CANADA
Plusieurs instances d'évaluation de la législation ont
été mises en place au niveau fédéral
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))
. Elles visent essentiellement à
améliorer la qualité juridique des textes avant ou après
leur adoption par le Parlement.
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I - L'EVALUATION FORMELLE
A - Avant l'examen parlementaire
Depuis
1947, la
rédaction des projets de loi est exclusivement
effectuée par les rédacteurs de la section de législation
du ministère de la justice
.
La section est composée de vingt-six rédacteurs, treize
francophones et treize anglophones. Tous doivent être avocats ou notaires
et posséder une excellente connaissance de chacune des deux langues. La
plupart ont suivi les cours de rédaction législative
dispensés à l'université d'Ottawa. Ils sont
assistés de deux " jurilinguistes francophones " et du service
de révision rédactionnelle.
Les " jurilinguistes " sont des linguistes qui se sont
spécialisés dans le domaine de la linguistique juridique et dont
le rôle premier est d'aider les rédacteurs à s'exprimer
dans un français de la meilleure qualité possible. Leur
présence au sein de la section a été jugée
essentielle en raison de l'état d'infériorité dans lequel
le français a été relégué pendant des
décennies.
Le service de révision rédactionnelle revoit le fond et la forme
tout en veillant au respect des normes et conventions en matière de
rédaction et de présentation des textes législatifs.
Chaque projet de loi est rédigé par deux rédacteurs, un
anglophone et un francophone. Les deux rédacteurs désignés
préparent, en collaboration avec les chargés de projet dans le
ministère concerné, un avant-projet pour mettre en oeuvre la
décision et le soumettent aux chargés de projet qui, de leur
côté, l'étudient avec l'aide de leurs propres
collaborateurs et d'autres fonctionnaires de leur ministère. Ils donnent
ensuite de nouvelles instructions aux rédacteurs qui préparent un
deuxième avant-projet, puis un troisième... jusqu'à ce
qu'une version satisfaisante soit établie.
L'intervention des rédacteurs constitue une garantie contre
l'ésotérisme du langage des spécialistes car ceux-ci sont
obligés d'expliquer à un généraliste du droit le
contenu de la future loi et son contexte juridique et technique. Elle permet
également de lutter contre les incohérences, les oublis, les
imprécisions... Les rédacteurs vérifient aussi qu'aucune
disposition du projet de loi n'entre en conflit avec la Charte canadienne des
droits et libertés.
Après cette première phase, le projet est soumis au
comité de relecture
de la section, composé du premier
conseiller législatif et du premier conseiller législatif adjoint
qui sont les deux responsables de la section, de deux rédacteurs
d'expérience et de deux plus jeunes. Les membres du comité
relisent le projet de loi et remettent aux rédacteurs leurs
observations. Ils le relisent avec des yeux neufs puisqu'ils ignorent le
contenu du dossier et n'ont pas participé aux réunions avec les
chargés de projet.
Le projet est ensuite soumis au Conseil des ministres puis, après
approbation par celui-ci, déposé dans l'une ou l'autre
assemblée.
Les
amendements
que le gouvernement apporte au projet de loi lors de son
examen par le Parlement sont rédigés par les rédacteurs
qui ont écrit le projet de loi.
Bien que la section de législation appartienne au ministère de la
justice, dans les faits, elle dépend étroitement du
secrétariat chargé de la législation et de la
planification parlementaire. Chargé d'établir l'ordre de
priorité du programme législatif du gouvernement et de
contrôler l'adéquation des projets de loi rédigés
par rapport à la décision du gouvernement qui en autorisait la
rédaction, ce secrétariat relève du leader du gouvernement
à la Chambre, ministre haut placé dans la
hiérarchie.
B - Après la promulgation
1) La consolidation et la révision permanente des lois et règlements
Elle est
organisée par la
loi sur la révision des lois
et
confiée à la
Commission de révision des lois
,
placée sous l'autorité du ministre de la justice et
composée de trois fonctionnaires appartenant à ce même
ministère.
Depuis que la Fédération canadienne existe, les
lois
fédérales ont été révisées six fois :
en 1886, 1906, 1927, 1952, 1970 et 1985.
La révision comprend l'examen, la refonte, la codification et la
publication de l'ensemble des lois fédérales.
En effet, avant de procéder à une nouvelle codification, la
commission corrige certains termes qu'elle juge imprécis, incorrects ou
ambigus, scinde les articles qu'elle estime trop longs, fusionne, le cas
échéant, plusieurs lois et supprime les dispositions
transitoires. Les pouvoirs de la commission sont strictement limités
à des changements de
forme
nécessaires à
l'uniformité, à l'harmonisation et à la
compatibilité. La révision évite donc une stratification
inutile. Ainsi, les lois révisées de 1970 représentaient
10 000 pages. Entre 1970 et 1985, s'y étaient ajoutées 16 000
pages de lois nouvelles. La révision de 1985 s'est traduite par la
suppression de quelque 16 000 pages.
Les textes préparés par la Commission de révision des lois
doivent ensuite être approuvés par le Parlement : les projets des
textes de loi révisés sont soumis à un comité de la
Chambre des communes et un comité du Sénat. Après leur
approbation, ces textes sont annexés à un projet de loi.
L'adoption de ce projet entraîne l'entrée en vigueur des nouvelles
lois révisées et l'abrogation des dispositions correspondantes
dans les anciennes lois.
En aucun cas la Commission de révision des lois ne peut se substituer au
Parlement : "
les lois révisées ne sont pas
censées être de droit nouveau
".
Les lois révisées sont disponibles en édition
reliée et en édition à feuilles mobiles,
périodiquement mise à jour. Les 8 volumes des lois
révisées de 1985 sont complétés par des
suppléments, le premier contenant les modifications adoptées au
31 décembre 1984, mais pas encore en vigueur à cette date, et les
suivants incluant les lois adoptées ultérieurement.
2) Le " programme de correction " des lois
Depuis
sa mise en oeuvre en 1975, sept
lois correctives
ont été
adoptées (1977, 1978, 1981, 1984, 1987, 1992 et 1993).
La correction des lois est l'oeuvre de la section de législation du
ministère de la justice.
La loi corrective permet de rectifier "
les anomalies,
incompatibilités, archaïsmes et erreurs "
dans plusieurs
lois sans attendre leur révision d'ensemble. Elle permet aussi d'abroger
certaines dispositions ou lois qui ne sont plus effectives.
Les propositions de modifications proviennent surtout des ministères ou
des organismes fédéraux. La section de la législation les
étudie et les trie en ne retenant que celles qui satisfont aux
critères suivants :
- ne pas donner lieu à controverses ;
- ne pas comporter de dépenses publiques ;
- ne pas porter atteinte aux droits de l'homme ;
- ne pas créer d'infractions ni assujettir une nouvelle catégorie
de justiciables à une infraction existante.
Les propositions rédigées et approuvées par le
ministère chargé de l'application de la loi que l'on propose de
modifier sont intégrées à un document déposé
au Parlement par le ministre de la justice. L'étude en est
confiée au comité de la Chambre des communes chargé de la
justice et des affaires juridiques et au comité du Sénat
chargé des affaires juridiques et constitutionnelles. Toute proposition
jugée contestable par l'un ou l'autre des comités est
rejetée.
Les rapports des comités donnent lieu à un projet de loi
corrective où ne figurent que les propositions qu'ils ont
approuvées. En général, le projet est adopté sans
débat dans chaque chambre.
II - L'EVALUATION DE L'OPPORTUNITE
1) L'approbation préalable de l'objectif par le conseil des ministres
Seuls
les projets de loi dont l'objectif a été approuvé par le
conseil des ministres peuvent être rédigés par la section
de législation. Les projets de loi relatifs à l'organisation du
gouvernement, domaine réservé au premier ministre, ainsi que les
projets de lois fiscales ou concernant les emprunts d'Etat font exception
à cette règle.
Le ministre qui souhaite que soit adoptée une nouvelle loi ou une loi
portant modification d'une loi existante ne peut ni la faire rédiger par
ses services, ni ordonner lui-même à la section de la
législation du ministère de la justice de le faire. Il doit en
proposer la rédaction au conseil des ministres pour que celui-ci,
après en avoir approuvé le principe, attribue à la
rédaction du projet de loi une place dans le programme législatif
du gouvernement.
Pour obtenir cette autorisation, le ministre signe une note qui présente
le résultat de son étude et ses recommandations. Elle comporte
une étude de la situation et des solutions de droit existantes. L'auteur
de la note doit donc démontrer les insuffisances de la
législation en vigueur avant de demander à ses collègues
d'approuver la rédaction d'une nouvelle mesure législative. Cette
note, dite " note au cabinet " doit respecter une présentation
normalisée. Un document intitulé " Mémoires au
cabinet, guide du rédacteur " contient toutes les normes
applicables à la rédaction de ces notes.
2) Les travaux de la Commission de réforme du droit
La
précédente Commission de réforme du droit a
été dissoute en 1993, mais le gouvernement a promis d'en
créer une nouvelle qui devrait pouvoir commencer ses travaux dans les
premiers mois de 1996.
La Commission de réforme du droit analyse les insuffisances du droit en
vigueur et propose des améliorations. Souvent, ses propositions
constituent la base des " notes au cabinet ". Il est même
arrivé que le gouvernement demande à la section de la
législation de suivre les recommandations contenues dans un rapport de
la Commission de réforme du droit.
III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI
1) L'évaluation des effets de la loi
a) L'évaluation par les services juridiques des ministères
Les
services juridiques des ministères et des organismes
fédéraux chargés de la mise en oeuvre des textes,
législatifs ou réglementaires, doivent, selon le Manuel des
services juridiques du ministère de la justice, "
surveiller
l'efficacité des lois et règlements
".
Les conseillers juridiques membres de ces services, qui font partie du
ministère de la justice, doivent être avocats ou
notaires.
b) Les clauses d'évaluation
La loi
elle-même peut prévoir l'examen de son application après
une période donnée. Dans ce cas, l'analyse se fait en public et
permet aux parlementaires de voir, avec les fonctionnaires responsables et
compte tenu des observations des catégories socio-professionnelles
concernées, si la situation qui était à l'origine du texte
de loi a ou non évolué, si le texte répond aux attentes de
ses promoteurs et du législateur et, enfin, si des effets pervers ne
devraient pas être corrigés par une nouvelle intervention
parlementaire.
Dans les faits, cette méthode est peu employée : seules quelques
lois fédérales comportent une telle disposition.
c) La " temporarisation "
La
"
temporarisation
" consiste à rendre temporaire une
disposition. Appliquée à une loi, cette méthode permet de
la rendre caduque à l'échéance d'un délai
fixé. En effet, si le législateur entend la remettre en vigueur,
il doit procéder à l'évaluation de ses effets pendant sa
période de validité.
Cette technique, qui garantit la tenue d'un nouveau débat parlementaire,
est très peu utilisée.
2) Le contrôle des règlements d'application
La loi
sur les textes réglementaires a créé un
comité
mixte
regroupant des représentants du Sénat et de la Chambre
des communes,
chargé d'étudier chaque règlement
après sa publication
. Le règlement ne peut être pris
qu'en vertu d'une autorisation précise accordée par une loi.
A l'occasion de cet examen, les membres de ce comité peuvent faire des
recommandations au gouvernement sur les corrections qui, à leur avis,
devraient être apportées à une loi donnée.
En outre, ils peuvent présenter à la Chambre des communes un
rapport comportant une résolution qui, en cas d'adoption, constituera un
ordre donné au ministre responsable ou au gouvernement d'abroger un
texte réglementaire qui n'aurait pas été
complètement et parfaitement autorisé par la loi habilitante.