sans objet

18

Encadrer le refus de visa aux étrangers ayant fait l'objet d'une OQTF au cours d'un séjour antérieur sur le territoire français

Néant

Sans objet

19

Création de pôle asile territoriaux « France asile »

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer

20

Organisation de la CNDA - chambres territoriales - composition de la formation de jugement

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de la justice

21

Réforme du contentieux des étrangers

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de l'intérieur et des Outre-mer

21

Limiter les déplacements au tribunal administratif des étrangers maintenus en zone d'attente ou en rétention administrative

Néant

Sans objet

22

Réforme du contentieux des étrangers (coordinations dans le code de justice administrative)

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de l'intérieur et des Outre-mer

23

Réforme du contentieux des étrangers (coordinations dans la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique)

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de l'intérieur et des Outre-mer

Ministère de la justice

24

Limiter les déplacements au tribunal judiciaire des étrangers maintenus en zone d'attente ou en rétention administrative

Néant

Sans objet

25

Porter le délai de jugement de la requête aux fins de maintien en zone d'attente de 24h à 48h en cas de placement simultané dans une même zone d'un nombre important d'étrangers

Néant

Sans objet

26

Habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter les dispositions du projet de loi à l'Outre-mer

Néant

Sans objet

27

Entrée en vigueur

Néant

Sans objet


TABLEAU D'INDICATEURS

Indicateur

Objectif et modalités de l'indicateur

Objectif visé (en valeur et/ou en tendance)

Horizon temporel de l'évaluation (période ou année)

Identification et objectif des dispositions concernées

Taux d'atteinte du niveau de langue minimal requis pour l'obtention de la CSP

Pourcentage du nombre de signataires du CIR obtenant le niveau minimal requis à l'issue de leur formation linguistique.

Augmentation du taux d'atteinte

Environ 75% des signataires qui se sont vus prescrire une formation obligatoire dans le cadre du CIR ont atteint le niveau A1 en 2021.

Annuel

Article 1 er

Conditionner la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau minimal de français.

Fixer un niveau à atteindre pour obtenir la CSP vise à améliorer la maîtrise du français.

Taux d'utilisation des dispositifs de formations à la langue française

Pourcentage des salariés signataires d'un CIR qui ont bénéficié d'un aménagement d'horaires pour suivre leur parcours de formation linguistique.

Pourcentage des salariés allophones signataires du CIR mobilisant leur CPF pour de la formation linguistique.

(sous réserve de la disponibilité des données)

Augmentation des taux

Annuel

Article 2

Mettre à la charge de l'employeur une obligation de formation à la langue française.

Nombre de CST « métier en tension » demandées/délivrées

Nombre de CST « métier en tension » délivrées et pourcentage de ces CST par rapport au nombre total de demande de ces CST.

S'agissant d'un nouveau titre de séjour, cet indicateur permettra de mesurer l'effet de la mesure.

annuel

Article 3

Création d'une carte de séjour temporaire mention « travail dans les métiers en tension ».

vérifier l'adéquation des critères de délivrance du titre mesurer le nombre de ces bénéficiaires au terme du délai de l'expérimentation de trois années.

Nombre de demandeurs d'asile autorisés à travailler sans délai

Nombre d'autorisations de travail délivrées à un demandeur d'asile bénéficiant de cette disposition.

Hausse du nombre de demandeurs d'asile bénéficiant d'une autorisation de travail.

Annuel

Article 4

Accélérer l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile ressortissant de pays bénéficiant d'un taux de protection internationale élevée.

Nombre de ressortissants de pays tiers s'inscrivant comme auto-entrepreneur

Nombre d'enregistrement de nouveaux auto-entrepreneurs étrangers ;

Nombre de retraits du bénéfice de ce statut si le critère créé n'est pas rempli.

L'indicateur permettra de mesurer l'évolution du nombre d'auto-entreprises entre la période entre une période non couverte par l'obligation générale -2020, 2021, 2022 - et les années d'application de la loi.

Réduction du nombre d'autoentrepreneurs ne disposant pas d'un titre de séjour les autorisant à obtenir ce statut.

Annuel

Article 5

Conditionner le statut d'auto-entrepreneur à la preuve de la régularité du séjour autorisant un tel statut.

Nombre de titres délivrés suite à la réforme des passeports-talent

Mesurer l'impact du changement de nom en termes d'attractivité (et de compréhension du dispositif par les usagers).

Nombre de CSP talent délivrées depuis le changement de nom.

Maintien/hausse du nombre de passeport talent délivrés.

Annuel

Article 6

Réforme des passeports-talents.

Nombre de titres délivrés suite à la création du nouveau titre de séjour pour les professions médicales et de la pharmacie

Appréhender l'impact de la création de ce nouveau titre de séjour lié à l'attractivité et mesurer sa contribution pour l'engagement des bénéficiaires dans le processus de reconnaissance des qualifications

Nombre de CSP délivrées pour les professions médicales et de la pharmacie en distinguant CSP 13 mois et les CSP de 4 ans.

Hausse du nombre d'étrangers exerçant des professions médicales et de la pharmacie.

Annuel

Article 7

Création d'une carte de séjour talent profession médicale et de la pharmacie.

Nombre de sanctions administratives prises par les préfets et montants des amendes infligées

Appréhender l'exploitation d'un nouvel instrument dans la lutte contre l'emploi d'étrangers sans autorisation de travail.

Nombre de décisions prises sur une période étendue ce qui permettra de mesurer l'effet dissuasif de la mesure.

Hausse du nombre de sanctions administratives prononcées

Annuel

Article 8

Prévoir une sanction administrative contre les employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler.

Nombre de pôles France asile créés

Répartition territoriale des pôles France asile équilibrée et adaptée aux flux de demandes d'asile après un déploiement progressif.

Quelques sites pilotes d'ici la fin de l'année 2023

Généralisation en 2025

Fin 2023

2025

Article 19

Création de pôle asile territoriaux « France asile ».

Délai moyen constaté pour le traitement des dossiers à la CNDA

Aujourd'hui supérieurs aux délais fixés par la loi, l'efficacité de cette mesure pourra être évaluée par l'établissement de moyennes relatives au traitement des dossiers par la CNDA.

Respect des délais légaux (cinq semaines pour une procédure accélérée, cinq mois pour une procédure normale)

Annuel

Article 20

Organisation de la CNDA - chambres territoriales - composition de la formation de jugement.

L'objectif de la disposition concernée est d'une part de rapprocher la CNDA des justiciables concernés (déboutés du droit d'asile par l'OFPRA) et de réduire le délai de traitement des contentieux par la CNDA.

TITRE I ER - ASSURER UNE MEILLEURE INTÉGRATION DES ÉTRANGERS PAR LE TRAVAIL ET LA LANGUE

CHAPITRE I ER - MIEUX INTÉGRER PAR LA LANGUE

Article 1 er : Conditionner la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau minimal de français afin de conforter l'intégration

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli sous couvert d'une carte de séjour temporaire (CST) ou d'un visa long séjour valant titre de séjour (VLS-TS), l'étranger peut bénéficier d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) dans les conditions prévues à l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

La délivrance de cette CSP n'est pas conditionnée à l'exigence d'un niveau de langue minimal. A l'inverse, l'obtention d'une carte de résident et l'acquisition de la nationalité française sont conditionnées à la maîtrise d'un niveau de langue déterminé par décret en Conseil d'Etat 6 ( * ) .

Pour se voir délivrer une première CSP, l'étranger doit prouver qu'il a, sauf cas de dispense 7 ( * ) , suivi avec sérieux et assiduité les formations obligatoires du contrat d'intégration républicaine (CIR) conclu en application de l'article L. 413-2 du CESEDA et qu'il n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République.

Les formations obligatoires du CIR 8 ( * ) sont prises en charge par l'Etat et sont mises en oeuvre par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). La formation linguistique du CIR prévue à l'article L. 413-3 du CESEDA vise l'acquisition d'un niveau de maitrise de la langue française suffisant pour occuper un emploi et s'intégrer dans la société française. L'article R. 413-13 du même code précisé par l'article 3 de l'arrêté du 30 décembre 2021 9 ( * ) fixe au niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) le seuil minimal de maîtrise de la langue française pour être dispensé de la formation linguistique. Le parcours A1 doit donc être suivi de manière obligatoire par tous les étrangers soumis à l'obligation de signer un CIR et ne maîtrisant pas ce niveau à leur arrivée en France, tandis que les parcours de niveau A2 et B1 proposés également par l'OFII peuvent être suivis de manière optionnelle durant le CIR ou à l'issue.

L'article R. 433-5 du même code, lu avec l'article 8 de l'arrêté précité, précise les conditions de sérieux et d'assiduité avec lesquelles les formations du CIR doivent être suivies et qui conditionnent la délivrance de la CSP : le niveau de langue de l'étranger a progressé entre son évaluation initiale et son évaluation finale et l'étranger a suivi au moins 80 % des heures de formation prescrites.

Ces dispositions ne s'appliquent pas aux bénéficiaires de la protection internationale (BPI) qui se voient attribuer un titre de séjour de plein droit lié à leur statut 10 ( * ) , ni aux Algériens sous l'empire de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié 11 ( * ) .

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Néant.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'évaluation du niveau de langue postérieurement à l'entrée dans le pays est admise s'agissant de l'accès au séjour de longue durée. Rares sont les hypothèses dans lesquelles les juridictions supranationales se sont prononcées.

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rappelé 12 ( * ) que l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2003/109, sous l'intitulé « Conditions relatives à l'acquisition du statut de résident de longue durée » prévoit que les États membres peuvent exiger que les ressortissants de pays tiers satisfassent à des conditions d'intégration, conformément à leur droit national. Les États membres ont ainsi la faculté de soumettre l'obtention du statut de résident de longue durée à la satisfaction préalable de certaines conditions d'intégration.

Il revient au juge national de vérifier concrètement si ces mesures sont conformes à la directive 200/109/CE eu égard à leurs conditions pratiques de mise en oeuvre. Sont ainsi analysés le niveau de connaissance exigé, l'accessibilité aux cours et au matériel nécessaire pour le présenter, le montant des frais d'inscription, ou encore les circonstances individuelles telles que l'âge, l'analphabétisme ou le niveau d'éducation du ressortissant étranger.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

24 Etats membres ont répondu en 2022 à une enquête du réseau européen des migrations (REM), demandée par la France.

1) Les Etats membres qui ne conditionnent pas le droit au séjour à la maîtrise d'un niveau de langue du pays d'accueil

Huit Etats membres n'ont mis en place aucune conditionnalité linguistique au séjour, quelle que soit sa durée et son motif : Belgique, Bulgarie, Espagne, Finlande, Irlande, Luxembourg, Pologne, Slovaquie.

La Hongrie n'exige a priori pas de niveau linguistique minimal sauf dans le cas des titres de séjour pour études.

2) Les Etats membres qui conditionnent le renouvellement des titres ou la délivrance de titres de longue durée (titres pluriannuels ou cartes de résident en fonction des législations nationales) à une maîtrise minimale de la langue

Chypre, République Tchèque, Lettonie, Lituanie, Malte, Portugal

Ces Etats exigent une maîtrise de la langue au niveau A2 pour la délivrance de la carte de résident. Des cours gratuits sont proposés dans certains de ces pays mais ce n'est pas systématique.

Croatie

Une maîtrise minimale de la langue croate est exigée pour séjourner durablement en Croatie mais le niveau demandé n'est pas précisé. Les cours de langue sont à la charge des bénéficiaires.

Slovénie

Les ressortissants de pays tiers séjournant sous couvert d'un titre de séjour temporaire pour motif familial doivent justifier du niveau A1 en slovène pour le renouvellement de leur titre. Le niveau A2 est exigé pour la carte de résident. L'Etat slovène propose des cours de langue gratuits.

Italie

Lors de la délivrance du premier titre de séjour, les ressortissants de pays tiers signent un contrat d'intégration (« accordo integrazione ») qui les contraint à justifier du niveau A2 après deux ans de séjour. Si ce niveau n'est pas atteint, le contrat peut être prorogé d'un an. Au-delà, le titre de séjour peut être retiré et l'étranger peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Les bénéficiaires de la protection internationale ne sont pas concernés. Les cours de langue sont pris en charge par les régions, avec le soutien de l'Etat. Le niveau A2 peut être justifié par une certification délivrée par quatre organismes reconnus ou par un diplôme italien.

Estonie

Les ressortissants de pays tiers doivent justifier du niveau A2 en estonien s'ils souhaitent renouveler un titre de séjour temporaire pour motif économique après cinq ans de résidence. Les personnes qui sollicitent une carte de résident doivent justifier du niveau B1. L'Etat estonien propose des cours gratuits jusqu'au niveau B1.

Grèce

Pour obtenir une carte de résident, les ressortissants de pays tiers doivent justifier d'une maîtrise de la langue grecque au niveau B1 et passer avec succès un examen de culture et d'histoire grecque (en langue grecque). Des cours gratuits sont proposés par le ministère de l'éducation nationale, jusqu'à 680 heures pour obtenir le niveau B1.

3) L'Allemagne, l'Autriche et les Pays-Bas exigent une connaissance de la langue préalablement à l'installation sur leur territoire ( a minima pour certaines catégories d'étrangers)

Allemagne

Les ressortissants de pays tiers s'installant en Allemagne dans le cadre d'un regroupement familial (y compris pour les conjoints d'Allemand) doivent justifier du niveau A1 en allemand pour obtenir leur visa en présentant une certification d'un organisme reconnu. S'y appliquent toutefois plusieurs exceptions liées au profil et au pays d'origine du demandeur ou de son conjoint, pour respecter la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 13 ( * ) . La délivrance de la carte de résident est, quant à elle, conditionnée à la justification du niveau B1. Pour permettre aux étrangers d'atteindre ce niveau, l'Etat allemand prend en charge 700 heures de formation, sanctionnées par un examen officiel.

Autriche

Comme en Allemagne, la connaissance de l'allemand au niveau A1 doit être justifiée préalablement à l'installation sur le territoire, y compris pour les étrangers relevant de l'immigration professionnelle, par une certification issue d'un organisme reconnu. Le niveau d'allemand est aussi vérifié à l'issue du contrat d'intégration par un examen officiel. Pour le renouvellement du titre de séjour, l'étranger doit justifier à minima du niveau A2. Le niveau B1 est requis pour la délivrance de la carte de résident. Les cours d'allemand sont pris en charge par l'Etat pour les bénéficiaires de la protection internationale mais sont à la charge des étrangers relevant d'un autre motif de séjour (qui peuvent bénéficier d'un remboursement partiel dans certains cas).

Pays-Bas

Pour certaines catégories d'étrangers (motif familial principalement), une connaissance minimale de la langue et de la société néerlandaises est requise avant l'installation sur le territoire. La vérification est faite au moyen d'un examen organisé dans les consulats néerlandais ( Civic integration exam abroad ). La délivrance de la carte de résident est soumise à l'atteinte du niveau A2, vérifiée par un examen officiel. Les cours de langue sont pris en charge par l'Etat pour les bénéficiaires de la protection internationale mais sont à la charge des étrangers relevant d'un autre motif de séjour (avec toutefois des aides publiques des collectivités).

Danemark

Les ressortissants de pays tiers s'installant au Danemark doivent, pour obtenir leur visa, justifier du niveau A2 en danois ou dans l'une des quatre langues suivantes : allemand, anglais, suédois, norvégien. La délivrance de la carte de résident est quant à elle conditionnée à la justification du niveau B1.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Environ 25 % des étrangers qui se voient prescrire une formation linguistique obligatoire dans le cadre du CIR, n'atteignent pas le niveau A1 du CERCL à l'issue de celle-ci. En 2020, sur les 27 016 signataires qui ont terminé leur formation linguistique, près de 7 000 n'ont pas validé le niveau A1. En 2021, sur les 34 933 signataires qui ont terminé leur formation obligatoire, 8 249 signataires n'ont pas atteint le niveau A1 en fin de formation obligatoire du CIR, dont 4 269 BPI et 3 299 étrangers primo-arrivants non BPI (source OFII). Les données pour 2022 ne sont pas encore consolidées mais laissent apparaître une diminution du taux d'atteinte à 69%. L'analyse de cet indicateur doit prendre en considération le fait que l'entrée en vigueur progressive des nouveaux marchés OFII de formation linguistique sur le premier semestre 2022 avec un positionnement initial des signataires plus fin et des mallettes pédagogiques renforcées pour l'accompagnement des publics non lecteurs non scripteurs, s'est accompagné de la mise en place de nouveaux tests d'évaluation en fin de formation plus exigeants. Un certain nombre de signataires en parcours longs de 400 et 600 heures ne finiront par ailleurs leur parcours horaire que l'année suivant leur entrée en formation, reportant d'autant les effets de la mise en oeuvre du nouveau dispositif.

Les stagiaires du CIR même soumis à obligation de formation linguistique peuvent aujourd'hui se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle, alors même qu'ils n'ont pas atteint le niveau A1 du CECRL, dit introductif ou de découverte, niveau le plus élémentaire d'utilisation de la langue.

Les enjeux d'intégration et d'accès à l'autonomie des étrangers qui souhaitent demeurer sur le territoire nécessitent de conditionner la première délivrance de la carte de séjour pluriannuelle à la maitrise d'un niveau de langue minimal.

55 000 à 60 000 étrangers signataires de CIR (hors BPI et algériens) sollicitent chaque année une CSP (source DGEF) et pourraient ainsi être concernés par cette mesure qui a vocation à ne s'appliquer qu'aux nouveaux étrangers, entrants sur le territoire.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'introduction du critère de maîtrise effective d'un niveau de langue parmi les critères de délivrance de la carte de séjour pluriannuelle (CSP) vise à :

? réserver la délivrance de titres pluriannuels aux étrangers qui ont démontré une volonté et une capacité à s'intégrer en France, à l'exception des bénéficiaires de la protection internationale qui bénéficient de titres de séjour de plein droit liés à leur statut ;

? rendre le système plus incitatif en conduisant les étrangers soumis au CIR à se mobiliser davantage dans leur apprentissage du français, en rendant leur droit au séjour plus favorable (réduction des démarches administratives, réduction des taxes et frais de timbre exigés à chaque renouvellement de la carte de séjour temporaire).

L'effet recherché est ainsi d'inciter les étrangers soumis à l'obligation de signer un CIR et ne maîtrisant pas un niveau minimal de langue au début de leur parcours d'intégration républicaine à acquérir ce niveau au cours de leur apprentissage pris en charge par l'Etat (jusqu'à 660 heures visant le niveau A1, 100 heures vers le niveau A2 et 100 heures vers le niveau B1) et à démontrer ainsi leur motivation à s'intégrer.

Les publics étrangers non concernés sont :

? soit placés sous protection internationale et peuvent prétendre à un titre de séjour de plein droit (carte de résident pour les réfugiés et carte de séjour pluriannuelle de quatre ans pour les protégés subsidiaires et apatrides) ;

? soit sous l'empire de l'accord franco-algériens du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles qui régit le droit de séjour des Algériens en France et prévoit les conditions d'obtention et la nature des titres de séjour pouvant leur être délivrés. Le droit commun (CESEDA) ne peut leur être appliqué, à l'exception des règles de procédure non prévues dans l'accord ;

? soit non concernés par la signature du CIR parce qu'ils n'ont pas, généralement, vocation à rester durablement en France (titulaire d'une carte de séjour « travailleur saisonnier » ou « travailleur détaché ICT », « passeport talent », « visiteur » par exemple) ;

? soit soumis au CIR mais dispensés parce que présentant des garanties suffisantes d'intégration (études en France, scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français par exemple).

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Le législateur est compétent pour déterminer « dans le respect des principes constitutionnels, compte tenu de l'intérêt public qu'il s'assigne, les mesures applicables à l'entrée et au séjour des étrangers en France » 14 ( * ) . En effet, permettre le refus de délivrance d'un document de séjour à l'étranger qui ne justifie pas d'un certain niveau de langue emporte des conséquences sur la situation d'un étranger.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel ne semble toutefois pas exiger que les modalités pratiques relèvent du domaine de la loi, s'agissant de la mise en oeuvre d'une police administrative spéciale : le niveau de langue requis et les modalités de justification de ce niveau seront précisés par voie réglementaire.

Deux solutions sont dès lors possibles :

? cibler dans l'écriture les publics visés par la mesure ;

? adopter une écriture plus large qui soumet l'ensemble des étrangers demandant une CSP à l'obligation de prouver son niveau de maitrise de français, en adaptant réglementairement les critères permettant de prouver ce niveau afin de cibler le public visé.

3.2. OPTION RETENUE

Il est proposé de modifier l'article L. 433-4 du CESEDA en introduisant en 2° la nécessité de justifier d'un niveau de maitrise de la langue française fixé par décret en Conseil d'Etat.

L'exigence du niveau sera précisée à l'article R. 433-5 du même code.

L'impact sera différent selon le niveau de langue requis :

? 3 à 5 000 étrangers (hors BPI et algériens) qui se voient prescrire une formation obligatoire dans le cadre du CIR n'atteignent pas le niveau A1 à l'issue de la formation et se verraient donc refuser une CSP si l'on imposait ce niveau, toutes choses égales par ailleurs ;

? Environ 15 à 20 000 signataires se verraient refuser une CSP si l'on exigeait le niveau A2 et environ 40 000 si le B1 était exigé sans modification du nombre d'heures de formation proposées dans le cadre du CIR 15 ( * ) .

Seuls les étrangers signataires d'un CIR seront concernés, les autres n'ayant pas vocation à demeurer durablement sur le territoire ou disposant déjà d'un bon niveau en français (dispenses de CIR listées à l'article L. 413-5 du CESEDA), ce qui représente entre 55 000 et 60 000 étrangers 16 ( * ) par an. Les bénéficiaires de la protection internationale, signataires de CIR, ne seront également pas concernés par la mesure car ils se voient attribuer un titre de séjour de plein droit lié à leur statut, et ne se trouvent donc pas dans la situation de première demande de CSP.

Les publics algériens sous l'empire de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 ne peuvent se voir opposer la condition d'intégration, ni la méconnaissance du français et ne seront donc pas concernés par la mesure.

Dans le cadre d'un changement de statut, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle sur le fondement des articles L. 421-2, L. 421-6 et L. 433-6 du CESEDA doit justifier du respect des obligations liées au CIR, la condition de langue étant en conséquence expressément ajoutée.

La mise en application de cette nouvelle règle imposant une condition supplémentaire pour la délivrance des titres, seuls les nouveaux signataires de CIR, une fois la mesure entrée en vigueur, y seront soumis.

A l'appui de sa demande de carte de séjour pluriannuelle, l'étranger sera invité à justifier de sa maitrise du français en fournissant un document au titre des pièces obligatoires 17 ( * ) .

La liste des documents permettant d'attester du niveau de maîtrise du français requis pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle sera fixée par arrêté. Toutefois, il peut d'ores et déjà être indiqué que, pour justifier du niveau de langue, pourront être recevables :

1. Les titres ou diplômes attestant d'un niveau de connaissance du français au moins équivalent au niveau exigé par décret du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Il s'agit des diplômes de langue française reconnus par l'État, à savoir :

? les diplômes délivrés par France Education International : diplôme d'études en langue française (DELF), diplôme approfondi de langue française (DALF), diplôme d'études en langue française professionnelle (DELF Pro) ;

? les diplômes de français professionnel (DFP) délivrés par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris ;

? les diplômes de compétence linguistique (DCL) délivrés par le ministère de l'éducation nationale ;

? les diplômes d'université délivrés par l'Association des directeurs de centres universitaires d'études françaises pour étrangers : diplôme universitaire d'études françaises (DUEF), diplôme approfondi d'études françaises (DAEF), diplôme supérieur d'études françaises (DSEFP).

2. Les diplômes de niveau 3 délivrés par une autorité française, en France ou à l'étranger, sanctionnant un enseignement suivi en langue française : il s'agit des diplômes reconnus par l'État français délivrés à la suite d'un cursus scolaire ou universitaire, quel que soit le domaine ou la discipline concerné. Dans cette catégorie figurent :

? les diplômes délivrés par l'État ou en son nom : diplômes de l'enseignement secondaire (diplôme national du brevet, BEP, CAP, baccalauréat...) et supérieur (licences, masters, doctorats, diplômes d'État dans les secteurs de la santé et du social, etc.) ;

? les titres et diplômes enregistrés au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), dont la validité peut être vérifiée sur le site de France Compétences (https://www.francecompetences.fr/).

3. Les tests linguistiques certifiés reconnus par le ministère de l'intérieur et validant le niveau exigé par le décret précité. Actuellement, deux tests sont reconnus :

? le test de connaissance du français (TCF), délivré par France Education International ;

? le test d'évaluation du français (TEF), délivré par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris.

4. Le résultat de l'évaluation initiale en plateforme OFII inscrit sur le CIR ainsi que le résultat de l'évaluation intermédiaire ou finale en formation obligatoire pourraient également être retenus.

5. Pour les personnes en situation de handicap ou dont l'état de santé est déficient, le certificat médical attestant de leur impossibilité de passer un test de langue.

Les conditions de la certification linguistique prise en charge par l'Etat telle que prévue à l'article R 413-13 du CESEDA et précisée à l'arrêté du 30 décembre 2021 18 ( * ) devront être révisées.

Les étrangers qui, à l'issue de leur formation obligatoire, ne parviendraient pas à atteindre le niveau A1, pourront mobiliser le dispositif du bonus d'heures, introduit dans les nouveaux marchés de l'OFII au 1 er janvier 2022. Ce bonus d'heure de 10% peut être accordé aux personnes qui, au terme de leur parcours de 400 ou de 600 heures de formation, sont proches d'atteindre le niveau A1. Le recours à cette possibilité est privilégié par rapport à une modification des forfaits horaires actuels qui ont été doublés en 2019 et qui sont de 100, 200, 400 ou 600 heures selon le profil et le niveau de maîtrise du français des signataires.

Tous les étrangers peuvent par ailleurs mobiliser l'offre de formation complémentaire financée notamment sur le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » sur l'ensemble du territoire. La cartographie de l'offre de formation est consultable en ligne 19 ( * ) . Plus de 700 ateliers sociolinguistiques et 1 190 ateliers "ouvrir l'école au parents pour la réussite des enfants" sont proposés aux étrangers primo-arrivants pour soutenir leur apprentissage du français. Ces ateliers proposent des parcours de formation allant de l'analphabétisme au niveau B1. Les étrangers qui n'auraient donc pas atteint le niveau requis pour la demande de CSP pourront s'inscrire dans ces parcours de formation complémentaires.

Si le niveau A2 était fixé par le pouvoir réglementaire, le forfait complémentaire proposé par l'OFII visant le niveau A2 pourrait par ailleurs évoluer afin de soutenir les parcours d'apprentissage du français des étrangers concernés par la mesure (une des pistes étudiées est de les faire passer de 100 à 200h).

Pour les étrangers signataires de CIR en emploi, l'article 2 du présent projet de loi prévoit que l'employeur peut proposer des formations en langue française. Il doit par ailleurs aménager le temps de travail de son salarié, la formation constituant du temps de travail effectif donnant lieu au maintien de la rémunération.

Les étrangers signataires d'un CIR qui disposent d'un compte personnel de formation pourront également le mobiliser pour bénéficier d'une formation FLE sur leur temps de travail.

Les signataires inscrits à Pôle emploi bénéficient enfin de l'offre de formation des conseils régionaux et du service public de l'emploi.

Les étrangers pourront également s'inscrire à leur frais dans l'offre de formation proposée par le secteur privé.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Cette disposition vient modifier la partie législative du CESEDA à l'article L. 433-4 en introduisant un 2° après le 1°.

Elle ajoute les mots « et au 2° » après les mots : « conditions prévues au 1° », aux articles L. 421-2, L. 421-6 et L. 433-6 du même code.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La mesure est conforme à la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, une offre de cours de français conséquente et adaptée aux caractéristiques particulières des demandeurs étant proposée gratuitement aux signataires de CIR.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1 Impacts macroéconomiques

Le rehaussement du niveau de langue exigé contribue à une meilleure intégration et à une meilleure employabilité des étrangers résidant en France.

4.2.2 Impacts sur les entreprises

L'incitation accrue à atteindre le niveau de langue minimal requis pour l'obtention de la carte de séjour pluriannuelle doit permettre à davantage d'étrangers de disposer des compétences linguistiques attendues par les employeurs, en particulier dans les secteurs en tension recourant fréquemment à la main d'oeuvre étrangère.

Les étrangers en emploi peuvent par ailleurs bénéficier de temps de formation adaptés (soir, week-end) pour suivre leur formation en français, notamment dans le cadre du CIR.

4.2.3 Impacts budgétaires

Une hausse des taxes et des droits de timbre dus au titre du renouvellement des cartes de séjour temporaire peut être anticipée, une partie des signataires risquant de ne pas pouvoir justifier du niveau de langue exigé pour la délivrance de la CSP et donc de demander un nouveau titre de séjour annuel.

L'exigence d'un niveau de langue pour la délivrance de la CSP conduira nécessairement les signataires à être plus assidus en formation obligatoire et à recourir plus largement aux formations complémentaires notamment celles de niveau A2 et B1 proposées par l'OFII, si le pouvoir réglementaire fixe une exigence supérieure au niveau A1, avec un impact à la hausse sur le budget de l'OFII.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

L'impact sera minime et est très difficile à évaluer.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure est susceptible d'avoir un impact sur les services des préfectures à deux titres :

? pour la vérification du niveau de langue des étrangers 20 ( * ) ;

? pour l'organisation du traitement de la demande des étrangers qui se seront vu refuser leur carte de séjour pluriannuelle et demandent le renouvellement de leur carte de séjour temporaire. Cette population se verrait remettre un nouveau titre de séjour annuel, charge à elle de poursuivre son apprentissage du français et de représenter une demande de titre pluriannuel l'année suivante. L'impact sera différent selon le niveau de langue exigé pour la délivrance du titre pluriannuel 21 ( * ) .

Cette nouvelle condition s'imposera pour la première délivrance de CSP et ne sera pas vérifiée pour les renouvellements, limitant ainsi l'impact pour les services instructeurs. Elle sera vérifiée en cas de changement de statut, lorsque l'étranger sollicitera un titre de séjour soumis au CIR.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Les personnes qui présentent un état de santé déficient chronique ou un handicap pourront être dispensées de présenter un diplôme ou une certification pour prouver leur niveau de langue, sur présentation d'un certificat médical attestant de leur impossibilité de passer un test de langue. Cette dispense sera prévue par décret en Conseil d'Etat.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Les femmes étant davantage incitées à suivre avec assiduité les cours de langue, l'impact potentiel de la mesure apparaît favorable.

Les femmes constituent un public vulnérable, touchées par un taux d'emploi inférieur à celui des hommes alors que celles-ci présentent souvent des profils favorables à l'emploi, notamment au regard de leurs qualifications et expériences professionnelles antérieures. La maîtrise de la langue participera à une meilleure employabilité et donc à une meilleure intégration.

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Les mineurs ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour en propre et sont donc très peu concernés. Par ailleurs, seuls les 16-18 ans signent le CIR quand ils ne sont pas scolarisés (2 374 CIR en 2021 - source OFII).

4.5.4. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

L'exigence d'un niveau minimal de langue pour l'obtention de la carte de séjour pluriannuelle incitera les étrangers concernés à s'investir davantage dans la formation linguistique du CIR. A terme, une meilleure intégration des signataires du CIR est attendue.

Si le niveau minimal requis est fixé au niveau A2 ou supérieur, les étrangers devront pleinement mobiliser l'offre de formation proposée dans le cadre du CIR et pour certains, devront recourir à l'offre de formation complémentaire financée par le programme 104 sur l'ensemble du territoire et consultable en ligne 22 ( * ) ou à l'offre des collectivités locales et du service public de l'emploi. Les étrangers pourront également s'inscrire à leur frais dans l'offre de formation proposée par le secteur privé. Pour certains étrangers, notamment ceux qui n'ont pas été scolarisés dans leur pays d'origine et qui sont dits « non lecteurs - non scripteurs », l'effort à fournir sera conséquent. Pour les étrangers salariés, ils pourront bénéficier des modalités de prise en charge prévues par l'article 2 du présent projet de loi.

Si les évaluations linguistiques réalisées dans le cadre du CIR n'étaient pas retenues comme permettant de justifier du niveau de langue pour la demande de CSP, les étrangers seront invités à s'inscrire à une certification linguistique. Le coût moyen est de 90 à 150€.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultative facultative n'a été conduite.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions envisagées entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, sans effet rétroactif.

5.2.2 Application dans l'espace

Les dispositions prévues par le présent article s'appliquent en France métropolitaine dès l'entrée en vigueur de la loi.

Leur adaptation aux collectivités qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie sera prévue par voie d'ordonnance. Le présent article ne sera applicable dans les territoires mentionnés aux articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie qu'après la publication de l'ordonnance précitée.

5.2.3 Textes d'application

Un décret en conseil d'Etat sera nécessaire pour modifier :

? l'article R. 433-5 du CESEDA en vue d'ajouter et préciser la nouvelle exigence de niveau de langue requis en vue de la délivrance de la CSP ainsi que pour introduire la possibilité de dispense pour les personnes qui présentent un état de santé déficient chronique ou un handicap ;

? l'article R. 413-13 du CESEDA en vue de réviser les conditions de la certification linguistique prise en charge par l'Etat.

L'arrêté du 30 décembre 2021 23 ( * ) relatif aux formations civique et linguistique prescrites aux étrangers signataires du CIR sera modifié, notamment pour réviser les modalités de la prise en charge par l'Etat de la certification linguistique.

L'arrêté du 4 mai 2022 24 ( * ) fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du CESEDA devra également être modifié.

Deux nouveaux arrêtés devront être pris pour fixer la liste des diplômes, certifications et documents attestant du niveau de maitrise du français requis pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle et pour fixer le modèle de certificat médical de dispense pour raison de santé ou handicap.

Article 2 : Mettre à la charge de l'employeur une obligation de formation à la langue française

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La maîtrise du français constitue l'une des priorités de la politique d'intégration. Gage d'autonomie, fondement du vivre-ensemble, passeport pour l'emploi, elle est la condition sine qua non de l'intégration des étrangers durablement admis au séjour en France.

La politique d'intégration menée au bénéfice des étrangers a été profondément renouvelée et renforcée depuis la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. La refonte du contrat d'intégration républicaine (CIR) a ainsi permis de doubler le nombre d'heures de formation linguistique et de formation civique, grâce à un effort de financement inédit qui se poursuit depuis 2018 25 ( * ) .

Le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et le ministre de l'intérieur et des Outre-mer ont souhaité que cette mobilisation particulière de l'Etat s'accompagne d'une plus grande implication des employeurs dans la formation linguistique des salariés immigrés.

Dans le domaine professionnel, la maitrise de la langue est indispensable à la compréhension des instructions dans le cadre de l'emploi occupé. Elle permet également de faire valoir ses droits dans le cadre de la relation contractuelle établie avec l'employeur. L'amélioration du niveau de langue conditionne par ailleurs la capacité du salarié à faire reconnaitre ses compétences, à en acquérir de nouvelles et à progresser professionnellement, dans une perspective d'intégration à long terme en France.

Par ailleurs, l'employeur a l'obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi, même si les salariés n'ont formulé aucune demande de formation au cours de l'exécution de leur contrat de travail 26 ( * ) .

Cette mesure vient compléter l'exigence prochaine de la maitrise d'un niveau de langue pour se voir délivrer un titre pluriannuel de séjour, en élargissant les possibilités pour le salarié étranger de se former en français langue étrangère, favorisant ainsi son employabilité et son intégration professionnelle à long terme.

Le contrat d'intégration républicaine (CIR) et l'offre de formation linguistique complémentaire

Le CIR 27 ( * ) est signé par tous les étrangers primo-arrivants, y compris les réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire, admis pour la première fois au séjour en France et qui souhaitent s'y installer durablement. En 2021, 108 909 étrangers ont signé un CIR.

Dans ce cadre, le niveau de maitrise du français des étrangers est évalué en plateforme d'accueil de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) puis une formation linguistique de 100 à 600 heures peut leur être prescrite si leur niveau de langue est inférieur au niveau A1 du cadre européen de référence pour les langues (CECRL).

Une fois prescrite, cette formation, prise en charge par l'Etat, est obligatoire. En la suivant avec assiduité et sérieux, et en progressant entre le test initial, le test intermédiaire et le test final, l'étranger respecte ainsi l'une des conditions requises pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle.

L'OFII propose également des parcours de formation facultatifs de 100 heures vers les niveaux A2 et B1 du CECRL, pris en charge par l'Etat.

Les étrangers dont le séjour ou l'emploi en France est de courte durée ou ceux hautement qualifiés qui sont présumés présenter des garanties suffisantes d'intégration ne signent par le CIR 28 ( * ) . Tout comme les étrangers présents depuis plusieurs années en France et qui souhaitent se former en français, ils peuvent toutefois bénéficier des formations proposées par le réseau associatif (ateliers sociolinguistiques cofinancés par l'Etat), des ateliers « Ouvrir l'école aux parents pour la réussite des enfants » organisés dans les établissements scolaires pour les parents allophones ou encore de l'offre de formation professionnelle s'ils sont salariés ou demandeurs d'emploi.

Le compte personnel de formation (CPF)

Par ailleurs, toute personne de plus de 16 ans (15 ans si contrat d'apprentissage) dès lors qu'elle est salariée, à la recherche d'un emploi ou travailleur indépendant bénéficie du compte personnel de formation (CPF). L'ouverture du CPF n'est pas conditionnée à une condition de nationalité française.

L'alimentation du CPF est effectuée (500 euros par an dans la limite de 5 000 euros ou 800 euros par an dans la limite de 8 000 euros pour les personnes les moins qualifiées) :

? pour les salariés via la déclaration sociale nominative (DSN) par une déclaration de l'employeur ;

? par France compétence pour les travailleurs indépendants dès qu'ils ont payé leur contribution à la formation professionnelle ;

? ou par Pôle emploi dès lors qu'ils sont inscrits en tant que demandeur d'emploi.

Le CPF est alimenté automatiquement au début de l'année qui suit l'année travaillée. Il faut donc attendre une année pour commencer à mobiliser les premiers droits.

Les formations en français langue étrangère (FLE) enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au répertoire spécifique (RS) sont éligibles au financement par le CPF ( article L. 6323-6 du code du travail ).

Des formations en langue française à destination des étrangers sont proposées au catalogue Mon compte formation (MCF).

a) Offre catalogue MCF au 2 novembre 2022 :

? 3 883 formations et 13 330 sessions de formations actives sur lesquelles les titulaires peuvent s'inscrire, dont 4910 à distance (37%) ;

? 818 organismes de formation qui proposent ces formations ;

? 6 certifications recensées.

Libellé formation

RNCP

RS

Intitulé Certification

Français langue étrangère

X

Diplôme de Compétence en Langue Étrangère Professionnelle (DCLEP) - Français Langue Étrangère

Français mise à niveau

X

Diplôme de Compétence en Langue - Français professionnel de premier niveau (DCLFP)

Expression écrite

X

Certification en langue française Le Robert

Français langue étrangère

X

MASTER Français langue étrangère (fiche nationale) - cette formation est destinée aux futurs enseignants en langue française étrangère

Français langue étrangère

X

Certification CLOE français langue étrangère

Français langue étrangère

X

Test de connaissance du français intégration, résidence, nationalité (TCF IRN)

b) Répartition des sessions sur le territoire

La part des sessions de formation en langues organisées en Île-de-France et dans le Grand Est est plus importante que pour l'ensemble de l'offre MCF (35% contre 23% pour l'IDF et 12% contre 8% pour la région Grand Est).

c) Consommation au titre compte personnel de formation au 2 novembre 2022

Il est à noter qu'il subsiste plus de certifications recensées en consommation 2022 que celles actuellement recensées au 2 novembre 2022 sur MCF compte tenu du fait que plusieurs formations sont dorénavant inactives (test bright et TEF ont été inactivées en début d'année et le certificat Voltaire le 3 septembre).

Le tableau ci-après recense sur la plateforme « mon compte formation » le nombre de formations en français langue étrangère (FLE) conduisant à des certifications du cadre européen de référence pour les langues (CECRL) inscrites au Répertoire Spécifique pour les 20 organismes de formation qui proposent le plus d'actions sur ce champ au 02/11/2022.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Néant.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Il est à noter que les institutions de l'Union Européenne ont fixé, à l'occasion du sommet social de Porto de mai 2021, un objectif de 60% de salariés qui suivent une formation chaque année dès 2030.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La relation de travail est encadrée par le code du travail.

Aujourd'hui les obligations des employeurs sont de trois niveaux d'intensité qui varient selon la transférabilité des compétences acquises dans le cadre des dispositions prévues à l'article L. 6321-1 du code du travail, selon lesquelles l'employeur a l'obligation d'adapter le salarié à son poste de travail, il doit veiller à la capacité du salarié à occuper un emploi, et il peut proposer des actions participant au développement des compétences y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences. Il est proposé d'enrichir ces actions en ajoutant la possibilité pour l'employeur de proposer des formations en français langue étrangère (FLE).

Dans le cadre de la formation professionnelle continue, le code du travail organise la mise en oeuvre des formations à l'initiative de l'employeur et notamment dans le cadre du plan de développement des compétences (chapitre I du titre II du livre III de la sixième partie 29 ( * ) ).

Pour encadrer la nouvelle mesure visant à permettre au salarié allophone signataire d'un Contrat d'Intégration républicaine (CIR) engagé dans un parcours de formation en français langue étrangère (FLE) de réaliser cette formation sur son temps de travail effectif, il est proposé de créer un chapitre II.

Le dispositif du compte personnel de formation est par ailleurs défini aux articles L. 6323-1 et suivants du code du travail, dispositions qu'il est proposé de compléter pour ouvrir un droit à l'aménagement du temps de travail pour les salariés allophones qui recourent à leur initiative au CPF pour bénéficier d'une formation FLE.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure proposée vise à renforcer les obligations de l'employeur au regard de ses salariés allophones pour accompagner leur intégration sociale et professionnelle en France en leur permettant de progresser dans leur maitrise de la langue française en vue de sécuriser leur situation au regard du droit au séjour.

La maîtrise de la langue est l'une des premières conditions d'une intégration réussie, socialement et professionnellement. C'est particulièrement le cas dans les secteurs du HCR et du BTP et des emplois en contact direct avec le public. Dans le domaine professionnel, il s'agit notamment de faciliter la compréhension des instructions et normes applicables (qualité, sécurité au travail) dans le cadre de l'emploi occupé mais également de faire valoir ses droits dans le cadre de la relation contractuelle établie avec l'employeur. L'amélioration du niveau de langue conditionne par ailleurs la capacité du salarié à acquérir de nouvelles compétences et à progresser professionnellement. Le poids de l'écrit est en effet croissant dans les secteurs d'activités compte-tenu du développement des outils et contenus numériques (cf. entretien du directeur de l'Agence nationale de lutte contre l'Illettrisme au sujet de l' « Illettrisme en milieu professionnel : réapprendre à lire et à écrire 30 ( * ) »). Par ailleurs, nombre de situations de travail (isolement sur le poste de travail, nombre limité de collègues francophones) ne favorisent pas une progression du niveau en langue.

Une étude de l'INSEE de juillet 2016 31 ( * ) souligne enfin l'impact du niveau de langue sur l'adéquation des emplois occupés avec le niveau de diplôme et de compétences des immigrés. Pour les plus diplômés, le sentiment d'être surqualifié ou d'occuper une position professionnelle ne correspondant pas à sa formation est plus répandu parmi ceux qui ne maîtrisent pas parfaitement le français. A l'inverse, à caractéristiques égales, les immigrés qui maîtrisent parfaitement la langue perçoivent des salaires supérieurs d'environ 15 % à ceux des autres immigrés, parvenant à valoriser leurs diplômes et leur expérience à un niveau proche de celui des non-immigrés. En l'absence de maîtrise de la langue, les immigrés sont ainsi empêchés de faire valoir leurs compétences sur le marché du travail, et d'être rémunérés selon leur niveau de qualification réel.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

En dehors des trois axes de l'obligation des employeurs, aucune autre option n'a été envisagée. Cette mesure vient en complémentarité et dans un continuum de formations déployées par l'Etat (CIR, autres formations du réseau associatif, etc.).

3.2. OPTION RETENUE

Il est proposé d'organiser la contribution des employeurs à la maîtrise du français par les travailleurs étrangers allophones pour favoriser leur insertion professionnelle et sociale en France.

La mesure complète les actions participant au développement des compétences que les employeurs pourront proposer à leurs salariés allophones dans le cadre du plan de développement des compétences. Il s'agit de permettre aux employeurs de proposer à ces salariés des formations pour leur permettre d'atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret. Cette possibilité s'inscrivant dans le plan de développement des compétences des employeurs, celle-ci a vocation à se dérouler pendant le temps de travail conformément aux dispositions du code du travail (articles L. 6321-2 et L. 6321-6).

Cet article prévoit également que lorsque le salarié allophone signataire de CIR est engagé dans un parcours de formation linguistique pour atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, le temps de formation constitue un temps de travail effectif et donne lieu au maintien de sa rémunération. Que la formation ait débuté avant le recrutement ou que le salarié la commence alors qu'il est en emploi, il pourra la suivre sur son temps de travail en accord avec son employeur.

Enfin, lorsque les salariés allophones mobiliseront leur compte personnel de formation pour financer une formation visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, l'autorisation d'absence sera accordée de droit, dans la limite d'une durée fixée par décret en Conseil d'Etat.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La présente disposition modifie les articles L. 6321-1 et L. 6323-17 du code du travail et rétablit, au sein de la section 2 du titre II du livre III de la sixième partie du même code, l'article L. 6321-3.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La mesure relève de la seule compétence de la France. Il n'existe pas de règlement, directive ou jurisprudence européennes s'appliquant spécifiquement à ce sujet.

La mesure permet de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 3 du Traité sur l'Union européenne et 79 du Traité sur le fonctionnement de l'UE. Elle répond également aux préconisations du Pacte européen sur l'immigration et l'asile qui, quoique non contraignant, prévoit notamment l'engagement pour les Etats membres d'organiser l'immigration légale en tenant compte des priorités, des besoins et des capacités d'accueil déterminés par chaque État membre et favoriser l'intégration. De plus, les institutions de l'Union Européenne ont fixé, à l'occasion du sommet social de Porto de mai 2021, un objectif de 60% de salariés qui suivent une formation chaque année dès 2030.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Selon l'enquête emploi en continu (EEC) de l'INSEE 2021, il y a en France 2 533 017 immigrés salariés (actifs occupés en emploi hors indépendant et hors sans contrat) en 2021. En excluant les personnes naturalisées qui ont justifié d'un niveau B1 du CECRL pour devenir françaises (989 159 personnes), les étrangers francophones (352 759 personnes) et les européens qui ne signent pas de CIR (468 709 personnes), la volumétrie base de la mesure serait de 722 390 personnes.

Toutefois une partie de ces étrangers a bénéficié de l'offre de formation du CIR lors de son arrivée et a donc acquis un niveau minimal de maitrise du français qui a pu progresser au regard du temps passé sur le territoire. Ainsi sur les 100 000 étrangers qui signent un CIR chaque année, la moitié d'entre elles maitrisent déjà le niveau A1 lors du positionnement linguistique en plateforme d'accueil de l'OFII : 20% sont évaluées au niveau A1, 15% sont évaluées au niveau A2, 15% au niveau B1 et plus. L'autre moitié se voit prescrire une formation linguistique obligatoire de niveau A1 dans le cadre du CIR, à l'issue de laquelle, 75% atteignent ce niveau. Par ailleurs, seuls 34,2% des signataires de CIR déclarent en 2021 exercer une activité en France et 11% disposent d'un titre salarié ou entrepreneur/profession libérale 32 ( * ) .

L'évaluation de l'impact de la mesure sera donc directement conditionnée par le niveau de français suffisant à fixer par décret. S'il s'agit du niveau A2, on peut estimer qu'environ 7 700 33 ( * ) nouveaux signataires de CIR arrivés au titre de l'immigration professionnelle seront concernés chaque année et pourront suivre leur formation FLE sur leur temps de travail.

En 2021, la dépense intermédiée des entreprises (via les opérateurs de compétences) représente 9,3 Mds€. Elle cible prioritairement les jeunes, par le biais de l'apprentissage (57,8 % de l'ensemble). Les actifs occupés du secteur privé sont également bénéficiaires d'une part importante du total (29,7 %), tandis que les personnes en recherche d'emploi en représentent 12,4 %. Les resssources ainsi mutualisées peuvent permettre aux OPCO de financer les actions relatives au plan de développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés. Au titre des contributions légales, les OPCO ont financé les actions de formation du plan de développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés, à hauteur de 719 M€ en 2021 34 ( * ) .

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Environ 1,3 millions d'entreprises s'acquittent 35 ( * ) d'une contribution au développement de la formation professionnelle des salariés quelle que soit leur taille (articles L.6331-1 du code du travail et suivants).

Ces ressources permettent notamment de financer des actions utiles au développement des compétences au bénéfice des entreprises de moins de cinquante salariés (L.6332-3 du code du travail). Les formations linguistiques qui seront proposées par les employeurs dans le cadre du plan de développement des compétences pourront faire l'objet des prises en charges financières 36 ( * ) prévues à l'article R. 6332-40 du code du travail par l'opérateur de compétences (OPCO) dont relève l'entreprise. Ainsi le coût de la formation pourra être pris en charge par l'entreprise directement ou bien par les OPCO en utilisant la contribution versée par les entreprises au développement de la formation professionnelle continue.

S'agissant de la disposition permettant aux salariés allophones de s'engager dans un parcours de formation en FLE, il convient de préciser que les employeurs seront tenus de maintenir la rémunération des salariés concernés dans une limite durée fixée par voie réglementaire.

Il est à noter qu'en application de l'article L. 6332-1-2 du code du travail, un accord professionnel national conclu entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés peut prévoir des contributions supplémentaires permettant le financement d'actions de formation professionnelle continue auprès des entreprises couvertes par l'accord.

4.2.3. Impacts budgétaires

Sans objet.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Sans objet.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Sans objet.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

La mesure contribuera à améliorer l'intégration économique et sociale des salariés allophones (accès à l'emploi, aux formations, aux activités culturelles et sportives, participation à la vie sociale).

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Sans objet.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Les femmes constituent un public vulnérable, touchées par un taux de chômage de 21.3 % (femmes étrangères hors UE) tandis qu'il est de 16.5% pour les hommes étrangers et de 7.3% pour les femmes non immigrées (source INSEE 2020), alors qu'elles présentent souvent des profils favorables à l'emploi, notamment au regard de leurs qualifications et expériences professionnelles antérieures. En effet, 36 % des femmes signataires du CIR en 2021 détiennent un diplôme d'études supérieures et 64 % détenaient une expérience professionnelle dans leur pays d'origine (secteur les plus représentés: commerce, hôtellerie, restauration, enseignement, santé) 37 ( * ) .

La maîtrise de la langue participera à une meilleure employabilité et donc à une meilleure intégration professionnelle et sociale.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

En 2021, parmi les 23 967 signataires de CIR entre 16 et 25 ans, 26,9 % étaient en emploi 38 ( * ) .

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Sans objet.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure contribuera à améliorer l'intégration économique et sociale des salariés allophones.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Sans objet.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) a été saisie pour un examen le 10 janvier 2023 conformément au 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure entre en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion

Mesure directement applicable

Mayotte

Mesure directement applicable

Saint-Martin, Saint-Barthélemy

Mesure directement applicable

Saint Pierre-et-Miquelon

Mesure directement applicable

Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF

Mesure non directement applicable

Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables dans les territoires mentionnés aux articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie jusqu'à la publication de l'ordonnance mentionnée à l'article 26 du présent projet de loi, portant habilitation pour l'Outre-mer.

Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables dans les territoires mentionnés aux articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie jusqu'à la publication de l'ordonnance mentionnée à l'article 26 du présent projet de loi, portant habilitation pour l'Outre-mer.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire pour l'application de l'article L. 6322-1 nouveau et de l'article L. 6323-17 modifié pour définir la durée maximale de formation qui peut être réalisée durant le temps de travail.

Un décret simple sera nécessaire pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 6321-1 complété, de l'article nouveau L. 6322-1 et de l'article L. 6323-17 modifié permettant de fixer le niveau de français requis pour les salariés allophones.

CHAPITRE II - FAVORISER LE TRAVAIL COMME FACTEUR D'INTÉGRATION

Article 3 : Créer une carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension »

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La procédure d'admission exceptionnelle prévue aux articles L. 435-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) permet une régularisation par le travail des ressortissants étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national « dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels ». Elle a donné lieu en 2021 à 9 496 décisions favorables, soit 17 % des titres de séjour temporaire délivrés sur un fondement professionnel 39 ( * ) .

Par cette procédure, les ressortissants étrangers peuvent notamment solliciter, sous une double condition de durée de présence et de durée d'activité salariée telle que précisée dans la circulaire du 12 novembre 2012 40 ( * ) (dite circulaire « Valls »), un titre de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire » en fonction du contrat de travail détenu, sans avoir l'obligation de produire un visa d'entrée.

Cas général

Cinq ans de présence en France

Trois ans de présence en France

Contrat de travail ou promesse d'embauche d'une durée = à six mois

Contrat de travail ou promesse d'embauche d'une durée = à six mois

+

+

Huit mois d'activité sur les 24 derniers mois

24 mois d'activité dont huit (consécutifs ou non) sur les 12 derniers mois

ou

30 mois d'activité sur les cinq dernières années

Cas particuliers

Durée de présence significative (sept ans)

Cinq ans de présence (économie solidaire)

Cinq ans de présence (intérim)

Cinq ans de présence

Pas de contrat de travail ou de promesse d'embauche

Contrat de travail ou promesse d'embauche

Bulletins de salaire = 12 SMIC mensuels et 910 heures sur les 24 derniers mois

Cumul de contrats de faible durée

Mais

+

+

+

12 mois d'activité (consécutifs ou non) sur les 36 derniers mois

12 mois d'activité d'économie solidaire

CDI ou CDD de 12 mois

Huit mois d'activité sur les 24 derniers mois ou 30 mois d'activité sur les cinq dernières années

ou

Engagement de huit mois auprès d'une ETT

Cette procédure nécessite la production par le ressortissant étranger de preuves de son investissement professionnel, notamment un formulaire CERFA rempli par son employeur, et des bulletins de salaire.

Elle a dès lors pour effet d'induire un potentiel déséquilibre entre l'employeur, dont l'action positive est requise tant pour initier l'autorisation liée au titre de séjour que la procédure de régularisation, et le salarié étranger. En résulte le risque de favoriser les situations de trappe à pauvreté voire d'exploitation dénoncées par des organisations représentatives de salariés. En effet, dans ces situations, les employeurs peuvent utiliser une main d'oeuvre étrangère bon marché et flexible en s'exonérant des dispositions protectrices de la législation du travail vis-à-vis des salariés. Par ailleurs, les ressortissants étrangers, parfois victimes de la traite des êtres humains ou de conditions de travail abusives, ne peuvent dénoncer leur situation parce qu'ils se trouvent en situation irrégulière au regard du séjour et/ou du travail. La méconnaissance de leurs droits et la peur d'être expulsés font qu'ils préféreront changer d'employeur plutôt que de signaler les traitements discriminatoires ou abusifs dont ils sont victimes.

Les conditions de l'admission exceptionnelle au séjour conduisent à en écarter, de fait, des demandeurs qui ne sont pas en mesure d'obtenir de leur employeur le formulaire CERFA requis.

Dans le même temps, alors que l'emploi d'un ressortissant étranger dépourvu d'autorisation de travail est passible de cinq ans d'emprisonnement en vertu des articles L. 8251-1 et L. 8256-2 du code du travail, la procédure d'admission exceptionnelle ouvre la faculté pour l'employeur de contribuer à la régularisation administrative de la situation constitutive du délit en la portant à la connaissance de l'administration.

Par ailleurs, dans un contexte de difficultés de recrutement dans certains métiers ou certaines zones géographiques, la liste des métiers en tension prévue à l'article L. 414-13 du CESEDA n'a, à ce jour, qu'une incidence limitée sur l'accès à un titre de séjour de plein droit. Elle ne donne lieu qu'à un allègement des formalités de l'employeur qui souhaite embaucher un ressortissant étranger en le dispensant de la condition de publication de l'offre d'emploi pendant trois semaines en vertu de l'article L. 421-4 du CESEDA.

En outre, selon l'Enquête « Besoins en main d'oeuvre 2022 » de Pôle Emploi, « 58% des recrutements sont jugés « difficiles » par les entreprises (+ 13 points par rapport à 2021). Ces difficultés de recrutement sont élevées quelle que soit la taille de l'établissement. La principale difficulté évoquée est le manque de candidats (86%). Les dix métiers où le taux de difficulté est le plus élevé (pour les métiers avec plus de 5000 embauches) sont : couvreurs, couvreurs zingueurs qualifiés ; aides à domicile et aides ménagères ; pharmaciens ; chaudronniers, tôliers, traceurs, serruriers, métalliers, forgerons qualifiés ; mécaniciens et électroniciens de véhicules ; carrossiers automobiles ; conducteurs de transport en commun sur route ; plombiers, chauffagistes (ouvriers qualifiés) ; infirmiers, cadres infirmiers et puéricultrices ; menuisiers et ouvriers qualifiés de l'agencement et de l'isolation. En cinq ans, le taux de difficulté s'est particulièrement accentué pour les métiers d'infirmiers, cadres infirmiers et puéricultrices (+ 53% entre 2017 et 2022), d'éducateurs spécialisés (+ 41%) et de conducteurs de transport en commun sur route (+ 39%).

Par conséquent, la proposition de création d'une carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension » permettrait de compléter le dispositif d'admission exceptionnelle au séjour en ouvrant une voie d'accès au séjour à la seule initiative des ressortissants étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national tout en renforçant l'articulation entre les besoins en main d'oeuvre identifiés dans certains métiers ou zones géographiques et l'accès au séjour par le travail. En effet, cette carte serait délivrée sous réserve de la preuve d'une ancienneté de résidence sur le territoire national ainsi que d'une expérience professionnelle salariée dans un emploi figurant sur la liste des métiers en tension.

A contrario, cette nouvelle voie d'accès au séjour devrait avoir pour effet de réorienter une partie des flux de l'admission exceptionnelle au séjour sur le motif travail vers la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension ».

Enfin, la mise en oeuvre de cette carte conforterait l'action publique en matière de prévention et de répression des atteintes par les employeurs à l'ordre public social. A l'occasion de l'instruction de la demande de titre, la situation de l'employeur fera, en effet, l'objet des contrôles et des vérifications prévues à l'article R. 5221-20 du code du travail 41 ( * ) au terme desquels un signalement pourra être transmis aux administrations compétentes en matière d'atteintes à l'ordre public social, de contrôle et d'engagement de procédures de sanctions.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Fondé sur l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le principe à valeur constitutionnelle d'égalité garantit que les personnes se trouvant dans une même situation soient traitées de manière identique.

Toutefois, ce principe d'égalité ne s'applique pas de façon stricte dans tous les domaines. Des limitations et aménagements à ce principe sont admis lorsqu'ils visent un objectif d'intérêt général, que le législateur peut notamment s'assigner.

Comme le rappelle le Conseil d'Etat dans sa décision n° 383267 du 4 février 2015, la détermination des conditions dans lesquelles les étrangers sont autorisés à séjourner sur le territoire national relève de la compétence du législateur.

En créant un titre de séjour dédié aux personnes qui exercent une profession dans un métier en tension, le législateur fait le choix d'ouvrir une voie d'accès au séjour aux étrangers en situation irrégulière qui exercent en France une activité professionnelle dans un métier en tension, et sont dès lors indispensables à l'activité économique de notre pays.

La prise en compte du métier occupé dans le cadre de ce titre de séjour ne semble donc pas discriminatoire au regard de l'objectif d'intérêt général recherché ici par la loi, qui est de permettre à des étrangers déjà présents sur notre territoire et qui contribuent activement, par leur activité professionnelle, à résoudre les tensions existantes sur le marché du travail, à accéder à un titre de séjour.

En outre, le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que les personnes se trouvant dans des situations différentes soient traitées différemment. En ce sens, l'étranger travaillant dans un métier en tension, dans un territoire, peut être traité différemment, d'une part, de l'étranger sans emploi et, d'autre part, de l'étranger qui travaille dans le même emploi dans un autre territoire mais qui n'est pas un métier en tension. Dans ces cas, les différences de situation justifient des traitements différents.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'Union européenne a pour objectif d'instaurer une approche équilibrée de gestion de la migration légale et de lutte contre la migration clandestine. La gestion appropriée des flux de migration implique de garantir un traitement équitable des ressortissants de pays tiers séjournant légalement dans les États membres, de renforcer les mesures visant à lutter contre l'immigration clandestine et de promouvoir une étroite coopération avec les pays tiers dans tous les domaines.

Les compétences de l'Union dans ce domaine sont partagées avec les États membres, notamment pour ce qui est des migrants se voyant accorder l'autorisation d'entrer sur le territoire d'un État membre dans le but d'y rechercher un emploi (article 79, paragraphe 5, du Traité sur le fonctionnement de l'UE).

La création d'une carte de séjour « travail dans des métiers en tension » demeure cohérente avec le droit de l'Union européenne.

S'agissant des citoyens de l'Union européenne, les conditions de leur entrée et de leur séjour sur le territoire national sont prévues par le livre II du CESEDA. En application de l'article L. 231-1, les ressortissants des Etats membres de l'UE ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour.

Les livres III et IV du CESEDA regroupent les dispositions applicables en matière d'entrée et de séjour aux ressortissants des pays tiers. La carte de séjour « travail dans des métiers en tension », inscrite au livre IV du CESEDA, n'est ouverte qu'à ces derniers.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Pour faire face au besoin de main d'oeuvre notamment dans certains secteurs professionnels ou dans certaines zones géographiques, les Etats agissent majoritairement en amont, sur les conditions de délivrance des visas d'entrée.

En Allemagne, le projet de loi créant une « chancekarte » 42 ( * ) a été présenté le 30 novembre dernier. Cette réforme consiste à accorder automatiquement aux travailleurs qualifiés un « visa de la chance », et à le délivrer aux ressortissants étrangers non diplômés ou qualifiés selon un système à points. Elle illustre la volonté du Gouvernement allemand de faciliter l'accès au territoire et au marché du travail pour les publics correspondants aux besoins du marché du travail.

C'est le cas également de l'Italie qui, après identification des besoins internes de son marché du travail au moyen de larges consultations des régions, des associations professionnelles et des principaux syndicats, fixe par décrets dits « décrets-flux » le quota maximal annuel d'entrées pour raisons professionnelles réparti par circulaires spéciales entre les territoires 43 ( * ) .

Plus rares sont les dispositifs combinant l'obtention d'un droit au séjour sur un motif professionnel pour les ressortissants étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national et l'orientation de ce public vers les métiers ou zones géographiques en tension.

Par décret royal du 26 juillet 2022 44 ( * ) réformant les dispositions de la loi organique de 2000 sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale, le conseil des ministres espagnol a souhaité favoriser l'intégration au marché du travail des ressortissants étrangers y compris en situation irrégulière en mettant en avant la notion « d'enracinement » professionnel ou social.

« L'enracinement professionnel » permet ainsi aux ressortissants de pays tiers présents irrégulièrement sur le territoire espagnol depuis au moins deux ans et qui sont en mesure de démontrer une activité professionnelle d'au moins six mois, d'obtenir une autorisation de résidence temporaire. Dans un objectif de lutte contre l'économie souterraine, la condition de durée de séjour minimale est levée lorsque les ressortissants étrangers portent à la connaissance des autorités l'existence d'un emploi non déclaré.

De même, les ressortissants étrangers justifiant d'un séjour continu de deux ans sur le territoire et qui s'engagent à suivre une formation professionnelle pour un emploi, de préférence dans un secteur en manque de main d'oeuvre, peuvent se voir accorder un permis de résidence de douze mois. A l'issue et sous réserve de la justification d'un contrat de travail, ces ressortissants pourront obtenir une autorisation de travail de deux ans.

Le projet de loi allemand « Chancen-Aufenthaltsrechts » 45 ( * ) , « Opportunités et droit à la résidence », présenté le 6 juillet 2022 et adopté par une majorité de députés au Bundestag le 2 décembre dernier, prévoit également une procédure d'accès au séjour régulier pour les ressortissants étrangers qui ont le statut de Duldung , c'est-à-dire de « résidence tolérée », en raison du caractère non-exécutoire pour divers motifs (maladie, menace dans le pays d'origine, non-coopération du pays tiers) de leur obligation de quitter le territoire. La réforme prévoit la mise en place d'un titre de séjour « d'essai » d'un an pour les titulaires du statut de Duldung attestant de cinq ans de présence sur le territoire allemand. A l'issue de cette période, les personnes concernées pourront se voir délivrer un titre de séjour de longue durée sous réserve de la preuve de leur identité, de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins et de leur maîtrise de la langue allemande.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La procédure d'admission exceptionnelle ne constitue pas une voie d'accès au séjour à la seule initiative du ressortissant étranger. Elle suppose, pour aboutir, le concours actif de l'employeur.

De plus, non conditionnée à l'exercice d'une activité salariée dans un métier ou dans une zone géographique en tension, cette procédure ne permet pas de contribuer directement à la réduction des difficultés identifiées sur le marché français du travail.

Ainsi, pour permettre un accès au séjour par le travail des ressortissants dépourvus de visa d'entrée à leur seule initiative tout en participant à la réduction des tensions constatées dans certains métiers ou zones géographiques, il est nécessaire de prévoir par voie législative une nouvelle carte de séjour. En effet, les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers sont prévues par les livres III et IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La compétence du législateur en la matière a du reste été rappelée par le Conseil d'Etat dans une décision n° 383267 du 4 février 2015, dans laquelle la haute juridiction rappelle que : « s'agissant de la délivrance des titres de séjour, il appartient au législateur, sous réserve des conventions internationales, de déterminer les conditions dans lesquelles les étrangers sont autorisés à séjourner sur le territoire national ». La création d'un nouveau titre de séjour et son insertion dans le CESEDA relèvent donc du pouvoir législatif.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les objectifs poursuivis par la création de la carte de séjour mention « travail dans les métiers en tension » sont de trois ordres :

? Créer une voie d'accès au séjour par le travail destinée à des étrangers déjà présents sur le territoire national et qui relève de la seule initiative du ressortissant étranger sans intervention, en cours de procédure, de l'employeur ;

? Contribuer, à l'occasion de sa mise en oeuvre, à la prévention et la répression des atteintes par l'employeur à l'ordre public social, et protéger les droits de tous les travailleurs ;

? Participer, de façon subsidiaire, à la réduction sur le marché du travail des tensions identifiées dans certains emplois ou zones géographiques, en complément des principaux leviers sur l'offre et la demande d'emploi (formation, conditions de travail).

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Une autre option était envisageable pour permettre aux étrangers en situation irrégulière, désireux d'accéder au séjour et exerçant une activité salariée dans des métiers en tension, d'être rapidement régularisés.

La circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, dite « Valls », constitue le cadre d'application opérationnel de l'admission exceptionnelle au séjour et présente des orientations générales pour l'administration. Celle-ci n'est pas invocable par l'étranger dans le cadre d'un recours contentieux dirigé à l'encontre d'un refus de titre de séjour édicté sur le fondement de l'article L. 435-1 du CESEDA 46 ( * ) .

Une option aurait été de refondre la circulaire « Valls », et d'ajouter aux critères y figurant déjà un nouveau critère d'appréciation lié aux métiers en tension pour la délivrance d'une CST « salarié temporaire » ou « salarié » au titre de l'admission exceptionnelle. Toutefois, l'accès au séjour régulier des étrangers travaillant dans des métiers en tension n'aurait pas été aussi rapide que souhaitée ; la question de la dépendance à l'employeur n'aurait en outre pas trouvé de réponse dans un tel dispositif.

En outre, dans un cas comme dans l'autre, les étrangers ne peuvent bénéficier de plein droit d'un titre de séjour lorsqu'ils demandent leur admission exceptionnelle au séjour.

3.2. OPTION RETENUE

La création d'une carte de séjour « travail dans des métiers en tension » permet d'ouvrir une voie au séjour à la seule initiative du ressortissant étranger sans qu'il n'ait à justifier d'une entrée régulière sur le territoire français.

A ce titre, la délivrance de la carte de séjour serait assujettie à une double condition :

? justifier d'une activité professionnelle salariée dans un métier et zone géographique en tension définis à l'article L. 414-13 du CESEDA durant au moins huit mois, consécutifs ou non, sur les vingt-quatre derniers mois. L'activité professionnelle exercée sous le statut de demandeur d'asile, de saisonnier et d'étudiant ne serait pas prise en compte pour l'octroi du titre, ces activités étant régulières et s'exerçant d'ores et déjà dans des conditions prévues par la loi ;

? justifier d'une résidence ininterrompue d'au moins trois années sur le territoire français.

Dès lors, le ressortissant étranger pourrait se voir délivrer une carte de séjour temporaire « travail dans des métiers en tension » d'une durée d'un an valant autorisation de travail pour l'activité professionnelle ayant justifié sa délivrance.

Lors de son renouvellement, le ressortissant étranger qui justifie de l'exercice d'une activité professionnelle sous couvert d'un contrat à durée indéterminée peut solliciter une carte de séjour pluriannuelle mention « salarié » sous réserve de remplir les conditions prévues à l'article L. 433-6 du CESEDA, à savoir remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour mention « salarié » et justifier d'une connaissance suffisante du français et de l'assiduité et du sérieux de la participation aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du contrat d'intégration républicaine (L. 413-2 du CESEDA).

Par ailleurs, l'autorisation de travailler étant adossée au titre de séjour et non au contrat de travail, si l'étranger obtient une carte de séjour portant la mention « travail dans les métiers en tension » et qu'il est licencié à l'issue ou pendant la demande de titre de séjour, notamment en cas de signalement de l'employeur, il pourra travailler dans un autre métier en tension sans avoir à solliciter une nouvelle autorisation de travail.

Les précisions nécessaires sur l'appréciation des conséquences de la création d'une amende administrative sanctionnant un employeur d'étrangers ne détenant pas de titre l'autorisant à travailler sont apportées dans l'étude d'impact de l'article 8.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), sont créés :

? Une sous-section 4 « Etranger travaillant dans un métier en tension », insérée au chapitre Ier du titre II du livre IV de la partie législative ;

? L'article L. 421-4-1, inséré à la sous-section 4 du chapitre I er du titre II du livre IV de la partie législative. Ce nouvel article a pour objet de définir les modalités d'obtention de la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension », les conditions de délivrance de l'autorisation de travail nécessaire à l'exercice d'un emploi sur le territoire français ainsi que la possibilité d'obtenir une carte de séjour pluriannuelle mention « salarié » au moment du renouvellement.

Afin de tenir compte de l'exonération du visa de régularisation pour les bénéficiaires de la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension », est modifié :

? L'article L. 436-4 de la section I du chapitre VI du titre III du livre IV de la partie législative. La modification vise à insérer l'article L. 421-4-1 dans la liste des titres exemptés de visa de régularisation.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Il ressort d'une étude de la DARES de juillet 2021, qu'en 2017, la France comptait 2,7 millions de travailleurs immigrés. Le taux d'emploi des immigrés âgés de 15 à 64 ans est de 56%, contre 65,8% pour le reste de la population. Ils occupent en moyenne un emploi sur dix (10,2%), mais la part des immigrés dans l'emploi varie fortement en fonction des métiers.

Dans les 35 métiers où les immigrés sont surreprésentés, une partie d'entre eux, notamment pour les postes qualifiés, sont en tension en 2017.

Treize familles professionnelles concentrent près de la moitié des emplois où les immigrés sont surreprésentés. Elles se situent dans les services aux particuliers d'une part, le bâtiment et les travaux publics d'autre part. Parmi elles, quatre familles professionnelles comptent au moins un quart d'immigrés dans leurs effectifs : les employés de maison (39 %), les agents de gardiennage et de sécurité (28 %), les ouvriers non qualifiés du gros oeuvre du BTP, du béton et de l'extraction (27 %) et les ouvriers qualifiés du gros oeuvre du bâtiment (25 %).

En 2019, les tensions sont particulièrement fortes dans le bâtiment, où les projets d'embauches sont très nombreux, ainsi que dans l'industrie, où le vivier de candidats est réduit 47 ( * ) .

La création de la carte de séjour « travail dans des métiers en tension » pourra améliorer l'emploi dans les métiers en tension, et diminuer l'emploi irrégulier dans ces secteurs. Dès lors, cette mesure est de nature à améliorer les conditions de travail dans ces secteurs, et, partant, à favoriser la croissance économique.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Sauf exonération prévue en loi de finances, les employeurs de salariés qui sollicitent la délivrance de la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension » seront tenus de s'acquitter de la taxe « employeur » 48 ( * ) en vertu de l'article L. 436-10 CESEDA. Davantage d'employeurs devraient donc être soumis à cette taxe.

L'impact sur les entreprises n'est toutefois pas quantifiable dans la mesure où il n'est pas possible d'évaluer le nombre de ressortissants étrangers en situation irrégulière qui feront une demande de CST « travail dans des métiers en tension ».

Enfin, le fait d'employer un étranger ne disposant pas d'un titre de séjour l'autorisant à travailler est puni, d'une part, par des dispositions pénales et, d'autre part, par des sanctions administratives. Il reviendra, lors du dépôt des demandes de carte de séjour « travail dans les métiers en tension » aux services de préfecture de déterminer si un signalement doit être fait.

4.2.3. Impacts budgétaires

La création de la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension » peut induire une augmentation du produit annuel de la taxe acquittée par les employeurs lors de l'embauche d'un salarié étranger en vertu de l'article L. 436-10 du CESEDA.

En effet, l'ouverture d'une nouvelle voie au séjour par le travail accessible à la seule initiative du ressortissant étranger peut vraisemblablement s'accompagner, outre un report des demandes d'admission exceptionnelle au séjour vers la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension », d'une augmentation totale des titres délivrés soumis au versement de cette taxe.

A l'inverse, en cas d'exonération prévue lors de la prochaine loi de finances de la taxe prévue à l'article L. 436-10 du CESEDA pour les employeurs de salariés étrangers titulaires d'une carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension », le produit annuel de la taxe « employeur » ne devrait pas être influencé.

Par ailleurs, les titulaires de la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension » bénéficient d'une exemption du visa de régularisation d'un montant de 200 euros prévu à l'article L. 436-4 du CESEDA. Ils ne sont redevables que du droit de timbre au tarif en vigueur pour la carte de séjour temporaire mention « travailleur temporaire », soit 225 euros.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Le dépôt de la demande de titre de séjour mention « travail dans des métiers en tension » se ferait auprès de la préfecture territorialement compétente par le biais du téléservice ANEF-séjour (administration numérique pour les étrangers en France). Dans l'attente du développement de ce titre dans l'ANEF, une phase transitoire avec un dépôt de la demande papier auprès des préfectures est à prévoir.

A l'issue d'une première analyse sur la base des critères subordonnant la délivrance de la carte de séjour, si les services préfectoraux s'orientent vers son octroi, ils doivent au préalable solliciter l'avis de la plateforme main d'oeuvre étrangère, dont la compétence relève du ministre de l'intérieur depuis le 6 avril 2021. Cette plateforme vérifie que le poste pour lequel est sollicité le titre de séjour correspond à un métier en tension au sens de l'article L. 414-13 du CESEDA ainsi que le respect des conditions prévues à l'article R. 5221-20 du code du travail.

Par ailleurs, en vue de pallier le risque de délits d'usurpation d'identité ou d'usage de faux et afin de prendre en considération le travail sous un alias, les préfectures prennent en compte à l'appui de la demande de carte de séjour les éléments de nature à prouver l'effectivité du travail exercé et l'identité du ressortissant étranger. En ce sens, la production d'indices de paiement de rémunérations à l'instar de chèques ou de virements, qui s'inscrivent sur la durée et qui établissent formellement la relation entre l'employeur et le salarié (au moyen notamment de la présentation des relevés d'identité bancaire) ainsi que des photos en situation de travail peuvent constituer de tels éléments.

La durée de la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension » est d'un an. Au moment de la demande de renouvellement, le titulaire de la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension » peut bénéficier d'un titre de séjour pluriannuel de quatre ans mention « salarié » s'il justifie d'un contrat à durée indéterminée pendant une année continue.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Dans le monde, les adultes dans la force de l'âge (de 25 à 64 ans) constituent 86,5% des travailleurs. La part des jeunes parmi les travailleurs migrants internationaux a augmenté au fil du temps, passant de 8,3% en 2017 à 10% en 2019 49 ( * ) . Par ailleurs, d'après les travaux du Bureau international du travail 50 ( * ) , les jeunes et les plus âgés sont les plus exposés à l'emploi informel dans toutes les régions au niveau mondial.

Bien que la part des jeunes parmi les travailleurs salariés en situation irrégulière en France ne soit pas connue, eu égard aux données précitées, la création d'une carte de séjour « travail dans des métiers en tension » pourrait avoir un impact positif sur les jeunes travailleurs qui bénéficieront de ce dispositif s'ils remplissent les conditions d'accès à ce titre de séjour.

4.5.4. Impacts sur les professions réglementées

Dans l'hypothèse où le demandeur d'une carte de séjour « travail dans des métiers en tension » exercerait une profession réglementée, les plateformes de main d'oeuvre étrangère, dont l'avis sera sollicité avant toute délivrance de titre, seront amenées à vérifier que les conditions d'exercice de l'activité considérée sont satisfaites, conformément aux dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les ressortissants étrangers qui sont entrés et se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français, bénéficient d'une nouvelle voie d'accès au séjour en parallèle de la procédure d'admission exceptionnelle prévue aux articles L. 435-1 et suivants du CESEDA dès lors qu'ils occupent un emploi en tension au sens de l'article L. 414-13 du CESEDA.

A la seule initiative du demandeur, cette carte de séjour permet de ne plus faire dépendre de l'employeur l'accès au séjour régulier du ressortissant étranger.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Au regard du contenu de la mesure, il a été décidé, de saisir à titre facultatif la commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP). Elle a rendu son avis sur cet article le 12 janvier 2023.

Des réunions de concertation ont été menées entre le MTPEI, le MIOM et les organisations professionnelles représentatives des salariés et des employeurs, ainsi que des organisations sectorielles d'employeurs.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure est applicable dès le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française. Les conditions de délivrance du titre, et notamment l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier en tension durant huit mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois, sont appréciées à la date d'introduction de la demande. La période de 8 mois est calculée en prenant en compte la liste des métiers en tension en vigueur à la date de la demande.

Compte tenu des enjeux inhérents à la création de la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension », ce dispositif est appliqué à titre expérimental pendant une durée de trois ans, jusqu'au 31 décembre 2026. A l'issue de ce délai et sur présentation d'un rapport remis au Parlement au moins six mois avant cette date, le dispositif pourra éventuellement être reconduit.

5.2.2. Application dans l'espace

En application des articles 26 et 27 du présent projet de loi, les dispositions de la présente loi s'appliquent sur l'ensemble du territoire français.

Pour ce qui concerne les collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises, les dispositions pourront être adaptées par ordonnance et entreront en vigueur dans ces territoires à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois suivant celui de sa promulgation.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les modalités de délivrance de la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension », en particulier pour ce qui concerne les modalités de prise en compte du temps partiel et du cumul d'emplois pour le décompte des périodes conditionnant le bénéfice du titre.

Article 4 : Accélérer l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile ressortissant de pays bénéficiant d'un taux de protection internationale élevé

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

En vertu de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers (CESEDA), les demandeurs d'asile n'ont aujourd'hui accès au marché du travail qu'au bout d'un délai de six mois. Les dispositions de l'article L. 554-3 du CESEDA prévoient que « le demandeur d'asile est soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d'une autorisation de travail », ce qui implique notamment la délivrance préalable d'une autorisation préfectorale. Le 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail prévoit à cet égard que l'étranger qui souhaite exercer une activité salariée doit être en possession d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. De même, l'article L. 5221-5 du code du travail dispose qu'un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2, tandis que l'article L. 5221-7 du même code prévoit que l'autorisation de travail peut être limitée à certaines activités professionnelles ou zones géographiques. Enfin les conditions de délivrance de l'autorisation de travail qui concernent la nature de l'emploi proposé, l'employeur, et la rémunération sont précisées à l'article R. 5221-20 du même code.

Entre avril 2021 et avril 2022, sur 4 745 demandes d'autorisation de travail présentées par des demandeurs d'asile, 1 814 ont fait l'objet d'un accord, soit 38,2 % des personnes en ayant fait la demande 51 ( * ) . Cela représente environ 2,3% du total des demandeurs d'asile majeurs enregistrés sur l'année 2021.

La mesure proposée a pour objet d'instaurer un dispositif dérogatoire d'accès au marché du travail sans délai des demandeurs d'asile dont il est le plus probable, au regard de leur nationalité, qu'ils obtiendront une protection internationale en France.

En effet, si des restrictions se justifient pour les demandeurs d'asile ayant peu de chance, au regard de leur nationalité, d'obtenir une protection internationale en France, afin de ne pas inciter au dépôt de demandes infondées, une accélération de l'accès au marché du travail se justifie en revanche pour les demandeurs dont il est le plus probable qu'ils obtiendront ce statut, afin d'accélérer leur parcours d'intégration et de lutter contre le travail dissimulé. C'est dans cet esprit que les personnes déplacées d'Ukraine bénéficiant de la protection temporaire ont pu accéder sans délai au marché du travail 52 ( * ) .

Le champ d'application de la présente mesure, qui déroge au principe prévu par l'article L. 554-1 du CESEDA, repose sur un critère objectif : le taux de protection internationale en France constaté par nationalité 53 ( * ) . Les demandeurs d'asile ressortissants de pays dont le taux de protection excède un seuil élevé et fixé par décret, pourront accéder sans délai au marché du travail. Dans une logique symétrique à celle qui préside à l'établissement de la liste des pays d'origine sûrs 54 ( * ) , qui permet de déroger à la procédure d'asile de droit commun au regard du pays d'origine du demandeur, la différence de situation établie par la probabilité d'obtenir une protection internationale en France permet de justifier qu'il soit dérogé au principe d'égalité.

Dans le contexte actuel, pour un taux de protection minimal de 50%, cela concernerait principalement les nationalités suivantes : Afghanistan, Érythrée, Syrie, soit, pour ces trois nationalités, en 2021, 12 713 primo-demandeurs majeurs (environ 19% du total des premières demandes introduites à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - OFPRA) 55 ( * ) . Ce taux de protection correspond aux nationalités dont une majorité de demandeurs d'asile ont effectivement besoin d'être protégés.

Dès lors que le demandeur attestera de sa nationalité lors de l'introduction de sa demande d'asile, il pourra solliciter une autorisation de travail, sauf si sa demande est placée en procédure accélérée (menace pour l'ordre public, fraude, réexamen, etc.). Cette mesure ne bénéficiera qu'aux demandeurs d'asile dont la demande relève de la responsabilité de la France, à l'exclusion des demandeurs placés sous procédure Dublin 56 ( * ) .

Le demandeur autorisé à travailler pourra également accéder à une formation linguistique prise en charge par l'Etat et mise en oeuvre par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans un format adapté pour lui permettre d'acquérir les premières bases de la langue française et à des actions de formation professionnelle continue, telles que prévues à l'article L. 6313-1 du code du travail.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les dispositions proposées sont sans incidence sur les garanties inhérentes au droit d'asile et en particulier celles qui découlent de l'alinéa 4 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Elles s'inscrivent par ailleurs dans le cadre des dispositions de l'alinéa 5 du même Préambule, lequel dispose que chacun a le droit d'obtenir un emploi, étant précisé toutefois que ce droit n'est pas un droit subjectif, individuellement justiciable, mais un principe qui doit être mis en oeuvre au niveau collectif 57 ( * ) .

Elles ne sont pas contraires au principe constitutionnel d'égalité 58 ( * ) , principe qui « ne s'oppose pas à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général dès lors que les différences de traitement qui en résultent sont en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit » 59 ( * ) . A cet égard, les dispositions proposées reposent sur un critère objectif : le taux de protection internationale en France constaté, au cours de la dernière année civile échue, par nationalité. Ainsi, la différence de situation établie par la probabilité d'obtenir une protection internationale en France permet de justifier qu'il soit dérogé au principe d'égalité. Une accélération de l'accès au marché du travail se justifie en effet pour les demandeurs dont il est le plus probable qu'ils obtiendront ce statut, afin d'accélérer leur parcours d'intégration et de lutter contre l'emploi illégal d'étrangers sans autorisation de travail.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Les stipulations de la Convention de Genève relative au statut de réfugié, en particulier celles de ses articles 17, 18, 19 et 24, prévoient que les Etats contractants facilitent l'accès au marché du travail des réfugiés.

La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en particulier son article 15 aux termes duquel « Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie et acceptée ».

L'article 15 (accès au marché du travail des demandeurs d'asile) de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale dispose que « les États membres veillent à ce que les demandeurs aient accès au marché du travail dans un délai maximal de neuf mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale lorsqu'aucune décision en première instance n'a été rendue par l'autorité compétente et que le retard ne peut être imputé au demandeur » et que « Les États membres décident dans quelles conditions l'accès au marché du travail est octroyé au demandeur, conformément à leur droit national, tout en garantissant que les demandeurs ont un accès effectif à ce marché ». Cette obligation pesant sur les Etats membres a été rappelée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans un arrêt du 14 janvier 2021 60 ( * ) .

1.4. ELÉMENTS DE DROITS COMPARÉ

L'article 15, paragraphe 1, de la directive 2013/33 dite Accueil prévoit que « l es États membres veillent à ce que les demandeurs aient accès au marché du travail dans un délai maximal de neuf mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale lorsque aucune décision en première instance n'a été rendue par l'autorité compétente et que le retard ne peut être imputé au demandeur ».

1.4.1. En Allemagne

Une fois leur demande introduite, les demandeurs d'asile reçoivent un permis de séjour (« Aufenthaltsgestattung ») qui leur permet de circuler librement dans le district où se situe le centre responsable de leur demande, ainsi qu'une carte d'identité. Ce permis de séjour ouvre l'accès au marché du travail (trois mois après avoir introduit sa demande si le demandeur n'est pas en centre de premier accueil, après six mois s'il a des enfants mineurs et après neuf mois s'il est dans un centre de premier accueil).

1.4.2. En Belgique

En Belgique, les demandeurs d'asile peuvent travailler quatre mois après avoir introduit leur demande. Les demandeurs d'asile n'ont pas besoin d'obtenir un permis de travail distinct depuis le 1 er janvier 2019. Le droit de travailler est indiqué directement sur le permis de séjour temporaire (attestation d'immatriculation).

1.4.3. Aux Pays-Bas

L'accès au marché du travail est garanti pour les demandeurs d'asile dès six mois après l'introduction de la demande.

Les employeurs doivent demander un permis (« Tewerkstellingsvergunning ») pour l'emploi du demandeur auprès de l'Institut d'assurance des employés (« Uitvoeringsinstituut Werknemersverzekeringen », UWV). La demande est gratuite. Le permis est délivré dans les deux semaines suivant la demande. Les demandeurs sont autorisés à travailler 24 semaines par an.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Cette mesure nécessite de déroger aux dispositions législatives qui régissent le régime de l'autorisation de travail des demandeurs d'asile (article L. 554-1 du CESEDA).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Cette mesure répond à l'enjeu qui s'attache à la bonne et rapide intégration des personnes que la France doit protéger, sans renforcer le risque d'attractivité de notre territoire pour des demandes infondées, ce qui justifie de maintenir un régime d'autorisation de travail pour les personnes qui en relèvent.

Elle s'inspire notamment de l'expérience récente de l'accueil des personnes déplacées d'Ukraine bénéficiaire du statut ad hoc de « protection temporaire » (BPT) ayant permis de justifier un traitement spécifique distinct de celui des demandeurs d'asile et, en particulier, d'un accès accéléré au marché du travail 61 ( * ) , les entreprises souhaitant recruter des personnes déplacées d'Ukraine n'ayant pas à saisir préalablement une plateforme main d'oeuvre étrangère (MOE) 62 ( * ) , salué par l'ensemble des acteurs impliqués dans l'accueil de ces personnes en France 63 ( * ) .

Ces mesures contribuent par ailleurs à la lutte contre le travail dissimulé.

Pour l'année 2021, avec un taux de protection d'au moins 50%, le dispositif proposé aurait permis à plus de 14 500 demandeurs d'asile d'accéder au marché du travail dès l'introduction de leur demande d'asile, sans attendre un délai de six mois.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

La possibilité de confier à l'OFPRA l'identification des personnes en besoin manifeste de protection, en se fondant sur leur situation individuelle au regard de leur pays d'origine et de leur vulnérabilité personnelle, a été envisagée. Le cas échéant, c'est sur la base de cet examen individuel au cas par cas que l'accès au marché du travail aurait pu être autorisé par l'autorité préfectorale.

Cette identification au cas par cas aurait pu s'appuyer sur les dispositions de l'article L. 531-10 du CESEDA prévoyant que « l'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut statuer par priorité sur les demandes manifestement fondées ainsi que sur les demandes présentées par des personnes vulnérables identifiées comme ayant des besoins particuliers en matière d'accueil en application du chapitre II du titre II, ou comme nécessitant des modalités particulières d'examen ». Ainsi, le placement d'une demande d'asile en procédure prioritaire aurait permis à l'autorité administrative (préfet, ministre chargé de l'asile) de donner à l'intéressé un accès anticipé au marché du travail.

Toutefois, cette possibilité n'a pas été retenue, pour plusieurs raisons :

? Elle impliquait que l'OFPRA réalise un premier examen non pas sur le fond de la demande d'asile mais sur une probabilité d'accéder à la protection, ce qui aurait préempté sa décision sur l'octroi de l'asile ;

? Cela aurait nécessairement retardé la délivrance de l'autorisation et singulièrement complexifié la procédure, alors que l'objet de la mesure est précisément d'accélérer et de faciliter l'accès au marché du travail.

Ce cadre procédural n'est donc pas apparu compatible avec l'objectif poursuivi.

Une autre option consisterait à permettre l'accès immédiat au marché du travail de l'ensemble des demandeurs d'asile, sans distinction relative au taux de protection. Cette option est écartée au regard du risque d'attractivité de la demande d'asile infondée qu'elle présente. Il convient de rappeler qu'en 2021 environ 60% des demandeurs d'asile sont déboutés de leur demande d'asile en France (après recours devant la Cour nationale du droit d'asile) 64 ( * ) .

3.2. OPTION RETENUE

L'option retenue consiste à établir, par référence à un taux de protection moyen observé, une liste de pays dont les ressortissants pourront accéder au marché du travail au regard de la probabilité élevée d'un établissement durable en France, en vue d'y faciliter et accélérer leur intégration. Cette liste comportera donc les pays d'origine pour lesquels le taux de protection internationale accordée en France est supérieur à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat. Cette liste pourra être modifiée en cours d'année, en cas d'évolution rapide de la situation dans un pays d'origine, en vue de la compléter ou de suspendre une inscription. Ce dispositif est le seul qui permette de justifier objectivement une dérogation au principe d'un accès au marché du travail au bout de six mois, applicable aux demandeurs d'asile, tout en préservant l'effet utile de la mesure au regard de sa simplicité. Il concilie l'objectif de facilitation de l'intégration et de lutte contre l'attractivité de la demande d'asile infondée. Pour donner toute sa portée à cette mesure, les présentes dispositions modifient le CESEDA afin que le demandeur d'asile autorisé à travailler puisse bénéficier d'une formation linguistique visant à l'acquisition de la langue française telle que mise en oeuvre par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans un format adapté ainsi que des actions de formation professionnelle continue, des bilans de compétences, des actions permettant de valider les acquis d'expérience ou encore des actions de formation par apprentissage.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La présente mesure nécessite l'ajout d'un article L. 554-1-1 dans le CESEDA.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Cf. point 1.3 : le présent article est cohérent avec les engagements conventionnels et européens de la France.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Actuellement, les demandeurs d'asile ne peuvent accéder au marché du travail que six mois après l'introduction de leur demande d'asile. Ils doivent toutefois d'abord solliciter une autorisation de travail. Alors que la France connaît des difficultés de recrutement dans de nombreux secteurs (hébergement-restauration, commerce de détail, construction, secteur informatique et secteurs santé-social), cette mesure permettrait de répondre à certains besoins en main-d'oeuvre et consoliderait les orientations gouvernementales formalisées depuis octobre 2021 dans un « plan de réduction des tensions de recrutement » entré dans sa seconde phase depuis octobre 2022 65 ( * ).

Aujourd'hui, le délai d'accès au marché du travail est considéré comme un frein supplémentaire à l'intégration. Cette mesure facilite et accélère l'intégration et la formation professionnelle des demandeurs ayant vocation à se voir accorder une protection par l'OFPRA.

Pour l'année 2021, avec un taux de protection d'au moins 50%, le dispositif proposé aurait permis à plus de 14 500 demandeurs d'asile d'entamer les démarches visant à pourvoir un emploi dès l'introduction de leur demande d'asile.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

A ce jour, les métiers pour lesquels des autorisations de travail sont délivrées sont pour l'essentiel des métiers sous tension : travail dans les abattoirs, le secteur industriel, le bâtiment, la restauration, etc.

Cette mesure devrait favoriser et fluidifier le recrutement dans ces secteurs, au regard des profils des demandeurs concernés et conforterait les objectifs de la seconde phase du plan de réduction des tensions de recrutement, co-construit avec les entreprises 66 ( * ) .

L'apprentissage linguistique pour les demandeurs d'asile autorisés à travailler facilitera leur employabilité et plus globalement leur intégration au sein des entreprises.

Les demandeurs d'asile bénéficiaires de la mesure pourront solliciter des actions de formation professionnelle continue telles que prévues à l'article L. 6313-1 du code du travail et donc mobiliser le plan de développement des compétences proposé par l'employeur.

4.2.3. Impacts budgétaires

Les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, comprennent l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) versée à chaque demandeur d'asile, dès l'enregistrement de sa demande et jusqu'à la décision définitive de l'OFPRA ou la CNDA (excepté dans quelques cas particuliers de refus des conditions matérielles ou de retrait en cours de procédure). Le barème de l'allocation pour demandeur est fixé par l'annexe 8 mentionnée à l'article D. 553-10 du CESEDA. Ce barème prend en compte le nombre de personnes composant la famille du demandeur d'asile et accompagnant celui-ci. Son attribution étant soumise à des conditions de ressources, l'ADA n'est pas versée aux demandeurs bénéficiant de ressources supérieures au montant du revenu de solidarité active (RSA).

Ainsi, autoriser les demandeurs à travailler dès leur arrivée sur le territoire, dès lors que les ressources tirées de ce travail seront supérieures au montant du RSA, pourrait engendrer des économies sur le versement de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA). A titre indicatif, le montant total de l'ADA versée à une personne adulte isolée pendant six mois est de 1244€ (6,8€/jour). En utilisant un taux de protection de référence par l'OFPRA de 50% minimum, si on se réfère à l'année 2021, 13 314 demandeurs d'asile majeurs, hommes et femmes confondus, auraient pu bénéficier de cette mesure. Néanmoins, les économies d'ADA qui pourraient être réalisées dépendent de nombreux paramètres :

? Le nombre de demandeurs d'asile qui présenteront une demande et qui seront effectivement autorisés à travailler (entre le 1 er septembre 2021 et le 1 er septembre 2022, 354 demandeurs originaires de pays dont le taux de protection était supérieur à 50% en 2021 se sont vu délivrer une autorisation de travail) ;

? La composition familiale, qui définit le montant d'allocation versé à chaque demandeur ;

? L'employabilité des demandeurs éligibles et le délai de recrutement ;

? Le délai de traitement d'une demande d'autorisation de travail, qui est actuellement de 19,6 jours mais qui pourrait varier ;

? La nature de l'emploi (temps complet ou non) et le niveau de rémunération proposé,

Il n'est donc pas possible d'évaluer avec exactitude le montant de l'économie qui pourrait découler de la mesure proposée.

Si certains demandeurs d'asile ne sont pas en capacité d'occuper un emploi dès leur arrivée sur le territoire français, notamment en raison du manque de maîtrise de la langue, du manque de formation ou pour des questions d'équivalence des diplômes, cette mesure pourrait favoriser les demandes dans les secteurs en tension.

La mesure permet aux demandeurs concernés de bénéficier de la formation linguistique mentionnée au 2° de l'article L. 413-3 dans des conditions qui seront précisées par arrêté du ministre chargé de l'accueil et de l'intégration. Ces actions seront mobilisables sur la base du volontariat et resteront facultatives.

La mesure aura nécessairement un impact sur le budget de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dont l'ampleur dépendra du nombre de bénéficiaires concernés et du nombre d'heures de formation qui seront proposées, mais permettra de réduire la durée du parcours de formation obligatoire dans le cadre du Contrat d'intégration républicaine (CIR) après l'obtention du statut pour les demandeurs d'asile (DA) bénéficiant effectivement de la protection internationale (et donc une diminution des dépenses dans ce cadre, qui reste à estimer).

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Depuis avril 2021, les demandes d'autorisations de travail sont instruites et délivrées par les plateformes interrégionales de main d'oeuvre étrangère auprès desquelles les employeurs effectuent leurs demandes en ligne. La procédure de dépôt et d'instruction est entièrement dématérialisée.

Pour les ressortissants issus des neuf nationalités visées (Afghanistan, Afrique du Sud, Chine, Erythrée, Jamaïque, Soudan du Sud, Syrie, Turkménistan, Yémen), les plateformes de main d'oeuvre étrangère seront amenées à connaitre de demandes d'autorisation de travail dès dépôt de la demande d'asile à l'OFPRA par les demandeurs. A l'échelle la plus haute, cela concernant 8% des demandes d'autorisations de travail de demandeurs d'asile sur une année (sur une année 354 demandes ont été déposées pour des ressortissants demandeurs d'asile de ces nationalités), soit 0,1% de l'activité des plateformes. L'augmentation d'activité pour les PFMOE est très faible.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

Aujourd'hui, le délai d'accès au marché du travail est considéré comme un frein supplémentaire à l'intégration. Cette mesure facilite et accélère l'intégration des demandeurs ayant une forte probabilité d'obtenir une protection internationale, et leur permet d'accéder plus rapidement au marché des personnes actives.

La mesure devrait avoir un impact sur le nombre de demandes d'autorisation de travail. En conséquence, elle devrait donner lieu à un surcroît d'activité des plateformes interrégionales de main d'oeuvre étrangère. En utilisant un taux de protection de référence par l'OFPRA de 50% minimum, si on se réfère à l'année 2021, 13 443 demandeurs d'asile majeurs, hommes et femmes confondus, auraient pu bénéficier de cette mesure :

Depuis la mise en place des plateformes de traitement des autorisations de travail en ligne, les services ont eu à examiner 7 573 demandes d'autorisation. 7 263 demandes ont été instruites et 2 535 autorisations de travail (AT) délivrées à des demandeurs d'asile au plan national (35%).

Demandes déposées pour des DA

7 573

-

Demandes ayant fait l'objet d'une décision

7 263

95,9%

AT délivrées

2 535

34,9%

AT refusées

1 131

15,6%

Demandes clôturées 67 ( * )

3 597

49,5%

Les demandeurs d'asile qui accèdent au marché du travail sont en grande majorité des hommes (83%), qui ont formé 72% des demandes introduites par des majeurs à l'OFPRA en 2021.

Sur 2 535 autorisations de travail délivrées entre le 1 er septembre 2021 et le 1 er septembre 2022, 354 l'ont été à des demandeurs d'asile originaires de pays affichant des taux de protection supérieurs à 50%.

Pays de nationalité

Nombre d'autorisations de travail délivrées

Afghanistan

203

Soudan

98

Erythrée

47

Syrie

6

Afrique du Sud

0

Jamaïque

0

Turkménistan

0

Chine

0

Total

354

Concernant les contrats, 45% concernent des contrats à durée déterminée (CDD) et 17% des contrats de travail temporaire (CTT).

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Les femmes constituent un public vulnérable, touché par un taux d'emploi inférieur à celui des hommes alors que celles-ci présentent souvent des profils favorables à l'emploi, notamment au regard de leurs qualifications et expériences professionnelles antérieures. Leur accès plus précoce à la formation linguistique et professionnelle participera d'une meilleure employabilité, d'une plus grande autonomie socio professionnelle et par conséquent d'une meilleure intégration.

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.4. Impacts sur les professions réglementées

Cette disposition, qui permettra un accès accéléré à la formation linguistique et professionnelle et, le cas échéant, aux dispositifs de reconnaissance des compétences, permettra de rapprocher les besoins d'insertion professionnelle des étrangers, en particulier des demandeurs d'asile ayant une forte probabilité d'obtenir une protection internationale , et les besoins de recrutement des employeurs sur les secteurs en tension 68 ( * ) .

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Cette mesure devrait faciliter et accélérer l'intégration et l'entrée dans la vie active des demandeurs d'asile qui se verront, à terme, bénéficier d'une protection internationale à la suite d'une décision de l'OFPRA ou de la CNDA.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Sans objet.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Les principes de cette disposition ont été présentés aux associations nationales spécialisées en matière d'asile, à l'occasion de la concertation préalable à la présentation du projet de loi conduite par le Gouvernement à l'automne 2022.

Au regard du contenu de la mesure, il a été décidé, de saisir à titre facultatif la commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP). Elle a rendu son avis sur cet article le 12 janvier 2023.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions envisagées entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Le présent article s'applique en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

Toutefois, en application des articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions s'appliqueront en Outre-mer à compter d'une date fixée par décret en Conseil d'Etat ou, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Sans être explicitement mentionné dans la disposition, il est déjà prévu qu'un arrêté du ministre chargé de l'asile et du ministre chargé du travail fixe chaque année la liste des pays mentionnés au point 3.2.

Un décret fixera le seuil mentionné au point 3.2.

Un arrêté du ministre chargé de l'accueil et de l'intégration sera pris pour préciser le contenu et les modalités de la formation linguistique.

Article 5 : Conditionner le statut d'auto entrepreneur à la preuve de la régularité du séjour

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'auto-entreprise, créée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 relative à la modernisation de l'économie dans un objectif de simplification des démarches de création et de gestion d'une activité économique, est un régime simplifié du statut de l'entreprise individuelle qui relève du régime fiscal 69 ( * ) de la micro-entreprise (à ce titre, les auto-entrepreneurs sont notamment dispensés de la déclaration et du paiement de la TVA) et du régime micro-social pour le paiement des cotisations et contributions sociales. Les auto-entrepreneurs bénéficient en outre, au même titre que les autres travailleurs indépendants, d'une couverture sociale (ils sont rattachés à la CPAM pour l'assurance maladie et à l'Urssaf pour le recouvrement de leurs cotisations sociales) 70 ( * ) .

Le fondateur de l'auto-entreprise, nommé auto-entrepreneur, est un travailleur indépendant non salarié qui peut exercer en tant qu'artisan, commerçant ou libéral, et ce, à titre principal ou complémentaire en parallèle d'un statut de salarié, de retraité ou d'étudiant notamment.

En vertu de l'article L. 526-22 du code de commerce, toute personne physique majeure peut devenir entrepreneur individuel sous réserve de l'obligation d'immatriculation pour les commerçants au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers pour les artisans. A cette occasion, le ressortissant étranger doit produire un titre de séjour en cours de validité en application de l'annexe 1-1 du code de commerce et de l'arrêté du 29 novembre 2021 71 ( * ) .

Cependant, nonobstant cette condition de régularité du séjour, une part non évaluable des auto-entrepreneurs commerçants et artisans étrangers sont dépourvus de titre de séjour.

Cette situation est particulièrement visible pour les chauffeurs-livreurs exerçant sous le régime de l'auto-entreprenariat sur les plateformes dites « collaboratives ». Outre la création de comptes sur ces plateformes par des chauffeurs livreurs en situation irrégulière, ces entreprises ont constaté que des comptes sont sous-loués à des tiers, qui peuvent eux-aussi être en situation irrégulière.

Cette réalité est d'autant plus manifeste que sur les 1,57 million de comptes de micro-entrepreneurs fin juin 2019 72 ( * ) , le secteur du transport, et en particulier de la livraison, enregistre l'une des plus fortes hausses de création d'auto-entreprise. En effet, le nombre d'auto-entrepreneurs dans ce secteur a progressé de 80,6% en 2018, après une augmentation annuelle moyenne de 44% entre 2011 et 2017 73 ( * ) . A titre de comparaison, le nombre de créations de micro-entreprises a augmenté de 25,3% entre 2018 et 2019.

En conséquence, en mars 2022, les quatre principales plateformes de livraison de repas en France ont signé avec l'Etat une charte relative à la lutte contre la fraude et la sous-traitance, par laquelle elles s'engagent à renforcer les procédures de contrôle des documents mises en place et à harmoniser les standards de sécurité applicables au secteur. Un effort spécifique est fait en matière de contrôle de la validité des documents d'identité, ce qui constitue l'un des aspects de la vérification du droit au séjour.

En application de cette charte, Uber Eat a par exemple procédé à la désactivation de 2 500 comptes et envisage la suspension de 5 000 à 7 000 nouveaux comptes à l'issue de sa campagne de vérification des profils des livreurs 74 ( * ) .

En outre, les auto-entrepreneurs exerçant une activité professionnelle libérale ne sont aujourd'hui pas assujettis à l'obligation de justifier d'un titre de séjour en cours de validité lors de la création de leur entreprise, ce qui pourrait éventuellement accroitre la part de travailleurs étrangers irréguliers sur le territoire national. En effet, des professions peuvent être exercées en libéral sans être réglementées. De fait, il est donc possible que la régularité du séjour de l'entrepreneur étranger (hors UE) ne soit jamais vérifiée.

Par conséquent, prévoir à l'article L. 526-22 du code de commerce une condition générale de régularité du séjour pour l'accès au statut d'entrepreneur individuel permettrait de s'assurer que le fondateur de l'auto-entreprise est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité quelle que soit l'activité professionnelle exercée (commerciale, artisanale ou libérale).

L'ajout de la condition de la régularité du séjour pour accéder au statut d'auto-entrepreneur poursuit un double objectif :

? renforcer et étendre l'obligation de justifier d'un titre de séjour en cours de validité pour les ressortissants étrangers qui souhaitent exercer une activité professionnelle commerciale, artisanale ou libérale en qualité d'auto-entrepreneur ;

? consolider l'action publique en faveur de la lutte contre le développement de situations de forte précarité, voire d'exploitation, de la main d'oeuvre étrangère vulnérable en situation irrégulière.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La liberté d'entreprendre est reconnue comme un principe à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel 75 ( * ) . Elle implique le droit de créer et d'exercer librement une activité économique dans le domaine de son choix et comme on l'entend. Les restrictions à celle-ci sont possibles, mais à condition qu'elles ne soient pas disproportionnées au regard des objectifs d'intérêt général ou privé qu'elles entendent poursuivre.

Le respect de la législation nationale en matière de droit au séjour et la lutte contre l'immigration irrégulière, qui participe de l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public, justifie de conditionner la création d'une entreprise individuelle à la régularité du séjour du créateur.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le droit de l'Union européenne et les engagements internationaux de la France ne font pas obstacle à ce que l'accès au statut d'entrepreneur individuel soit encadré, et, notamment, conditionné à la régularité du séjour du créateur.

Par exemple, aux termes de l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, « la liberté d'entreprise est reconnue conformément au droit de l'Union et aux législations et pratiques nationales ». L'article 52 de cette même charte prévoit également que des « limitations à ce droit peuvent être apportées si elles sont nécessaires et répondent à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union, ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui ».

Conformément aux articles 79 et 80 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), l'Union européenne développe une politique commune de l'immigration visant à assurer, « à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les Etats membres, ainsi qu'une prévention de l'immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci ».

Limiter l'accès à la création d'une entreprise individuelle aux seules personnes en situation régulière peut contribuer à lutter contre l'immigration illégale. Dès lors, on peut considérer que cette limitation de la liberté d'entreprendre répond à un objectif d'intérêt général reconnu par le droit de l'Union européenne.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

L'obligation de justifier de sa régularité au séjour pour le ressortissant étranger qui souhaite bénéficier du statut d'auto-entrepreneur n'est prévue, par voie règlementaire, que pour les commerçants et industriels, ainsi que les artisans, lors de l'immatriculation de leur entreprise. Cette obligation prévue par la voie réglementaire est incomplète, en ce qu'elle ne vise que certaines possibilités d'accéder au statut d'auto-entrepreneur et elle ne se traduit pas par l'obligation générale de conditionner l'accès à ce statut à la détention d'un document de séjour autorisant l'étranger à accéder audit statut.

La détermination d'une telle obligation par voie législative, en modifiant les conditions d'accès au statut d'auto-entrepreneur prévues à l'article L. 526-22 du code de commerce, a vocation à l'étendre à l'ensemble des hypothèses d'entreprenariat, y compris celles qui ne sont pas soumises à une obligation d'immatriculation, ainsi qu'à renforcer sa portée afin d'en assurer le respect.

De plus, établir au niveau législatif la condition de la régularité du séjour ouvre la possibilité de consolider, à l'avenir, les politiques de contrôle de l'emploi illégal de main d'oeuvre étrangère dans le domaine de l'auto-entreprenariat. En effet, les règles relatives à l'entrée et au séjour des ressortissants de pays tiers sont prévues par le CESEDA. Pour autant, les textes législatifs actuels applicables aux auto-entrepreneurs permettent d'acquérir ce statut alors même que le droit au séjour n'est pas respecté. La condition de régularité du séjour est en théorie vérifiée à l'occasion de l'enregistrement au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire national des métiers. Toutefois, il est possible que certains chauffeurs livreurs créent des comptes sur les plateformes sans s'être conformés à cette obligation.

La mention de cette obligation dans le code de commerce fondera les services en charge de l'enregistrement des dossiers de demande d'accès au statut d'entrepreneur individuel à vérifier le droit au séjour.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Le niveau réglementaire n'est pas suffisant pour s'assurer que seuls des étrangers dont le document de séjour autorise l'accès à l'auto-entreprise puissent obtenir ce statut (cf. supra ).

L'option consistant à prévoir par la voie réglementaire, pour chacune des catégories d'auto-entreprise, a été écartée au double motifs qu'elle n'était pas lisible puisqu'elle impose l'intervention du pouvoir réglementaire sur les différentes catégories d'entreprise individuelle et qu'elle ne répondait pas au but poursuivi de créer une obligation générale.

Dans ces conditions, la modification de l'article L. 526-22 du code de commerce relatif au statut de l'entrepreneur individuel a paru être la solution la plus pertinente pour instaurer cette condition de régularité du séjour.

3.2. OPTION RETENUE

La création d'une obligation générale pour les ressortissants étrangers de pays tiers de justifier que le document de séjour en leur possession leur permet d'accéder au statut d'auto-entrepreneur implique la modification de l'article L. 526-22 du code de commerce.

Dès lors, le ressortissant étranger hors UE devra justifier au moment de sa déclaration de début de son activité commerciale, artisanale ou libérale sur le site de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), visée aux articles L. 123-33 et R. 123-1 du code de commerce, être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité qui l'autorise à exercer l'activité professionnelle liée au statut d'autoentrepreneur.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

A l'article L. 526-22 du code de commerce, est ajoutée l'obligation pour les ressortissants étrangers qui souhaitent exercer une activité professionnelle sous le statut d'auto-entrepreneur de justifier d'un titre de séjour en cours de validité.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Cette disposition est conforme au droit européen et international car l'obligation de régularité du séjour s'applique à tous les ressortissants étrangers hors UE, et ne fait donc pas obstacle à la liberté du commerce ou à la liberté d'aller et venir.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Les entreprises responsables des plateformes dites « collaboratives » dont le modèle économique repose notamment sur des travailleurs relevant du statut d'auto-entrepreneur 76 ( * ) , doivent poursuivre leur effort d'uniformisation et de développement des moyens de lutte contre le travail illégal.

A ce titre, la condition liée à la régularité du séjour de l'auto-entrepreneur étranger pourra dès lors constituer une cause de refus d'ouverture de compte ou de fermeture d'un compte en vue d'exercer une activité professionnelle.

4.2.3. Impacts budgétaires

La franchise en base de TVA dispense l'auto-entrepreneur de la déclaration et du paiement de cette taxe. Cette franchise est soumise à des seuils de chiffre d'affaires au-delà desquels l'auto-entreprise devient assujettie à la TVA. Par ailleurs, l'auto-entrepreneur est soumis à l'impôt sur le revenu.

L'évaluation des impacts budgétaires de cette mesure nécessiterait de pouvoir évaluer le nombre d'entrepreneurs individuels en situation irrégulière. Or, cette donnée n'est par définition pas connue.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La régularité du séjour du ressortissant étranger qui souhaite créer une auto-entreprise est vérifiée lors du dépôt de la déclaration de création ou de modification de l'activité professionnelle sur le guichet électronique des formalités des entreprises accessibles par internet sur le site de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Le bénéfice du statut d'auto-entrepreneur visé à l'article L. 526-22 du code de commerce est refusé s'il apparaît, lors de l'instruction de la déclaration dans les conditions prévues à l'article R. 123-4 du code de commerce, que le déclarant étranger est dépourvu de titre de séjour en cours de validité.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Le ressortissant étranger qui souhaite exercer une profession réglementée doit d'ores et déjà justifier de la régularité de son séjour pour obtenir l'autorisation d'exercice, et ce, quelle que soit la nature de l'activité. La disposition proposée ne limite donc pas l'accès à une profession réglementée ou à son exercice.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Cette disposition imposera aux particuliers ressortissants d'un pays hors Union européenne de justifier de la régularité de leur séjour en France pour pouvoir accéder au statut d'entrepreneur individuel.

L'impact de cette formalité supplémentaire sur la démarche sera très limité (une pièce justificative en plus à verser au dossier).

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée. Toutefois, ce point a été abordé dans le cadre des concertations menées par le ministère du travail avec les organisations professionnelles de salariés et d'employeurs.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République Française.

5.2.2. Application dans l'espace

Le texte s'applique à la France métropolitaine ainsi qu'aux collectivités d'Outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie.

Toutefois, en application des articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront en Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat ou, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication du projet de loi.

5.2.3. Textes d'application

Un décret d'application viendra modifier les modalités de vérification des dossiers de déclaration de création ou de modification de l'activité professionnelle exercée sous le régime de l'auto-entreprenariat afin d'y inclure la condition de régularité au séjour pour les ressortissants étrangers.

Articles 6 et 7 : Réformer les passeports « talent » et création d'une carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie »

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Créée par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France , la carte de séjour pluriannuelle « passeport talent » participe aux politiques d'attractivité de la France déployées en matière d'immigration professionnelle, en facilitant le séjour des ressortissants étrangers les plus qualifiés et de leur famille.

En vue d'attirer et de favoriser leur maintien sur le territoire français, une carte de séjour pluriannuelle (CSP) « passeport talent » d'une durée maximale de quatre ans est délivrée dès la première admission au séjour aux ressortissants étrangers qui justifient de qualifications ou d'une certaine expérience. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit dix catégories de passeports talent, présentées selon les six rubriques suivantes (correspondant aux sous-sections de la section 3 du chapitre 1 er du titre II du Livre IV du CESEDA) :

? salariés qualifiés : cette rubrique regroupe les passeports talent « salariés qualifiés » et « salariés entreprise innovante » (article L. 421-9 et L. 421-10), qui constitue historiquement une seule et même catégorie de passeport talent, le passeport talent « carte bleue européenne », (L. 421-11) et le passeport talent « salarié en mission » (L. 421-13) ;

? chercheurs : cette rubrique ne comporte que le passeport talent « chercheur » (L. 421-14) ;

? création d'entreprise et investissement : cette rubrique regroupe les passeports talent « création d'entreprise » (L. 421-16), « projet économique innovant » (L. 421-17) et « investissement économique en France » (L. 421-18) ;

? représentant légal d'un établissement établi en France : cette rubrique ne comporte que le passeport talent « représentant légal » (L. 421-19) ;

? professions artistique : cette rubrique ne comporte que le passeport talent « artiste-interprète » (L. 421-2) ;

? renommée internationale : cette rubrique ne comporte que le passeport talent « renommée internationale » (L. 421-21).

Cette carte de séjour « passeport talent » permet l'exercice d'une activité salariée sans solliciter d'autorisation de travail par son titulaire et s'accompagne d'un droit au séjour d'une durée équivalente pour les membres de sa famille (L. 421-22 et L. 421-23).

Néanmoins, il ressort des échanges avec les représentants de certaines entreprises, tel que le CINDEX, que l'appellation « passeport » conduit à un risque de confusion sur la nature du document délivré pour le public cible ainsi que pour les entreprises qui les recrutent.

Par conséquent, modifier la dénomination actuelle du dispositif pour privilégier l'appellation « talent » permet de lever toute ambiguïté sur la nature du document délivré.

De plus, l'existence de trois catégories distinctes pour la rubrique des passeports talent relatifs aux créations d'entreprise et investissements, à savoir « création d'entreprise » (L. 421-16), « projet économique innovant » (L. 421-17) et « investissement en France » (L. 421-18), pour l'obtention d'une carte de séjour « passeport talent » constituent une source de complexité pour les ressortissants étrangers porteurs d'un projet économique sur le territoire national. En effet, les décisions des préfectures et les demandes des partenaires institutionnels, tel que Business France, montrent que l'articulation des dispositifs, en particulier le passage du titre projet économique innovant vers celui de création d'entreprise, sont mal compris et nécessitent d'être simplifiés.

Par ailleurs, cette pluralité ne se justifie pas au regard du volume des titres délivrés sur ces motifs, tel que cela ressort des extractions de l'outil Analytics du programme ANEF (administration numérique pour les étrangers en France) à savoir :

? Création d'entreprise : en 2021, 70 titres ont été délivrés en première demande (45 en 2020) et 122 en renouvellement (64 en 2020) ;

? Projet économique innovant : en 2021, 56 titres ont été délivrés en première demande (48 en 2020) et 71 en renouvellement (56 en 2020) ;

? Investissement économique : en 2021, 30 titres ont été délivrés en première demande (17 en 2020) et 30 en renouvellement (16 en 2020).

A titre de comparaison, le passeport talent pour un emploi salarié (public hautement diplômé ou salarié d'une entreprise innovante) représente à lui seul  3 501 titres en 2021 et 3 065 en 2020 s'agissant des premières demandes; et 11 805 titres en 2021 et 6 253 en 2020 s'agissant des renouvellements 77 ( * ) .

Par ailleurs, alors qu'existe un réel besoin de recrutement de personnels médicaux et de la pharmacie (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens) dans les établissements médico-sociaux et de santé, toutes les opportunités pour rendre possible l'exercice de professionnels étrangers qualifiés ne peuvent actuellement être saisies, faute de titre de séjour répondant pleinement à la spécificité de ces situations tout en tenant compte des enjeux de vérification de l'aptitude de professionnels étrangers à exercer dans ce domaine.

Les titres de séjour « passeport talent » actuels ne répondent pas entièrement à la spécificité de leur situation, notamment s'agissant des conditions de rémunération qui apparaissent trop élevées au regard des salaires effectivement perçus par les professionnels de santé concernés. En effet, le titre de séjour « passeport talent - carte bleue européenne » 78 ( * ) fixe un seuil salarial à une fois et demi le salaire brut moyen de référence (soit 53 836 € brut annuel) tandis que le titre de séjour « passeport talent - salariés qualifiés » 79 ( * ) prévoit un seuil correspondant à deux fois le salaire minimum de croissance annuel (soit 40 295 € brut annuel).

Or, les praticiens diplômés hors Union Européenne (PADHUE) qui exercent dans le cadre des établissements public de santé ou médico-sociaux perçoivent au premier échelon 34 863 € brut annuel et au deuxième échelon 39 396 € brut annuel.

De plus, les ressortissants étrangers diplômés hors Union européenne ne peuvent accéder qu'à la carte de séjour « passeport talent - carte bleue européenne », le titre de séjour « passeport talent - salariés qualifiés » étant réservé aux talents étrangers titulaires d'un diplôme obtenu dans un établissement supérieur habilité au plan national ou figurant sur une liste fixée par décret.

S'agissant de la mise en place d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) de quatre ans à destination des professions médicales et de la pharmacie, ce dispositif pourrait concerner 2 000 PADHUE qui sont chaque année lauréats du concours des Epreuves de Vérification des Connaissances (EVC). Par ailleurs, parmi les PADHUE bénéficiant déjà du plein exercice et inscrits à l'Ordre de leur profession, certains ne disposent pas encore de la nationalité française. Le Conseil national de l'Ordre des Médecins estime à la moitié des 16 000 PADHUE inscrits, le nombre de professionnels médicaux qui pourraient bénéficier de la CSP de quatre ans.

Dans le cadre de l'organisation annuelle des EVC, un recensement des postes proposés à l'issue du concours pour la réalisation du parcours de consolidation des compétences (PCC) de deux ans est prévu. Le nombre de postes étant supérieur au nombre de lauréats, il en résulte un taux d'inadéquation et un nombre de postes non pourvus alors que le besoin en termes d'offre de soins a été mis en évidence. Dès lors, environ 400 professionnels PADHUE pourraient chaque année bénéficier d'une CSP de 13 mois. Ce dispositif pourrait bénéficier aux PADHUE n'ayant pas encore satisfait aux EVC, mais s'engageant à les passer, et qui occuperaient un emploi sur ces postes non pourvus par les EVC.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Néant.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La nouvelle dénomination des titres de séjour « passeport talent » en « talent » concerne l'ensemble des catégories de passeport talent, notamment les bénéficiaires des cartes de séjour « chercheur » et « carte bleue européenne » ainsi qu'aux membres de leur famille. A ce titre, ils relèvent de deux directives européennes :

? Directive du 12 octobre 2005 relative à une procédure d'admission spécifique des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique 80 ( * ) . Cette directive introduit une procédure spéciale d'entrée et de séjour des ressortissants de pays non membres de l'UE aux fins d'effectuer un projet de recherche dans l'UE pour une période de plus de trois mois. La procédure fait des organismes de recherche agréés des acteurs majeurs de la procédure d'immigration en leur conférant un rôle essentiel dans l'évaluation thématique du candidat et de son projet de recherche.

? Directive du 20 octobre 2021 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié , et abrogeant la directive 2009/50/CE du Conseil 81 ( * ) , en cours de transposition. Cette directive fixe les conditions d'entrée et de séjour ainsi que les droits des ressortissants de pays tiers hautement qualifiés et de leur famille :

- séjournant pendant plus de trois mois dans un État membre de l'Union européenne (UE) ;

- travaillant dans un État membre autre que celui qui leur a accordé en premier lieu une carte bleue européenne.

S'agissant plus particulièrement des passeports talent « carte bleue européenne », issue de la transposition de la directive 2009/50/CE, il peut être rappelé que les possibilités d'aménager la « carte bleue européenne » sont encadrées au niveau européen par la directive du 20 octobre 2021. Ainsi, l'adoption d'un seuil salarial dérogatoire spécifique pour les spécialistes des professions médicales est permise par l'article 5 §3 de la directive. Toutefois, celui-ci ne peut être inférieur à 80 % du seuil salarial général, soit 43 069 euros brut annuel. En outre, lors de la transposition de la directive de 2009, la France avait exclu formellement de souscrire à la dérogation concernant ce seuil salarial.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Les définitions et les concepts de ressortissants de pays tiers qualifiés et hautement qualifiés varient selon les États membres, dans la mesure où cela dépend des besoins du marché du travail national et d'autres critères nationaux. Par conséquent, les États membres ne disposent pas de définition concrète mais semblent plutôt mêler des définitions à des concepts et à certaines et exigences liées à la formation universitaire, au salaire et à la profession.

Les critères appliqués dans les États membres proviennent souvent de la Classification internationale type des professions (ISCO) de l'Organisation internationale du travail (OIT), dont les catégories « « qualifié » et « hautement qualifié » » correspondent aux postes de directeur, aux professions intellectuelles et scientifiques et aux professions intermédiaires (groupes 1 à 3) et de la Classification internationale type de l'éducation (CITE) de l'UNESCO, qui fournit une indication sur le niveau d'étude atteint par les personnes hautement qualifiées.

L'acquis communautaire a influencé les concepts utilisés par États membres en établissant des définitions communes des termes « emploi hautement qualifié » et « qualifications professionnelles élevées » lorsque les États membres ne disposaient pas de concept ou définition préalable. Les critères les plus fréquemment utilisés sont basés sur le niveau de formation et/ou de salaire 82 ( * ) .

Dans son étude relative aux parcours migratoires pour les start-ups et les entrepreneurs innovants dans l'Union européenne, le réseau européen des migrations 83 ( * ) indique que treize Etat membres de l'Union ont mis en place des dispositifs spécifiques d'admission au séjour pour les créateurs de start-up et les entrepreneurs innovants des pays tiers. Les conditions d'admission étaient variables, mais comprenaient généralement la présentation d'un business plan (onze Etats membres sur treize) et fréquemment la justification d'un certain niveau de qualification (cinq Etats membres sur treize).

En Allemagne, 32 000 médecins ont été formés en dehors de l'Union européenne. Toutefois, il n'existe pas de procédure unifiée, la compétence en matière de santé relevant de chaque Länder. Ainsi chacun dispose d'une autorité qui a la charge de reconnaître ou non l'équivalence des diplômes selon des critères qui lui sont propres. Toutefois, un site fédéral a été mis en place pour guider les médecins étrangers dans la procédure avec l'accès à un service téléphonique pour les accompagner dans leurs démarches.

Au Danemark, dans le cadre de la liste positive ( positivliste ), une liste établissant les professions manquant de main-d'oeuvre qualifiée dans le pays, les médecins de nationalité extra-européenne peuvent demander un permis de séjour et de travail danois. Pour obtenir une autorisation de travail danoise, les médecins étrangers européens et de pays tiers doivent adresser une demande à l'agence pour la sécurité des patients ( Styrelsen for Patientsikkerhed ), affiliée au Ministère de la Santé ( Sundhedsministeriet ), qui accorde ou non un permis de séjour et de travail. Contrairement aux médecins de l'UE/EEE, les médecins en provenance de pays tiers, dont la formation a été approuvée par l'agence pour la sécurité des patients, doivent ensuite passer plusieurs tests - dont un test de langue danoise et deux tests professionnels médicaux. Les médecins hors UE/EEE doivent attendre plusieurs années avant d'être autorisés à travailler au Danemark. Selon une enquête menée par le Médiateur parlementaire danois ( Folketingets Ombudsmand ), et publiée en février 2022, il faut environ trois ans entre le dépôt de la demande d'autorisation de travail d'un médecin d'un pays tiers et la décision de l'agence pour la sécurité des patients. L'étude montre que ce temps a largement augmenté au fil des années : en 2018, il était d'environ dix mois. L'agence pour la sécurité des patients a répondu au Médiateur parlementaire que ce long délai de traitement des dossiers est dû au fait que seulement 1,5 employés à temps plein est chargé du traitement des demandes.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Afin de renforcer la stratégie d'attractivité de la France, la lisibilité du dispositif « passeport talent » doit être améliorée. En effet, tant l'appellation actuelle que l'existence de trois cartes de séjour distinctes pour les porteurs de projet économique sont sources de complexité.

Ainsi par exemple, lors de son changement de statut de passeport talent « projet économique innovant » vers passeport talent « création d'entreprise » au moment du renouvellement de son titre, il arrive que le titulaire se voit refuser la délivrance de l'attestation reconnaissant le caractère réel et sérieux du projet de création d'entreprise par la Direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) au motif qu'« il n'y pas de projet de création d'entreprise », celle-ci étant déjà en activité depuis plusieurs mois. Or, la circulaire du 2 novembre 2016 84 ( * ) prévoit que si le bénéficiaire du passeport talent « projet économique innovant » a créé, au moment du renouvellement de son titre, son entreprise en lien avec le projet initial, il pourra se voir délivrer un passeport talent « création d'entreprise ». Pour autant, en application des articles L. 433-6 et R. 433-6 du CESEDA, le ressortissant étranger peut demander la délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour pluriannuelle sur un autre fondement que celui au titre duquel la carte de séjour dont il est le titulaire a été délivrée, sous réserve de remplir les conditions inhérentes au nouveau motif de séjour invoqué. Dès lors, à l'exception de la condition de détention d'un diplôme de niveau master, le ressortissant étranger sollicitant un changement de statut de passeport talent « projet économique innovant » vers passeport talent « création d'entreprise » doit justifier du caractère réel et sérieux de son projet de création d'entreprise au moyen d'un avis du ministère chargé de l'économie (articles L. 421-16 et R. 421-33 du CESEDA).

De plus, les cartes de séjour « passeport talent », dont les différentes catégories sont prévues par la loi, ne permettent pas de cibler les professionnels des professions médicales et de la pharmacie que la France souhaite attirer au regard de ses besoins en personnel médical.

Or, il apparaît que pour favoriser l'accès au séjour et au travail des professionnels de santé visés aux articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique, la création d'un titre de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » adapté aux caractéristiques de ces professions, en particulier en termes de niveau de rémunération, de diplôme et d'autorisation à exercer la médecine en France, est nécessaire.

La voie législative est indispensable pour créer un nouveau titre de séjour, a fortiori une carte « talent » qui accorde des avantages spécifiques (dérogation au droit commun du regroupement familial notamment).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les objectifs poursuivis sont de quatre ordres :

? Améliorer la compréhension des cartes de séjour pluriannuelle « passeport talent » en modifiant leur appellation.

? Renforcer l'attractivité de la carte de séjour pluriannuelle « passeport talent » pour les porteurs de projet en instaurant un titre unique. En effet, fusionner les cartes de séjour « passeport talent - projet économique innovant », « passeport talent - création d'entreprise » et « passeport talent - investissements en France » sous le titre « talent - porteur de projet » permet de tenir compte de la réalité du parcours des porteurs de projet sur le territoire national tout en assurant une plus grande lisibilité.

? Permettre aux professionnels médicaux et de la pharmacie à diplôme hors Union européenne, qui ne remplissent pas encore la condition de l'obtention du concours des Epreuves de Vérification des Connaissances (EVC), mais s'engagent à les passer, et remplissent par ailleurs les conditions nécessaires à l'obtention d'une attestation d'exercice provisoire, de venir exercer en France sans attendre, mais pour une durée limitée (CSP de 13 mois maximum). Cela permettrait à un vivier de praticiens, qui remplissent tous les critères mais se trouvent empêchés par cette seule exigence, de venir exercer en France. Ils s'engageraient par ailleurs à se présenter au concours des EVC au cours de l'année (s'ils n'obtiennent pas le concours, ils bénéficieraient d'une CSP de 13 mois supplémentaires, si l'autorisation d'exercice provisoire leur est bien renouvelée par l'autorité compétente). Ce dispositif n'a néanmoins pas vocation à reconstituer un stock de PADHUE ayant échoué aux EVC ;

? Créer davantage d'attractivité pour tous les PADHUE, qu'ils satisfassent ou non aux EVC, en leur faisant bénéficier du dispositif avantageux des CSP « Talent » 85 ( * ) , afin de répondre à nos besoins en matière de professionnels de santé. Le dispositif permettant de bénéficier d'une CSP allant jusqu'à quatre ans et du rapprochement familial, il s'avère particulièrement attractif pour les professionnels concernés.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

S'agissant de la modification de l'appellation de la carte de séjour « passeport talent », plusieurs dénominations ont été étudiées, notamment celle de « talent attractivité ».

En ce qui concerne la simplification et la rationalisation du dispositif, seule la fusion des trois passeports talent relavant de la rubrique « Création d'entreprise et investissement » a été envisagée. Cette solution est, en effet, apparue comme la solution la plus simple et la plus évidente au regard des difficultés remontées par les entreprises dans la compréhension de la distinction des trois catégories de passeport talent de cette rubrique.

Enfin, s'agissant de la création d'une carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie », l'option consistant à faire évoluer les cartes de séjour « passeport talent - carte bleue européenne » (L. 421-11 du CESEDA) et « passeport talent - salariés qualifiés » (L. 421-9 du CESEDA) pour faciliter leur accès aux professionnels de santé hautement qualifiés, a été envisagée.

L'adaptation des textes relatifs à ces deux cartes de séjour aux spécificités des professions de santé suppose d'abaisser la condition de rémunérations exigée. Cependant, la diminution de manière générale des seuils de rémunérations risquerait de revenir sur l'esprit de ces cartes de séjour, dédiées à un public très qualifié.

De plus, la mise en place d'un seuil salarial dérogatoire spécifique aux professionnels de santé apparaît également inadapté. En effet, les possibilités d'aménager la carte bleue européenne sont encadrées au niveau européen par la directive du 20 octobre 2021. Dès lors, si l'adoption d'un seuil salarial dérogatoire spécifique pour les spécialistes des professions médicales est permise par l'article 5 §3 de la directive précitée, celui-ci ne peut être inférieur à 80 % du seuil salarial général, soit 43 069 euros brut annuel.

De même, l'adaptation des conditions de délivrance du titre de séjour « passeport talent - salariés qualifiés » pour le rendre accessible aux professions médicales ou de la pharmacie (création d'un seuil de rémunération spécifique et ouverture aux ressortissants étrangers diplômés hors de l'Union européenne) risque de complexifier la lecture de ce dispositif.

3.2. OPTION RETENUE

S'agissant de la modification de l'appellation de la carte de séjour « passeport talent », le terme « talent » a finalement été retenu après que d'autres dénominations ont été étudiées.

En ce qui concerne la fusion sous un titre unique « talent - porteur de projet » les cartes de séjour délivrées aux motifs de la création d'entreprise, d'un projet économique innovant et d'un investissement en France (articles L. 421-16, L. 421-17 et L. 421-18 du CESEDA), ce choix participe à une rationalisation du nombre de catégories ouvrant droit au séjour. En effet, la création d'un titre unique paraît plus adaptée à la réalité socio-économique actuelle : un porteur de projet économique innovant est amené notamment à l'issue du programme d'incubation auquel il participe à fonder son entreprise, voire à procéder à un investissement économique dans cette entreprise. Unifier ces trois catégories permet au porteur de projet ou d'investissement de passer d'un motif à l'autre au gré de l'avancement de ses projets et ambitions sans que les impératifs tenant aux conditions de délivrance du titre viennent freiner l'activité. Cette réforme s'inscrit dans l'objectif d'améliorer la compréhension et la lisibilité du droit au séjour pour les talents étrangers.

Enfin, améliorer la lisibilité et l'attractivité du droit au séjour des professionnels de santé constitue un enjeu pour le secteur, auquel la création d'une nouvelle carte de séjour « talent - professions médicales et de la pharmacie », dédiée à ces professionnels et à leurs familles dès lors qu'ils sont recrutés par un établissement public ou privé à but non lucratif de santé ou médico-social est de nature à répondre.

Sont visés par cette mesure les étrangers exerçant, en tant que salariés, une profession correspondant à celles visées aux articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique, c'est-à-dire les médecins (quelle que soit leur spécialité), les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens. Le projet de loi renvoie au code de la santé publique pour désigner les professions visées par le dispositif, le ministre en charge de la Santé étant seul compétent pour déterminer les professions de santé et de pharmacie réglementées.

La création d'une carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » permet de fixer des conditions d'accès au séjour et de durée de validité adaptées aux spécificités des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens.

En effet, l'adoption d'une carte de séjour dédiée aux professions de santé permet de cibler des professionnels hautement qualifiés tout en tenant compte des spécificités du parcours des professionnels de santé étrangers diplômés hors Union européenne (PADHUE).

En ce sens, la délivrance de ce titre de séjour est expressément conditionnée à :

? un contrat de travail établi avec un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social d'une durée égale ou supérieure à un an ;

? une autorisation provisoire d'exercice délivrée par l'autorité compétente au regard du diplôme obtenu et du poste visé dans le contrat de travail lorsque le PADHUE n'a pas encore validé les épreuves de vérification des connaissances ;

? au respect d'un seuil de rémunération fixé par décret.

La carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » est d'une durée de treize mois pour les PADHUE n'ayant pas encore réussi les épreuves de vérification des connaissances (EVC). Le passeport-talent étant, par définition, un titre pluriannuel, il ne peut en effet être d'une durée inférieure à treize mois. Cette procédure permettant la délivrance d'une attestation provisoire d'exercice aux PADHUE avant passage des EVC s'inspire du dispositif prévu par l'article R. 4111-39.

Le ressortissant étranger qui aura réussi les épreuves de vérification des connaissances pourra obtenir en renouvellement une carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » d'une durée maximale de quatre ans, à l'instar des autres catégories de passeports talent. S'il n'a pas réussi, ou pas encore passé, les épreuves de vérification des connaissances, il pourra obtenir un renouvellement de son titre d'une durée de 13 mois maximum sous réserve de respecter les autres conditions de délivrance.

La carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » d'une durée maximale de quatre ans est également accessible, en première demande, aux PADHUE salariés qui ont réussi les épreuves de vérification des connaissances.

A l'instar des autres cartes de séjour « talent », ce titre permettra l'exercice de l'activité professionnelle ayant justifié sa délivrance.

Par ailleurs, les membres de famille du titulaire de la carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » bénéficieront d'un dispositif dérogatoire au regroupement familial. Ainsi, le conjoint marié et les enfants mineurs pourront venir en France en même temps que le bénéficiaire de la carte et obtenir un titre de séjour « talent - famille » d'une durée équivalente permettant d'exercer l'activité professionnelle de leur choix.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Dans toute la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile les mots « passeport talent » sont remplacés par le mot : « talent » afin de lever les ambiguïtés du dispositif à l'égard des talents étrangers et des entreprises.

Plus précisément, les articles L. 412-2, L. 412-4, L. 413-5, L. 414-8, L. 421-7, L.421-9 à L. 421-14, L. 421-19 à L. 421-23, L. 421-35, L. 422-10 à L. 422-13, L. 426-11, L. 426-18, L433-1, L. 444-2, L. 445-2 et L. 446-2 du livre IV de la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 5523-2 du code du travail sont modifiés. La modification vise à remplacer l'appellation « passeport talent » par « talent ».

L'article L. 421-8 du livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est modifié pour tenir compte de l'abrogation des articles L. 421-17 et L. 421-18.

L'article L. 421-16 de la section 3 du chapitre I du titre II du livre IV de la partie législative du CESEDA est modifié. La modification vise à fusionner sous un titre unique « talent - porteur de projet » les cartes de séjour « passeport talent - projet économique innovant », « passeport talent - création d'entreprise » et « passeport talent - investissements en France » dans un objectif de renforcement de l'attractivité du territoire français à l'égard des porteurs de projet économique.

Les articles L. 421-17 et L. 421-18 du CESEDA sont abrogés.

Pour favoriser l'accès au séjour et au travail des professionnels exerçant une profession médicale ou de la pharmacie hautement qualifiés amenés à exercer au sein d'un établissement public ou privé à but non lucratif de santé ou médico-social est créé l'article L. 421-13-1 inséré après l'article L. 421-13 à section 3 du chapitre I du titre II du livre IV de la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ailleurs, après l'article L. 4111-2 du code de la santé publique, est inséré un article L. 4111-2-1 et après l'article L. 4221-12, est inséré un article L. 4221-12-1. Ces articles précisent les conditions de délivrance d'une attestation permettant un exercice temporaire. En outre, les articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du même code sont modifiés pour prévoir l'autorité régionale compétente pour délivrer les autorisations d'exercer en France pour les personnes titulaires d'un diplôme étranger.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Ces dispositions sont cohérentes avec le droit de l'Union européenne et les engagements internationaux de la France.

Les modifications législatives apportées à la mention figurant sur les titres de séjour demeurent conformes aux directives.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Face aux besoins de santé croissants et à la démographie défavorable des professions médicales et de la pharmacie, différentes mesures ont été prises telles que la suppression du numerus clausus . Ces mesures mettront néanmoins du temps à produire leurs effets, l'horizon temporel de ces dernières étant fixé à 2030.

Dès lors, d'autres mesures complémentaires permettront de faire face aux besoins de ressources humaines du système de santé, telles que la création du passeport talent dédié aux professions de la médecine et de la pharmacie. Cette dernière permettra d'accroître le rayonnement de la France en offrant la possibilité à des PADHUE d'exercer au sein du système de santé français en bénéficiant d'une autorisation de travail de quatre ans (dans l'hypothèse où ils ont passé les épreuves de vérification des connaissances), et du rapprochement familial facilité. Ces deux mesures produiront un effet signal positif et devraient permettre une fidélisation de ces professionnels.

Plus spécifiquement, le conjoint du PADHUE pourra également bénéficier d'une autorisation de travail (et pas uniquement d'une autorisation de séjour), de même que les enfants du PADHUE.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Pour les établissements privés, l'augmentation du nombre de PADHUE recrutés pourrait entraîner une augmentation de la taxe « OFII » acquittée par l'employeur lors de l'embauche d'un salarié étranger en vertu de l'article L. 436-10 du CESEDA.

4.2.3. Impacts budgétaires

La création de la carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » pourrait permettre d'attirer davantage de professionnels médicaux et de la pharmacie. Dès lors, des augmentations du produit annuel de la taxe « OFII » 86 ( * ) acquittée par les employeurs lors de l'embauche d'un salarié étranger en vertu de l'article L. 436-10 du CESEDA ainsi que de la taxe perçue au titre du droit de timbre en vertu de l'article L. 436-1 du CESEDA pourraient être observées.

En revanche, si, malgré la création de la carte de séjour « talent - professions médicales et de la pharmacie », le nombre de professionnels de santé étranger hors UE reste stable, les recettes budgétaires ne devraient évoluer que marginalement. En effet, la taxe perçue au titre du droit de timbre en vertu de l'article L. 436-1 du CESEDA est identique pour les « passeports talents » et pour les cartes de séjour temporaire « travailleur temporaire ». Or, c'est actuellement ce titre de séjour qui est majoritairement délivré aux PADHUE. De même, les modalités de calcul de la taxe « OFII » ne dépendent pas du type de titre de séjour délivré mais du salaire et de la durée du contrat.

La création de la carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » n'aura donc un impact budgétaire, ou sur les coûts des entreprises, que si elle a pour corollaire une augmentation du nombre de professionnels de santé étrangers et diplômés hors UE recrutés.

Par ailleurs, compte-tenu de la démographie médicale dans les établissements de santé et médico-sociaux, la non-satisfaction des besoins en ressources humaines engendrerait non seulement une mise en péril de la continuité et de la permanence des soins dans certains territoires, mais aussi un surcoût important pour trouver des solutions alternatives en recourant à des praticiens intérimaires ou à des contrats autorisés par l'agence régionale de santé en cas de difficultés particulières de recrutement, lesquels bénéficient de conditions de rémunération dérogatoires (2° de l'article R. 6152-338 du code de la santé publique).

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La création du « passeport talent », pour les professions médicales et de la pharmacie, en facilitant le recrutement de personnels formés dans ses disciplines, permet à certains territoires de maintenir une offre de soins de proximité. Cette mesure favorise dès lors l'attractivité de certains territoires actuellement en tension en termes de ressources humaines et donc favorise l'égalité d'accès aux soins.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

L'examen de la demande de carte « talent-professions médicales et de la pharmacie » se fait dès la demande de visa de long séjour pour les ressortissants étrangers ne résident pas en France.

Pour les ressortissants étrangers déjà présents sur le territoire national, la carte « talent-professions médicales et de la pharmacie » est délivrée dans le cadre d'une procédure de changement de statut ou de renouvellement après le dépôt de la demande auprès de la préfecture territorialement compétente par le biais du télé-service ANEF-séjour (administration numérique pour les étrangers en France).

Une évolution de l'ANEF-séjour est à prévoir afin d'y intégrer la nouvelle carte « talent-professions médicales et de la pharmacie ». Une période transitoire durant laquelle les préfectures seront amenées à recevoir les dépôts de demandes par un autre canal (courrier, dépôt papier au guichet, courriel etc.) devra probablement être envisagée. Une telle évolution devrait être relativement aisée à absorber pour les services, car les autres catégories de passeport talent ont déjà basculé dans l'ANEF et sont donc demandées par voie dématérialisée.

Au préalable, les professionnels de santé diplômés hors Union européenne doivent solliciter auprès de l'autorité compétente désignée par décret une autorisation provisoire d'exercice, condition nécessaire à l'obtention de la carte « talent-professions médicales et de la pharmacie ».

Actuellement, une autorité administrative est compétente pour les PADHUE. Il s'agit du Centre national de gestion, en charge de l'organisation des épreuves de vérification des connaissances et de la prise de décision administrative s'agissant de l'autorisation d'exercice, par délégation du ministre en charge de la santé, décision pouvant nécessité l'organisation de commissions d'autorisation d'exercice. Toutefois, la mesure proposée aménage la possibilité que le pouvoir réglementaire vienne ultérieurement préciser la ou les autorités compétentes pour la délivrance de l'autorisation d'exercice.

Lors du renouvellement de la carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie », les professionnels de santé devront justifier de leur réussite aux épreuves de vérification des connaissances, et dans le cas contraire, d'une nouvelle autorisation provisoire d'exercice.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Cette mesure devrait renforcer l'attractivité d'un parcours professionnel au sein d'un établissement de santé ou médico-social en France pour les professionnels de santé étrangers.

En permettant aux PADHUE de bénéficier à la fois d'un rapprochement familial facilité et d'une autorisation de rester sur le territoire de quatre ans, cette mesure permet d'une part de faciliter l'intégration de personnels qualifiés, et d'autre part de renforcer l'attractivité des parcours professionnels au sein des établissements de santé ou médico-sociaux en France. Cette mesure contribue ainsi à réduire les inégalités d'accès aux soins dans notre pays et à améliorer la santé des français, notamment dans les territoires sous dotés.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

La création d'un titre de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » est destinée à favoriser l'accès au séjour et au travail des ressortissants étrangers exerçant une profession de santé réglementée, à savoir les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens visés aux articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique.

Afin de s'assurer du respect des conditions règlementaires d'exercice de la médecine en France, les ressortissants étrangers doivent justifier à l'appui de leur demande de titre de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » d'une autorisation provisoire d'exercice délivrée par l'autorité compétente. A ce titre, l'autorité vérifie que les compétences et la connaissance de la médecine, attestées par les diplômes produits par le ressortissant étranger, permettent son exercice dans les conditions prévues par le code de la santé publique.

De plus, lors de sa demande de renouvellement, le titulaire de la carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » doit justifier de sa réussite aux épreuves de vérification des connaissances prévues aux articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

L'appellation « passeport talent » conduit à un risque de confusion sur la nature du document délivré pour les étrangers qui en font la demande et pour les entreprises qui les recrutent. L'évolution de la dénomination actuelle pour ne retenir que le terme « talent » et supprimer celui « passeport » permettra de lever toute ambiguïté sur la nature du document délivré.

La fusion sous un titre unique « talent - porteur de projet » des cartes de séjour délivrées aux motifs de la création d'entreprise, d'un projet économique innovant et d'un investissement en France permettra d'améliorer la compréhension et la lisibilité du droit au séjour pour les talents étrangers concernés par cette catégorie. Il sera en outre plus simple de passer d'un motif à l'autre sans qu'un changement de statut ne soit nécessaire.

Enfin, la création d'une carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » permettra aux professionnels de santé et de la pharmacie souhaitant exercer en France de bénéficier d'un titre de séjour pluriannuel. Cet accès occasionnera également une simplification des procédures pour les membres de la famille du bénéficiaire (conjoint et enfants du couple entrés mineurs en France) qui pourront solliciter une carte de séjour talent « famille » d'une durée équivalente à celle du bénéficiaire de la carte « talent-professions médicales et de la pharmacie », sans passer par la procédure de regroupement familial, et qui permet d'exercer une activité professionnelle. Enfin, la demande de ce titre se fera en ligne sur le site de l'ANEF ce qui induira un allègement des démarches administratives pour les personnes sollicitant cette carte de séjour.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Les dispositions des présents articles ont fait l'objet d'un dialogue entre la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) et l'ensemble des ordres concernés ainsi qu'avec les syndicats de PADHUE.

Elles ne sont soumises à aucune consultation obligatoire et n'ont pas fait l'objet de consultations facultatives.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République Française.

5.2.2. Application dans l'espace

Le texte s'applique à la France métropolitaine ainsi qu'aux collectivités d'Outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie.

Toutefois, en application des articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront en Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat ou, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication du projet de loi.

5.2.3. Textes d'application

Un décret d'application viendra préciser le niveau de rémunération requis pour bénéficier de la nouvelle carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » ainsi que l'autorité compétente, les conditions d'octroi et la durée de validité pour l'autorisation provisoire d'exercice délivrée aux professionnels de santé.

Une instruction aux services complètera le dispositif pour préciser les modalités de mise en oeuvre des cartes de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie » et « talent - porteur de projet ».

CHAPITRE III - MIEUX PROTÉGER LES ÉTRANGERS CONTRE LES EMPLOYEURS ABUSIFS

Article 8 : Prévoir une amende administrative sanctionnant les employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Cadre juridique national relatif à l'emploi de ressortissant d'un pays tiers

Tout ressortissant d'un pays tiers (non ressortissant des États membres de l'Union européenne, de l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse) qui souhaite exercer une activité professionnelle salariée sur le territoire français est tenu de détenir une autorisation de travail pour l'emploi qu'il va occuper (article L. 5221-5 du code du travail). Ainsi, en 2022, 263 125 demandes d'autorisations de travail ont été déposées auprès des sept plateformes interrégionales de main d'oeuvre étrangère, dont 36 300 au profit d'étudiants. Sur ces 263 125 demandes, 3 797 ont abouti à un refus et 76 450 ont été clôturées.

Aussi, l'employeur a l'obligation de s'informer sur la nationalité de la personne qu'il embauche et de vérifier, dans le cas où il s'agit d'un étranger, s'il est titulaire d'un titre l'autorisant à travailler. S'il ne l'est pas, il appartient au futur employeur de faire la demande d'autorisation de travail en ligne. Si le salarié déclare détenir une autorisation de travail, dans ce cas, l'employeur doit vérifier que le salarié concerné possède une autorisation de travail en cours de validité.

L'article L. 8251-1 du code du travail interdit d'embaucher, de conserver à son service ou d'employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Il interdit également à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles mentionnées sur le titre l'autorisant à exercer une activité sur le territoire national.

Par ailleurs, conformément à l'article L. 8251-2 du code du travail, nul ne peut, directement ou indirectement, recourir sciemment aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler.

Les articles L. 8254-1, L. 8254-2 et L. 8254-3 permettent de responsabiliser le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre dès lors que ceux-ci font appel à un cocontractant pour la réalisation d'un travail ou d'une prestation ou d'une partie de celle-ci. Ainsi, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre ont une obligation de vigilance vis-à-vis de leur cocontractant, quant au respect par ce dernier, de la réglementation du code du travail, notamment les obligations au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. A ce titre, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre vérifient à la conclusion du contrat, puis tous les six mois jusqu'à la fin de l'exécution de celui-ci, que les salariés étrangers de leur cocontractant sont en règle vis à vis de la législation du travail. Par ailleurs, l'article L. 8254-3 du même code inclut dans cette obligation les particuliers qui concluent, pour leur usage personnel, un contrat d'un montant au moins égal à 5 000 euros hors taxe.

L'emploi d'un étranger non autorisé à travailler est une infraction constitutive de travail illégal (4° de l'article L. 8211-1 du code du travail) qui fait déjà l'objet de sanctions pénales et administratives.

Les sanctions pénales et administratives relatives à l'emploi d'étranger non autorisé à travailler sont les suivantes :

Infraction

Sanctions pénales

Sanctions administratives

Emploi d'un étranger sans titre de travail

(Exercice, recours)

article L. 8251-1

article L. 8251-2

article L. 8256-2

Peines principales pour les personnes physiques

? Cinq ans d'emprisonnement

? amende de 15 000 € (par étranger concerné)

si délit commis en bande organisée

? Dix ans d'emprisonnement

? amende de 75 000 € (par étranger concerné)

articles L. 8256-3, L. 8256-4,

L. 8256-5, L. 8256-6

Peines complémentaires pour les personnes physiques

? affichage, diffusion (le cas échéant sur le site internet du ministère du travail) ;

? confiscation des outils, machines, véhicules et produits ;

? interdiction d'exercer l'activité professionnelle pendant cinq ans au plus ;

? exclusion des marchés publics pendant cinq ans au plus ;

? interdiction des droits civiques, civils et de famille ;

? interdiction du territoire français pendant cinq ans au plus.

Peine principale pour les personnes morales

? amende de 75 000 €

articles L. 8256-7 et L. 8256-8

Peines complémentaires pour les personnes morales

? affichage, diffusion (le cas échéant sur le site internet du ministère du travail) ;

? fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus ;

? exclusion des marchés publics, définitive ou pour une durée de cinq ans au plus ;

? dissolution ;

? interdiction d'exercer l'activité ;

? placement sous surveillance judiciaire;

? confiscation des outils, machines, véhicules et produits ;

? interdiction de toute aide publique pour une durée de cinq ans au plus.

article L. 8272-1

? Refus des aides publiques à l'emploi et à la formation professionnelle aux personnes physiques et morales pour une durée de cinq ans au plus ;

? Remboursement des aides versées au cours de l'année précédente

Article L. 8272-2

? Fermeture temporaire d'un établissement avec, le cas échéant, la saisie conservatoire du matériel professionnel, pour une durée de trois mois au plus.

? Pour les activités exercées hors d'un établissement de l'entreprise (chantier de BTP ou de travaux agricoles, mise à disposition de main-d'oeuvre, prestation extérieure, prestation de services internationale, etc.), cette fermeture prend la forme d'un arrêt temporaire d'activité de l'entreprise.

article L. 8272-4

? Exclusion temporaire des contrats administratifs pour une durée de six mois au plus.

article L. 8253-1

? Paiement d'une contribution spéciale à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Pénalité administrative dont le montant de base est équivalent à 5 000 fois le taux du minimum garanti.

article L. 822-2 du CESEDA

? Paiement d'une contribution forfaitaire au Trésor public, représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, si ce salarié étranger est aussi démuni d'un titre de séjour.

Montant fixé par l' arrêté du 5 décembre 2006 :

- Afrique subsaharienne : 2 553 €

- Amériques : 3 266 €

- Asie du Sud-Est / Moyen-Orient : 2 309 €

- Caucase / Europe centrale : 2 398 €

- Maghreb : 2 124 €

L'article L. 823-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit par ailleurs une sanction pénale pour le délit connexe d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d'un étranger (cinq ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende).

1.1.2. La lutte contre le travail illégal est une priorité du Gouvernement

Les pouvoirs publics ont constamment affirmé la volonté de lutter contre toutes formes de fraudes et de pratiques abusives portant atteintes à l'ordre public, social et économique. Le travail illégal sous toutes ses formes est ainsi une priorité interministérielle comme en attestent le précédent plan national de lutte contre le travail illégal (PNLTI) qui couvrait la période 2019-2021, ainsi que les orientations du futur plan présentées le 11 mars 2022 par la ministre du travail aux partenaires sociaux lors d'un comité interministériel anti-fraude consacré à la lutte contre le travail illégal. La lutte contre le travail illégal est ainsi une priorité d'action pour l'ensemble des corps de contrôle compétents 87 ( * ) ainsi que pour les instances d'animation et de coordination.

Dans le cadre du nouveau dispositif de coordination interministérielle contre la fraude aux finances publiques, organisé autour de la mission interministérielle de coordination antifraude (MICAF), le groupe opérationnel national anti-fraude (GONAF) relatif à la lutte contre le travail illégal, piloté par la direction générale du travail et réunissant les directions d'administration centrale compétentes, a pour vocation de favoriser les échanges opérationnels d'informations et la définition de stratégies d'enquêtes en croisant les problématiques travail illégal et les problématiques fiscales et sécurité sociale. Décliné au niveau local, l'action coordonnée des services, notamment dans le cadre des comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF) 88 ( * ) permet notamment de mettre en oeuvre des actions ciblées dans les secteurs réputés propices à la fraude.

Au-delà des contrôles coordonnés, chaque corps de contrôle poursuit ses propres actions de lutte contre le travail illégal. Ainsi, la lutte contre le travail illégal est une priorité du plan national d'action (PNA) 2023-2025 du système d'inspection du travail.

Le travail illégal constitue un triple préjudice : pour les salariés dont les droits ne sont pas respectés, pour les entreprises qui respectent la loi et qui sont victimes d'une concurrence déloyale ainsi que pour la collectivité qui est privée des cotisations sociales et impôts qui lui sont dus.

1.1.3. Actions menées sur le terrain

Les infractions constitutives du travail illégal sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail dans la limite de leurs compétences respectives.

Les contrôles conjoints et coordonnés en matière de travail illégal sont en hausse constante. Par ailleurs, chaque corps de contrôle poursuit ses propres actions de lutte contre le travail illégal. Ainsi, la lutte contre le travail illégal est une priorité du plan national d'action du système d'inspection du travail. A ce titre, 49 516 interventions ont eu lieu en 2019, 38 706 en 2020 (baisse en raison de la crise sanitaire) et 43 383 en 2021.

L'infraction d'emploi d'un étranger non autorisé à travailler constitue la deuxième infraction de travail illégal la plus relevée par l'ensemble des corps de contrôle (14 % des procédures sur les années 2019 et 2020 89 ( * ) ). En 2020, cette infraction est essentiellement constatée dans les secteurs du bâtiment et travaux publics (36 %), de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration (19 %) et du commerce (12 %).

En pratique, le salarié étranger employé sans titre de travail est très souvent un salarié dissimulé, au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail. L'infraction d'emploi d'étrangers sans titre les autorisant à travailler s'accompagne également souvent de conditions de travail dégradées, de dissimulation totale ou partielle des heures de travail, du non-respect du salaire minimum et des règles relatives à la durée du travail. Dans les situations extrêmes, des infractions relevant de la traite des êtres humains peuvent être caractérisées.

Le présent article du projet de loi a pour objet de créer une nouvelle amende administrative infligée aux employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler ou aux maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre qui recourent sciemment à leur service. Cette nouvelle amende viendrait s'ajouter aux possibilités de sanctions pénales et administratives existantes et permettrait d'infliger une sanction plus rapidement aux auteurs du délit.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Conformément au principe de légalité des délits et des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) aux termes duquel « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée » les éléments constitutifs de l'infraction doivent être définis de façon précise et complète et la sanction doit être prévue par un texte.

Par ailleurs, conformément à cet article, « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Appliqué pour la première fois à des sanctions administratives par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 87- 237 DC du 30 décembre 1987 rendue à propos d'amendes fiscales, le principe de proportionnalité implique que la sanction infligée soit adaptée, au vu des circonstances propres à chaque espèce, à la gravité du manquement.

Aussi, le présent article du projet de loi précise que l'autorité administrative, pour déterminer si elle prononce une amende et, le cas échéant pour fixer le montant de cette dernière, prend en compte les circonstances du manquement, le comportement de son auteur (notamment sa bonne foi), ainsi que ses ressources et ses charges .

Enfin, il convient de souligner que selon une jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel, le principe à valeur constitutionnel « non bis in idem » selon lequel une même personne ne peut pas être punie deux fois pour les mêmes faits ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étend « à toute sanction ayant le caractère d'une punition . » Selon le juge constitutionnel , « il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. » 90 ( * )

En l'espèce, afin de respecter le principe « non bis in idem », le présent article du projet de loi prévoit expressément qu'en cas de cumul de l'amende administrative et d'une amende pénale, le montant global des amendes prononcées ne doit pas dépasser le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues. Il est également prévu que l'autorité administrative avise, sans délai, le procureur de la république de son intention de prononcer une amende.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La directive n° 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 fixe des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Cette directive prévoit notamment l'obligation pour les États membres d'interdire l'emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, les obligations incombant à l'employeur ainsi que la mise en oeuvre de sanctions financières, pénales et administratives. Les États membres demeurent toutefois libres d'adopter ou de maintenir des sanctions et des mesures plus sévères, et d'imposer des obligations plus strictes aux employeurs.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le nombre d'affaires portant sur des infractions d'emploi d'étranger orientées par les parquets est stable sur la période 2018 à 2020, entre 524 et 547 affaires. Le nombre d'affaires poursuivables suit la même tendance avec un nombre d'affaires variant entre 355 et 339 des années 2018 à 2020. En 2020, 303 affaires d'emploi d'étranger ont reçu une réponse pénale. Le taux de réponse pénale est de 89,4 % en 2020. Le taux d'alternatives aux poursuites s'élève à 78,2 %. Les rappels à la loi et les compositions pénales sont les deux alternatives les plus usitées (respectivement 48,9 % et 38,8 % des alternatives). Aussi, le taux de poursuites pénales pour emploi d'étranger est de 21,8 % en 2020. Les convocations par officier de police judiciaire représentent plus de la moitié des poursuites (53 %).

En pratique, en complément des sanctions d'ordre pénal, le recours aux sanctions administratives tend à se développer. A titre d'exemple, au titre de l'année 2021, 633 arrêtés préfectoraux de fermeture temporaire d'établissement (hors prestations de services internationales) ont été notifiés (contre 504 en 2020), soit une hausse de 26 % en un an. La fermeture préfectorale est toutefois une sanction très lourde pour les entreprises visées, qui peut dans certains cas mettre en danger la survie économique des entreprises et les emplois de ses salariés. Elle est donc réservée aux situations présentant une certaine gravité ou une répétition des faits ou si la proportion de salariés concernés le justifie.

Le système de sanctions pénales et administratives existant se révèle insuffisant pour garantir le respect total des interdictions frappant l'emploi d'étranger non autorisé à travailler.

Le présent article du projet de loi a pour objet de créer une nouvelle amende administrative infligée aux employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler ou aux maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre qui recours sciemment à leur service. Elle pourra être prononcée plus largement que les sanctions administratives existantes et plus rapidement qu'une sanction pénale. Cette amende s'inscrit dans une logique de gradation des sanctions. Elle s'appliquerait notamment dans les situations où l'infraction seraient constatées mais où les conditions ne sont pas rassemblées pour justifier le prononcé d'une fermeture administrative (aucun critère de gravité ou de répétition). Pour les situations les plus graves et sous réserve du respect du principe de proportionnalité des sanctions, cette amende pourrait se cumuler avec la fermeture administrative si celle-ci est prononcée, ainsi qu'avec une sanction pénale le cas échéant.

Afin de respecter le principe à valeur constitutionnelle « non bis in idem », s'il y a un cumul d'une amende administrative et d'une amende pénale à l'encontre d'une même personne, le montant global des amendes prononcées ne doit pas dépasser le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues. L'autorité administrative avisera le procureur de la République de son intention de prononcer une amende parallèlement à l'information délivrée à l'employeur.

Le renforcement des sanctions administratives nécessite l'intervention de la loi. Aussi, aucune option en dehors d'une telle intervention n'a été envisagée.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le projet d'article vise à renforcer l'arsenal de sanctions administratives mobilisables en cas d'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, afin de garantir le respect de cette interdiction et ainsi améliorer la lutte contre le travail illégal, en dissuadant les personnes physiques et morales de recourir à de la main d'oeuvre étrangère non autorisé à travailler ou de recourir aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler.

Par voie de conséquence, cette mesure devrait permettre d'améliorer la protection les salariés étrangers dont tous les droits ne sont aujourd'hui pas reconnus.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Option non retenue de la possibilité pour l'autorité administrative de prononcer un avertissement avant le prononcé de l'amende administrative

Sur le modèle de l'article L. 8115-1 du code du travail, il a été étudié la possibilité pour l'autorité administrative de prononcer alternativement soit un avertissement, soit une amende administrative.

Cette option a été écartée dans la mesure où la nouvelle sanction créée s'inscrit déjà dans une logique de gradation des sanctions et a vocation à constituer la sanction administrative de premier niveau, mobilisable quelle que soit la gravité du manquement et y compris en l'absence de réitération des faits.

Option non retenue de la création d'une amende administrative alternative aux poursuites pénales

Sur le modèle de l'article de l'article L. 8115-1 du code du travail, il a été étudié la possibilité de créer une amende administrative qui ne pourrait être prononcée que sous réserve de l'absence de poursuites pénales.

Cette option a été écartée dans la mesure où cela n'apparaissait juridiquement pas nécessaire et où cela risquait de ralentir la prise de la décision administrative, laquelle revêt un intérêt notamment grâce à la rapidité de mise en oeuvre qu'elle permet. De surcroît, le délit d'emploi d'un étranger non autorisé à travailler est une infraction de travail illégal qui porte atteinte à l'ordre public, social et économique et qui est réprimée par de sévères sanctions pénales. Toute option qui pourrait avoir pour conséquence de diminuer le nombre de poursuites pénales doit donc être écartée.

3.2. OPTION RETENUE

Le présent article du projet de loi a pour objet de créer une nouvelle amende administrative infligée aux employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler ou aux maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre qui recourent sciemment à leur service. Cette amende pourrait se cumuler avec les sanctions pénales et administratives existantes et s'appliquerait autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés par le manquement.

En cohérence avec les autres sanctions administratives existantes (fermeture administrative et exclusion des contrats administratifs), la sanction pourrait être prononcée par décision motivée de l'autorité administrative compétente sur la base d'un procès-verbal ou d'un rapport établi par un agent de contrôle compétent en matière de lutte contre le travail illégal 91 ( * ) .

Elle s'inscrirait dans une logique de gradation des sanctions, en s'appliquant notamment dans les situations où cette infraction est caractérisée mais où les conditions ne sont pas rassemblées pour justifier le prononcé des autres sanctions administratives existantes (absence de gravité ou de réitération des faits).

En cohérence avec les amendes prononcées sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail ou en matière de formalités préalables au détachement, le montant maximum de l'amende serait fixé à 4 000 euros par salarié concerné. Ce montant serait porté au double, soit 8 000 euros par salarié, en cas de nouveau manquement dans un délai de deux ans.

Afin de respecter le principe à valeur constitutionnelle « non bis in idem », s'il y a un cumul d'une amende administrative et d'une amende pénale à l'encontre d'une même personne, le montant global des amendes prononcées ne doit pas dépasser le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues. L'autorité administrative avisera le procureur de la République de son intention de prononcer une amende parallèlement à l'information délivrée à l'employeur.

L'amende administrative pourra faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif, à l'exclusion de tout recours hiérarchique.

Afin de mettre en place cette amende, le présent article du projet de loi crée un nouvel article L. 8272-1-1 au sein du code du travail.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La création d'une nouvelle sanction administrative en cas d'emploi d'un étranger non autorisé à travailler ne modifiera pas les articles relatifs aux sanctions administratives et pénales existantes. Aucun texte de niveau législatif ne doit donc être abrogé ni modifié.

Afin de mettre en place cette amende, il convient de créer, après l'article L. 8272-5 du code du travail, un nouvel article L. 8272-6.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Les dispositions proposées s'articulent sans difficulté avec le droit de l'Union européenne. En effet, conformément à la directive n° 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 susmentionnée, les États membres demeurent libres d'adopter des sanctions plus sévères que celles prévues par la directive. Le présent article du projet de loi est cohérent avec l'esprit de la directive en ce qu'il permet de lutter contre la possibilité de trouver du travail sans détenir le statut juridique requis et contribue ainsi à la lutte contre l'immigration illégale et le séjour irrégulier au sein de l'Union européenne.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Au niveau national, le renforcement des sanctions administratives en cas d'emploi d'un étranger non autorisé à travailler devrait avoir un impact sur le rétablissement de conditions de concurrence plus équitables entre les entreprises et sur le marché du travail.

L'emploi d'étrangers non autorisés à travailler crée une concurrence déloyale dont sont victimes les entreprises vertueuses qui respectent la législation. En effet, elle procure un avantage compétitif significatif aux entreprises qui utilise des ressortissants étrangers en situation irrégulière et ne respectent pas la législation du travail (exemples : rémunération inférieure aux minimum légal et conventionnel ; non-respect des dispositions relatives à la durée du travail ; travail dissimulé afin d'éluder le versement des cotisations salariales et patronales ; etc.).

Cette concurrence déloyale 92 ( * ) affecte les entreprises qui exercent leur activité en toute légalité et menace leur pérennité. Elles perdent des parts de marché parce que leurs concurrents, en ne respectant pas la législation, tirent profit du faible coût salarial que leur procure la main d'oeuvre étrangère illégale et parfois non déclarée auprès des organismes sociaux.

Par ailleurs, le renforcement des sanctions administratives en cas d'emploi d'un étranger non autorisé à travailler devrait inciter les employeurs à favoriser l'embauche des ressortissants étrangers en situation régulière.

A noter toutefois que les secteurs d'activités les plus concernés par l'emploi d'étrangers sans titre sont le secteur du bâtiment et des travaux publics et ceux de l'hôtellerie, des cafés et des restaurants. Ces secteurs connaissent des difficultés de recrutement que le recours à la main d'oeuvre irrégulière peut permettre de pallier.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Les dispositions envisagées auront un impact sur les entreprises fraudeuses qui emploient un étranger non muni d'un titre l'autorisant à travailler ou qui recourent sciemment aux services d'un employeur en employant. Elles n'auront aucune incidence financière en cas de respect de la réglementation. Comme indiqué au point précédent, elles concourront à établir une concurrence loyale entre entreprises vertueuses.

Il n'est pas possible d'évaluer le montant moyen des amendes qui seront prononcées dans la mesure où l'autorité administrative appréciera, au cas par cas, les circonstances du manquement, le comportement de son auteur (notamment sa bonne foi), ainsi que ses ressources et ses charges.

4.2.3. Impacts budgétaires

S'agissant de l'impact budgétaire, une augmentation des recettes est attendues eu égard à la perception des nouvelles amendes administratives.

Il n'est toutefois pas possible de chiffrer cette augmentation. En effet, il n'est pas possible d'évaluer ni le nombre d'amendes qui seront prononcées, dans la mesure où l'autorité administrative appréciera l'opportunité, au cas par cas, de recourir à une telle sanction, ni le montant moyen de ces amendes puisque celui-ci sera décidé par l'autorité administrative en prenant en compte les circonstances du manquement, le comportement de son auteur (notamment sa bonne foi), ainsi que ses ressources et ses charges.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Sans objet.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Afin de caractériser l'existence d'une infraction à la législation relative à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, les services de contrôle devront s'assurer de l'existence d'une relation de travail entre l'étranger et la personne, physique ou morale, qui l'emploie. Outre les documents transmis par l'étranger dans le cadre d'une éventuelle demande de régularisation de sa situation, des contrôles sur site, par les corps compétents, pourront être réalisés afin de constater de façon solide la réalité de la relation de travail, d'écarter le risque de fraude de la part d'un salarié et de démontrer l'élément intentionnel du délit, à savoir l'intention de l'employeur d'employer un étranger sans titre. De même, ces contrôles permettront de démontrer le fait qu'un donneur d'ordre ou un maître d'ouvrage recours sciemment au service d'un employeur employant un étranger non autorisé à travailler. Cette charge pèsera sur l'ensemble des corps de contrôle compétents en matière de lutte contre le travail illégal 93 ( * ) . Dans la mesure où ces contrôles devront être réalisés à effectif constant, ils le seront au détriment d'inspections portant sur d'autres thématiques.

De même, les services de l'autorité compétente pour prononcer l'amende administrative devront réorganiser leur charge de travail afin de permettre la formation des agents ainsi que l'instruction des dossiers. La durée moyenne d'instruction d'un dossier pour un ETP est évaluée à 1,5 jours. A effectif constant, cela aura un impact significatif sur la possibilité de traiter les autres dossiers de sanctions administratives.

En outre, parmi les corps habilités à réaliser des contrôles, la mobilisation des agents de contrôle de l'inspection du travail devra s'organiser dans le respect des dispositions des conventions internationales de l'OIT.

L'instruction, le traitement de la procédure contradictoire et le recouvrement de l'amende administrative sont de nouvelles missions. Au regard de la technicité des dossiers à étudier et des procédures à conduire, la procédure d'amende administrative nécessitera l'engagement de cadres A.

Plus en détail, la procédure de contrôle des employeurs concernés supposera l'organisation régulière de réunions en comité opérationnel anti-fraude (CODAF) restreint. Le service contrôleur désigné (en particulier, inspection du travail, police et gendarmerie nationales) devra se rendre sur place et rédiger un PV qui sera transmis à la préfecture.

Il n'est pas possible d'évaluer a priori le nombre d'amendes qui seront prononcées dans la mesure où l'autorité administrative appréciera l'opportunité, au cas par cas, de recourir à une telle sanction. Toutefois, la procédure administrative nécessitera une procédure contradictoire précédée d'une instruction, la rédaction d'un courrier informant l'employeur et l'invitant à faire valoir ses observations dans un délai de 15 jours. A sa demande, l'employeur pourra, de droit, accéder à son dossier administratif et présenter ses observations écrites, orales ou celles de son conseil. A l'issue, une sanction proportionnée à sa situation et à la gravité des faits sera notifiée. On estime le temps de travail à une demi-journée par procédure à la charge d'un agent de catégorie A.

Un risque de recours contentieux significatif des employeurs contre les amendes administratives prononcées est identifié. Le traitement de ces contentieux portés devant le juge administratif nécessitera un examen approfondi des constats réalisés dans des délais légalement contraints et courts. La gestion de ces contentieux aura un impact sur le plan organisationnel des services déconcentrés (pour les contentieux en premier instance et en appel) et, dans une moindre mesure, de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et des Outre-mer (DLPAJ pour les contentieux en cassation). La prise en charge du contentieux (rédaction d'un mémoire en défense, éventuellement présence à l'audience au tribunal administratif) est estimé a minima à une demi-journée par procédure à la charge d'un agent de catégorie A.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Sans objet.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Sans objet ;

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Sans objet.

4.5.4. Impacts sur les professions réglementées

Sans objet.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les particuliers sont susceptibles de voir la nouvelle sanction administrative être prononcée à leur encontre en leur qualité de particuliers employeurs (notamment pour l'emploi de salariés à domicile). Les nouvelles dispositions n'auront aucune incidence financière en cas de respect de la réglementation.

Par ailleurs, en proposant la création d'une nouvelle sanction à l'encontre des employeurs d'étranger non autorisé à travail, le présent article du projet de loi contribue à préserver les droits sociaux des travailleurs étrangers en situation irrégulière.

En effet, l'emploi de ressortissants étrangers non autorisés à travailler est une infraction souvent commise en concomitance avec celle du travail dissimulé par dissimulation de salariés. Dans ces situations, la protection sociale liée au statut de salarié déclaré ne peut s'appliquer sur ces ressortissants étrangers en situation irrégulière souvent victimes d'atteinte aux droits essentiels des travailleurs au regard de leurs conditions de travail, de leur rémunération et de leur protection sociale.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Sans objet.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La consultation du comité social d'administration de réseau des préfectures est facultative. En effet, le 1° de l'article 48 du décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020 n'imposant la consultation des CSA sur les projets de textes relatifs au fonctionnement et à l'organisation des services que s'ils sont réglementaires. La prochaine réunion de ce CSA étant prévue en mars, le Gouvernement a toutefois décidé de renoncer à cette consultation.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions du présent article entreront en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat.

5.2.2. Application dans l'espace

Le code du travail a un champ d'application géographique qui comprend la métropole, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon (article L. 1521-1 du code du travail).

Conformément à l'article 73 de la Constitution, les lois sont applicables de plein droit dans les départements et les régions d'Outre-mer. Le présent article du projet de loi s'appliquera donc sans mesure d'adaptation sur le territoire de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion et de Mayotte.

Le régime d'application des lois et règlements à Saint Martin, Saint Barthélemy et Saint Pierre et Miquelon est fondé sur le principe de l'identité législative, assortie d'exceptions. Les articles L.O. 6213-1, 6313-1 et 6413-1 du code général des collectivités territoriales rendent en effet les lois et règlements applicables de plein droit dans ces collectivités, sauf s'ils interviennent dans des matières relevant de leur compétence normative, ou pour Saint Martin et Saint Barthélemy, s'ils concernent les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi qu'au droit d'asile. Le droit du travail ne relevant pas des compétences normatives de ces collectivités, le présent article y sera applicable, sans qu'il soit besoin d'y ajouter une mention particulière d'applicabilité.

Les autres territoires ultra-marins français (Terres australes et antarctiques françaises, Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française) disposent d'un code du travail spécifique qui contient des mesures particulières qui se substituent à celles du code du travail « métropolitain ». Le présent article ne s'y appliquera pas.

Toutefois, en application des articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront en Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat ou, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication du projet de loi.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les modalités d'application du nouvel article L. 8272-1-1 du code du travail ainsi que les conditions de sa mise en oeuvre. Il précisera notamment l'autorité compétente pour prononcer la nouvelle sanction administrative ainsi que la procédure mise en place afin de respecter le principe du contradictoire.

TITRE II - AMÉLIORER LE DISPOSITIF D'ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS REPRÉSENTANT UNE MENACE GRAVE POUR L'ORDRE PUBLIC

CHAPITRE I ER - RENDRE POSSIBLE L'ÉLOIGNEMENT D'ÉTRANGERS CONSTITUANT UNE MENACE GRAVE POUR L'ORDRE PUBLIC

Article 9 : Assouplir la protection quasi-absolue pour permettre l'expulsion d'étrangers en situation régulière ayant commis des infractions graves et extension des peines d'interdiction du territoire français

1. ÉTAT DES LIEUX

La dernière réforme notable du droit de l'expulsion remonte à 2003. La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a créé une protection renforcée contre l'expulsion au bénéfice de certaines catégories d'étrangers. Les modifications ultérieures n'ont fait évoluer les conditions du prononcé d'une mesure d'expulsion que de façon marginale :

? la loi n° 2004-735 du 26 juillet 2004 relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 a modifié l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (actuel article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - CESEDA) pour rendre possible l'expulsion en cas de comportement constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes quel qu'en soit le motif, et non pas uniquement « à raison de l'origine ou de la religion des personnes » comme le prévoyait la rédaction issue de la loi du 26 novembre 2003 ;

? la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a rendu plus stricts les critères pour bénéficier de la protection en qualité de conjoint de Français, faisant passer de deux à trois ans l'ancienneté de mariage requise pour la protection prévue à l'actuel article L. 631-2 2° du CESEDA (en cohérence avec l'évolution de la condition d'obtention d'une carte de résident à ce titre prévue par cette même loi) et de 3 à 4 ans celle prévue à l'actuel article L. 631-3 3° du CESEDA, et en exigeant que la communauté de vie n'ait pas cessé « depuis le mariage ». Elle a, en outre, supprimé à l'actuel article L. 631-2 du CESEDA la protection qui concernait l'étranger justifiant résider habituellement en France depuis plus de quinze ans ;

? la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a modifié l'article L. 521-2 du CESEDA (actuel article L. 631-2) afin de rendre inapplicable aux citoyens de l'Union européenne résidant en France depuis plus de dix ans les dispositions permettant d'exclure du bénéfice de la protection relative les étrangers condamnés à une peine d'emprisonnement ferme d'au moins cinq ans. Cette loi a également ajouté, au sein du même code, un article L. 521-5 (actuel article L. 252-1) disposant que les mesures d'expulsion peuvent être prises à l'encontre des citoyens de l'Union européenne et des membres de leur famille si leur comportement personnel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société et précisant que l'autorité administrative tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation. Cette modification faisait suite à une demande formulée par la Commission européenne dans le cadre du suivi de la transposition de la directive 2004-38 CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres.

? Enfin les critères de la protection liée à l'état de santé (prévue au 5° de l'actuel article L. 631-3 du CESEDA) ont évolué à plusieurs reprises en cohérence avec la modification de la rédaction de l'article prévoyant la délivrance d'une carte de séjour à ce titre.

Par ailleurs, de nouvelles dispositions ont été introduites dans le CESEDA afin de faciliter la mise en oeuvre des procédures d'expulsion et la mise à exécution des mesures. Ainsi notamment, la loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme a encadré les délais dans lesquels la commission d'expulsion doit émettre son avis préalable au prononcé de la mesure d'expulsion. La loi n° 2011-267 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 a renforcé le régime d'assignation à résidence des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'expulsion ne pouvant être temporairement éloignés du territoire, notamment en permettant aux forces de l'ordre d'escorter jusqu'au lieu de l'assignation un étranger qui présente une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public et en instaurant une sanction pénale en cas de manquement aux obligations périodiques de pointage. La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, l'intégration et la nationalité a permis de prolonger jusqu'à six mois maximum, la rétention administrative des étrangers en instance d'éloignement faisant l'objet d'une mesure d'expulsion prononcée à leur encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste. La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a introduit la possibilité pour l'autorité administrative de demander au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les forces de l'ordre pour qu'elles se rendent domicile de l'étranger afin de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n'est pas possible immédiatement, de le placer en rétention administrative.

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Pour les mesures d'expulsion :

L'expulsion est une mesure de police administrative qui permet d'éloigner durablement du territoire national un ressortissant étranger, qu'il soit ou non en situation régulière au regard du droit au séjour, dès lors qu'il menace gravement l'ordre et la sécurité publics.

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit, à ses articles L. 631-1 et suivants, les situations dans lesquelles l'autorité administrative peut procéder à l'expulsion d'un étranger, en fonction de l'éventuelle protection dont il bénéficie.

Ainsi, lorsque le ressortissant étranger ne bénéficie d'aucune protection, il peut être expulsé lorsque sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public (L. 631-1 du CESEDA). En revanche, le CESEDA exige des motifs d'une gravité croissante pour permettre de surmonter la protection contre l'expulsion garantie à certaines catégories d'étrangers en fonction de leur situation personnelle et de leurs attaches avec la France.

Ainsi :

? L'expulsion doit constituer une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique (L. 631-2 du CESEDA) pour être applicable aux étrangers relevant de l'une des catégories suivantes : conjoint d'un ressortissant français depuis au moins trois ans, parent d'un enfant français mineur, justifiant d'une résidence régulière en France depuis plus de dix ans ou titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français avec un taux d'incapacité permanente égal ou supérieur à 20 % ;

? Le comportement de l'étranger doit être de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou être lié à des activités à caractère terroriste, ou constituer des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes (L. 631-3 du CESEDA), pour permettre l'expulsion des étrangers relevant des cinq catégories suivantes : résidant habituellement en France depuis au plus l'âge de 13 ans, résidant régulièrement depuis plus de 20 ans, conjoint d'un ressortissant français depuis plus de quatre ans ou parent d'enfant français, résidant régulièrement depuis plus de 10 ans, état de santé nécessitant des soins non accessibles dans le pays d'origine.

Les articles L. 252-1 et L. 252-2 du CESEDA prévoient par ailleurs des conditions spécifiques pour les citoyens de l'Union européenne, les ressortissants des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen et de la Confédération Suisse ainsi que pour les membres de leur famille.

Le cadre juridique reposant sur un système de protection à deux niveaux est issu de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité (MISEFEN) (réforme dite de la « double peine »).

Si le régime de l'expulsion prévoyait déjà depuis de nombreuses années des critères plus stricts pour expulser certaines catégories d'étrangers justifiant d'attaches particulières avec la France, le législateur avait souhaité, dans le cadre de cette loi, renforcer encore ce système de protection en instaurant un cadre particulièrement restrictif pour l'expulsion de cinq catégories d'étrangers.

Il a ainsi décidé que seuls trois types de comportement spécifiques permettraient désormais de lever la protection contre l'expulsion conférées à ces derniers :

? comportement de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État ;

? comportement lié à des activités à caractère terroriste ;

? comportement constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes.

Dans son appréciation de la menace, l'autorité administrative (le ministre de l'intérieur pour les personnes bénéficiant d'une protection ou en cas d'urgence absolue, le préfet de département dans les autres cas) doit prendre en compte le comportement de l'étranger dans son ensemble. Entrent en jeu, notamment, la nature des faits commis (notamment atteintes aux biens ou à l'intégrité et à la vie des personnes), leur caractère isolé ou non, leur gravité croissante, leur caractère récent ou non, la dangerosité qu'ils révèlent, le positionnement adopté par l'intéressé, son comportement postérieur, notamment en détention. L'autorité administrative peut prendre l'initiative d'une mesure d'expulsion indépendamment de toute décision judiciaire et donc, le cas échéant, sur la base de faits qui n'ont pas été pénalement constatés et sanctionnés. Mais la mesure doit en tout état de cause se fonder sur des éléments suffisamment actuels, solides, circonstanciés, précis et étayés pour caractériser suivant les cas la menace grave, la nécessité impérieuse ou un comportement visé à l'article L. 631-3 du CESEDA.

Outre la prise en compte de la situation personnelle de l'étranger concerné par le biais du système de protections exposé supra , l'autorité administrative doit s'assurer que la mesure d'expulsion ne portera pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect d'une vie privée et familiale normale au regard des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (cf. 1.2.).

Prononcée sans limitation de durée bien qu'elle puisse être abrogée à tout moment sur demande de la personne concernée (L. 632-3 du CESEDA) et soit assujettie à une obligation de révision quinquennale (L. 632-6 du CESEDA), la mesure d'expulsion constitue une base juridique solide et pérenne permettant d'éloigner sans délai, autant de fois que nécessaire, l'étranger concerné du territoire national.

Elle entraîne par ailleurs le retrait de plein droit du titre de séjour dont l'étranger est, le cas échéant, détenteur. Inscrite au fichier national des personnes recherchées, ainsi qu'une fois notifiée et pour les ressortissants d'États tiers uniquement, au système d'information Schengen, elle fait obstacle à son retour en France tant qu'elle n'a pas été abrogée.

Enfin, elle peut faire l'objet d'une exécution d'office (article L. 722-4 du CESEDA).

Éléments statistiques :

Arrêtés préfectoraux et ministériels d'expulsion prononcés par année depuis 2012 :

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

au 05/12

203

210

172

181

200

258

264

280

246

344

341

Si le nombre de mesures prononcées avait légèrement baissé en 2020 en raison de l'impact des confinements liés à la pandémie de Covid-19 qui ont entrainé un report des réunions des commissions départementales d'expulsion, on observe sur les deux dernières années une hausse significative, consécutive à la diffusion aux préfets de l'instruction INTK2023921J du 29 septembre 2020 relative à l'éloignement des étrangers ayant commis des infractions graves ou représentant une menace grave pour l'ordre public.

Peine complémentaire d'interdiction du territoire français

La peine d'interdiction du territoire français est prévue par l'article 131-30 du code pénal. Elle est encourue pour les étrangers coupables d'un crime ou d'un délit, lorsque le texte d'incrimination le prévoit spécifiquement. Cette peine est notamment encourue pour les crimes contre l'humanité, les infractions terroristes, les atteintes volontaires à la vie, les actes de torture et de barbarie, les violences et agressions sexuelles, le trafic de stupéfiants, le proxénétisme, l'extorsion, le recel aggravé ou encore le vol aggravé.

Le législateur a encadré le prononcé de cette peine de certaines garanties et a prévu, comme pour la mesure d'expulsion, un système de protection à double niveau, en fonction du degré d'attachement de l'étranger avec la France, principalement tirés de l'ancienneté de leur présence sur le territoire national.

Ainsi :

? En matière correctionnelle, l'article 131-30-1 du code pénal prévoit que le tribunal doit spécialement motiver le prononcé de la peine d'interdiction du territoire français au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger pour les étrangers relevant de l'une des catégories suivantes : parent d'un enfant français mineur, conjoint d'un ressortissant français depuis au moins trois ans, résidence habituelle en France depuis plus de 15 ans, résidence régulière en France depuis plus de 10 ans ou titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français avec un taux d'incapacité permanente égale ou supérieur à 20% ;

? En matières correctionnelle et criminelle, la juridiction ne peut pas prononcer la peine d'interdiction du territoire français pour les étrangers relevant de l'une des catégories suivantes : étranger résidant habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans, étranger résidant régulièrement en France depuis plus de 20 ans, étranger résidant en France depuis plus de 10 ans et marié depuis au moins 4 ans avec un ressortissant français ou parent d'un enfant français mineur résidant en France, étranger résidant en France disposant d'une carte de séjour justifiée par la nécessité de soins non accessibles dans son pays d'origine. Toutefois, dans deux hypothèses, ces dispositions ne sont pas applicables et le prononcé de la peine d'interdiction du territoire redevient possible alors même que l'étranger relève de l'une de ces catégories :

? Pour les étrangers résidant en France depuis plus de dix ans et mariés depuis au moins quatre ans avec un ressortissant français ou parent d'un enfant français mineur résidant en France, lorsque les fais à l'origine de la condamnation ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale ;

? Pour l'ensemble des étrangers, lorsque la peine d'interdiction du territoire vise à sanctionner l'une des infractions suivantes : les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation prévues par les chapitres I er , II et IV du titre Ier du livre IV et par les articles 413-1 à 413-4 , 413-10 et 413-11 du code pénal, les actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du même code, les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous prévues par les articles 431-14 à 431-17 du code pénal et les infractions en matière de fausse monnaie prévues aux articles 442-1 à 442-4 de ce code.

Le prononcé de la peine d'interdiction du territoire français est facultatif. Toutefois, pour les infractions terroristes prévues au titre II du livre IV du code pénal, le prononcé de cette peine est obligatoire. La juridiction peut cependant décider de ne pas prononcer cette peine par une décision spécialement motivée en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.

La peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus. En matière délictuelle, la durée moyenne des interdictions du territoire français prononcées entre 2014 et 2020 est de trois ans.

Entre 2014 et 2020, une centaine de peines d'interdiction 94 ( * ) du territoire français a été prononcée chaque année dans le cadre de condamnations criminelles. S'agissant des condamnations délictuelles, le nombre de peines d'interdiction du territoire français prononcées est en augmentation régulière depuis 2014 : 1 600 interdictions ont été prononcées en 2014 contre 4 000 en 2019. Le taux de prononcé de la peine d'interdiction du territoire français est ainsi passé de 16% des condamnations éligibles en 2014 à 23,5% en 2019. En 2020, l'ITF est essentiellement prononcée pour des infractions de transport non autorisé de stupéfiants (près de 1 000 ITF soit 25% des ITF prononcées), d'aide à l'entrée ou au séjour d'un étranger (22%) et vol avec effraction ou escalade (17%).

Le prononcé de la peine d'interdiction du territoire entraine de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion.

? La mise à exécution effective des mesures

Les mesures d'expulsion et les interdictions judiciaires du territoire sont exécutoires d'office par l'autorité administrative. Celle-ci désigne le pays de renvoi, dans les conditions prévues à l'article L. 721-4 du CESEDA : soit le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile, soit le pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, soit un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Le dernier alinéa de cet article fixe le principe selon lequel un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le CESEDA ne prévoit pas que soit accordé un délai de départ volontaire et compte tenu des enjeux d'ordre public, l'exécution forcée, à bref délai, est privilégiée.

Toutefois, dans certains cas, l'éloignement effectif n'est pas immédiatement possible voire pas du tout possible, ce qui explique le delta entre le nombre de mesures prononcées et le nombre de mesures effectivement exécutées.

Arrêtés préfectoraux et ministériels d'expulsion exécutés par année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

(au 05/12)

155

187

160

136

139

210

207

234

124

146

167

Plusieurs motifs peuvent justifier le défaut d'éloignement effectif de l'étranger sous le coup d'une mesure d'expulsion :

? L'étranger se trouve « sous main de justice », sous contrôle judiciaire ou purgeant une condamnation et ne peut être effectivement éloigné qu'à l'issue de la décision pénale ou après avoir purgé sa peine de prison, parfois plusieurs années après le prononcé de la mesure.

? L'étranger est expulsé alors qu'il se trouve à l'étranger (cas par exemple d'individus partis combattre sur un théâtre d'opération terroriste ou se trouvant dans leur pays d'origine) : l'arrêté d'expulsion fera obstacle à son retour sur le sol français, sans qu'une procédure d'éloignement ait dû toutefois être mise en oeuvre.

? La nationalité de l'étranger n'est pas établie, celui-ci refusant de remettre son passeport ou n'en disposant plus, ce qui interdit son renvoi vers le pays dont il se dit le ressortissant. Il est alors nécessaire de solliciter un laisser passer consulaire, souvent long à obtenir ;

? Les liaisons aériennes avec le pays de renvoi sont suspendues (pour des motifs sanitaires, comme pendant la période de la COVID-19, ou des motifs diplomatiques, tel le conflit en Ukraine ayant abouti à la suspension des liaisons aériennes avec la Russie ;

? Enfin, le renvoi de l'étranger dans son pays l'expose à un risque de mort ou de traitement inhumain ou dégradant, ce qui l'interdit.

En cas d'impossibilité de renvoi effectif vers le pays dont l'étranger a la nationalité pour l'une de ces raisons, il est placé sous le régime de l'assignation à résidence en application de l'article L. 731-3 du CESEDA qui permet de restreindre sa liberté de circulation et de réduire le risque de fuite jusqu'à ce que son éloignement devienne possible. Les contraintes fixées dans ce cadre sont adaptées, de manière nécessaire et proportionnée, à la gravité de la menace que représente l'intéressé : définition du périmètre dont l'intéressé ne peut sortir sans autorisation (peut être limité au territoire d'une seule commune), périodicité de l'obligation de pointage (peut aller jusqu'à quatre pointages par jour), plage horaire de maintien au domicile (jusqu'à 10h par 24h).

1.2. 1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel considère que l'État est en droit de définir les conditions d'admission des étrangers sur son territoire sous réserve du respect des engagements internationaux qu'il a souscrits et des principes de valeur constitutionnelle. Si, en vertu du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale, aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle ne confère aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre la sauvegarde de l'ordre public, qui est un objectif de valeur constitutionnelle, et le droit de mener une vie familiale normale (décision n° 2005-528 DC, 15 décembre 2005, cons. 13 et 14).

Le Conseil constitutionnel considère de ce point de vue que :

? Les étrangers et les nationaux ne sont pas dans la même situation (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons. 2) ;

? La Constitution « n'assure pas aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national » (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons.2) ;

? Il appartient au législateur d'apprécier les conditions dans lesquelles les droits de la famille peuvent être conciliés avec les impératifs d'intérêt public ; que, s'il peut permettre à l'autorité chargée de se prononcer sur l'expulsion d'un étranger de tenir compte de tous éléments d'appréciation, y compris, si besoin est, de sa situation familiale, il ne transgresse aucune disposition constitutionnelle en faisant prévaloir les nécessités de l'ordre public (décision n° 86-216 DC du 3 septembre 1986) ;

? Les étrangers ne disposent pas de droit acquis au maintien d'une législation, il est possible de réduire les cas de délivrance de plein droit d'un titre de séjour (décision n° 2006-539 DC du 5 juillet 2006, cons.5), l'appréciation de la constitutionnalité des dispositions que le législateur estime devoir prendre ne saurait être tirée de la comparaison entre les dispositions de lois successives ou de la conformité de la loi avec les stipulations de conventions internationales mais résulte de la confrontation de celle-ci avec les seules exigences de caractère constitutionnel (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons. 2 ; décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018) ;

? Si dans diverses décisions, le Conseil constitutionnel a rappelé que les étrangers peuvent se prévaloir de toutes les garanties constitutionnelles reconnues à tous ceux qui résident sur le territoire national (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993), que leur présence régulière de longue durée (supérieure à 10 ans) sur le territoire a fait naître des liens entre l'étranger et la France (décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, cons. 45), que l'existence d'une vie privée et familiale ou le besoin de soins font également naître un droit au séjour (décision n° 2003-488 DC du 28 décembre 2003, cons. 18), ces droits n'ont pas nécessairement à être prévus de manière automatique, par le biais d'une protection à laquelle il ne saurait être dérogé. Ainsi, le Conseil d'État, dans son avis du 8 avril 2021 (n° 446427) sur la portée de la protection contre l'éloignement pour l'étranger résidant habituellement en France depuis ses 13 ans, se borne à indiquer quelle était l'intention du législateur et ne retient aucun principe général du droit.

? Par ailleurs, si le droit de l'Union et les principes conventionnels garantissent le droit au respect de la vie privée et familiale, ils n'imposent pas davantage une automaticité des protections.

S'agissant des peines, le principe de nécessité et de proportionnalité des peines est garanti par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Il implique que toute peine édictée en répression d'une infraction pénale doit être « strictement et évidemment » nécessaire. Selon la formule habituelle du Conseil constitutionnel, « si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue » 95 ( * ) .

1.3. 1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) stipule que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

Il ne confère pas à une quelconque catégorie d'étrangers un droit absolu à la non-expulsion.

Lorsqu'ils assument leur mission de maintien de l'ordre public, les Etats contractants ont la faculté d'expulser un étranger délinquant ; toutefois, leurs décisions en la matière, lorsqu'elles porteraient atteinte à un droit protégé par le §1 de l'article 8 de la CESDH, doivent être conformes à la loi et nécessaires dans une société démocratique, c'est-à-dire justifiées par un besoin social impérieux et, notamment, proportionnées au but légitime poursuivi. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) apprécie l'ingérence dans la vie familiale mais aussi dans la vie privée (arrêt Dalia c. France, 19/02/1998).

Si, dans une recommandation n°1504 (2001), l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a pris position contre l'expulsion des immigrés de longue durée, la Cour considère que, même si un ressortissant étranger possède un statut non précaire de résident et qu'il a atteint un haut degré d'intégration, sa situation ne peut être mise sur le même pied que celle d'un ressortissant de l'Etat lorsqu'il s'agit du pouvoir des Etats d'expulser des étrangers (arrêt Moustaquim c. Belgique , 18/02/1991). Elle estime de surcroît qu'une mesure d'expulsion prise à l'égard d'un immigré de longue durée à la suite d'une infraction pénale ayant donné lieu à condamnation, ne constitue pas une double peine.

La Cour vérifie néanmoins la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte à l'article 8 , à l'aune de critères dégagés par la jurisprudence (notamment arrêts Boultif c. Suisse du 27 septembre 1997 et Uner contre Pays-Bas , Grande chambre, 18 octobre 2006)

Sont ainsi pris en compte pour apprécier si une expulsion porte ou non atteinte à l'article 8 :

? la nature et la gravité de l'infraction commise par le requérant ;

? la durée du séjour de l'intéressé dans le pays dont il doit être expulsé ;

? le laps de temps qui s'est écoulé depuis l'infraction, et la conduite du requérant pendant cette période ;

? la nationalité des personnes concernées ;

? la situation familiale du requérant, et notamment, le cas échéant, la durée de son mariage, et d'autres facteurs témoignant de l'effectivité d'une vie familiale au sein d'un couple ;

? la question de savoir si le conjoint avait connaissance de l'infraction à l'époque de la création de la relation familiale ;

? la question de savoir si des enfants sont issus du mariage et, dans ce cas, leur âge ;

? la gravité des difficultés que le conjoint risque de rencontrer dans le pays vers lequel le requérant doit être expulsé ;

? l'intérêt et le bien-être des enfants de la personne expulsée, en particulier la gravité des difficultés que ceux-ci sont susceptibles de rencontrer dans le pays vers lequel l'intéressé doit être expulsé ;

? la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination.

Ainsi, la jurisprudence de la CEDH établit une grille de lecture des atteintes à l'article 8 en fonction d'une série de critères, mais elle ne prescrit pas, critère par critère, les seuils à partir desquels une violation de l'article 8 pourrait être constatée. Chaque situation est examinée in concreto avec un bilan de l'ensemble des paramètres du cas d'espèce. Il en découle une assez grande marge de manoeuvre du législateur pour fixer les règles générales. La Cour a d'ailleurs rappelé, dans un arrêt Slivenko c. Lettonie de 2003 que les autorités nationales jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour se prononcer sur la nécessité, dans une société démocratique, d'une ingérence dans l'exercice d'un droit protégé par l'article 8 et sur la proportionnalité de la mesure en question au but légitime poursuivi.

Au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il apparait donc possible de supprimer une protection automatique contre le prononcé d'une mesure d'expulsion, tirée de l'ancienneté du séjour ou de liens particuliers sur le territoire national, pour permettre de mettre ces derniers en balance avec les agissements très graves d'un individu, sous le contrôle du juge.

Par ailleurs, dans le cadre de la mise à exécution effective de la mesure d'expulsion ou de l'interdiction judiciaire du territoire, l'autorité administrative doit examiner les conséquences de l'éloignement vers le pays de renvoi au regard de l'article 3 de la Convention, qui stipule que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». La Cour européenne considère en effet, depuis l'arrêt Soering c. Royaume-Uni , du 7 juillet 1989 (série A n° 161), que la responsabilité de l'Etat qui procède à l'éloignement peut être engagée au titre de la Convention, lorsqu'existent des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on l'éloigne vers le pays de destination, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'article 3. Dans ce cas, l'article 3 implique l'obligation de ne pas expulser la personne en question vers ce pays ( Soering c. Royaume-Uni , § 90-91, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni , 30 octobre 1991, série A n o 215, § 103, Ahmed c. Autriche , arrêt du 17 décembre 1996 § 39, H.L.R. c. France , 29 avril 1997, § 34, Jabari c. Turquie , n o 40035/98, § 38, et Salah Sheekh c. Pays-Bas , n o 1948/04, § 135, 11 janvier 2007).

L'article 3 prohibe la torture ou les peines ou traitements inhumains ou dégradants en termes absolus, il ne prévoit pas de restrictions et ne peut connaître aucune dérogation, quels que soient les agissements de la personne concernée, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation ( Irlande c. Royaume-Uni , 8 janvier 1978, § 163, Chahal précité, § 79, Selmouni c. France [GC], n o 25803/94, § 95, Al-Adsani c. Royaume-Uni [GC], n o 35763/97, § 59, et Chamaïev et autres c. Géorgie et Russie, n o 36378/02, § 335. La nature de l'infraction qui était reprochée au requérant est donc dépourvue de pertinence pour l'examen sous l'angle de l'article 3 ( Indelicato c. Italie , n o 31143/96, § 30, 18 octobre 2001, et Ramirez Sanchez c. France [GC], n o 59450/00, §§ 115-116, 4 juillet 2006).

Pour qu'un éloignement forcé envisagé soit contraire à la Convention, la condition nécessaire - et suffisante - est que le risque pour la personne concernée de subir dans le pays de destination des traitements interdits par l'article 3 soit réel et fondé sur des motifs sérieux et avérés ( Saadi c. Italie [GC], n ° 37201/06 , § 140-141, 28 février 2008, Auad c. Bulgarie , n° 46390/1, 11 octobre 2011). Pour l'établir, il revient à la Cour d'examiner la situation
dans le pays de destination à l'aune des exigences de l'article 3 de la
Convention. Au regard de celles-ci, pour tomber sous le coup de
l'article 3 de la Convention, le mauvais traitement auquel le requérant
affirme qu'il serait exposé en cas de renvoi doit atteindre un minimum de
gravité. L'appréciation de ce minimum dépend de l'ensemble des données de la cause ( F.G. c. Suède [GC], n° 43611/11, § 112 , 23 mars 2016 et A.M. c. France, no 12148/18, § 114, 29 avril 2019).

Il appartient en principe au requérant de produire des éléments susceptibles de démontrer qu'il existe des raisons sérieuses de penser que, si la mesure incriminée était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'article 3 de la Convention. Dans ce contexte, une part de spéculation est inhérente à la fonction préventive de l'article 3 et il ne s'agit pas d'exiger des intéressés qu'ils apportent une preuve certaine de leurs affirmations ( X. c. Pays-Bas , précité, § 74). Néanmoins, il leur appartient de démontrer qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'ils encourront un risque réel s'ils étaient effectivement expulsés vers le pays de destination. Lorsque de tels éléments sont produits, il incombe au Gouvernement de dissiper les doutes éventuels à leur sujet ( Saadi , précité, § 129, A.M. c. France , précité, § 118).

S'agissant spécifiquement des étrangers malades , la Cour a, dans son arrêt D c. Royaume-Uni du 2 mai 1997 (n° 30240/96), considéré que l'expulsion de trafiquants de drogue étrangers était une réponse justifiée face au fléau du trafic de stupéfiants. Elle a cependant rappelé que le droit des Etats contractants d'expulser des étrangers était subordonné à la nécessité de respecter le caractère absolu de l'interdiction énoncée à l'article 3 quelle que soit la gravité de l'infraction commise. L'application de ce principe ne se limite pas aux cas où l'individu à expulser court un risque réel d'être soumis à des traitements interdits par l'article 3 infligés intentionnellement par les autorités publiques du pays de destination mais également aux cas où l'éloignement ferait encourir un risque vital pour la personne en cause.

Dans son arrêt de Grande Chambre N. c. Royaume-Uni susmentionné, la Cour a maintenu cette conception restrictive. Les non-nationaux qui sont sous le coup d'un arrêté d'expulsion ne peuvent en principe revendiquer un droit à rester sur le territoire d'un Etat contractant afin de continuer à bénéficier de l'assistance et des services médicaux, sociaux ou autres fournis par cet Etat. Le fait qu'en cas d'expulsion le requérant connaîtrait une dégradation importante de sa situation, et notamment une réduction significative de son espérance de vie, n'est pas en soi suffisant pour emporter violation de l'article 3. La décision d'expulser un étranger atteint d'une maladie physique ou mentale grave vers un pays où les moyens de traiter cette maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'Etat contractant est susceptible de soulever une question sous l'angle de l'article 3, mais seulement dans des cas très exceptionnels, lorsque les considérations humanitaires militant contre l'expulsion sont impérieuses, comme dans l'affaire D. c. Royaume-Uni. L'article 3 ne fait pas obligation à l'Etat contractant de pallier les disparités entre les niveaux de traitement disponibles dans différents pays en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur son territoire.

Enfin, les mêmes principes doivent s'appliquer à l'expulsion de toute personne atteinte d'une maladie physique ou mentale grave survenant naturellement, susceptible de provoquer souffrances et douleur et de réduire l'espérance de vie, et nécessitant un traitement médical spécialisé qui peut ne pas être facile à se procurer dans le pays d'origine du requérant ou qui peut y être disponible mais seulement à un prix élevé.

Dans son arrêt de Grande chambre Paposhvili c. Belgique (13 décembre 2016, n° 41738/10), la Cour a précisé, en adoptant une conception plus large, ce qu'il faut entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever, au sens de l'arrêt N. c. Royaume-Uni (§ 43), un problème au regard de l'article 3 : les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie. La Cour précise que ces cas correspondent à un seuil élevé.

Il est donc possible, s'agissant de certains comportements, de supprimer une protection automatique, tirée de l'ancienneté du séjour, de liens particuliers sur le territoire national, pour permettre de mettre ces liens en balance avec les agissements très graves d'un individu, sous le contrôle du juge.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La réforme issue de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a réduit la possibilité d'expulser les étrangers remplissant les critères définis aux 1° à 5° de l'article L. 631-3 du CESEDA. Elle a également réduit la possibilité de prononcer la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour les étrangers remplissant l'une des conditions énumérées à l'article 131-30-2 du code pénal.

Ainsi, en l'état actuel du droit, un étranger bénéficiant de la protection dite « quasi-absolue » prévue à cet article ne peut être expulsé alors même que son comportement mettrait en évidence une particulière dangerosité à raison de condamnations pour des crimes ou délits touchant à l'intégrité des personnes et des biens, dès lors que ces agissements ne sont pas rattachables à l'un des trois types de comportements visés de façon exhaustive au premier alinéa de l'article. Cela a pour conséquence de maintenir sur le territoire français, une fois leur peine d'emprisonnement purgée, des ressortissants étrangers qui continuent de représenter une menace particulièrement grave pour l'ordre et la sécurité publics. Ce peut être le cas notamment de violeurs présentant un risque de récidive, de trafiquants de stupéfiants, d'auteurs de vol à main armée, ou encore d'assassins.

Plusieurs exemples concrets permettent d'illustrer cette situation :

- étranger entré en France à l'âge d'un an et y résidant habituellement depuis plus de 20 ans, ayant commis des faits de viol avec actes de torture et de barbarie, enlèvement et séquestration, pour lesquels il a été condamné à une peine de 20 ans de réclusion criminelle, dont l'évaluation met en évidence une absence de prise en compte de la gravité des faits et un nouveau risque de passage à l'acte ;

- étranger résidant régulièrement en France depuis plus de 20 ans, ayant, sur une période de 16 ans, commis des viols et agressions sexuelles sur sa propre fille et les filles de ses compagnes successives, âgées de 3 à 11 ans au moment des faits. En outre ont été découverts sur son ordinateur plusieurs centaines d'images et vidéos mettant en scène des enfants dans des situations à caractère pornographique téléchargés via un logiciel peer-to-peer ou qu'il avait lui-même réalisées. L'intéressé a été condamné à une peine de 13 ans d'emprisonnement assortie d'une mesure de suivi socio-judiciaire de cinq ans, l'évaluation post peine ayant abouti au constat d'un risque de réitération ;

- étranger résidant habituellement en France depuis l'âge de trois ans, auteur, sur une période de près de 20 ans, notamment de faits de violences volontaires avec ou sous la menace d'une arme sans incapacité, vol et tentative de vol avec violence, violences volontaires sur agent de la force publique, agression sexuelle, menace de mort, meurtre ayant pour objet la préparation d'un délit ou l'impunité de son auteur, vol aggravé par deux circonstances. Son quantum total de peine d'emprisonnement s'élève à 26 ans et l'évaluation aboutit à un risque de réitération ;

- étranger résidant habituellement en France depuis l'âge de 12 ans et 9 mois, condamné une première fois pour des faits d'agressions sexuelles, placé en unité pour malades difficiles dans un service psychiatrique où il a commis de multiples agressions sexuelles et viols sur plusieurs patientes psychiquement vulnérables pour lesquels il a été condamné. Durant son incarcération, il a adopté un comportement particulièrement agressif et violent, allant jusqu'à agresser un surveillant pénitentiaire avec une arme blanche. Présentant une polytoxicomanie, décrit par les experts comme incapable de retour critique sur ses actes ni empathie à l'égard de ses victimes, qui ne sont pour lui que les outils de son plaisir - le risque de réitération est d'autant plus accru qu'il refuse de prendre son traitement nécessaire pour réduire son manque de contrôle pulsionnel et qu'il a déclaré envisager à sa libération de « passer son temps à s'adonner au sexe en fumant des stupéfiants et en buvant de l'alcool ».

S'agissant de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français, le constat est identique, l'article 131-30-2 du code pénal fait obstacle à ce que cette peine puisse être prononcée à l'encontre d'un étranger bénéficiant de la protection dite « quasi-absolue » alors même que cet étranger aurait été condamné pour un crime ou un délit touchant à l'intégrité des personnes, dès lors que ces agissements ne sont pas rattachables à l'une des dérogations mentionnées aux deux derniers alinéa de l'article 131-30-2 du code pénal. Cela a pour conséquence de maintenir sur le territoire français des ressortissants étrangers condamnés pour les infractions les plus graves, telles que des assassinats, meurtres ou viols. Il apparaît pertinent dans ces hypothèses de laisser la juridiction apprécier si la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée en fonction d'une part de la gravité de l'infraction et d'autre part de la situation de l'intéressée. Dans ce cas, le juge opèrera une mise en balance de ces deux éléments conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

S'il est constant que la protection liée à la résidence habituelle en France avant 13 ans (L.631-3 1° du CESEDA) est celle qui interdit le plus souvent d'envisager l'expulsion de ces étrangers, nonobstant les crimes ou les délits graves qu'ils ont commis, les autres protections figurant à l'article L. 631-3 du CESEDA n'en constituent pas moins des freins importants.

Pour ce qui concerne les protections contre l'expulsion dites « relatives » prévues à l'article L. 631-2 du CESEDA, elles ne peuvent être levées que lorsque l'étranger concerné a été condamné à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à 5 ans, ce qui est un critère particulièrement strict et a pour inconvénient de faire dépendre la décision de police administrative relevant de la compétence de l'autorité administrative de la condamnation pénale prononcée par l'autorité judiciaire, souvent sans commune mesure avec celle encourue.

S'agissant de la peine d'interdiction du territoire français, l'article 131-30-1 du code pénal, applicable uniquement en matière correctionnelle, ne prévoit actuellement aucune exception à la protection contre l'expulsion dite « relative ». Un tel dispositif apparaît excessivement rigide et il est nécessaire de prévoir des dérogations à l'application de cette protection relative.

En outre contrairement à l'article L. 631-3 du CESEDA, il n'est pas prévu à l'article L. 631-2 du CESEDA que les étrangers protégés en leur qualité de parents d'enfant français ou de conjoint de français perdent le bénéfice de la protection lorsque les faits qui justifient l'expulsion ont été commis à l'encontre de leur enfant ou de leur conjoint. Outre que cela soulève un problème de cohérence entre les protections prévues à l'article L. 631-2 du CESEDA et celles prévues à l'article L. 631-3 du même code, il n'apparait, par exemple, pas acceptable qu'un mari ou un père ayant commis des violences contre son épouse ou ses enfants puisse revendiquer la protection que ceux-ci lui confèrent pour faire obstacle à son expulsion, et ainsi se maintenir sur le territoire en continuant le cas échéant à les maltraiter.

Ainsi, après 20 ans de pratique, force est de constater que le cadre juridique issu de la réforme de 2003 ne permet pas de répondre de manière satisfaisante à l'objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Il apparait donc nécessaire de l'aménager.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

En l'état actuel du droit, les ressortissants étrangers bénéficient de manière automatique des protections susmentionnées, lesquelles ne sont pas supprimées ni même atténuées par la gravité des agissements commis, alors que la perpétration ou la réitération de certains délits ou crimes de droits communs très graves devraient pouvoir être mises en balance avec l'objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.

L'objectif poursuivi en premier lieu par la réforme proposée consiste à remédier à cette situation, en permettant de lever la protection quasi-absolue dont bénéficie l'étranger lorsqu'il représente une menace d'une particulière gravité pour la sécurité publique, pour des motifs distincts que ceux liés aux trois types de comportements visés au premier alinéa de l'article L. 631-3 du CESEDA ou lorsqu'il est condamné pour une infraction particulièrement grave.

De la sorte, l'éloignement de l'intéressé reste possible mais sous le contrôle du juge, auquel il appartiendra de mettre en balance les éléments liés à la protection et ceux liés à la gravité du comportement révélée par la condamnation et/ou par l'actualité de la menace. Cela évite l'effet de seuil attaché à certaines protections, notamment celle résultant de l'arrivée de l'étranger avant l'âge de 13 ans sur le territoire national, qui bénéficie ensuite, sauf cas très particuliers visés à l'actuel L. 631-3 du CESEDA et au dernier alinéa de l'article 131-30-2 du code pénal, d'une protection quasi absolue, nonobstant un comportement portant gravement atteinte à la sécurité publique et que l'étranger soit entré à l'âge de deux ans ou à l'âge de 12 ans et 11 mois.

En deuxième lieu, les modifications proposées visent à harmoniser, sur les deux points évoqués supra concernant les cas de dérogation à la protection, la rédaction de l'article L. 631-2 du CESEDA avec celle de l'article L. 631-3 du même code, d'une part, en prenant en compte l'échelle des peines encourues plutôt que le quantum de la condamnation effectivement prononcée, et d'autre part, en étendant la possibilité de lever les protections bénéficiant aux conjoints de français ou parents d'enfants français qui se sont rendus coupables de violences à leur égard.

En troisième lieu, la réforme proposée vise à étendre la peine d'interdiction du territoire français à de nouveaux délits, pour lesquels elle n'est actuellement pas encourue alors même qu'il s'agit d'infractions sanctionnant un comportement portant atteinte à l'ordre public.

Le projet de texte contient en outre une mesure de coordination des dispositions particulières applicables aux citoyens de l'Union européenne et autres, pour le prononcé des mesures d'expulsion, contenues à l'article L. 252-2 du CESEDA.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

La première option envisagée consistait à agir sur les catégories de protection existantes, afin de modifier leur champ d'application dans une optique plus restrictive :

Aux articles L. 631-3 du CESEDA et 131-30-2 du code pénal :

1° résidence habituelle en France : il aurait été possible d'abaisser l'âge à partir duquel il est nécessaire de justifier d'une résidence habituelle en France pour le faire, par exemple, passer de 13 à 10 ans.

2° résidence régulière : il aurait été possible d'augmenter la durée de la présence régulière en France dont peut se prévaloir un ressortissant étranger de 20 à 25 ans ;

3° résidence régulière combinée au mariage avec un ressortissant français : il aurait été possible d'augmenter la durée de la présence régulière en France dont peut se prévaloir un ressortissant étranger de 10 à 15 ans et l'ancienneté du mariage de 4 à 5 ans ;

4 ° résidence régulière d'un parent d'enfant français : il aurait été possible d'augmenter la durée de la présence régulière en France dont peut se prévaloir un ressortissant étranger de 10 à 15 ans.

Aux articles L. 631-2 et 131-30-1 du code pénal :

1° parent d'enfant français : il aurait été possible d'exiger une justification de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, au lieu d'un an actuellement ;


2° conjoint de français : il aurait été possible d'augmenter à quatre ans la durée minimale de mariage actuellement fixée à trois ans ;

3° résidence régulière en France : il aurait été possible d'augmenter la durée exigée de 10 à 12 ans ;

4° étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français : il aurait pu être envisagé d'augmenter le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur retenu de 20% à 30%.

Cette option n'a toutefois pas été retenue car il est apparu, après mise à l'épreuve de cas concrets, qu'elle ne permettrait de répondre que de façon trop marginale aux difficultés soulevées par la législation actuelle en faisant bénéficier certains étrangers ayant commis de faits très graves de protection sans commune mesure avec l'atteinte à l'ordre public résultant de ces faits.

La deuxième option étudiée consistait à faire évoluer la liste exhaustive des comportements visés par l'article L. 631-3 du CESEDA pour élargir cette dernière, jusqu'alors circonscrite à trois comportements : ceux de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ceux liés à des activités à caractère terroriste et ceux constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence.

Dans cette hypothèse, il aurait été nécessaire d'établir une liste complète de comportements couvrant une amplitude suffisamment large pour n'exclure aucune situation démontrant une atteinte particulièrement grave la sécurité publique.

Une telle option présentait toutefois l'inconvénient de se traduire par une rédaction à la fois trop restrictive et difficilement lisible de par son caractère énumératif, et n'aurait ainsi résolu qu'imparfaitement le problème identifié.

Une troisième option étudiée a consisté en l'harmonisation des conditions de condamnation permettant de déroger aux dispositions des articles L. 631-2 et L. 631-3 du CESEDA avec les conditions posées pour les interdictions du territoire français prononcée par le juge pénal contre un étranger qui réside en France et qui a commis un crime ou un délit.

Cette option n'a pas été retenue. En effet, pour le prononcé de l'expulsion, mesure de police administrative, l'actualité du comportement de l'individu, et donc de la menace qu'il représente, est évaluée par l'autorité administrative. Les condamnations ne constituent qu'un des éléments d'appréciation.

Ne retenir que les condamnations en récidive légale aurait restreint de manière trop forte les possibilités d'expulsion d'étrangers s'étant rendus coupables de crimes et de délits, la récidive légale étant réservée aux peines d'une durée supérieure à dix ans.

L'appréciation de l'autorité administrative porte par ailleurs sur les faits, et non sur le quantum de peine décidé in fine par l'autorité judiciaire, quantum pouvant varier en fonction des circonstances de l'espèce. Il n'était donc pas opportun de prendre en compte les peines effectivement prononcées par les tribunaux.

3.2. OPTION RETENUE

Pour la mesure d'expulsion :

La proposition d'écriture retenue consiste à prévoir que, par dérogation à l'article L. 631-3 du CESEDA, « peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1, l'étranger mentionné aux 1° à 5° dont le comportement constitue toujours une menace grave pour l'ordre public alors qu'il a déjà fait l'objet d'une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de dix ans ou plus d'emprisonnement ou de cinq ans en réitération de crimes ou délits puni de la même peine. »

Ainsi, en dehors des cas prévus au premier alinéa, un étranger remplissant les critères prévus aux 1° à 5° pourra perdre le bénéfice de la protection à une double condition :

? que son comportement actuel constitue toujours une menace grave pour l'ordre public

? alors qu'il a déjà commis et été condamné définitivement pour des crimes ou délits d'une particulière gravité :

1. pour des crimes ou délits punis de dix ans d'emprisonnement ou plus ( c'est le cas par exemple des violences ayant entrainé la mort sans intention de la donner, punies de 15 à 20 ans de réclusion criminelle, des violences ayant entrainé une mutilation ou infirmité permanentes, punies de 10 à 15 ans d'emprisonnement, des viols, punis de 15 à 20 ans de réclusion criminelle, des agressions sexuelles sur mineur sous certaines conditions, des faits d'enlèvement et de séquestration, punis de 20 à 30 ans de réclusion criminelle, des faits de trafic de stupéfiants, des vols avec violence, à main armée ou en bande organisée ),

2. ou des délits punis de cinq ans ou plus ( par exemple, menaces ou violences à l'égard de personnes chargée d'une mission de service public, trafic des êtres humains, extorsion, agressions sexuelles autres que le viol, violences sur mineurs de 15 ans suivies d'ITT supérieures à cinq ans ) commis en récidive ou en réitération d'un précédent délit puni de cinq ans ou plus.

L'écriture retenue ne revient pas sur le principe qui avait inspiré la réforme de 2003 visant à interdire le principe d'une « double peine » traduit par le dernier alinéa actuel de l'article L. 631-3 du CESEDA, qui précise que « La circonstance qu'un étranger mentionné aux 1° à 5° a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ne fait pas obstacle à ce qu'il bénéficie des dispositions du présent article »

A l'époque, la définition des types de comportements justifiant que la protection « quasi-absolue » n'empêche pas l'expulsion (atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, terrorisme, provocation à la haine ou à la violence) n'avait pas eu pour critère le degré de gravité des comportements ou agissements correspondants : la justification donnée pour retenir ces trois seuls comportements était qu'ils avaient pour point commun de constituer une violation flagrante des fondements de l'Etat et de la cohésion sociale et marquaient, de la part de celui qui les commet, une attitude de rejet des valeurs de la Nation.

La modification proposée reste circonscrite, elle maintient un niveau élevé de protection pour les catégories de personnes pouvant se prévaloir des attaches les plus fortes avec la France et elle respecte le principe de proportionnalité. Elle ne remet donc pas en cause l'équilibre général du régime de l'expulsion qui concilie de manière proportionnée l'objectif de préservation de l'ordre et de la sécurité publics avec le respect de la vie privée et familiale des intéressés.

En outre, l'évolution proposée n'implique pas une possibilité d'éloignement du seul fait que la condamnation a été prononcée et purgée mais concerne les étrangers qui, à l'issue de leur détention, continuent à constituer une menace grave et actuelle pour l'ordre public.

En effet, la protection dont bénéficie certains étrangers, en raison du contrat social sur lequel repose le fonctionnement d'une société démocratique comme la France, ne saurait être maintenue lorsque, délibérément, l'étranger s'abstient de remplir les obligations qui résultent de ce contrat social, au premier rang desquelles, le respect de l'ordre et de la sécurité publique.

L'article L. 631-2 du CESEDA est également amendé selon la même logique, la disposition actuelle qui prévoit que « par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 1° à 4° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans . » est ainsi remplacée par la disposition suivante « par dérogation au présent article, peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1, l'étranger mentionné aux 1° à 4° dont le comportement constitue toujours une menace pour la sécurité des personnes et des biens alors qu'il a déjà fait l'objet d'une condamnation pour des crimes ou des délits punis de cinq ans ou plus d'emprisonnement. »

La levée des protections prévues à l'article L. 631-2 du CESEDA sera ainsi possible en cas de condamnation pour certaines infractions mettant gravement en péril la santé et la moralité des mineurs, par exemple, le fait, par un ascendant de priver un mineur de quinze ans d'aliments ou de soins au point de compromettre sa santé (passible de sept ans d'emprisonnement), le fait pour un majeur de solliciter auprès d'un mineur la diffusion ou la transmission d'images, vidéos ou représentations à caractère pornographique dudit mineur (sept ans), le fait, pour un majeur, d'exercer une atteinte sexuelle (hors les cas de viol ou d'agression sexuelle) sur un mineur de quinze ans (sept ans), sur un mineur âgé de plus de quinze ans (cinq ans) ou d'exercer une atteinte sexuelle sur un mineur âgé de plus de quinze ans lorsqu'elles sont commises par toute personne majeure ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ou qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions (cinq ans).

Elle le sera également pour des atteintes graves à la personne humaine : violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours commises notamment : sur un mineur de quinze ans, une personne dont la particulière vulnérabilité est apparente ou connue de son auteur, un ascendant, un magistrat, un enseignant, un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute personne chargée d'une mission de service public, sur un professionnel de santé, violences commises sur un fonctionnaire de la police nationale ou un agent de l'administration pénitentiaire (sept ans si ITT supérieure à huit jours, cinq ans si inférieure), violences commises par le conjoint ou le concubin de la victime, ou, avec usage ou menace d'une arme (cinq ans), violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité est apparente (cinq ans lorsqu'ITT inférieure à huit jours), traite des êtres humains (sept ans), trafic d'armes (cinq ou sept ans), cession ou offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle (cinq ans).

Elle le sera enfin pour des atteintes graves aux biens : par exemple, extorsion (sept ans), abus de confiance (cinq ans) et escroquerie (cinq ans) ou vol avec violence (cinq ans).

La rédaction du 2 ème alinéa de l'article L. 252-2 du même code, qui précise, conformément à la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de séjourner librement sur le territoire des Etas membres, que cette dérogation à la protection n'est pas applicable aux citoyens de l'Union européenne et ressortissants d'Etats tiers assimilés (visés à l'article L. 200-3), est modifiée en conséquence (disposition de coordination).

Par ailleurs, également par souci de cohérence mais aussi pour des considérations de protection des victimes, il est proposé de retirer le bénéfice de la protection de l'article L. 631-2 du CESEDA à l'étranger qui tire sa protection de sa qualité de conjoint d'un ressortissant français ou d'un parent d'enfant français, lorsque la victime des faits est un membre de la cellule familiale. Il est établi que les maltraitances infligées à l'un ou plusieurs membres de la cellule familiale ont un impact néfaste sur l'ensemble de celle-ci : les effets à long terme sur les enfants exposés à des violences commises par l'un de leur parent sur l'autre sont ainsi particulièrement délétères.

Pour la peine complémentaire d'interdiction de territoire français

Plusieurs options ont été retenues.

En premier lieu, la peine complémentaire d'interdiction du territoire est étendue à de nouveaux délits. Le juge pourra donc prononcer cette peine à l'encontre des personnes condamnées pour les délits suivants :

- Délit de violences sur certains agents publics 96 ( * ) , prévu à l'article 222-14-5 du code pénal ;

- Délit de violences par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, lorsque ces violences ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail, prévu au 6° de l'article 222-13 du code pénal ;

- Délits de vol aggravé prévus aux articles 311-4 et 311-4-1 du code pénal.

En deuxième lieu, les écritures instaurent une dérogation à l'obligation de motivation spéciale des peines complémentaires d'interdiction du territoire prévue à l'article 131-30-1 du code pénal pour les délits suivants :

? Délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement ;

? Délits commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale. Cette rédaction permet une harmonisation avec les dérogations prévues à l'article L. 631-2 du CESEDA.

En dernier lieu, les écritures étendent les dérogations à l'impossibilité de prononcé une peine d'interdiction du territoire français pour certaines catégories d'étrangers (« protection quasi-absolue »). La peine complémentaire d'interdiction du territoire pourra ainsi être prononcée pour les étrangers relevant de l'une des catégories énumérées du 1° au 5° de l'article 131-30-2 du code pénal lorsqu'ils ont été condamnés pour les infractions suivantes :

- Crimes ;

- Délits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, prévus aux septième et huitième alinéas de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

- Délits punis d'au moins 10 ans d'emprisonnement ;

- Délits commis en état de récidive et punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

Par ailleurs, les écritures prévoient que, lorsque la juridiction décide de prononcer une peine d'interdiction du territoire à l'encontre d'un étranger bénéficiant d'une protection quasi-absolue, sa décision devra être spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Sera modifié le sixième alinéa de l'article L. 631-2 du CESEDA. En outre, cet article sera complété par un nouvel alinéa. Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article L. 631-3 ainsi que le deuxième alinéa de l'article L. 252-2 du CESEDA. Un article L. 631-5 du CESEDA sera en outre créé.

Code pénal

L'article 131-30-1 du code pénal est complété par un nouvel alinéa, le dernier alinéa de l'article 131-30-2 du même code est complété. Les articles 222-48 et 311-15 du code pénal sont modifiés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Pour ce qui concerne les citoyens européens, de l'Espace économique européen et de la Confédération helvétique, et les membres de leur famille, la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de séjourner librement sur le territoire des Etas membres prévoit en son chapitre VI que le droit d'entrée et le droit de séjour définis en ses chapitres I à V peuvent faire l'objet d'une limitation pour des raisons d'ordre public ou de sécurité publique.

L'article 27 en énonce les principes généraux :

? Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques ;

? Les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu concerné. L'existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

? Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.

L'article 28 précise les conditions qui s'imposent aux décisions d'éloignement prononcées pour ces raisons :

? L'État membre d'accueil tient compte notamment de la durée du séjour de l'intéressé sur son territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l'État membre d'accueil et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine.

? L'État membre d'accueil ne peut pas prendre une décision d'éloignement du territoire à l'encontre d'un citoyen de l'Union ou des membres de sa famille, quelle que soit leur nationalité, qui ont acquis un droit de séjour permanent sur son territoire sauf pour des raisons impérieuses d'ordre public ou de sécurité publique.

? Une décision d'éloignement ne peut être prise à l'encontre des citoyens de l'Union, quelle que soit leur nationalité, à moins que la décision ne se fonde sur des motifs graves de sécurité publique définis par les États membres, s'ils ont séjourné dans l'État membre d'accueil pendant les dix années précédentes.

La modification proposée est en conformité avec ces dispositions. La décision d'expulsion doit être fondée sur le comportement de l'intéressé, l'existence de condamnations pénales antérieures n'étant qu'un élément d'appréciation. Les conditions imposées pour l'expulsion exigent que la menace soit actuelle : « dont le comportement constitue toujours une menace pour la sécurité des personnes et des biens », et réelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société dès lors que l'étranger concerné doit déjà avoir « fait l'objet d'une condamnation pour des crimes ou délits punis de dix ans ou plus d'emprisonnement ou de cinq ans en réitération de crimes ou délits puni de la même peine ».

Pour ce qui concerne plus particulièrement les personnes qui ont séjourné en France pendant les dix années précédentes, si elles perdent le bénéfice de la protection prévue à l'article L. 631-3 du CESEDA, elles continueront de bénéficier de celle prévue par les dispositions de l'article L. 252-2  du même code, selon lesquelles : « sous réserve que les dispositions de l'article L. 631-3 n'y fassent pas obstacle, le citoyen de l'Union européenne qui séjourne régulièrement en France depuis dix ans ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion, en application de l'article L. 631-2, que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique. Par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 631-2, la circonstance qu'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans n'a pas pour effet de le priver du bénéfice du présent article. » .

En tout état de cause, la mise en oeuvre de ces dispositions doit respecter les garanties spécifiques dont bénéficient les citoyens européens, rappelées à l'article L. 252-1 du CESEDA.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La procédure d'expulsion est mise en oeuvre par le ministre de l'intérieur et les préfets. L'application des nouvelles dispositions entrainera une hausse du nombre de mesures prononcées, qui restera néanmoins d'une ampleur limitée. Son impact sur les services sera donc modéré

4.5. IMPACTS SOCIAUX

Les nouvelles dispositions permettront de faciliter l'expulsion de ressortissants étrangers représentant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre et la sécurité publics.

4.6. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les nouvelles dispositions s'appliqueront en métropole dès l'entrée en vigueur de la loi, au lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française. Elles n'entreront en vigueur dans les collectivités Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard, au premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la présente loi, conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi.

S'agissant de la peine complémentaire d'interdiction du territoire, les nouvelles dispositions doivent être analysées comme plus sévères. Elles ne seront applicables qu'aux faits commis après l'entrée en vigueur de la loi.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives à l'expulsion entreront en vigueur en métropole dans les conditions prévues au point 5.2.1 supra. Les conditions de leur application Outre-mer seront prévues par voie d'ordonnance, conformément à l'article 26 du présent projet de loi. Elles n'entreront en vigueur dans ces collectivités qu'après la publication de cette ordonnance.

5.2.3. Textes d'application

Les dispositions ne nécessitent pas de mesures d'application.

Article 10 : Réduire le champ des protections contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français en cas de menace grave pour l'ordre public

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Situation de fait

Les étrangers ressortissants de pays tiers, non citoyens de l'Union européenne ou ressortissants d'un Etat associé (Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse), peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) lorsqu'ils séjournent irrégulièrement sur le territoire français ou si un droit au séjour leur a été refusé, dans les conditions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Il revient au préfet, après évaluation individuelle de la situation de l'étranger, en s'appuyant sur la jurisprudence administrative, de prendre l'OQTF et de l'assortir ou non d'un délai de départ volontaire de 30 jours. En l'absence de délai ou passé ce délai sans l'avoir respecté, la décision de retour peut être exécuté d'office par l'autorité administrative qui le cas échéant peut assigner à résidence ou placer en rétention l'étranger faisant l'objet de l'OQTF.

Toutefois, le législateur a, dès 1986 97 ( * ) , entendu garantir le droit au respect de la vie privée et familiale de certaines catégories d'étrangers, en les protégeant contre l'édiction de décision d'éloignement les concernant, sans préjudice de l'exigence de proportionnalité au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH). Lorsque le comportement de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public et que ce dernier est susceptible de faire l'objet d'une expulsion, ces protections sont restreintes proportionnellement à la gravité de la menace.

Tableau 1 : décisions portant obligation de quitter le territoire français

édictées de 2018 à 2021 98 ( * )

Année

2018

2019

2020

2021

OQTF

103 852

122 839

107 488

124 111

1.1.2. Textes applicables

L'article L. 611-1 du CESEDA précise les cas où l'autorité administrative peut édicter une OQTF à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière. En parallèle, les catégories d'étrangers en situation irrégulière protégés contre l'édiction d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sont fixées à l'article L. 611-3 du CESEDA.

Ces protections résultent de :

? la minorité de l'étranger (cf. 1° de l'article L. 611-3 du CESEDA) ;

? l'absence d'attaches dans son pays d'origine en raison de son arrivée en France avant l'âge de treize ans (cf. 2°) ou de l'ancienneté de ses liens avec la France où il réside régulièrement depuis plus de vingt ans (cf. 4°) ou bien depuis plus de dix ans à condition qu'il n'ait pas été étudiant pendant toute cette période (cf. 3°) ou depuis plus de vingt ans ;

? sa situation familiale en tant que parent d'enfant français (cf. 5°), conjoint de Français (cf. 6°) ou d'étranger entré en France avant l'âge de treize ans (cf. 7°) ;

? son état de santé, parce qu'il bénéficie d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle (cf. 8°) ou que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité (cf. 9°).

En application du dernier alinéa de l'article L. 611-3 du CESEDA, elles ne s'appliquent pas à l'étranger vivant en état de polygamie, à moins qu'il ne soit mineur ou que son éloignement puisse avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi du 9 septembre 1986 (n° 86-216 DC), a reconnu le droit du législateur « de prévoir, sous des garanties appropriées, les mesures permettant à l'autorité administrative d'ordonner à un étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français de quitter celui-ci » dès lors que sa décision « peut donner lieu à un recours juridictionnel devant le tribunal administratif » (cons. 10).

Il a par ailleurs précisé, à propos du droit de l'expulsion - décision applicable au cas de menace grave pour l'ordre public - « qu'il appartient au législateur d'apprécier les conditions dans lesquelles les droits de la famille peuvent être conciliés avec les impératifs d'intérêt public ; » et que « s'il peut permettre à l'autorité chargée de se prononcer sur l'expulsion d'un étranger de tenir compte de tous éléments d'appréciation, y compris, si besoin est, de sa situation familiale, il ne transgresse aucune disposition constitutionnelle en faisant prévaloir les nécessités de l'ordre public » (cons. 18).

A cet égard, le Conseil d'Etat, dans son avis n° 446427 du 8 avril 2021 publié au recueil Lebon , sur la portée de la protection contre l'éloignement de l'étranger résidant habituellement en France depuis ses 13 ans, s'est borné à relever quelle était l'intention du législateur, sans retenir aucun principe général du droit.

D'une façon générale, les principes constitutionnels au coeur du droit des étrangers et des protections contre les décisions d'éloignement sont de plusieurs ordres. En premier lieu, la Constitution « n'assure pas aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national » (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons. 2). Les étrangers ne sont pas dans la même situation que les nationaux (décision du 13 août 1993 précitée) : ils ne peuvent se prévaloir des toutes les garanties constitutionnelles reconnues à tous ceux qui résident sur le territoire national (décision du 13 août 1993 précitée). Ils ne bénéficient pas d'un droit acquis au maintien d'une législation : il est possible de réduire les cas de délivrance de plein droit d'un titre de séjour (décision n° 2006-539 du 5 juillet 2006, cons. 5).

Le Conseil constitutionnel reconnaît néanmoins que la présence régulière de longue durée (plus de dix ans) sur le territoire faire naître des liens entre l'étranger et la France (décision n° 97-389 du 22 avril 1997, cons. 45).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le droit de l'Union européenne ne régit pas le droit au séjour des ressortissants de pays tiers dans les Etats membres de l'Union européenne. Par suite, il ne prévoit pas de protections contre l'édiction des décisions d'éloignement, qui sont le corollaire du droit de séjour. En revanche, il établit une distinction entre les ressortissants de pays tiers et les citoyens de l'Union européenne qui eux, relèvent de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, cette directive garantissant à certaines catégories d'entre eux de ne pas être éloignées.

Les protections contre l'éloignement dont bénéficient les ressortissants de pays tiers, prévues à l'article L. 611-3 du CESEDA, s'appliquent sans préjudice des exigences conventionnelles, notamment le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par la Convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.

En ce qui concerne la protection relative aux étrangers malades, la Cour européenne des droits de l'homme considère que l'éloignement ou l'expulsion d'un étranger peut constituer de la part d'un Etat un traitement inhumain ou dégradant en cas de décès imminent (CEDH, 2 mai 1997, n° 30240/96), ou bien dans certains cas exceptionnels dans lesquels « il y a des motifs sérieux de croire que la personne, bien que ne courant pas le risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie » (CEDH ,13 décembre 2016, Paposhvili c/Belgique ).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

En Belgique, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ne comprend pas de catégories protégées contre l'éloignement. Peut faire l'objet d'un ordre de quitter le territoire, l'étranger qui ne remplit pas les conditions de séjour ou dont le comportement menace l'ordre public, auquel cas sa situation est examinée au regard de différents critères tels que la durée du séjour dans le Royaume, l'existence de liens avec son pays de résidence ou l'absence de lien avec son pays d'origine, son âge et les conséquences de son éloignement pour lui et les membres de sa famille.

En Suisse, la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 ne comprend pas non plus de protections contre l'éloignement. Son article 64 dispose simplement que peut faire l'objet d'une décision de renvoi ordinaire, l'étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu, celui qui ne remplit pas ou plus les conditions d'entrée en Suisse et celui auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

En Allemagne, la loi du 30 juillet 2004 ne prévoit pas de protections contre l'édiction d'une décision de retour liée à l'irrégularité de séjour. L'article 53 de cette loi se borne à prévoir, au cas de menace pour la sécurité et l'ordre publics, une mise en balance des intérêts au départ et des intérêts au maintien de l'étranger sur le territoire.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Certaines protections ne permettent pas de prendre en considération la situation concrète de l'étranger, ni la gravité des faits qu'il a pu commettre. En effet, le CESEDA conditionne notamment la délivrance des cartes de séjour temporaire et pluriannuelle à l'absence de menace pour l'ordre public (première demande et renouvellements) ; de même, le préfet peut retirer un titre de séjour pour ce même motif. Toutefois, les protections actuellement existantes empêchent ensuite l'administration de prononcer une mesure d'éloignement. Par exemple, un étranger bénéficiaire d'une carte de séjour temporaire au motif qu'il est entré en France avant 13 ans, peut se voir retirer ce titre ou refuser son renouvellement au motif que son comportement constitue une menace pour l'ordre public, sans pour autant que l'on puisse en tirer toutes les conséquences par l'édiction d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. L'automaticité de la protection est alors regrettable : elle conduit à dissuader l'autorité administrative de faire application de toutes les dispositions légales et règlementaires permettant le retrait du titre de séjour, dès lors que celui-ci ne peut être assorti d'une décision d'éloignement et donc être suivi d'effet.

Le caractère absolu des protections applicables aux catégories désignées, quelles que soient les circonstances, constitue l'un des obstacles à une politique d'éloignement répondant efficacement aux enjeux de maintien de l'ordre public.

Ainsi, à l'occasion d'une enquête menée auprès de 49 préfectures en 2022, il est apparu que, sur le mois de juillet 2022, 289 obligations de quitter le territoire français et 60 expulsions n'ont pas pu être prononcées en raison d'une protection contre l'éloignement ou l'expulsion prévue aux articles L. 611-3 et L. 631-3 du CESEDA, soit un total de 349 mesures. Sur le total des OQTF prononçables (celles prononcées effectivement et celles qui n'ont pu l'être en raison d'une protection contre l'éloignement), la part des OQTF non prononcées représente 8% du total.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La réforme entend donner de la souplesse au dispositif de protection.

Il s'agit de confier à l'autorité administrative compétente, en l'espèce le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police, le soin d'examiner au cas par cas les situations individuelles et de décider de l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français en mettant en balance l'existence d'un comportement constituant une menace grave pour l'ordre public avec notamment le droit au respect de la vie privée et familiale, conformément aux exigences des conventions internationales. En effet, dans le cas où l'étranger menace gravement l'ordre public, en raison par exemple de la commission de faits graves et pénalement répréhensibles, il n'est pas admissible que des protections automatiques prévues par la loi s'appliquent alors que dans ces cas l'impératif de sauvegarde de l'ordre public doit être pris en compte de façon particulière au regard de la situation personnelle de l'étranger.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ENVISAGÉE

Il a été envisagé de lever les protections en cas de menace simple à l'ordre public. Toutefois la mesure n'apparaissait pas proportionnée au regard des situations individuelles des étrangers protégés dans la mesure où la simple menace à l'ordre public pouvait remettre en cause trop aisément le droit à une vie privée familiale ou encore permettre de trop facilement ne pas tenir compte de l'intensité des liens que l'étranger a pu tisser avec la France après une présence prolongée de plusieurs années sur le territoire. Pour autant, il ne saurait être toléré la présence de l'étranger menaçant gravement l'ordre public caractérisant un danger pour la société.

3.2. OPTION RETENUE

L'option retenue consiste à tenir compte du comportement récent de la personne au regard de l'ordre public pour l'application des protections contre l'édiction des décisions portant obligation de quitter le territoire français prévues à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le principe général est donc celui de la préservation des protections en vigueur, sous réserve d'un comportement présentant une menace grave à l'ordre public.

Cette réforme permettra, dans le cas où l'étranger menace gravement l'ordre public, de ne pas appliquer un cadre automatique de protections prévues par la loi, mais de mieux prendre en compte, de façon spécifique, l'impératif de sauvegarde de l'ordre public au regard de la situation personnelle de l'étranger.

Il importe de préciser, notamment à propos des étrangers dont l'état de santé nécessite des soins dont le défaut pourrait avoir pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité (cf. protection prévue au 9° de l'article L. 611-3 du CESEDA), que la possibilité d'édicter une décision d'éloignement, en miroir du retrait de titre de séjour, pourra toujours être accompagnée s'il en est besoin d'une décision d'assignation à résidence aux fins de report de l'éloignement (prévue à l'article L. 731-3 du CESEDA), pour le temps nécessaire permettant l'amélioration de leur état de santé ou à la détermination d'un pays de renvoi dans lequel ils pourront bénéficier de la prise en charge médicale adaptée.

Par ailleurs, les décisions d'éloignement prononcées par les préfets dans ce cadre demeureront soumises aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment ses articles 3 et 8. L'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par la Convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, sera également pris en compte dans l'appréciation du droit au respect de la vie privée et familiale. Ainsi le tribunal administratif s'assurera de la préservation de l'équilibre entre la prévention d'une menace à l'ordre public et l'irrégularité du séjour d'une part, et le droit à la vie privée et familiale et à ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants d'autre part.

Ainsi, la réforme envisagée ne conduira pas à éloigner automatiquement toute personne représentant une menace grave pour l'ordre public. Les personnes bénéficiant aujourd'hui des protections continueront à voir leur situation examinée individuellement afin de prendre en compte l'âge de leur entrée en France, la durée de leur séjour sur le territoire, leurs attaches familiales ou leur situation au regard de leur état de santé. En tout état de cause, la suppression des protections sera sans effet sur leur droit existant de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en raison de leur situation, sous réserve de polygamie 99 ( * ) ou de motifs d'ordre public.

De plus, la protection dont bénéficient les mineurs de dix-huit ans (cf. 1° de l'article L. 611-3 précité) est maintenue dans tous les cas. En effet, compte tenu de la vulnérabilité particulière des mineurs et du régime juridique relatif au droit au séjour qui leur est propre (ces derniers n'étant pas tenus de détenir un titre de séjour), la protection contre l'éloignement dont ils bénéficient a vocation à demeurer en l'état.

Enfin, cette réforme mettra en cohérence le régime de l'expulsion avec celui de l'éloignement, afin que, en cas de menace grave pour l'ordre public, l'administration puisse déterminer plus précisément la procédure à engager au regard du droit au séjour de l'étranger.

Ainsi, l'étranger qui menace gravement l'ordre public et qui rentre dans une des situations objectives prévues aux 2° à 9° de l'article L. 611-3 du CESEDA, pourra désormais faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est modifié afin de supprimer, en cas de menace pour l'ordre public, les protections contre l'édiction d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dont bénéficient certaines catégories d'étrangers, à l'exception des mineurs de dix-huit ans.

Cet article L. 611-3 du CESEDA est applicable, conformément aux articles L. 253-1 et L. 610-1 du même code, aux citoyens de l'Union européenne et aux membres de leur famille, auxquels s'appliquent des protections spécifiques, prévues à l'article L. 251-2 dudit code qui est modifié en cohérence.

En effet, le citoyen de l'Union et le membre de sa famille sont aujourd'hui protégés de l'éloignement lorsqu'ils bénéficient du droit au séjour permanent prévu à l'article L. 234-1 du CESEDA. Or l'article 28, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE proscrit l'éloignement de ces personnes, sauf pour des motifs graves d'ordre public. Afin de lever toute ambiguïté, cette condition est insérée à l'article L. 251-2 du CESEDA.

Par ailleurs, s'agissant des citoyens de l'Union et des membres de leur famille qui résident sur le territoire d'un Etat membre depuis dix ans, le paragraphe 3 du même article 28 impose, pour lever la protection, que l'éloignement constitue une nécessité impérieuse pour la sécurité publique. Aussi, afin de maintenir le régime juridique national en conformité avec le droit de l'Union européenne, l'article L. 252-1 du CESEDA est complété afin de protéger contre l'éloignement le citoyen de l'Union européenne ou le membre de sa famille qui séjourne en France depuis plus de dix ans, à moins que son éloignement ne se fonde sur une nécessité impérieuse de sécurité publique.

Enfin, comme exposé supra , cette réforme mettra en cohérence le régime de l'expulsion prévu aux articles L. 631-1 et suivants du CESEDA, avec celui de l'éloignement prévu aux articles L. 611-1 et suivants du même code. En cas de menace grave pour l'ordre public, ce dispositif permettra à l'administration de déterminer plus précisément la procédure à engager au regard du droit au séjour de l'étranger.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

En limitant les situations de blocage dans lesquelles certains étrangers ne sont ni régularisables, ni éloignables, les présentes dispositions permettront d'assortir les décisions de refus ou de retrait de titre de séjour d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, en conformité avec le droit de l'Union européenne, et notamment la directive 2008/115/CE, dite « directive Retour » dont l'article 6, paragraphe 1, prescrit que « les Etats membres prennent une décision de retour à l'encontre de tout ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire ».

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Ces dispositions n'ont aucun impact négatif économique ou financier.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La levée des protections contre l'édiction des décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) au cas de menace pour l'ordre public conduira nécessairement les services de préfecture chargés de l'administration des étrangers à édicter et exécuter un nombre de décisions plus important. Les examens globaux de situation auxquels ils devront se livrer, au-delà des critères aujourd'hui prévus par la loi, requerront une charge de travail supplémentaire, tant au niveau du prononcé de ces décisions que pour leur défense devant les juridictions administratives. Il en sera d'ailleurs de même pour les juridictions administratives auxquelles incombera le contrôle de la légalité et de la proportionnalité de ces décisions.

Pour autant, ce surcroît d'activité doit être relativisé dans la mesure où les agents de préfectures et les magistrats administratifs procèdent déjà à un examen attentif de la situation des étrangers à l'encontre desquels l'édiction d'une décision d'éloignement est envisagée et particulièrement, s'agissant des exigences relatives à leur droit au respect de leur vie privée et familiale.

Il est difficile d'évaluer le nombre de décisions portant OQTF qui n'ont pu être prises en raison des protections contre l'éloignement et que la réserve d'ordre public prévue par le présent projet de loi permettra d'édicter, après prise en compte du droit au recours exercé par les intéressés, d'autant qu'il convient de prendre en compte le bénéfice résultant du traitement de situations jusqu'ici laissées en suspens en raison des situations de blocage dans lesquelles un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement en raison des protections dont il bénéficie.

On peut néanmoins préjuger d'une potentielle augmentation du nombre de décisions d'éloignement prononcées postérieurement à l'entrée en vigueur du présent projet de loi.

4.4. IMPACTS SOCIAUX

4.4.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Sans objet.

4.4.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Sans objet.

4.4.3. Impacts sur la jeunesse

La protection dont bénéficient les mineurs de dix-huit ans (cf. 1° de l'article L. 611-3 précité) est maintenue dans tous les cas.

4.4.4. Impacts sur les professions réglementées

Sans objet.

4.5. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Une amélioration de la sécurité des particuliers est attendue par l'éloignement d'étrangers faisant l'objet d'une OQTF en raison des faits constituant une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.

4.6. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Sans objet.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Les présentes dispositions ne requièrent aucune consultation obligatoire et aucune consultation facultative n'a été conduite.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La disposition entrerait en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française . Elle s'appliquerait aux décisions portant obligation de quitter le territoire français édictées à compter du lendemain de cette publication.

5.2.2. Application dans l'espace

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Aucun texte réglementaire ne serait nécessaire à l'application du présent article.

Article 11 : Permettre la prise d'empreintes par coercition

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Situation de fait

L'identification des personnes est un enjeu prioritaire de la lutte contre l'immigration irrégulière, à la fois pour le prononcé d'une mesure d'éloignement ou d'un refus d'entrée 100 ( * ) , mais également dans le cadre d'une éventuelle demande de laissez-passer consulaire, afin de sécuriser juridiquement la décision administrative ou judiciaire, d'obtenir des informations sur le parcours de la personne avant son entrée en France, et enfin de faciliter ou de permettre l'identification de ladite personne par l'Etat dont elle est ressortissante.

Le code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile (CESEDA) permet donc le recours à la prise d'empreintes digitales et à de la photographie, aux fins d'identification de l'étranger qui n'est pas en mesure de produire les pièces qui l'autorisent à entrer ou séjourner sur le territoire national. Si, à l'issue de la procédure de vérification, il apparait que l'étranger est en situation irrégulière, les empreintes peuvent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé (article L. 142-1).

Toutefois, les services de police et les unités de gendarmerie sont régulièrement confrontés au refus de certains étrangers de se soumettre à la prise d'empreintes. Ne pouvant recourir à la contrainte, les forces de sécurité intérieure se fondent dès lors uniquement sur l'identité et l'âge allégués par l'étranger, car ce refus les empêche de consulter les fichiers (VISABIO 101 ( * ) , SBNA 102 ( * ) ) qui leur permettraient d'identifier de manière plus certaine un individu. Cela a également pour conséquence la possibilité pour un seul et même individu de se créer plusieurs identités et donc que se constituent successivement plusieurs mesures d'éloignement, sous divers alias, qui ne permettent pas d'apprécier la situation exacte de l'individu au regard du séjour, pour l'autorité administrative, comme pour le juge administratif ou judiciaire. En outre, l'absence d'empreintes est une difficulté supplémentaire objective pour identifier la nationalité de l'étranger et par suite mettre en oeuvre son éloignement effectif, puisque le préfet ne pourra pas fournir cet élément à l'appui de sa demande de laissez-passer consulaire ou d'identification centralisée, tandis qu'un nombre croissant de pays recourt à des systèmes automatisés de comparaison d'empreintes pour assurer l'identification et la reconnaissance des étrangers qui ne sont pas documentés.

Bien que soit pénalement réprimé le refus par l'étranger de se soumettre à l'opération de prise d'empreintes ou de photographie au titre d'un refus de coopération 103 ( * ) , la sanction pénale (articles L. 821-2, L. 822-1 et L. 824-2 du CESEDA) n'est de fait pas suffisamment dissuasive et de surcroit trop peu mise en oeuvre, ce qui ne permet pas d'atteindre l'objectif initialement recherché, à savoir l'identification de l'étranger.

Cette situation implique de conduire la présente réforme pour permettre aux forces de sécurité intérieure de recourir à la contrainte pour la prise d'empreinte et de photographie et par conséquent, de passer outre le consentement de l'étranger dûment informé des conséquences de son refus.

1.1.2. Textes applicables

• Sur le relevé des empreintes et la prise de photographie

L'article L. 142-1 du CESEDA est la base légale, de portée générale, pour le traitement et la conservation des données personnelles que constituent les empreintes digitales et la photographie d'une personne, permettant son identification. Cet article permet la mémorisation et le traitement automatisé des empreintes digitales et de la photographie des étrangers qui sollicitent un visa, demandent un titre de séjour, sont en situation irrégulière sur le territoire français, ou font l'objet d'une décision de refus d'entrée sur le territoire ou d'éloignement, de même que des bénéficiaires d'une aide au retour. La collecte des empreintes digitales et la prise de photographie concernent dès lors tant les étrangers contrôlés et placés en retenue pour vérification de leur droit au séjour, que les étrangers interceptés lors du franchissement irrégulier d'une frontière.

Les articles R. 142-11 et suivants relatifs à l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF 2) prévoient expressément les dispositions permettant la consultation d'AGDREF 2 en interrogation alphanumérique ou biométrique (sur SBNA). L'article R. 142-1 prévoit expressément les règles de consultation sur le traitement VISABIO.

Considérant les objectifs poursuivis, la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France est venue sanctionner le refus de se soumettre à ces opérations d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende. Ces sanctions s'inscrivent aux articles L. 821-2, L. 822-1 et L. 824-2 du CESEDA et concernent l'étranger en situation irrégulière qui refuse de se conformer à l'opération de relevé de ses empreintes digitales.

• Sur la retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour

La retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour s'effectue dans un local de police ou de gendarmerie et respecte les modalités prévues par l'article L. 810-1 et suivants du CESEDA. Sa durée ne peut excéder 24 heures. Le procureur de la République est informé de la retenue et peut y mettre fin à tout moment. Lors de la retenue, si l'étranger ne fournit pas d'éléments pour apprécier son droit à la circulation, ses empreintes digitales et sa photographie peuvent être prises pour établir sa situation, ainsi que le prévoit l'article L. 813-10 dudit code. Les empreintes digitales ne sont mémorisées que si l'irrégularité du séjour est finalement constatée.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le cadre juridique actuel de la collecte des empreintes en matière de police des étrangers est conforme à la Constitution 104 ( * ) . Le Conseil constitutionnel a ainsi considéré « qu'il revient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels, compte tenu de l'intérêt public qu'il s'assigne, les mesures applicables à l'entrée et au séjour des étrangers en France ; qu'en prévoyant le relevé et la mémorisation des empreintes digitales des étrangers qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour après l'expiration d'un délai de trois mois depuis leur entrée sur le territoire français, ou sont en situation irrégulière sur le territoire ou sont visés par une mesure d'éloignement de ce dernier, et la possibilité d'un traitement automatisé de ces informations conformément aux garanties prévues par la loi du 6 janvier 1978 susvisée, il n'a pas, par ces mesures de police administrative, porté d'atteinte excessive à la liberté individuelle de nature à méconnaître la Constitution. »

Du point de vue de l'atteinte au principe d'inviolabilité du corps humain, l'article 55-1 du code de procédure pénale relatif aux prélèvements externes (prise d'empreinte digitale, palmaire, ou photographie) effectués à l'occasion d'une procédure pénale a été déclaré conforme à la Constitution, notamment au regard des principes de la dignité de la personne humaine et d'inviolabilité du corps humain. Le prélèvement externe fait référence « à un prélèvement n'impliquant aucune intervention corporelle interne ; qu'il ne comporte (...) donc aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des intéressés » (décision n° 2003-467 DC, 13 mars 2003, « Loi sur la sécurité intérieure » ; décision n° 2010-25 QPC, 16 septembre 2010, « Fichier des empreintes génétiques »). De même, le Conseil constitutionnel a jugé que s'agissant des tests osseux sur les mineurs, ceux-ci ne portaient pas atteinte à ce principe dès lors qu'« ils n'impliquent aucune intervention corporelle interne et ne comportent aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des personnes. En conséquence, manquent en fait les griefs tirés de l'atteinte au principe du respect de la dignité de la personne humaine et à l'inviolabilité du corps humain . » 105 ( * ) .

L'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière concourt à la sauvegarde de l'ordre public laquelle constitue une exigence de valeur constitutionnelle 106 ( * ) et justifie le recours subsidiaire et proportionné à l'exécution d'office de la prise d'empreintes, dans la mesure.

Concernant les prélèvements externes exécutés d'office, le Conseil a déclaré conforme à la Constitution l'alinéa 5 de l'article 706-56 du code de procédure pénale qui prévoit la possibilité de pratiquer un prélèvement génétique d'office sur les personnes condamnées pour crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement 107 ( * ) . S'agissant d'une procédure pénale, si le prélèvement peut être effectué sans l'accord de l'intéressé, il doit se faire sur réquisitions écrites du procureur de la République. De même, toujours dans un cadre pénal, les dispositions de l'article 706-47-2 du code de procédure pénale autorisant le recours à un examen médical et à une prise de sang sans consentement ont également été validées par le Conseil constitutionnel 108 ( * ) dans les termes suivants : « La contrainte à laquelle est soumise la personne concernée n'entraîne aucune rigueur qui ne serait pas nécessaire au regard des autres exigences constitutionnelles en cause et, plus particulièrement, conformément au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, de la protection de la santé de la victime ; (...) l'examen médical et le prélèvement sanguin ne portent atteinte ni aux droits de la défense, ni aux exigences du procès équitable, ni à la présomption d'innocence . »

Concernant l'exécution d'office par l'administration de ses propres décisions, il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que les mesures de police administratives sont susceptibles d'être exécutées d'office si la loi le prévoit, ce qui a été admis en police des étrangers 109 ( * ) , sous réserve qu'elles soient nécessaires, proportionnées et subsidiaires.

S'agissant de l'autorité compétente pour procéder à cette opération et en contrôler l'exécution, le relevé d'empreintes n'entre pas dans le champ de la liberté individuelle qui vise désormais exclusivement les mesures privatives de liberté pour lesquelles l'autorité judiciaire est seule compétente en application l'article 66 de la Constitution (jurisprudence constante depuis la décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, dans une décision postérieure à la décision n° 97-389 précitée). S'agissant d'une procédure administrative et non pénale, l'autorisation préalable de l'autorité judiciaire pour procéder à une telle opération n'apparaît donc pas nécessaire.

De même, s'agissant de l'exécution d'office d'une mesure par des officiers et agents de police judiciaire, au cas de l'instauration d'un périmètre de protection préfectoral prévu par l'article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, qui permet d'interdire l'accès ou de reconduire d'office à l'extérieur du périmètre les personnes qui refusent de se soumettre, pour accéder ou circuler à l'intérieur de ce périmètre, aux palpations de sécurité, à l'inspection visuelle ou à la fouille de leurs bagages ou à la visite de leur véhicule, cette possibilité a été admise par le Conseil constitutionnel. Ce dernier a considéré qu'« il résulte de ce qui précède que, sous les réserves énoncées aux paragraphes 33 et 34, en adoptant les dispositions contestées, le législateur, qui a à la fois strictement borné le champ d'application de la mesure qu'il a instaurée et apporté les garanties nécessaires, a assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée » 110 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et le droit de l'Union européenne sont muets sur les possibilités de procéder à la collecte des empreintes digitales et à la prise de photographie de l'étranger sans son consentement.

Il est cependant nécessaire, d'un point de vue conventionnel, d'opérer un équilibre proportionné entre d'une part, le recours à la force qui doit être nécessaire et d'autre part, l'atteinte à l'intégrité physique et le droit à la vie privée, tels que garantis par les articles 3 et 8 de la CEDH et les articles 3, 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Pour autant, le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac impose, en application des articles 9 et 14, à chaque Etat membre de l'Union de relever dans des délais très rapides les empreintes digitales de tous les demandeurs d'asile et des personnes interceptées lors du franchissement irrégulier d'une frontière, âgées de 14 ans au moins. L'efficacité et l'exhaustivité de cette collecte de données dactyloscopiques sont indispensables pour assurer le bon fonctionnement de l'espace Schengen et du mécanisme prévu par le règlement dit « Dublin ».

Par ailleurs, eu égard au droit de l'immigration, le recours à la contrainte pour la prise d'empreintes ou de photographie améliore grandement les possibilités d'identification des étrangers en situation irrégulière et partant, concourt significativement au respect de l'effet utile de la directive 2008/115/CE, dite directive « retour ».

Enfin, la Cour européenne des droits de l'homme juge que les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme n'interdisent pas, par principe, le recours à un prélèvement interne contre la volonté de l'individu en vue de l'obtention de la preuve de sa participation à une infraction 111 ( * ) .

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés souligne que la prise d'empreintes digitales sous la contrainte est possible pour les étrangers en situation irrégulière et les demandeurs d'asile en Autriche, en République tchèque, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, en Slovaquie, au Royaume-Uni et en Norvège. Le recours à la contrainte est également possible en Hongrie, Finlande, Croatie et Estonie, dans le cadre de procédures administratives visant des étrangers en situation irrégulière.

Pour l'Allemagne la contrainte peut également s'exercer pour les nécessités de la procédure pénale, et doit être appropriée. L'Estonie et la Grèce prévoient le recours à la contrainte également pour les étrangers interceptés lors du franchissement irrégulier d'une frontière.

De nombreux pays autorisent le recours à la force, de façon proportionnée, tenant compte notamment de l'état de santé et de l'âge de la personne.

D'autres Etats membres n'ont pas explicitement prévu le recours à la contrainte dans le cadre de la prise d'empreinte mais l'autorisent de façon générale de manière subsidiaire et proportionnée avec le but poursuivi, à l'instar de l'Italie et de l'Espagne.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le présent article a pour objectif de renforcer l'efficacité du dispositif en permettant le recours à la contrainte, de façon proportionnée, aux fins de procéder aux relevés des empreintes digitales. Il modifie donc les articles L. 331-2 et L. 813-10 du CESEDA.

Les difficultés rencontrées par les services de police pour identifier les étrangers dépourvus de leur titre d'identité et refusant de divulguer leur identité ou usant sciemment d'identités frauduleuses (alias) participent à faire échec à l'identification et à l'évaluation de la situation des personnes interceptées lors de leur passage à la frontière ou en retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour.

La mise en oeuvre des politiques de réacheminement et de retour se trouve ainsi significativement complexifiée, dans la mesure où l'absence d'identité ne permet pas de connaître la nationalité de l'étranger et partant, de procéder à la demande du laissez-passer consulaire auprès des autorités de l'Etat à destination duquel il doit être reconduit.

Par ailleurs, certains se déclarent mineurs de 18 ans pour ne pas faire l'objet d'une décision d'éloignement dans la mesure où un mineur est, par défaut, considéré comme étant en situation régulière, sans pour autant détenir, en cette qualité, de titre de séjour. A cet égard, une expérimentation menée à Paris en 2019 a mis en exergue que sur 154 étrangers formellement identifiés et alléguant de leur minorité, 141 étaient en réalité majeurs 112 ( * ) .

Le relevé d'empreintes et la prise de photographie sont en conséquence de nature à éviter ces écueils. Pour autant, la sanction pénale prévue pour refus de coopération n'apparaît que peu dissuasive et ne permet pas in fine d'identifier l'étranger à l'occasion du franchissement irrégulier de la frontière ou pendant la phase de retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour (article L. 813-10), ni de mémoriser par la suite ses empreintes digitales s'il s'avère être en situation irrégulière (article L. 142-1, 3°).

C'est dans ce cadre que la collecte des empreintes et de la photographie de l'étranger sans son consentement est seule, de manière subsidiaire, de nature à permettre d'atteindre l'objectif poursuivi de lutte contre l'immigration irrégulière qui concourt à la sauvegarde de l'ordre public, objectif de valeur constitutionnelle.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les opérations de relevé d'empreintes et de prise de photographie conduites à la frontière extérieure ou dans le cadre de la retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour, ont pour objet la lutte contre l'immigration irrégulière.

A cette fin, elles permettent d'établir la situation de l'étranger, qui refuse de fournir à un officier de police judiciaire les pièces qui l'autorisent à entrer en France, ou à circuler et séjourner en France. Le consentement de l'intéressé est aujourd'hui nécessaire, son refus l'exposant à des sanctions pénales. Néanmoins, ces dernières apparaissent peu dissuasives et incitent à renforcer l'arsenal législatif afin de passer outre le consentement de la personne et recourir à la contrainte proportionnée. L'usage de la force ne serait, en toute hypothèse, utilisé qu'en dernier ressort.

En tout état de cause, une peine d'emprisonnement ne peut en elle-même constituer un instrument efficace de la politique d'éloignement et ne constitue finalement qu'une mesure de dernier ressort, notamment au regard de la « directive Retour », qui impose non seulement le prononcé d'une décision de retour dans tous les cas de séjour irrégulier (article 6§1), mais également de soumettre l'étranger à des mesures proportionnées visant à mettre en oeuvre le retour, le cas échéant coercitives, préalablement à toute condamnation. Or l'emprisonnement, par nature, fait obstacle à l'éloignement et c'est la raison pour laquelle le séjour irrégulier ne constitue pas en lui-même un délit passible d'emprisonnement en France.

Il s'agit donc de prolonger le cadre coercitif qui s'exprime dans la restriction de liberté avec la zone d'attente à la frontière ou en retenue pour vérification du droit au séjour lorsque l'étranger est interpellé sur le territoire et de prévoir ainsi l'usage strictement proportionné de la contrainte aux seules fins d'identifier la personne retenue. L'identification facilitée des étrangers permettra de leur appliquer la procédure idoine et appropriée, la mieux à même de concilier la garantie de leurs droits avec la sauvegarde de l'ordre public à laquelle la lutte contre l'immigration irrégulière participe.

La collecte sans consentement des empreintes digitales et la prise de photographie des étrangers participerait ainsi à la sauvegarde de l'ordre public.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.2. OPTION RETENUE

Le dispositif envisagé de relevé des empreintes digitales et prise de photographie de l'étranger sans son consentement assurera une protection effective des étrangers dont le droit au séjour est régulier. En effet, en application de l'article L. 812-1 du CESEDA, il est fait obligation à tout étranger de détenir les documents attestant de son droit de circulation ou de séjour en France.

Cette opération sera strictement encadrée. Elle ne pourra être effectuée que par un officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, par un agent de police judiciaire. Avant de pouvoir y procéder, il aura indiqué à l'étranger des conséquences de son refus de se prêter volontairement à cette opération et aura informé par tout moyen le procureur de la République avant l'enclenchement de la procédure d'exécution d'office. L'information du procureur est par ailleurs déjà prévue pour le relevé d'empreintes volontaire opéré dans le cadre d'une retenue pour vérification du droit au séjour. En tout état de cause, le recours à la contrainte demeurera strictement proportionné et subsidiaire. En effet, la prise d'empreintes n'est qu'une faculté pour l'officier de police judiciaire qui en apprécie la nécessité in concreto . En tout état de cause, il sera tenu compte de la vulnérabilité et de l'état de santé de la personne.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Le présent texte modifie les articles L. 331-2 et L. 813-10 du CESEDA.

Le recours à la contrainte pour identifier un étranger à l'occasion d'un franchissement irrégulier de la frontière ou en séjour irrégulier sur le territoire français constitue un procédé non attentatoire à la dignité de la personne, justifié par l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière, lequel garantit le droit des personnes étrangères en séjour régulier et participe à la sauvegarde de l'ordre public.

Le projet de loi n'implique pas la création d'un nouveau traitement. Il entend seulement renforcer l'efficacité du dispositif existant. Les données susceptibles d'être enregistrées le sont, dans l'application existante de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, aux titres de séjour et aux titres de voyage des étrangers (décret n°2011-638 du 8 juin 2011). Il s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article L. 142-1 du CESEDA. Les garanties prévues par cet article sont maintenues. Les fichiers sont consultés si cela apparaît nécessaire, pour établir la situation de la personne concernée au regard de son droit d'entrée en France, ou de circulation et de séjour en France. Les fichiers AGDREF 2 et SBNA (système biométrique national de l'application AGDREF 2), ainsi que VISABIO peuvent être consultés. La consultation de ces fichiers sera, comme aujourd'hui, opérée selon les règles définies par les dispositions réglementaires relatives aux traitements automatisés des données à caractère personnel.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Le présent texte est conforme au droit international et au droit de l'Union européenne dans la mesure où il revient à l'appareil législatif de chaque Etat d'établir la procédure adaptée au relevé des empreintes digitales et à la prise de photographie des étrangers en vue de vérifier la régularité de leur séjour.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Le recours à la contrainte pour les opérations de relevé de prise d'empreinte et de photographie facilitera l'identification des étrangers et participera ainsi à appuyer les forces de sécurité intérieure en leur donnant les moyens juridiques de réaliser leurs missions. Ce qui leur permettra d'agir plus efficacement, à effectifs constants, et partant, de renforcer le sens des missions confiées aux agents.

Par ailleurs, une identification facilitée participe à améliorer la politique de l'éloignement et donc à faciliter le travail de l'administration centrale et déconcentrée, et les services de la police aux frontières pour l'obtention des laissez-passer consulaires auprès des Etats d'origine.

Enfin, le procureur de la République sera dorénavant informé lorsqu'un refus de prise d'empreinte à l'occasion d'un franchissement de frontière donnera lieu à une prise d'empreinte d'office par l'administration.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.4. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Ces dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Aucun texte d'application n'est nécessaire.

Article 12 : Mettre fin à la présence de mineurs de 16 ans dans les centres de rétention administrative

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Situation de fait

• Des règles de placement en rétention très encadrées

La rétention administrative des étrangers, prévue au titre IV du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), a pour objet de s'assurer de la présence de l'étranger qui ne présente pas de garanties de nature à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement 113 ( * ) dont il fait l'objet, aux fins d'assurer la mise en oeuvre d'une décision d'éloignement.

Un mineur de dix-huit ans ne pouvant faire l'objet d'une décision d'éloignement le visant personnellement (L. 611-3 du CESEDA), il ne peut non plus faire l'objet d'une décision de placement en rétention (L. 741-5 du CESEDA).

Toutefois, pour exécuter les décisions d'éloignement, il est parfois nécessaire de recourir à l'accueil en rétention de familles, dans le respect du droit international et interne. Un mineur peut ainsi être retenu s'il accompagne un étranger majeur placé en rétention. Ce cas de figure est très strictement limité à certaines hypothèses. Un étranger ne peut être placé en rétention avec un mineur que si l'étranger majeur n'a pas respecté une mesure d'assignation à résidence ou a pris la fuite ou opposé un refus à l'occasion de la mise en oeuvre d'une précédente mesure d'éloignement. Il peut également être placé en rétention en considération de l'intérêt de l'enfant, dans les quarante-huit heures précédant l'embarquement à l'aéroport, afin de préserver l'intéressé et sa famille des contraintes liées aux nécessités du transfert.

L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour l'application de la présente section. A cet égard, la rétention des mineurs telle qu'organisée jusqu'ici visait à préserver la vie privée et familiale en assurant la cohérence de la cellule familiale alors même que les parents sont placés en rétention en vue d'organiser leur éloignement. Dans tous les cas, la durée de rétention doit être la plus brève possible eu égard au temps strictement nécessaire à l'organisation du départ. En 2022, elle était en moyenne de 25 heures pour les familles placées en rétention 114 ( * ) .

• Un accueil des familles en rétention auquel le recours reste modéré en métropole

Sur les dix premiers mois de l'année 2022 en métropole, 51 cellules familiales ont été placées en rétention, incluant 75 mineurs accompagnants 115 ( * ) . Ces placements ont diminué ces dernières années, notamment du fait de la crise sanitaire : en effet, en 2019, 136 cellules familiales incluant 276 mineurs accompagnants (parmi eux 146 faisant l'objet d'une procédure « Dublin ») ont été placées en rétention, représentant 1,1 % du nombre total de placements en rétention.

La possibilité de placer des familles en rétention est donc utilisée de manière extrêmement limitée.

• Des lieux d'hébergement adaptés à l'accueil de familles

Les familles ne peuvent être hébergées que dans des lieux de rétention expressément habilités à cette fin. La liste des centres habilités est fixée par l'arrêté du 30 mars 2011 pris en application de l'article R. 744-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile (CESEDA), modifié en dernier lieu le 15 septembre 2021.

Neuf centres sont ainsi habilités, représentant 93 places au total en métropole (5,4 % du parc 116 ( * ) ). Pour les Outre-mer, 40 places sont disponibles à Mayotte soit 17,6 % du parc ultramarin.

Les modalités d'accueil des familles dans les lieux de rétention sont adaptées pour prendre en compte la spécificité inhérente aux familles avec mineurs. Ainsi, dans les lieux de rétention habilités à recevoir des familles, une séparation stricte des locaux de rétention famille est prévue avec les locaux de rétention communs.

Par ailleurs, d'autres adaptations portant notamment sur le mobilier, la circulation des personnes, l'accès au locaux d'hygiène, ou encore la présence d'aire de jeu, ont été mis en oeuvre dans les lieux de rétention pour accueillir des familles et leur garantir des conditions de rétention les plus souples possibles. Les centres accueillant des familles sont spécialement aménagés et disposent d'équipements adaptés dans les chambres pour les familles (chauffe-biberon, chaise bébé, lit pliant bébé avec son matelas) ou encore d'une salle de jeux équipée de tables et de chaises pour enfants, de téléviseurs et de console de jeux.

1.1.2. Textes applicables

L'impossibilité de prendre une décision de placement en rétention à l'encontre de mineurs résulte des articles L. 611-3 et L. 631-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui interdisent l'édiction de décisions d'éloignement à leur encontre. La première phrase de l'article L. 741-5 du même code confirme l'impossibilité qu'un mineur fasse l'objet d'une décision de placement en rétention le visant personnellement.

Les conditions de placement en rétention de l'étranger accompagné d'un mineur sont régies par l'article L. 741-5 précité. De surcroît, en application de l'article L. 744-2 du même code, le registre du lieu de rétention, qui est communiqué au juge des libertés et de la détention sur demande de celui-ci et à l'occasion de chaque demande de prolongation, mentionne les conditions d'accueil des mineurs.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière concourt à la sauvegarde de l'ordre public, exigence de valeur constitutionnelle 117 ( * ) .

La notion d'intérêt supérieur de l'enfant est également une exigence constitutionnelle, qui découle des articles 10 et 11 du Préambule de la constitution de 1946, et implique une protection légale attachée à leur âge 118 ( * ) . Dès lors, la durée de rétention d'un étranger accompagné d'un mineur doit être la plus brève possible et strictement adaptée au temps nécessaire à l'organisation du départ. En outre, le lieu de rétention doit également être adapté avec des chambres isolées dédiées à l'accueil des familles.

Le placement en rétention des mineurs n'est pas contraire à la liberté individuelle protégée par l'article 66 de la Constitution, ni au droit de mener une vie familiale normale au terme du Préambule de la Constitution de 1946. Le législateur opère une juste conciliation entre l'intérêt du mineur à ne pas être placé en rétention et l'inconvénient d'être séparé de celui qu'il accompagne ou les exigences de la sauvegarde de l'ordre public 119 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La directive 2008/115/CE, dite directive « retour », prévoit à son article 5 de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant à l'occasion de la mise en oeuvre de la présente directive. Son article 17 autorise le placement en rétention des mineurs non accompagnés et des familles comportant des mineurs. Lorsque le droit national interdit la rétention des mineurs non accompagnés ou des mineurs accompagnés de leurs familles, la recommandation 2017/432 de la Commission européenne préconise en outre aux Etats-membres de prévoir des alternatives à la rétention, afin de préserver l'effet utile de la directive retour.

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) ne prévoit pas non plus d'interdiction de principe pour la rétention des mineurs. L'arrêt Popov du 19 janvier 2012 a toutefois condamné la France sur ce sujet en considérant qu'elle avait au cas d'espèce insuffisamment pris en compte le bas âge des enfants (un enfant de trois ans et un autre de cinq mois) pour organiser les modalités de leur rétention, tant sur la durée (15 jours) que sur les conditions d'hébergement (absence d'activités adaptées aux enfants) mais, sans exclure par principe la présence de mineur dans un lieu de rétention. Ainsi, les modalités de rétention doivent être adaptées au public retenu et prévoir des espaces réservés aux familles séparés des autres retenus ou encore prévoir du mobilier adapté (coins des meubles arrondis, aire de jeu, matériel de puériculture etc.). En conséquence de cet arrêt d'espèce, toutes les mesures utiles ont été prises pour sécuriser l'accueil de familles dans des lieux de rétention. Dès lors, la rétention de famille avec mineurs ne méconnaît pas, par principe, les articles 3, 5 et 8 de la CESDH. Cette position a notamment été confirmée par cinq arrêts du 12 juillet 2016 concernant la France 120 ( * ) .

En tout état de cause, tant la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le droit de l'Union européenne imposent que le placement en rétention de mineur intervient en mesure de dernier ressort, si aucune autre mesure n'apparait suffisante pour la mise en oeuvre des décisions de retour.

La Convention internationale des droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 et ratifiée par le France le 7 août 1990 identifie le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, rappelé par le législateur à l'article L. 741-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais qui demeure toutefois compatible avec l'éloignement et la rétention d'un mineur 121 ( * ) . L'article 37(c) stipule en outre que les enfants privés de liberté soient traité d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Ainsi qu'il a été mentionné au point 1.3, le droit de l'Union européenne n'interdit pas la possibilité de l'accueil de mineurs dans les centres de rétention administrative. En effet, de nombreux pays européens disposent d'une législation prévoyant la rétention de familles et même la rétention des mineurs non accompagnés (MNA).

Ainsi, dans 14 Etats membres et en Norvège, les MNA peuvent être placés en rétention en attendant l'exécution de la décision d'éloignement. Par ailleurs, les législations des Etats membres dans leur grande majorité (Belgique, Bulgarie, Chypre, Espagne, Grèce, Italie, Pologne, Portugal, Slovaquie, Autriche, Belgique, Allemagne, Estonie, Finlande, Croatie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Suède et Norvège) autorisent le placement en rétention des familles avec enfants. Cette mesure est, dans tous les cas, décidée en dernier recours, en considération de l'intérêt supérieur du mineur.

Les conditions de rétention sont impérativement adaptées à la situation spécifique des mineurs et des familles avec des infrastructures qui sont notamment séparés des adultes seuls. Neuf pays prévoient une durée de rétention maximum, allant de 48 heures pour la France à 90 jours pour la Bulgarie.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Une évolution législative est nécessaire pour abandonner le placement en centre de rétention des étrangers accompagnés de mineurs de 16 ans, tel que prévu par le CESEDA. De plus le recours à la loi s'impose en raison des impacts de la mesure sur l'exercice de la liberté individuelle et de l'organisation du régime juridique de dispositifs privatifs de liberté.

Les mineurs présentent à l'évidence une vulnérabilité particulière, renforcée par l'état de vulnérabilité des parents à raison de leur situation irrégulière et de la perspective d'éloignement. La privation de liberté est par ailleurs par nature un événement à caractère traumatique dont le sens peut échapper à la compréhension du mineur d'autant plus qu'il est jeune.

Cette situation de fait légitime qu'il soit particulièrement tenu compte de l'âge des mineurs confrontés au placement en centre de rétention de leurs parents, en limitant la rétention aux familles avec mineurs âgés d'au moins 16 ans. Cette limitation est de nature à concilier le développement de l'enfant avec la mise en oeuvre de la politique de lutte contre l'immigration irrégulière.

Le gouvernement a souhaité traduire en droit national les apports des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur la rétention des mineurs, en opérant une distinction entre les mineurs de seize ans et ceux âgés d'au moins seize ans.

En vertu d'une jurisprudence constante, la CEDH rappelle qu'elle peut être amenée à conclure à la violation de l'article 3 « en raison de la conjonction de trois facteurs : le bas âge des enfants, la durée de leur rétention et le caractère inadapté des locaux concernés à la présence d'enfants ». Ainsi, le Gouvernement tient compte de cette jurisprudence en distinguant deux catégories de mineurs en fonction de leur âge.

Le seuil de seize ans constitue un palier déjà connu dans le droit français qui opère de nombreuses différences de traitement entre mineurs à partir de 16 ans révolus. L'âge de seize ans reflète ainsi selon la loi française l'acquisition d'une certaine autonomie et confère des droits associés (droit d'être émancipé, de choisir son médecin, de s'immatriculer à la sécurité sociale). C'est également l'âge de fin de l'instruction obligatoire (article L. 131-1 du code de l'éducation).

Le droit des étrangers comprend lui aussi d'ores et déjà cette catégorie spécifique de mineurs, notamment aux articles L. 233-5 et L. 413-2 portant respectivement sur l'âge des citoyens de l'Union européenne qui ont besoin d'un titre de séjour pour exercer une activité professionnelle et l'âge d'engagement dans le parcours d'intégration républicaine. Enfin, lorsque le mineur est âgé d'au moins seize ans (et qu'il est, par ailleurs, isolé), il lui est possible, par exception et alors que les mineurs étrangers sont réputés séjourner régulièrement sur le territoire même sans document de séjour, de solliciter la délivrance d'une carte de séjour portant la « mention vie privée et familiale » afin de pouvoir exercer une activité professionnelle (L. 421-35 CESEDA).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La suppression de la possibilité de placer en centre de rétention des familles avec mineurs de 16 ans s'inscrit dans une volonté d'accorder une importance accrue à l'intérêt supérieur de l'enfant et vise dès lors à prendre en considération la vulnérabilité de cette catégorie de population. L'objectif de préservation de la cellule familiale ne saurait occulter la vulnérabilité des mineurs de 16 ans et impliquer la présence en rétention d'une population trop jeune.

Pour autant, il ne s'agit pas de rendre ineffectives les décisions d'éloignement à l'encontre de famille mais de favoriser le recours à des mesures moins coercitives, notamment en privilégiant l'assignation à résidence ou leur accueil dans des centres adaptés où sont mis en oeuvre des dispositifs de préparation au retour (DPAR), encourageant le départ volontaire.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Le renforcement de la garantie que représente l'intervention du juge des libertés et de la détention pour apprécier le bien-fondé de la rétention a été envisagé. Ce dernier aurait pu intervenir à la première heure de rétention et disposer d'un délai court pour statuer (24 heures).

Une autre option aurait pu consister en l'interdiction de la prolongation de rétention administrative de l'étranger accompagné d'un mineur, à raison de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Ces deux options étaient toutefois moins lisibles qu'une interdiction du placement en centre de rétention de certains mineurs.

3.2. OPTION RETENUE

Il est envisagé de modifier l'article L. 741-5 du CESEDA pour interdire expressément la présence de mineur de 16 ans au sein d'un centre de rétention administrative.

La réforme envisagée vise ainsi à garantir que les mineurs de 16 ans ne pourront être placés en centre de rétention pour l'exécution de la décision d'éloignement de leurs parents ou accompagnants.

Le présent texte a par conséquent pour objet d'interdire toute présence d'un mineur de 16 ans dans un centre de rétention administrative et à recourir à d'autres mesures mieux à même de protéger les enfants et les jeunes adolescents des contraintes inhérentes au placement en centre de rétention administrative.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article L. 741-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif aux conditions dans lesquelles un étranger accompagné d'un mineur peut être placé en rétention administrative, est modifié pour distinguer les mineurs de seize ans et les mineurs âgés de seize à dix-huit ans, l'accueil des mineurs âgés de moins de seize ans dans les centres de rétention étant désormais proscrit. Pour autant, les exigences relatives aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans ne sont pas modifiées et l'intérêt supérieur de l'enfant demeure une considération primordiale pour l'application des dispositions relatives à la rétention.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Le présent texte est conforme à la directive 2008/115/CE, dite directive « retour », laquelle n'impose pas de critères liés à l'âge des mineurs pour les placements en rétention mais simplement de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant.

En outre, il maintient l'affirmation du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant énoncé par la Convention de New York relative aux droits des enfants en interdisant la rétention de familles avec mineurs de 16 ans.

Il s'inscrit dans le respect des valeurs de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, selon les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, la CEDH, bien qu'elle n'interdise pas par principe le placement en rétention de mineur ou de famille avec mineur, a déjà eu l'occasion par le passé de souligner l'importance de prendre en compte l'âge du mineur pour éviter toute violence psychologique qui caractériseraient un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme 122 ( * ) .

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Aucun.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Aucun.

4.2.3. Impacts budgétaires

Le placement en rétention des familles avec mineurs est possible à la condition que les conditions de rétention soient adaptées au public visé. Aujourd'hui, 93 places en métropole sont réservées à des familles. Le plus souvent, des aménagements immobiliers ont été réalisés afin d'équiper les centres de rétention. Ces capacités de rétention pourront être converties en places de rétention « classiques » moyennant des travaux.

Par ailleurs, afin de s'assurer d'une exécution effective de la mesure d'éloignement par la famille, d'autres moyens seront mis en oeuvre tels que l'aide au retour volontaire, qui pourront être le cas échéant être accompagnée d'un placement en DPAR, à supposer que les familles concernées acceptent d'être éloignées.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Aucun.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Aucun.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Aucun.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Aucun.

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

La notion d'intérêt supérieur de l'enfant est étendue et garantie au mineur de 16 ans étranger de ne pas être retenu dans un centre de rétention.

Les assignations à résidence seront en conséquence privilégiées pour l'exécution des décisions d'éloignement édictées à l'encontre de famille.

4.5.4. Impacts sur les professions réglementées

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Aucun.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Aucun.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Conformément au I de l'article 27 du présent projet de loi, la disposition entrerait en vigueur au 1 er janvier 2025.

5.2.2. Application dans l'espace

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Les dispositions réglementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devront être modifiées en cohérence avec la modification de l'article L. 741-5 de ce code, qui impliquera l'édiction d'un décret en Conseil d'Etat.

CHAPITRE II - MIEUX TIRER LES CONSÉQUENCES DES ACTES DES ÉTRANGERS EN MATIÈRE DE DROIT AU SÉJOUR

Article 13a : Fonder le refus ou le retrait d'un document de séjour détenu par un étranger dont le comportement manifeste le rejet des principes et valeurs de la République française

Article 13d : Conditionner la délivrance de tout document de séjour à la signature, par l'étranger, d'un acte d'engagement aux principes et valeurs de la République française

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le droit des étrangers comporte d'ores et déjà plusieurs dispositifs permettant de prendre en considération l'intégration de l'étranger sur le territoire national. La délivrance de certains titres de séjour est d'ailleurs conditionnée à l'intégration de l'étranger sur le territoire national.

Premièrement, la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a créé le parcours personnalisé d'intégration républicaine qui comporte le contrat d'intégration républicaine (CIR) mentionné à l'article L. 413-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) 123 ( * ) . En 2021, 108 909 contrats ont été conclus. L'article 48 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effective et une intégration réussie (IMDAEIR) est venu compléter le contenu du CIR, en renforçant la formation linguistique et en y ajoutant un accompagnement pour l'insertion professionnelle.

Pris en charge par l'Etat, le CIR comprend notamment une formation civique portant sur les principes, les valeurs et les institutions de la République, l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France et l'organisation de la société française 124 ( * ) , une formation linguistique 125 ( * ) visant à l'acquisition en français du niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) et un accompagnement adapté pour faciliter l'accueil et l'intégration du primo-arrivant. En Outre-mer, un volet relatif à l'histoire et à la géographie du lieu de résidence est prescrit au titre de la formation civique. Le parcours personnalisé d'intégration républicaine et le CIR ont, à cet égard, vu leur application différée à Mayotte au 1 er janvier 2022 par la loi de finances pour 2020 126 ( * ) .

Plus précisément, la formation civique présente les institutions françaises mais également les valeurs de la République que sont, notamment, la liberté, l'égalité, dont celle entre les hommes et les femmes, la fraternité, la laïcité, l'Etat de droit, les libertés fondamentales, la sûreté des personnes et des biens et l'exercice de la citoyenneté 127 ( * ) .

Le dispositif du parcours d'intégration vise tout primo-arrivant de plus de seize ans qui souhaite se maintenir durablement sur le territoire. Son champ d'application est néanmoins réduit.

En effet, un nombre important de catégories d'étrangers est dispensé de la signature du CIR 128 ( * ) . Ces dérogations visent, d'une part, des étrangers bénéficiant d'une présomption d'intégration du fait de l'ancienneté de leur séjour en France et, d'autre part, des étrangers ne présentant pas de perspective de maintien durable sur le territoire sous couvert du titre qui autorise leur séjour sur le territoire national 129 ( * ) .

Par ailleurs, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 n'ayant pas été modifié en ce sens, le CIR n'est applicable aux ressortissants algériens que sur proposition des préfectures 130 ( * ) . La signature du contrat peut leur être proposée mais son respect ne constitue pas une condition de délivrance du titre de séjour 131 ( * ) . En revanche, le dispositif du CIR s'applique aux ressortissants tunisiens, l'accord du 28 avril 2008 132 ( * ) prévoyant que le ressortissant tunisien primo-arrivant en France et souhaitant s'y maintenir durablement prépare son intégration dans la société française.

Les étrangers exclus du dispositif et qui n'ont donc pas souscrit à ce dispositif lors de leur première admission au séjour en France peuvent également signer un CIR sous réserve d'un séjour régulier en France sous couvert d'un titre de séjour 133 ( * ) . Pour cette catégorie de personnes, la signature du CIR n'est donc pas obligatoire mais fortement recommandée si elles souhaitent s'installer durablement en France.

En effet, si l'engagement dans le parcours individualisé d'intégration républicaine ne conditionne pas la délivrance du premier titre de séjour, il offre, en revanche, un élément de mesure de l'intégration lors de la délivrance du titre de séjour pluriannuel puis de la carte de résident. Pour cette raison, les étrangers qui sont dispensés de l'obligation de signer le CIR 134 ( * ) mais qui disposent de la faculté de le faire sont fortement incités à s'engager dans ce dispositif.

A cet égard, et s'agissant donc de la carte de séjour pluriannuelle (CSP) 135 ( * ) , la délivrance de ce titre est conditionnée au respect de la condition générale d'intégration qui comporte plusieurs aspects dont l'assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et le sérieux de la participation du demandeur aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du CIR ainsi que l'absence de rejet de sa part des valeurs essentielles de la société française et de la République.

Deuxièmement, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle doit, en plus de la fourniture de l'attestation de la participation aux formations prescrites par le CIR, signer un acte d'engagement à respecter les valeurs de la République française. Il s'agit d'une déclaration sur l'honneur. Il y est indiqué que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de sexe ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. La devise de la République est « Liberté, égalité, fraternité ». La langue de la République est le français. ».

Néanmoins, cet acte d'engagement ne figure qu'à l'annexe 10 du CESEDA issue de l'arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle-Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du CESEDA 136 ( * ) .

Parce que le refus de signer cet acte d'engagement traduit en réalité un refus de s'engager à respecter les principes de la République, de nature à justifier à lui seul le refus de délivrer le titre de séjour, le fondement législatif est opportun. En l'absence d'un tel fondement et d'une telle évolution, le refus de signer l'acte d'engagement se traduit par un refus de délivrer le titre de séjour pour incomplétude du dossier et non pour refus de s'engager à respecter les principes de la République

Troisièmement, la première délivrance de nombreuses cartes de résident est subordonnée au respect de la condition d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française 137 ( * ) . L'intégration de l'étranger est appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française. La condition d'intégration républicaine s'applique également pour la délivrance de la carte de résident portant la mention « Résident de longue durée-UE » prévue aux articles L. 421-12, L. 421-25 et L. 424-5, L. 424-14 ou L. 426-19 du CESEDA ainsi que pour la délivrance aux étrangers d'une carte de résident permanent prévue à l'article L. 426-4 du même code.

Les pièces à fournir par le demandeur pour l'appréciation de cette condition sont précisées par le 1° de l'article R. 413-15 du CESEDA. Il s'agit également d'une déclaration sur l'honneur par laquelle l'étranger s'engage à respecter les principes qui régissent la République française. D'après les travaux préparatoires à la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité , cette condition d'intégration républicaine, exigée pour la délivrance de toute carte de résident, « sera appréciée à partir d'un faisceau d'indices tels que la scolarisation, l'apprentissage de la langue, la formation professionnelle, la participation à la vie associative ou encore le suivi du contrat d'accueil et d'intégration » . La circulaire du 11 juin 2009 relative au lien entre l'intégration dans la société française et la délivrance de titres de séjour ou le regroupement familial 138 ( * ) rappelle le principe du faisceau d'indices pour apprécier l'intégration républicaine de l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de résident. Les principes témoignant de la bonne intégration républicaine sont entre autres, la laïcité, le respect des droits des femmes, l'éducation et la scolarisation des enfants, l'interdiction de faire subir des violences aux femmes et aux enfants 139 ( * ) .

Enfin, la naturalisation est conditionnée, depuis la loi du 26 novembre 2003 précitée, renforcée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, l'intégration et la nationalité , à l'assimilation à la communauté française. L'assimilation s'entend, outre la condition linguistique, de la connaissance des « droits et devoirs conférés par la nationalité française » ainsi que de « l'adhésion aux principes et valeurs de la République » 140 ( * ) . En matière de naturalisation donc, la notion d'adhésion s'est substituée à celle de la simple connaissance des principes et des principes et valeurs essentiels de la République . Cette adhésion est vérifiée lors de l'entretien d'assimilation en préfecture. Pour renforcer le contrôle de l'assimilation, liée à cette adhésion, l'intéressé doit signer « la charte des droits et devoirs du citoyen français » dont le contenu est renvoyé à un décret en Conseil d'État 141 ( * ) . Elle lui est remise lors de la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. Le guide de l'entretien d'assimilation, en matière de naturalisation, met l'accent sur un premier bloc de connaissance lié à l'histoire, la culture et la société françaises et sur un second bloc lié à l'adhésion aux principes juridiques et valeurs de la République au travers, notamment, des principes de liberté, égalité, fraternité, laïcité. S'agissant de la carte de résident, il est également recommandé aux services de préfecture, par la Direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l'intérieur, de s'appuyer sur ce guide pour apprécier cette condition d'intégration.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République comporte peu d'éléments relatifs au droit des étrangers. Néanmoins, il avait été envisagé d'introduire dans le CESEDA, comme condition générale de délivrance des titres de séjour, une nouvelle réserve selon laquelle le fait d'établir que l'étranger a « manifesté un rejet » des principes de la République aurait fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de tout titre de séjour et aurait constitué un motif de retrait du titre de séjour octroyé. Face à l'insuffisante précision de la référence aux « principes de la République », le juge constitutionnel 142 ( * ) a estimé ces dispositions contraires à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. S'agissant des personnes morales de droit privé (associations notamment), le dispositif du contrat d'engagement républicain a, lui, été déclaré constitutionnel notamment parce qu'il précisait les principes et valeurs de la République française : la liberté, l'égalité, la fraternité, le respect de la dignité de la personne humaine et la sauvegarde de l'ordre public.

En 2006 déjà, une formulation similaire avait été soumise au Conseil constitutionnel puisque la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration prévoyait que le regroupement familial pouvait être refusé si le demandeur « ne se conforme pas aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Il avait néanmoins validé cette formulation en la précisant par une réserve d'interprétation en estimant que « le législateur a entendu se référer aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil » 143 ( * ) . La loi a donc été modifiée, ensuite, en ce sens. Pour mémoire, la circulaire du 22 février 2007 144 ( * ) , rappelant celle du 27 décembre 2006, relève parmi ces principes : « monogamie, égalité de l'homme et de la femme, respect de l'intégrité physique des enfants et adolescents, respect de la liberté du mariage, assiduité scolaire, respect des différences ethniques et religieuses, acceptation de la règle selon laquelle la France est une République laïque ».

Hors ces considérations presque formelles, qui imposent de définir le contenu des principes et valeurs essentiels de la République retenus afin que les mesures envisagées soient constitutionnelles, la jurisprudence est plutôt favorable à ce type de réserves. Le Conseil constitutionnel rappelle fréquemment que les étrangers ne disposent d'aucun droit général ou absolu au séjour : « Considérant, d'une part, qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national (...) » 145 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

En principe, les Etats membres peuvent, notamment sur le fondement de l'article 7, §2 de la directive dite « regroupement familial » 146 ( * ) , exiger qu'un ressortissant de pays tiers réussisse un examen d'intégration avant d'autoriser l'entrée et le séjour sur leur territoire. Néanmoins, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a posé de nombreuses conditions à l'exigibilité de ce « niveau minimal d'intégration ». En effet, dans un arrêt important du 9 juillet 2015 147 ( * ) , la CJUE a apporté différentes précisions quant à la conformité avec la directive précitée de la législation néerlandaise conditionnant le séjour sur le territoire à la réussite, par les membres de famille du regroupant, à un examen d'intégration. En l'espèce, pour qu'un membre de famille soit autorisé à séjourner au titre du regroupement familial, la législation néerlandaise lui imposait notamment de réussir un examen d'intégration civique. Or, la Cour rappelle que les mesures d'intégration mises en oeuvre par les États membres doivent uniquement permettre de favoriser l'intégration des étrangers et non de sélectionner les personnes qui pourront séjourner sur le territoire au titre du regroupement familial. La Cour s'était prononcée dans le même sens une année plus tôt, s'agissant cette fois-ci de la législation allemande. Les conjoints originaires d'un pays tiers qui souhaitaient rejoindre leur partenaire en Allemagne étaient tenus, depuis 2007, de disposer d'un niveau A1 en langue allemande.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) admet la possibilité 148 ( * ) pour un Etat d'opposer un refus de séjour à un étranger dont le comportement est contraire aux principes et valeur fondamentaux de cet Etat.

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) reconnaît aux Etats, en ce qui concerne la protection des libertés de pensée, de conscience, de religion et d'expression,  prévue en ses articles 9 et 10, la possibilité d'assortir l'exercice de ces libertés de restrictions qui, « prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Dans la mesure où le rejet des principes et valeurs de la République porte atteinte à la protection des droits et libertés d'autrui, un refus de droit au séjour d'un ressortissant étranger fondé sur ce motif n'est pas en contradiction avec la protection des libertés précitées telles que garanties par les articles 9 et 10 de la CESDH.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

De nombreux Etats membres de l'Union européenne conditionnent l'obtention de la naturalisation à l'intégration de l'étranger à la société du pays d'accueil. De telles vérifications existent également, dans certains cas, s'agissant de la délivrance de titres de séjour dits « permanents », qui peuvent, au demeurant, comporter une durée de validité de dix-huit mois.

Aux Pays-Bas, par exemple, l'examen sur la connaissance de la société néerlandaise comprend également des leçons sur les valeurs de la société néerlandaise (parmi lesquelles l'égalité entre les femmes et les hommes, les valeurs démocratiques, la liberté d'expression, etc.) A l'issue de l'examen, l'étranger signe une déclaration de participation attestant, notamment, de son engagement à respecter ces valeurs. Si cette déclaration de participation n'est pas signée, alors le titre de séjour permanent sollicité ne lui est pas octroyé. Des dispositifs similaires existent en Hongrie, en Allemagne ou encore en Autriche 149 ( * ) .

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le législateur est compétent pour déterminer « dans le respect des principes constitutionnels, compte tenu de l'intérêt public qu'il assigne, les mesures applicables à l'entrée et au séjour des étrangers en France » 150 ( * ) . En effet, permettre le refus de délivrance, ou le retrait, d'un document de séjour à l'étranger qui n'a pas signé l'acte d'engagement à respecter les principes et valeurs essentiels de la République française ou dont le comportement manifeste le rejet de ces principes emporte des conséquences sur sa situation, notamment sur son droit à se maintenir en France, et, dans certains cas, à y travailler. Aussi, il est naturel, voire même impératif, que cela ressorte de la compétence du législateur. Cela ne fait aucunement obstacle à ce que le contenu et les modalités de signature de l'acte d'engagement soient précisés par voie réglementaire.

Insérées au début de la section I intitulée « Dépôt des demandes » du chapitre I « Demandes de titres de séjour » lui-même inséré au titre III « Procédures administratives » du livre IV « Séjour en France », ces dispositions auraient, de surcroît, une portée de principes directeurs du droit au séjour des étrangers en France.

Par ailleurs, ces mesures permettent de compléter les dispositifs existant en droit des étrangers, rappelés supra , voire de les porter au niveau législatif. En effet, le dispositif que constitue le CIR ne permet pas de faire obstacle à la première délivrance d'un document de séjour et surtout, ne s'applique pas à l'ensemble des étrangers puisque son champ d'application est finalement restreint. Surtout, le présent article a vocation à étendre et à ériger au niveau législatif l'obligation de signature de l'acte d'engagement, prescrite à ce jour uniquement pour la délivrance d'une CSP.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

De manière générale, la République est unie par un socle de valeurs et de principes permettant à tous ses citoyens de vivre dans le respect de la loi commune et de la cohésion nationale. Or, la cohésion nationale suppose le respect par chacun d'exigences minimales de la vie en société. L'objectif est donc de renforcer l'affirmation de la primauté des valeurs de la République en les traduisant, une nouvelle fois, dans le droit positif. En ce sens, la mesure ainsi proposée se fait le relais, en droit des étrangers spécifiquement, de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République puisque les dispositions relatives au droit des étrangers avaient été censurées par le Conseil constitutionnel (cf. supra ) : il s'agit, in fine , d'appliquer aux personnes physiques ce qui est aujourd'hui applicable aux personnes morales.

L'adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République française est un vecteur d'intégration des étrangers sur le territoire, comme peut l'être le travail ou la résidence effective et habituelle. Elle en constitue l'instrument de mesure le plus efficace. En effet, conditionner la délivrance de tout document de séjour à cette adhésion permet de mesurer l'intensité du souhait de l'étranger de séjourner sur le territoire national en se conformant aux principes de la société française.

En prescrivant l'engagement à respecter les principes et valeurs essentiels de la République et en autorisant le non-renouvellement 151 ( * ) et le retrait 152 ( * ) de la carte de séjour temporaire, pluriannuelle ou carte de résident pour les même motifs, la mesure envisagée est également de nature à permettre aux préfets de tenir compte de la situation des étrangers en considérant leur seul comportement, ou leurs pratiques, sans nécessairement se fonder sur la menace à l'ordre public ou des infractions pénales, au demeurant, limitativement énumérées par la loi.

De manière générale et comme évoqué supra , la mesure vise à compléter et renforcer les dispositifs d'intégration sur le territoire français.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Néant.

3.2. OPTION RETENUE

3.2.1. Economie générale

La présente mesure a vocation à conditionner la délivrance de tout document de séjour, y compris les autorisations provisoires de séjour et les visas de long séjour valant titres de séjour, à la production d'une déclaration sur l'honneur attestant que le signataire s'engage à respecter les principes et valeurs essentiels de la République française. Finalement, il s'agit d'étendre à tous les titres de séjour la disposition réglementaire existante pour la délivrance d'une CSP tout en renforçant l'exigence d'intégration.

En effet, cette exigence se trouve renforcée d'une part puisqu'elle est, outre sa généralisation, érigée au rang législatif et d'autre part, elle est assortie d'un pendant négatif qui dépasse la simple irrecevabilité de la demande de titre de séjour au motif de son incomplétude. Cela signifie que la signature de l'acte d'engagement doit, ensuite, se traduire dans les faits et notamment dans le comportement du signataire. L'adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République ne doit pas rester uniquement théorique. Or, l'absence de signature de l'acte d'engagement ne peut constituer, tout au plus et à ce stade, qu'une incomplétude du dossier aisément régularisable par l'étranger. La possibilité de fonder un refus ou un retrait de titre de séjour en l'absence de concrétisation, dans les faits, de cet engagement permet d'opérationnaliser ce dispositif.

Ainsi, la mesure prévoit que tout étranger ressortissant d'un pays tiers pourra se voir refuser la délivrance ou le renouvellement d'un document de séjour, ou se le voir retirer 153 ( * ) , lorsque son comportement - apprécié par le préfet au vu des faits et des actes effectivement accomplis et commis volontairement - caractérisera un rejet manifeste des principes républicains. Sous réserve qu'il ne relève pas d'une catégorie protégée contre l'éloignement (articles L. 611-3, L. 631-2 et L. 631-3 du CESEDA), cette mesure pourra être assortie d'une obligation de quitter le territoire (OQTF) ou d'un arrêté d'expulsion.

Cette mesure ne concernera pas les citoyens de l'Union européenne et assimilés (Norvège, Liechtenstein, Islande et Suisse) qui sont régis par les seules dispositions du livre II du CESEDA. Elle ne concerne pas, non plus, les bénéficiaires d'une protection internationale et les membres de leur famille dont le droit au séjour est issu de dispositions supra-nationales. En tout état de cause, toute action sur le droit au séjour d'un bénéficiaire d'une protection internationale est soumise à intervention préalable de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Cette nouvelle disposition concernera l'ensemble des ressortissants de pays tiers à l'exception des ressortissants algériens qui sont exclusivement régis par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

3.2.2. Principes de la République

Les principes républicains retenus correspondent à ceux figurant dans le bloc de constitutionnalité, arrêtés lors de processus législatifs antérieurs ou dégagés par les jurisprudences constitutionnelle et administrative dans des décisions et arrêts de principe. Dans un objectif de bonne intelligibilité par les administrés des dispositions législatives proposées, et donc de leur opposabilité dans les cadres administratifs et contentieux, ces principes seront clairement listés au sein du nouvel article L. 412-7 du CESEDA. Il s'agit de :

? La liberté personnelle ;

? la liberté d'expression et de conscience (la liberté de conscience renvoyant à la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat) ;

? l'égalité entre les hommes et les femmes 154 ( * ) (identifiée comme une valeur essentielle de la société française par le Conseil d'État 155 ( * ) ) ;

? la dignité de la personne humaine (la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République le mentionne s'agissant du contrat d'engagement républicain pour les associations notamment) ;

? la devise et les symboles de la République, au sens de l'article 2 de la Constitution, c'est-à-dire : la devise de la République, la langue française, le drapeau tricolore, l'hymne national, la démocratie.

Par ailleurs, l'indication selon laquelle un étranger ne peut se prévaloir de ses convictions personnelles ou croyances pour s'affranchir des règles régissant les relations entre services publics et particuliers constitue tout simplement la définition de la laïcité retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision de 2004 : « Les dispositions de l'article 1 er de la Constitution aux termes desquelles « La France est une République Laïque » (...) interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers » 156 ( * ) . La formule est donc reprise dans la charte de la laïcité. La charte de laïcité dans les services publics rappelle les principes posés par notre droit pour assurer le respect dans les services publics du principe républicain de laïcité. L'objet de la charte est de rappeler aux agents publics comme aux usagers quels sont leurs droits et leurs devoirs à cet égard pour contribuer au bon fonctionnement des services publics. La nouvelle charte de la laïcité dans les services publics a été adoptée à l'occasion du comité interministériel de la laïcité du 9 décembre 2021. Elle doit être exposée de manière visible et accessible dans l'ensemble des services publics. Cela permettra, notamment, à l'autorité préfectorale de sanctionner certains comportements et agissements d'étrangers dans le cadre de l'accueil des usagers en préfecture.

Les principes retenus ont d'ores et déjà été validés par le Conseil constitutionnel puisqu'ils figuraient dans la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République , à l'exception de celui ayant trait à l'orientation sexuelle. En effet, le Conseil indique que : « Il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les obligations prévues au titre de ce contrat sont celle de respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution, c'est-à-dire l'emblème national, l'hymne national et la devise de la République, celle de ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République et, enfin, celle de s'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public. Il résulte des travaux parlementaires que cette dernière obligation vise les actions susceptibles d'entraîner des troubles graves à la tranquillité et à la sécurité publiques. Dès lors, le législateur a défini précisément les obligations prévues par le contrat d'engagement républicain. » 157 ( * ) .

3.2.3. Caractérisation du rejet des principes de la République

Le rejet de ces principes est défini à l'article L. 412-8, il s'agit « d'agissements délibérés de l'étranger troublant l'ordre public en ce qu'ils portent une atteinte grave à un ou plusieurs principes mentionnés à l'article L. 412-7, et particulièrement à des droits et libertés d'autrui ».

Des exemples, infra , de situations dans lesquelles un tel rejet est observable :

? A l'école :

Les parents peuvent être les auteurs des atteintes au principe de laïcité à l'école ainsi que le constatent les différents rapports du ministère de l'Education nationale et de la jeunesse. Les signalements sont effectués par les directeurs d'établissements aux académies qui peuvent, ensuite, prendre attache avec les préfectures. Les situations signalées peuvent être les suivantes : encouragement au port ostensible de signes et de tenues religieux (environ 50% des signalements recensés par le ministère de l'Education nationale), incitation à la prière au sein de l'école, contestation d'un enseignement ou du contenu de l'enseignement auprès d'un instituteur ou professeur, refus d'activité scolaire, notamment sportive (piscine pour les jeunes filles), etc.

Le rapport du préfet Clavreul intitulé « Laïcité, valeurs de la République et exigences minimales de la vie en société » et publié en 2018, constate, dans certains collèges, un retrait de la participation des filles aux activités sportives : absences de la piscine, désinscriptions dans des cours associatifs de danse, non-participation aux sorties scolaires, etc.

Ce rapport expose aussi qu'à Tourcoing, les services municipaux ont constaté un déficit de scolarisation des petites filles en classes de maternelle. Or, la scolarisation des enfants constitue un élément qu'il faut renseigner lors d'une demande de titre de séjour : il est donc aisément identifiable par les services de préfecture.

? Au sein des autres services publics :

Agression verbale d'un agent de guichet ; refus d'être reçu ou entendu par un agent de sexe opposé pour des motifs religieux ; refus de serrer la main à un agent de sexe opposé pour des motifs religieux qui a, au demeurant été sanctionné par le Conseil d'Etat 158 ( * ) .

? Dans les lieux de culte :

Propos radicaux tenus lors de prêches de nature à encourager la propagation de thèses contraires ou hostiles aux valeurs essentielles de la société française et signalés par une note blanche 159 ( * ) ou retransmis sur internet sans que la menace à l'ordre public puisse être caractérisée 160 ( * ) .

? Vie associative :

Appartenance à des mouvements ou des associations prônant une pratique trop radicale de la religion 161 ( * ) .

? Propos nuancés/complaisants tenus sur les réseaux sociaux ou dans des courriers concernant les auteurs d'attentats terroristes sans faire l'apologie du terrorisme ; hébergement à deux reprises de deux individus avant leur départ pour la Syrie sans que le comportement n'ait fait l'objet de poursuites pénales, révélé par une note blanche 162 ( * ) ; refus de participer à des minutes de silence.

? Au sein du foyer et s'agissant de femmes plus particulièrement :

Confinement au foyer, port sous la contrainte ou non de signes religieux ostentatoires, interdiction de toute communication avec des personnes du sexe masculin 163 ( * ) .

? Outrage aux symboles de la République comme le drapeau ou l'hymne national commis lors de représentations publiques ou dans un cadre privé mais faisant l'objet d'une diffusion publique.

? A l'hôpital :

Le libre choix du patient trouve ses limites dans la nécessaire organisation des équipes médicales et du fonctionnement du service public mais également dans les conséquences sur la santé du patient. Exemples du refus de transfusion sanguine 164 ( * ) , des refus de soins obstétriques dispensés par des gynécologues hommes sur des femmes, l'identification ou les soins rendus impossibles par le port d'un voile intégral. En cas de refus persistant, le soignant doit faire attester par écrit la décision du patient et même en alerter le Procureur dans le cas d'un enfant mineur (lorsque le défaut de consentement aux soins des parents est susceptible de compromettre la santé du mineur, le médecin en avise le Procureur).

Là aussi, le rapport du préfet Clavreul intitulé « Laïcité, valeurs de la République et exigences minimales de la vie en société » et publié en 2018, constate que dans certains CHU ayant accepté de témoigner, la récurrence des incidents liés à un refus de soin par un praticien ou un personnel soignant homme se monte à plusieurs cas par semaine, principalement en service de gynécologie obstétrique.

Ces propos ou comportements manifestant, sinon un rejet, au moins un non-respect des principes et valeurs de la République sont portés à la connaissance de l'administration par le biais de notes blanches, rapports administratifs, rapports des services de renseignements, signalements divers, témoignages dont la valeur probante est vérifiée.

Ces faits commis par l'étranger doivent véritablement traduire un défaut d'intégration dans la société française. Par exemple, si l'absence d'une jeune fille à la piscine dans le cadre de cours d'éducation physique et sportive est justifiée par une allergie au chlore, le comportement de son parent n'est pas constitutif d'un rejet des principes de la République.

3.2.4. Garanties apportées à l'étranger

Afin notamment de garantir le droit au respect de la vie privée et familiale en France de l'étranger, plusieurs garanties ont néanmoins été mises en place.

Premièrement, s'agissant spécifiquement du retrait du document de séjour, il ne s'agit pas d'une hypothèse de retrait obligatoire du titre de séjour mais uniquement d'une hypothèse de retrait facultatif. En effet, les nouvelles dispositions indiquent que « tout document de séjour détenu par un étranger dans une telle situation peut être retiré », il en est de même pour les décisions de refus de renouvellement. L'administration n'est donc pas en compétence liée, dans cette hypothèse, pour s'engager dans la procédure de retrait du document de séjour de l'étranger. Il s'agit d'une garantie importante au bénéfice de ce dernier puisque le contrôle juridictionnel sera entier : tous les moyens sont invocables par le demandeur s'il souhaite exercer un contentieux.

Deuxièmement , le refus de renouvellement et le retrait d'un titre de séjour dit de longue durée (à savoir la carte de séjour pluriannuelle ou la carte de résident) ne pourront être effectués par l'autorité préfectorale si l'étranger est protégé contre l'éloignement au sens des dispositions de l'article L. 611-3 du CESEDA. Les nouvelles dispositions seront donc inapplicables à l'étranger qui ne peut être éloigné par le biais d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Par conséquent, les cartes de résident dont le refus de renouvellement ou le retrait est possible en raison d'un rejet, par le titulaire, des principes de la République sont principalement celles qui sont délivrées en première délivrance. En effet, les titulaires d'une carte de résident délivrée en première intention (c'est-à-dire que la carte de résident n'est pas soumise à une condition de séjour régulier préalable) ne constituent pas le public protégé contre les mesures d'éloignement car, le plus souvent, leur vie privée et familiale sur le territoire n'est pas particulièrement caractérisée.

Il s'agit notamment des cartes de résident délivrées aux enfants étrangers d'un ressortissant français 165 ( * ) ; aux ascendants étrangers d'un ressortissant français ou de son conjoint 166 ( * ) ; aux étrangers titulaires d'une rente d'accident de travail ou de maladie professionnelle 167 ( * ) ; aux étrangers ayant combattu pour la France 168 ( * ) ; aux étrangers retraités 169 ( * ) , aux ressortissants d'Andorre s'établissant en France en qualité de travailleur, d'étudiant ou de non actif et aux membres de leur famille 170 ( * ) , etc. Ces catégories représentent approximativement 4 634 titres délivrés entre le 1 er janvier 2020 et le 30 décembre 2022, dont 2 897 créations et 1 737 renouvellements.

Troisièmement, une garantie procédurale supplémentaire est offerte à l'étranger. Le refus de renouvellement et le retrait d'un titre de séjour dit de longue durée (à savoir la carte de séjour pluriannuelle et la carte de résident) doivent être précédés d'une saisine préalable de la commission du titre de séjour. S'agissant de la carte de résident, l'avis de la commission du titre de séjour (CTS) est conforme si l'avis de la CTS est défavorable au retrait ou au renouvellement, c'est-à-dire que dès lors que le préfet a décidé de procéder au refus de renouvellement ou au retrait de la carte de résident, il doit saisir la CTS et sera tenu de suivre son avis s'il est défavorable au prononcé d'une telle décision. A l'inverse, pour que le préfet demeure libre de décider s'il retire ou refuse le renouvellement de la carte de résident, si la CTS rend un avis favorable, le préfet n'est pas tenu de le suivre.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Ces deux dispositions se traduisent par l'insertion dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) d'une section nouvelle 3 intitulée « Respect des principes de la République française », insérée dans le chapitre II du titre I du livre IV.

La mesure portant notamment sur le retrait du document de séjour à l'étranger dont le comportement manifeste le rejet des principes et valeurs essentiels de la République emporte modification, par voie réglementaire, de l'article R. 432-4 du CESEDA qui fixe les hypothèses de retrait facultatif applicables à tous les titres de séjour.

L'annexe 10 du même code issue de l'arrêté du 30 avril 2021, modifié le 23 juin 2022, fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devra également être modifiée. En effet, il faut y insérer l'acte d'engagement, qui existe déjà pour les CSP, pour l'ensemble des titres de séjour.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Le droit européen donne la possibilité aux Etats membres d'appliquer aux ressortissants de pays tiers des conditions d'intégration, dans le cadre du droit national, ce qui inclut en France le respect des principes et valeurs de la République. Les textes européens (article 7.2 de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relatif au droit au regroupement familial et article 5.2 de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ) prévoient ainsi que « Les Etats membres peuvent exiger que les ressortissants de pays tiers satisfassent à des conditions d'intégration conformément à leur droit national » .

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Ces dispositions n'ont aucun impact macroéconomique.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Ces dispositions n'ont aucun impact sur les entreprises.

4.2.3. Impacts budgétaires

Ces dispositions n'ont aucun impact budgétaire.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Aucun impact significatif n'est recensé au-delà du nombre des réunions de la commission du titre de séjour (CTS) qui est appelé à augmenter relativement. En effet, l'article L. 432-14 du CESEDA dispose que : « La commission du titre de séjour est composée : 1° D'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles-ci et, à Paris, du marie, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris ; (...) ».

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure ne complexifiera que très peu les démarches administratives des étrangers qui auront désormais l'obligation de signer l'acte d'engagement puisqu'elle prend la forme d'une simple déclaration sur l'honneur.

La mesure envisagée générera, en revanche, une charge de travail supplémentaire pour les préfectures et hauts commissariats. Si celle-ci devrait être relativement faible 171 ( * ) dans la grande majorité des dossiers, soit ceux ne comportant aucun indice suggérant un non-respect des principes de la République de la part du demandeur, le processus de vérification sera plus lourd pour les étrangers dont le comportement doit être évalué. Dans ce cadre, il reviendra à l'agent instructeur d'apprécier finement des faits et des comportements qui n'auront pas nécessairement fait l'objet de poursuites judiciaires. Les consignes métiers de la DGEF et la future jurisprudence préciseront les critères et faisceaux d'indices qui pourront être retenus.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

En permettant à l'autorité administrative, sous réserve qu'ils ne relèvent pas d'une catégorie protégée, d'éloigner du territoire national des ressortissants étrangers dont le comportement est contraire aux principes de la République et à l'intérêt de la collectivité, la mesure envisagée aura un impact positif sur la cohésion sociale.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Ces dispositions n'ont aucun impact sur les personnes en situation de handicap.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

En permettant à l'autorité administrative, sous réserve qu'ils ne relèvent pas d'une catégorie protégée, d'éloigner du territoire national des ressortissants étrangers dont le comportement est contraire aux principes de la République et à l'intérêt de la collectivité, la mesure envisagée aura un impact positif sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

En permettant à l'autorité administrative, sous réserve qu'ils ne relèvent pas d'une catégorie protégée, d'éloigner du territoire national des ressortissants étrangers dont le comportement est contraire aux principes de la République et à l'intérêt de la collectivité, la mesure envisagée aura un impact positif sur la jeunesse.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Ces dispositions n'ont aucun impact sur les professions réglementées.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure durcit nécessairement les conditions de séjour des étrangers sur le territoire national. En effet, elle vient notamment remettre en cause le droit au séjour d'étrangers qui se sont vus délivrer des titres de séjour de longue durée, très justement en raison de leurs liens particuliers avec la France et de leur intégration dans la société française.

Néanmoins, la mesure permet dans le même temps de renforcer l'exigence d'intégration des étrangers en France, qui se mesure, sinon se caractérise, par l'adhésion aux principes et valeurs de la société du pays d'accueil.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Ces dispositions n'ont aucun impact sur l'environnement.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions du présent article s'appliqueront à toutes les demandes de délivrance et renouvellement des cartes de séjour temporaire, pluriannuelles et des cartes de résident et à toutes les procédures de retrait de ces titres initiées à compter de leur entrée en vigueur, c'est-à-dire le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions s'appliqueront de plein droit sur le territoire métropolitain, dans les collectivités de l'article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-Miquelon. En revanche, une mention expresse d'application est nécessaire pour les rendre applicables dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution à savoir Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Polynésie Française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle Calédonie.

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire pour compléter les dispositions de la partie réglementaire du CESEDA relative au retrait des titres de séjour (cf. supra ).

La mesure portant notamment sur le retrait du document de séjour à l'étranger dont le comportement manifeste le rejet des principes et valeurs essentiels de la République emporte modification, par voie réglementaire, de l'article R. 432-4 du CESEDA qui fixe les hypothèses de retrait facultatif applicables à tous les titres de séjour.

L'annexe 10 du même code issue de l'arrêté du 30 avril 2021, modifié le 23 juin 2022, fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle-Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devra également être modifiée. En effet, il faut y insérer l'acte d'engagement, qui existe déjà pour les CSP, pour l'ensemble des titres de séjour.

Article 13b : Permettre le retrait ou le non-renouvellement de la carte de résident en cas de menace grave pour l'ordre public

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Créée par la loi n° 84-622 du 17 juillet 1984 172 ( * ) , la carte de résident succède aux anciennes cartes de « résident ordinaire » et « résident privilégié » instituées par l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

Au 31 décembre 2021, 1 600 150 étrangers ressortissants de pays tiers étaient titulaires de cartes de résident en cours de validité 173 ( * )

En France, 780 cartes de résident ont été retirées en 2021 et 952 entre le 1 er janvier et le 31 octobre 2022, tous motifs confondus. Au total, 1581 cartes de séjour ont été retirées en 2021 (cartes de résident, cartes de séjour pluriannuelles et cartes de séjour temporaire), dont 1 184 pour motifs d'ordre public. Entre le 1 er janvier et le 31 octobre 2022, 1682 titres ont été retirés au total, dont 1258 pour motifs d'ordre public.

Les différentes mentions attachées aux cartes de résident sont « Résident de Longue Durée-UE » 174 ( * ) (RLD-UE) ou « Permanent » 175 ( * ) . Dans un certain nombre de cas 176 ( * ) , la carte de résident délivrée ne comporte pas de mention.

L'article 1 er de la loi du 17 juillet 1984 prévoyait que la carte de résident était valable dix ans et était renouvelable de plein droit sans aucune réserve ou restriction.

Le caractère automatique de son renouvellement a été remis en cause par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France , qui a introduit trois motifs de refus de renouvellement : la polygamie en France (également un motif de retrait prévu par l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - CESEDA) d'un étranger ou de son conjoint, l'absence du territoire pendant plus de trois ans qui conduit à la péremption du titre et la perte du statut de réfugié.

La loi n° 97-396 du 24 avril 1997 177 ( * ) a par la suite permis le retrait de la carte de résident lorsque son titulaire a employé un travailleur étranger en violation du code du travail (prévu par l'article L.432-11)et subordonné son renouvellement aux conditions que l'étranger ait sa résidence habituelle en France au moment de la demande et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Le Conseil constitutionnel a cependant censuré ce dernier motif de refus de renouvellement dans sa décision DC n° 97-389 du 22 avril 1997 (cf. infra ).

Par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile , le législateur a ensuite abrogé la condition de résidence habituelle en France à la date de la demande et rétabli la rédaction antérieure de l'article 16 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a apporté une nouvelle restriction en conditionnant le renouvellement de la carte de résident à l'absence de condamnation pour l'infraction prévue à l'article 222-9 du code pénal (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente) lorsqu'elle est commise sur un mineur de moins de 15 ans.

La loi du 24 juillet 2006 précitée a également prévu des cas où le retrait de la carte de résident doit s'accompagner de la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » 178 ( * ) dès lors que l'étranger qui a été condamné pour divers délits (menaces et acte d'intimidation contre une personne exerçant une fonction publique, soustraction et détournement de bien détenus dans un dépôt public, outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique ou exerçant une mission de service public, outrage à l'hymne national ou au drapeau, rébellion) relève d'une catégorie protégée contre l'expulsion.

Enfin, l'intervention d'une mesure d'expulsion ou d'une décision d'interdiction judiciaire du territoire entraînant nécessairement l'extinction du droit au séjour, le pouvoir réglementaire 179 ( * ) a placé le préfet en compétence liée de retirer la carte de résident dans le cas où l'étranger fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une décision d'interdiction judiciaire du territoire, sachant toutefois que dans ces deux cas la loi prévoit des protections liées à la situation familiale ou à l'ancienneté de séjour en France qui font obstacle à l'édiction de ces mesures (cf. articles L. 633-1 et L. 633-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et article 131-30-2 du code pénal).

Seul le constat de la polygamie en France, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant les principes de la République , permet de lever toutes les protections contre l'expulsion et donc de refuser le renouvellement ou de retirer la carte de résident, quelle que soit l'ancienneté de présence en France ou la situation familiale de l'intéressé.

Il résulte de ce qui précède que les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative peut refuser le renouvellement ou procéder au retrait d'une carte de résident sont restreintes à des infractions et situations bien précises de sorte que la remise en cause du droit au séjour du titulaire de la carte de résident en cas de menace grave pour l'ordre public est le plus souvent impossible.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La loi n° 97-396 du 24 avril 1997 avait prévu de subordonner le renouvellement de la carte de résident à la condition que son titulaire ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

Le Conseil constitutionnel a cependant censuré ce dernier motif de refus de renouvellement dans sa décision DC n° 97-389 du 22 avril 1997 susmentionnée en raison des liens particuliers avec la France qu'un étranger a développé après dix ans de résidence régulière sur le territoire et de l'atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale qui résulterait de la remise en cause de son droit au séjour au motif d'une menace « simple » pour l'ordre public.

« Considérant qu'au moment où il formule une demande de renouvellement de sa carte de résident, l'étranger peut se prévaloir d'une présence régulière sur le territoire français d'une durée de dix ans au moins ; qu'en raison d'une telle stabilité, de nature à avoir fait naître entre l'étranger et le pays d'accueil des liens multiples, une simple menace pour l'ordre public ne saurait suffire à fonder un refus de renouvellement de ce titre de séjour sans atteintes excessives au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale et privée, alors qu'à tout moment la préservation de l'ordre public permet à l'autorité administrative, en cas de menace grave, de prononcer son expulsion selon les conditions et procédures prévues par les articles 23 à 26 de l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945 ; que, par suite, les mots « sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public et » doivent être déclarés contraires à la Constitution ».

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel écarte donc la possibilité de refuser le renouvellement d'une carte de résident après dix ans de séjour régulier sur le territoire en raison d'une menace « simple » pour l'ordre public mais rappelle par ailleurs que l'autorité administrative peut prononcer l'expulsion du ressortissant étranger en raison d'une menace « grave » à l'ordre public.

Il résulte donc d'une lecture a contrario de cette décision que le retrait ou le refus de renouvellement de la carte de résident en cas de menace « grave » à l'ordre public, suffisamment caractérisée pour justifier une mesure d'expulsion, n'est pas contraire à la Constitution et notamment au dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 dont le Conseil constitutionnel déduit le droit au respect de la vie privée et familiale.

S'il ne peut faire l'objet d'une expulsion, en cas de retrait ou de refus de renouvellement pour menace grave à l'ordre public, l'autorité administrative doit néanmoins lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Ainsi l'étranger privé de sa carte de résident ne sera pas de ce fait pas privé de son droit au séjour, ni placé en situation irrégulière par la décision de l'autorité administrative, qui ne saurait constituer une atteinte excessive au respect de sa vie privée et familiale.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Si l'article 8.2 de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée prévoit le renouvellement de plein droit de la carte de résident « longue-durée UE », il est également indiqué au point 3 de l'article 9 de ce texte que les Etats membres peuvent prévoir la perte de ce statut si l'étranger qui en est titulaire représente une menace pour l'ordre public. Cet article précise que la perte du statut ne justifie toutefois pas nécessairement une mesure d'éloignement, l'article 12 réservant la prise d'une telle décision à l'encontre d'un résident de longue durée aux individus présentant « une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique ».

La remise en cause du droit au séjour de longue durée pour les titulaires de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée UE » (articles L. 421-12, L. 421-25, L. 424-5, L. 424-14 et L. 426-17 du CESEDA) en cas de menace grave pour l'ordre public est donc conforme au droit européen et déjà prévue par voie réglementaire (2° de l'article R. 432-5 du CESEDA). Cette dernière disposition réglementaire n'implique pas nécessairement l'éloignement de l'étranger dès lors qu'elle prévoit le remplacement de la carte de résident de longue durée-UE par une carte de séjour temporaire lorsque celui-ci ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion dans le cas où il bénéficie des protections légales contre l'expulsion prévues par les articles L. 631-2 ou L. 631-3.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a par ailleurs estimé que l'éloignement d'un étranger ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) dès lors qu'il s'était rendu coupable de délits particulièrement graves.

Dans son arrêt Üner C. Pays-Bas 180 ( * ) , la Cour précise que si l'article 8 de la CESDH ne confère pas à une quelconque catégorie d'étrangers, y compris à ceux qui sont nés dans le pays hôte ou qui y sont arrivés à un jeune âge, un droit absolu à la non-expulsion, il faut néanmoins tenir compte de la situation spéciale des étrangers qui ont passé la majeure partie, sinon l'intégralité, de leur enfance dans le pays hôte, qui y ont été élevés et qui y ont reçu leur éducation.

Cependant, dans les arrêts Dalia c. France 181 ( * ) et Baghli c. France 182 ( * ) , la Cour admet que les Etats puissent faire preuve d'une fermeté particulière à l'égard des étrangers coupables de trafic de stupéfiants.

La Cour considère également que des faits à caractère très violent, notamment le viol avec violences, peuvent justifier une expulsion, même lorsqu'elles sont commises par un mineur ( Bouchelkia c. France 183 ( * ) , 29 janvier 1997). Même analyse pour des faits de cambriolage avec violences, voies de fait graves et homicides involontaires même si commis pendant la minorité ( Hizir Kilic c. Danemark et Ferhat Kilic c. Danemark , du 22 janvier 2007 184 ( * ) ).

Plus récemment, la CEDH a estimé que l'expulsion d'un jeune majeur entré au Royaume-Uni à l'âge de quelques mois et y ayant toute sa famille ne viole pas l'article 8 de la CESDH dans la mesure où il a un passé de délinquant juvénile (vols avec violences et blessures graves), a été condamné à une peine de prison ferme et a été avisé, qu'en cas de récidive, il serait expulsé. En l'espèce, après sa sortie de prison, l'intéressé a été condamné quelques mois plus tard à une peine de sept ans de prison pour trafic de stupéfiants. La Cour estime que la récidive caractérise suffisamment une menace à l'ordre public pour justifier son expulsion alors même que tous ses frères et soeurs résident au Royaume-Uni et sont devenus britanniques 185 ( * ) .

A l'inverse, le Cour considère qu'une menace « simple » à l'ordre public, c'est-à-dire des infractions commises sans violences, ne justifie pas l'éloignement d'un étranger résidant dans le pays d'accueil depuis l'enfance et que la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant implique également de se préoccuper de sa réintégration 186 ( * ) .

Le non renouvellement ou le retrait de la carte de résident en cas de menace grave à l'ordre public, sous réserve de la commission d'infractions à caractère violent, est donc conforme à la jurisprudence de la Cour.

Le droit international consacre l'opposabilité de cette réserve d'ordre public aux bénéficiaires de la protection internationale. L'article 28 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés 187 ( * ) , énonce que les États contractants délivreront aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire, des titres de voyage destinés à leur permettre de voyager hors de ce territoire à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent.

En outre, l'article 14 de la directive 2004/83 188 ( * ) énonce que les États membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler, lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l'État membre dans lequel il se trouve ; ou que, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre.

L'article 21 de ladite directive, intitulé « Protection contre le refoulement », dispose que « les États membres peuvent refouler un réfugié, qu'il soit ou ne soit pas formellement reconnu comme tel : lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer qu'il est une menace pour la sécurité de l'État membre où il se trouve, ou ; que, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre ». Les États membres peuvent refuser d'octroyer un titre de séjour à un réfugié qui entre dans le champ d'application du paragraphe 2, le révoquer, y mettre fin ou refuser de le renouveler.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Aucun élément de comparaison avec les autres Etats membres de l'Union européenne.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Comme indiqué supra , les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative peut refuser le renouvellement d'une carte de résident sont restreintes à des infractions (violences sur mineur de moins de 15 ans ayant entraîné une incapacité permanente ou une mutilation) et situations (absence du territoire pendant plus de trois années consécutives, perte du statut de réfugié, polygamie en France) bien précises. Il en va de même pour les cas de retrait de la carte de résident qui sont restreints à des infractions limitativement énumérées (emploi d'un étranger sans titre, outrage, intimidation, menaces, soustraction de biens se trouvant dans un dépôt public) qui doivent en outre faire l'objet d'une condamnation définitive.

En outre, en cas de retrait de leur carte de résident, les étrangers relevant d'une des situations mentionnées aux articles L. 631-2 et L. 631-3 du CESEDA se voient délivrer une carte de séjour temporaire (article L. 432-12 du CESEDA).

En outre, les cartes de résident délivrées après trois ans représentent une volumétrie de 30 876 en 2020 (conjoints de français, étranger entré par regroupement familial, parents d'enfant français), contre une volumétrie de 4 096 en 2020 pour les cartes de résident délivrées après cinq ans de séjour régulier. Par ailleurs, plusieurs cartes de résident peuvent être délivrées dès la première admission au séjour 189 ( * ) (ascendants de Français à charge, descendants de français de moins de 21 ans ou à charge, anciens combattants, légionnaires, retraités, titulaires d'une rente d'accident maladie ou de travail, réfugiés) ou sous la seule réserve de la régularité préalable du séjour et de l'intervention d'une décision judiciaire favorable 190 ( * ) (victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme, étrangers titulaires d'une ordonnance de protection. Ces différentes cartes représentent 21 340 délivrances en 2020. Les cartes de résident délivrées après trois ans de séjour en France représentent donc la majorité des cas de délivrance de cartes de résident.

Il en résulte que si la durée de séjour régulier accomplie sur le territoire français doit nécessairement être prise en compte, conformément à la jurisprudence constitutionnelle susmentionnée, la seule circonstance que l'étranger soit titulaire d'une carte de résident ne devrait pas interdire à l'autorité administrative de procéder à son retrait ou de refuser son renouvellement lorsque son titulaire représente une menace grave pour l'ordre public.

Les dispositions encadrant le renouvellement et le retrait de la carte de résident figurant, sauf en ce qui concerne le retrait de la carte de résident portant la mention « résident de longue-durée UE », dans la partie législative du CESEDA (articles L. 432-3, L. 432-4 et L. 433-2), une réforme de nature législative est donc nécessaire.

En ce qui concerne la carte de résident portant la mention « résident de longue durée », il convient de légiférer afin de permettre le retrait de ce titre sans avoir à délivrer nécessairement en même temps un titre de séjour temporaire, et d'ajouter une condition afin de ne pas autoriser son renouvellement en cas de menace grave à l'ordre public.

Par ailleurs, l'étranger qui perd le bénéfice du statut de réfugié par une décision de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ne peut se voir retirer sa carte de résident lorsqu'il justifie de cinq années de présence régulière sur le territoire (article L. 424-6 du CESEDA). De la même manière, l'étranger qui perd le bénéficie de la protection subsidiaire ne peut se voir retirer sa carte de séjour pluriannuelle lorsqu'il justifie de cinq années de présence régulière (article L. 424-15 du CESEDA). De ce fait, la réserve d'ordre public n'est pas opposable en l'état des textes. Une disposition législative est donc nécessaire pour rendre opposable la réserve d'ordre public dans ces cas précis.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure s'inscrit dans un objectif de préservation de l'ordre public.

En autorisant le non-renouvellement et le retrait de la carte de résident en raison d'une menace grave pour l'ordre public, elle est de nature à permettre aux préfets de tenir compte administrativement de la situation des étrangers qui représentent un danger pour la société de par leur comportement général, eu égard à l'ordre public sans plus avoir à se référer à des infractions limitativement énumérées dans la loi.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Aucune autre option que celle retenue n'a été envisagée.

3.2. OPTION RETENUE

A compter de l'entrée en vigueur de la loi, tout étranger ressortissant d'un pays tiers titulaire d'une carte de résident pourra s'en voir refuser le renouvellement ou se la voir retirer, après mise en oeuvre de la procédure contradictoire préalable prévue par les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), lorsque son comportement apprécié notamment au vu des infractions pénales 191 ( * ) qu'il aura commises caractérisera une menace grave pour l'ordre public.

Le comportement global de l'individu doit être pris en compte, en fonction d'un faisceau d'indices, et en évaluant le niveau de la menace qu'il pourrait représenter à l'avenir.

Le Conseil d'Etat a retenu que le seul fait d'avoir commis une infraction pénale ne suffit pas à rendre l'expulsion légitime 192 ( * ) . En conséquence, la menace à l'ordre public, qui doit être motivée, devra prendre en considération son caractère actuel, suffisamment grave et réel.

L'instruction du 29 septembre 2020 relative à l'éloignement des étrangers ayant commis des infractions graves et représentant une menace grave pour l'ordre public incite à prendre en compte l'ancienneté, la gravité, la récidive, l'escalade, l'actualité, les faits nouveaux et la menace à l'avenir. Les cas de figure suivants sont cités comme pouvant justifier des retraits ou refus de titres :

? Troubles affectant l'ordre public en raison de leur nature, répétition ou évolution ;

? Nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique (article L. 631-2 du CESEDA) ;

? Comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne ou un groupe de personnes (article L. 631-3 du CESEDA).

En outre, les articles L. 424-6 et L. 424-15 du CESEDA sont modifiés pour que la réserve générale d'ordre public s'applique aux détenteurs d'une carte de résident « bénéficiaire de la protection internationale » et aux détenteurs d'une carte de séjour pluriannuelle « bénéficiaire de la protection subsidiaire » résidant depuis plus de cinq ans sur le territoire lorsqu'une décision de l'OFPRA ou une décision de justice a mis fin à cette protection.

Sous réserve qu'il ne relève pas d'une catégorie protégée contre l'éloignement (articles L. 611-3, L. 631-2 et L.631-3 du CESEDA), cette mesure pourra être assortie d'une obligation de quitter le territoire (OQTF) ou d'un arrêté d'expulsion. Si, alors que son comportement constitue une menace grave à l'ordre public, il ne peut faire l'objet d'une décision d'éloignement (OQTF ou expulsion) du fait des protections, sa carte de résident sera « dégradée » en carte de séjour temporaire.

Cette mesure ne concernera pas les citoyens de l'Union et assimilés (Norvège, Liechtenstein, Islande et Suisse) qui sont régis par les seules dispositions du livre II du CESEDA et ne sont pas soumis à l'obligation de détenir un titre de séjour.

Cette nouvelle disposition concernera l'ensemble des ressortissants de pays tiers à l'exception des ressortissants algériens qui sont exclusivement régis par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié qui prévoit le renouvellement automatique des certificats de résidence algérien de dix ans.

Le principe de non-rétroactivité des lois ne s'appliquant qu'en matière pénale, les dispositions envisagées seront applicables à l'ensemble des ressortissants étrangers titulaires d'une carte de résident, quelle que soit sa date de délivrance ou son fondement juridique.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La présente disposition modifie la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

L'article 8.2 de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée prévoit le renouvellement de plein droit de la carte de résident « longue-durée UE ». Au point 3 de l'article 9 de ce même texte, il est indiqué que les Etats membres peuvent prévoir la perte du statut de « résident longue durée » pour les étrangers représentant une menace pour l'ordre public, sans que cette dernière ne justifie nécessairement une mesure d'éloignement.

La remise en cause du droit au séjour de longue durée pour les titulaires de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée UE » (articles L. 421-12, L. 421-25, L. 424-5, L. 424-14 et L. 426-17 du CESEDA) en cas de menace grave pour l'ordre public est donc conforme au droit européen et déjà prévue par voie réglementaire (2° de l'article R. 432-5 du CESEDA). Cette dernière disposition réglementaire n'implique pas l'éloignement de l'étranger dès lors que les mêmes dispositions réglementaires prévoient en même temps la délivrance d'un titre de séjour temporaire.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Ces dispositions n'ont aucun impact macroéconomique.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Ces dispositions n'ont aucun impact sur les entreprises.

4.2.3. Impacts budgétaires

En autorisant le non renouvellement ou le retrait des cartes de résident en cas de menace grave à l'ordre public, la mesure envisagée conduira à exclure les destinataires d'une telle mesure du bénéfice des allocations sociales et prestations familiales réservées aux étrangers en séjour régulier.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Ces dispositions n'ont aucun impact sur les collectivités territoriales.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure envisagée, en autorisant le non renouvellement ou le retrait des cartes de résident en cas de menace grave à l'ordre public, générera une charge de travail supplémentaire pour les préfectures (vérification du casier judiciaire, du fichier de traitement des antécédents judiciaires, édiction des refus de renouvellements et retraits, mise en oeuvre de la procédure contradictoire préalable au retrait, défense de la décision devant la juridiction administrative en cas de contestation).

4.5. IMPACTS SOCIAUX

En permettant à l'autorité administrative, sous réserve qu'ils ne relèvent pas d'une catégorie protégée, d'éloigner du territoire national des ressortissants étrangers dont le comportement nuit à la cohésion de la société et à l'intérêt de la collectivité, la mesure envisagée aura un impact positif sur la société et notamment sur les personnes victimes de violences (conjugales, familiales, sur la voie publique etc.).

4.5.1. Impacts sur la société

En permettant à l'autorité administrative, sous réserve qu'ils ne relèvent pas d'une catégorie protégée, d'éloigner du territoire national des ressortissants étrangers dont le comportement nuit à la cohésion de la société et à l'intérêt de la collectivité, la mesure envisagée pourrait avoir un impact positif sur la société et notamment sur les personnes victimes de violences (conjugales, familiales, sur la voie publique, etc.).

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Ces dispositions n'ont aucun impact sur les personnes en situation de handicap.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

En permettant à l'autorité administrative, sous réserve qu'ils ne relèvent pas d'une catégorie protégée, d'éloigner du territoire national des ressortissants étrangers dont le comportement nuit à la cohésion de la société et à l'intérêt de la collectivité, la mesure envisagée aura un impact positif sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

En permettant à l'autorité administrative, sous réserve qu'ils ne relèvent pas d'une catégorie protégée, d'éloigner du territoire national des ressortissants étrangers dont le comportement nuit à la cohésion de la société et à l'intérêt de la collectivité, la mesure envisagée aura un impact positif sur la jeunesse.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Ces dispositions n'ont aucun impact sur les professions réglementées.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure étend à l'ensemble des titres de séjour la réserve d'ordre public. Elle aura en effet pour objet de remettre en cause le droit au séjour d'étrangers qui, quoique s'étant vu délivrer des titres de séjour de longue durée en raison de leurs liens particuliers avec la France, représentent par leur comportement une menace grave pour l'ordre public.

A ce titre, la mesure permet de s'opposer au renouvellement de la carte de résident, ainsi que de procéder au retrait de la carte de résident lorsque l'étranger représente une menace grave pour l'ordre public.

Dans ces hypothèses, lorsque l'étranger ne peut faire l'objet d'une expulsion, l'atteinte à son droit au séjour doit rester proportionnée au respect de sa vie privée et familiale. Pour cela, il est prévu de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la « mention vie privée et familiale ».

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Ces dispositions n'ont aucun impact sur l'environnement.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions du présent article s'appliqueront à toutes les demandes de renouvellement de cartes de résident et à toutes les procédures de retrait de carte de résident initiées à compter de leur entrée en vigueur, c'est-à-dire le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions s'appliqueront de plein droit sur le territoire métropolitain, dans les collectivités de l'article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-Miquelon. En revanche, une mention expresse d'application est nécessaire pour les rendre applicables dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution à savoir Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Polynésie Française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle Calédonie.

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire pour compléter les dispositions de la partie réglementaire du CESEDA relatives au retrait des titres de séjour (articles R. 432-3 à R. 432-5).

Article 13c : Condition de séjour effectif de six mois par an pour obtenir le renouvellement d'un titre de séjour

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

S'agissant de la carte de résident :

Créée par la loi n° 84-622 du 17 juillet 1984 193 ( * ) , la carte de résident 194 ( * ) succède aux anciennes cartes de « résident ordinaire » et « résident privilégié » instituées par l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

L'article 1 er de la loi du 17 juillet 1984 prévoyait que la carte de résident était valable dix ans et était renouvelable de plein droit sans aucune réserve ou restriction.

Le caractère automatique de son renouvellement a été remis en cause par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France , qui a introduit trois motifs de refus de renouvellement : la polygamie en France (également un motif de retrait 195 ( * ) , voir l'article L. 412-6 du CESEDA) d'un étranger ou de son conjoint, l'absence du territoire pendant plus de trois ans qui conduit à la péremption du titre et la perte du statut de réfugié.

La loi n° 97-396 du 24 avril 1997 196 ( * ) a, par la suite, subordonné le renouvellement de la carte de résident à la condition que l'étranger ait sa résidence habituelle en France au moment de la demande et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

La disposition était rédigée comme suit : « La carte de résident est valable dix ans sous réserve des dispositions des articles 15 bis et 18, elle est renouvelée de plein droit. Le renouvellement de plein droit de la carte de résident est subordonné à la condition que l'étranger ait sa résidence habituelle en France au moment de la demande . ».

La circulaire du 30 avril 1997 relative à l'application de cette loi du 24 avril 1997 197 ( * ) indiquait :

« Le premier alinéa de l'article 16 dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi définit plus strictement les conditions de renouvellement de plein droit de la carte de résident de 10 ans.

A cet effet, il introduit une nouvelle condition à ce renouvellement de plein droit : la résidence habituelle en France au moment de la demande ; condition qui vient s'ajouter à celles fixées par les articles 15 bis et 18 de l'ordonnance.

Cette disposition a pour objectif de faire échec à la fraude qui consistait pour certains étrangers à se rendre épisodiquement en France, pour des besoins d'accès aux prestations sanitaires ou sociales françaises, par exemple, sans pour autant y résider, tout en conservant leur carte de résident, non atteinte par hypothèse, par la péremption prévue par l'article 18 après une absence de plus de trois ans du territoire français.

La résidence habituelle s'apprécie par tous moyens, en se plaçant à la date du dépôt de la demande de renouvellement. Pour la définition de la résidence habituelle, il convient de se référer au 2° du paragraphe 2 de la circulaire du 30 avril 1997 et de tenir compte des cas de force majeure qui peuvent retenir l'étranger hors de France (hospitalisation en particulier).

En pratique, cette disposition de la loi a pour but de faire prévaloir le bon sens : une carte de résident est faite pour autoriser son titulaire à résider en France. S'il n'entend y faire que de courtes visites, des visas à entrées multiples peuvent lui être proposés.

Vous veillerez à clairement motiver le refus de renouvellement de la carte de résident, en particulier au regard de l'hypothèse nouvelle d'une absence de résidence habituelle établie.

Vous appliquerez la procédure prévue par l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers en prévoyant un débat contradictoire, c'est-à-dire l'information préalable de l'étranger et la possibilité pour lui de formuler des arguments en défense avant le prononcé de la décision de refus. ».

Par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile , le législateur a ensuite abrogé la condition de résidence habituelle en France à la date de la demande et rétabli la rédaction antérieure de l'article 16 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Il résulte de ce qui précède que le renouvellement de la carte de résident a déjà été subordonné à une condition de résidence habituelle et qu'il ne paraît pas irraisonnable a priori d'y revenir. Cette condition est restée en vigueur un an à peine.

S'agissant de la carte de séjour pluriannuelle :

Récemment créée par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France 198 ( * ) , et entrée en vigueur au 1 er novembre de cette même année, la carte de séjour pluriannuelle (CSP) permet aux étrangers ayant vocation à s'installer durablement en France de bénéficier d'un droit au séjour reconnu sur plusieurs années. En 2019, 24 991 cartes de séjour pluriannuelles ont été créées et 19 972 en 2020. Egalement, en 2019, 271 915 cartes de séjour pluriannuelles ont été renouvelées en 2019 et 220 366 en 2020. L'augmentation très nette entre 2020 et 2021 s'explique par la baisse des délivrances de visas et de titres dans le contexte de la crise sanitaire.

Ainsi, après un premier titre de séjour d'un an (carte de séjour temporaire - CST- ou visa de long séjour valant titre de séjour- VLS TS), une CSP d'une durée maximale de quatre ans est délivrée lorsque les conditions suivantes sont remplies (article L. 433-4 du CESEDA) :

? Respect des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la même mention ;

? Absence de rejet des valeurs essentielles de la République : à ce titre, l'étranger sollicitant la délivrance d'une CSP doit, depuis l'entrée en vigueur le 12 mai 2022 de l'arrêté ministériel du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du CESEDA 199 ( * ) , signer un acte d'engagement à respecter les valeurs de la République ;

? Assiduité et sérieux aux formations prescrites dans le cadre du Contrat d'Intégration Républicaine (CIR).

Il convient de noter que, s'agissant de ce dernier critère, certains usagers sont dispensés du CIR (article L. 413-5 du CESEDA) :

? Soit en raison de la nature de leur séjour en France (visiteur, étudiant, stagiaire, travailleur temporaire, travailleur saisonnier, salarié détaché ICT, passeport talent, étranger né en France, et étranger malade).

? Soit du fait de leur parcours personnel qui acte de leur intégration (étrangers ayant effectué leur scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français pendant au moins trois mois, étrangers ayant suivi des études supérieures en France d'une durée au moins égale à une année universitaire, etc.).

La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire obtenue précédemment.

Lorsque les conditions liées à l'intégration ne sont pas remplies, le préfet refuse de délivrer la CSP mais peut renouveler le titre de séjour d'un an si les conditions d'obtention du titre continuent d'être satisfaites (article L. 433-1 du CESEDA).

Si aucune condition relative à la résidence du demandeur n'a été introduite s'agissant du renouvellement des CSP, au regard notamment du caractère récent de ce type de titres de séjour, ladite condition pourrait trouver sa place au sein de l'exigence d'intégration de l'étranger.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La loi n° 97-396 du 24 avril 1997 avait prévu de subordonner le renouvellement de la carte de résident à la condition que son titulaire réside habituellement en France et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

Le Conseil Constitutionnel a cependant censuré ce dernier motif de refus de renouvellement en raison des liens particuliers avec la France qu'un étranger a développé après dix ans de résidence régulière sur le territoire et de l'atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale qui résulterait de la remise en cause de son droit au séjour au motif d'une menace « simple » pour l'ordre public 200 ( * ) .

En revanche, et si le législateur a décidé d'abroger la condition de résidence habituelle en France par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, celle-ci n'avait pas fait l'objet de griefs de la part du Conseil constitutionnel.

Dans le respect de la liberté de circulation, prévue à l'article L. 414-3 du CESEDA, on peut donc considérer que cette condition est pleinement constitutionnelle s'agissant des cartes de résident. Le même raisonnement peut être tenu, a fortiori , s'agissant des cartes de séjour pluriannuelles.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le cadre du droit européen fait obstacle à l'application de la condition de résidence effective et habituelle/stable aux étrangers qui sollicitent le renouvellement de leur carte de résident portant la mention « longue-durée UE ».

En effet, d'une part, le statut de résident de longue durée est régi par les dispositions de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée et d'autre part, l'octroi de ce statut, ainsi que son renouvellement, sont déjà soumis à une condition de résidence définie spécifiquement.

Le chapitre II de la directive indique que les États membres accordent, sous certaines conditions, ce statut aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant cinq années, sauf dans certaines situations (études, formation, séjours temporaires, etc.).

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) juge qu'une législation nationale ne peut en aucun cas déroger à la condition de résidence requise pour l'octroi du statut de résident de longue durée UE. Cette exigence de résidence est une « condition indispensable » à l'octroi du statut de résident de longue durée UE ; aussi, le membre de la famille de la personne ayant déjà acquis ce statut doit également remplir cette condition à titre personnel 201 ( * ) .

Le permis de séjour délivré a une durée de validité d'au moins cinq ans et est renouvelable de plein droit. La carte de résident portant la mention résident de longue durée UE se périme en revanche lorsque l'étranger a résidé en dehors du territoire des États membres de l'Union européenne pendant une période de plus de trois ans consécutifs. Elle est également périmée dans deux autres hypothèses :

? Lorsque l'étranger a résidé en dehors du territoire national pendant six années consécutives ;

? Lorsque qu'il a, depuis sa délivrance, acquis dans un autre Etat membre le statut de ressortissant de longue durée.

Aussi, et en cas de péremption, l'étranger ne peut, de facto , en solliciter le renouvellement. Indirectement, le renouvellement de la carte de résident portant la mention « longue durée UE » est donc déjà soumis à une condition de résidence qui est de trois années consécutives sur le territoire de l'un des Etats membres et de six années consécutives sur le territoire national 202 ( * ) .

S'agissant de la définition de la résidence habituelle, elle est définit comme suit par la CJUE : "la notion de « résidence habituelle » est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d'une part, la volonté de l'intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et, d'autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l'État membre concerné" 203 ( * ) .

1.4. CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE APPLICABLE EN LA MATIÈRE

L'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale (créé dans le cadre de la protection universelle maladie, dite PUMa, entrée en vigueur le 1 er janvier 2016) dispose que : « Toute personne qui n'exerce pas une activité professionnelle bénéficie d'une prise en charge de ses frais de santé lorsqu'elle justifie de son identité et de sa résidence stable et régulière auprès d'une caisse d'assurance maladie. ».

• Sur le caractère stable de la résidence

L'article R. 111-2 du code de la sécurité sociale indique que sont considérées comme résidant en France de manière stable les personnes qui ont leur foyer ou le lieu de leur séjour principal sur le territoire métropolitain, en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin.

Le foyer s'entend du lieu où les personnes habitent normalement, c'est-à-dire du lieu de leur résidence habituelle, à condition que cette résidence sur le territoire métropolitain ou dans un département d'Outre-mer ait un caractère permanent.

Lorsque les droits sont déjà ouverts, la condition de séjour principal est satisfaite lorsque les bénéficiaires sont personnellement et effectivement présents, pendant plus de six mois au cours de l'année civile de versement des prestations, sur le territoire métropolitain, en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin.

En substance, la résidence stable se définit comme la résidence permanente de l'étranger (en primo-délivrance des droits sociaux) ou la résidence principale, soit six mois par an, lorsque les droits sociaux ont déjà été ouverts et que l'étranger dispose d'une résidence secondaire.

Pour la définition de la stabilité, il est donc pertinent de retenir les termes de : résidence habituelle ayant un caractère permanent ou présence personnelle et effective, pendant plus de six mois au cours de l'année civile, sur le territoire (résidence principale pour ceux qui ont une résidence secondaire).

La résidence en France peut être prouvée par tout moyen.

• Sur le caractère régulier de la résidence

Les personnes de nationalité étrangère sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale lorsqu'elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers en France ou qu'elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour (article R. 111-3 du code de la sécurité sociale). Afin de justifier de la régularité de leur séjour en France, elles doivent présenter l'un des titres figurant dans la liste fixée à l' arrêté du 10 mai 2017 pris en application de l'article précité .

L'étranger qui sollicite le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle ou de sa carte de résident est déjà sous couvert d'un titre de séjour et séjourne donc régulièrement sur le territoire français. Il pourrait donc prêter à confusion d'adjoindre l'adjectif « régulier » au terme « résidence » afin de caractériser sa stabilité.

1.5. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Aucun élément de comparaison avec les autres Etats membres de l'Union européenne.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Aujourd'hui, un étranger qui bénéficie d'un titre de séjour de longue durée (CSP ou carte de résident) peut obtenir le renouvellement de son titre même s'il vit principalement à l'étranger. Il doit simplement justifier d'un domicile en France. Actuellement, aucune disposition du CESEDA ne permet de s'opposer à cette délivrance en raison du défaut de séjour effectif en France. Il y a donc un véritable vide juridique sur cette question auquel il convient de remédier en modifiant la partie législative du CESEDA.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La résidence effective et habituelle sur le territoire français est le premier vecteur d'intégration des étrangers sur le territoire. Elle conditionne notamment l'acquisition d'un certain niveau de maîtrise de la langue française, la scolarisation des enfants, l'exercice éventuel d'une activité professionnelle, la constitution de liens privés et d'un cercle social sur le territoire. L'objectif principal de la présente disposition est donc de formaliser l'intégration de l'étranger dans le pays au sein duquel il a formulé le souhait de résider sur la durée, dans son propre intérêt comme dans celui de la communauté nationale.

L'objectif secondaire est la lutte contre les avantages indus conférés par la détention d'un titre de long séjour. En effet, il est de nature à sanctionner les cas dans lesquels un étranger vient ponctuellement en France dans le seul but de solliciter le renouvellement de son titre de séjour et donc, par extension, de pouvoir bénéficier de l'ensemble des droits attachés à la détention d'un titre de séjour en France, alors même que sa résidence principale ne s'y trouve pas.

Enfin, il est souhaitable de rendre cohérentes les règles relatives au séjour des étrangers et celles relatives à l'octroi des prestations sociales en imposant également une condition de résidence pour le renouvellement des titres de séjour de longue durée. Pour rappel, les dispositions de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale subordonnent le droit au bénéfice des prestations sociales à la stabilité et la régularité de la résidence de l'étranger sur le territoire français. La définition de cette résidence stable et régulière est prévue par les dispositions de l'article R. 111-2 du même code.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

A compter de l'entrée en vigueur de la loi, le renouvellement de certains titres de séjour de longue durée sera soumis à une condition de résidence effective et habituelle sur le territoire français.

La condition de résidence « effective » est remplie lorsque l'étranger est personnellement et suffisamment présent en France à la date de la demande. Cela se justifie par la mise à disposition de l'administration chargée de l'examen de la demande de titre d'un justificatif de domicile à son nom de moins de trois mois mais cela doit également désormais se justifier par la circonstance qu'il dispose en France du centre de ses intérêts privés et familiaux.

La condition de résidence « habituelle » est remplie lorsque les étrangers ayant leur foyer ou le lieu de leur séjour principal sur le territoire national, y ont résidé pendant une durée de six mois au minimum au cours de chacune des trois dernières années précédant la demande. La présence devra donc nécessairement être continue, en ce qu'elle dure au moins six mois par an. Il s'agit de vérifier que les étrangers résident en France pendant une durée de six mois au minimum, par année civile.

Il serait inopérant de vérifier cette condition uniquement sur la dernière année précédant la demande, et notamment les cartes de résident. En effet, l'étranger pourrait résider neuf ans à l'étranger et revenir en France les six derniers mois précédant sa demande.

Aussi, l'étranger qui sollicite le renouvellement de son titre de séjour de longue durée devra présenter un justificatif de domicile, aux fins d'attester du caractère effectif de sa résidence, ainsi que des pièces attestant de sa résidence habituelle en France sur une période de six mois a minima durant les trois dernières années.

Le caractère habituel peut être prouvé par tout moyen, par exemple par un bail de location datant de plus de six mois, par six quittances de loyer successives, par cinq factures successives d'électricité, de gaz, de téléphone, par des certificats de scolarité trimestriels des enfants ou encore par la vérification du passeport qui comporterait les tampons d'entrée et de sortie du territoire. Il peut aussi s'agir d'un justificatif attestant de la perception d'une des prestations ou allocations suivantes, attribuée sous des conditions de résidence stable : allocation de solidaire aux personnes âgées (ASPA), aide personnalisée au logement (APL), allocations aux adultes handicapés (AAH), revenu de solidarité active (RSA), etc. Dans ce dernier cas, l'organisme de protection sociale aurait vérifié au préalable le caractère habituel et donc stable de la résidence en France.

Ne seront pas concernées les cartes de séjour pluriannuelles « passeport-talent » 204 ( * ) (article L. 421-13 du CESEDA), « travailleur saisonnier » 205 ( * ) (article L. 421-34 du CESEDA), « étudiant-programme de mobilité » (article L. 422-6 du CESEDA) et les cartes de résident « résident de longue durée UE » 206 ( * ) (article L. 426-11 du CESEDA).

S'agissant des trois premiers titres de séjour, les étrangers concernés ont vocation à être mobiles et, très justement, à ne pas résider de manière stable sur le territoire français.

S'agissant, en revanche, des cartes RLD-UE, cela se justifie par la circonstance qu'aucune disposition du droit de l'UE ne subordonne le renouvellement de ce type de cartes à une résidence effective et habituelle sur le territoire.

De plus, au regard de la spécificité de leurs situations, cette condition ne s'appliquera pas aux cartes de séjour pluriannuelles délivrées aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et à leur famille (articles L. 424-9 et L. 424-11 du CESEDA) ainsi qu'aux apatrides et à leur famille (articles L. 424-18 et L. 424-19 du CESEDA). Au total, 21 190 cartes de séjour pluriannuelles ont été délivrées à ce titre en 2021.

Il en va de même pour les cartes de résident délivrés aux réfugiés et à leur famille (articles L. 424-1 et L. 424-3 du CESEDA). En première délivrance, 23 970 cartes de résident ont été délivrées à ce titre en 2021.

D'autres options de rédaction avaient été envisagées mais n'ont pas été retenues .

Option 1 : « A compter de l'entrée en vigueur de la loi, le renouvellement de certains titres de séjour de longue durée sera soumis à une condition de résidence effective et permanente sur le territoire français ».

Cette expression de « résidence effective et permanente » figure déjà à l'article R. 431-23 (relatif aux changements d'adresse) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). L'inconvénient du terme « permanent » est néanmoins l'exclusion, trop sévère, des étrangers qui disposeraient d'une résidence secondaire à l'étranger. En effet, si l'on fait le choix de retenir le terme « permanent » plutôt que « habituel », on fait également le choix, indirectement mais de facto , de refuser le renouvellement d'un titre de séjour de longue durée à un étranger qui disposerait d'une résidence secondaire, ce qui n'est pas souhaitable.

Le code de la sécurité sociale distingue, sans pour autant discriminer, les étrangers qui ont leur foyer en France (lieu de résidence permanente) de ceux qui y ont leur résidence principale. Dans le second cas, les étrangers doivent être présents en France au moins six mois au cours de l'année civile.

Option 2 : « A compter de l'entrée en vigueur de la loi, le renouvellement de certains titres de séjour de longue durée sera soumis à une condition de résidence stable et régulière sur le territoire français ».

L'expression « régulière » ne doit pas être retenue car elle est source de confusion en droit des étrangers. Soit elle signifie que la résidence doit être habituelle, soit elle signifie que la résidence n'est possible que sous couvert d'un titre de séjour (la régularité de la résidence sur le territoire français).

? Si l'on considère que le terme renvoie au caractère régulier du séjour, cela ne fonctionne pas : le champ d'application de la mesure proposée ne concernant que les demandes de renouvellement, l'exigence de la régularité du séjour est donc inopérante puisque les étrangers séjournent déjà sur le territoire sous couvert d'un titre dont ils demandent précisément le renouvellement ;

Si l'on considère que le terme renvoie au caractère habituel du séjour, alors cela est redondant avec le terme de « stable ».

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

Le nombre d'étrangers potentiellement concernés par cette mesure est difficile à évaluer, en l'absence de statistiques précises mettant en parallèle les titres de séjour et les lieux de résidence effectifs. Néanmoins, le nombre de renouvellement des titres de séjour de longue durée effectués chaque année peut permettre de mesurer l'impact non négligeable de cette mesure.

Quelques chiffres :

Le nombre de renouvellements de CSP et CR ces trois dernières années 207 ( * )

Période

Type de titre

renouvelé

01/01/2019 au 01/01/2020

01/01/2020 au 01/01/2021

01/01/2021 au 01/01/2022

Cartes de séjour pluriannuelles

271 936

228 837

281 420

Cartes de résident

137 300

133 641

155 310

Aussi, et s'il n'est pas possible d'avoir une appréciation exacte du nombre de situations qui seraient concernées par cette mesure, la volumétrie importante des renouvellements des cartes de séjour pluriannuelles et des cartes de résident, sur les trois dernières années, permet d'entrevoir les impacts que pourrait avoir la mesure sur le nombre de ces renouvellements, même avec une proportion faible de situations touchées et même si l'ensemble des CSP et des CR ne sera pas visé par cette mesure.

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article modifie la partie législative (articles L. 432-2, L. 432-3, L. 433-1 et L. 433-2) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Il modifie également l'annexe 10 du même code issue de l'arrêté du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile .

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Aucun impact direct n'est identifié.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Aucun impact direct sur les entreprises n'est identifié.

4.2.3. Impacts budgétaires

L'augmentation du nombre de refus de renouvellement de titres de séjour pourrait entraîner une diminution des charges pour les dispositifs de protection sociale. En effet, l'octroi de nombreuses prestations d'assurance et d'assistance sociale est subordonné, d'une part, à une condition de résidence régulière en France et, d'autre part, à une durée de résidence régulière préalable.

Par exemple, le bénéfice du RSA est octroyé à un étranger s'il a résidé en France pendant au moins cinq ans sous couvert d'un titre l'autorisant à travailler. Le non-renouvellement d'une CSP valable quatre années pourrait faire obstacle à l'octroi de cette aide sociale.

De même, la prime d'activité est octroyée à l'étranger s'il a résidé en France pendant au moins six ans sous couvert d'un titre de séjour sous couvert d'un titre autorisant à travailler.

L'ASPA est octroyée à l'étranger qui réside régulièrement en France et qui y a résidé au moins dix ans sous couvert d'un titre de séjour l'autorisant à travailler. Le non-renouvellement d'une carte de résident pourrait donc faire obstacle à l'octroi de cette prestation.

Par ailleurs, la diminution du nombre de renouvellement des titres de séjour longue durée aura un impact sur la perception des taxes de séjour dont le montant diffère selon le titre envisagé. Pour la plupart des renouvellements de cartes de séjour pluriannuelles et de cartes de résident, le montant de la taxe de séjour est de 225€.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Aucun impact direct sur les collectivités territoriales n'est identifié.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure se traduira par un approfondissement de l'instruction de la demande de renouvellement du titre de séjour. Là où un unique justificatif de domicile était requis, plusieurs pièces devront désormais être examinées par l'agent instructeur. Si l'on exige environ une pièce par mois, ce seront a minima une trentaine de pièces qui seront désormais exigibles. Cet approfondissement peut s'évaluer à dix à quinze minutes par dossier.

Cette réforme permettra néanmoins aux services instructeurs de disposer d'éléments plus nombreux pour détecter des cas d'effets d'aubaine, voire de fraude, et de procéder à une analyse plus fine du dossier, ce qui est toujours de nature à faciliter et fiabiliser la prise de décision.

L'analyse des documents conduira certainement à une saisine plus importante des référents fraude départementaux, en sachant que la fraude aux justificatifs de domicile est l'une des plus importantes parmi les fraudes aux documents français.

Enfin, puisque le dépôt des demandes de titres de séjour a vocation à être totalement dématérialisé, l'espace usager devra être configuré pour le dépôt d'un très grand nombre de pièces. Cette évolution fonctionnelle sera prise en charge par le programme administration numérique pour les étrangers en France.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Aucun impact sur les personnes en situation de handicap n'a été identifié.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Aucun impact sur l'égalité entre les femmes et les hommes n'a été identifié.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Aucun impact sur la jeunesse n'a été identifié.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Aucun impact sur les professions réglementées n'a été identifié.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure durcit les conditions d'accès au renouvellement des titres de séjour de longue durée. Néanmoins, elle permet dans le même temps de renforcer l'exigence d'intégration des étrangers en France.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Ces dispositions n'ont aucun impact sur l'environnement.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Cette disposition entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions s'appliqueront de plein droit dans le territoire métropolitain, comme dans les collectivités de l'article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-Miquelon. En revanche, une mention expresse d'application est nécessaire pour les rendre applicables dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution à savoir Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Polynésie Française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle Calédonie.

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Un arrêté est nécessaire pour modifier la liste des pièces justificatives nécessaires au renouvellement des cartes de séjour pluriannuelles et des cartes de résident.

TITRE III - SANCTIONNER L'EXPLOITATION DES MIGRANTS ET CONTRÔLER LES FRONTIÈRES

Article 14 : Criminaliser la facilitation en bande organisée, de l'entrée et du séjour d'étrangers en situation irrégulière

1. ETAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Situation de fait

La lutte contre les filières d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'étrangers constitue une priorité gouvernementale ainsi qu'en témoigne l'activité intense des forces de sécurité intérieure (FSI) quant au démantèlement de filières : la réponse policière et judiciaire porte ses fruits, mais elle met également en exergue la nécessité de poursuivre l'effort législatif pour en accentuer l'efficacité.

Au cours des cinq années écoulées (2017-2021), 1 519 filières ont ainsi été démantelées, soit une moyenne d'un peu plus de 300 par an 208 ( * ) . Sur la même période, entre 7 000 et 8 000 trafiquants sont interpellés en moyenne chaque année par les forces de sécurité intérieure. Le nombre de ces interpellations a augmenté de 11 % entre 2020 et 2021 (de 7 055 à 7 866).

Malgré cette mobilisation des services de l'État, le phénomène continue de s'intensifier, notamment dans le Nord de la France ; ainsi du 1 er janvier au 30 novembre 2022, ce sont 73 560 personnes qui ont traversé ou tenté de traverser la Manche à destination du Royaume-Uni, souvent dans des conditions très périlleuses 209 ( * ) .

Les premiers responsables de cette situation sont les passeurs qui exposent les étrangers en situation irrégulière à des traversées maritimes périlleuses vers l'Union européenne ou le Royaume-Uni. La gravité de tels faits, et leur multiplication, justifient désormais pleinement l'aggravation des peines actuellement encourues, en mettant par ailleurs l'accent sur les têtes de réseaux.

1.1.2. Textes applicables

Les articles L. 823-1 et L. 823-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) sanctionnent des peines de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000€ d'amende le fait pour des personnes de faciliter ou de tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France ainsi que sur le territoire d'un autre Etat partie à la convention dite « Schengen » du 19 juin 1990 ou d'un autre Etat partie au protocole additionnel à la convention de Palerme du 12 décembre 2000.

En application de l'article L. 823-3 du même code, ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 750 000 € d'amende lorsque les faits :

? sont commis en bande organisée ;

? sont commis dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entrainer une mutilation ou une infirmité permanente ;

? ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine ;

? sont commis au moyen d'une habilitation ou d'un titre de circulation en zone réservée d'un aérodrome ou d'un port ;

? ont pour effet d'éloigner des mineurs étrangers de leur milieu familial ou de leur environnnement traditionnel.

En vertu de l'article L. 823-6 du CESEDA, la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour une durée de de dix ans au plus ou, s'agissant d'une condamnation en application de l'article L. 823-3 du même code, à titre définitif est également encourue.

Les tableaux ci-dessous permettent de disposer d'éléments chiffrés sur les condamnations prononcées entre 2015 et 2021 sur le fondement de l'article L. 823-3 du CESEDA s'agissant d'une part de la circonstance aggravante de bande organisée (1° de cet article) et d'autre part de la circonstance aggravante d'exposition directe à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente (2° de cet article).

Tableau 1 : délits d'aide à l'entrée et au séjour en bande organisée , condamnations prononcées par les tribunaux correctionnels 210 ( * )

Année

Condam-nations

Peines d'emprison-nement

Taux d'emp.

Peines d'emprison-nement ferme

Taux d'emp. Ferme

Quantum emp. ferme

2015

133

131

98,50%

111

83,50%

22,8 mois

2016

189

186

98,40%

161

85,20%

27,9 mois

2017

153

150

98,00%

128

83,70%

28,6 mois

2018

189

179

94,70%

153

81,00%

23,6 mois

2019

219

218

99,50%

185

84,50%

27,5 mois

2020

188

186

98,90%

158

84,00%

30,3 mois

2021

235

232

98,70%

183

77,90%

27,0 mois

Tableau 2 : délits d'aide à l'entrée et au séjour avec risque de mort , condamnations prononcées par les tribunaux correctionnels 211 ( * )

Année

Condam-nations

Peines d'emprison-nement

Taux d'emp.

Peines d'emprison-nement ferme

Taux d'emp. Ferme

Quantum emp. ferme

2015

2

2

100,00%

0

0,00%

-

2016

8

7

87,50%

7

87,50%

26,6 mois

2017

49

48

98,00%

21

42,90%

13,6 mois

2018

80

80

100,00%

21

26,30%

11,1 mois

2019

184

181

98,40%

48

26,10%

8,5 mois

2020

275

274

99,60%

81

29,50%

11,9 mois

2021

384

382

99,50%

104

27,10%

11,7 mois

L'augmentation très sensible des condamnations à compter de 2017 s'explique, outre par la dynamique générale haussière des flux d'immigration irrégulière, par l'émergence et le développement du phénomène de traversées maritimes à destination du Royaume-Uni, qui a justifié d'un dispositif et d'une activité policière particulière qui s'est logiquement traduit par des interpellations plus nombreuses, ayant donné lieu à des procédures elles aussi plus nombreuses.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière concourt à la sauvegarde de l'ordre public et partant, constitue une exigence de valeur constitutionnelle 212 ( * ) .

La sauvegarde de la dignité de la personne humaine est un principe à valeur constitutionnelle 213 ( * ) . La sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation fait partie intégrante des droits inaliénables et sacrés réaffirmés par le préambule de la Constitution de 1946 214 ( * ) .

La fraternité constitue un principe à valeur constitutionnelle duquel découle la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. Le Conseil constitutionnel précise dès lors qu' « il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l'ordre public ». Il a dès lors précisé qu'« en réprimant toute aide apportée à la circulation de l'étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l'accessoire de l'aide au séjour de l'étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public » 215 ( * ) .

Le principe de nécessité et de proportionnalité des peines est garanti par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Il implique que toute peine édictée en répression d'une infraction pénale doit être « strictement et évidemment » nécessaire. Selon la formule habituelle du Conseil constitutionnel, « si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue » 216 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le présent texte s'inscrit dans le cadre européen et international.

Il est conforme à la directive 2002/90/CE du 28 novembre 2002 définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers où est notamment rappelé avec l'article 3 relatif aux sanctions que « chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour assurer que les infractions visées aux articles 1 er et 2 fassent l'objet de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives ». L'obligation faite aux Etats membres d'adopter des sanctions appropriées à l'encontre des passeurs traduit l'engagement de l'Union européenne sur cette matière et l'enjeu réel en matière de sécurité de nos sociétés.

Le présent texte est en outre articulé avec la Convention signée à Schengen le 19 juin 1990 dans la mesure où l'infraction considérée est également punissable en France si elle porte sur le territoire d'un autre Etat partie à l'espace Schengen.

Il inscrit dans le droit national les ambitions affichées par la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme, signée en décembre 2000 à Palerme, à laquelle l'Union européenne a adhéré en 2006. Trois protocoles additionnels y sont adossés, dont un relatif au trafic illicite de migrants et un à la traite des personnes. Cette convention établit un cadre universel commun pour une coopération renforcée entre les Etats en vue de lutter contre ces trafics.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

En Europe, de nombreuses législations nationales prévoient une aggravation des peines à l'occasion de la commission de l'infraction d'aide à l'entrée et au séjour d'étrangers en situation irrégulière, lorsque celle-ci occasionne un danger particulier ou des risques pour la vie des personnes.

En Croatie, il est ainsi prévu dans cette hypothèse un emprisonnement entre 3 et 12 ans. Les Pays-Bas prévoient qu'en cas de menace pour la vie humaine, une peine d'emprisonnement d'un maximum de 12 ans est possible et 15 ans en cas de décès. La Slovaquie prévoit une peine d'emprisonnement d'un maximum de 20 ans en cas de blessures graves ou de décès de plusieurs personnes. Enfin, le Royaume-Uni prévoit jusqu'à 14 ans d'emprisonnement en cas de simple commission d'une infraction relative à l'aide à l'entrée et au séjour d'un étranger en situation irrégulière.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le présent projet de loi entend en conséquence consolider l'arsenal juridique en vigueur, qui n'est manifestement pas assez dissuasif pour décourager l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers d'étrangers en bande organisée ainsi que les atteintes à la dignité qui l'accompagnent. Il poursuit dès lors l'objectif de criminaliser ces actes par l'aggravation des peines encourues.

Les crises migratoires impliquent des déplacements importants de population cherchant à entrer irrégulièrement en Europe et « alimentant » de facto des réseaux de passeurs qui y voient un intérêt lucratif. Dès lors, le phénomène de réseaux de passeurs est amené à s'accroître corrélativement à l'augmentation de l'immigration irrégulière et inversement, l'expansion de ces réseaux qui cherchent à étendre leur marché, provoque un afflux d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire national.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le but de cet article est d'aggraver les sanctions lorsque les faits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'étrangers sont commis en bande organisée et que les étrangers sont exposés à un risque immédiat de mort ou d'infirmité, pour décourager les réseaux de passeurs dont l'action a pour effet la mort de personnes lors d'une traversée ou d'un transport. Par ailleurs, les peines sont également aggravées pour les têtes de réseaux, à l'instar de ce qui existe déjà pour le trafic de stupéfiants.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Aucune autre option que celle retenue n'a été envisagée.

3.2. OPTION RETENUE

Lorsqu'ils sont commis dans certaines circonstances spécifiques, les faits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers révèlent un comportement portant gravement atteinte à l'ordre public et justifie donc une sanction de nature criminelle. Les écritures prévoient donc :

? De sanctionner d'une peine de quinze ans de réclusion criminelle et d'une amende d'un million d'euros lorsque ces faits sont commis en bande organisée et dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

? De sanctionner d'une peine de vingt ans de réclusion criminelle et d'une amende de 1 500 000 euros, les dirigeants et les organisateurs des groupements ayant pour objet la commission des infractions d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers.

Les peines complémentaires prévues aux articles L. 823-4 à L. 823-8 du code pénal sont applicables.

Par ailleurs, l'exemption humanitaire prévue au 3° de l'article L. 823-9 du CESEDA est également rendu applicable au crime prévu au dernier alinéa de l'article L. 823-3 du CESEDA tel qu'issu du projet de loi.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article L. 823-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et 1 000 000 euros d'amende lorsque les infractions prévues aux articles L. 823-1 et L. 823-2 sont commises dans les deux circonstances mentionnées au 1° et au 2° du présent article.

« Le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet la commission des infractions définies aux articles L. 823-1 et L. 823-2 est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 euros d'amende. L'infraction prévue au présent alinéa n'est pas applicable lorsqu'elle est commise par les personnes et dans les circonstances mentionnées au 3° de l'article L.823-9. »

L'article 706-73 du code de procédure pénale est par ailleurs modifié afin de prévoir que la procédure dérogatoire de la criminalité et la délinquance organisée est applicable aux infractions nouvellement créées.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Le présent texte est conforme à la directive 2002/90/CE du 28 novembre 2002, dont l'article 1 er , paragraphe 1, prévoit que chaque Etat membre adopte des sanctions appropriées, ainsi qu'à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.

Il est en outre conforme au protocole additionnel portant sur le trafic illicite de migrant prévu par la Convention de Palerme de 2000. L'article 6 impose aux Etats Parties de conférer à cette activité le caractère d'infraction pénale.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

Néant.

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.4. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La disposition entrerait en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française . Les nouvelles dispositions aggravant les peines, elles ne s'appliqueront qu'aux faits commis après leur entrée en vigueur.

5.2.2. Application dans l'espace

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

Conformément à l'article L. 823-2, le présent texte sera en outre applicable en cas de commission de cette infraction sur le territoire d'un autre Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ou au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.

5.2.3. Textes d'application

Aucun texte d'application n'est requis pour la mise en oeuvre de la mesure envisagée.

Article 15 : Durcir les sanctions contre l'habitat indigne

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Tout bailleur est tenu par la loi de délivrer aux locataires et occupants un logement décent 217 ( * ) . A ce titre, le logement ne doit pas laisser apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, il doit être exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasite. Il doit répondre à un critère de performance énergétique minimale et être doté d'éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation 218 ( * ) . En outre, le bailleur est soumis à certaines obligations envers le locataire 219 ( * ) .

A ce titre, lorsque l'indignité d'un logement est constatée (par les services de l'Etat ou de la commune ou de l'EPCI 220 ( * ) ), une procédure contradictoire est enclenchée et l'autorité compétente prescrit des mesures nécessaires.

Aussi les propriétaires ou exploitants de logements indignes ont l'obligation :

? d'exécuter les mesures prescrites (dans un délai prévu par l'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité). Ces mesures peuvent comprendre la démolition 221 ( * ) du bien (après autorisation préalable du juge civil) ;

? d'héberger ou de reloger les occupants des locaux (si le bien loué fait l'objet d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter).

La non-exécution des travaux de mise en conformité ou de traitement de l'indignité des locaux dans les délais prévus par l'arrêté peut être sanctionnée par la prise d'une astreinte administrative plafonnée à 1 000 € par jour de retard fixée par l'autorité compétente (celle qui a signé l'arrêté de police).

Les propriétaires de logements indignes s'exposent également à des sanctions pénales, qui varient selon les obligations manquées et/ou interdictions enfreintes. Ainsi, l'article L. 511-22 du code de la construction et de l'habitation (CCH) prévoit :

? une peine d'un an d'emprisonnement et de 50 000 € d'amende pour le refus délibéré et sans motif légitime d'exécuter les travaux et mesures de mise en conformité du logement insalubre prescrits par l'autorité administrative 222 ( * ) ;

? une peine de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende pour l'inexécution d'une mise en demeure du représentant de l'Etat dans le département prise sur le fondement de l'article L. 1331-23 du code de la santé publique concernant des locaux mis à disposition aux fins d'habitation dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation 223 ( * ) ;

Sont également punis de 3 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende :

? le fait de dégrader, détériorer, détruire des locaux ou de les rendre impropres à l'habitation de quelque façon que ce soit dans le but d'en faire partir les occupants lorsque ces locaux sont visés par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité 224 ( * ) ;

? le fait, de mauvaise foi, de ne pas respecter une interdiction d'habiter ou d'accéder aux lieux prise en application du chapitre unique du titre I er du livre V du code de la construction et de l'habitat 225 ( * ) ;

? le fait, en vue de contraindre un occupant à renoncer aux droits qu'il détient en application des articles L. 521-1 à L. 521-3-1 du CCH, de le menacer, de commettre à son égard tout acte d'intimidation ou de rendre impropres à l'habitation les lieux qu'il occupe 226 ( * ) ;

? le fait de percevoir un loyer ou toute autre somme en contrepartie de l'occupation du logement, y compris rétroactivement, en méconnaissance du I de l'article L. 521-2 du CCH 227 ( * ) ;

? le fait de refuser de procéder à l'hébergement ou au relogement de l'occupant, bien qu'étant en mesure de le faire 228 ( * ) .

Pour lutter contre l'habitat indigne et protéger davantage les étrangers en situation irrégulière, qui en sont les principales victimes, il est envisagé de créer des circonstances aggravantes pour les infractions prévues au CCH en cas de location d'un logement indigne, lorsque l'occupant est une personne vulnérable, notamment un étranger en situation irrégulière.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le principe de nécessité et de proportionnalité des peines est garanti par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Il implique que toute peine édictée en répression d'une infraction pénale doit être « strictement et évidemment » nécessaire. Selon la formule habituelle du Conseil constitutionnel, « si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue » 229 ( * ) .

Le Conseil Constitutionnel reconnait, depuis une décision de 1995, qu'il ressort du Préambule de la Constitution de 1946 que « la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ». Il déduit de ce principe que « la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle » 230 ( * ) .

Le législateur doit donc concilier l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent avec le droit de propriété, constitutionnellement garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Dans une décision du 29 juillet 1998 portant sur la loi d'orientation relative à la lutte contre l'exclusion, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé qu'il appartenait au législateur de mettre en oeuvre cet objectif de valeur constitutionnelle, et qu'il lui est loisible, à cette fin, d'apporter des limitations au droit de propriété qu'il estime nécessaires, à la condition que ces limitations n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés 231 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La lutte contre le logement de personnes vulnérables dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine est conforme à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prohibe les traitements inhumains et dégradants.

Pour ce qui concerne le droit de l'Union européenne, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne débute par la consécration du principe de l'inviolabilité de la dignité humaine 232 ( * ) . La présente proposition s'inscrit dans ce cadre puisqu'elle vise à aggraver les sanctions encourues lorsqu'un logement est indigne. L'article 17 de cette charte, consacre le droit de propriété tout en prévoyant qu'il ne s'agit pas d'un droit absolu puisque sont prévus, d'une part, des cas de privation du droit à la propriété et, d'autre part, la possibilité de réglementer l'usage des biens. En l'espèce, le présent article ne réglemente pas l'usage d'un bien, pas plus qu'il ne remet en cause le droit de propriété. Il aggrave des sanctions pénales en cas de refus de remettre en état un bien alors qu'il n'est pas en état d'être occupé. Enfin, si l'article 34 de la charte ne reconnaît pas explicitement le droit au logement, il dispose toutefois que « l'Union reconnaît et respecte » le droit à une aide au logement.

L'objectif de promotion de « logements décents, convenables, sains, accessibles et sûrs » est par ailleurs prévu à l'article 17 c) du chapitre 3 de la Charte de Genève des Nations Unies sur le logement durable 233 ( * ) .

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Comme indiqué précédemment, la location d'un logement indigne expose les propriétaires à plusieurs sanctions pénales prévues au CCH (notamment peine d'emprisonnement et amende).

Les obligations incombant au propriétaire suite au constat de l'indignité par l'autorité compétente, et les sanctions prévues au CCH en cas de manquement à ces obligations, ne tiennent pas compte de la vulnérabilité des occupants du logement. Cependant, dans les faits, les étrangers en situation irrégulière 234 ( * ) sont particulièrement vulnérables aux abus des propriétaires de logement indignes du fait de l'instabilité de leur situation administrative.

Si le code pénal prend en compte la vulnérabilité des victimes dans la gradation des sanctions, cette vulnérabilité, notamment des étrangers en situation irrégulière n'est pas prise en compte par le CCH notamment pour sanctionner le délit de location d'un logement indigne. Or, ces derniers sont particulièrement exposés à ces situations du fait de la précarité de leur situation administrative.

Aussi, il apparaît nécessaire d'aggraver les sanctions encourues lorsque l'occupant d'un logement indigne est une personne vulnérable, notamment un étranger en situation irrégulière.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Cette mesure permettra de mieux protéger les personnes vulnérables et notamment les étrangers en situation irrégulière contre le logement indigne en renforçant l'effet dissuasif de ces sanctions pénales.

Elle s'inscrit dans la continuité de la lutte contre le logement indigne et les « marchands de sommeil » initiée par les lois ALUR 235 ( * ) de 2014 et ELAN 236 ( * ) de 2018.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Pour répondre à l'objectif de lutte contre le logement indigne, dont sont particulièrement victimes les étrangers, il a été envisagé de durcir les sanctions encourues en cas de manquement :

? à l'obligation d'obtention d'une autorisation préalable à la mise en location prévue à l'article L. 635-1 du code de la construction et de l'habitation ;

? à l'obligation de déclaration de mise en location prévue à l'article L. 634-1 du même code.

Introduites par la loi ALUR de 2014 237 ( * ) , ces obligations pèsent sur les propriétaires désirant mettre en location un logement situé dans une zone  présentant « une proportion importante d'habitat dégradé ». Des sanctions administratives sont prévues pour les propriétaires ne se soumettant pas à l'obligation de déclaration de mise en location ou louant un logement sans obtention d'une autorisation préalable.

Cette option a cependant été écartée. En effet, d'une part, ces obligations ne sont prévues que dans certaines communes et ne permettent donc pas de couvrir tous les cas de logement indignes dont souffrent les étrangers. Ce dispositif n'est par exemple pas prévu à Paris, Marseille, Lyon ou encore Bordeaux.

D'autre part, ces sanctions sont encourues dès la mise en location (publication de l'offre) et ne permettent donc pas de tenir compte de la vulnérabilité des occupants étrangers victimes de logement indigne.

3.2. OPTION RETENUE

Pour lutter contre le logement indigne et pour contraindre les propriétaires à respecter les arrêtés de mise en sécurité et de traitement de l'indignité, l'option retenue aggrave les sanctions pénales prévues par le CCH, en instaurant une nouvelle circonstance aggravante lorsque les faits sont commis alors que l'occupant est une personne vulnérable, notamment un étranger en situation irrégulière. Cette circonstance aggravante est prévue pour les infractions suivantes :

? le refus délibéré et sans motif légitime d'exécuter les travaux et mesures prescrits 238 ( * ) : les peines sont portées d'un an d'emprisonnement et 50 000€ d'amende à deux ans d'emprisonnement et 75 000€ d'amende si l'occupant est un ressortissant étranger en situation irrégulière ;

? le fait de ne pas déférer à une mise en demeure du représentant de l'Etat dans le département pour mettre fin à l'insalubrité concernant des locaux mis à disposition aux fins d'habitation dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation 239 ( * ) : les peines sont portées de deux ans d'emprisonnement et 75 000€ d'amende à trois ans d'emprisonnement et 100 000€ d'amende ;

? le fait de dégrader, détériorer, détruire des locaux ou de les rendre impropres à l'habitation de quelque façon que ce soit dans le but d'en faire partir les occupants lorsque ces locaux sont visés par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité 240 ( * ) : les peines sont portées de trois ans d'emprisonnement et 100 000€ d'amende à cinq ans d'emprisonnement et 150 000€ d'amende ;

? le fait, de mauvaise foi, de ne pas respecter une interdiction d'habiter ou d'accéder aux lieux prise en application du chapitre unique du titre I er du livre V du CCH 241 ( * ) : les peines sont portées de trois ans d'emprisonnement et 100 000€ d'amende à cinq ans d'emprisonnement et 150 000€ d'amende.

Enfin, le présent article prévoit que cette nouvelle circonstance aggravante est également applicable aux délits prévus au I de l'article L. 521-4 du CCH. Ces délits sanctionnent le fait :

? en vue de contraindre un occupant à renoncer aux droits qu'il détient en application des articles L. 521-1 à L. 521-3-1 , de le menacer, de commettre à son égard tout acte d'intimidation ou de rendre impropres à l'habitation les lieux qu'il occupe ;

? de percevoir un loyer ou toute autre somme en contrepartie de l'occupation du logement, y compris rétroactivement, en méconnaissance du I de l'article L. 521-2 ;

? de refuser de procéder à l'hébergement ou au relogement de l'occupant, bien qu'étant en mesure de le faire.

La peine initialement encourue de trois ans d'emprisonnement et 100 000€ d'amende, est alors portée à cinq ans d'emprisonnement et 150 000€ d'amende lorsque les faits sont commis à l'encontre d'un occupant qui est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les articles L. 511-22 (I, II et III) et L. 521-4, I du code de la construction et de l'habitation sont modifiés.

Le dispositif retenu s'inscrit dans le cadre de sanctions pénales existantes dont la finalité est de lutter contre l'habitat indigne. Il vise uniquement à aggraver les peines encourues lorsque la victime est particulièrement vulnérable. Cette vulnérabilité est présumée lorsque l'étranger est en situation irrégulière. Ces peines n'ont pas vocation à priver le propriétaire de son droit de propriété mais visent uniquement à sanctionner le refus, de sa part, de se conformer aux arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité.

Ce faisant, le droit de propriété n'est pas dénaturé et cette mesure est proportionnée car elle vise à protéger un public particulièrement vulnérable.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant. Le présent article est une aggravation de sanction pénale.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

L'impact sur les organismes bailleurs n'est pas significatif puisque le présent article ne fait qu'aggraver une sanction pénale.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

L'impact sur les services administratifs est minime puisque s'agissant de l'aggravation d'une sanction pénale, la procédure classique s'appliquera et il faudra que le représentant de l'Etat apporte les éléments sur la régularité du séjour, ce qui implique simplement de consulter les systèmes d'information.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

En aggravant les sanctions pénales encourues en cas d'habitat indigne, une meilleure protection des personnes vulnérables, dont font partie les étrangers en situation irrégulière, sera garantie.

Ainsi, l'impact sur les particuliers se focalisera sur deux publics :

? Les propriétaires ne respectant pas les arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité. Ils feront l'objet de sanctions aggravées, ce qui devrait avoir pour effet de les inciter à respecter les prescriptions des arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité ;

? Les personnes vulnérables occupant un bien indigne. Etant mieux protégés, ils vivront dans de meilleures conditions.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les nouvelles dispositions doivent être analysées comme plus sévères. Elles ne seront applicables qu'aux faits commis après l'entrée en vigueur de la loi.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions s'appliqueront sur l'ensemble du territoire national. Toutefois, conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Cette disposition ne nécessite aucune mesure d'application.

Article 16 : Etendre l'obligation de contrôle documentaire des transporteurs au contexte nouveau né de l'entrée en vigueur prochaine de l'autorisation de voyage prévue par le règlement UE 2018/1240 ainsi que les modalités de sanction de son manquement par amende administrative

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Conformément à la Convention de Chicago de 1944 242 ( * ) et à la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 243 ( * ) , les transporteurs sont tenus de respecter des obligations dès lors qu'ils acheminent des passagers. Parmi ces obligations, se trouve celle par laquelle un transporteur est tenu de vérifier que son passager dispose des autorisations et documents nécessaires pour son entrée sur le territoire national.

En droit français, ces obligations sont prévues aux articles L. 821-6 à L. 821-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Ce droit applicable en France découle de la transposition de la directive 2001/51 du Conseil du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l'article 26 de la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 .

Le règlement UE 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) 244 ( * ) impose la détention d'une autorisation de voyage (ETIAS) pour les ressortissants de pays tiers dont la nationalité n'est pas soumise à visa de court séjour (soit une soixantaine d'Etats 245 ( * ) ). Conformément à l'article 15 dudit règlement, cette autorisation de voyage, dématérialisée et contrôlable à partir d'un système d'information, est à renseigner par le voyageur ressortissant de pays tiers qui souhaite se rendre dans un pays de l'espace Schengen. Cette autorisation de voyage doit être contrôlée par le transporteur au moment de l'embarquement. Cette autorisation vient s'ajouter aux autres documents devant déjà être vérifiés par les transporteurs. Il s'agit du document de voyage (type passeport) et du visa requis lorsque la nationalité du passager l'exige.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Cette modification normative nécessite la modification d'un article du CESEDA déjà existant qui est conforme à la Constitution. Ladite modification n'entrave pas le cadre constitutionnel. En effet, en 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré que les dispositions visant à instaurer une obligation de contrôle de l'irrégularité manifeste des documents qui lui sont présentés au moment de l'embarquement, et à sanctionner le manquement à cette obligation, ne méconnaissaient pas l'article 12 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen duquel découle l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits 246 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La modification de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) doit permettre de faire respecter au niveau français les obligations prévues par le règlement européen 2018/1240 précité.

Celui-ci doit permettre de vérifier en amont de leur déplacement que les ressortissants de pays tiers (RPT) exemptés de l'obligation de visa remplissent les conditions d'entrée sur l'espace Schengen et ne présentent pas de risque sécuritaire, migratoire ou sanitaire. Ces RPT devront ainsi obtenir une autorisation de voyage avant leur déplacement, en fournissant des informations dans le cadre d'une demande en ligne. Ces informations feront l'objet d'un traitement automatisé par l'Unité Centrale ETIAS au niveau européen, qui délivrera automatiquement une autorisation de voyage si l'individu est inconnu des bases de données. Si l'individu est en revanche signalé dans les bases de données européennes, le traitement de la demande d'ETIAS sera effectué par l'unité nationale (UN ETIAS) de l'État membre désigné responsable. La fonction d'UN ETIAS française est assurée par un service à compétence nationale, le SNEAV (service national d'enquête pour les autorisations de voyage), créé au 1 er janvier 2022, rattaché à la direction générale de la police nationale.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Une consultation des autres Etats membres réalisée en juin 2021 a permis de confirmer que l'ensemble des pays de l'Union européenne a instauré l'obligation de contrôle documentaire pesant sur les transporteurs conformément à la directive 2001/51 247 ( * ) et à l'article 26 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen. La plupart des Etats ont également mis en oeuvre un dispositif de contrôle du respect de ces obligations, ces dispositifs variant d'un Etat à l'autre : sensibilisation, amendes administratives, sanctions pénales, etc.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La présente disposition vise à faire respecter le droit de l'Union européenne et notamment son règlement UE 2018/1240 et la directive européenne 2001/51 précités.

L'article L. 821-6 du CESEDA énumère limitativement les documents devant faire l'objet d'un contrôle de la part des compagnies de transport, à savoir les documents de voyage et la régularité des visas requis le cas échéant. Sa rédaction actuelle ne cite donc pas l'autorisation de voyage, catégorie juridique dont relève l'ETIAS. L'inclusion de cette catégorie de document est indispensable pour prévoir un contrôle par les compagnies de transport ainsi que la sanction du manquement à cette obligation via la procédure administrative d'amendes aux transporteurs.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure doit permettre d'étendre les obligations des transporteurs en matière de contrôle documentaire des passagers ressortissants de pays tiers qui acheminent vers un pays de l'Union européenne depuis un pays pour lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Il a été envisagé de ne pas sanctionner le défaut de contrôle de l'autorisation de voyage par les compagnies de transport international.

Cependant, l'absence de sanction aurait en pratique privé d'effet utile l'obligation de recours au système ETIAS par les transporteurs, tel qu'il est prévu dans le règlement précité. L'absence de dispositif de contrôle avant l'embarquement des voyageurs se traduirait mécaniquement par une hausse du nombre de personnes démunies de l'autorisation de voyage se présentant aux contrôles frontaliers à l'arrivée en France. Elle entraînerait une surcharge d'activité pour les garde-frontières, qui auront l'obligation de prononcer des non-admissions, pouvant déboucher, le cas échéant, sur une saturation des placements en zone d'attente dans l'attente d'un réacheminement. Le temps consacré au traitement de ces situations par les garde-frontières allongerait les temps d'attente aux frontières et nuirait à la qualité d'ensemble des contrôles.

3.2. OPTION RETENUE

Le présent article modifie les articles L. 821-6 et L. 821-7 du CESEDA. Il s'agit d'ajouter « l'autorisation de voyage » nouvellement prévue par le règlement UE 2018/1240 précité parmi la liste des documents devant faire l'objet d'un contrôle de la part des compagnies de transport, à savoir les documents de voyage et la régularité des visas requis le cas échéant.

L'ajout de cette nouvelle disposition ne nécessite aucune autre modification par rapport au dispositif législatif déjà existant. Il s'agit d'étendre le champ d'application d'une sanction administrative pour tenir compte d'un nouveau règlement européen, sans modifier le montant de cette amende.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Le présent article modifie les articles L. 821-6 et L. 821-7 du CESEDA.

La modification de l'article L. 821-6 du CESEDA n'entrave pas l'ordre juridique interne. Les règles de procédure administrative sont conformes et les verbalisations susceptibles d'être engagées contre les transporteurs peuvent faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant les juridictions administratives.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La modification de l'article L. 821-6 du CESEDA doit permettre d'être en conformité avec le droit international et notamment la Convention de Chicago de 1944 et le droit de l'Union européenne avec la directive 2001/51 et le règlement UE 2018/1240 susmentionnés.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

La mise en oeuvre de cette nouvelle norme n'induira aucun impact macroéconomique.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

La mise en oeuvre de cette nouvelle obligation implique pour les entreprises de transport de contrôler un élément supplémentaire concernant le passager qu'elle embarque à bord de son appareil. En plus du document de voyage et du visa si la nationalité l'exige, elle doit contrôler l'autorisation de voyage (ETIAS) des passagers ressortissants de pays tiers non soumis à visa. Ce contrôle dématérialisé est effectué à travers une interface transporteur mise à leur disposition conformément à l'article 45 du règlement UE 2018/1240 précité.

En cas de non-respect de cette obligation, les compagnies sont passibles de verbalisation et d'une amende allant jusqu'à 10 000 euros par passager.

En cas de verbalisation, de même que pour le défaut de contrôle documentaire tel que prévu actuellement par l'article L. 821-6 du CESEDA, le défaut de contrôle de l'autorisation de voyage (ETIAS) est susceptible de recours de plein contentieux devant les juridictions administratives.

4.2.3. Impacts budgétaires

Les amendes prévues au titre de l'article L. 821-6 du CESEDA et perçues suite à la verbalisation des transporteurs sont reversées au budget général de l'Etat. Avec l'ajout d'une nouvelle norme à contrôler, le processus reste inchangé.

5.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le présent article n'a aucun impact sur les collectivités territoriales.

5.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Les services centraux du ministère de l'intérieur sont chargés de l'instruction des procès-verbaux rédigés par les garde-frontières lors de la constatation du manquement d'un transporteur à ses obligations en matière de contrôle documentaire. L'ajout de cette nouvelle norme n'impacte pas les services administratifs déjà sollicités pour l'instruction et le suivi des procédures de verbalisation des transporteurs.

5.5. IMPACTS SOCIAUX

4.2.4. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Le présent article n'a aucun impact sur les personnes en situation de handicap.

4.2.5. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Le présent article n'a aucun impact sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

4.2.6. Impacts sur la jeunesse

Le présent article n'a aucun impact sur la jeunesse.

4.2.7. Impacts sur les professions réglementées

Le présent article n'a aucun impact sur les professions réglementées.

5.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les ressortissants de pays tiers relevant du champ d'application prévu à l'article 2 du règlement ETIAS devront solliciter une autorisation de voyage en ligne préalablement à leur voyage.

5.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

La présente disposition n'a aucun impact sur l'environnement.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La modification envisagée ne visant qu'à étendre les obligations des transporteurs prévues par le droit européen, aucune consultation n'a été menée.

5.8. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions envisagées entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La présente modification ne s'applique que pour un transporteur ayant acheminé un passager ressortissant de pays tiers vers la France métropolitaine depuis un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen.

5.2.3. Textes d'application

Aucun texte d'application n'est requis pour la mise en oeuvre des dispositions envisagées. Les instructions utiles seront adressées aux services concernés.

Article 17 : Permettre l'inspection visuelle des véhicules particuliers par les officiers de police judiciaire en zone frontalière

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Exigences générales

A l'exception des visites douanières, les mesures visant à inspecter visuellement un coffre ou à visiter un véhicule ne peuvent être réalisées que sous le contrôle du procureur de la République, par des officiers de police judiciaire (OPJ) ou, sous leur contrôle et leur responsabilité, par des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints, et ne peuvent avoir lieu qu'avec l'accord du conducteur (exprès ou matérialisé par sa demande d'accès à un lieu contrôlé 248 ( * ) ) ou, en cas de refus de ce dernier, sur instruction du procureur de la République, le véhicule pouvant alors être immobilisé pendant une durée maximale de quatre heures.

La mesure d'inspection visuelle et, a fortiori , de fouille, ne pouvant être effectuée que par un OPJ ou par un agent placé sous son contrôle, les policiers municipaux ne disposent pas de cette faculté dans la mesure où, relevant des autorités communales, ils ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire et ne sont pas placés sous le contrôle hiérarchique du procureur de la République 249 ( * ) .

La possibilité de procéder à des inspections visuelles a été étendue à des personnels ne relevant pas des services des douanes ou des forces de sécurité intérieure, à savoir certaines catégories d'agents privés de sécurité limitativement énumérés. Il s'agit, d'une part, des agents de sûreté aéroportuaire 250 ( * ) , qui peuvent, sous le contrôle des officiers de police judiciaire et des agents des douanes, procéder à la fouille et à la visite par tous moyens appropriés des véhicules pénétrant ou se trouvant dans la zone côté piste des aérodromes et, d'autre part, des agents « chargés des missions de sûreté » dans le domaine portuaire 251 ( * ) , qui, désignés par les services de l'Etat, les exploitants d''installations portuaires, les compagnies de transport maritime et les prestataires de services portuaires, peuvent, sous le contrôle des officiers de police judiciaire ou des agents des douanes, procéder à la fouille des véhicules pénétrant ou se trouvant dans les zones d''accès restreint ou embarqués à bord des navires.

1.1.2. Inspection visuelle par les officier de police judiciaire de la police et gendarmerie nationales

L'article L. 812-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers (CESEDA) est issu de la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration, dite « loi Debré », qui a inséré un article 8-2 nouveau dans l''ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Sa rédaction est restée quasiment inchangée depuis 252 ( * ) .

En application de cette disposition, les officiers de police judiciaire de la police et gendarmerie nationales procèdent régulièrement à des opérations de visite sommaire 253 ( * ) des véhicules de plus de neuf places circulant sur les routes situées dans la bande des 20 km de la ligne frontière.

Par ailleurs, les dispositions du code frontières Schengen prévoient que, lors du contrôle aux points de passage aux frontières (PPF) ou, lors de la surveillance des frontières extérieures entre les PPF, les vérifications réalisées par les garde-frontières concernent non seulement les personnes mais également leur moyen de transport (article 8-1 du code frontières Schengen ). Les frontières intérieures, en période de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, comme c'est le cas pour la France depuis 2015, bénéficient toutes choses égales par ailleurs, des mesures applicables aux frontières extérieures (article 32 du code frontières Schengen ), à savoir les conditions d'entrée, les vérifications à réaliser en frontière tant en entrée qu'en sortie, le refus d'entrée, la surveillance des frontières, ou encore la coopération entre États.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 , le Conseil constitutionnel a expressément validé l'article 8-2 devenu depuis l'article L. 812-3 du CESEDA.

Reprenant une démarche usuelle, il a vérifié que le législateur avait assuré la conciliation entre la recherche des auteurs d'infractions, objectif de nature constitutionnelle, et l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté individuelle.

Conformément à sa jurisprudence ancienne ( n° 76-75 DC du 12 janvier 1977 et 94-352 du 18 janvier 1995 ), il a rappelé que la possibilité de procéder à la fouille de véhicules devait être entourée de garanties effectives, faute de quoi il serait porté atteinte à la liberté individuelle.

Relevant les garanties procédurales substantielles prévues par le législateur, à savoir la caractérisation d'une opération de police judiciaire obéissant aux règles de procédure pénale, la nature de la visite sommaire, « laquelle à la différence de la fouille du véhicule n'est destinée qu'à s'assurer de l'absence de personnes dissimulées », le nécessaire accord du conducteur, ou dans le cas contraire, la nécessité d'obtenir l'autorisation du procureur de la République, la limitation de la durée de la visite et enfin la remise d'un exemplaire du procès-verbal au conducteur, il a considéré que n'étaient pas méconnues les garanties attachées au respect de la liberté individuelle, non plus que les droits de la défense.

Sa décision, éclairée par son commentaire aux cahiers, ne fait que relever que les voitures particulières sont exclues du dispositif dans la présentation de ce dernier, sans pour autant lister cette exclusion parmi les garanties procédurales substantielles entourant le déroulement de la visite sommaire, permettant ainsi de considérer que cette exclusion ne constitue pas pour le Conseil une garantie dont dépendrait la conformité de ce régime à la Constitution 254 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La libre circulation des personnes est encadrée, en droit de l'Union européenne, par les dispositions suivantes :

Article 3, paragraphe 2, du Traité sur l'Union européenne (dit « Traité de Maastricht ») ;

Article 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Titres IV et V de la troisième partie du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Article 45 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Accord de Schengen du 14 juin 1985 et Convention d'application de cet accord signée le 19 juin 1990, prévoyant la suppression progressive des frontières intérieures ;

Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres .

Le droit au respect de la vie privée est protégé par :

l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

La possibilité pour les garde-frontières, lors du contrôle aux points de passage aux frontières (PPF) ou lors de la surveillance des frontières extérieures entre les PPF, de réaliser des vérifications réalisées sur les personnes mais également sur leur moyen de transport est prévue par l'article 8-1 du code frontières Schengen.

Il est à noter à cet égard que les recommandations n° 16 de l'évaluation Schengen des frontières extérieures de la France réalisée en 2016 et n° 17 de celle réalisée en 2021 appellent au renforcement des attributions de la PAF en matière de contrôle des véhicules.
Elles sont, respectivement :

« Renforcer la base juridique actuelle afin de garantir que la DCPAF est également compétente pour contrôler les moyens de transport et les objets en possession des voyageurs ou, si le renforcement de la base juridique actuelle n'est pas possible, à améliorer la coopération et les opérations conjointes avec les autorités douanières ; »

et « Veiller à ce que la police aux frontières ait la possibilité légale de procéder à des vérifications sur les moyens de transport et sur les objets détenus par les voyageurs »

L'article 32 du code frontières Schengen prévoit par ailleurs qu'en période de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, comme cela est le cas pour la France depuis 2015, les frontières intérieures bénéficient, toutes choses égales par ailleurs, des mesures applicables aux frontières extérieures.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Des mesures comparables ont été mises en oeuvre dans d'autres Etats européens.

En Espagne , le pouvoir de fouille des garde-frontières a comme base juridique l'article 8.1 du code frontières Schengen (CFS) donnant ce pouvoir directement 255 ( * ) pour le contrôle des objets portés par les personnes franchissant la frontière, et, de manière générale, la loi organique 15/2015 de la sécurité publique (articles 20 et 18).

En Belgique , la loi du 5 août 1992 modifiée sur la fonction de police prévoit dans son article 29, au sein de la section 3 relative aux fouilles du chapitre III, que les fonctionnaires de police peuvent procéder à la fouille d'un véhicule ou de tout autre moyen de transport, en circulation ou en stationnement sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public lorsqu'ils ont des motifs raisonnables de croire, en fonction du comportement du conducteur ou des passagers, d'indices matériels ou des circonstances de temps et de lieu, que le véhicule ou moyen de transport a servi, sert ou pourrait servir à commettre une infraction, abriter ou transporter des personnes recherchées ou qui veulent se soustraire un contrôle d'identité ou à entreposer ou transporter des objets dangereux pour l'ordre public, des pièces à conviction ou des éléments de preuve d'une infraction.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'efficacité des contrôles actuellement réalisés par les gardes-frontières sur les véhicules particuliers de moins de neuf places est en baisse marquée depuis plusieurs années du fait des contre-mesures prises par les passeurs. En effet, ceux-ci ont maintenant recours à des véhicules particuliers de moins de neuf places pour échapper aux contrôles.

La mesure proposée constitue donc une réponse à l'évolution des pratiques des passeurs ainsi qu'à l'augmentation des flux migratoires aux frontières terrestres de la France. Elle permettra, dans la perspective de la fin du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, de rendre plus efficaces les contrôles qui seront opérés à proximité de la frontière.

L'exclusion des véhicules particuliers est en outre incohérente avec la finalité de la disposition et la mission confiée par ailleurs de constater les infractions à l'entrée et au séjour des étrangers. En effet, l''inspection visuelle de tout véhicule est nécessaire pour que les OPJ puissent assurer l''effet utile de la disposition et l''exercice de la mission de contrôle.

Au vu des retours d'expérience des agents de la PAF indiqué supra , il est nécessaire de supprimer dans la loi cette limitation aux compétences des agents contrôleurs.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Dans le contexte de renforcement de lutte contre l'immigration irrégulière, il s'agit de rendre plus efficaces les contrôles opérés dans la bande frontalière des 20 km, par les forces de sécurité intérieure, ce qui est d'autant plus nécessaire que le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de la France, en vigueur depuis 2015, ne pourra éternellement perdurer (en l'absence de contrôle aux frontières intérieures, il devient essentiel de renforcer l'efficience du contrôle des véhicules faisant mouvement dans la bande frontalière).

Ce renforcement de l'efficacité dans les contrôles menés a aussi pour objectif de mettre la France en conformité avec les exigences européennes, les recommandations n° 16 de l'évaluation Schengen des frontières extérieures de la France réalisée en 2016 et n° 17 de celle réalisée en 2021 appelant au renforcement des attributions de la PAF en matière de contrôle des véhicules.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Il a été envisagé de prévoir des arrangements opérationnels consistant à recourir, occasionnellement, à l'appui d'un personnel des douanes pour mener des contrôles conjoints permettant ainsi de contrôler les véhicules particuliers. Ce dispositif suppose cependant l'existence d'un service douanier localement et d'une parfaite coopération entre ce service et les services de police et de gendarmerie. Cette organisation n'est cependant ni satisfaisante ni pérenne, alors que chacun de ces services relève d'administrations différentes ayant leurs propres objectifs et périmètre de contrôle. De plus, un tel recours des forces de police et de gendarmerie à l'appui douanier pour réaliser des visites de véhicule est juridiquement fragile.

Par ailleurs, il a été envisagé de supprimer la notion de « visite sommaire » qui n'existe que dans cet article, pour lui préférer celui de « visite » qui, dans d'autres législations et notamment plusieurs articles du code de sécurité intérieure, renvoie à l'inspection visuelle. Cette option a cependant été écartée pour ne pas créer de confusion avec la terminologie douanière qui utilise le vocable de visite mais dans le sens de « fouille du véhicule ».

3.2. OPTION RETENUE

La modification retenue consiste à inclure les véhicules particuliers dans le périmètre des véhicules contrôlables dans la bande frontalière des 20 km.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La présente disposition prévoit une modification de l'article L. 812-3 du CESEDA.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Comme il a été indiqué supra , cette évolution renforce l'articulation des dispositions de droit national avec les exigences européennes prévues par le code frontières Schengen qui dispose que : « la surveillance des frontières a pour objet principal d'empêcher le franchissement non autorisé de la frontière, de lutter contre la criminalité transfrontalière et de prendre des mesures à l'encontre des personnes ayant franchi illégalement la frontière » (article 13) et que : «  l'absence de contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte : / - à l'exercice des compétences de police par les autorités compétentes de l'Etat-membre en vertu du droit national ; (...) /- à l'exercice des contrôles de sûreté dans les ports ou aéroports et à la possibilité pour un Etat-membre de prévoir dans son droit national l'obligation de détention et de port de titres et documents » (article 23).

Elle s'inscrit par ailleurs pleinement dans le cadre de la possibilité offerte par l'article 8-1 du Code frontières Schengen, lors des vérifications aux frontières portant sur les personnes, de vérifier également les moyens de transport des personnes franchissant la frontière.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Sans objet.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Sans objet.

4.2.3. Impacts budgétaires

Aucun impact sur le budget de l'État n'est induit.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Sans objet.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Les possibilités de visite sommaire de véhicules particuliers qui seraient instaurées ne signifient pas une augmentation du nombre de contrôles de véhicules, ce sont les types de véhicules contrôlés qui varieront, tantôt étant des véhicules de plus de neuf places, tantôt de moins de neuf places. Ainsi, plus de latitude sera conférée aux forces de sécurité intérieure pour réaliser le contrôle, dont l'efficacité se trouve dès lors renforcée.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

Sans objet.

4.5.1. Impacts sur la société

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Sans objet.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Sans objet.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Sans objet.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Sans objet.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Lors du contrôle, en mission de surveillance des frontières, dans la bande frontalière des 20 km, les vérifications réalisées par les agents de police ou de gendarmerie concerneront non seulement les personnes mais également leur moyen de transport. La visite des véhicules particuliers sera possible, alors qu'elle ne l'était pas jusque-là.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Sans objet.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Cette évolution a été concertée avec l'administration des douanes dans le cadre du projet plus global de mise en cohérence des compétences et attributions des services intervenant dans les zones frontalières.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La présente disposition entrera en vigueur le lendemain de la publication du texte au Journal officiel de la République française, sans effet rétroactif.

5.2.2. Application dans l'espace

La présente disposition s'appliquera à l'ensemble du territoire de la République.

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

La présente disposition ne requiert aucune mesure d'application.

Article 18 : Encadrer le refus de visa aux étrangers ayant fait l'objet d'une OQTF au cours d'un séjour antérieur sur le territoire français

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Outre la réglementation européenne d'application directe (cf. infra point 1.3), la délivrance des visas aux ressortissants étrangers est régie par les dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Les catégories d'étrangers susceptibles de se voir délivrer un visa ne sont pas définies a priori par le droit national, à de rares exceptions près 256 ( * ) .

En revanche, l'entrée en France des étrangers pour des séjours de moins de trois mois (motifs touristiques et familiaux notamment), qui est à l'origine de plus de 90 % des demandes de visas, ou pour y suivre des études, qui représentent près de la moitié des séjours supérieurs à trois mois, est aujourd'hui encadrée par le droit de l'Union européenne, dont les dispositions fixent plus précisément les règles d'examen des demandes de visas.

Quel que soit l'objet du séjour envisagé, l'administration dispose de la faculté de s'opposer à l'entrée en France d'un étranger en cas de fraude ou de risque d'immigration illégale. La jurisprudence administrative reconnaît en particulier à l'administration le pouvoir de rejeter une demande de visa lorsque l'étranger s'est antérieurement maintenu irrégulièrement sur le territoire français 257 ( * ) .

Tableau 1 : nombre de visas demandés et refusés ; recours administratifs et contentieux entre 2011 et 2021

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Visas demandés

Visas de court séjour/transit

2 203 701

2 388 455

2 614 374

2 941 932

3 367 823

3 323 224

3 747 713

4 014 652

3 994 780

670 288

679 187

Visas de long séjour

204 004

204 432

204 477

212 639

221 787

228 640

254 964

276 388

295 702

200 510

303 709

Total

2 407 705

2 592 887

2 818 851

3 154 571

3 589 610

3 551 864

4 002 677

4 291 040

4 290 482

870 798

982 896

Visas refusés

Visas de court séjour/transit

194 884

219 434

248 101

275 590

334 370

364 609

503 153

629 996

635 583

125 723

129 614

Visas de long séjour

24 941

26 537

25 062

23 602

23 501

25 588

33 803

44 802

51 279

42 505

64 298

Total

219 825

245 971

273 163

299 192

357 871

390 197

536 956

674 798

686 862

168 228

193 912

Recours administratifs obligatoires

Visas de court séjour/transit

10 234

14 180

15 204

15 841

14 979

17 088

23 070

28 482

28 512

5 652

4 863

Visas de long séjour

3 135

3 483

3 790

4 023

3 941

4 383

5 775

6 784

8 504

5 219

8 269

Total

13 369

17 663

18 994

19 864

18 920

21 471

28 845

35 266

37 016

10 871

13 132

Recours contentieux 1 re instance (y compris référés)

Total

2 565

2 284

2 374

2 522

2 438

2 759

3 186

3 586

3 823

3 373

3 581

En outre, les décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) peuvent être assorties d'une interdiction de retour - laquelle fait obstacle à la délivrance d'un visa d'entrée au sein de tout l'espace Schengen - dont la durée maximale est de deux à trois ans selon les cas (articles L. 612-6 à L. 612-10 du CESEDA). Lorsque l'OQTF est assortie d'un délai de départ volontaire, elle peut être assortie d'une interdiction de retour (article L. 612-8 du CESEDA). L'autorité préfectorale tient alors compte, pour apprécier la nécessité de la mesure, de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (deuxième alinéa de l'article L. 612-10 du CESEDA). En revanche, l'interdiction de retour doit, sauf circonstances humanitaires, être systématiquement prononcée par l'autorité préfectorale lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'intéressé, ou lorsque celui-ci s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire. L'interdiction de retour peut être prolongée pour une durée maximale de deux ans lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement en France en dépit de l'OQTF, ou y est revenu alors que l'interdiction de retour était toujours en vigueur (article L. 612-11 du CESEDA).

En 2021, 120 552 OQTF ont été prononcées, sur le fondement de l'article L. 611-1 du CESEDA, à l'encontre de ressortissants de pays tiers. Sur ces 120 552 OQTF, 57 261 ont été assorties d'une interdiction de retour, soit 47 % des OQTF.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le droit constitutionnel n'aborde pas de manière générale la délivrance des visas d'entrée en France.

Certaines catégories d'étrangers font toutefois l'objet d'une protection particulière, notamment ceux ayant développé des attaches personnelles ou familiales sur le territoire français, puisque le droit à mener une vie privée et familiale normale et la liberté du mariage 258 ( * ) constituent des principes à valeur constitutionnelle devant être conciliés avec les nécessités de la sauvegarde de l'ordre public dans le domaine de la police des étrangers.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La délivrance de certaines catégories de visas fait l'objet d'un encadrement par le droit de l'Union européenne. Il s'agit notamment des visas de court séjour 259 ( * ) (90 % des visas délivrés avant la crise Covid-19) et des visas de longs séjours pour études (qui correspondent à près de la moitié des visas de long séjour délivrés) 260 ( * ) .

Ces textes organisent la répartition des compétences entre les États membres, fixent les règles de présentation des demandes ainsi que les procédures d'examen, et déterminent, de manière limitative, les motifs de refus des visas sollicités.

Le respect par l'étranger des autorisations d'entrée et de séjour qui lui ont été antérieurement délivrées est au nombre des éléments d'appréciation que les État membres sont autorisés à prendre en considération pour statuer sur la demande de visa 261 ( * ) .

Certaines catégories d'étrangers font toutefois l'objet d'une protection particulière, au titre notamment du droit à mener une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, le non-respect par un étranger des autorisations de séjour dont il a antérieurement bénéficié ne peut justifier un refus de visa que si l'incidence d'une telle décision sur la situation personnelle de l'intéressé, appréciée par l'administration - sous le contrôle du juge - au regard des attaches personnelles et familiales qu'il a développées en France, ne présente pas un caractère disproportionné.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'édiction d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) révèle une infraction administrative à la législation française sur l'entrée et le séjour des étrangers qui doit être susceptible de justifier des restrictions particulières au retour de l'intéressé sur le territoire national, mais aussi qu'il en soit tenu compte dans l'examen d'une demande ultérieure d'entrée sur le territoire national.

Les règles actuelles relatives à l'entrée sur le territoire national ne tiennent pas suffisamment compte des infractions administratives à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France commises par la personne lors d'un précédent séjour en France et qui souhaite entrer à nouveau sur le territoire national.

En effet, moins de la moitié des OQTF prononcées donnent lieu à des interdictions de retour. Cette situation résulte, notamment, de la complexité de la mise en oeuvre d'une telle mesure lorsqu'elle vise un étranger ayant disposé d'un délai de départ volontaire, puisque l'autorité préfectorale ne peut, par hypothèse, être systématiquement informée du défaut d'exécution de l'OQTF par l'étranger et par suite ne peut prononcer l'interdiction de retour.

Dès lors, les refus de visas opposés aux étrangers ayant fait l'objet d'une OQTF au cours d'un séjour antérieur récent sur le territoire français sont parfois insuffisamment fondés puisqu'il appartient à l'administration, en l'absence d'interdiction de retour opposable et dans le cas où un délai de départ volontaire a été accordé, de démontrer le non-respect par l'étranger des conditions d'exécution de cette OQTF.

Pour renforcer le dispositif législatif en vigueur, et intégrer aux règles relatives à l'entrée sur le territoire national le principe d'une prise en compte effective des infractions récentes à la législation relative à l'entrée et au séjour, il est proposé d'instituer un nouveau motif de refus d'entrée en France dont la mise en oeuvre relèverait de dispositions communes à l'examen de demandes de visas.

L'instauration d'un nouveau motif de refus de visa dans le corpus juridique national nécessite l'intervention du législateur, car une telle mesure consiste à prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques fixant les conditions d'entrée et de séjour sur le territoire national. En effet, le législateur doit assurer, à cette occasion, la conciliation entre, d'une part, la sauvegarde de l'ordre public, auquel participe l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière, et, d'autre part, l'exercice des droits et libertés garantis par la Constitution tels que la liberté d'aller et venir, la liberté du mariage, et le droit de mener une vie familiale normale.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi consiste à systématiser, sous réserve de circonstances particulières et des droits garantis par les conventions internationales, le rejet des demandes de visas présentées par des ressortissants étrangers ayant antérieurement méconnu les règles d'entrée et de séjour en France.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

La prise en compte par l'administration des infractions aux règles d'entrée et de séjour dans le cadre de l'instruction des demandes de visas nécessite des capacités d'investigation suffisantes pour contrôler les conditions d'exécution des OQTF assorties d'un délai de départ volontaire antérieurement prononcées.

Un renforcement des moyens techniques et humains des postes consulaires permettrait d'optimiser le suivi de l'exécution des OQTF assorties d'un délai de départ volontaire et de systématiser, sous réserve de circonstances particulières et des droits garantis par les conventions internationales, le rejet des demandes de visas présentées par des ressortissants étrangers ayant antérieurement méconnu les règles d'entrée et de séjour en France.

Eu égard à l'impact budgétaire d'une telle orientation, l'option retenue ci-dessous apparaît plus efficiente. Pour mémoire, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères gérait en 2009, deux millions de demandes de visas par an avec 800 ETP dédiés, soit 2 500 dossiers/agent/an ; il en gérait 4,3 millions en 2019, avant la crise sanitaire, avec 964 ETP, soit 4 460 dossiers/agent/an. L'ajout de vérifications complémentaires nécessiterait donc des renforts d'ETP pour maintenir l'efficience actuelle des postes.

3.2. OPTION RETENUE

Sans préjudice des dispositions relatives aux conditions d'entrée en France évoquées à l'article L. 311-1 du CESEDA 262 ( * ) , et qui sont mises en oeuvre par les postes consulaires et par les gardes-frontières, la mesure envisagée, qui présiderait à l'instruction des demandes de visa, viserait à définir dans la loi, plus explicitement que ne le fait l'article 21, paragraphe 4, du code communautaire des visas, le principe d'une prise en compte des infractions administratives à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France pour la délivrance des visas, au-delà des mesures telles que l'interdiction de retour.

Le dispositif retenu consiste à instituer un nouveau motif de refus de visa tiré de ce que l'étranger ne démontre pas qu'il s'est conformé aux conditions d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) prononcée à l'occasion d'un précédent séjour en France.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Le projet insère un nouvel article L. 312-1-A en tête du chapitre II du titre I er du livre III du CESEDA. Positionné en tête du chapitre consacré à la délivrance de visas, ce dispositif à une vocation transversale : il doit en être tenu compte pour la délivrance de tout visa.

Cet article dispose que la demande de visa est rejetée lorsque l'étranger qui a fait l'objet d'une OQTF exécutée depuis moins de cinq ans n'apporte pas la preuve qu'il a quitté le territoire français dans le délai de départ volontaire qui lui a été accordé (article L. 612-1 du CESEDA), ou dans les conditions prévues par l'article L. 612-2 du même code (refus d'accorder un délai de départ volontaire). Ce délai de cinq ans est équivalent à celui de la durée maximale de l'interdiction de retour mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 612-11 du CESEDA.

Une exception à ce principe nouveau est proposée : celle du constat de circonstances humanitaires par l'autorité chargée de délivrer le visa permettant d'accéder au territoire national qui justifient de ne pas faire application de ce critère. De telles circonstances constituent d'ores et déjà une réserve prévue par la loi au principe requérant d'assortir l'édiction d'une OQTF sans délai de départ volontaire d'une interdiction de retour.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Cette nouvelle disposition est conforme au code communautaire des visas, qui autorise la prise en compte de la durée des séjours antérieurs au titre de l'appréhension du risque migratoire 263 ( * ) , qui peut lui-même fonder un refus de délivrance de visa (article 21 de ce code), sous réserve d'un examen individuel.

L'article 11 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 264 ( * ) , dite directive « retour », autorise par ailleurs les États membres à prononcer une interdiction d'entrée en France à l'encontre des ressortissants étrangers qui ne se sont pas conformés à une décision d'éloignement. Le même article prévoit explicitement la possibilité pour les Etats membres, transposée aux articles L. 612-6 et L. 612-7 du CESEDA, de suspendre ou de ne pas prononcer d'interdiction de retour dans des cas particuliers pour des raisons humanitaires. Le refus de visa ayant un effet équivalent à l'interdiction de retour, il est donc proposé d'harmoniser les deux régimes.

A l'instar du dispositif prévu par la directive « retour », la décision relative au visa sera précédée d'un examen au cas par cas aux fins de vérifier qu'aucune circonstance humanitaire ne justifie de renoncer à l'interdiction d'entrée en France. Enfin, cette mesure n'interdira pas le dépôt d'une demande de visa aux fins d'introduire une demande de protection internationale, qui est une faculté que l'État français peut librement accorder à tout ressortissant étranger, quoiqu'elle ne soit imposée par aucun de ses engagements internationaux.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

L'impact sur les services chargés de l'instruction des demandes de visas 265 ( * ) sera modéré. La vérification de l'existence d'une OQTF antérieurement prononcée est déjà réalisée dans le cadre des contrôles sécuritaires systématiquement opérés durant l'instruction des demandes.

Le cas échéant, le poste consulaire saisi de la demande sollicitera la production par l'intéressé de justificatifs du respect des conditions de l'OQTF prononcée à son encontre. Le poste procèdera aux vérifications sur pièce, au même titre que les autres conditions de délivrance du visa (ressources, logement, assurance, etc.). L'impact de cette opération de contrôle supplémentaire sur le délai global d'instruction sera toutefois limité au regard de l'ensemble des vérifications déjà opérées par le service, et ne concernera en outre qu'une part mineure du volume des demandes de visas.

La motivation de décisions de refus, ainsi que la défense contentieuse de ces décisions pourront être enrichies au regard de ce critère législatif nouveau.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure est de nature à restreindre l'accès au territoire français pour les ressortissants étrangers ayant méconnu les règles d'entrée et de séjour en France.

Les effets de cette mesure sont limités dans le temps, puisqu'elle ne vise que les OQTF exécutées depuis moins de cinq ans.

Par ailleurs, l'autorité administrative conserve la faculté de déroger au principe de l'interdiction d'entrée en considération de circonstances humanitaires particulières.

La charge de la preuve du respect des conditions d'exécution de l'OQTF reposera sur l'intéressé, qui devra fournir à l'administration les justificatifs appropriés (titres de transports, preuves d'un franchissement des frontières, ou documents attestant la réalisation de démarches impliquant nécessairement la présence hors du territoire français) conformément aux dispositions des articles R. 711-1 et R. 711-2 du CESEDA.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République Française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les nouvelles dispositions ont vocation à s'appliquer sur l'ensemble du territoire de la République, à l'exception des Terres australes et antarctiques françaises.

Elles entreront en vigueur en métropole dans les conditions prévues au point 5.2.1 supra .

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

La mesure législative proposée ne nécessite aucun texte d'application.

TITRE IV - ENGAGER UNE RÉFORME STRUCTURELLE DU SYSTÈME DE L'ASILE

Article 19 : Création de pôles territoriaux « France asile »

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Plus de 100 000 personnes introduisent chaque année une demande d'asile en France auprès de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) (103 164 demandes d'asile en 2021 266 ( * ) , environ 130 000 anticipées en 2022, toutes procédures confondues et mineurs inclus).

Le dispositif de demande d'asile en France s'articule aujourd'hui autour des étapes suivantes 267 ( * ) :

? La présentation de la demande d'asile dans une structure de premier accueil du demandeur d'asile (SPADA), gérée par une structure associative conventionnée par l'Etat, dont l'une des missions est d'attribuer un rendez-vous dans un guichet unique de la demande d'asile (GUDA) ;

? L'enregistrement de la demande d'asile effectué, au sein du GUDA, par les services préfectoraux. L'article L. 521-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers (CESEDA) prévoit que cet enregistrement doit être effectué dans les trois jours ouvrés suivant la présentation de la demande, ce délai pouvant être porté à dix jours ouvrés en cas d'afflux élevé de demandeurs. Cette étape permet notamment de réaliser les contrôles de sécurité, le recueil des empreintes digitales afin de déterminer l'Etat membre de l'Union européenne responsable de la demande et la remise de l'attestation de demande d'asile ;

? L'enregistrement est suivi sans délai, dans le même GUDA, de la délivrance des conditions matérielles d'accueil (allocation pour demandeur d'asile et, le cas échéant, hébergement) par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

? L'introduction de la demande d'asile est aujourd'hui effectuée postérieurement au passage en GUDA, par voie postale, auprès de l'OFPRA. Elle doit être effectuée dans un délai de 21 jours après l'enregistrement de la demande d'asile en GUDA (article R. 531-2 du CESEDA). Le demandeur peut, dans ce délai, bénéficier d'un accompagnement par des opérateurs spécialisés pour formuler son récit 268 ( * ) .

Une fois la demande introduite, l'OFPRA convoque le demandeur à un entretien avec un officier de protection, qui se tient le plus souvent au siège de l'OFPRA, avant de statuer sur la demande.

Par ailleurs, une fois la demande introduite, l'OFPRA statue, toute procédures confondues, en 122 jours en moyenne (en novembre 2022).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le présent article est sans incidence sur la conformité de la procédure de demande d'asile au cadre constitutionnel français 269 ( * ) , et en particulier à l'alinéa 4 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 aux termes duquel « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ».

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Les stipulations de la Convention de Genève relative au statut de réfugié, en particulier celles de son article 1 er , prévoient que le statut de refugie peut etre reconnu à « toute personne qui (...) craignant avec raison d'être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

La directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) et en particulier son article 6 « Accès à la procédure » qui régit les modalités de présentation, d'enregistrement et d'introduction de la demande, sont applicables aux présentes dispositions. Ces dispositions prévoient notamment que les demandes d'asile doivent être enregistrées dans un délai de trois jours suivant sa présentation auprès de l'autorité compétente (dix jours en cas de nombre élevé de demandes). Les demandeurs doivent avoir la possibilité concrète d'introduire leur demande dans les meilleurs délais. Les Etats membres peuvent exiger que la demande soit introduite en personne et/ou en un lieu désigné. La demande est réputée introduite lorsqu'un formulaire est présenté par le demandeur.

La directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte) , et en particulier ses articles 5 (information du demandeur d'asile lors de l'introduction de sa demande), 6 (documents remis au demandeur d'asile) et 22 (évaluation des besoins particuliers en matière d'accueil des personnes vulnérables lors de la présentation de la demande) sont également applicables.

Enfin, en vertu d'un principe général du droit de l'Union, tout ce qui n'est pas explicitement prévu par une directive ou un règlement relève de l'autonomie procédurale des États membres (CJCE, 4 avril 1968, Firma Gebrüder Lück c. Haupzollamt Köln-Rheinau, aff. 34-67, ECLI:EU:C:1968:24, p. 370 ; CJCE, 3 avril 1968, Firma Molkerei-Zentrale Westfalen/Lippe GmbH c. Hauptzollamt Paderborn, aff. 28-67, ECLI:EU:C:1968:17, p. 228 ; CJCE, 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz eG et Rewe-Zentral AG c. Landwirtschaftskammer für das Saarland, aff. 33-76, ECLI:EU:C:1976:188 et Comet BV c. Produktschap voor Siergewassen, aff. 45-76, ECLI:EU:C:1976:191 ; encore : voir CJUE, 17 juillet 2014, Juan Carlos Sánchez Morcillo, María del Carmen Abril García c. Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, aff. C-169/14, ECLI:EU:C:2014:2099 ; CJUE, 5 juin 2014, Bashir Mohamed Ali Mahdi, aff. C-146/14 PPU, ECLI:EU:C:2014:1320).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2013/32 dite Procédures 270 ( * ) prévoit que « 1. Lorsqu'une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande. [...] 2. Les États membres veillent à ce que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale aient la possibilité concrète de l'introduire dans les meilleurs délais. [...] ».

1.4.1. En Allemagne

Le ressortissant de pays tiers (RPT) peut présenter sa demande d'asile auprès d'une autorité de sécurité (police), d'une antenne de l'Office fédéral pour les migrations (BAMF qui est l'autorité de détermination) ou dans un centre de premier accueil (une antenne du BAMF est souvent présente dans ces centres). Le demandeur est alors dirigé vers un guichet PIK (« Personalisation Infrastructure Komponent ») pour l'enregistrement de sa demande qui est réalisée le jour même de la présentation. Le personnel du guichet PIK 271 ( * ) enregistre les données personnelles du demandeur, ce qui inclut la prise d'empreintes et des photographies.

Une fois la demande d'asile enregistrée, le demandeur est dirigé vers le centre de premier accueil le plus proche du lieu d'enregistrement s'il n'a pas présenté sa demande dans ce centre. Toutefois, en vertu d'une clé de répartition entre Länder , il peut être redirigé vers un autre centre. Une fois dans le centre de premier accueil compétent, il reçoit une attestation prouvant l'enregistrement de la demande de protection internationale (« Ankunftsnachweis »). Ce document donne le droit de résider en Allemagne, de bénéficier des conditions matérielles d'accueil (CMA) et ouvre le droit aux soins médicaux.

Les demandeurs d'asile ne peuvent introduire leur demande d'asile qu'auprès du BAMF, ce qui, selon l'organisation du centre de premier accueil, peut être réalisé concomitamment à l'enregistrement. Cette demande doit être introduite en personne. Une fois leur demande introduite, les demandeurs d'asile restituent l'attestation d'enregistrement et reçoivent un permis de séjour (« Aufenthaltsgestattung ») qui leur permet de circuler librement dans le district où se situe le centre responsable de leur demande, ainsi qu'une carte d'identité.

1.4.2. En Belgique

Le RPT doit présenter sa demande auprès de l'Office des étrangers à Bruxelles. La présentation, l'enregistrement et l'introduction ont lieu le même jour et il est remis au demandeur une « attestation d'introduction ». L'Office des étrangers offre au demandeur la possibilité d'introduire sa demande soit immédiatement lors de la présentation de la demande, soit dès que possible, mais au plus tard trente jours après la présentation de la demande (une attestation de présentation est alors remis au demandeur). L'Office des étrangers est seul compétent pour relever l'identité du demandeur, prendre sa photographie et ses empreintes. Il peut également engager la procédure de détermination de la minorité.

Dès la présentation de sa demande, le demandeur est hébergé dans un unique centre d'accueil géré par l'Agence fédérale pour l'accueil des demandeurs d'asile (FEDASIL) avant d'être affecté dans un autre centre d'accueil. L'affectation est réalisée en moins d'une semaine.

1.4.3. Aux Pays-Bas

Le RPT présente sa demande d'asile auprès de la police des étrangers (« Aliens police ») ou de l'autorité de l'immigration (Service de l'immigration et de la naturalisation - Immigratie en Naturalisatie Dienst (IND). Dans les deux cas, cette seconde autorité est la seule compétente pour l'enregistrement et l'introduction qui sont réalisés concomitamment dans un centre de traitement des demandes d'asile : il en existe cinq dans le pays, deux sont des centres fermés et trois des centres ouverts avec prise de rendez-vous.

A la suite de la présentation de sa demande, le demandeur d'asile est pré-enregistré par la police des étrangers qui vérifie son identité et prend ses empreintes, puis un examen médical est réalisé par le centre de santé pour demandeurs d'asile (Health Center for Asylum Seekers - GZA). Enfin, un entretien avec un agent de l'IND a lieu trois jours après avoir présenté sa demande et la demande est formellement introduite à son issu.

En parallèle et dès la présentation de sa demande, le demandeur d'asile est hébergé dans le centre d'accueil central ( central reception centre ) où il bénéficie des CMA et des soins. Après son enregistrement/introduction, il est orienté vers un centre d'accueil pendant la procédure ( process reception centre ).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le dispositif actuel d'entrée dans la procédure de demande d'asile présente deux limites importantes :

? il est peu lisible pour l'usager, le guichet unique de la demande d'asile ne comportant pas de représentation de l'office qui statuera sur la demande ;

? il conduit à différer de plusieurs semaines le premier contact entre l'OFPRA et l'usager. En effet, au-delà du délai de 21 jours d'introduction de la demande par voie postale, un délai d'organisation incompressible, de l'ordre de trois semaines à un mois, est nécessaire entre la réception du dossier par l'OFPRA et la tenue de l'entretien avec l'officier de protection. Ce délai d'organisation, qui s'ajoute au délai d'introduction, allonge la procédure de demande d'asile alors que la maîtrise de sa durée globale constitue une priorité majeure.

Pour rapprocher l'OFPRA de l'usager et réduire le délai global de la procédure d'asile, il est proposé de créer des pôles territoriaux « France Asile » au sein desquels le demandeur aurait accès aux services suivants :

? Enregistrement de la demande, par les services préfectoraux ;

? Délivrance des conditions matérielles d'accueil , par les services de l'OFII ;

? Introduction de la demande auprès de l'OFPRA selon des modalités adaptées ( cf. infra ).

La présence de l'OFPRA dans des antennes de proximité constituera le principal apport du pôle France asile par rapport aux guichets uniques de la demande d'asile (GUDA) existants, qui réunissent déjà les deux premières étapes.

La réunion dans un même lieu de ces différents acteurs de la procédure d'asile justifie, pour assurer la clarté de l'organisation administrative dans ce domaine, de compléter les dispositions du titre II du Livre I er (dispositions générales) du CESEDA relatives aux administrations en charge de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour y insérer, après le chapitre I er consacré aux établissements publics compétents dans ce domaine, un nouveau chapitre relatif à cette organisation territoriale commune aux établissements publics et aux préfectures.

La procédure d'enregistrement de la demande doit également être amendée dès lors que cette évolution modifiera les conditions de détermination de la langue de l'entretien, aujourd'hui régies par l'article L. 521-6 du CESEDA ; cette étape relèvera en effet, le cas échéant, de la compétence du représentant de l'OFPRA et non plus de la préfecture. Par ailleurs, le délai d'introduction prévu à l'article L. 531-2 sera, le cas échéant, supprimé.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Deux objectifs essentiels sont poursuivis par cette réforme :

? Proposer un parcours administratif plus simple et plus accessible aux demandeurs d'asile en concentrant tous les services d'entrée dans la demande d'asile dans un lieu unique et en permettant un premier contact sans délai avec l'OFPRA ;

? Réduire le délai qui sépare l'enregistrement de la demande d'asile de l'entretien avec l'officier de protection tout en préservant le temps de formulation du récit du demandeur d'asile, ainsi que la possibilité d'être accompagné pour cela.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

La création d'un nouvel établissement public issu de la fusion d'une partie de l'OFII et l'OFPRA a été envisagée. Cette option est apparue plus coûteuse et complexe compte tenu des objectifs poursuivis par la présente réforme et en particulier s'agissant de la simplification et de la réduction des délais de procédure. Elle aurait généré des coûts de transition importants (alignement entre les deux établissements en matière de gestion RH, création d'un nouveau système d'information unique, locaux immobiliers) sans valeur ajoutée évidente en matière d'efficience, de qualité du traitement de la demande d'asile et d'accompagnement social des demandeurs.

3.2. OPTION RETENUE

L'option consistant à offrir un service unifié au demandeur au moment de sa demande par la co-localisation des services a été privilégiée. La cartographie de ces espaces devrait correspondre dans l'ensemble à l'actuelle cartographie des GUDA (33 GUDA en France métropolitaine), qui pourrait à cette occasion être ajustée à la marge.

Représenté dans les espaces France Asile, l'OFPRA prendra connaissance de la demande d'asile et de la situation de l'usager sans délai après l'enregistrement de la demande auprès de la préfecture.

Il recueillera directement les éléments nécessaires à l'introduction de la demande d'asile, qui sont aujourd'hui renseignés dans un formulaire adressé par voie postale. Les informations seront désormais recueillies sous la forme d'une déclaration orale du demandeur et saisies par écrit par l'agent de l'OFPRA dans une application informatique adaptée qui devra être développée. Le demandeur sera assisté, pour cette formalité, d'un interprète dans sa langue d'origine, comme cela est déjà le cas en GUDA aujourd'hui. Il pourra également remettre les pièces du dossier dont il dispose, afin qu'elles soient scannées et télétransmises.

L'OFPRA recueillera également le choix de la langue dans laquelle le demandeur souhaitera être entendu par l'officier de protection. La préfecture assure aujourd'hui cette mission et il est fréquent que l'OFPRA modifie ultérieurement ce choix.

S'agissant des motifs de la demande d'asile, l'OFPRA recueillera les premiers éléments permettant de les matérialiser. Ces éléments pourront être complétés ultérieurement par l'envoi d'un récit détaillé.

Les informations recueillies permettront à l'OFPRA de programmer l'entretien avec l'officier de protection, en adaptant son calendrier et les conditions de sa réalisation à la situation du demandeur, notamment à l'existence d'éventuelles vulnérabilités particulières (handicap, grossesse, minorité, orientation sexuelle et identité de genre) 272 ( * ) .

Un délai raisonnable sera maintenu entre le passage par l'espace France Asile et l'entretien avec l'officier de protection, afin notamment que le demandeur puisse adresser à l'OFPRA un récit écrit, préparé au besoin avec l'appui d'un tiers. Le temps de répit, de préparation et de structuration du propos sera ainsi préservé.

Le déploiement des espaces France asile pourra également faciliter la tenue d'entretiens de protection au plus près de l'usager, dans le cadre de missions foraines 273 ( * ) ou par des moyens vidéo. Cette pratique est déjà en vigueur et prévue par l'article L. 121-11 du CESEDA.

Les agents de l'OFPRA au sein des espaces France asile travailleront dans le plein respect de l'indépendance de l'Office, conformément à l'article L. 121-7 du CESEDA.

Plus lisible pour l'usager, ce dispositif permettra également de raccourcir de plusieurs semaines les délais de la procédure, sans affecter les garanties apportées aux demandeurs d'asile.

Les dispositions législatives proposées permettront un déploiement progressif des espaces France Asile et le maintien à titre transitoire des guichets uniques de la demande d'asile dans les sites où l'antenne de l'OFPRA ne sera pas encore installée.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Ces dispositions ont une portée essentiellement organisationnelle et ne modifient aucune des garanties procédurales aujourd'hui prévues, à l'exception des modalités de choix de la langue d'entretien, qui se trouveront renforcées par l'expertise immédiate de l'OFPRA (cf. supra ) et de la suppression du délai existant entre l'enregistrement et l'introduction de la demande.

Les dispositions envisagées conduisent à modifier l'ordonnancement juridique en vigueur en créant un chapitre I er bis intitulé « France asile » au sein du titre II du livre I er du CESEDA.

Par ailleurs, l'article L. 521-6 et L. 531-2 du CESEDA sont modifiés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Ces évolutions de l'organisation de la procédure d'asile en France sont conformes, en particulier, aux dispositions des directives « Procédures » et « Accueil » susmentionnées (cf. supra , 1.3). Elles ne modifient pas le fond des dispositions de transposition de ces textes. L'article 6 de la directive « Procédures » prévoit d'ailleurs que les Etats membres veillent à ce que les demandeurs aient la possibilité concrète d'introduire leur demande d'asile dans les meilleurs délais, ce que les présentes dispositions permettent a fortiori par rapport au dispositif actuel.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Dans la phase transitoire de déploiement progressif des espaces France Asile, l'expérimentation du dispositif pendant plusieurs mois dans quelques sites permettra d'optimiser son efficience avant de le généraliser.

La continuité de l'activité de l'OFPRA au sein des espaces France Asile nécessitera probablement d'y affecter un minimum de deux agents, ce volume pouvant évoluer à la hausse en fonction du nombre de dossiers traités. Pour les GUDA recevant des flux trop limités pour occuper deux agents, il est envisagé de confier aux agents de l'antenne de l'OFPRA des missions complémentaires réalisées pour le compte des services centraux de l'office, par exemple en matière d'état civil. Des évolutions à la marge de la cartographie des GUDA pourront également être envisagées.

Des dépenses d'interprétariat seront également nécessaires.

Une première estimation de ces deux postes de dépenses permet de les situer dans une fourchette de 10 à 12M€.

Un investissement informatique devra être effectué afin de doter les antennes de l'OFPRA d'une interface permettant le recueil dématérialisé des éléments du dossier d'introduction de la demande d'asile et la récupération automatique des informations déjà fournies au moment de son enregistrement par les services préfectoraux (état civil, photographie etc.).

L'installation d'antennes de l'OFPRA dans les sites des GUDA génèrera un coût d'investissement et de fonctionnement immobilier. Ce coût dépendra des disponibilités immobilières au sein de chaque GUDA, certains sites, généralement dans les préfectures, permettant d'installer un espace dédié à l'OFPRA plus facilement que d'autres.

La réduction du délai entre l'enregistrement de la demande et l'organisation de l'entretien avec l'OFPRA, de l'ordre de trois semaines, génèrera une économie d'allocation pour demandeur d'asile (ADA). Une fois les espaces France Asile déployés dans tout le territoire, l'économie annuelle escomptée s'élève à 18,1M€ en se fondant sur les prévisions de dépenses du PLF 2023 (de l'ordre de trois semaines d'économie d'ADA, le montant annuel dédié à l'allocation en PLF 2023 étant de 314,7M€).

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Cette évolution s'inscrit dans la politique du Gouvernement de renforcement de la présence de l'administration dans les territoires, à proximité des usagers. Elle créera un pôle territorial unifié d'entrée dans la demande d'asile, réunissant la préfecture, l'OFII et une antenne de l'OFPRA.

Cette co-localisation nécessitera une adaptation de l'organisation des GUDA pour accueillir l'OFPRA dans de bonnes conditions. Les organisations internes, la disposition des locaux, les flux de circulation des usagers, devront être adaptés. Des agents de l'OFPRA seront affectés dans des espaces France asile.

Les missions des agents des préfectures et de l'OFII au sein des GUDA ne seront en revanche pas modifiées de manière substantielle.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.4. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Ces mesures doivent améliorer la lisibilité du parcours administratif des demandeurs d'asile et réduire les délais de procédure, de l'ordre d'un mois environ.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Les présentes dispositions mèneront à la disparition progressive de formulaires papier actuellement transmis par la voie postale à l'OFPRA au profit d'une saisie dématérialisée.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions envisagées entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française. Toutefois, les espaces France Asile seront déployés progressivement, avec une première phase d'expérimentation dans quelques sites. Dans la période transitoire de déploiement progressif, les sites dans lesquels l'antenne de l'OFPRA ne sera pas encore installée continueront de fonctionner sur le modèle actuel du guichet unique pour demandeurs d'asile - GUDA.

5.2.2. Application dans l'espace

Le dispositif sera déployé progressivement sur le territoire selon un calendrier progressif.

Pour ce qui concerne l'application de ces dispositions dans l'Outre-mer, il est reporté, conformément à l'article 27 du présent projet de loi, à une date ultérieure fixée par décret en Conseil d'Etat, ou au plus tard dix-huit mois après la publication de présent projet de loi.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat, prévu à l'article L. 531-2 du CESEDA, viendra préciser les conditions d'introduction de la demande auprès de l'OFPRA.

Article 20 : Organisation de la CNDA - chambres territoriales - composition de la formation de jugement

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La cour nationale du droit d'asile (CNDA) a été créée par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 ; elle est rattachée pour sa gestion depuis le 1 er janvier 2009 au Conseil d'État 274 ( * ) . Elle a pris la suite de la Commission des recours des réfugiés, créée par la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 .

La CNDA est une juridiction administrative spécialisée à compétence nationale. Elle statue en plein contentieux 275 ( * ) sur l'ensemble des recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

La CNDA statue normalement en formation collégiale. Les formations sont présidées par un magistrat professionnel, en activité ou honoraire, en poste permanent à la CNDA ou vacataire, ces derniers étant nommés soit par le vice-président du Conseil d'Etat parmi les membres du Conseil d'Etat ou les magistrats administratifs, soit par le garde des Sceaux parmi les magistrats judiciaires ou par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la cour ou des chambres régionales ou territoriales des comptes.

Aux côtés de ce magistrat professionnel siègent deux assesseurs non professionnels :

? un assesseur nommé par le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sur avis conforme du vice-président du Conseil d'État ;

? un assesseur nommé par le vice-président du Conseil d'État.

Chaque assesseur, de nationalité française, est nommé en fonction de ses compétences dans les domaines juridiques ou géopolitiques.

La formation collégiale doit statuer dans un délai de cinq mois.

Depuis la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile , il existe, à côté de la formation collégiale dont la composition vient d'être rappelée, une formation à juge unique. Il y est recouru lorsque la décision de l'OFPRA a été prise en application des articles L. 531-24, L. 531-26 ou L. 531-27 (procédure accélérée 276 ( * ) ) et L. 531-32 (décision d'irrecevabilité) du CESEDA.

Le président de la CNDA, ou un président de formation désigné par le président, statue dans un délai de cinq semaines à compter de sa saisine (article L. 532-6 du CESEDA). Un président de formation de jugement ne peut être désigné pour statuer en juge unique que s'il a au moins six mois d'expérience en formation collégiale à la CNDA (article L. 131-3 du CESEDA).

Le président statuant seul peut, de sa propre initiative ou à la demande du requérant, renvoyer à une formation collégiale la demande s'il estime que celle-ci ne relève pas de l'un des cas prévus ou soulève une difficulté sérieuse, par exemple au vu de la complexité des faits de la demande ou de la situation géopolitique ou encore du caractère inédit de la question soulevée.

Le juge unique doit statuer dans un délai de cinq semaines.

Selon une évaluation réalisée par la CNDA, 18% des dossiers relevant d'une audience de juge unique sont renvoyés devant une formation collégiale. Dans la plupart des cas, ce renvoi est lié à une erreur de la procédure lors de la phase administrative de la demande d'asile. On constate que, pour des dossiers similaires, le taux de protection est le même devant un juge unique ou une formation collégiale.

La CNDA a été confrontée à une augmentation importante du nombre de recours depuis plusieurs années, à l'exception de l'année 2020 frappée par la crise du Covid.

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

36 362

34 752

37 356

38 674

39 986

53 581

58 671

59 091

46 043

68 243

Pour faire face à cette augmentation, la CNDA a été dotée, en loi de finances à partir de 2015, de moyens supplémentaires pour mettre en place 23 chambres regroupées dans 6 sections. Elle a augmenté de manière importante le nombre de juges vacataires et le nombre d'assesseurs. La CNDA compte actuellement environ 200 juges vacataires et 320 assesseurs (160 assesseurs nommés par le représentant en France du HCR et 160 assesseurs nommés par le vice-président du Conseil d'Etat). Ce nombre a été doublé par rapport à 2017 (102 présidents vacataires et 167 assesseurs).

La CNDA a augmenté le nombre de décisions rendues.

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

37 350

38 540

39 162

35 979

42 968

47 814

47 314

66 464

42 025

68 403

La CNDA a ainsi réussi à parvenir à un équilibre entre les recours et les décisions rendues. Mais les délais de jugement restent encore au-delà des délais prévus par le législateur. En 2021 277 ( * ) , le délai moyen de jugement des procédures était de sept mois et huit jours pour les procédures normales au lieu du délai de cinq mois prévu par le législateur. Le décalage était encore plus important pour les procédures relevant du juge unique. Le délai moyen de jugement était de cinq mois et 25 jours au lieu du délai de cinq semaines prévu par la loi.

Au-delà de ces délais moyens, la CNDA connaît encore un nombre important de recours introduits depuis plus d'un an devant elle. 12% des recours étaient introduits depuis plus d'un an à la fin de l'année 2021 278 ( * ) . Ce taux dépasse désormais les 20% 279 ( * ) .

Cette situation s'explique principalement par un taux de renvoi important devant la CNDA (taux de renvoi en collégial et taux de renvoi en juge unique). Un renvoi entraîne, de manière quasi-systématique, un délai supplémentaire de deux mois. La majorité des renvois sont liés à une absence de l'avocat et du requérant. Mais de nombreux renvois sont liés au fonctionnement de la juridiction.

Les renvois des dossiers en formation collégiale pour erreur de procédure expliquent en grande partie l'impossibilité de respecter le délai de cinq semaines fixé par le législateur. Les dossiers renvoyés sont jugés, en moyenne, en un an.

En formation collégiale, l'absence d'un des membres de la formation de jugement entraîne le renvoi de près de 5% des affaires audiencées. Les formations collégiales connaissent également un nombre plus important de renvois liés à l'impossibilité d'examiner l'ensemble des affaires inscrites au rôle d'une audience (près de 4% pour 0,5% en juge unique).

L'augmentation du nombre de recours et l'importance du nombre de renvois entraînent le déplacement de nombreux demandeurs habitant en régions à Montreuil où se situent les locaux de la CNDA.

Avec la montée en puissance du dispositif d'orientation régionale des demandeurs d'asile opérationnel depuis 2021 en application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 , la répartition des demandeurs d'asile est aujourd'hui plus équilibrée, avec une moindre concentration en Ile-de-France.

La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 a élargi les possibilités pour la CNDA de recourir à la vidéo-audience pour tenir des audiences sur le modèle de ce qui était déjà pratiqué Outre-mer. Ces vidéo-audiences, qui reposent sur le consentement des requérants et leurs avocats, ont été mises en place à Lyon et Nancy.

Si le dispositif technique s'avère satisfaisant, le nombre de dossiers jugés en vidéo-audience concerne actuellement un nombre limité d'affaires, notamment parce que, en pratique, le consentement du demandeur d'asile est sollicité, même si la loi ne le prévoit pas, pour tenir une vidéo-audience depuis Lyon ou Nancy ; en d'autres termes, tous les demandeurs d'asile résidant dans les régions lyonnaises et nancéennes sont majoritairement convoqués à Montreuil pour examiner leur recours.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'article 34 de la Constitution donne compétence à la loi pour la « création de nouveaux ordres de juridiction ».

Aucune norme constitutionnelle ne s'oppose à ce qu'une juridiction nationale ait plusieurs implantations territoriales.

Le Conseil constitutionnel permet, au demeurant, de concilier les exigences constitutionnelles et les exigences d'une bonne administration de la justice 280 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs fait application de ces principes en déclarant conformes à la Constitution les dispositions instaurant la possibilité de vidéo-audiences devant la CNDA 281 ( * ) .

Enfin, le Conseil constitutionnel a admis qu'une loi prévoyant le jugement en principe des affaires par une formation collégiale puisse connaître des dérogations fondées sur l'objet du litige ou la nature des questions à juger 282 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Aucune norme du droit de l'Union européenne ou du droit de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne détermine comment doit être composée la formation de jugement examinant un recours contre un refus de reconnaissance du statut de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'existence d'une juridiction unique et spécialisée chargée du contentieux de l'asile est une spécificité française, de même que la participation d'un juge désigné par le HCR.

En Allemagne, le juge administratif de droit commun est juge de l'asile ; il juge le plus souvent en formation de juge unique, sauf difficulté sérieuse.

En Belgique, le Conseil du contentieux des étrangers est un juge spécialisé pour le contentieux des étrangers, dont le contentieux de l'asile ; les décisions sont prises par un juge statuant seul, sauf exception 283 ( * ) .

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La loi ne prévoit que l'existence d'une cour nationale du droit d'asile (article L. 131-1 du CESEDA), ce qui implique en principe une implantation unique. Elle peut tenir des audiences en visio-conférence ou foraine, mais n'a pas d'autres implantations prévues par la loi que celle de son siège.

La concentration du contentieux de l'asile au sein d'une juridiction nationale depuis 1952 présente de nombreux avantages, d'un point de vue de l'unité de la jurisprudence, de la logistique comme de la localisation effective des interprètes.

Elle a pour revers des conditions souvent moins confortables pour les demandeurs d'asile situés sur le territoire métropolitain qui doivent faire de longs voyages pour assister à l'audience au cours de laquelle leur demande sera examinée.

La nécessité de renforcer la proximité de la justice de l'asile est un élément important de la qualité de la justice et de la qualité du traitement de la demande d'asile. La particularité du contentieux de l'asile, où l'oralité lors de l'audience joue un rôle important pour juger de la crédibilité d'une demande, implique de créer de bonnes conditions pour l'accueil du demandeur lors de son audience.

Cette proximité doit être conciliée avec le maintien d'un examen des recours dans les délais fixés par le législateur, à savoir le délai de cinq mois pour l'ensemble des procédures et le délai de cinq semaines pour traiter de manière plus rapide des demandes qui peuvent constituer un détournement de la demande d'asile.

La qualité de la justice nécessite également de conserver une collégialité sur les affaires qui présentent des difficultés sérieuses. Le croisement des questionnements à l'audience est un élément essentiel de la procédure devant la juridiction de l'asile où l'oralité tient une place importante. Il est également important de pouvoir confronter les points de vue sur les affaires les plus complexes.

A cet égard, le critère actuel de répartition entre formation à juge unique et formation collégiale n'est pas exempt de difficultés. Il repose uniquement sur la procédure suivie devant l'OFPRA sans prise en compte de la difficulté du dossier. Ainsi, suivant qu'un demandeur aura présenté son recours dans un délai de 90 jours ou pas, son recours sera jugé en juge unique ou en collégial alors qu'il pose, sur le fond, exactement les mêmes questions.

De plus, comme indiqué supra , ce critère entraîne également un nombre important de renvois lors de l'audiencement ou à l'audience pour des raisons purement procédurales. Ces renvois procéduraux expliquent, en grande partie, l'écart entre les délais constatés et le délai de cinq semaines fixé par le législateur. Le changement de la règle d'orientation vers la formation de jugement permettra également de réduire globalement les délais de jugement, en limitant les cas de renvoi en cas de défection d'un membre de la formation de jugement.

Par ailleurs, il est de plus en plus difficile de composer des formations de jugement avec un nombre suffisant d'assesseurs, qu'ils soient désignés par le vice-président du Conseil d'Etat ou par le HCR. De plus, le HCR souhaite se voir déchargé de la gestion budgétaire de ses assesseurs, qu'il indemnise grâce à une dotation versée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères calculées en fonction de l'activité prévisionnelle de la CNDA. La reprise en gestion de tous les assesseurs ne peut être faite que si le vice-président du Conseil d'Etat désigne l'ensemble des assesseurs.

Pour remédier à la difficulté des assesseurs en nombre suffisant, partout sur le territoire pour chaque chambre territoriale, il faut élargir le vivier des assesseurs potentiels, sans sacrifier à l'exigence de compétence.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est de rapprocher le juge du demandeur d'asile pour permettre un meilleur accueil du justiciable tout en respectant l'exigence du délai raisonnable et le maintien d'une collégialité sur les affaires qui présentent une difficulté sérieuse.

Il est également souhaitable que le vice-président du Conseil d'Etat nomme tous les assesseurs, dont certains sur proposition du représentant français du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, qui sera ainsi déchargé de la gestion de ses propres assesseurs au profit des services de la CNDA et du secrétariat général du Conseil d'Etat. A cela doit s'ajouter un élargissement du vivier des assesseurs.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES POUR LE RENFORCEMENT DE LA PROXIMITÉ DU JUGE ET DU DEMANDEUR

Pour contribuer à rapprocher le demandeur d'asile du juge de l'asile, trois voies étaient possibles :

? Mettre fin à l'existence d'une juridiction nationale et confier le contentieux de l'asile au juge administratif de droit commun ;

? Maintenir une juridiction nationale mais en déconcentrant ses implantations ;

? Créer des juridictions de l'asile de plein exercice sur tout le territoire.

La première option offre essentiellement des inconvénients :

? Elle entrainerait pour les tribunaux administratifs, qui jugent déjà 230 000 affaires par an, un surcroît de 70 000 recours (soit + 30%), et un coût de transition très élevé ;

? Elle déstabiliserait l'organisation des tribunaux administratifs et entraînerait un effet d'éviction sur les contentieux ordinaires dont le délai de jugement serait accru ;

? Elle remettrait en cause l'unité de la jurisprudence en matière d'asile.

La deuxième option permet de maintenir une structure support unique (gérant les convocations à l'audience, la documentation commune, les relations avec l'OFPRA seul défendeur) et offre le plus de flexibilité pour répartir le contentieux de l'asile en fonction des nationalités, de la disponibilité des interprètes ou du niveau de la demande d'asile.

La troisième option permettrait de rapprocher les demandeurs d'asile de leur juge mais aurait un coût de transition très élevé et ferait perdre les économies d'échelle permises par la deuxième option, en même temps que le risque de divergence de jurisprudence serait amplifié.

L'implantation de chambres de la CNDA sur le territoire pourrait s'appuyer sur les locaux des cours administratives d'appel, comme cela est déjà le cas à Nancy et à Lyon. Toutefois, toutes les cours ne devraient pas être concernées : les deux cours d'Ile-de-France comme la cour de Douai sont trop proches du siège de la CNDA pour que l'intérêt d'une déconcentration dans leurs locaux n'existe.

3.2. OPTIONS ENVISAGÉES SUR LA RÉPARTITION DU CONTENTIEUX DANS LES CHAMBRES TERRITORIALES

L'étendue de la compétence des chambres territoriales dépend du choix lié à la répartition entre juge unique et formation collégiale.

On pourrait prévoir la possibilité de conserver la répartition entre juge unique et formation collégiale.

Dans un tel cas, il faudrait lier juge unique et compétence des chambres territoriales et formation collégiale et compétence des chambres spécialisées au siège de la CNDA à Montreuil.

Il n'apparaît, en effet, pas possible d'organiser des audiences collégiales systématiques dans la configuration actuelle sans remettre en cause la participation des assesseurs nommés par le représentant du Haut-commissariat des réfugiés en France.

En s'appuyant sur les données des affaires audiencées en 2021, il serait nécessaire d'organiser plus de 500 audiences collégiales à Marseille. Ceci nécessiterait de disposer, en théorie, d'une vingtaine d'assesseurs du HCR et d'une vingtaine d'assesseurs nommés par le vice-président du Conseil d'Etat. Et ce nombre devrait être plus élevé pour disposer d'une réserve de vacataires plus importante en cas d'absence.

Il serait très difficile de s'assurer d'un tel nombre d'assesseurs présentant les mêmes garanties que les assesseurs qui siègent actuellement à Montreuil mais qui sont recrutés sur l'ensemble de la France. Un grand nombre d'assesseurs vivent en Ile-de-France avec un certain nombre qui sont encore en activité. Prévoir des recrutements locaux est hypothétique, avec le risque que les formations de jugement collégiales ne puissent assurer les audiences prévues.

Il apparaît donc nécessaire de modifier la répartition actuelle entre juge unique et formation collégiale en réservant le jugement en formation collégiale aux affaires qui présentent une difficulté sérieuse. En pratique, cela correspondra notamment à certaines affaires impliquant des caractéristiques géopolitiques complexes (Libye, Erythrée, Somalie, Afghanistan) ou des problématiques liées à certains groupes sociaux.

Cette nouvelle répartition permettra d'éviter les renvois de juge unique vers des formations collégiales pour des raisons de procédure suivie devant les autorités administratives. Elle permettra également de faire baisser le nombre de renvois en limitant les cas d'absence de membres de la formation de jugement en réduisant les renvois dits pour heure tardive.

Plusieurs options sont possibles pour permettre cette extension du juge unique.

Une compétence de principe du juge unique avec une série d'exceptions prévues dans le texte pourrait être envisagée. Dans cette hypothèse, le risque serait de conduire à limiter la compétence des formations collégiales à un nombre restreint d'affaires.

Une compétence de principe de la formation collégiale, tout en permettant de renvoyer une affaire à un juge unique quand elle ne présente pas à juger de question sérieuse pourrait être prévue.

Une compétence de principe du juge unique avec une possibilité de prévoir un renvoi des affaires présentant une difficulté sérieuse, notamment pour certaines nationalités soulevant des questions complexes, en formation collégiale.

A noter qu'en toutes hypothèses, y compris en cas de jugement par formation de juge unique, le travail du rapporteur permet d'avoir un premier regard : tout recours est analysé par le rapporteur lorsqu'il arrive au service des ordonnances, ou en chambre avant de passer en audience ; ce travail préalable est ensuite revu par un magistrat permanent au service des ordonnances ou par un président de formation de jugement lors de l'audience. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs admis un traitement différencié des requêtes selon un critère tenant au sérieux de son contenu et a relevé comme une garantie que toute affaire ne relevant de l'examen d'une formation collégiale est examinée par un rapporteur en toute hypothèse 284 ( * ) .

3.3. OPTION RETENUE

La troisième option, par rapport aux deux premières, est celle qui paraît la plus compatible avec la territorialisation et la spécialisation des chambres.

Elle permettra d'orienter plus facilement les affaires vers une formation en juge unique ou en formation collégiale dans les chambres territoriales ou en formation collégiale dans les chambres spécialisées au siège de la CNDA à Montreuil. Elle donnera une indication des affaires orientées vers la formation collégiale.

En outre, il est difficile d'envisager la réforme de la territorialisation sans extension de la compétence du juge unique. Cette même territorialisation impose d'élargir le vivier des assesseurs aux magistrats professionnels (en activité ou honoraires), compte tenu des difficultés actuelles de recrutement, qui seront sans doute accentuées par la diversité des implantations des chambres territoriales. L'assesseur qui n'est pas nommé sur proposition du HCR pourra être un magistrat professionnel aussi bien magistrat administratif, judiciaire ou financier ; il palliera le déficit potentiel d'assesseurs présentant les garanties de compétence exigées par la loi.

Le changement de la règle d'orientation vers la formation de jugement permettra enfin de réduire globalement les délais de jugement, en limitant les cas de renvoi en cas de défection d'un assesseur.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La section 2 du chapitre unique du titre III du livre I er de la partie législative du CESEDA est réécrite.

En outre, la mesure envisagée modifie l'article L. 532-6 du CESEDA et abroge l'article L. 532-7 du même code. L'article L. 532-8 du CESEDA, qui devient l'article L. 532-7, est également modifié.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

La mesure envisagée, par la réduction du taux de renvoi et la limitation des formations collégiales aux seules affaires présentant une difficulté sérieuse, devrait permettre de réduire légèrement le nombre de vacations versées aux juges vacataires et aux assesseurs.

Elle n'aura pas d'impact sur les effectifs des agents permanents de la CNDA.

Il conviendra d'obtenir, pour la CNDA, des salles d'audience, équipées de visioconférence, et des locaux suffisants pour les chambres territoriales pour que l'activité juridictionnelle puisse se dérouler dans de bonnes conditions.

Si les cours administratives d'appel accueillent les chambres territoriales, un aménagement de leurs locaux seront à prévoir, toutes n'ayant pas nécessairement plusieurs salles d'audience dont une pourrait être réservée à la CNDA, ou des surfaces de bureaux libres pour accueillir président, rapporteurs et agents de greffe servant pour l'activité de la CNDA.

Le financement des assesseurs nommés sur proposition du HCR devra être assuré par le programme 165 Conseil et contrôle de l'Etat, propre au Conseil d'Etat et aux autres juridictions administratives, et non plus via la dotation versée par l'Etat français au HCR.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La CNDA et le secrétariat général du Conseil d'Etat assureront la gestion de tous les assesseurs (y compris ceux du HCR).

La CNDA devra s'assurer de la présence d'interprètes dans les chambres territoriales. Il est probable que, pour certaines langues rares, il sera nécessaire de maintenir le jugement des affaires au siège à Montreuil.

Le rapprochement du juge de l'asile de son justiciable sera en cohérence avec la politique de l'OFPRA qui va développer l'implantation de ses équipes sur le territoire, comme il l'a déjà fait à Mayotte.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Le rapprochement du juge de l'asile des justiciables améliorera les conditions dans lesquels les recours sont examinés.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les demandeurs d'asile les plus éloignés d'Ile-de-France pourront rejoindre plus rapidement et donc dans de meilleures conditions les locaux où se tiendra leur audience.

La mesure devrait également favoriser le rapprochement des requérants et de leurs avocats ce qui peut permettre une amélioration de la défense des demandeurs d'asile.

En diminuant le nombre de renvois, les délais de jugement devraient également être raccourcis.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

La réduction des distances entre le lieu de résidence du demandeur d'asile et la juridiction où son recours sera examiné aura un impact positif sur l'environnement.

La mutualisation des locaux des juridictions d'accueil des chambres territoriales contrebalancera probablement les économies d'échelle moins importantes résultant de la centralisation des fonctions support au siège de la CNDA (service d'accueil, sécurité).

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Les dispositions relatives à la procédure contentieuse devant le tribunal administratif, au titre de leurs impacts sur l'organisation et le fonctionnement de la juridiction administrative, ont été, conformément au dernier alinéa de l'article L. 232-3 du code de justice administrative, soumises à l'avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le 17 janvier 2023.

En application de l'article 4 du décret n° 2022-596 du 21 avril 2022, le comité social d'administration de la Cour national du droit d'asile a également été consulté, parce que cette réforme a un impact sur les greffes, le 17 janvier 2023.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La création des chambres territoriales suivra l'adoption du décret en Conseil d'Etat fixant le ressort et les compétences des nouvelles chambres territoriales.

Tous les assesseurs actuellement en fonction, notamment ceux nommés par le HCR, pourront terminer leur mandat de trois ans parallèlement à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions seront applicables sur tout le territoire de la République.

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du CSA de la CNDA, fixera l'organisation nouvelle de la CNDA avec ses chambres territoriales.

La partie réglementaire du CESEDA devra être modifiée pour tirer les conséquences de l'évolution de la composition des formations de jugement (article R. 131-7).

TITRE V - SIMPLIFIER LES RÈGLES DU CONTENTIEUX RELATIF À L'ÉNTRÉE, AU SÉJOUR ET À L'ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS

CHAPITRE I ER - CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

Articles 21 à 23 : Réformer le contentieux administratif des étrangers 285 ( * )

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Situation de fait

Le contentieux des étrangers est intrinsèquement lié à la mise en oeuvre des politiques publiques liées à l'immigration et à l'asile, caractérisées par l'édiction d'un nombre croissant de décisions administratives, relatives à l'asile, au séjour et à l'éloignement.

Cette évolution résulte du contexte migratoire international ayant connu d'importants bouleversements depuis dix ans. A titre d'illustration, selon les données de l'agence Frontex 286 ( * ) , l'année 2021 a été marquée par 112 616 franchissements irréguliers de la frontière maritime extérieure de l'Union européenne avec une augmentation de 26 % par rapport à 2020 et de 6 % par rapport à 2019 ; 87 485 franchissements irréguliers de la frontière terrestre extérieure, soit une augmentation de 124 % par rapport à 2020 et de 146 % par rapport à 2019, en raison notamment du développement des routes balkaniques. Ces données de franchissements irréguliers traduisent par ailleurs les flux détectés par les Etats membres, et n'intègrent pas les entrées irrégulières qui, par nature, ne peuvent être décomptées.

Au-delà de l'évolution des flux migratoires, l'augmentation des décisions administratives édictées à l'encontre des étrangers en situation irrégulière - et par suite contestées par eux - résulte également du nombre de situations successivement rencontrées par ces étrangers au fil de leur parcours, tant en matière d'entrée sur le territoire, de droit au séjour, de droit d'asile que d'éloignement et de la diversité des profils. La création d'un espace de libre circulation européen a également constitué un vecteur de complexification, conduisant à créer de nouvelles procédures, telles que les transferts des demandeurs d'asile vers l'Etat responsable de l'examen de la demande conformément au règlement européen dit « Dublin » 287 ( * ) ou la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement par les Etats membres 288 ( * ) .

C'est ainsi qu'en 2019, année de référence avant la crise sanitaire 289 ( * ) , 277 406 premiers titres ont été délivrés, 704 556 titres renouvelés et 122 839 décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) édictées.

Tableau 1 : nombre de décisions édictées entre 2015 et 2021 en France métropolitaine et principalement concernées par la réforme du contentieux

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Mesures d'éloignement

OQTF prononcées

79 750

81 656

85 268

103 852

122 839

107 488

124 111

Dont avec délai de départ volontaire (DDV)

48 985

52 595

50 642

50 113

60 440

51 226

54 651

Part des OQTF prononcées contre des déboutés de l'asile - article L.611-1 4° (avec et sans délai de départ volontaire)

21 490

21 268

20 739

26 477

39 717

30 366

36 124

Transferts vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, dits « transferts Dublin »

2 814

5 136

14 399

22 697

23 514

13 433

12 948

Mesures accessoires

Assignations à résidence (AAR)

4 020

4 701

8 781

18 302

14 287

12 913

16 621

Tableau 2 : nombre de décisions portant obligation de quitter le territoire français entre 2019 et 2021 selon leur fondement

2019

2020

2021

Réf. ancien CESEDA

Réf. nouveau CESEDA

L. 511-1, 1°

43 002

39 748

43 279

L. 611-1, 1°

L. 511-1, 2°

4 580

4 487

3 877

L. 611-1, 2°

L. 511-1, 4°

555

495

1 952

Sous-total

5 135

4 982

5 829

L. 511-1, 3°

26 275

23 887

27 325

L. 611-1, 3°

L. 511-1, 5°

1 397

2 450

1 045

Sous-total

27 672

26 337

28 370

L. 511-1, 6°

39 717

30 366

36 124

L. 611-1, 4°

L. 511-1, 7°

2 950

2 700

5 912

L. 611-1, 5°

L. 511-1, 8°

390

287

1 038

L. 611-1, 6°

L. 511-3-1, 1°

1 167

916

1 055

L. 251-1, 1°

L. 511-3-1, 3°

2 597

2 048

2 223

L. 251-1, 2°

L. 511-3-1, 2°

209

104

281

L. 251-1, 3°

Total OQTF prononcées

122 839

107 488

124 111

Le contentieux des étrangers a logiquement connu une évolution similaire. En 2019, il représentait à lui seul plus de 40 % de l'activité contentieuse de la juridiction administrative :

? pour les seuls tribunaux administratifs, le contentieux des étrangers représentait plus de 40 % des affaires enregistrées (94 280 affaires enregistrées « étranger » sur un total de 231 289) ;

? devant les cours administratives d'appel, l'activité contentieuse en matière d'étrangers représentait 50 % de l'activité des juridictions (18 088 affaires enregistrées sur 35 684) ;

? enfin, au Conseil d'Etat, le contentieux des étrangers représentait 20 % des affaires enregistrées (2 085 affaires enregistrées sur 10 425) 290 ( * ) .

Par ailleurs, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), juridiction administrative spécialisée seule compétente pour le contentieux de l'asile, a enregistré, en 2019, 59 091 affaires.

Cette pression exercée sur les juridictions administratives par le contentieux des étrangers s'inscrit de surcroît dans une dynamique constante. A cet égard, le Conseil d'Etat a souligné dans une étude effectuée en 2020 à la demande du Premier ministre 291 ( * ) l'augmentation continue du contentieux des étrangers dans la charge juridictionnelle administrative. En témoigne le tableau ci-dessous reprenant les principales statistiques présentes dans l'étude précitée du Conseil d'Etat pour les tribunaux administratifs :

Tableau 3 : affaires enregistrées par les tribunaux administratifs en contentieux des étrangers entre 2015 et 2019

Affaire enregistrées en données nettes

2015

2016

2017

2018

2019

Evolution 2015-2019

Total activité contentieuse

192 359

183 610

187 064

212 678

231 288

20%

Dont étrangers

67 738

68 677

68 093

78 806

84 280

24%

Dont titre de séjour + OQTF

27 760

27 938

22 229

22 743

26 715

- 4%

Dont OQTF sans DDV

9 874

8 489

11 126

13 149

13 778

40%

Dont OQTF avec DDV

2

493

5 909

7 559

10 956

NS

Dont réfugiés et apatrides

982

5 687

12 128

18 406

24 381

2 383%

Dont rétention

1 148

1 359

428

518

472

- 59%

Dont AAR

780

694

1 283

1 377

1 461

87%

Cette intensification de la charge contentieuse, conjuguée à la complexité des différentes procédures applicables soulignée par le Conseil d'Etat dans son étude de 2020 292 ( * ) , appelle une réforme en profondeur des procédures contentieuses pour adapter les délais de recours au regard de la typologie des affaires et tenir compte des OQTF, avec ou sans délai de départ volontaire, et du public concerné tel que les demandeurs d'asile dont le contentieux devant la CNDA n'a également fait qu'augmenter entre 2013 et 2021 (à l'exception de l'année 2020), période durant laquelle les recours sont passés de 34 752 à 68 243 en 2021, soit un quasi-doublement 293 ( * ) .

1.1.2. Cadre législatif et réglementaire applicable en la matière

Ø Des procédures contentieuses inscrites au coeur du droit des étrangers

Le contentieux des étrangers devant la juridiction administrative est aujourd'hui régi par deux codes : le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et le code de justice administrative (CJA).

Le CJA s'applique par principe, sous réserve que le CESEDA n'en dispose pas autrement. Ainsi, les décisions relatives aux visas, à l'entrée en France (hors demande d'asile), au séjour lorsqu'elles ne sont pas assorties d'une OQTF, à l'expulsion ou à l'interdiction administrative du territoire, relèvent des procédures de droit commun prévues par le CJA et peuvent faire l'objet d'un recours dans les deux mois suivant leur notification ou d'un référé. Le délai de jugement, quant à lui, n'est pas encadré.

Le CESEDA détermine les procédures contentieuses spécifiques aux étrangers, pour les OQTF, les décisions relatives au délai de départ volontaire, les interdictions de retour ou de circulation sur le territoire français, les décisions fixant le pays de renvoi, les transferts « Dublin », les refus d'entrée au titre de l'asile, etc. Ces dispositions spécifiques sont généralement relatives aux délais de recours et de jugement, parfois aux formations de jugement.

Les dispositions législatives relatives aux grands principes du contentieux des étrangers s'inscrivent dans le CESEDA, tandis que les dispositions réglementaires, propres à la procédure, apparaissent dans le CJA. A titre d'illustration, le titre I er du livre VI de la partie législative du CESEDA, dédié aux OQTF, comprend un chapitre IV relatif au contentieux. Les dispositions règlementaires quant à elles figurent au chapitre VI du titre VII du livre VII de la partie réglementaire du CJA.

Les dispositions relatives aux contentieux des refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile prises à la frontière, des décisions de maintien en rétention en cas de demande d'asile, des décisions de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile et le sursis à exécution des mesures d'éloignement visant les demandeurs d'asile sont articulées de la même façon, avec la procédure contentieuse applicable qui se voit déterminée dans chaque chapitre concerné par telle ou telle mesure administrative.

Cette répartition entre partie législative du CESEDA et partie réglementaire du CJA date de la première codification du CESEDA en 2004, et même auparavant lorsque les dispositions législatives de la procédure contentieuse s'inscrivaient dans l'ordonnance n° 45-2658 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France 294 ( * ) . Cette architecture a été maintenue à l'occasion de la recodification du CESEDA intervenue en 2021 295 ( * ) , car elle permet de lier explicitement la décision administrative et la procédure contentieuse applicable dans le CESEDA, tandis que les aspects procéduraux s'inscrivent dans le CJA. Pour une meilleure lecture, la recodification du CESEDA a permis de faciliter les passerelles entre les deux codes : à titre d'exemple, l'article R. 614-1 du CESEDA renvoie aux dispositions pertinentes du CJA, tandis que les articles. L. 776-1 et L. 776-2 du CJA font de même vers le CESEDA.

Il demeure cependant que les dispositions relatives aux procédures contentieuses restent dispersées dans le CESEDA comme en témoigne le tableau 3 ci-dessous.

Tableau 4 : dispositions relatives aux contentieux des étrangers dans le CESEDA et le CJA

CESEDA

(partie législative)

CJA

(partie réglementaire)

Contentieux des obligations de quitter le territoire français

Chapitre IV du titre I er du livre VI

Chapitre VI du titre VII du livre VII

Contentieux des refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et des décisions de transfert prises à la frontière

Chapitre II du titre V du livre III

Chapitre VII du titre VII du livre VII

Contentieux des décisions de maintien en rétention en cas de demande d'asile

Chapitre IV du titre V du livre VII

Chapitre VII bis du titre VII du livre VII

Contentieux des décisions de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile

Chapitre II du titre VII du livre V

Chapitre VII ter du titre VII du livre VII

Sursis à exécution des mesures d'éloignement visant les demandeurs d'asile

Chapitres II et III du titre V du livre VII

Chapitre VII quater du titre VII du livre VII

Ø Le contentieux des décisions portant OQTF est l'un des plus complexes

A lui seul, il comprend trois délais de recours et trois délais de jugement différents, selon le fondement de la décision et selon qu'une assignation à résidence ou un placement en centre de rétention administrative (CRA) a été décidé.

Le fait que plusieurs décisions administratives sont prises simultanément ou successivement pour éloigner un étranger (OQTF, décision sur le délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français, assignation à résidence, placement en rétention administrative) a naturellement une incidence directe sur les règles contentieuses, lesquelles seront ajustées à la ou les mesures contestées et tiennent compte du moment de la notification des mesures.

Ainsi, lorsqu'une OQTF est prise avec un délai de départ volontaire, l'article L. 614-5 du CESEDA détermine les délais de recours, selon le fondement de la décision adoptée :

? 15 jours lorsque l'OQTF relève des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du CESEDA 296 ( * ) ;

? 30 jours lorsque l'OQTF relève des 3°, 5° et 6° du même article 297 ( * ) ou de l'article L. 251-1du CESEDA 298 ( * ) .

Le délai de jugement est alors, respectivement, de six semaines ou trois mois.

Il convient de préciser qu'en vertu des dispositions de l'article R. 776-2 du CJA, la décision administrative relative au séjour de l'étranger suit le régime contentieux de l'OQTF faisant suite au refus de séjour, prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du CESEDA.

Lorsqu'une OQTF est prise sans délai de départ volontaire, le délai de recours est de 48 heures (article L. 614-6 du CESEDA) quel que soit le fondement de l'OQTF. Il en est de même au cas d'interruption du délai de départ volontaire initialement accordé (article L. 612-5 du CESEDA), le délai de recours est alors ramené à 48 heures s'il n'a pas déjà expiré (article R. 776-2, I, al. 3 du CJA) et l'étranger dispose en outre d'un délai de 48 heures pour contester la décision d'interruption du délai de départ volontaire. Si l'étranger est assigné à résidence ou placé en rétention aux fins d'exécution de la mesure, il est statué dans les 96 heures suivant l'expiration du délai de recours. En cas d'assignation à résidence ou de placement en rétention en cours d'instance, le juge, informé par l'administration de ce changement de circonstances, doit statuer dans les 144 heures suivant son information.

Tableau 5 : nombre de placements en rétention aux fins d'exécution d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (article L. 741-1 du CESEDA) entre 2019 et 2021

OQTF L. 611-1

(nouvelle réf.)

OQTF L. 251-1 (nouvelle réf.)

Total

Avec délai de départ volontaire

Sans délai de départ volontaire

Avec et sans délai de départ volontaire*

2019

988

15 794

288

17 070

2020

510

7 943

194

8 647

2021 (provisoire)

425

8 592

212

9 229

* Données non disponibles sur la répartition selon que l'OQTF est ou non assortie d'un délai de départ volontaire.

En application de l'article L. 614-1 du CESEDA, le contentieux peut porter sur la décision de retour mais également sur les décisions qui l'assortissent. Ainsi, l'étranger faisant l'objet d'une OQTF peut également contester les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, l'interdiction de retour ou de circulation sur le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi. Dans l'hypothèse où ces décisions ont été notifiées simultanément, le juge administratif statue en une seule audience.

Les décisions notifiées postérieurement à l'OQTF, telles que l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-7 du CESEDA au cas de non-respect du délai de départ volontaire, ouvrent un nouveau recours contentieux. Il en est de même de la décision fixant le pays de renvoi lorsqu'elle est notifiée dans un second temps et qui, en application de l'article L. 722-7 du même code, peut faire l'objet d'un autre recours, par nature suspensif en raison du respect du principe de non-refoulement.

Les décisions de mise en oeuvre de la décision d'éloignement prise par un autre Etat membre et les décisions de remise d'un ressortissant de pays tiers aux autorités d'un autre Etat membre ne relèvent des procédures contentieuses spécifiques prévues par le CESEDA que lorsque l'étranger qui en fait l'objet est assigné à résidence aux fins d'exécution de la mesure (article L. 731-1 du CESEDA) ou placé en rétention administrative. Dans les autres cas, elles peuvent faire l'objet d'un recours dans les conditions de droit commun prévues par le CJA.

Lorsque le délai de jugement est de trois mois, le tribunal statue en formation collégiale (article L. 614-4 du CESEDA). Dans tous les autres cas, l'OQTF est jugée par le président du tribunal administratif ou par un magistrat désigné par lui statuant seul, sans conclusions du rapporteur public (articles L. 614-5, L. 614-9, L. 614-11 et L. 614-15 du CESEDA).

L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de son recours en annulation (article L. 614-5 du CESEDA). Toutefois, lorsque le délai de recours est inférieur à un mois, le requérant peut, compte tenu de la célérité de la procédure, se voir désigner un avocat d'office par le président du tribunal administratif sans attendre la décision du bureau d'aide juridictionnelle (articles L. 614-9 et L. 614-11 du CESEDA).

Ø Le contentieux des décisions liées à la procédure d'asile

À côté du contentieux de l'éloignement, existe un contentieux de l'asile comprenant la contestation du refus d'asile devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), mais également la contestation des décisions de transferts vers l'Etat responsable de l'examen de la demande (dites « transferts Dublin »), ou encore du refus ou du retrait des conditions matérielles d'accueil, dont chaque champ obéit à des règles qui leur sont propres.

Ainsi, le rejet de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) peut donner lieu à recours devant la CNDA en application de l'article L. 532-1 du CESEDA qui devra statuer dans un délai de respectivement cinq mois pour la procédure normale et de cinq semaines pour la procédure accélérée (article L. 532-6 du CESEDA). En 2021, 68 243 nouveaux recours ont été enregistrés par la CNDA (44 009 relevant de la procédure 5 mois, 24 234 relevant de la procédure 5 semaines). Le taux de recours contre les décisions de rejet prises par l'OFPRA s'établit à 83% 299 ( * ) .

En l'absence de mention expresse dans le CESEDA, la contestation de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de refus ou de retrait des conditions matérielles d'accueil relève du CJA et de la procédure contentieuse de droit commun emportant un délai de recours de deux mois devant le tribunal administratif.

En revanche, l'article L. 572-5 du CESEDA prévoit que la contestation de la décision de « transfert Dublin » est portée devant le tribunal administratif dans un délai de 15 jours suivant sa notification pour un délai de jugement de 15 jours à compter de la saisine du juge administratif. L'article L. 352-4 du même code fixe, pour la décision de refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile, un délai de recours de 48 heures pour un délai de jugement de 72 heures par le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné par lui statuant seul.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

En 1989, le Conseil constitutionnel pose comme principe fondamental reconnu par les lois de la République que « s'agissant de l'usage par une autorité exerçant le pouvoir exécutif ou par un de ses agents d'une prérogative de puissance publique, les recours tendant à l'annulation de ces décisions administratives relatives à l'entrée et au séjour en France relèvent de la compétence de la juridiction administrative ». Il censure en conséquence une disposition législative transférant au juge judiciaire le contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, rappelant « la compétence générale du juge administratif dans le domaine de l'annulation des actes de la puissance publique » 300 ( * ) , jurisprudence confirmée de façon constante 301 ( * ) .

Toutefois, le régime de la police des étrangers impliquant, en cas de nécessité, un régime de privation de liberté afin d'assurer la représentation de l'étranger devant les autorités administratives qui procèdent à l'organisation de son départ, il est nécessaire de prévoir l'intervention de l'autorité judiciaire qui, selon l'article 66 de la Constitution et en vertu d'une jurisprudence constante, est seule gardienne de la liberté individuelle 302 ( * ) .

En matière de contentieux de l'éloignement, la double intervention du juge administratif et de l'autorité judiciaire (aujourd'hui le juge de la liberté et des détentions) est donc ancrée dans la jurisprudence constitutionnelle.

En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel a consacré un certain nombre de principes et droits fondamentaux en matière de procédure juridictionnelle.

D'abord consacré sous la forme de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République 303 ( * ) , le droit à un recours effectif a été rattaché en 1996 à l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen 304 ( * ) . Du même article découlent également la constitutionnalisation des droits de la défense 305 ( * ) , le droit à un procès équitable entendu comme le droit à une procédure juste et équitable, garantissant l'équilibre des droits des parties 306 ( * ) , et les principes d'indépendance et d'impartialité 307 ( * ) .

Pour ce qui concerne le pouvoir compétent pour fixer les procédures applicables devant la juridiction administrative, le Conseil constitutionnel admet que, dès lors que des dispositions ne remettent en cause ni l'article 34 de la Constitution ni d'autre règles ou principes de valeur constitutionnelle, le pouvoir réglementaire peut régir ces procédures 308 ( * ) . Toutefois, il est régulièrement admis que le pouvoir législatif régisse des procédures contentieuses devant la juridiction administrative et fixe des délais de recours et de jugement.

A cet égard, le délai de recours de 48 heures, fixé par le législateur en 1998 309 ( * ) , contre l'arrêté de reconduite à la frontière devenu obligation de quitter sans délai le territoire français, a été reconnu par le Conseil constitutionnel comme ne méconnaissant pas le droit à un recours juridictionnel effectif 310 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Les directives 2008/115/CE, dite directive « retour », et 2013/32/UE, dite directive « procédures », prévoient respectivement à leurs articles 13 et 46 que le délai de recours, pour être effectif, doit être raisonnable. Cette doctrine juridique est le reflet du principe de droit consacré par la charte des droits fondamentaux de l'Union, en particulier l'article 47 sur le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, lui-même issu des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH).

L'article 6 de la CESDH stipule quant à lui que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial » . L'article 13 de la même convention assure quant à lui que « toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. » Ils garantissent également le droit à un procès équitable, et notamment le fait de pouvoir faire entendre sa cause dans un délai raisonnable.

Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne reconnait quant à elle un principe général du droit de l'Union dans la garantie de ce recours juridictionnel effectif devant un juge, lorsqu'ont été violés les droits et libertés de toute personne garantis par le droit de l'Union, et impose aux Etats membres d'en prévoir l'accès dans leur ordre juridique interne 311 ( * ) .

Dans un autre registre, les directives précitées ne prévoient pas d'effet suspensif systématique des recours contre les décisions d'éloignement. A cet égard, l'article 46, paragraphe 6, de la directive 2013/32/UE dite « procédures » prévoit que si la demande d'asile a été rejetée comme manifestement infondée, déclarée irrecevable, non rouverte après une décision de clôture ou rejetée comme infondée si elle relevait d'un cas de placement en procédure accélérée, à l'exception du cas de placement pour demande tardive, « une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l'État membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l'État membre et lorsque, dans ces cas, le droit de rester dans l'État membre dans l'attente de l'issue du recours n'est pas prévu par le droit national ». En outre, un recours en première instance contre une décision de retour assure, par son caractère suspensif, le respect du principe de non-refoulement, conformément à l'article 13, paragraphe 2, de la directive « retour ».

Les « transferts Dublin » sont également régis par le droit de l'Union européenne et notamment le règlement (UE) n° 604/2013 dont l'article 27 prévoit un droit au recours effectif contre les décisions de transfert des demandeurs d'asile, lequel s'exerce également dans le respect du droit de l'Union et notamment des exigences de la CESDH et de la charte des droits fondamentaux de l'Union.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Les règles régissant le contentieux des étrangers revêtent une certaine complexité, ce qui en rend l'accès et l'application difficile pour les usagers, leurs conseils, comme pour les magistrats. Le Conseil d'Etat dans son étude de mars 2020 312 ( * ) indique qu'aujourd'hui une douzaine de procédures différentes 313 ( * ) existe, que la complexité de ce contentieux est un frein pour la juridiction administrative au point de constituer un effet d'éviction des autres contentieux 314 ( * ) , et qu'au regard des volumes de contestations de ces décisions administratives, il est nécessaire d'en simplifier les règles en réduisant le nombre de procédures existantes.

Dans ce contexte, les objectifs poursuivis par la présente réforme du contentieux des étrangers sont de trois ordres :

? simplifier le contentieux en réduisant le nombre de procédures différentes ;

? garantir l'efficacité de la politique publique d'éloignement grâce à des délais de jugement prenant en compte la diversité des profils des étrangers et dans certains cas la nécessité que le droit au recours s'inscrive dans un délai qui tienne compte de l'intensité des motifs ayant présidé à l'édiction d'une décision d'éloignement ;

? renforcer la lisibilité des textes et faciliter l'accès au droit.

Ces objectifs impliquent nécessairement de modifier les dispositions législatives régissant ce contentieux, sans préjudice des modifications règlementaires qui permettront leur mise en oeuvre.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ENVISAGÉE

Au regard de la complexité du droit régissant le contentieux des étrangers, notamment les contentieux de l'éloignement et de l'asile décrits brièvement ci-dessus, le Premier ministre a demandé au Conseil d'Etat, par lettre du 31 juillet 2019, d'étudier les possibilités pour simplifier ce contentieux, sans obérer les capacités à traiter rapidement les demandes d'asile et à assurer l'éloignement dans les meilleurs délais des étrangers en situation irrégulière. C'est ainsi qu'en mars 2020, au terme d'une étude soumise à la section du rapport et des études avant d'être adoptée par son assemblée générale, le Conseil d'Etat a formulé 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l'intérêt de tous 315 ( * ) .

A l'issue de son étude, le Conseil d'Etat a ainsi préconisé une réforme du contentieux en trois procédures, une procédure ordinaire et deux procédures d'urgence articulées selon les principes suivants :

? la procédure normale doit s'appliquer à toutes les OQTF dès lors que l'étranger qui en faisait l'objet n'est ni assigné à résidence ni placé en rétention administrative. L'intéressé disposait d'un mois pour former son recours, lequel était jugé dans les six mois par le tribunal administratif ;

? deux procédures d'urgence sont mises en oeuvre au cas d'assignation à résidence et au cas de rétention administrative.

La logique présidant à ce projet consistait à prendre en compte le caractère imminent de l'éloignement pour déterminer les délais de recours et de jugement. Ainsi :

? en cas de recours de l'étranger faisant l'objet d'une OQTF et placé en centre de rétention administrative, le délai de recours est maintenu à 48 heures et le délai de jugement à 96 heures ;

? pour l'étranger faisant l'objet d'une OQTF et assigné à résidence, le délai de recours est porté à sept jours et le délai de jugement à 15 jours, contre respectivement 48 heures et 96 heures aujourd'hui ;

? enfin, pour l'étranger faisant l'objet d'une OQTF sans mesure d'exécution, les délais doivent être plus longs qu'aujourd'hui : un mois pour former un recours et six mois pour le juger. Enfin, si le préfet place l'étranger en rétention ou l'assigne à résidence postérieurement à la notification de la décision d'éloignement, il s'opère une bascule de la procédure ordinaire vers la procédure correspondante.

Cette proposition, si elle permet d'atteindre l'objectif de simplification des procédures, ne tient pas suffisamment compte d'une part de la spécificité du droit de l'éloignement qui exige une exécution rapide par l'étranger lui-même de la mesure dont il fait l'objet, et d'autre part des différents profils des étrangers faisant l'objet de tels mesures.

3.2. OPTION RETENUE

Le présent projet de réforme des procédures contentieuses entend concilier les objectifs de simplification des procédures contentieuses et les impératifs des politiques publiques en matière d'immigration et d'asile, parmi lesquels la lutte contre l'immigration irrégulière, qui participe à la sauvegarde de l'ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. C'est à cette fin qu'il convient de simplifier, mais également de hiérarchiser les délais de jugement selon les situations considérées.

Dans ce cadre, l'application de procédures d'urgence ne saurait être strictement subordonnée à la mise en oeuvre d'une mesure privative ou restrictive de liberté aux fins d'exécution d'office d'une décision d'éloignement, à l'évidence parce que les placements en rétention comme les assignations à résidence ne peuvent être systématisés tant pour des motifs de droit que de capacités administratives.

En effet, l'exécution d'une décision d'éloignement incombe, au premier chef, à l'étranger qui en fait l'objet et qui est tenu d'y déférer de lui-même, comme pour toute décision de police administrative. La préservation du caractère suspensif du recours juridictionnel en première instance, combinée au principe du départ volontaire de l'étranger (imposé par l'article 7 de la directive « retour »), implique nécessairement d'encadrer les délais de jugement afin de ne pas permettre à l'étranger en situation irrégulière de se maintenir sur le territoire au-delà de ce qui est nécessaire et, partant, d'aller à l'encontre de l'objectif poursuivi par la mesure. La directive « retour » 316 ( * ) impose par ailleurs que l'éloignement soit mis en oeuvre, y compris par l'étranger lui-même, dans les meilleurs délais, ce qui est rappelé par la Cour de justice de l'Union européenne 317 ( * ) .

De plus, l'étranger qui ne bénéficie pas d'un délai de départ volontaire, au cas de risque de fuite, de demande de séjour manifestement non fondée ou frauduleuse ou de menace à l'ordre public, a l'obligation de quitter le territoire sans délai. Les délais contentieux doivent tenir compte de cette circonstance.

Il importe également de prévoir des délais contentieux brefs lorsque les procédures administratives se succèdent, sur le territoire national (demande d'asile, puis procédure d'éloignement) ou sur le territoire européen au cas de transfert « Dublin » lorsque la situation de l'étranger est traitée successivement dans plusieurs Etats membres de l'Union européenne.

Sur ce constat et sur la base des préconisations du Conseil d'Etat, il est proposé une nouvelle architecture s'articulant autour des quatre procédures suivantes :

? Une procédure ordinaire applicable aux décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) assorties d'un délai de départ volontaire. Le délai de recours est d'un mois et le délai de jugement de six mois, conformément aux préconisations du Conseil d'Etat, afin de desserrer la pression exercée sur les juridictions administratives ;

? Une procédure prioritaire, applicable au contentieux des OQTF lorsque le délai de départ volontaire est refusé. Dans ce cas, les délais de recours et de jugement sont respectivement réduits à 72 heures et six semaines.

Les procédures ordinaire et prioritaire ne s'appliquent pas aux OQTF faisant suite à un rejet de la demande d'asile, qui relèvent de la procédure spéciale ;

? Une procédure spéciale dédiée aux contentieux des décisions liées à la procédure d'asile (contentieux de l'enregistrement de la demande d'asile et des conditions matérielles d'accueil, des décisions de transfert et des OQTF faisant suite au rejet de la demande d'asile). Le délai de recours est de sept jours et le délai de jugement est de quinze jours.

La procédure spéciale s'applique également aux contentieux relevant des procédures ordinaires et prioritaires, lorsque le requérant est assigné à résidence aux fins d'exécution de la décision d'éloignement ;

? Une procédure d'urgence prévoyant un délai de recours de 48 heures et un délai de jugement de 96 heures, applicable dans tous les cas dans lesquels l'étranger est placé en rétention, ainsi qu'aux décisions de refus d'asile à la frontière et aux décisions de transfert prises dans ce cadre.

Cette proposition de réforme répond ainsi au double critère de simplification et de maintien de l'efficacité de la politique d'éloignement.

La procédure prioritaire correspond au cas des étrangers qui, faisant l'objet d'une OQTF, ne sont pas éligibles à l'octroi d'un délai de départ volontaire pour un motif d'ordre public, de risque de soustraction à l'éloignement ou du fait que l'étranger a formé une demande de titre de séjour frauduleuse ou manifestement infondée. Ces motifs justifient l'adaptation de la procédure, avec des délais réduits. Le délai de recours actuel de 48 heures, validé par le Conseil constitutionnel (cf. point 1.2 supra ), est néanmoins porté à 72 heures afin de permettre à l'étranger d'exercer ses droits dans de meilleures conditions. Le délai de jugement est fixé à six semaines.

En ce qui concerne les contentieux des décisions liées à la procédure d'asile, l'application d'une procédure contentieuse spéciale est justifiée et cohérente avec l'ensemble du dispositif présenté, notamment au regard des garanties dont les demandeurs d'asile bénéficient dans le cadre de l'examen de leur demande par l'OFPRA. En effet, les demandeurs d'asile disposent du droit au maintien sur le territoire français lors de la présentation de leur demande devant l'OFPRA, établissement public autonome et impartial, dont la décision peut faire l'objet d'un recours devant la CNDA 318 ( * ) . Ainsi, lorsque l'OQTF est prononcée, le rejet de la demande d'asile a déjà pu être examiné par une juridiction administrative, en l'espèce la CNDA, hors les cas où le rejet de la demande d'asile par l'OFPRA emporte la fin du droit au maintien. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu que le tribunal administratif, appelé à statuer sur la légalité de l'OQTF mais pas sur le fond de la demande d'asile, dispose, pour statuer, d'un délai aussi important que pour les autres OQTF. Cela quand bien même, lorsque l'étranger ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire jusqu'à la décision de la CNDA et que le tribunal administratif est la première juridiction administrative à statuer, l'office de ce dernier n'inclut pas l'examen du droit à l'asile de l'intéressé. En tout état de cause, il peut, en cas de doute, faire droit à la demande de l'étranger de suspendre l'éloignement jusqu'à ce que la CNDA statue au fond. Dans ces conditions, le droit d'asile demeurant de la compétence exclusive de la CNDA, le délai de jugement de 15 jours par le tribunal administratif, faisant suite à celui déjà imparti à la CNDA, concilie les exigences de bonne administration de la justice et la cohérence des politiques d'éloignement.

Le maintien des décisions de transferts des demandeurs d'asile dans le cadre « Dublin » au sein d'une procédure spéciale, caractérisée par un délai de jugement de 15 jours et un délai de recours diminué de huit jours, est également justifié par la situation particulière dans laquelle les intéressés sont placés. En effet, la procédure « Dublin » 319 ( * ) régie par le règlement (UE) n°604/2013 prévoit que la détermination de l'Etat responsable du traitement d'une demande d'asile repose sur un ensemble de critères hiérarchisés, principalement comme suit :

? à titre principal, l'Etat responsable est celui où réside un membre de famille (réfugié ou demandeur d'asile) ;

? à défaut, il s'agit de l'Etat ayant délivré, le cas échéant, un visa ou un titre de séjour en cours de validité ou récemment expiré au demandeur ;

? à défaut, il s'agit de l'Etat frontalier par lequel le demandeur est irrégulièrement entré sur le territoire européen, attesté par un relevé d'empreintes dans la base Eurodac de moins d'un an ;

? à défaut, il s'agit de l'Etat dans lequel il a enregistré une première demande d'asile, quel que soit le stade de la procédure (en cours d'examen, retirée ou rejetée définitivement).

Un Etat conserve toutefois la faculté de se déclarer responsable de l'examen d'une demande d'asile qui relèverait de la responsabilité d'un autre Etat membre (« clause discrétionnaire » de l'article 17 du règlement n° 604/2013).

Ainsi, le transfert d'un demandeur d'asile n'entraîne ni absence de traitement de sa demande ni un traitement de moindre qualité de celle-ci, en raison du niveau des normes communes fixées par les directives « qualification » 320 ( * ) , « procédures » 321 ( * ) et « accueil » 322 ( * ) au sein de l'Union européenne et des garanties équivalentes entre chaque Etat-membre. La directive « qualification » prévoit ainsi des critères d'octroi et de retrait de la protection internationale identiques dans tous les États membres, sans préjudice du maintien de protections nationales. La directive « procédures » fixe des procédures communes d'octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres en vue de mettre en place une procédure d'asile commune dans l'Union. La directive « accueil » fixe des normes communes pour les conditions d'accueil des demandeurs afin de leur garantir un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans tous les États membres.

Dès lors, il n'apparait pas nécessaire de prévoir une procédure plus longue et la réforme permet de gagner en cohérence s'agissant du traitement de l'ensemble des demandes d'asile, notamment en harmonisant les délais de recours pour tous les recours relatifs à l'asile à sept jours, sans réduire le niveau de protection assuré par les textes européens et nationaux.

Enfin, les recours formés contre les décisions portant OQTF par les étrangers détenus ne relèvent pas d'une procédure particulière en tant que telle, mais simplement d'une adaptation du délai de jugement. A cet égard, les principes issus de la loi du 10 septembre 2018 sont maintenus : comme aujourd'hui, les délais de recours et de jugement sont ceux de droit commun ; toutefois, il est statué dans les huit jours dès lors qu'il apparaît en cours d'instance que l'étranger est susceptible d'être libéré avant l'expiration du délai de jugement. Il n'est ainsi statué en urgence qu'en tant que de besoin.

Les tableaux en annexes 2 et 3 synthétisent ce projet de réforme du contentieux.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Conformément aux préconisations du Conseil d'Etat, le projet de réforme du contentieux des étrangers entend renforcer la lisibilité des textes et faciliter ainsi l'accès au droit.

Ø Un nouvel équilibre au sein du CESEDA

Les dispositions de ce projet de loi proposent de réécrire l'ensemble des dispositions qui encadrent les procédures juridictionnelles applicables au contentieux des étrangers, en isolant les dispositions régissant la procédure contentieuse de celles qui sont relatives aux décisions administratives.

Afin d'éviter les renvois en chaîne et l'éparpillement de règles contentieuses, aux termes du I de l'article 21, le CESEDA est complété par un nouveau livre IX, dédié aux procédures contentieuses devant le juge administratif, définissant, dans la mesure où elles dérogent au droit commun du code de justice administrative, les procédures juridictionnelles spécifiques au contentieux des étrangers.

De la sorte, le régime des décisions prises à l'égard des étrangers n'inclura plus de règles relatives à leur contestation et se bornera à prévoir que cette contestation relève de la procédure prévue au livre IX du CESEDA ainsi que l'a préconisé le Conseil d'Etat en conclusion de son étude de 2020 323 ( * ) .

En l'absence de renvoi au livre IX du CESEDA, le régime contentieux de droit commun, prévu par le code de justice administrative, continuera à s'appliquer.

Aux termes des II à VI de l'article 21, sont ainsi précisées, au fil du CESEDA, les procédures contentieuses applicables pour chacune des décisions considérées :

? au livre II, s'agissant des recours contre les OQTF applicables aux citoyens de l'Union européenne et assimilés et les interdictions de circulation sur le territoire français qui les assortissent le cas échéant (article L. 251-7) ;

? au livre III, en ce qui concerne les recours contre les décisions de refus d'entrée au titre de l'asile (article L. 352-4) ;

? au livre V, pour les contestations en matière de conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile (article L. 555-1 nouveau) et les décisions de transfert (article L. 572-4) ;

? au livre VI, s'agissant des OQTF (articles L. 614-1 et suivants), des décisions de mise en oeuvre des décisions d'éloignement prises par d'autres Etats membres (article L. 615-2), ainsi que les décisions de remise et les interdictions de circulation sur le territoire français qui les assortissent le cas échéant (article L. 623-1). En outre, l'article L. 614-19 est modifié ;

? au livre VII, pour la contestation de la décision fixant le pays de renvoi (article L. 721-5) et certaines décisions d'assignation à résidence aux fins d'exécution de la décision d'éloignement (article L. 732-8), pour les demandes de suspension de l'éloignement par des demandeurs d'asile (articles L. 752-6 et suivants et articles L. 753-7 et suivants), ainsi que pour la contestation de la décision préfectorale de maintien en rétention au cas de demande d'asile formée en rétention (article L. 754-4). Les articles L. 752-9 et L. 753-9 du CESEDA sont abrogés.

L'article 21 comprend par ailleurs deux dispositions techniques :

? la première, au 2° du II, concerne les citoyens de l'Union européenne et les ressortissants de la Confédération suisse, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein et du Royaume de Norvège, ainsi que les membres de leur famille régis, en application des articles L. 200-1 à L. 200-5 du CESEDA, par le livre II de ce code. Afin de leur rendre applicables les nouvelles procédures contentieuses qui s'inscriront au livre IX, il convient d'insérer une mention expresse d'application dans un nouveau titre VII bis du livre II ;

? la seconde, au 1° du V, est légistique. Elle repositionne les dispositions de l'article L. 614-15 facilitant l'accès des personnes détenues à un avocat. Dès lors qu'il s'agit d'informer l'étranger de ses droits, il est plus cohérent d'insérer ces dispositions à la section 2 du chapitre III du titre I er du livre VI intitulée : « Information de l'étranger », au sein d'un article L. 613-5-1.

Aux termes du 2° de l'article 22, le code de justice administrative est modifié en cohérence. Les actuels chapitres VI, VII, VII bis et VII ter du titre VII du livre VII, respectivement relatifs au contentieux des OQTF, des refus d'entrée au titre de l'asile, des décisions de maintien en rétention en cas de demande d'asile et des décisions de transfert, ainsi que le chapitre VII quater du même titre relatif au sursis à exécution des mesures d'éloignement visant les demandeurs d'asile, sont remplacés par un chapitre VI unique renvoyant, pour l'ensemble de ces procédures, au nouveau livre IX du CESEDA.

L'article L. 222-2-1 du CJA est également modifié en coordination par le 1° de l'article 22.

Enfin, diverses modifications d'ordre légistique sont également apportées, par l'article 23, à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, liées aux conséquences de la réforme du contentieux et à celles de la recodification du CESEDA.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La présente réforme est compatible avec l'article 13 de la directive 2008/115/CE, dite directive « retour », et l'article 46 de la directive 2013/32/UE, dite directive « procédures », qui prévoient un droit au recours effectif et dans des délais raisonnables, contre les décisions de retour, ainsi que toutes celles visant les déboutés du droits d'asile, dans le respect du principe de non-refoulement garanti par l'article 33 de la convention de Genève et son protocole relatifs au statut des réfugiés.

Les procédures prioritaire et spéciale permettront d'accroitre l'efficacité d'exécution des mesures d'éloignement, en conformité avec l'article 8 de la directive « retour » qui prévoit que les Etats membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter les décisions de retour.

Les délais prévus en cas de placement en rétention (48 heures) laissent à l'étranger le temps de former un recours et au juge des libertés et de la détention le temps de statuer en urgence, garantissant ainsi le contrôle juridictionnel prévu à l'article 15 de la directive « retour ». Ils ont déjà été jugés conformes aux exigences de l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales relatif au droit au recours effectif, par la Cour de Strasbourg 324 ( * ) .

En effet, pour le cas des OQTF faisant suite à un refus d'asile, le délai de recours sera de sept jours, contre 48 heures actuellement lorsqu'elle n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, et de quinze jours lorsqu'elle l'est. Dans le cas des transferts dits « Dublin » le délai de recours passera de quinze jours à sept jours.

Dans les autres cas, les délais de recours sont soit maintenus, soit allongés, et notamment pour les OQTF assorties d'un délai de départ volontaire et faisant suite à une entrée irrégulière ou un maintien irrégulier sur le territoire (le délai passe de 15 jours à un mois).

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

S'agissant d'une réforme du contentieux opérée à moyens constants, elle n'a pas d'impact budgétaire.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La simplification des procédures contentieuses, désormais limitées à quatre permettra de mieux distinguer les dossiers prioritaires, avec des délais de jugement adaptés à chaque situation, tenant notamment du compte du placement en rétention, de l'assignation à résidence et du refus de délai de départ volontaire.

Du point de vue de la juridiction administrative, l'allongement à six mois du délai de jugement des OQTF avec délai de départ volontaire diminuera la pression s'exerçant sur les juridictions, et permettra de privilégier ceux des dossiers qu'elles devront traiter plus rapidement (menace à l'ordre public, cas de risque de fuite et demandeurs d'asile déboutés). Il devrait par ailleurs limiter l'effet d'éviction du contentieux relatif aux étrangers sur les autres contentieux.

Comme les juridictions, les préfectures bénéficieront d'une meilleure lisibilité et pourront optimiser la charge de travail de leurs effectifs responsables du contentieux, améliorant ainsi la défense des affaires portées devant le juge administratif, notamment celles relatives aux décisions d'éloignement édictées à l'encontre des demandeurs d'asile déboutés et des étrangers auquel un délai de départ volontaire a été refusé, par exemple pour un motif d'ordre public.

Cette meilleure anticipation des audiences facilitera la présence des services administratifs - aujourd'hui, fréquemment contraints par la quantité de dossiers à leur charge. La présence de l'administration au tribunal, en particulier dans les procédures d'urgence où l'instruction se poursuit jusqu'à l'audience, lui permettra de répondre aux requérants, d'éclairer le juge sur les motifs de ses décisions et de renforcer ainsi leur sécurité juridique.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

La simplification du contentieux des étrangers permettra aux professions réglementées telles que les avocats, de mieux appréhender les situations administratives applicables à leurs clients et anticiper la procédure applicable, et ainsi mieux défendre leurs droits devant les juridictions administratives.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La simplification des procédures contentieuses en droit des étrangers s'inscrit pleinement dans le respect de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui stipule un droit au recours effectif, dans la mesure où elle ouvrira des voies de droits plus accessibles et plus compréhensibles aux étrangers, lesquels pourront s'approprier plus facilement le système juridique français, mais également à tous les praticiens du droit des étrangers.

Le délai de recours ouvert aux étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter sans délai le territoire français, aujourd'hui fixé à 48 heures, est adapté aux circonstances. Il est ainsi maintenu à 48 heures au cas de placement en rétention, car l'étranger bénéficie dans les lieux de rétention du soutien d'une personne morale permettant de l'aider à exercer ses droits. Dans les autres cas, ce délai est porté à 72 heures ou, au cas d'assignation à résidence, à sept jours, opérant ainsi une conciliation équilibrée entre le droit à un recours juridictionnel effectif et l'objectif d'exécution rapide de la décision portant obligation de l'étranger de quitter sans délai le territoire.

La réforme du contentieux renforce également la lisibilité des règles spécifiques du contentieux des décisions de transfert « Dublin » en harmonisant les délais de recours « Dublin » sur les autres procédures contentieuses nationales.

De surcroit, l'optimisation de ces règles contentieuses permettra à l'étranger de disposer rapidement d'une vision claire de sa situation administrative et d'entreprendre les démarches nécessaires à son intégration en France ou le cas échéant pour retourner dans son pays d'origine, en sollicitant par exemple une aide au retour auprès de l'OFII. L'étranger évite ainsi les situations d'incertitude et est ainsi mieux accompagné tout au long de son parcours administratif en France.

La révision du contentieux ne remet pas en cause la suspensivité automatique des recours en première instance contre une OQTF. Ainsi, le rapprochement des contentieux « asile » et « retour » continue de donner corps et consistance au principe de non-refoulement, et ne saura emporter l'éloignement de l'intéressé sous le coup d'une OQTF s'il exerce son droit de recours.

Les mesures envisagées ne modifient nullement les conditions d'accès au droit et au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Le présent article maintient ainsi le dispositif en vigueur (articles L. 614-1, L. 614-5 et L. 614-11 du CESEDA) :

? lorsque le délai de recours d'un mois sera applicable, l'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de son recours en annulation 325 ( * ) (repris au nouvel article L. 911-1 du CESEDA) ;

? dans les autres cas, compte tenu de la célérité de la procédure, il peut, sans attendre la décision du bureau d'aide juridictionnelle, se voir désigner un avocat d'office par le président du tribunal administratif (repris au nouvel article L. 921-2 du CESEDA).

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Cette réforme ayant des conséquences sur l'organisation des juridictions administratives, les consultations obligatoires suivantes ont dû être menées :

? En application de l'article L. 232-3 du code de justice administrative, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel connaît des « questions intéressant le fonctionnement et l'organisation des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ». En outre, ce Conseil est consulté sur toute question relative à la compétence, à l'organisation et au fonctionnement de ces juridictions.

Cette consultation a été réalisée le 17 janvier 2022.

? En application de l'article 3 du décret n° 2022-596 du 21 avril 2022, le comité spécial d'administration des greffes des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, parce que cette réforme a un impact sur les greffes.

Cette consultation a été réalisée 18 janvier 2022.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Conformément à l'article 27 du présent projet de loi, la disposition entrera en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, au premier jour du septième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel de la République française . Ces nouvelles règles s'appliqueront au contentieux des décisions prises à compter de la date d'entrée en vigueur des articles 21 à 24.

5.2.2. Application dans l'espace

Les conditions de l'application Outre-mer de ces dispositions seront prévues par voie d'ordonnance, conformément à l'article 26 du présent projet de loi.

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Les dispositions réglementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code de justice administrative doivent être modifiées en cohérence, par décret en Conseil d'Etat.

Annexe 1

ELEMENTS STATISTIQUES SUR LE CONTENTIEUX DES ETRANGERS DEVANT LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

Extraits de l'étude du Conseil d'Etat, 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers , mars 2020, p. 79.

Annexe 2

TABLEAU DE SYNTHESE DE LA REFORME DU CONTENTIEUX

Droit en vigueur

Réforme du contentieux

Mesures contestées

Délai de recours

Délai de jugement

Procédure

Délai de recours

Délai de jugement

OQTF L251-1

+ 3° 5° 6° L611-1

Avec DDV

Hors assignation à résidence et rétention

1 mois

3 mois

En détention :

8 jours si libération prochaine

Ordinaire

1 mois

6 mois

En détention :

8 jours si libération prochaine

OQTF 1° 2°L611-1

15 j

6 semaines

OQTF L251-

3° 5° 6° L611-1

Sans DDV

48 h

3 mois

Prioritaire

72 h

6 semaines

OQTF 1° 2° L611-1

6 semaines

OQTF 4° L611-1

(cas de refus de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de la protection subsidiaire)

Avec DDV

15 j

6 semaines

Spéciale

7 j

Sans DDV

48 h

Toutes OQTF

Assignation à résidence L731-1

48 h

96 h

15 j

Mise en oeuvre de la décision d'éloignement d'un autre Etat membre

Remise

Pays de renvoi

Assignation à résidence L731-1

Transfert Dublin

Hors AAR L751 et rétention

15 j

15 j

Assignation à résidence L751

48 h

96 h

Contentieux de l'enregistrement de la demande d'asile

Toutes situations

2 mois

(ou référé)

-

Contentieux des CMA

Toutes OQTF

Rétention

48 h

96 h

Urgence

48 h

96 h

Mise en oeuvre de la décision d'éloignement prise par un autre EM

Remise

Pays de renvoi

Transfert Dublin

Refus d'entrée au titre de l'asile

Zone d'attente

72 h

Annexe 3

CHAMP D'APPLICATION DES PROCÉDURES CONTENTIEUSES SPÉCIALES PRÉVUES AU LIVRE IV DU CODE DE L'ENTRÉE ET DU SÉJOUR DES ÉTRANGERS ET DU DROIT D'ASILE

Procédure applicable

Disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rendant la procédure applicable

Objet du recours

Procédure spéciale prévue à l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Article L. 251-7

Recours tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application du chapitre Ier du titre V du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsqu'elle est assortie d'un délai de départ volontaire et que l'étranger n'est pas assigné à résidence ni placé en rétention administrative, ainsi que de l'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagne le cas échéant

Premier alinéa de l'article L. 614-1

Recours tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2°, 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsqu'elle est assortie d'un délai de départ volontaire et que l'étranger n'est pas assigné à résidence ni placé en rétention administrative, ainsi que de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de l'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant

Premier alinéa de l'article L. 721-5

Recours tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi qui vise à exécuter une décision portant obligation de quitter le territoire français ou une interdiction de retour sur le territoire français dont la contestation relève de la procédure prévue à l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Procédure spéciale prévue à l'article L. 921-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Article L. 251-7

Recours tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application du chapitre Ier du titre V du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsqu'elle n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire et que l'étranger n'est pas assigné à résidence ni placé en rétention administrative, ainsi que de l'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagne le cas échéant

Premier alinéa l'article L. 614-1

Recours tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2°, 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsqu'elle n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire et que l'étranger n'est pas assigné à résidence ni placé en rétention administrative, ainsi que de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de l'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant

Premier alinéa de l'article L. 721-5

Recours tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi qui vise à exécuter une décision portant obligation de quitter le territoire français ou une interdiction de retour sur le territoire français dont la contestation relève de la procédure prévue à l'article L. 921-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Procédure spéciale prévue à l'article L. 921-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Article L. 251-7

Recours tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application du chapitre Ier du titre V du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 731-1 du même code, ainsi que de l'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagne le cas échéant

Article L. 555-1

Recours tendant à l'annulation de la décision qui refuse, totalement ou partiellement, au demandeur d'asile le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou qui y met fin, totalement ou partiellement

Article L. 572-4

Sans préjudice des dispositions de l'article L. 352-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, recours tendant à l'annulation de la décision de transfert mentionnée à l'article L. 572-1 du même code, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention administrative

Second alinéa de l'article L. 614-1

Recours tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque l'étranger n'est pas assigné à résidence ni placé en rétention administrative, ainsi que de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de l'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant

Premier alinéa de l'article L. 614-2

Recours tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 731-1 du même code, ainsi que de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de l'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant

Premier alinéa de l'article L. 614-4

Recours tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français édictée en application de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile postérieurement à la décision portant obligation de quitter le territoire français, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention administrative

Premier alinéa de l'article L. 615-2

Recours tendant à l'annulation de la décision prévue à l'article L. 615-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de mettre en oeuvre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire d'un autre Etat, lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 731-1 du même code

Premier alinéa de l'article L. 623-1

Recours tendant à l'annulation de la décision de remise et de l'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagne le cas échéant, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention administrative

Premier alinéa de l'article L. 721-5

Recours tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi qui vise à exécuter une décision portant obligation de quitter le territoire français ou une interdiction de retour sur le territoire français dont la contestation relève de la procédure prévue à l'article L. 921-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Deuxième alinéa de l'article L. 721-5

Recours tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi qui vise à exécuter une peine d'interdiction du territoire français, lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Article L. 732-8

recours tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence prise en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Article L. 752-7

Recours tendant à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à cet article, lorsque l'étranger est assigné à résidence. Le délai pour saisir le tribunal administratif fixé par l'article L. 921-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile court à compter de la notification à l'étranger de la décision d'assignation à résidence

Article L. 753-7

Recours tendant à la suspension de l'exécution de l'éloignement prévue à cet article, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention administrative. Le délai pour saisir le tribunal administratif fixé par l'article L. 921-2 di code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile court à compter de la notification à l'étranger de la décision d'assignation à résidence

Procédure spéciale prévue à l'article L. 921-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Article L. 251-7

Recours tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application du chapitre Ier du titre V du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque l'étranger est placé en rétention administrative, ainsi que de l'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagne le cas échéant

Article L. 352-4

Recours tendant à l'annulation de la décision de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et de la décision de transfert mentionnée à l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui l'accompagne le cas échéant

Article L. 572-4

Sans préjudice des dispositions de l'article L. 352-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, recours tendant à l'annulation de la décision de transfert mentionnée à l'article L. 572-1 du même code, lorsque l'étranger est placé en rétention administrative

Second alinéa de l'article L. 614-2

Recours tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque l'étranger est placé en rétention administrative, ainsi que de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de l'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant

Premier alinéa de l'article L. 614-4

Recours tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français édictée en application de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile postérieurement à la décision portant obligation de quitter le territoire français, lorsque l'étranger est placé en rétention administrative

Second alinéa de l'article L. 615-2

Recours tendant à l'annulation de la décision prévue à l'article L. 615-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de mettre en oeuvre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire d'un autre Etat, lorsque l'étranger est placé en rétention administrative

Second alinéa de l'article L. 623-1

Recours tendant à l'annulation de la décision de remise et de l'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagne le cas échéant, lorsque l'étranger est placé en rétention administrative

Premier alinéa de l'article L. 721-5

Recours tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi qui vise à exécuter une décision portant obligation de quitter le territoire français, une interdiction de retour sur le territoire français, une décision de mise en oeuvre d'une décision prise par un autre Etat ou une interdiction de circulation sur le territoire français dont la contestation relève de la procédure prévue à l'article L. 921-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Deuxième alinéa de l'article L. 721-5

Recours tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi qui vise à exécuter une peine d'interdiction du territoire français, lorsque l'étranger est placé en rétention administrative

Article L. 752-7

Recours tendant à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à cet article, lorsque l'étranger est placé en rétention administrative. Le délai pour saisir le tribunal administratif fixé par l'article L. 921-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile court à compter de la notification à l'étranger de la décision de placement en rétention

Premier alinéa de l'article L. 754-4

Recours tendant à l'annulation de la décision de maintien en rétention prévue à l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de contester les motifs retenus par l'autorité administrative pour estimer que la demande d'asile de l'étranger a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement

CHAPITRE II - CONTENTIEUX JUDICIAIRE

Articles 21 et 24 : Limiter les déplacements au tribunal des étrangers maintenus en zone d'attente ou en rétention administrative 326 ( * )

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Situation de fait

Les étrangers maintenus en zone d'attente ou en rétention administrative dans l'attente de leur éloignement 327 ( * ) sont fréquemment conduits à se présenter devant les autorités juridictionnelles : devant le juge des libertés et de la détention (JLD) s'agissant de leur maintien en zone d'attente ou en rétention, devant le juge administratif lorsqu'ils contestent la légalité de leur obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou du refus d'entrée au titre de l'asile qui a pu leur être opposé.

Les audiences peuvent se tenir, selon le cas, soit au siège du tribunal judiciaire ou du tribunal administratif, soit dans une salle d'audience délocalisée spécialement aménagée à cet effet à proximité de la zone d'attente ou du lieu de rétention, soit encore dans ces deux salles reliées en direct par un moyen de communication audiovisuelle, le magistrat se tenant alors au siège de la juridiction et l'étranger, avec son conseil, dans la salle d'audience délocalisée. Dans ce dernier cas, il est dressé, dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public, un procès-verbal des opérations effectuées.

Des salles d'audience, attribuées au ministère de la justice, ont d'ores et déjà été équipées et spécialement aménagées à Coquelles (Pas-de-Calais), à proximité des deux centres de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), à Marseille-Le Canet (Bouches-du-Rhône), près du centre de rétention et de la zone d'attente, ainsi qu'à Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour la zone d'attente de Roissy 328 ( * ) .

La tenue de l'audience au siège de la juridiction implique le transfert des étrangers au tribunal. Ces déplacements, effectués sous escorte, imposent des charges budgétaires et humaines lourdes. Ces transferts sont coûteux en effectifs de police et augmentent inutilement les risques d'évasion des étrangers en situation irrégulière. Ils constituent par ailleurs un moment pénible pour l'étranger compte tenu de la durée de transport et des situations potentiellement prolongées d'attente sous surveillance policière au siège de la juridiction.

1.1.2. Textes applicables

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régit les modalités de tenue des audiences en matière de droit des étrangers.

Pour la zone d'attente, les articles L. 342-6 et L. 342-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) traitent de l'audience de prolongation du maintien en zone d'attente devant le juge des libertés et de la détention (JLD), tandis que l'article L. 352-5 du même code est relatif au contentieux de la décision de refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile devant le tribunal administratif.

Pour la rétention administrative, l'article L. 614-11 du même code est consacré au contrôle de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire par le président du tribunal administratif, alors que les modalités d'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) sont prévues aux articles L. 743-7 et L. 743-8. Conformément à l'article L. 754-4, ce dispositif s'applique également au contentieux de la décision de maintien de l'étranger qui demande l'asile en rétention prévue à l'article L. 754-1.

Ces dispositions prévoient le principe de la tenue de l'audience au siège du tribunal administratif en ce qui concerne les requêtes devant la juridiction administrative, et la possibilité de statuer dans une salle d'audience, attribuée au ministère de la Justice, spécialement aménagée à proximité de la zone d'attente ou du lieu de rétention. Elles prévoient également la possibilité pour le juge de décider de recourir à l'utilisation de moyens de communication audiovisuelle. En ce qui concerne le contentieux de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'article L. 614-11 du CESEDA, le juge peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu de rétention où est maintenu l'étranger.

En ce qui concerne l'audience devant le tribunal judiciaire, les articles L. 342-6 et L. 743-7 du CESEDA privilégient l'audience délocalisée pour le JLD au cas de maintien de l'étranger en zone d'attente ou en rétention, lorsqu'existe une salle spécialement aménagée, et la possibilité sur proposition de l'autorité administrative dans ce cas de tenir une audience en recourant à des moyens de télécommunication audiovisuelle (L. 342-7 et L. 743-8).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel a déjà jugé que le recours à des salles d'audience spécialement aménagées à proximité immédiate des lieux de rétention ou à des moyens de télécommunication audiovisuelle permettait de limiter des transferts contraires à la dignité des étrangers concernés et répondait à l'objectif de bonne administration de la justice et que, par elle-même, la tenue d'une audience dans une salle à proximité immédiate d'un lieu de rétention n'était contraire à aucun principe constitutionnel 329 ( * ) . Le Conseil constitutionnel a rappelé, plus récemment, qu'en permettant que ces audiences puissent se tenir au moyen d'une communication audiovisuelle, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics 330 ( * ) . Le recours aux moyens de communication audiovisuelle est subordonné à la condition que soit assurée la confidentialité de la transmission entre le tribunal et la salle d'audience délocalisée 331 ( * ) .

En ce qui concerne les audiences se tenant au moyen d'une communication audiovisuelle, le Conseil constitutionnel a censuré dans sa décision n° 2019-802 QPC du 20 septembre 2019 une disposition du code de procédure pénale permettant à l'administration judiciaire de recourir à la « vidéoaudience » sans l'accord d'une personne détenue, dans la mesure où il résultait de ces dispositions qu'une personne placée en détention provisoire pouvait se voir privée, pendant une durée particulièrement longue, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur sa détention provisoire. Cette jurisprudence a été rappelée à l'occasion d'une série de décisions relatives à des mesures prises sous l'empire de l'état d'urgence sanitaire 332 ( * ) , eu égard à l'importance de la garantie qui peut s'attacher à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction pénale.

Cependant, dans le cas du maintien en zone d'attente (où la durée du maintien ne peut excéder 26 jours) ou en rétention administrative des étrangers (où la durée ne peut excéder 90 jours), la situation est différente car la durée de la privation de liberté est significativement moins longue qu'en matière correctionnelle et criminelle. Par ailleurs, dans l'article envisagé, le principe reste bien celui de la comparution physique dans la salle spécialement aménagée, la vidéo-audience demeurant une possibilité ouverte au magistrat.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La tenue d'une audience dans une salle à proximité immédiate d'un lieu de rétention ou d'une zone d'attente est conforme aux principes garantis par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) relatif au droit à un procès équitable lequel suppose l'impartialité et l'indépendance du tribunal.

A cet égard, la Cour européenne des droits de l'homme a développé une jurisprudence exigeante sur le respect du principe « d'apparence de la justice », indépendamment de l'appréciation relative à l'objectivité du tribunal. Elle s'attache ainsi très concrètement aux éléments extérieurs : situation et configuration des salles d'audiences, éléments d'identification des juges, présence éventuelle à l'audience des représentants et personnels de l'Etat.

Dans l'arrêt Kress c/ France du 7 juin 2001, n° 39594/98, la Cour a retenu la violation de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention, après avoir relevé une atteinte à l'image d'impartialité de la juridiction administrative française, du fait de la présence au délibéré du rapporteur public, anciennement connu sous l'appellation de commissaire du gouvernement, dont la requérante pouvait croire à la partialité. La Cour prend également en compte la question de différenciation et de distanciation du tribunal : dans l'arrêt Weeks c/ Royaume-Uni du 2 mars 1987, n° 9787/82, elle a ainsi retenu la notion d'apparence de l'indépendance de la justice, notamment pour les personnes dont est examinée la liberté333 ( * ).

Le principe d'indépendance de la justice implique que les salles d'audiences aménagées pour les lieux de rétention et les zones d'attente soient situées à l'extérieur de ces lieux, et non en leur sein, et soient attribuées au ministère de la justice et non au ministère de l'intérieur. Le juge doit pouvoir statuer publiquement, ce qui implique la possibilité d'accueillir du public à l'intérieur de la salle. Ces exigences impliquent également, pour garantir l'indépendance du juge, que l'accès à la salle d'audience soit autonome par rapport au lieu de rétention ou la zone d'attente, et dispose donc d'une entrée séparée, et qu'il ne contraigne ni le juge ni le public ni les parties à l'instance, à traverser des locaux non accessibles au public. Les droits de la défense doivent pouvoir s'exercer effectivement, avec la possibilité de disposer de locaux garantissant la confidentialité des entretiens.

Ces exigences sont régulièrement rappelées par les juridictions nationales qui précisent les conditions d'aménagement de ces salles d'audiences attribuées au ministère de la justice. Le Conseil d'Etat a souligné, dans sa décision n° 335532 du 18 novembre 2011 334 ( * ) , l'exigence d'aménagement de ces salles d'audience afin de permettre au juge de statuer publiquement, dans le respect de l'indépendance des magistrats et de la liberté des parties. De même, la Cour de cassation a rappelé que l'aménagement de ces salles d'audience doit garantir la clarté, la sécurité, la sincérité et la publicité des débats 335 ( * ) .

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Aucun élément de comparaison avec les autres Etats membres de l'Union européenne.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

La limitation des transferts des étrangers en situation irrégulière au tribunal constitue un objectif prioritaire depuis de nombreuses années.

A cette fin, la loi n° 2003-119 du 26 novembre 2003 a permis d'organiser des audiences du juge des libertés et de la détention dans des salles spécialement aménagées. Cette possibilité n'a été étendue au juge administratif que par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 , sans toutefois établir de priorité en faveur de l'audience délocalisée, à la différence du dispositif prévu pour le juge des libertés et de la détention (JLD).

Par ailleurs, la loi précitée du 26 novembre 2003 a ouvert au JLD le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle. Le recours aux moyens de communication audiovisuelle a été étendu au juge administratif pour le contentieux des refus d'entrée au titre de l'asile par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 et pour le contentieux de l'obligation de quitter le territoire français au cas de rétention administrative par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 . La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 a ensuite supprimé l'obligation de consentement de l'étranger pour le recours à la vidéo-audience. Pour autant aujourd'hui, cette faculté n'est ouverte au JLD que sur proposition de l'autorité administrative.

La présente disposition entend consacrer définitivement le principe selon lequel la tenue d'audience dans les salles spécialement aménagées, y compris pour les juridictions administratives, et le cas échéant en recourant à des moyens de télécommunication audiovisuelle, doit être privilégiée à l'organisation d'audiences au siège du tribunal administratif ou judiciaire.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ENVISAGÉE

Aucune autre option que celle retenue n'a été envisagée.

3.2. OPTION RETENUE

La présente disposition prévoit d'appliquer aux juridictions administratives le principe déjà existant pour le juge des libertés et de la détention, de l'audience dans la salle spécialement aménagée à cet effet à proximité du lieu de rétention ou de la zone d'attente. Les régimes applicables aux deux juridictions sont harmonisés et le juge pourra, s'il le souhaite, siéger au tribunal mais il sera alors recouru à la vidéoaudience, sans que cette option n'ait à être proposée par l'autorité administrative (alors que cette initiative est nécessaire actuellement pour recourir à la vidéoaudience devant le JLD). Ce n'est qu'en l'absence de salle aménagée ou en cas d'indisponibilité de cette salle que l'audience se tiendra au siège du tribunal.

Les modalités de recours à la vidéoaudience devant le juge administratif sont précisées. Afin de garantir les droits de l'étranger, son conseil pourra, comme d'ailleurs le représentant de l'administration, assister à l'audience dans l'une ou l'autre salle ; il pourra s'entretenir avec son client de manière confidentielle. L'interprète mis à disposition de l'étranger est présent dans la salle d'audience où ce dernier se trouve. Toutefois, en cas de difficulté pour obtenir le concours d'un interprète qualifié présent physiquement auprès de l'étranger, l'audience peut se tenir dès lors qu'un tel interprète est présent dans la salle où siège le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné ou dans toute autre salle d'audience. Comme pour les audiences du juge des libertés et de la détention, les opérations effectuées donnent lieu à l'établissement d'un procès-verbal dans chacune des salles d'audience.

S'agissant du contentieux de la décision portant obligation de quitter le territoire français lorsque l'étranger est maintenu en rétention administrative, le projet de loi préserve la possibilité, pour le juge, de se déplacer au siège du tribunal le plus proche du lieu de rétention. Cette option, qui permet de rapprocher l'audience du lieu de rétention, doit être maintenue et privilégiée à la tenue de l'audience au tribunal administratif. Elle est étendue au contentieux de la décision de refus d'entrée au titre de l'asile.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

En favorisant la tenue des audiences dans des salles spécialement aménagées permettant de limiter les déplacements des étrangers, le présent dispositif satisfait à l'objectif de bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics encore rappelé par le Conseil constitutionnel en 2018 336 ( * ) .

La modification envisagée est sans incidence sur le respect de l'ensemble des garanties tenant à la tenue d'une audience respectueuse d'un procès équitable. Le principe reste bien celui de la comparution physique dans la salle spécialement aménagée, la vidéo-audience demeurant une possibilité ouverte au magistrat.

Aux termes de l'article 21, les modalités d'audience du juge administratif sont précisées dans un nouvel article L. 922-3 du CESEDA, applicable au cas de maintien de l'étranger en zone d'attente ou en rétention administrative. Ces dispositions se substituent, dans le cadre de la simplification du contentieux des étrangers portée par les articles 21 à 23, aux actuels articles L. 352-5, relatif au contentieux de la décision de refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile, et L. 614-11, consacré au contrôle de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire lorsque l'étranger est maintenu en rétention administrative.

Aux termes de l'article 24, sont modifiés les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs à l'audience du juge des libertés et de la détention :

? L. 342-6 et L. 342-7 relatifs à l'audience de prolongation du maintien en zone d'attente ;

? L. 342-15 ;

? L. 743-7 et L. 743-8 fixant les conditions de tenue de l'audience lorsque l'étranger est en rétention.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Aucune.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Limitation des coûts résultant des escortes

La présentation des personnes maintenues en zone d'attente ou en rétention administrative devant le juge à la salle d'audience délocalisée ne génère en coût que la charge des escortes - limitée à de très courts déplacements -, à l'inverse des présentations au siège du tribunal qui induisent en outre des frais de transport (cf. point 1.1.1 supra ).

Selon une évaluation menée à propos de la salle d'audience aménagée à proximité immédiate du centre de rétention administrative de Coquelles (Pas-de-Calais), le coût par retenu escorté a été au premier semestre 2017 de 171,80 € en cas d'audience délocalisée et de 251,41 € en cas de conduite de l'étranger au tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, soit un surcoût de 46,34 % en cas de présentation au tribunal. Si l'on considère que 2 093 étrangers ont été placés au centre de rétention de Coquelles pendant cette période, le surcoût lié aux transferts au tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en vue de la présentation aux seules audiences du juge des libertés et de la détention aux fins de première prolongation de la rétention peut être estimé à 16 623,73 € pour le seul centre de rétention de Coquelles au premier semestre 2017 337 ( * ) .

Par ailleurs, ouvrir au président du tribunal administratif la possibilité de siéger au tribunal judiciaire le plus proche de la zone d'attente (voire du lieu de rétention administrative), permet de limiter la durée des transferts des étrangers en tirant parti du maillage territorial des 164 tribunaux judiciaires, contre 42 tribunaux administratifs. Compte tenu des contraintes des tribunaux judiciaires, il ne s'agit naturellement pas de généraliser ce dispositif, mais simplement de pouvoir en faire usage au cas par cas si les circonstances l'exigent. A titre d'exemple, ce dispositif permettrait, au cas de débarquement d'un nombre important d'étrangers sur une plage des Pyrénées-Orientales, de tenir l'audience localement au tribunal judiciaire de Perpignan, plutôt que d'effectuer des transferts au tribunal administratif de Montpellier à plus de 150 kilomètres de là.

4.2.2. Aménagements immobiliers

La mesure portée par la disposition est déjà anticipée par l'administration qui prend en compte la nécessité d'aménager des salles d'audiences adaptées à proximité des lieux de rétention et dans les zones d'attente.

A titre d'exemple, dans le cadre de la création du nouveau centre de rétention administrative (CRA) de Bordeaux (Gironde), une salle de vidéo-audience est prévue. Dans le cadre de la construction d'un CRA à Olivet (Loiret), une salle dédiée aux vidéo-audiences est également prévue

Enfin, à Lyon, un projet de construction d'un bâtiment de 340 m 2 accueillant quatre salles d'audience pour les CRA de Lyon 1 et 2 (280 retenus), au profit du tribunal judiciaire, de la cour d'appel et du tribunal administratif, est en cours de livraison (prévue pour 2024) et est estimé à 2,5 M€ TTC.

L'assurance de la tenue des audiences dans les salles délocalisées, garantie par la loi, doit permettre à l'administration d'accélérer le calendrier d'équipement des zones d'attente et des centres de rétention administrative.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Le renforcement du principe du recours à la vidéo-audience et la délocalisation des salles d'audience à proximité des centres de rétention administrative et des zones d'attente permettent, pour la police aux frontières, des gains en effectifs générés par la dispense de transports et donc un réemploi sur d'autres missions. Par ailleurs, elle réduit le risque d'évasion de l'étranger à l'occasion du transfert au tribunal.

La présente disposition est sans impact sur les règles de compétence territoriale, y compris celle prévue à l'article R. 743-1 du CESEDA qui donne compétence au juge des libertés et de la détention de Paris pour statuer sur le maintien en rétention de l'étranger condamné à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou faisant l'objet d'une décision d'expulsion en raison d'un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées.

4.4. IMPACTS SOCIAUX

4.4.1. Impacts sur la société

Néant.

4.4.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.4.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.4.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.4.5. Impacts sur les professions réglementées

La tenue des audiences dans une salle spécialement aménagée à proximité de la zone d'attente ou du lieu de rétention, ou encore dans des locaux affectés à un usage juridictionnel judiciaire proches de l'endroit où se trouve l'étranger placé ou maintenu en rétention ou en zone d'attente, ne fait pas obstacle à l'assistance des intéressés par leur conseil, y compris lorsqu'il est recouru à des moyens de communication audiovisuelle.

4.5. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La modification envisagée est sans incidence sur le respect de l'ensemble des garanties tenant à la tenue d'une audience respectueuse d'un procès équitable dont le Conseil constitutionnel a d'ores et déjà reconnu le caractère suffisant dans la législation en vigueur.

La limitation des transferts au siège des juridictions évite à l'étranger des déplacements pénibles et des heures d'attente dans les juridictions. L'absence ou, à tout le moins, la réduction du temps de transport offre à l'étranger des horaires de réveil beaucoup moins matinaux et lui permet de prendre un repas chaud lors des suspensions d'audience et de pouvoir rejoindre très rapidement sa chambre ou les zones de vie du lieu de rétention ou de la zone d'attente après l'audience. Il s'agit donc bien d'améliorer parallèlement les conditions de vie de l'étranger maintenu en zone d'attente ou en rétention.

4.6. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

La diminution des transferts des étrangers de la zone d'attente ou du lieu de rétention vers le tribunal administratif ou judiciaire ne sera pas compensée par le déplacement d'un greffier ou du juge du tribunal vers la salle d'audience délocalisée. Elle peut ainsi contribuer à limiter les transferts en véhicule motorisé.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Les dispositions relatives à la procédure contentieuse devant le tribunal administratif, au titre de leurs impacts sur l'organisation et le fonctionnement de la juridiction administrative, ont été, conformément au dernier alinéa de l'article L. 232-3 du code de justice administrative, soumises à l'avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le 17 janvier 2023.

En application de l'article 3 du décret n° 2022-596 du 21 avril 2022, le comité spécial d'administration des greffes des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel a également été consulté, parce que cette réforme a un impact sur les greffes, le 18 janvier 2023.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Conformément à l'article 27 du présent projet de loi, les dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, au premier jour du septième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel de la République française. Elles s'appliqueront aux audiences se tenant à compter du lendemain de cette entrée en vigueur.

5.2.2. Application dans l'espace

Le présent texte a vocation à s'appliquer, à terme, sur l'ensemble du territoire de la République, à l'exception des Terres australes et antarctiques françaises.

Il entrera en vigueur en métropole dans les conditions prévues au point 5.2.1 supra .

Les conditions de son application Outre-mer seront prévues par voie d'ordonnance, conformément à l'article 26 du présent projet de loi.

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Aucun texte d'application n'est requis pour la mise en oeuvre des dispositions envisagées. Les instructions utiles seront adressées aux services concernés.

Article 25 : Porter le délai de jugement de la requête aux fins de maintien en zone d'attente de 24h à 48h en cas de placement simultané dans une même zone d'un nombre important d'étrangers

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Situation de fait

L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne, et qui ne remplit pas les conditions d'entrée en France définies aux articles L. 311-1 et L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), peut, en application de l'article L. 341-1 ou, s'il demande l'asile, L. 351-1 du même code, être placé en zone d'attente. Cette zone, délimitée par le préfet territorialement compétent, s'étend des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes. Elle peut inclure, sur l'emprise, ou à proximité, de la gare, du port ou de l'aéroport ou à proximité du lieu de débarquement, un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier 338 ( * ) .

L'étranger peut y être placé pour une durée qui ne peut excéder quatre jours, à l'issue de laquelle son maintien peut être ordonné par le juge des libertés et de la détention (JLD) pour une période de huit jours renouvelable une fois 339 ( * ) . Saisi à cette fin par le préfet, le JLD dispose de 24 heures pour statuer à compter de sa saisine.

Tableau 1 :

Nombre de décisions de refus d'entrée et de placement en zone d'attente aux frontières extérieures, et de placement en zone d'attente notifiées aux frontières extérieures

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022*

Refus d'entrée

11 004

11 568

11 170

10 921

8 641

10 301

9 638

9 995

3 155

4 139

7 988

Réacheminements

5 410

5 830

5 788

5 994

5 012

6 026

6 167

6 632

2337

2 833

5 567

Placement en ZA

8 705

9 040

8 784

8 689

8 196

9 450

9 425

10 153

4 979

4 926

6 244

* Sur les 11 premiers mois de 2022.

Source : DCPAF (métropole)

Pendant toute la durée de maintien en zone d'attente, l'étranger est hébergé et nourri à titre gratuit. Il est soigné gratuitement. Il a le droit de communiquer avec un avocat ou toute personne de son choix, de demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin. Il est également informé des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Il peut à tout moment quitter la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend (article L. 343-1 du CESEDA).

Dans tous les cas, une décision de placement en zone d'attente restreint la liberté des étrangers concernés et impose une intervention du juge judiciaire. Or, le délai d'intervention du juge judiciaire prescrit par la loi s'avère parfois insuffisant. En témoigne l'arrivée du navire Ocean Viking à Toulon le 11 novembre 2022, où le juge des libertés et de la détention (JLD) a eu à connaître de dizaines de situations en un temps très bref. Les requêtes aux fins de maintien n'ont pu être traitées par les juges dans les 24 heures prescrites par la loi. Par suite, la plupart des étrangers en situation irrégulière qui avaient été placés en zone d'attente et n'avaient pas reçu de visa de régularisation après premier examen de leur situation par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ont été remis en liberté.

Or, ce n'est pas la première fois que la France est confrontée à une situation d'arrivée massive d'étrangers en situation irrégulière, notamment par voie maritime, à l'exemple du 17 février 2001 lorsque l'East Sea s'était échoué sur les côtes varoises, ou encore du débarquement sur une plage de Corse-du-Sud de 124 étrangers en situation irrégulière le 22 janvier 2010. Ce dernier précédent avait justifié une évolution législative en 2011 (cf. point 1.1.2 infra ) pour organiser la création de zone d'attente ad hoc lorsqu'un groupe d'au moins dix étrangers arrive en France en dehors d'un point de passage frontalier 340 ( * ) : dans ce cas, l'autorité administrative peut créer une zone d'attente même en cas de découverte des intéressés hors d'un point de passage frontalier ; la zone d'attente s'étend alors de ce lieu jusqu'au point de passage frontalier le plus proche (quatrième alinéa de l'article L. 341-6 du CESEDA).

1.1.2. Cadre législatif et réglementaire applicable en la matière

L'étranger ne remplissant pas les conditions pour entrer en France définies aux articles L. 311-1 et L. 311-2 du CESEDA, fait l'objet d'une décision de refus d'entrée, en application de l'article L. 332-1 du même code et est placé en zone d'attente par le garde-frontières 341 ( * ) en vue de son réacheminement, en vertu de l'article L. 341-1, pendant le temps strictement nécessaire à son départ.

Dans l'hypothèse où l'étranger présente une demande d'asile, il est placé en zone d'attente pour laisser le temps à l'administration de la traiter et notamment à l'OFPRA d'intervenir 342 ( * ) . L'OFPRA dispose ensuite de deux jours ouvrés à compter de la demande d'asile pour donner son avis (article R. 351-4) et à l'issue de cette procédure, si la demande d'asile est, au sens de l'article L. 351-1, manifestement infondée, irrecevable ou relevant de la compétence d'un autre Etat membre, elle est rejetée et accompagnée d'une décision de refus d'entrée au titre de l'asile, en application de l'article L. 352-1. Le demandeur d'asile débouté est alors maintenu en zone d'attente et relève ensuite du régime juridique de droit commun.

Aux termes de l'article L. 341-5 du CESEDA, les locaux de la zone d'attente ne relèvent pas de l'administration pénitentiaire. L'étranger a la possibilité d'en sortir à tout moment à condition que sa sortie n'ait pas pour effet de faire échec à la décision de refus d'entrée prise conformément à l'article 14 du code frontières Schengen 343 ( * ) ou de l'article L. 332-1 du CESEDA.

Toutefois, une décision de placement en zone d'attente par l'autorité administrative a pour effet de restreindre la liberté d'aller et venir, et implique donc, à l'issue d'un délai de quatre jours, l'intervention du JLD statuant sur l'exercice effectif des droits reconnus à l'étranger et autorisant ou non le maintien en zone d'attente pour une période qui ne peut être supérieure à huit jours, en application de l'article L. 342-1 du CESEDA.

En application de l'article L. 342-5 du CESEDA, le juge doit alors statuer dans les 24 heures de sa saisine, ou, lorsque les nécessités de l'instruction l'imposent, en 48 heures 344 ( * ) .

Passé le délai supplémentaire de huit jours, la décision de maintien en zone d'attente peut être renouvelée pour une période supplémentaire de huit jours aux termes de l'article L. 342-4 dans les cas où l'étranger a fait délibérément échec à son réacheminement. La durée totale de maintien en zone d'attente ne peut excéder 20 jours, ou 26 jours en cas de demande d'asile tardive dans les six jours précédant le 20 e jour.

En application de l'article L. 341-2 du CESEDA, le procureur de la République est informé sans délai de tout placement en zone d'attente.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'article 66 de la Constitution dispose que l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Cela implique l'intervention du juge judiciaire dès lors qu'une mesure administrative a pour effet une privation de liberté au-delà d'une certaine durée.

Le Conseil constitutionnel a déjà confirmé la nécessité de l'intervention du juge judiciaire pendant la procédure de la zone d'attente.

En effet, s'il reconnaît 345 ( * ) que le placement en zone de transit (ou d'attente) « n'entraîne pas à l'encontre de l'[étranger] un degré de contrainte sur sa personne comparable à celui qui résulterait de son placement dans un centre de rétention », car l'étranger est libre à tout moment de quitter la zone d'attente à condition que sa sortie n'ait pas pour effet de le faire entrer sur le territoire français, le Conseil constitutionnel considère néanmoins que « le maintien d'un étranger en zone de transit, en raison de l'effet conjugué du degré de contrainte qu'il revêt et de sa durée a pour conséquence d'affecter la liberté individuelle de la personne qui en fait l'objet au sens de l'article 66 de la Constitution ». Ainsi, il censure une disposition « conférant à l'autorité administrative le pouvoir de maintenir durablement un étranger en zone de transit, sans réserver la possibilité pour l'autorité judiciaire d'intervenir dans les meilleurs délais ».

De même, le Conseil constitutionnel censure une disposition prévoyant qu'une personne sous le coup d'une mesure d'expulsion « peut être maintenue en détention pendant sept jours sans qu'un juge ait à intervenir, de plein droit ou à la demande de l'intéressé » 346 ( * ) .

En revanche, le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision du 9 juin 2011 347 ( * ) que l'intervention du juge judiciaire, pour la prolongation de la rétention, au bout d'un délai de cinq jours prévu par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 susmentionnée, était conforme à la Constitution, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, qui est un objectif à valeur constitutionnelle, et du partage de la compétence entre les deux ordres juridictionnels. Le Conseil constitutionnel estime que le législateur a eu pour but de permettre un traitement plus efficace des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière et laissé le temps à l'administration de procéder aux investigations nécessaires, notamment dans le cas de demande d'asile à la frontière.

Enfin, en dernier lieu, le Conseil constitutionnel, à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité 348 ( * ) , a confirmé le dispositif actuel : l'article L. 222-1 du CESEDA, aujourd'hui devenu l'article L. 342-1, qui prévoit l'intervention du JLD à l'issue d'un délai de quatre jours, a été déclaré conforme à la Constitution.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne impose un droit au recours effectif et l'accès à un tribunal impartial.

L'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme prévoit également l'obligation pour les Etats d'assurer un droit au recours effectif.

La directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 349 ( * ) , dite directive « retour », prévoit également, en son article 13, que les ressortissants de pays tiers doivent disposer d'une voie de recours effective devant une autorité administrative ou judiciaire impartiale pour contester les décisions qui lui sont imposées dans la mise en oeuvre de ladite directive.

En l'espèce, les étrangers placés en zone d'attente disposent de voies de recours, tant devant le juge administratif que devant le juge judiciaire. Ainsi, ils peuvent contester sous 48 heures le refus d'entrée au titre de l'asile devant le président du tribunal administratif, qui se prononcera sous 72 heures (article L. 352-4 du CESEDA). Le référé liberté (article L. 521-2 du code de justice administrative) est également possible 350 ( * ) .

En l'absence de délai précisé par le droit européen, les modalités d'intervention du juge dans le dispositif actuel sont conformes au regard de l'effectivité du droit au recours.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Aucun élément de comparaison avec les autres Etats membres de l'Union européenne.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'interpellation simultanée d'un grand nombre d'étrangers en situation irrégulière implique nécessairement diverses contraintes opérationnelles. Elle requiert des effectifs importants (tant pour les forces de sécurité intérieure et les services administratifs que pour l'autorité judiciaire et les différents acteurs de la procédure tels que les avocats, les interprètes et les représentants d'associations ayant pour mission d'assister les étrangers), des moyens adaptés (transport et hébergement par exemple) et le temps nécessaire pour mener à bien la procédure dans le respect du droit.

La prise en compte de ces contraintes opérationnelles existe déjà dans notre droit. L'article L. 743-9 du CESEDA prévoit ainsi que le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au « placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers » pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de ses droits à l'étranger par l'autorité administrative.

Il en est de même à l'article L. 341-6 où la création d'une zone d'attente ad hoc est justifiée en cas d'arrivée en France d'un groupe d'au moins dix étrangers en dehors d'un point de passage frontalier. En outre, l'article L. 343-1 autorise l'autorité administrative à une plus grande souplesse organisationnelle en cas de placement simultané en zone d'attente d'un nombre important d'étranger impliquant d'effectuer la notification des droits dans les meilleurs délais, en fonction du nombre d'agents et d'interprètes disponibles.

De surcroit, comme indiqué supra (cf. 1.1.2), le législateur avait prévu, dès 2011, que le juge judiciaire devait pouvoir disposer d'un délai plus long - 48 heures - pour statuer lorsque les nécessités de l'instruction l'imposent.

Toutefois, dans le cas de l' Ocean Viking , le juge des libertés et de la détention a estimé que la dérogation de 48 heures prévue par le CESEDA « pour les nécessités de l'instruction » devait s'apprécier au cas par cas et ne pouvait résulter d'un contexte extérieur au dossier. En cas d'arrivée massive d'étrangers, le juge des libertés et de la détention ne peut utiliser ce délai supplémentaire et doit statuer en 24 heures. Cette interprétation, confirmée en appel 351 ( * ) , a donc conduit à libérer une grande majorité des étrangers retenus dans la zone d'attente temporaire de Toulon, puisque le juge n'a pu statuer dans le délai. Le maintien en zone d'attente n'ayant pu être prolongé, les intéressés sont entrés sur le territoire alors qu'ils ne remplissaient pas les conditions pour le faire.

Le délai ouvert au juge pour se prononcer étant apparu insuffisant dans ce type de circonstances, le présent article propose donc de le modifier. C'est à cette fin que la présente disposition vise à modifier l'article L. 342-5 du CESEDA.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le présent article entend permettre au juge de statuer également dans le délai de 48 heures pour les cas où le nombre d'étrangers placés simultanément en zone d'attente est trop important pour le faire en 24 heures en élargissant la notion de nécessités de l'instruction à celles de contraintes du service juridictionnel, qui résultent du placement en zone d'attente d'un nombre important d'étrangers.

Le gouvernement entend inscrire la mesure législative envisagée dans cet objectif d'amélioration continue et de réponse à ces situations critiques de manière pragmatique, permettant ainsi de mieux anticiper le risque de réitération d'arrivées massives d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire national, en particulier par la voie maritime.

La loi doit en effet pouvoir prendre en compte les contraintes pesant sur l'organisation du service de la justice, en rendant possible l'application d'un délai de jugement adapté à des circonstances spécifiques résultant du placement d'un nombre important d'étrangers en zone d'attente. Cette disposition permettra d'accorder au service de la justice, au même titre qu'à l'administration, une plus grande souplesse organisationnelle en cas de circonstances exceptionnelles.

Les finalités ultimes sont celles, de manière générale, des dispositions prévues par la législation relative au placement d'étrangers en zone d'attente, dont l'utilité est réelle s'agissant de la poursuite de l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre l'immigration irrégulière 352 ( * ) .

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Il a été envisagé d'étendre le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention à 48 heures dans tous les cas. Toutefois, il n'est pas apparu nécessaire de modifier le délai d'intervention du juge lorsque les circonstances ne l'exigent pas, s'agissant d'une mesure privative de liberté.

3.2. OPTION RETENUE

L'option retenue consiste à donner au juge judiciaire un délai de 48 heures en cas d'arrivée d'un groupe d'étrangers de taille importante. Ainsi, dans cette hypothèse, l'audience du juge des libertés et de la détention interviendra au sixième jour suivant le placement en zone d'attente de l'étranger.

Cette option concilie l'impératif d'intervention du juge judiciaire en tant que gardien de la liberté individuelle et les contraintes d'organisation dues à la survenance de circonstances exceptionnelles.

L'office du JLD est également explicité et encadré, afin qu'il tienne compte des circonstances particulières liées notamment au placement en zone d'attente simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La section 2 du chapitre II du titre IV du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relative au jugement de la requête aux fins de maintien en zone d'attente, est modifiée pour tenir compte de l'arrivée d'un grand nombre d'étrangers.

A l'article L. 342-5, la dérogation au délai de jugement de 24 heures, porté à 48 heures lorsque les nécessités de l'instruction l'imposent, est étendue aux contraintes du service juridictionnel au cas de placement en zone d'attente simultané d'un nombre important d'étrangers.

D'autre part, il est créé un nouvel article L. 342-7-1 explicitant l'office du juge des libertés et de la détention afin qu'il tienne compte des circonstances particulières liées notamment au placement en zone d'attente simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Comme indiqué supra (cf. 1.3), en l'absence de délai précisé par le droit européen, les modalités d'intervention du juge dans le dispositif actuel sont conformes au regard du droit au recours effectif reconnu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou bien encore par la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susmentionnée.

Par ailleurs, ouvrir au juge des libertés et de la détention un délai suffisant pour examiner la requête de l'autorité administrative aux fins de prolongation du maintien en zone d'attente évitera l'accès au territoire d'étrangers ne remplissant les conditions requises pour y entrer. Le présent texte participera ainsi à la bonne application de l'acquis de Schengen.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La présente mesure permettra aux services judiciaires - juge des libertés et de la détention et greffe du tribunal judiciaire - de bénéficier de 24 heures supplémentaires pour examiner les demandes de maintien en zone d'attente présentées par l'autorité administrative et organiser les audiences, pour les cas d'arrivée importante d'étrangers sur le territoire français.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.4. Impacts sur les professions réglementées

Dans le contexte particulier où un grand nombre d'étrangers est placé en zone d'attente simultanément, la présente mesure permettra aux avocats de bénéficier de 24 heures supplémentaires pour prendre connaissance du dossier des étrangers dont le maintien en zone d'attente a été demandé par l'autorité préfectorale et assurer leur représentation devant le juge des libertés et de la détention.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Le dispositif proposé pourra conduire au maintien en zone d'attente d'un étranger pendant 24 heures supplémentaires, dans l'attente de la décision du juge des libertés et de la détention. Pour autant, la saisine du juge ne sera pas retardée et celui-ci pourra, s'il constate une irrégularité, mettre fin au maintien sans attendre l'expiration du délai qui lui est ouvert pour statuer.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions du présent article entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Le présent texte s'appliquera sur l'ensemble du territoire de la République, à l'exception des Terres australes et antarctiques françaises.

Il entrera en vigueur en métropole dans les conditions prévues au point 5.2.1 supra .

Les conditions de son application Outre-mer seront prévues par voie d'ordonnance, conformément à l'article 26 du présent projet de loi.

Conformément aux articles 26 et 27 du présent projet de loi, ces dispositions ne s'appliqueront dans les territoires d'Outre-mer qu'à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois après la publication de la loi.

5.2.3. Textes d'application

Le présent article n'appelle pas de texte d'application ni de modification de la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

TITRE VI - DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Article 26 : Habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter les dispositions du projet de loi à l'Outre-mer

1. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les dispositions prévues par le projet de loi ont vocation à être appliquées sur l'ensemble du territoire, y compris dans les Outre-mer.

La Constitution opère une distinction entre les différentes collectivités d'Outre-mer :

? les collectivités soumises au principe d'identité législative (collectivités de l'article 73, ainsi que certaines collectivités relevant de l'article 74). Dans ces collectivités, les lois et règlements sont applicables de plein droit, sous réserve d'adaptation ;

? les collectivités soumises au principe de spécialité législative (autres collectivités de l'article 74, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises). Dans ces collectivités, dans les matières pour lesquelles l'Etat demeure compétent, les lois et règlements n'y sont applicables que sur mention expresse d'application, sous réserve d'adaptation. Les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, régies par l'article 74 de la Constitution, sont soumises au principe de spécialité législative en matière d'entrée et de séjour des étrangers et de droit d'asile par dérogation au principe d'identité législative, en vertu des articles LO. 6213-1 et LO. 6313-1 du code général des collectivités territoriales. D'autres matières, déterminées par les dispositions des statuts des collectivités, y sont applicables de plein droit, telles que la procédure administrative contentieuse, hormis dans les îles Wallis-et-Futuna.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les extensions et adaptations des dispositions applicables en Outre-mer sont opérées par un texte de même niveau normatif que les dispositions applicables en métropole.

Dans ce cadre, soit le projet de loi prévoit lui-même les extensions et adaptations nécessaires pour son application dans les Outre-mer, soit ces extensions et adaptations sont opérées ultérieurement par le Gouvernement par le mécanisme des ordonnances.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est l'application des dispositions de ce projet de loi sur l'ensemble du territoire de la République. Ce projet de loi impacte des textes ou codes pour lesquels il a été décidé de différer l'extension et les adaptations éventuelles : code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, code de la construction et de l'habitation, code de commerce, code du travail, code de la santé publique, code pénal, code de procédure pénale, code de la juridiction administrative. Ces extensions interviendront dans le respect des compétences des collectivités.

3. OPTION ENVISAGÉE ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION EXCLUE : LE RECOURS AUX ORDONNANCES DE L'ARTICLE 74-1 DE LA CONSTITUTION

L'article 74-1 prévoit une habilitation permanente du Gouvernement à étendre et adapter des dispositions législatives dans les collectivités de l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

Dans ce cadre, les collectivités de l'article 73 de la Constitution et les Terres australes et antarctiques françaises se trouvent exclues de ce dispositif, ce qui restreint le champ d'application de cette procédure.

Par ailleurs, l'article 74-1 oblige à une ratification de l'ordonnance dans un délai de 18 mois suivant sa publication, sans laquelle l'ordonnance devient caduque.

3.2. DISPOSITIF RETENU : LE RECOURS AUX ORDONNANCES DE L'ARTICLE 38 DE LA CONSTITUTION

Contrairement aux ordonnances de l'article 74-1, le recours aux ordonnances de l'article 38 peut concerner les collectivités de l'article 73 de la Constitution.

En outre, la caducité peut ici être écartée plus facilement : l'article 38 de la Constitution prévoit que celle-ci est écartée dès lors que le projet de loi de ratification de l'ordonnance est déposé au Parlement avant le terme du délai fixé par la loi d'habilitation.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure, à vocation d'extension et d'adaptation des dispositions de la loi, sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Concernant l'habilitation donné au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures prévues au présent article, un délai d'habilitation de dix-huit mois est nécessaire compte tenu de la concertation nécessaire avec les collectivités concernées et de la technicité des dispositions à prendre.

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

6. CONSULTATIONS

Aucune consultation n'est statutairement requise.

ANNEXES

Chiffres publiés sur l'immigration

1° Rubrique Visa

2° Le séjour

3° L'asile

4° L'éloignement

5° L'accès à la nationalité française

Tableau comparatif « Code modifié - Règlement UE 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) et modifiant les règlements (UE) n° 1077/2011, (UE) n° 515/2014, (UE) n° 2016/399, (UE) n° 2016/1624 et (UE) n° 2017/2226 »

Tableau Code modifié - Règlement

Projet de texte

Version consolidée

Règlement

Commentaires

Partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Article 16 du projet de loi

[Étendre l'obligation de contrôle documentaire des transporteurs au contexte nouveau né de l'entrée en vigueur prochaine de l'autorisation de voyage prévue par le règlement UE 2018/1240 ainsi que les modalités de sanction de son manquement par amende administrative]

La sous-section 1 du chapitre I er du titre II du livre VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifiée :

1° Aux deux premiers alinéas de l'article L. 821-6 et au second alinéa de l'article L. 821-7, après les mots : « du visa », sont insérés les mots : « ou de l'autorisation de voyage » ;

2° L'article L. 821-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aux fins du respect des obligations qui leur incombent au titre de l'article 26, paragraphe 1, point b, de ladite convention, les transporteurs utilisent le service internet mentionné à l'article 13 du règlement (UE) 2017/2226 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 portant création d'un système d'entrée/de sortie (EES) et à l'article 45 du règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS), afin d'effectuer les vérifications nécessaires ».

Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Article L. 821-6 - Est passible d'une amende administrative de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien, maritime ou routier qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un État qui n'est pas partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa ou de l'autorisation de voyage requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité.

Est passible de la même amende l'entreprise de transport aérien, maritime ou routier qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse démuni du document de voyage ou du visa ou de l'autorisation de voyage requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination.

Aux fins du respect des obligations qui leur incombent au titre de l'article 26, paragraphe 1, point b, de ladite convention, les transporteurs utilisent le service internet mentionné à l'article 13 du règlement (UE) 2017/2226 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 portant création d'un système d'entrée/de sortie (EES) et à l'article 45 du règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS), afin d'effectuer les vérifications nécessaires

Article 15

Modalités pratiques de l'introduction d'une demande

1.   Les demandeurs introduisent une demande en remplissant le formulaire de demande en ligne via le site internet public prévu à cet effet ou via l'application pour appareils mobiles, dans un délai suffisant avant tout voyage envisagé ou, lorsqu'ils se trouvent déjà sur le territoire des États membres, avant l'expiration de l'autorisation de voyage dont ils sont munis.

2.   Les titulaires d'une autorisation de voyage peuvent introduire une demande en vue d'une nouvelle autorisation de voyage à partir de 120 jours avant l'expiration de l'autorisation de voyage.

Le système central ETIAS informe automatiquement le titulaire de cette autorisation de voyage, 120 jours avant l'expiration de l'autorisation de voyage, via la messagerie électronique, de ce qui suit :

3.   Toutes les notifications à l'intention du demandeur aux fins de sa demande d'autorisation de voyage sont envoyées à l'adresse électronique communiquée par le demandeur dans le formulaire de demande, conformément à l'article 17, paragraphe 2, point g).

4.   Les demandes peuvent être introduites par le demandeur ou par une personne ou un intermédiaire commercial autorisé par le demandeur à soumettre la demande en son nom.

5.   La Commission établit, par la voie d'un acte d'exécution, un formulaire permettant de signaler tout abus de la part des intermédiaires commerciaux visés au paragraphe 4 du présent article. Ce formulaire est accessible via le site internet public prévu à cet effet ou via l'application pour appareils mobiles visés au paragraphe 1 du présent article. Ces formulaires complétés sont transmis à l'unité centrale ETIAS qui prend les mesures appropriées, y compris en faisant régulièrement rapport à la Commission. Cet acte d'exécution est adopté en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 90, paragraphe 2.

Article 21

Résultats du traitement automatisé

1.   Lorsque le traitement automatisé prévu à l'article 20, paragraphes 2 à 5, n'aboutit à aucune réponse positive, le système central ETIAS délivre automatiquement une autorisation de voyage conformément à l'article 36 et en informe le demandeur conformément à l'article 38.

2.   Lorsque le traitement automatisé prévu à l'article 20, paragraphes 2 à 5, aboutit à une ou plusieurs réponses positives, la demande est traitée conformément à la procédure prévue à l'article 22.

3.   Lorsqu'une vérification effectuée conformément à l'article 22 permet de confirmer que les données enregistrées dans le dossier de demande correspondent aux données qui ont déclenché une réponse positive pendant le traitement automatisé en application de l'article 20, paragraphes 2 à 5, ou lorsque des doutes subsistent quant à l'identité du demandeur à l'issue d'une telle vérification, la demande est traitée conformément à la procédure prévue à l'article 26.

4.   Lorsqu'il ressort du traitement automatisé en application de l'article 20, paragraphe 3, que le demandeur a répondu par l'affirmative à l'une des questions énumérées à l'article 17, paragraphe 4, et qu'il n'y a pas d'autre réponse positive, la demande est transmise à l'unité nationale ETIAS de l'État membre responsable, aux fins du traitement manuel conformément à l'article 26.

Article 36

Délivrance d'une autorisation de voyage

1.   Lorsque l'examen d'une demande conformément aux procédures établies aux chapitres III, IV et V indique qu'il n'existe aucun indice concret ni aucun motif raisonnable fondé sur des indices concrets permettant de conclure que la présence de la personne sur le territoire des États membres présente un risque en matière de sécurité ou d'immigration illégale ou un risque épidémique élevé, une autorisation de voyage est délivrée par le système central ETIAS ou l'unité nationale ETIAS de l'État membre responsable.

2.   En cas de doute quant à l'existence de raisons suffisantes pour refuser l'autorisation de voyage, l'unité nationale ETIAS de l'État membre responsable a la possibilité, y compris à l'issue d'un entretien, de délivrer une autorisation de voyage assortie d'une mention recommandant aux autorités frontalières de procéder à une vérification de deuxième ligne.

L'unité nationale ETIAS de l'État membre responsable peut aussi ajouter une telle mention à la demande d'un État membre consulté. Cette mention n'est visible que par les autorités frontalières.

La mention est effacée automatiquement une fois que les autorités frontalières ont procédé à la vérification et introduit la fiche d'entrée dans l'EES.

3.   L'unité nationale ETIAS de l'État membre responsable a la possibilité d'ajouter une mention indiquant aux autorités frontalières et aux autres autorités ayant accès aux données du système central ETIAS qu'une réponse positive spécifique déclenchée pendant le traitement de la demande a été évaluée et qu'il a été vérifié qu'il s'agissait d'une fausse réponse positive, ou que le traitement manuel a démontré qu'il n'existait aucun motif de refus de l'autorisation de voyage.

4.   La Commission adopte des actes délégués conformément à l'article 89 pour mettre en place des garanties adéquates au moyen de règles et procédures destinées à éviter les conflits avec des signalements figurant dans d'autres systèmes d'information et pour définir les conditions, les critères et la durée de l'ajout d'une mention en application du présent règlement.

5.   Une autorisation de voyage est valable trois ans ou jusqu'à la fin de validité du document de voyage enregistré lors de la demande, selon l'hypothèse qui se réalise en premier; elle est valable sur le territoire des États membres.

6.   Une autorisation de voyage ne confère pas un droit d'entrée ou de séjour automatique.

Article 45

Accès aux données par les transporteurs à des fins de vérification

1.   Les transporteurs aériens, les transporteurs maritimes et les transporteurs internationaux de groupes assurant des liaisons routières par autocar interrogent le système d'information ETIAS afin de vérifier si les ressortissants de pays tiers soumis à l'obligation d'être munis d'une autorisation de voyage sont ou non en possession d'une autorisation de voyage en cours de validité.

2.   Un accès sécurisé au portail des transporteurs visé à l'article 6, paragraphe 2, point k), y compris au moyen de solutions techniques mobiles, permet aux transporteurs de procéder à l'interrogation visée au paragraphe 1 du présent article avant l'embarquement d'un passager. Le transporteur fournit les données intégrées dans la bande de lecture optique du document de voyage et indique l'État membre d'entrée. À titre dérogatoire, en cas de transit aéroportuaire, le transporteur n'est pas tenu de vérifier si le ressortissant de pays tiers est en possession d'une autorisation de voyage en cours de validité.

Le système d'information ETIAS transmet au transporteur, via le portail des transporteurs, une réponse « OK/NOT OK » indiquant si la personne est ou non en possession d'une autorisation de voyage en cours de validité. Si une autorisation de voyage à validité territoriale limitée a été délivrée conformément à l'article 44, la réponse transmise par le système central ETIAS tient compte de l'État membre ou des États membres pour lesquels l'autorisation est valable ainsi que de l'État membre d'entrée indiqué par le transporteur. Les transporteurs peuvent conserver les informations envoyées ainsi que la réponse reçue conformément au droit applicable. La réponse « OK/NOT OK » ne peut être considérée comme une décision d'autorisation ou de refus d'entrée en vertu du règlement (UE) 2016/399.

La Commission adopte, par voie d'actes d'exécution, des règles détaillées relatives aux conditions d'utilisation du portail des transporteurs et les règles applicables relatives à la protection et à la sécurité des données. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 90, paragraphe 2.

3.   La Commission crée, par voie d'actes d'exécution, un dispositif d'authentification exclusivement réservé aux transporteurs afin de permettre aux membres dûment autorisés du personnel des transporteurs d'avoir accès au portail des transporteurs aux fins du paragraphe 2 du présent article. Lors de la création du système d'authentification, il est tenu compte de la gestion des risques liés à la sécurité de l'information ainsi que des principes de protection des données dès la conception et de protection des données par défaut. Ces actes d'exécution sont adoptés par la Commission en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 90, paragraphe 2.

4.   Le portail des transporteurs utilise une base de données distincte en lecture seule mise à jour quotidiennement au moyen d'une extraction à sens unique des sous-ensembles minimaux nécessaires de données conservées dans ETIAS. L'eu-LISA est responsable de la sécurité du portail des transporteurs, de la sécurité des données à caractère personnel qu'il contient et du processus d'extraction des données à caractère personnel vers la base de données distincte en lecture seule.

5.   Les transporteurs visés au paragraphe 1 du présent article sont soumis aux sanctions prévues conformément à l'article 26, paragraphe 2, de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (ci-après dénommée «convention d'application de l'accord de Schengen») et à l'article 4 de la directive 2001/51/CE du Conseil (40) lorsqu'ils transportent des ressortissants de pays tiers qui, alors qu'ils sont soumis à l'obligation d'être munis d'une autorisation de voyage, ne sont pas en possession d'une autorisation de voyage en cours de validité.

6.   Par dérogation au paragraphe 5 du présent article, lorsque, pour un même ressortissant de pays tiers, les transporteurs visés au paragraphe 1 du présent article sont déjà soumis aux sanctions prévues conformément à l'article 26, paragraphe 2, de la convention d'application de l'accord de Schengen et à l'article 4 de la directive 2001/51/CE, les sanctions visées au paragraphe 5 du présent article ne s'appliquent pas.

7.   Aux fins de la mise en oeuvre du paragraphe 5 ou aux fins du règlement de tout litige éventuel découlant de son application, l'eu-LISA tient des registres de toutes les opérations de traitement de données effectuées par les transporteurs dans le cadre du portail des transporteurs. Ces registres indiquent la date et l'heure de chaque opération, les données utilisées à des fins d'interrogation, les données transmises par le portail des transporteurs et le nom du transporteur concerné.

Les registres sont conservés pendant une période de deux ans. Les registres sont protégés par des mesures appropriées empêchant tout accès non autorisé.

8.   Si des ressortissants de pays tiers se voient refuser l'entrée, le transporteur qui les a conduits jusqu'aux frontières extérieures par air, par mer ou par terre est tenu de les reprendre immédiatement en charge. À la demande des autorités frontalières, les transporteurs sont tenus de reconduire les ressortissants de pays tiers, soit vers le pays tiers au départ duquel ils ont été transportés, soit vers le pays tiers qui a délivré le document de voyage avec lequel ils ont voyagé, soit tout autre pays tiers dans lequel ils sont certains d'être admis.

9.   Par dérogation au paragraphe 1, pour les transporteurs de groupes assurant des liaisons routières par autocar, pendant les trois premières années suivant la mise en service d'ETIAS, la vérification visée au paragraphe 1 est facultative et les dispositions visées au paragraphe 5 ne leur sont pas applicables.


* 1 Tous les chiffres mentionnés sont issus du département des statistiques et études documentaires de la Direction générale des étrangers en France et ont été publiés.

* 2 L'année 2019 est l'année de référence, les années 2020 et 2021 ayant subi les conséquences du Covid-19.

* 3 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 4 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie .

* 5 Décret n° 2010-835 du 21 juillet 2010 relatif à l'incrimination de l'outrage au drapeau tricolore .

* 6 La carte de résident est conditionnée à la maîtrise du niveau A2 ; l'acquisition de la nationalité française est conditionnée au niveau B1 et sera porté au niveau B2 à l'entrée en vigueur de cette disposition du projet de décret en Conseil d'Etat modifiant le décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité.

* 7 Les cas de dispense de CIR sont énumérés à l'article L 413-5 du CESEDA.

* 8 Le CIR comprend une formation civique obligatoire de quatre jours et une formation linguistique obligatoire pour les signataires dont le niveau de français est inférieur au niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL).

* 9 Arrêté du 30 décembre 2021 relatif aux formations civique et linguistique prescrites aux étrangers signataires du contrat d'intégration républicaine créé par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, INTV2138438A.

* 10 La carte de séjour pluriannuelle est délivrée de plein droit au regard de la décision de l'OFPRA accordant le bénéfice de la protection subsidiaire (article L. 424-9 du CESEDA) ou celui d'apatride (article L. 424-18 du CESEDA). Les réfugiés se voient remettre une carte de résident de 10 ans (article L 424-1 du CESEDA). Ces publics signent tout de même le CIR.

* 11 L'accord franco-algérien (AFA) du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles régit entièrement le droit de séjour des Algériens en France. Il prévoit les conditions d'obtention et la nature des titres de séjour pouvant leur être délivrés. Le droit commun (CESEDA) ne peut leur être appliqué, à l'exception des règles de procédure non prévues dans l'accord. Il leur est toutefois possible de signer un CIR.

* 12 CJUE, 4 juin 2015, C-579/13.

* 13 CJUE, 9 juillet. 2015, aff. C-153/14, Minister van Buitenlandse Zaken c/ K, A.

* 14 Conseil constitutionnel, décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997.

* 15 Base 110 000 CIR par an.

* 16 Etrangers sollicitant chaque année une CSP, signataires d'un CIR et hors publics exemptés.

* 17 Arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du CESEDA. Cet arrêté sera à modifier.

* 18 Arrêté du 30 décembre 2021 relatif aux formations civique et linguistique prescrites aux étrangers signataires du contrat d'intégration républicaine créé par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, INTV2138438A.

* 19 Application géo localisée et traduite en 7 langues https://www.bonjourbonjour.fr/ et site dédié aux professionnels de l'intégration : https://www.intercariforef.org/formations/recherche-formations-dian.html.

* 20 Il s'agira pour les préfectures de vérifier que le document transmis par l'étranger répond aux exigences de niveau de langues prévu par décret en Conseil d'Etat et que le document est recevable conformément à l'arrêté qui fixera la liste des documents et titres recevables pour justifier du niveau de langue.

* 21 3 à 5 000 personnes se verraient vraisemblablement refuser une CSP si l'on imposait le niveau A1, 15 à 20 000 si l'on exigeait le niveau A2 et environ 40 000 si le B1 était exigé sans modification du nombre d'heures de formation proposées dans le cadre du CIR.

* 22 https://reseau.intercariforef.org/formations/recherche-formations-dian.html et https://www.bonjourbonjour.fr/

* 23 Arrêté du 30 décembre 2021 relatif aux formations civique et linguistique prescrites aux étrangers signataires du contrat d'intégration républicaine créé par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France (INTV2138438A).

* 24 Arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (INTV2212654A).

* 25 Comité interministériel à l'intégration (C2I) du 5 juin 2018.

* 26 Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 juin 2014, 13-14.916 .

* 27 Articles L. 413-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et suivants.

* 28 Article L. 413-5 du CESEDA.

* 29 Articles L. 6321-1 et suivants du code du travail.

* 30 Cf. entretien du directeur de l'Agence nationale de lutte contre l'Illettrisme au sujet de l' « Illettrisme en milieu professionnel : réapprendre à lire et à écrire ».

* 31 « Maitrise de la langue et emploi des immigrés : quels liens ? ».

* 32 Source : OFII.

* 33 Soit 11% des 20 000 signataires qui maitrisent le niveau A1 lors du positionnement initial en plateforme OFII et des 50 000 qui vont suivre une formation obligatoire visant le niveau A1 dans le cadre du CIR.

* 34 Annexe Formation professionnelle au PLF pour 2023.

* 35 Annexe Formation professionnelle au PFL 2023 (page 56).

* 36 Coûts pédagogiques, rémunération et les charges sociales légales et conventionnelles des salariés en formation, dans la limite du coût horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance par heure de formation, frais annexes de transport, de restauration et d'hébergement afférents à la formation suivie et, lorsque les formations se déroulent pour tout ou partie en dehors du temps de travail, les frais de garde d'enfants ou de parents à charge.

* 37 Source : OFII 2021.

* 38 Source : OFII.

* 39 En 2021, 55 607 décisions favorables pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur les fondements salarié, travailleur temporaire, ressortissant étranger confié à l'ASE justifiant d'un CDD ou d'un CDI, entrepreneur - profession libérale et AES travail.

* 40 Circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile .

* 41 Respect des obligations déclaratives sociales, vérification que l'employeur n'a pas fait l'objet de sanctions, que le salaire proposé à l'étranger est conforme aux minima prévus par la loi, les conventions collectives de branche, ou d'entreprises.

* 42 https://www.bmi.bund.de/SharedDocs/pressemitteilungen/DE/2022/11/eckpunkte-fachkraefte.html .

* 43 L'arrêté du Président du Conseil des ministres du 21 décembre 2021 fixant les flux 2021 a été enregistré par la Cour des comptes le 27 décembre 2021 et a été publié au Journal officiel du 17 janvier 2022, par lequel les travailleurs étrangers pouvant entrer Italie : http://www.libertaciviliimmigrazione.dlci.interno.gov.it/it/decreto-flussi-2022.

* 44 Real Decreto 629/2022, de 26 de julio, por el que se modifica el Reglamento de la Ley Orgánica 4/2000, sobre derechos y libertades de los extranjeros en España y su integración social, tras su reforma por Ley Orgánica 2/2009, aprobado por el Real Decreto 557/2011, de 20 de abril.

* 45 La loi a été adoptée par le Parlement allemand le 2 décembre 2022 : https://ec.europa.eu/migrant-integration/news/bundestag-fuehrt-chancen-aufenthaltsrecht-ein_de.

* 46 Cf. CE, 4 févr. 2015, n° 383267 et 383268 et CE, 14 octobre 2022, n° 462784.

* 47 Les tensions sur le marché du travail en 2019, Publication DARES n° 032, 8 octobre 2020.

* 48 A compter du 1 er janvier 2023, la DGFIP assurera à la place de l'OFII la constatation, la liquidation et le recouvrement de la taxe due par les employeurs de salariés étrangers.

* 49 Estimations mondiales de l'OIT concernant les travailleurs migrants, juin 2021.

* 50 Audition de Philippe Marcadent, Chef du Service des marchés du travail inclusifs, des relations professionnelles et des conditions de travail, Bureau international du travail, devant le COE, le 18 septembre 2018, Le travail non déclaré, France Stratégie, Février 2019.

* 51 Source : ANALYTICS IMMI PRO.

* 52 Données DARES-Pôle emploi, 7 décembre 2022. En octobre 2022, 12 891 personnes nées en Ukraine ont été salariées au moins une heure dans le mois. Ces personnes n'avaient jamais été salariées dans le champ DSN (hors salariés des particulier-employeurs et certains contrats agricoles) avant mars 2022.

* 53 Il s'agit du pourcentage, par nationalité, de demandeurs ayant obtenu au cours d'une année donnée la reconnaissance du statut de réfugié au sens de l'article 1 er de la convention de Genève de 1951 ou la protection subsidiaire mentionnée à l'article L. 512-1 du CESEDA.

* 54 Le pays d'origine sûr (POS) est défini par l'article L. 531-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : « un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne ».

C'est le conseil d'administration de l'OFPRA qui fixe la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs. Actuellement, cette liste comprend les pays suivants : Albanie ; Arménie ; Bosnie-Herzégovine ; Cap-Vert ; Géorgie ; Inde ; Macédoine du Nord ; Maurice ; Moldavie ; Mongolie ; Monténégro ; Serbie ; Kosovo (Le Bénin, le Ghana et le Sénégal ont été retirés de cette liste depuis l'arrêt du Conseil d'Etat du 2 juillet 2021, n° 437141). L'OFPRA statue en procédure accélérée lorsque le demandeur provient d'un pays considéré comme un POS au sens des dispositions précitées (article L. 531-24 1° du CESEDA). La part des demandeurs ressortissants d'un POS dans la demande d'asile globale (toutes nationalités confondues) est de 15 % (soit 15 720 demandes sur un total de 103 164). Les cinq nationalités les plus représentées parmi les POS sont : Albanie (5 436) ; Géorgie (4 497) ; Arménie (1 178) ; Moldavie (1 142) ; Kosovo (1 090). Pour ces cinq POS, le taux d'admission OFPRA s'élève à : Albanie : 10,3 % ; Géorgie : 5,4 % ; Arménie : 3,5 % ; Moldavie : 0,7 % ; Kosovo : 9,5 % (Source : rapport OFPRA 2021).

* 55 Rapport d'activité de l'OFPRA pour l'année 2021.

* 56 La procédure « Dublin » s'applique aux personnes dont l'examen de la demande d'asile, enregistrée en France, relève d'un autre Etat membre de l'Union européenne en application de critères fixés par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit « Dublin III ». En cas d'accord de reprise en charge de la part des autorités de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, les autorités françaises prennent une décision de transfert vers cet Etat.

En 2021, 104 381 premières demandes d'asile (mineurs inclus) ont été enregistrées par les guichets uniques pour demandeurs d'asile. Sur l'ensemble de ces premières demandes, 20 038 demandes ont été placées en procédure Dublin. Il s'agit de demandes dont l'examen relève de la responsabilité d'un autre Etat membre de l'Union européenne. Ces données sont issues du rapport intitulé « L'essentiel de l'immigration- chiffes clés », publié par le Département des statistiques, des études et de la documentation de la DGEF.

* 57 Cf. par exemple : décision n° 2004-509 du 13 janvier 2005 ;

* 58 Décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973 ;

* 59 Décision n° 96-380 du 23 juillet 1996 .

* 60 Affaires jointes C-322/19 et C-385/19

* 61 Un questionnaire permettant aux BPT de renseigner leur profil professionnel et d'être consécutivement reçus par un conseiller Pôle emploi a été rapidement mis en place. Au 7 décembre 2022, 9345 questionnaires ont été renseignés et 13 441 BPT sont inscrits à Pôle emploi) ;

* 62 Le décret n° 2022-468 du 1 er avril 2022 relatif au droit du travail des bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) a complété l'article R 581-4 du CESEDA en liant le droit à exercer une activité professionnelle à la détention de l'autorisation provisoire de séjour (APS) qui leur est délivré.

* 63 Le réseau « les entreprises s'engagent » (haut-commissariat à l'emploi et à l'engagement des entreprises) a déployé une opération de recrutement des personnes déplacées d'Ukraine. Au 15 novembre 2022, 1515 entreprises ont déposé au moins une offre d'emploi sur la plateforme dédiée et permis le recrutement de près de 2600 BPT (secteurs HCR, industrie, services à la personne, agriculture, BTP et commerce).

* 64 Les chiffres clés de l'immigration - 2021, ministère de l'intérieur et des Outre-mer.

* 65 Plan de réduction des tensions de recrutement phase 2 « une réponse, co-construite avec les entreprises, à l'urgence des difficultés de recrutement », MTPEI octobre 2022.

Enquête de Pôle emploi sur les besoins de main d'oeuvre (BMO) avril 2022. La forte hausse des intentions d'embauche (+ 323 000 par rapport à 2021, soit +12 %, s'accompagne d'une hausse inédite des difficultés de recrutement anticipées : près de 58% des recrutent sont jugés difficiles selon les entreprises (+ 13 points par rapport à 2021). Les difficultés augmentent particulièrement dans le secteur de l'hébergement et de la restauration (+22 points), le commerce de détail (+18 points) et le secteur des équipements électriques et électroniques, produits informatiques et des machines et équipements (+17 points). Les difficultés anticipées apparaissent les plus élevées dans la construction (74,1%), la métallurgie et produits métalliques (73,2%), le secteur des autres industries manufacturières (71,7%) et la santé et action sociale (70,6%).

* 66 Données enquête « besoins de main d'oeuvre » Pôle emploi 2022 et « Plan de réduction des tensions de recrutement ».

* 67 Les décisions de clôture sont assimilables à des refus. Le défaut de complétude des demandes constitue le principal motif de ces décisions.

* 68 Le centre ENIC-NARIC France assure notamment une mission d'information sur les professions réglementées. À ce jour, près de 250 activités sont concernées en France. L'accès des étrangers à ces professions relève, à chaque fois, de dispositions particulières. Certaines professions sont inaccessibles aux étrangers, d'autres ouvertes à quelques nationalités ou accessibles uniquement en tant qu'employés ou disposent d'un dispositif de reconnaissance des qualifications qui n'est pas limité aux européens.

* 69 Article 50 du code général des impôts.

* 70 Articles L. 613-7 et suivants du code de la sécurité sociale.

* 71 Arrêté du 29 décembre 2021 relatif aux pièces justificatives à produire à l'appui des demandes d'inscription et de radiation au répertoire des métiers (TMEI2139232A).

* 72 Le nombre de micro-entrepreneurs s'élevaient à 2,229 millions de comptes fin décembre 2021.

* 73 « Les autoentrepreneurs fin juin 2019 », Acoss Stat n° 303, Acoss, janvier 2020 ; « Travailleurs des plateformes : au-delà de la question du statut, quelles protections ? », Sénat, Rapport d'information n° 452 (2019-2020) de M. Michel FORISSIER, Mmes Catherine FOURNIER et Frédérique PUISSAT, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 20 mai 2020 .

* 74 Réunion entre la sous-direction du séjour et du travail de la Direction Générale des Etrangers en France et les représentants d'Uber Eat, 12 octobre 2022.

* 75 Cons. const. 16 janvier 1982, n° 81-132 DC.

* 76 Selon les situations, les plateformes de livraison se positionnent soit en tant qu'employeurs de salariés, soit en tant que commissionnaires de transport, donneuses d'ordre auprès de livreurs, travailleurs indépendants qui procèdent à l'acheminement de la marchandise, ou, dans de plus rares cas, elles interviennent en tant qu'intermédiaires, mettant seulement en relation le client et un livreur.

* 77 L'augmentation sensible du nombre de titres délivrés entre 2020 et 2021 s'explique en grande partie par les effets de la crise sanitaire. L'année 2020 a en effet été marquée par une baisse importante du nombre de visas et de titres de séjour délivrés. La durée de validité des documents de séjour ayant été prolongée par ordonnance, le nombre de renouvellements a par ailleurs, mécaniquement, diminué.

* 78 Article L. 421-11 du CESEDA.

* 79 Article L. 421-9 du CESEDA.

* 80 Directive 2005/71/CE.

* 81 Directive 2021/1883.

* 82 Note de synthèse du REM (INFORM) : Attirer les ressortissants de pays tiers qualifiés et hautement qualifiés dans les Etats membres de l'UE - Octobre 2013.

* 83 Rapport de synthèse de l'étude du REM 2019 : Les parcours migratoires pour les start-ups et les entrepreneurs innovants dans l'Union européenne (décembre 2019).

* 84 Information du 2 novembre 2016 relative à la dispense d'autorisation de travail pour les séjours inférieurs ou égaux à trois mois, pour les étrangers, ressortissants de pays tiers, venant sur le territoire français en vue d'y exercer une activité professionnelle (INTV1631339J).

* 85 Notamment le fait de pouvoir faire venir sa famille immédiatement avec une CSP Talents-famille, sans avoir à passer par la procédure de regroupement familial qui ne peut intervenir qu'après 18 mois.

* 86 Taxe à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. A noter qu'à compter du 1 er janvier 2023, la DGFIP assurera à la place de l'OFII la constatation, la liquidation et le recouvrement de la taxe due par les employeurs de salariés étrangers.

* 87 Les agents de contrôles compétents en matière de travail illégal sont (article L. 8271-1-2 du code du travail) :

? les agents de contrôle de l'inspection du travail,

? les officiers et agents de police judiciaire,

? les agents des impôts et des douanes,

? les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés,

? les administrateurs des affaires maritimes, les officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l'autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer,

? les fonctionnaires des corps techniques de l'aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés,

? les fonctionnaires ou agents de l'Etat chargés du contrôle des transports terrestres ;

? les agents de Pôle emploi, chargés de la prévention des fraudes, agréés et assermentés à cet effet ainsi que

? les agents du Conseil national des activités privées de sécurité commissionnés par son directeur et assermentés.

* 88 Les comités opérationnels départementaux anti-fraude, réunissent sous la co-présidence du préfet de département et du procureur de la République du chef-lieu du département, les services de l'Etat (police, gendarmerie, administrations préfectorale, fiscale, douanière et du travail) et les organismes locaux de protection sociale (Pôle emploi, URSSAF, caisses d'allocations familiales, d'assurance maladie et de retraite, le régime social des indépendants (RSI), la MSA) afin d'apporter une réponse globale et concertée aux phénomènes de fraude, qu'ils concernent les prélèvements obligatoires ou les prestations sociales.

* 89 En 2019, 1484 verbalisations sur un total de 10602. En 2020, 1006 verbalisations sur un total de 7190.

* 90 Décision n° 2021-965 QPC du 28 janvier 2022.

* 91 Les agents de contrôles compétents en matière de travail illégal sont (article L. 8271-1-2 du code du travail) :

? les agents de contrôle de l'inspection du travail,

? les officiers et agents de police judiciaire,

? les agents des impôts et des douanes,

? les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés,

? les administrateurs des affaires maritimes, les officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l'autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer,

? les fonctionnaires des corps techniques de l'aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés,

? les fonctionnaires ou agents de l'Etat chargés du contrôle des transports terrestres ;

? les agents de Pôle emploi, chargés de la prévention des fraudes, agréés et assermentés à cet effet ainsi que

? les agents du Conseil national des activités privées de sécurité commissionnés par son directeur et assermentés.

* 92 Selon le Haut conseil du financement de la protection sociale (novembre 2021), à partir de données de l'Urssaf, en 2021 le montant des cotisations éludées au sein du secteur privé non agricole s'élève entre 2,2 et 2,7% du montant total des cotisations déclarées et éludées (soit 5,1 à 6,4 milliards d'euros). Au sein du secteur agricole, la CCMSA avait estimé en 2019 le manque à gagner en cotisations à 0.5Md€. Ces montants portent sur l'ensemble du travail dissimulé, il n'est pas possible d'isoler l'emploi d'étranger sans titre dans ce total.

* 93 Les agents de contrôles compétents en matière de travail illégal sont (article L. 8271-1-2 du code du travail) :

? les agents de contrôle de l'inspection du travail,

? les officiers et agents de police judiciaire,

? les agents des impôts et des douanes,

? les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés,

? les administrateurs des affaires maritimes, les officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l'autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer,

? les fonctionnaires des corps techniques de l'aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés,

? les fonctionnaires ou agents de l'Etat chargés du contrôle des transports terrestres ;

? les agents de Pôle emploi, chargés de la prévention des fraudes, agréés et assermentés à cet effet ainsi que

? les agents du Conseil national des activités privées de sécurité commissionnés par son directeur et assermentés.

* 94 Source Casier judiciaire national.

* 95 Décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, cons. 10 ; décision n° 2010-604 DC du 25 février 2010, cons. 14.

* 96 Militaire de la gendarmerie nationale, militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l'article L. 1321-1 du code de la défense, fonctionnaire de la police nationale, agent de la police municipale, garde champêtre, agent des douanes, sapeur-pompier professionnel ou volontaire et agent de l'administration pénitentiaire.

* 97 Loi n°86-1025, 9 septembre 1986, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, voir article 6 modifiant l'article 25 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945.

* 98 Source : DGEF.

* 99 En effet, la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a introduit dans le droit français une réserve générale de polygamie faisant obstacle à la délivrance de tout titre de séjour et levant les protections contre l'éloignement.

* 100 Qu'il s'agisse d'une obligation de quitter le territoire français (L. 611-1 CESEDA), d'un transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat responsable du traitement de sa demande (L. 572-1 CESEDA), d'une interdiction judiciaire du territoire français (article 131-30 du code pénal), d'une remise d'un étranger à un autre pays européen (L. 621-1 CESEDA), d'une mesure d'expulsion (L. 631-1 CESEDA), ou d'un refus d'entrée (L. 311-1 CESEDA).

* 101 Le fichier « Visabio », pendant français du “VIS” (système d'information sur les visas, base de données biométriques à l'échelle européennes sur les demandeurs de visas), est défini aux articles L. 611-6 et R. 611-8 du CESEDA. Il a comme finalités de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France.

* 102 Prise d'empreinte biométrique (procédure dite « SBNA »).

* 103 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France .

* 104 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 .

* 105 Décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019 , cons. 18.

* 106 Décision n° 2011-631 DC, 9 juin 2011 , « Loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité », cons. 64.

* 107 Décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 .

* 108 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 .

* 109 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 .

* 110 Décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 , « M. Rouchdi B. et autre ».

* 111 CEDH, Jalloh C/ Allemagne , 11 janvier 2006, 54810/00 .

* 112 Ministère de la justice, étude d'impact du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, page 155.

* 113 L'autorité administrative peut engager la procédure d'exécution d'office de la décision portant obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français ou, s'il a été mis fin au délai accordé, dès la notification de la décision d'interruption du délai.

* 114 Source : direction centrale de la police aux frontières.

* 115 Source : direction centrale de la police aux frontières.

* 116 1 719 places de CRA en métropole et 227 en Outre-mer au 30 novembre 2021.

* 117 Conseil constitutionnel, décision n° 2011-631 DC, 9 juin 2011.

* 118 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 QPC, 21 mars 2019.

* 119 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-770 DC, 6 septembre 2018.

* 120 Cf. notamment CEDH, A.B. c/ France, n° 11593/12, par lequel « la Cour juge que la présence en rétention d'un enfant accompagnant ses parents n'est conforme à l'article 5 § 1 f) qu'à la condition que les autorités internes établissent qu'elles ont recouru à cette mesure ultime seulement après avoir vérifié concrètement qu'aucune autre moins attentatoire à la liberté ne pouvait être mise en oeuvre. » (cons. 123) ; le droit français assure explicitement ces garanties aujourd'hui (art. L. 741-1 et L. 741-5 du CESEDA).

* 121 Décret n° 90-917 du 8 octobre 1990 portant publication de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 .

* 122 CEDH, 19 janvier 2012 , Popov c. France , considérant 92 : le cas d'espèce portait sur des enfants âgés de 5 mois et 3 ans accompagnant leurs parents placés en rétention pendant 15 jours.

* 123 108 909 contrats signés en 2021.

* 124 Arrêté du 30 décembre 2021 relatif aux formations civique et linguistique prescrites aux étrangers signataires du contrat d'intégration républicaine créé par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ; 97 379 étrangers formés en 2021.

* 125 56 035 étrangers se sont vus prescrire une formation linguistique en 2021.

* 126 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 .

* 127 Article R. 413-12 du CESEDA.

* 128 Article L. 413-5 du CESEDA.

* 129 Publics dispensés : visiteurs, étudiants, stagiaires, travailleurs temporaires, personnes nées en France, personnes admises pour soins, bénéficiaires d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) Passeport talent (+famille), travailleurs saisonniers, bénéficiaires d'une carte de séjour pluriannuelle salariés détachés ICT, CR Légionnaire mais également ceux qui ont effectué une scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français pendant au moins trois années scolaires ou qui ont suivi des études supérieures en France d'une durée d'au moins égale à une année universitaire et, enfin, ceux qui remplissent les conditions d'acquisition de la nationalité française.

* 130 En 2021, sur les 108 909 CIR signés, 8 711 étrangers étaient Algérien. En 2020, ils étaient 6 375 sur les 78 877 CIR signés.

* 131 Information du 6 mai 2016 relative à la procédure d'expulsion des étrangers hébergés dans les lieux prévus à l'article L. 744-3 du code de l'entrée ct du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* 132 Accord cadre France-Tunisie du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé à Tunis le 28 avril 2008, entré en vigueur avec ses protocoles le 1 er juillet 2009.

* 133 Article L. 413-4 du CESEDA.

* 134 Environ 3,5% des signataires bénéficient du dispositif du CIR volontairement. En outre, 9 344 personnes ont été dispensées de la signature du CIR en 2021.

* 135 24 991 cartes de séjour pluriannuelles ont été créées en 2019 et 19 972 en 2020 ; 271 915 cartes de séjour pluriannuelles ont été renouvelées en 2019 et 220 366 en 2020.

* 136 Arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile .

* 137 Article L. 413-7 du CESEDA.

* 138 Circulaire du 11 juin 2009 relative au lien entre l'intégration dans la société française et la délivrance de titres de séjour ou le regroupement familial - pratiques actuelles des préfectures en la matière (IMIM0900069C).

* 139 En ce sens, les débats de l'Assemblée nationale du 4 mai 2006 relatifs à la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration : https://www.assemblee-nationale.fr/12/cra/2005-2006/207.asp et au Sénat le 8 juin 2006 : http://www.senat.fr/seances/s200606/s20060608/s20060608002.html .

* 140 Article 21-24 du code civil.

* 141 Décret n° 2012-127 du 30 janvier 2012 approuvant la charte des droits et devoirs du citoyen français prévue à l'article 21-24 du code civil .

* 142 Cons. const., décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 , précit., cons. 48-55, en particulier le 54.

* 143 Cons. const., décision n° 2006-539 DC du 20 juillet 2006 , cons. 20.

* 144 Circulaire N°DPM/DMI2/2007/75 du 22 février 2007 relative au regroupement familial .

* 145 Décisions n° 93-325 DC du 13 août 1993 , cons. 2 et n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 , cons. 35.

* 146 Directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial .

* 147 CJUE, 9 juillet 2015, aff. C-153/14, Minister van Buitenlandse Zaken c/ K, A .

* 148 CEDH, le 28 mai 1985, n°9214/80 ABDULAZIZ, CABALES, BALKANDALI c. RU ; CEDH, 21 oct. 1997, aff. 25404/94,  Boujlifa c/ France ; CEDH, grande ch., 18 oct. 2006, aff. 46410/99,  Uner c/ Pays-Bas .

* 149 Etude résultant d'une question ad hoc lancée par la Direction de l'intégration et de l'accès à la nationalité (DIAN) de la Direction générale des étrangers en France (DGEF), en août 2022, sur la condition de maîtrise de la langue par les ressortissants des pays tiers pour obtenir un titre de séjour pluriannuel ou pour la nationalité française.

* 150 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 (Loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration).

* 151 Refus d'une première demande tout titre confondu pour motifs d'ordre public : 2 487 en 2021 et 1 677 entre le 1 er janvier et le 31 octobre 2022. Refus de renouvellement tout titre confondu pour motifs d'ordre public : 1 750 en 2021 et 1 240 entre le 1 er janvier et le 31 octobre 2022.

* 152 Retrait d'une CST tous motifs confondus : 361 en 2021 et 320 entre le 1 er janvier et le 31 octobre 2022. Retrait d'une CSP tous motifs confondus : 440 en 2021 et 410 entre le 1 er janvier et le 31 octobre 2022. Retrait d'une carte de résident tous motifs confondus : 780 en 2021 et 952 entre le 1 er janvier et le 31 octobre 2022.

Retrait tout titre confondu pour motifs d'ordre public 1 184 en 2021 et 1 258 entre le 1 er janvier et le 31 octobre 2022.

* 153 Après mise en oeuvre de la procédure contradictoire préalable prévue par les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA).

* 154 Cons. const., décision n° 2006-539 DC du 20 juillet 20 06, cons. 13 et 10.

* 155 Conseil d'État, 2 ème - 7 ème SSR, 27 novembre 2013, 365587 , Publié au recueil Lebon.

* 156 Cons. Const., décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 , cons. 18.

* 157 Cons. const., décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 , précit., cons. 20.

* 158 Cf. exemple de la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française ; CE, 11 avril 2018, n° 412462 .

* 159 CE, 13 fév. 2008, n° 301711 .

* 160 TA Lyon, 18 mars 2022, n° 2108865 s'agissant de l'imam de Saint-Chamond.

* 161 Des associations extrémistes plus généralement : CE, 10 déc. 2004, n° 257590 .

* 162 CE, 20 oct. 2021, n° 449470.

* 163 Le Conseil d'Etat a pu juger que ce type de comportements révélait une méconnaissance de l'égalité hommes-femmes révélée à l'occasion d'entretiens d'assimilation ou de mains courantes : CE, 5 oct. 2018, n° 417523, CE, 20 déc. 2017, n° 411735, CE, 7 déc. 2017, n° 410276, CE, 4 déc. 2017, n° 409527.

* 164 CE, 26 oct. 2001, n° 198546.

* 165 Article L. 423-12 du CESEDA.

* 166 Article L. 423-11 du CESEDA.

* 167 Article L. 426-6 du CESEDA.

* 168 Article L. 426-3 du CESEDA.

* 169 Article L. 426-10 du CESEDA.

* 170 Convention entre la France, l'Espagne et Andorre signée le 4 décembre 2000 (ratifiée par la loi n° 2003-217 du 13 mars 2003 ).

* 171 La charge lourde de travail propre aux refus de délivrance d'un document de séjour, ou à son retrait, se justifie par la vérification du casier judiciaire, du fichier de traitement des antécédents judiciaires, l'édiction des refus de renouvellements et retraits, la mise en oeuvre de la procédure contradictoire préalable au retrait, la défense de la décision devant la juridiction administrative en cas de contestation.

* 172 Loi n° 84-622 du 17 juillet 1984 portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 et du code du travail et relative aux étrangers séjournant en France et aux titre uniques de séjour et de travail .

* 173 Source : DSED, « Les chiffres clés de l'immigration ». A noter que si l'on prend en compte les certificats de résidents algériens d'une durée supérieure à dix ans, on atteint un stock de 2,1 millions de titres de séjour d'une durée de validité supérieure à dix ans.

* 174 Article L.426-17 du CESEDA ( après cinq ans de séjour régulier). Article L. 421-12 du CESEDA (après cinq ans de séjour sous carte bleue européenne). Articles L. 424-5 et L. 424-14 du CESEDA (Réfugié et Protégé subsidiaire).

* 175 Article L. 426-4 ( permanent).

* 176 CESEDA : article L. 423-16 (Regroupement familial - Conjoint - Enfant) ; Article L. 423-10 (Parent d'enfant français) ; Article L. 423-6 (Conjoint de Français) ; Articles L. 423-11 et L. 423-12 (Enfant ou ascendant de Français) ; Article L. 426-6 (Rente accident-maladie) ; Article L. 426-2 (Anciens combattants) ; Article L. 426-3 (Légionnaire) ; Article L. 424-1 (Réfugié) ; Article L. 424-3 (Famille de réfugié (conjoint, partenaire, enfant, ascendant de mineur) ; Article L. 424-21 (Apatride - Famille d'apatride). Article L. 424-13 (Protégé subsidiaire - Famille de protégé). Article L. 426-10 (Retraité). Article L. 426-1 (Non-option nationalité française). Article L. 425-3 et L. 425-8 (Victime traite/proxénétisme/violences conjugales/Ordonnance protection des victimes).

* 177 Loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration , dite loi Debré.

* 178 Article L. 432-12 du CESEDA.

* 179 Articles R. 431-20 et R. 432-3 du CESEDA.

* 180 Üner C. Pays-Bas ,5 juillet 2005, n° 46410/99 .

* 181 Dalia c. France , 19 février 1998, n° 26102/95 .

* 182 Baghli c. France, 30 novembre 1999, n° 34374/97 .

* 183 Bouchelkia c. France , 29 janvier 1997, n° 23078/93 .

* 184 Hizir Kilic c. Danemark, n° 20277/05, et Ferhat Kilic c. Danemark, n° 20730/05, du 22 janvier 2007.

* 185 Ndidi c. Royaume-Uni, 14 septembre 2017, n° 41215/14 .

* 186 Maslov c. Autriche, 23 juin 2008, 1638/03 .

* 187 Convention signée à Genève le 28 juillet 1951 et entrée en vigueur le 22 avril 1954, telle que complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967, lui-même entré en vigueur le 4 octobre 1967.

* 188 Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts .

* 189 CESEDA : articles L. 423-11 et L. 423-12 (ascendants de Français à charge et les descendants de français de moins de 21 ans ou à charge) ; article L. 426-2 (anciens combattants) ; article L. 426-3 (légionnaires) ; article L. 426-10 (retraités) ; article L. 426-6 (titulaires d'une rente d'accident maladie ou de travail) ; article L. 423-16 (enfant venu par regroupement familial, lorsque l'accueillant est titulaire d'une carte de résident et après avoir résidé régulièrement en France au moins trois ans) ; article L. 423-6 (conjoint de Français après trois ans de mariage) ; article L. 424-1 (réfugiés) ; article L. 424-3 (famille d'un réfugié : conjoint, partenaire, enfant, ascendant de mineur) ; article L. 424-21 (apatride et sa famille) ; article L. 424-13 (protégé subsidiaire et sa famille) ; article L. 426-1 (jeune étranger n'ayant pas opté pour la nationalité française).

* 190 CESEDA : article L. 425-3 (victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme) ; article L. 425-7 (étrangers titulaires d'une ordonnance de protection).

* 191 Infraction pénale (exemples) : vols qualifiés, violences physiques graves, séquestration, tentative de meurtre, infraction législation sur les stupéfiants, viol, agression sexuelle avec violences, homicide involontaire ou volontaire, proxénétisme, etc.

* 192 Conseil d'État, 2 ème et 7 ème sous-sections réunies, 12 février 2014, n° 365644, publié au recueil Lebon .

* 193 Loi n° 84-622 du 17 juillet 1984 portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 et du code du travail et relative aux étrangers séjournant en France et aux titre uniques de séjour et de travail.

* 194 Les grands types de cartes de résidents (CR) sont les CR générales, qui ne portent pas de mention spécifique, les cartes de résident portant la mention « résidents de longue durée - UE » et les CR permanentes (qui sont renouvelables automatiquement de plein droit). Les cartes de résident peuvent être délivrées à de nombreux titres : conjoint de Français, parent d'enfant français, longue durée de présence en France, réfugié et famille de réfugié, ancien combattant français, etc.

* 195 Cf. article L. 412-6 du CESEDA.

* 196 Loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration, dite loi Debré.

* 197 Circulaire du 30 avril 1997 relative à l'application de la loi du 24 avril 1997 (NOR : INTD9700080C).

* 198 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France .

* 199 Arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile .

* 200 Décision DC n° 97-389 du 22 avril 1997 .

* 201 CJUE, 3 e ch., 17 juill. 2014, aff. C-469/13, Tahir.

* 202 cf. article L. 411-5 du CESEDA.

* 203 CJUE, 25 novembre 2021, C-289/20 .

* 204 9 376 primo-délivrances et 21 476 renouvellements en 2020, y compris les titres délivrés aux membres de famille.

* 205 5 118 primo-délivrances et 2 399 renouvellements en 2021.

* 206 Environ 6 000 primo-délivrances et 25 000 renouvellements par an.

* 207 Source : les chiffres clés de l'immigration - DGEF/DSED.

* 208 Source : direction centrale de la police aux frontières.

* 209 contre 51 948 sur l'ensemble de l'année 2021, 15 284 en 2020 et 3 352 en 2019.

* 210 Source : SG-SDSE SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP.

* 211 Source : SG-SDSE SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP.

* 212 Décision n° 2011-631 DC , 9 juin 2011 ; rappelé par la décision n° 2018-717/718 QPC, 6 juillet 2018.

* 213 Décision n° 94-343/344 DC , 27 juillet 1994.

* 214 Décision n° 2009-593 DC , 19 novembre 2009.

* 215 Décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018 , M. Cédric H. et autre, paragraphe 13.

* 216 Décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, cons. 10 ; décision n° 2010-604 DC du 25 février 2010, cons. 14.

* 217 Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs .

* 218 Art. 6 loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

* 219 Art. 6 al. 3 à 7 loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs : « De délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; D'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ; D'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués ; De ne pas s'opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée.

* 220 Article L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation.

* 221 Article L.511-11 du code de la construction et de l'habitation.

* 222 Article L. 511-22, I du code de la construction et de l'habitation.

* 223 Article L. 511-22, II du code de la construction et de l'habitation.

* 224 Article L. 511-22, III du code de la construction et de l'habitation.

* 225 Article L. 511-22, III du code de la construction et de l'habitation.

* 226 Article L. 521-4 du code de la construction et de l'habitation.

* 227 Idem.

* 228 Idem.

* 229 Décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, cons. 10 ; décision n° 2010-604 DC du 25 février 2010, cons. 14.

* 230 Cons. const. 19 janv. 1995, n° 94-359 DC, considérants 6 et 7.

* 231 Cons. const. 29 juill. 1998, n° 98-403 DC , considérant 7.

* 232 Article 1 er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

* 233 Commission Economique des Nations Unies pour l'Europe, 16 avril 2015.

* 234 C'est-à-dire les étrangers qui ne disposent ni d'un document de séjour, ni d'un titre de séjour en cours de validité les autorisant à résider sur le territoire français.

* 235 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 236 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 237 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 238 Article L. 511-22, I du code de la construction et de l'habitation.

* 239 Article L. 511-22, II du code de la construction et de l'habitation.

* 240 Article L. 511-22, III du code de la construction et de l'habitation.

* 241 Article L. 511-22, III du code de la construction et de l'habitation.

* 242 Convention relative à l'aviation civile internationale, signée le 7 décembre 1944 à Chicago.

* 243 Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes .

* 244 Règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) et modifiant les règlements (UE) no 1077/2011, (UE) no 515/2014, (UE) 2016/399, (UE) 2016/1624 et (UE) 2017/2226 .

* 245 Listés à l ' annexe II du règlement (UE) 2018/1806 du parlement européen et du conseil du 14 novembre 2018. L'exemption de l'obligation de visa s'applique, pour un certain nombre d'Etats, à partir de la date d'entrée en vigueur d'un accord sur l'exemption de visa à conclure avec l'Union européenne.

* 246 Conseil constitutionnel, 25 octobre 2019, n° 2019-810 QPC.

* 247 Directive 2001/51/CE du Conseil du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l'article 26 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985.

* 248 Article L. 226-1 du code de sécurité intérieure.

* 249 V. décis ion n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 , points 57 à 60 ; décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021 , points 2 à 12.

* 250 Mentionnés au II de l'article L. 6342-4 du code des transports.

* 251 II de l'article L. 5332-15 du code des transports.

* 252 L'article 5 de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées ayant simplement précisé que le contrôle avait pour finalité, outre la recherche et le constat des infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France, celle de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des pièces ou documents justifiant du droit au séjour. En outre, ces dispositions, codifiées dans le CESEDA sous les numéros 611-8 et 611-9, figurent à l'issue de la recodification dans un unique article 812-3 qui a réorganisé la présentation de la disposition sans en modifier la substance.

* 253 La visite sommaire, qui n'est par définition, ni une fouille, ni une perquisition, consiste à visualiser l'intérieur d'un véhicule pour constater la présence de personnes ou/et d'objets. Elle ne consiste pas à fouiller ni les personnes ni les objets (types bagages, notamment).

* 254 Le Conseil relevant simplement cette exclusion et la faisant figurer dans la présentation du dispositif (point 18 de sa décision là où les garanties sont listées au point 19), le commentaire indiquant que « Au cas présent, des garanties procédurales substantielles entourent le déroulement de la visite sommaire, du champ de laquelle sont en toute hypothèse exclues les voitures particulières : en premier lieu (...) ».

* 255 Règlement UE 2016/399 du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) .

* 256 Il s'agit des conjoints de ressortissants français, bénéficiaires d'un visa de plein droit (article L. 312-3 du CESEDA), et des étrangers titulaires de certains titres de séjours dont le conjoint a dérobé les documents d'identité et le titre de séjour (article L. 312-4 du CESEDA).

* 257 V. par exemple CE, 1 er juillet 2005, req. n° 264030.

* 258 Conseil constitutionnel, 13 août 1993, décision n° 93-325 DC.

* 259 Règlement (CE) n o 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas.

* 260 Directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.

* 261 Voir notamment l'article 21 du code communautaire des visas : « Le consulat ou les autorités centrales vérifient, le cas échéant, la durée des séjours antérieurs et envisagés, afin de s'assurer que l'intéressé n'a pas dépassé la durée maximale du séjour autorisé sur le territoire des États membres, indépendamment des séjours potentiels autorisés par un visa national de long séjour ou un titre de séjour. »

* 262 Ces dispositions imposent notamment la production de justificatifs relatifs aux conditions de séjour et d'hébergement en France, aux moyens d'existence, à la prise en charge des dépenses de santé et, le cas échéant, à l'exercice d'une activité professionnelle.

* 263 Article 21 du code communautaire des visas, point 4.

* 264 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

* 265 Il s'agit des postes consulaires territorialement compétents, appuyés par les services centraux du ministère de l'intérieur chargés des contrôles sécuritaires.

* 266 Rapport annuel d'activité de l'OFPRA 2021.

* 267 Présentation : sans délai ; enregistrement : délai de trois jours (dix jours en cas d'afflux massif) ; introduction : délai de 21 jours maximum. Ainsi, délai maximal de 31 jours avant que la demande d'asile ne soit introduite à l'OFPRA.

* 268 Opérateurs associatifs chargés de l'hébergement dans le cas d'un demandeur d'asile hébergé dans le dispositif national d'accueil (article L. 552-13 du CESEDA) ; opérateurs associatifs SPADA pour un demandeur non hébergé dans le dispositif national d'accueil (article L. 550-2 du CESEDA).

* 269 Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018.

* 270 Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale .

* 271 La police fédérale ou du Land , le BAMF ou le Centre premier accueil.

* 272 L'article L. 531-17 du CESEDA dispose que « si le demandeur en fait la demande et si cette dernière apparaît manifestement fondée par la difficulté pour le demandeur d'exposer l'ensemble des motifs de sa demande d'asile, notamment ceux liés à des violences à caractère sexuel, l'entretien est mené, dans la mesure du possible, par un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du sexe de son choix et en présence d'un interprète du sexe de son choix ».

* 273 Il s'agit de missions d'instruction ponctuelles dites « hors les murs » pendant lesquelles des agents instructeurs se rendent dans des villes du territoire métropolitain et ultramarin. Les usagers sont convoqués et reçus en entretien dans ces villes. En 2021, 40 missions ont ainsi eu lieu en métropole.

* 274 Décret n° 2008-1481 du 30 décembre 2008.

* 275 En tant que juge du plein contentieux, le juge de l'asile se prononce sur le droit à protection du demandeur à la date à laquelle il se prononce ; il accorde lui-même la protection le cas échéant.

Le juge de l'excès de pouvoir contrôle la légalité de la décision administrative à la date à laquelle elle a été prise.

* 276 Relèvent de la procédure accélérée devant l'OFPRA et donc d'une procédure à juge unique devant la CNDA les demandes émanant de ressortissants de pays d'origine sûrs (POS), les demandes de réexamen ou encore les demandes émanant de personnes ayant présenté de faux documents de voyage ou d'identité, ayant présenté des demandes d'asile sous plusieurs identités, qui ont refusé de donner leurs empreintes digitales pour la mise en oeuvre de la procédure Eurodac notamment.

* 277 Rapport d'activité de la CNDA pour 2021.

* 278 Idem.

* 279 Source : CNDA.

* 280 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, cons. 66.

* 281 Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, point 26.

* 282 Décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010 à propos de l'article L. 222-1 du code de justice administrative.

* 283 Loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers - Art. 39/10. Les chambres siègent à un seul membre. Toutefois, elles siègent à trois membres :

1° dans les affaires qui sont attribuées à la chambre bilingue ;

2° lorsque le Conseil est appelé à se prononcer sur des affaires renvoyées après cassation ;

3° lorsque le président de chambre, afin d'assurer l'unité de jurisprudence, fait application de l'article 39/6, § 3, alinéa 3.

Le président de chambre peut, lorsque le requérant le demande de manière motivée dans sa requête ou d'office, ordonner que l'affaire soit attribuée à une chambre siégeant à trois membres lorsque la difficulté juridique, l'importance de l'affaire ou des circonstances particulières le requièrent. ».

* 284 Décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003.

* 285 La limitation des déplacements des étrangers au tribunal résulte de l'article 24 (pour le tribunal judiciaire), mais également de l'article 21 (pour le tribunal administratif). Les dispositions applicables devant le tribunal administratif sont celles du nouvel article L. 921-3 créé par l'article 21. Il n'a pas été possible de dissocier ce nouvel article L. 921-3 de la réforme du contentieux portée par l'article 21. En revanche, la problématique des modalités d'audience est la même pour le tribunal administratif et le tribunal judiciaire, d'où cette brique d'étude d'impact commune.

* 286 Frontex, Annual risk analysis 2022/2023 : https://prd.frontex.europa.eu/document/risk-analysis-for-2022-2023/ .

* 287 La procédure « Dublin » s'applique aux étrangers dont l'examen de la demande d'asile, enregistrée en France, relève d'un autre Etat membre de l'Union européenne en application de critères fixés par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit « Dublin III ». En cas d'accord de reprise en charge de la part des autorités de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, les autorités françaises prennent une décision de transfert vers cet Etat.

* 288 En vertu de la d irective 2001/40/CE du 28 mai 2001 relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants de pays tiers dans le cadre de la convention de Schengen, chaque Etat membre reconnaît et exécute la décision d'éloignement d'un ressortissant de pays tiers prise par un autre Etat membre pour un motif grave d'ordre public ou pour le non-respect des réglementations nationales relatives à l'entrée ou au séjour des étrangers. Cette directive est transposée au chapitre V du titre I er du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 289 A titre de comparaison en 2020, 219 302 premiers titres de séjour ont été délivrés et 629 791 titres de séjour ont été renouvelés en 2020, 107 488 décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) ont été prises.

* 290 Conseil d'Etat, étude à la demande du Premier ministre, 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers , mars 2020.

* 291 Ibid., pp. 79 à 82. La page 79, relative aux éléments statistiques sur le contentieux des étrangers devant les tribunaux administratifs, figure en annexe 1 de la présente étude d'impact.

* 292 Ibid ., p. 15.

* 293 CNDA, rapport d'activité 2021.

* 294 Les dispositions législatives relatives au contentieux de l'arrêté de reconduite à la frontière (décision qui précédait l'OQTF) ont été créées à l'article 22 bis de l'ordonnance n° 45-2658 par la loi n° 90-34 du 10 janvier 1990.

* 295 Ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, entrée en vigueur le 1 er mai 2021.

* 296 Les 1° et 2° de l'article L. 611-1 du CESEDA concernent respectivement les étrangers ressortissants de pays tiers qui se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire après être entré irrégulièrement ou régulièrement en France.

Le 4° du même article s'applique à l'étranger ressortissant de pays tiers auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire a été définitivement refusée.

* 297 Le 3° de l'article L. 611-1 du CESEDA concerne l'étranger ressortissant de pays tiers qui s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour, ou s'est vu retirer un tel document.

Les 5° et 6° du même article s'appliquent respectivement aux étrangers ressortissants de pays tiers qui, dans les trois mois suivant leur entrée en France, menacent l'ordre public ou exercent une activité professionnelle sans y être autorisés.

* 298 L'article L. 251-1 du CESEDA est applicable aux citoyens de l'UE et des Etats associés, ainsi qu'aux membres de leur famille, quelle que soit leur nationalité, qui ne justifient plus d'aucun droit au séjour ou menacent l'ordre public ou dont le séjour constitue un abus de droit.

* 299 Source : rapport CNDA pour 2021.

* 300 Conseil constitutionnel, 28 juillet 1989, 89-261 DC.

* 301 V. par exemple Conseil constitutionnel, 4 octobre 2019, 2019-807 QPC.

* 302 V. Conseil constitutionnel, 9 juin 2011, 2011-631 DC.

* 303 Conseil constitutionnel, 2 décembre 1976, 76-70 DC.

* 304 Conseil constitutionnel, 9 avril 1996, 96-373 DC.

* 305 Conseil constitutionnel, 10 juin 2004, 2004-496 DC.

* 306 Conseil constitutionnel, 23 juillet 2010, 2010-15/23 QPC.

* 307 Conseil constitutionnel, 12 octobre 2012, 2012-280 QPC.

* 308 Conseil constitutionnel, 14 octobre 2010, 2010-54 QPC.

* 309 Loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile .

* 310 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-741 QPC du 19 octobre 2018 .

* 311 CJCE, Johnston , 15 mai 1986, 222/84 ; CJUE, Unibet , 13 mars 2007, 432/05.

* 312 Conseil d'Etat, étude à la demande du Premier ministre, 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers , mars 2020.

* 313 Ibid , p. 16.

* 314 Ibid., p. 12.

* 315 Ibid.

* 316 Considérant n°4 et paragraphe 1 de l'article 8.

* 317 CJUE, C-329/11, Achughbabian , 6 décembre 2011.

* 318 En 2021, l'OFPRA a rendu 139 810 décisions, dont 102 849 décisions de rejet. Source : rapport OFPRA pour 2021, annexe 2.

* 319 Du nom de l'Etat dans lequel le règlement (UE) n° 604/2013 a été décidé et portant sur le traitement des demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne.

* 320 Directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

* 321 Directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale.

* 322 Directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

* 323 Conseil d'Etat, étude à la demande du Premier ministre, 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers , mars 2020, p. 37.

* 324 CEDH, 22 octobre 2021, E.H. c/ France , n° 39126/18.

* 325 Dispositif issu de la loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique, dont l'article 7 a modifié l'article L. 512-1 du CESEDA désormais codifié à l'article L. 614-5 du même code. Compte tenu de l'encadrement du délai de jugement, le législateur a dérogé aux dispositions de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991, qui permettent de demander l'aide juridictionnelle pendant l'instance, en prévoyant de déposer une telle demande au plus tard lors de l'introduction du recours.

* 326 La limitation des déplacements des étrangers au tribunal résulte de l'article 24 (pour le tribunal judiciaire), mais également de l'article 21 (pour le tribunal administratif). Les dispositions applicables devant le tribunal administratif sont celles du nouvel article L. 922-3 créé par l'article 21. Il n'a pas été possible de dissocier ce nouvel article L. 921-3 de la réforme du contentieux portée par l'article 21. En revanche, la problématique des modalités d'audience est la même pour le tribunal administratif et le tribunal judiciaire, d'où cette brique d'étude d'impact commune.

* 327 En 2021, en France métropolitaine, 4 926 étrangers ont été placés en zone d'attente aux frontières extérieures et 14 589 en centre de rétention administrative.

* 328 Sur les 18 centres de rétention administrative existant en France (métropole) et les deux zones d'attente équipant les aéroports parisiens à Roissy et Orly.

* 329 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, considérant 81.

* 330 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, considérant 26.

* 331 Ibid., considérant 28.

* 332 Conseil constitutionnel, décision n° 2020-872 du 15 janvier 2021 et décision n° 2021-911/919 QPC du 4 juin 2021.

* 333 Dans l'affaire Weeks c/ Royaume-Uni (§ 62), la Cour européenne des droits de l'Homme a souligné que les membres de la commission statuant sur la libération conditionnelle du requérant ne devaient pouvoir être identifiés par lui avec des représentants du ministre de l'intérieur ou de l'administration pénitentiaire.

* 334 Publiée au recueil Lebon.

* 335 Voir par exemple Cass., 1 re civ., 11 juillet 2018, n° 18-10.062, publié au bulletin.

* 336 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, considérant 26.

* 337 Source DCPAF.

* 338 Article L. 341-6 du CESEDA.

* 339 La durée maximale de maintien en zone d'attente est dès lors de 20 jours. Toutefois, en cas de demande d'asile formulée au-delà du 14 e jour, le maintien en zone d'attente est prorogé jusqu'à 26 jours (article L. 342-4 du CESEDA).

* 340 Loi n° 2012-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité dont l'article 10, II, a complété l'article L. 221-2 du CESEDA (aujourd'hui recodifié au troisième alinéa de l'article L. 341-1 et au quatrième alinéa de l'article L. 341-6 du même code).

* 341 Aux termes des articles R. 332-1 et R. 341-1 du CESEDA, les décisions de refus d'entrée et de placement en zone d'attente sont prises par le chef du service (police nationale ou douanes) chargé du contrôle aux frontières ou, dans les aérodromes affectés à titre exclusif ou principal au ministère de la défense, par le commandant d'unité de la gendarmerie maritime ou de la gendarmerie de l'air. Toutefois, lorsqu'un étranger demande à entrer en France au titre de l'asile, l'autorité administrative compétente pour refuser l'entrée est le ministre chargé de l'immigration en application de l'article R.* 352-1 du CESEDA.

* 342 Article L. 352-2 du CESEDA.

* 343 Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes .

* 344 Ces délais ont été instaurés par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, suivant les préconisations formulées par M. Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, pour la rétention et étendues à la zone d'attente, alors qu'aucun délai n'était auparavant imparti au juge pour statuer.

Cf. « Pour une politique de migrations transparente, simple et solidaire » , commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration présidée par M. Pierre Mazeaud, rapport remis en juillet 2008, pp. 90-91.

* 345 Décision n° 92-307 DC du 25 février 1992 .

* 346 Décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 .

* 347 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 .

* 348 Décision n° 2021-983 QPC du 17 mars 2022 .

* 349 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier .

* 350 CE, 20 août 2003, n° 259494 .

* 351 V. par exemple CA d'Aix-en-Provence, 16 novembre 2022, M. Mohamed F., n° RG 22/01202 : « Si l'article L. 342-5 du CESEDA prévoit que ce délai peut être porté à 48 heures, c'est à la condition que les nécessités de l'instruction l'imposent. Cependant, le premier juge n'a pas estimé que les nécessités de l'instruction l'imposaient et aucun élément du dossier ne permet de le soutenir. Par ailleurs, le grand nombre de saisines concomitantes ne peut être considéré comme une nécessité de l'instruction, les nécessités de l'instruction s'entendant des vérifications que le juge estime indispensables à effectuer avant de prendre une décision de maintien en zone d'attente ».

* 352 Décision n° 2011-631 DC, 9 juin 2011 , Loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité , cons. 64.

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