L'EVALUATION DE LA LEGISLATION
Table des matières
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NOTE DE SYNTHESE
- I - LES PAYS DE TRADITION ANGLO-SAXONNE ONT BEAUCOUP DEVELOPPE L'EVALUATION FORMELLE DES LOIS.
-
II - LE ROYAUME-UNI, ET SURTOUT LE CANADA ET L'ALLEMAGNE, SONT LES SEULS PAYS A EVALUER L'OPPORTUNITE JURIDIQUE DES LOIS.
- 1) L'approbation préalable des objectifs des projets de loi par le conseil des ministres au Canada
- 2) Les propositions de réforme du droit formulées par une commission au Canada et au Royaume-Uni
- 3) La vérification de l'opportunité des projets de loi en Allemagne
- 4) La faible efficacité des mesures prises en Suisse et en Italie
- III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI S'EFFECTUE ESSENTIELLEMENT GRACE AUX CLAUSES D'EVALUATION
- ALLEMAGNE
- BELGIQUE
- ITALIE
- ROYAUME-UNI
- SUISSE
- CANADA
NOTE DE SYNTHESE
La
proposition de loi, adoptée en juillet 1995 par l'Assemblée
nationale et tendant à créer un
Office parlementaire
d'amélioration de la législation
, investit le futur organe
d'une triple mission :
- évaluer l'adéquation de la législation aux situations
qu'elle régit ;
- simplifier et unifier la législation ;
- veiller à l'élaboration des textes réglementaires
nécessaires à l'application des lois.
Il a paru intéressant de rechercher comment ces trois missions
étaient actuellement remplies chez certains de nos voisins. Pour chacun
des pays étudiés (Allemagne, Belgique, Italie, Royaume-Uni,
Suisse, Canada), on a donc, sans se limiter aux procédures
parlementaires d'évaluation législative, examiné trois
questions.
•
La loi fait-elle l'objet d'une évaluation formelle, aussi
bien avant son adoption par le Parlement qu'après
? En d'autres
termes, les projets de loi font-ils l'objet d'un examen critique de leur forme
juridique avant leur dépôt au Parlement ? Les lois en vigueur
sont-elles ensuite périodiquement révisées,
corrigées, consolidées ou codifiées ? On oppose ici la
consolidation, compilation de dispositions existantes sans modification de
fond, à la codification qui correspond à l'établissement
d'un ensemble systématique de dispositions novatrices.
•
L'opportunité de la loi
, c'est-à-dire sa
capacité à répondre au problème posé,
fait-elle l'objet d'une appréciation avant la discussion
parlementaire ?
•
Comment l'évaluation a posteriori de la loi est-elle
réalisée ?
Ce dernier point revêt un double aspect : il
recouvre aussi bien l'évaluation des effets de la loi que le
contrôle des règlements d'application.
De cet examen, il ressort que :
- le Royaume-Uni et le Canada ont beaucoup développé
l'évaluation formelle des lois ;
- l'opportunité des lois fait l'objet d'un examen
particulièrement minutieux en Allemagne et au Canada ;
- l'évaluation a posteriori des lois en vigueur demeure
limitée.
I - LES PAYS DE TRADITION ANGLO-SAXONNE ONT BEAUCOUP DEVELOPPE L'EVALUATION FORMELLE DES LOIS.
1) Avant leur examen parlementaire, les projets de loi font l'objet d'une procédure d'examen de leur forme juridique dans tous les pays sauf en Italie.
a) Des fonctionnaires spécialisés détiennent le monopole de la rédaction des projets de loi au Royaume-Uni et au Canada.
La
doctrine anglo-saxonne met un accent particulier sur la nécessité
de faire rédiger les projets de loi par des juristes
spécialisés qui suivent les différentes étapes de
l'élaboration des textes jusqu'à leur adoption. On peut
considérer comme un outil d'évaluation le processus même de
rédaction des projets de loi puisque le monopole des rédacteurs
garantit l'homogénéité formelle des lois et leur
qualité juridique.
Au Royaume-Uni, comme au Canada, il existe en effet un corps de fonctionnaires,
recrutés parmi d'anciens avocats ou notaires, qui détiennent le
monopole de la rédaction des projets de loi. Ils travaillent à
partir des indications que leur fournissent par écrit les fonctionnaires
du ministère qui est à l'origine de l'initiative. Ils cherchent
non seulement à traduire dans les projets de loi les intentions du
gouvernement aussi précisément que possible, mais
également à s'assurer de la compatibilité des projets avec
le droit en vigueur.
Aucun projet n'est rédigé par une seule personne : au Canada,
l'équipe de rédacteurs comprend nécessairement un
francophone et un anglophone, tandis qu'au Royaume-Uni, on associe un
rédacteur expérimenté à un autre moins ancien afin
de permettre au second de se former.
Plusieurs versions du projet sont successivement présentées avant
que le gouvernement ne donne son accord et que le texte ne soit
déposé au Parlement. L'équipe de rédacteurs qui a
commencé à rédiger un projet de loi le suit jusqu'à
son adoption finale car elle met également en forme les amendements,
même lorsqu'il s'agit d'amendements parlementaires.
b) En Allemagne, en Belgique et en Suisse, les projets de loi sont présentés à une instance consultative avant d'être déposés au Parlement.
Dans ces trois pays, les qualités formelles des projets de lois ainsi que leur compatibilité avec les normes pré-existantes sont vérifiées respectivement par le ministère de la justice , la section de législation du Conseil d'Etat et le service fédéral de la législation qui relève de la Chancellerie.
2) Seuls le Royaume-Uni, le Canada, et à un degré moindre la Belgique, procèdent à la consolidation et à la révision permanentes des lois.
Le Royaume-Uni et le Canada ont mis en place des commissions ad hoc : la Law Commission (1( * )) et la Commission de révision des lois. Au Canada, la section de législation du ministère de la justice gère également le " programme de correction " des lois. Toutes les propositions de réforme émises par ces organes doivent être soumises au Parlement.
a) La Law Commission anglaise
La
Law Commission
est un organe consultatif qui a été
créé en 1965 pour codifier, moderniser, réviser et
simplifier le droit.
Les propositions de codification qu'elle a émises au cours de ses
premières années de fonctionnement n'ont pas abouti et la
Commission met désormais l'accent sur des projets à plus court
terme.
Elle joue un grand rôle en matière de simplification du droit :
elle prépare les projets de loi d'abrogation ou de consolidation, dont
l'initiative première revient d'ailleurs souvent aux rédacteurs
législatifs. Chaque loi d'abrogation permet l'abrogation de plusieurs
lois ainsi que de centaines de dispositions législatives éparses.
Le Parlement adopte une telle loi environ tous les 3 ans. En revanche, il
adopte plusieurs lois de consolidation chaque année.
b) La Commission de révision des lois canadienne
Placée sous l'autorité du ministère de la
justice, la Commission de révision des lois refond et consolide
périodiquement toutes les lois fédérales.
Depuis la naissance de la Fédération canadienne, les lois
fédérales ont été révisées six fois.
La dernière révision, qui remonte à 1985, a permis de
réduire de 26 000 à 10 000 le nombre de pages de la collection
des lois fédérales.
Le travail de la Commission de révision des lois est
complété par les corrections de forme suggérées par
la section de législation du ministère de la justice qui donnent
lieu, environ une fois par an, à l'adoption de lois dites correctives.
Le programme de correction permet d'apporter des modifications formelles sans
attendre la révision de l'ensemble des lois.
c) La coordination des lois en Belgique
La
consolidation des lois, dénommée coordination en Belgique,
constitue une pratique assez développée. Il s'agit d'une
procédure à la fois législative et administrative puisque,
si le législateur décide du principe de la consolidation, la mise
en vigueur des lois coordonnées intervient par arrêté royal
après que le bureau de coordination du Conseil d'Etat a
réalisé la consolidation formelle.
Par ailleurs, au cours des dernières années, plusieurs
propositions de loi tendant à mettre en place une évaluation
systématique de la législation ont été
déposées. L'une d'entre elles a même été
adoptée par le Sénat en 1993.
d) L'instance italienne de codification
La création en 1988 de l'Office central de coordination de l'initiative législative et de l'activité normative du gouvernement, qui devait notamment mettre en évidence " la nécessité de procéder à la codification des textes régis sur certaines matières ou à la refonte d'autres textes ", n'a pas été suivie d'effets.
II - LE ROYAUME-UNI, ET SURTOUT LE CANADA ET L'ALLEMAGNE, SONT LES SEULS PAYS A EVALUER L'OPPORTUNITE JURIDIQUE DES LOIS.
1) L'approbation préalable des objectifs des projets de loi par le conseil des ministres au Canada
Au
Canada,
seuls les projets de loi dont l'objectif a été
approuvé par le Conseil des ministres peuvent être
rédigés par la section de législation.
Pour obtenir cette approbation, le ministre qui souhaite déposer un
projet de loi, qu'il s'agisse d'adopter une nouvelle loi ou d'en modifier une
précédente, doit, dans une " note au cabinet ",
démontrer les insuffisances de la législation en vigueur.
Il s'agit d'une procédure très formalisée puisque la note
que signe le ministre doit respecter une présentation
normalisée.
2) Les propositions de réforme du droit formulées par une commission au Canada et au Royaume-Uni
La
Commission canadienne de réforme du droit est un organe temporaire. La
précédente a été dissoute en 1993, mais le
gouvernement a promis d'en créer une nouvelle au début de
l'année 1996. Elle analyse les lacunes du droit en vigueur et propose
des améliorations. Ses propositions constituent souvent la base des
" notes au cabinet ".
De la même façon, la
Law Commission
anglaise formule des
propositions de réforme du droit. Même si elle reproche au
Parlement de négliger ses travaux, les récentes réformes
du droit pénal et du droit de la famille ont pour origine ses
travaux.
3) La vérification de l'opportunité des projets de loi en Allemagne
Le
processus d'élaboration des projets de loi allemands à
l'intérieur des différents ministères comprend
l'utilisation d'un questionnaire très détaillé visant
notamment à vérifier que la création d'une nouvelle norme,
législative ou réglementaire, constitue la meilleure solution au
problème qui se pose.
Ce questionnaire porte sur plusieurs dizaines de points et notamment sur la
situation initiale, aussi bien sur le plan juridique que pratique, les besoins
exprimés, les lacunes constatées, les buts à atteindre,
les alternatives possibles, leurs avantages et leurs inconvénients,
leurs conséquences pour tous et dans tous les domaines, la
nécessité d'une intervention fédérale...
Il s'agit d'obliger à démontrer que la création d'une
nouvelle norme, législative ou réglementaire, constitue la seule
réponse à un problème donné.
4) La faible efficacité des mesures prises en Suisse et en Italie
En
Suisse, le gouvernement doit accompagner les projets de loi qu'il transmet au
Parlement de renseignements portant sur la situation existante, les lacunes
constatées, les solutions rejetées au moment de
l'établissement du projet... Dans les faits, ces exigences sont
respectées plus sur le plan formel qu'au fond.
En Italie, lors de sa création en 1988, l'Office central de coordination
de l'initiative législative et de l'activité normative du
gouvernement avait, parallèlement à sa mission de codification,
été chargé de signaler "
les incohérences
et antinomies relatives aux divers secteurs législatifs
".
Toutefois, l'Office ne remplit pas dans les faits cette fonction.
III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI S'EFFECTUE ESSENTIELLEMENT GRACE AUX CLAUSES D'EVALUATION
1) L'évaluation des effets de la loi
Les
clauses d'évaluation
sont apparues dans les années 70. Elles
prescrivent l'examen des effets des lois à l'expiration d'un certain
délai et, le cas échéant, la modification des lois qui ne
produiraient pas les effets attendus. Elles sont encore peu fréquentes
mais on les rencontre dans tous les pays étudiés sauf au
Royaume-Uni.
La technique de la
législation expérimentale
, qui consiste
à rendre caduque une loi à l'échéance d'un
délai donné et qui suppose l'évaluation de ses effets
pendant sa période de validité est moins répandue.
L'Allemagne et le Canada l'utilisent, mais très peu.
En Allemagne, les clauses d'évaluation se sont multipliées en
même temps que la Cour constitutionnelle développait sa
théorie sur la mise au point itérative de la loi. En effet,
celle-ci impose au législateur non seulement d'éliminer les
éléments anticonstitutionnels, mais également de corriger
ses textes si les prévisions qui les avaient justifiés se
révèlent inexactes avec le temps. Pour compenser le
caractère incertain des effets des lois, la Cour constitutionnelle
allemande demande au Parlement, dans la phase préparatoire, d'analyser
les différentes variantes de législation et leurs effets
prévisibles. Elle exige aussi qu'il observe ensuite les effets des lois
et qu'il les corrige en fonction de ses observations.
L'introduction d'un contrôle général des effets produits
par les lois avait été évoquée en Suisse lors de la
dernière réforme du Parlement en 1991. Le gouvernement avait
alors suggéré de charger les commissions permanentes du
contrôle des effets de la législation, ce qu'a refusé la
commission de gestion.
2) Le contrôle des règlements d'application
Dans les Parlements britannique et canadien, il existe une commission composée de représentants des deux Chambres chargée d'examiner l'ensemble des textes d'application.
*
* *
Le futur
Office parlementaire d'amélioration de la législation n'a donc
pas d 'équivalent dans les pays étudiés.
Bien qu'il s'agisse d'une activité encore peu développée,
l'évaluation de la législation constitue une préoccupation
grandissante dans tous les pays. Qu'elle concerne la forme ou le fond, qu'elle
s'applique aux projets avant leur examen par le Parlement ou aux lois
déjà en application, l'évaluation de la législation
est le plus souvent réalisée par l'exécutif ou par des
professionnels du droit.
ALLEMAGNE
L'évaluation de la législation est essentiellement
comprise comme l'évaluation de l'efficacité des lois.
|
I - L'EVALUATION FORMELLE
Le
règlement commun des ministères fédéraux
se
montre très précis et très exigeant sur la
présentation et la rédaction des projets de loi, notamment afin
de favoriser leur uniformisation.
Le
ministère de la justice
examine la qualité formelle des
projets et vérifie leur compatibilité avec les normes
déjà existantes. La plupart des projets sont également
soumis
au
ministère de l'intérieur
afin que soient
vérifiées leur compatibilité par rapport à la
procédure administrative et leur possibilité d'application
concrète.
II - L'EVALUATION DE L'OPPORTUNITE
1) Le test préalable à l'adoption des projets de loi en conseil des ministres
En
application de la décision prise le 11 décembre 1984 par le
conseil des ministres pour vérifier l'opportunité des
réglementations nouvelles, législatives ou non, les ministres de
l'intérieur et de la justice ont établi ensemble
un
questionnaire en dix parties permettant de tester la
"
nécessité, l'efficacité et
l'intelligibilité
" de tous les projets de loi
(ainsi que
des projets de textes réglementaires).
Tous les ministères doivent donc tester leurs projets de loi par rapport
à ces trois critères. Cette obligation s'applique aussi bien aux
projets considérés dans leur totalité qu'à chacune
de leurs dispositions détaillées.
Le test permet de vérifier, dans un premier temps, l'opportunité
d'une réforme. Pour cela, il contient des questions relatives aux buts
à atteindre, aux besoins exprimés, notamment par les personnes
concernées, à la situation initiale, aussi bien juridique que
factuelle, aux lacunes constatées, aux développements
récents de l'économie, de la science, de la technique et de la
jurisprudence dans le domaine concerné, au nombre de cas dans lesquels
une réforme est attendue.
Cette première partie se termine par une question de contrôle :
que se passe-t-il si rien n'est fait ?
La deuxième partie envisage
toutes les possibilités
pour
transformer la situation de départ, précédemment
identifiée, en fonction des buts recherchés. Elle analyse donc
les différentes alternatives, leurs avantages et leurs
inconvénients, et toutes leurs conséquences juridiques,
économiques, sociales, financières...
Lorsqu'il apparaît qu'une action doit être entreprise par les
pouvoirs publics, la structure fédérale du pays oblige à
se poser la question du
niveau d'intervention
en fonction de la
répartition des compétences entre Fédération et
Länder
. Grâce à une conception restrictive des
compétences fédérales, le gouvernement
fédéral cherche à donner la latitude maximale aux
Länder
.
Quand on conclut à la nécessité d'une intervention
fédérale, on doit examiner la
nature de la norme juridique
à utiliser. Une loi nouvelle ne se justifie que si le problème
à résoudre se révèle particulièrement
important. La durée de validité de la nouvelle
réglementation, la possibilité d'une réglementation
expérimentale et de clauses d'évaluation sont ensuite
envisagées.
Les autres questions du test sont moins pertinentes par rapport à
l'évaluation de l'opportunité juridique mais elles permettent de
vérifier la bonne articulation entre la réforme et ses mesures
d'exécution, les conséquences de la nouvelle
réglementation sur les dispositions voisines, l'accueil de la nouvelle
réglementation de la part des autorités administratives
d'exécution, du public...
Dans la partie du questionnaire consacrée à l'exécution
administrative de la nouvelle réglementation, le souci d'éviter
de créer de nouvelles instances, de nouvelles règles
d'organisation et de compétence apparaît nettement. L'initiateur
de la réforme envisagée est invité à utiliser les
structures administratives existantes, sans toutefois les solliciter de
manière excessive.
Ce questionnaire cherche à mettre en évidence que la
création d'une nouvelle norme, législative ou
réglementaire, ne constitue pas nécessairement la meilleure
réponse à un problème donné.
Depuis la décision du 11 décembre 1984, et notamment pour
répondre aux exigences imposées par l'utilisation de ce
questionnaire, les différents ministères ont mis en place des
unités transversales, composées essentiellement de juristes et
d'organisateurs, pour réaliser ce type d'évaluations.
En même temps qu'il procède à l'évaluation formelle,
le ministère de la justice doit vérifier que les projets de loi
qui lui sont présentés satisfont effectivement aux trois
critères de nécessité, d'efficacité et
d'intelligibilité.
2) La transmission des projets de loi à la Chancellerie
Les projets de loi transmis à la Chancellerie doivent être accompagnés d'une explication détaillée du but recherché, des effets prévisibles et des conséquences dans tous les domaines.
3) La jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur la nécessaire évaluation prospective du législateur
Depuis une quinzaine d'années, la Cour constitutionnelle demande au législateur, dans la phase préparatoire, de faire une investigation complète des faits pertinents, d'analyser les différentes variantes de législation qui se présentent et de réaliser une évaluation prospective des effets possibles selon la variante choisie.
III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI
1) La jurisprudence de la Cour constitutionnelle
La Cour
constitutionnelle exige depuis quelques années que le législateur
observe constamment les effets produits par la loi et qu'il la corrige en
fonction des effets observés.
En 1979, dans l'arrêt rendu sur la participation des travailleurs
à la gestion des entreprises, elle s'est ainsi exprimée :
"
L'incertitude qui peut régner au sujet des effets d'une loi
dans un avenir lui-même incertain ne conduit pas à dénier
au législateur la compétence de l'adopter. Il en va ainsi
même si la loi a une grande portée. Inversement, l'incertitude ne
doit pas en tant que telle rendre impossible le contrôle du juge
constitutionnel, ce qui serait le cas si la loi était fondée sur
des pronostics invérifiables. Ceux-ci comportent un jugement
fondé sur les probabilités, dont les fondements peuvent et
doivent être vérifiés
. "
Ceci implique qu'à intervalles réguliers, le législateur
procède à une évaluation rétrospective de la loi.
Dans son arrêt de 1993 relatif à l'interruption volontaire de
grossesse, la Cour constitutionnelle donne même des indications
méthodologiques sur l'obligation d'observation. Selon elle, le
législateur doit "
réunir et exploiter
systématiquement les données nécessaires à
l'évaluation des effets produits par la loi
".
2) Les clauses d'évaluation
Elles
sont extrêmement fréquentes dans la législation. Ainsi, la
loi sur la dépendance prévoit que le Parlement tire les
conséquences législatives des modalités d'application
différentes selon les Länder dans le courant de l'année
1995. La même loi prescrit au gouvernement d'informer tous les trois ans
à partir de 1997 de l'état d'avancement du système
d'assurance dépendance.
En revanche, les lois adoptées à titre expérimental pour
permettre au législateur de les évaluer pendant la durée
de leur application, sont peu nombreuses.
BELGIQUE
L'évaluation de la législation est très peu développée. Toutefois, au cours des trois dernières années, plusieurs propositions de loi tendant à mettre en place une évaluation systématique de la législation ont été déposées . L'une d'entre elles a été adoptée par le Sénat en 1993. |
I - L'EVALUATION FORMELLE
A - Avant l'examen parlementaire
L'avis de la section de législation du Conseil d'Etat
constitue actuellement le seul élément d'évaluation
avant la discussion parlementaire.
Avant d'être déposés au Parlement, la plupart des projets
de lois doivent être soumis à la section de législation du
Conseil d'Etat qui en examine les qualités formelles, vérifie
s'ils traduisent l'intention de leurs auteurs et s'ils sont compatibles avec
les normes déjà existantes.
L'obligation souffre quelques exceptions (projets de loi de finances, projets
de loi relatifs aux emprunts, situations d' urgence...) mais elles sont en
nombre limité.
En outre, le Conseil d'Etat propose qu'il soit procédé à
une abrogation chaque fois qu'il constate, dans le cadre de sa saisine pour
avis, qu'une disposition est tombée en désuétude ou qu'il
existe une contradiction entre deux dispositions en vigueur. Faute de temps,
ses recommandations ne sont pas toujours suivies d'effet.
B - Après la promulgation
1) La consolidation des lois
La
consolidation, dénommée coordination en Belgique, est une
pratique assez développée, encadrée par la loi du 13 juin
1961 relative à la coordination et à la codification des lois.
Il s'agit d'une procédure à la fois législative et
administrative. En effet, le législateur décide du principe de la
consolidation, mais délègue ses pouvoirs pour en confier la
réalisation à l'exécutif, sans que le produit fini soit
présenté au Parlement. Le législateur peut donc inviter le
gouvernement à rassembler les textes applicables à une
matière donnée.
La loi de 1961 a prévu une délégation permanente
autorisant le Roi à coordonner les lois existantes de sa propre
initiative.
Lorsque la délégation permanente est utilisée, la
procédure est la suivante.
C'est le ministre responsable de l'administration générale ou le
ministre compétent qui doit demander au bureau de coordination du
Conseil d'Etat de coordonner ou de codifier la législation qu'il lui
désigne. En effet, la tâche de coordonner les textes incombe au
bureau de coordination du Conseil d'Etat, dont les membres ont, en vertu des
lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, "
notamment pour mission
de coordonner les lois, les arrêtés royaux et les divers textes
réglementaires généraux en vigueur en Belgique
. "
Le bureau de coordination soumet son projet à la section de
législation du Conseil d'Etat qui le transmet avec son avis
motivé au ministre intéressé. Le Roi prend enfin un
arrêté de coordination ou de codification qui doit contenir les
références permettant de retrouver le texte original de chaque
disposition coordonnée ou codifiée.
L'avis du Conseil d'Etat ainsi que les éventuelles notes justificatives
du bureau de coordination doivent être publiées avec cet
arrêté royal.
Puisque, dans ce cas, le pouvoir administratif maîtrise tout le processus
de codification, il faut veiller à ce qu'il n'y ait aucune modification,
même fondée sur un souci de modernisation du langage. Il convient
également d'indiquer la concordance avec les textes originels.
Sur ces deux points le Traité de légistique formelle,
confectionné par les services du Premier ministre en 1982, contient des
indications très pratiques :
"142. La coordination ou la codification projetée doit reprendre
fidèlement les textes originels sans qu'il soit procédé
à des corrections de forme (grammaire et terminologie);
l'uniformité de la terminologie peut et doit être assurée.
143. Chaque article doit être accompagné d'une note de bas de
page.
144. Les notes de bas de page poursuivent un double objet :
a) permettre de retrouver le texte originel de chaque disposition
coordonnée ou codifiée ;
b) indiquer les modifications apportées par la coordination ou la
codification au texte originel.
145. Les notes de bas de page indiquent dans l'ordre :
a) l'indication de la loi, du décret ou de l'arrêté
originel,
b) l'article particulier auquel correspond l'article de la coordination ou de
la codification,
c) les modifications subies par cet article,
d) les changements que la coordination ou la codification apportent au texte
originel.
146. Il faut joindre à la coordination ou à la codification la
liste des dispositions, qui n'y sont pas reprises, de manière telle que
les dispositions non codifiées et non coordonnées ne soient pas
perdues de vue par les praticiens. "
2) Les propositions de réforme
Au cours
des dernières années, trois
propositions de loi tendant
à rendre systématique l'évaluation de la
législation
ont été déposées.
L'une d'entre elles a été adoptée par le Sénat en
juin 1993. Elle tend à la création d'une commission nationale de
vingt-cinq experts chargée de faire des propositions de coordination ou
de simplification de toute la législation.
La deuxième vise à instaurer une actualisation
systématique des lois et réglements, grâce à
l'établissement de la liste des lois qui n'ont pas été
modifiées au cours des quinze dernières années. Cette
liste serait réalisée au début de chaque
législature par les commissions permanentes de la Chambre des
représentants. La proposition de loi opère une distinction entre
actualisation " technique " et actualisation " sociale ",
l'actualisation technique consistant à remplacer des mots ou des
expressions par d'autres (par exemple " secret des communications
individuelles " à la place de " secret des lettres ") et
l'actualisation sociale portant sur des questions de fond. La proposition de
loi donne la priorité aux actualisations de la seconde catégorie.
La troisième proposition tend à instituer une évaluation
triennale de la législation. Cette tâche serait confiée au
Conseil d'Etat. Le Parlement, informé par une note du gouvernement
établie à la suite du rapport d'évaluation du Conseil
d'Etat, se prononcerait sur les mesures appropriées.
Les deuxième et troisième propositions de loi ont
été examinées par une sous-commission de la commission de
révision de la Constitution. Cette sous-commission, après avoir
tenu plusieurs réunions de travail en 1993 et 1994, a
déposé son rapport en avril 1994. Selon ses conclusions, il
conviendrait de :
- charger le Conseil d'Etat de la rédaction d'un rapport annuel relevant
"
les lacunes, les chevauchements et les textes qui ne sont plus
actuels
" ;
- demander également à la Cour de cassation de rédiger un
rapport annuel ;
- faire examiner ces deux rapports par "
une commission spéciale
d'évaluation ou d'actualisation des lois, relevant du Sénat en sa
qualité de chambre de réflexion
", sans que la
compétence du Sénat soit exclusive ;
- d'élaborer sur la base de ces données des propositions de loi
bénéficiant de la même priorité que les projets de
loi ;
- créer un corps de légistes chargés de rédiger les
propositions de loi.
II - L'EVALUATION DE L'OPPORTUNITE
Les réformes législatives les plus significatives sont généralement précédées d'une évaluation des textes précédents, soit à l'initiative du législateur, soit spontanément de la part de la doctrine.
III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI
Dans
certains cas, le législateur, au moment de l'adoption d'une loi, confie
à un
groupe d'experts
le soin de procéder à
l'évaluation des effets
de cette loi. Parallèlement, il
prévoit la modification de cette loi au cas où elle ne produirait
pas les effets attendus.
Ainsi, la loi du 13 août 1990, adoptée quelques mois après
la dépénalisation de l'avortement, institue une " commission
nationale chargée d'évaluer l'application des dispositions
relatives à l'interruption de grossesse ". Composée
notamment de médecins et de juristes, la loi a chargé la
commission d'établir à l'intention du Parlement, pour le 31
août 1992, et par la suite tous les deux ans, un rapport statistique
portant sur un certain nombre de données relatives aux avortements
pratiqués ainsi qu'un rapport détaillant et évaluant
l'application de la loi et son évolution. Le cas échéant,
la commission peut faire au Parlement "
des recommandations en vue
d'une initiative législative éventuelle et/ou d'autres mesures
susceptibles de contribuer à réduire le nombre d'interruptions de
grossesse et à améliorer la guidance et l'accueil des femmes en
état de détresse
".
De même, la loi du 13 août 1990 sur les écotaxes a mis en
place une commission de treize experts choisis en raison de leur
compétence dans les matières concernées par les
écotaxes. Cette " commission du suivi " a pour tâche
d'évaluer le système des écotaxes, d'analyser ses
conséquences économiques, de proposer des modifications, de
suggérer éventuellement de nouvelles écotaxes, de
participer à des campagnes d'information et de sensibilisation du public
et d'établir un rapport annuel.
ITALIE
Il
n'existe aucun dispositif opérationnel d'évaluation de la
législation.
En effet, le C.N.E.L. (
Conseil National de l'Economie et du Travail
),
composé de 80 personnes (60 représentants des catégories
socio-professionnelles et 20 experts), à qui la Constitution
reconnaît le pouvoir de contribuer à l'élaboration de la
législation économique et sociale en donnant des avis, voire en
proposant des projets de loi au Parlement, n'exerce pas sa fonction de
proposition.
Par ailleurs,
l'Office central de coordination de l'initiative
législative et de l'activité normative du gouvernement
,
institué en 1988 et qui devrait notamment signaler dans ses rapports
"
les incohérences et antinomies normatives relatives aux divers
secteurs législatifs
" et mettre en évidence
"
la nécessité de procéder à la
codification des textes régissant certaines matières ou à
la refonte d'autres textes
", est actuellement en sommeil.
En outre, l'obligation de fournir au Parlement des rapports périodiques
sur le fonctionnement pratique de la loi après son entrée en
vigueur et la création d'observatoires chargés de suivre
l'application d'une nouvelle norme, utilisées à plusieurs
reprises au cours des dernières années, se sont
révélées peu efficaces. En effet, les informations
recueillies n'ont pas été utilisées de manière
satisfaisante par le Parlement, apparemment davantage intéressé
par le retentissement médiatique de l'adoption des lois que soucieux de
la qualité et de l'adéquation de la législation.
ROYAUME-UNI
En 1965,
le Royaume-Uni a créé trois organes permanents
indépendants chargés de la codification et de la réforme
du droit : les trois
Law Commissions
composées de
professionnels du droit et compétentes chacune dans leur propre
région.
(2(
*
))
|
I - L'EVALUATION FORMELLE
A - Avant l'examen parlementaire
La
rédaction des projets de loi est exclusivement réalisée
par le corps des rédacteurs parlementaires
(
parliamentary
draftsmen
ou
parliamentary counsel
).
Il s'agit d'avocats expérimentés employés comme
fonctionnaires par le gouvernement. Au nombre d'environ 30, ils occupent une
position étonnante dans la structure administrative : ils
dépendent administrativement du ministre chargé de la fonction
publique, c'est-à-dire du Premier ministre, mais sont à la
disposition de tous les ministères et sont directement responsables
devant les ministres pour lesquels ils rédigent les projets.
Les rédacteurs travaillent à partir d'une note écrite
fournie par le ministère auteur de l'initiative. Les instructions
précisent les objectifs de la loi à rédiger et les moyens
à utiliser pour y parvenir. Elles sont complétées lors de
discussions avec les représentants du ministère. Chaque projet
est rédigé par une équipe de deux
draftsmen
, dont
l'un est un membre expérimenté du service, ce qui permet aux
nouveaux de se former. Après que plusieurs versions ont
été rédigées et discutées (parfois une
dizaine), le projet est communiqué au comité législatif du
gouvernement qui peut le renvoyer jusqu'à ce qu'il obtienne une version
qui lui convient. Le projet peut alors être déposé au
Parlement.
Les rédacteurs suivent leurs projets jusqu'à leur adoption
définitive. En effet, tous les amendements, qu'ils émanent du
gouvernement ou des parlementaires, sont rédigés par
eux.
B - Après la promulgation
La consolidation et la révision permanentes sont effectuées par les Law Commissions.
1) La compétence des Law Commissions
Les
Law Commissions,
organes consultatifs indépendants
créés par la loi de 1965, ont pour mission de "
suivre de
près le droit qui les concerne afin de permettre son
développement et sa réforme systématiques, ce qui comprend
en particulier la codification du droit, l'élimination des anomalies,
l'abrogation des dispositions tombées en désuétude ou
devenues superflues, la réduction du nombre des textes et, de
manière générale, la simplification et la modernisation du
droit
".
Dans le dernier rapport d'activité disponible, celui de 1994, le
président de la
Law
Commission
(3(
*
))
s'exprimait ainsi : "
notre tâche
consiste à rendre le droit plus simple, plus juste et meilleur
marché (...). Dans tout ce que nous faisons, nous cherchons à
mettre à jour et à simplifier le droit, à le faire
correspondre directement à la société d'aujourd'hui et
à le rendre facilement compréhensible par ceux qui en ont
besoin
".
Pour ce faire, la loi de 1965 autorise la
Law Commission
à :
- prendre en compte toutes les propositions de réforme du droit dont
elles peuvent avoir connaissance, quelle qu'en soit l'origine ;
- soumettre périodiquement au gouvernement des programmes de
réforme des différentes branches du droit ;
- entreprendre, sur la recommandation du gouvernement, l'examen de branches
particulières du droit et formuler des propositions de réforme,
notamment par l'intermédiaire de projets de loi ;
- préparer à la demande du gouvernement, des programmes de
consolidation et de révision de la législation ;
- fournir aux différents départements ministériels,
à l'instigation du gouvernement, des avis et des renseignements ainsi
que des propositions de réforme du droit.
Le Lord Chancelier (ministre de la justice) approuve le programme de recherche
de la
Law Commission
. Une fois ce programme approuvé, il doit
faire connaître au Parlement les travaux de la commission. Le
gouvernement dispose donc théoriquement de la possibilité
d'empêcher la
Law Commission
d'entreprendre l'examen d'un point
donné. En réalité, il n'utilise pas cette faculté
et, en tout état de cause, les rapports annuels de la
Law
Commission
doivent être déposés devant le
Parlement.
2) La composition de la Law Commission
La
Law Commission
compétente pour l'Angleterre et le Pays de Galles
se compose d'un président et de quatre membres, nommés par le
ministre de la justice. Ces cinq personnes sont nommées pour cinq ans.
Elles sont choisies, en raison de leurs compétences, parmi les juges,
les avocats ou les professeurs de droit.
Depuis plusieurs années, la composition de la
Law Commission
est
la suivante : elle est présidée par un juge de la
High
Court
(tribunal civil de droit commun pour les affaires les plus
importantes) et les quatre autres membres sont un
barrister
spécialiste de droit pénal, un
solicitor
spécialiste de droit de la propriété et deux professeurs
de droit particulièrement compétents dans d'autres domaines du
droit.
Par ailleurs, la
Law Commission
dispose d'un personnel permanent
d'environ soixante-dix personnes parmi lesquelles deux tiers sont des juristes
(fonctionnaires détachés, praticiens, universitaires...).
Plusieurs
parliamentary counsel
lui sont attachés pour la
rédaction des projets de loi. En théorie, elle peut disposer de
six rédacteurs parlementaires. Actuellement, seuls trois
rédacteurs sont détachés à la
Law
Commission
.
3) L'activité de la Law Commission
Au cours
des dernières années, la
Law Commission
a principalement
travaillé sur la réforme du droit pénal et la plupart des
projets de loi adoptés dans ce domaine résultent de ses
réflexions. Généralement, elle réalise entre cinq
et dix rapports chaque année. On reproche souvent à la
Law
Commission
d'éviter d'aborder les sujets susceptibles de donner lieu
à controverses (droit fiscal, des sociétés, du travail, de
la sécurité sociale...) pour se concentrer sur le droit de la
famille, celui des contrats ainsi que sur le droit pénal. De son
côté, la
Law Commission
reproche au Parlement de
négliger ses travaux : si, au cours de l'année 1994, cinq de ses
rapports ont été partiellement repris dans des lois nouvelles, au
cours des quatre années précédentes, cela avait
été le cas pour seulement quatre de ses rapports.
Dans les années qui ont suivi sa mise en place, la
Law Commission
a beaucoup réfléchi à la codification du droit anglais.
Elle a même proposé une codification du droit des contrats, du
droit des baux, du droit de la famille et du droit pénal, mais aucun
projet de code n'a abouti. La codification s'étant
révélée plus difficile à réaliser qu'elle ne
l'avait initialement imaginé, la
Law Commission
a mis l'accent
sur des projets à plus court terme.
Ainsi, la
Law Commission
s'acquitte effectivement de sa tâche de
révision. A son initiative, plusieurs lois, devenues obsolètes,
ont été supprimées par l'adoption de
Statute Law
(Repeal) Bills
. Depuis 1965, neuf de ces lois ont été
adoptées : en 1969, 1975, 1976, 1977, 1978, 1981, 1986, 1989, 1993.
Chacune d'elles permet l'
abrogation
de plusieurs lois ainsi que de
centaines de dispositions législatives éparses. D'autres lois ont
été refondues grâce à des
Consolidation Acts
.
La loi relative à la
consolidation
(Consolidation of
Enactments (Procedure) Act
1949) prévoit une procédure
simplifiée pour l'adoption de tels projets : une commission
composée de membres des deux chambres peut adopter les projets ne
comportant que des "
corrections et améliorations
mineures
". Ainsi, plusieurs lois de consolidation peuvent être
adoptées chaque année. La plupart des projets de consolidation
sont préparés par la
Law Commission
à l'instigation
du responsable des rédacteurs législatifs.
II - L'EVALUATION DE L'OPPORTUNITE
Les
rédacteurs parlementaires préparent les projets de loi
après que ceux-ci ont été approuvés par la
commission de la législation future du gouvernement (
Future
Legislation Committee
).
Cette commission prépare au mois de mars le projet gouvernemental de
l'année parlementaire suivante, qui commence en novembre. Toutefois,
cette commission ne procède pas à une évaluation de
l'opportunité juridique de la future loi. Elle gère uniquement le
calendrier.
Il convient de rappeler ici que la
Law Commission
, instance permanente
de proposition, analyse les insuffisances du droit en vigueur et propose des
améliorations. Elle rédige elle-même les projets qu'elle
estime opportuns puisqu'elle dispose du concours de plusieurs
parliamentary
draftsmen
.
III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI
1) L'évaluation des effets de la loi
De nombreux travaux sont menés par des instituts de recherche, publics ou privés, ou par le gouvernement, mais il n'existe aucune instance nationale de coordination.
2) Le contrôle des règlements d'application
Une
commission mixte paritaire commune aux deux Chambres, composée de
quatorze membres et généralement présidée par un
parlementaire de l'opposition, est chargée d'examiner l'ensemble des
textes d'application (
Joint Committee on Statutory Instruments
).
Cette commission a notamment pour tâche de veiller à la
conformité des règlements d'application aux lois qui les
autorisent et au respect des délais de publication des textes
réglementaires.
Un ministre peut retirer un règlement sur proposition de cette
commission, mais il n'y est pas tenu. Dans les faits, le contrôle de
cette commission est considéré comme de pure forme. En outre, de
nombreux règlements sont approuvés par la Chambre des communes
avant que la commission ne les ait examinés.
SUISSE
Dans la logique de l'évaluation des politiques publiques, assez développée dans ce pays, les clauses d'évaluation , prescrivant l' examen des effets de la loi à l'expiration d'un certain délai, sont apparues à la fin des années 70. Les autres outils d'évaluation de la législation sont très peu développés. |
I - L'EVALUATION FORMELLE
Sur le
plan formel, il n'existe presqu'aucune procédure d'évaluation. Il
faut cependant mentionner que les
commissions de rédaction des
projets de loi
(4(
*
))
ont pour consigne de
prêter une attention particulière à la forme.
En outre, le
service fédéral de la législation
, qui
dépend de la Chancellerie, joue un rôle non négligeable
dans le processus d'élaboration de la loi : après que le projet
de loi a été rédigé et soumis pour consultation
à toutes les parties prenantes, il est mis au point
définitivement par la Chancellerie fédérale et le service
de la législation se prononce sur la forme du texte et sur les
problèmes juridiques qu'il soulève.
II - L'EVALUATION DE L'OPPORTUNITE
Avant de
présenter un projet de loi au Parlement, le gouvernement doit
procéder à une évaluation des différentes variantes
possibles. En effet, la loi sur les rapports entre les conseils prévoit
à l'article 43-3 : "
Pour chaque projet qu'il soumet à
l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral
(...) renseignera (...) sur les solutions de rechange rejetées au stade
préliminaire de la procédure législative
".
Les exigences posées par la loi ont été
précisées en 1988 par le "
schéma pour
l'établissement de messages du Conseil fédéral à
l'Assemblée fédérale
" : lors des
révisions législatives, le gouvernement doit "
tirer
parti des expériences faites avec la réglementation en vigueur,
en particulier exposer brièvement les problèmes que pose son
exécution et signaler les cas où elle s'est
révélée inefficace
".
III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI
Les
clauses d'évaluation
ont fait leur apparition dans la
législation fédérale à la fin des années 70.
L'AGEVAL, le groupe de travail interministériel sur l'évaluation
législative qui s'est réuni de 1987 à 1991, n'avait
recensé qu'une dizaine de telles clauses mais en recommandait un usage
accru. Actuellement, la législation fédérale ne compte
qu'une douzaine de ces clauses.
En même temps que les clauses d'évaluation, sont apparues
les
lois " expérimentales
"
, c'est-à-dire les
lois adoptées à titre d'essai pour faciliter la constitution
d'arguments solides nécessaires à la prise de décisions
ultérieures définitives.
Par ailleurs, la question de l'introduction d'un
contrôle
généralisé des effets produits par les lois
s'est
posée lors de la dernière réforme du Parlement en 1991. La
commission de réforme du Conseil fédéral avait
proposé que l'une des fonctions des commissions permanentes
réside dans le "
contrôle des effets de la
législation
". Cette proposition a été
rejetée sur demande de la commission de gestion, au motif que cette
tâche lui incombait.
CANADA
Plusieurs instances d'évaluation de la législation ont
été mises en place au niveau fédéral
(5(
*
))
. Elles visent essentiellement à améliorer
la qualité juridique des textes avant ou après leur adoption par
le Parlement.
|
I - L'EVALUATION FORMELLE
A - Avant l'examen parlementaire
Depuis
1947, la
rédaction des projets de loi est exclusivement
effectuée par les rédacteurs de la section de législation
du ministère de la justice
.
La section est composée de vingt-six rédacteurs, treize
francophones et treize anglophones. Tous doivent être avocats ou notaires
et posséder une excellente connaissance de chacune des deux langues. La
plupart ont suivi les cours de rédaction législative
dispensés à l'université d'Ottawa. Ils sont
assistés de deux " jurilinguistes francophones " et du service
de révision rédactionnelle.
Les " jurilinguistes " sont des linguistes qui se sont
spécialisés dans le domaine de la linguistique juridique et dont
le rôle premier est d'aider les rédacteurs à s'exprimer
dans un français de la meilleure qualité possible. Leur
présence au sein de la section a été jugée
essentielle en raison de l'état d'infériorité dans lequel
le français a été relégué pendant des
décennies.
Le service de révision rédactionnelle revoit le fond et la forme
tout en veillant au respect des normes et conventions en matière de
rédaction et de présentation des textes législatifs.
Chaque projet de loi est rédigé par deux rédacteurs, un
anglophone et un francophone. Les deux rédacteurs désignés
préparent, en collaboration avec les chargés de projet dans le
ministère concerné, un avant-projet pour mettre en oeuvre la
décision et le soumettent aux chargés de projet qui, de leur
côté, l'étudient avec l'aide de leurs propres
collaborateurs et d'autres fonctionnaires de leur ministère. Ils donnent
ensuite de nouvelles instructions aux rédacteurs qui préparent un
deuxième avant-projet, puis un troisième... jusqu'à ce
qu'une version satisfaisante soit établie.
L'intervention des rédacteurs constitue une garantie contre
l'ésotérisme du langage des spécialistes car ceux-ci sont
obligés d'expliquer à un généraliste du droit le
contenu de la future loi et son contexte juridique et technique. Elle permet
également de lutter contre les incohérences, les oublis, les
imprécisions... Les rédacteurs vérifient aussi qu'aucune
disposition du projet de loi n'entre en conflit avec la Charte canadienne des
droits et libertés.
Après cette première phase, le projet est soumis au
comité de relecture
de la section, composé du premier
conseiller législatif et du premier conseiller législatif adjoint
qui sont les deux responsables de la section, de deux rédacteurs
d'expérience et de deux plus jeunes. Les membres du comité
relisent le projet de loi et remettent aux rédacteurs leurs
observations. Ils le relisent avec des yeux neufs puisqu'ils ignorent le
contenu du dossier et n'ont pas participé aux réunions avec les
chargés de projet.
Le projet est ensuite soumis au Conseil des ministres puis, après
approbation par celui-ci, déposé dans l'une ou l'autre
assemblée.
Les
amendements
que le gouvernement apporte au projet de loi lors de son
examen par le Parlement sont rédigés par les rédacteurs
qui ont écrit le projet de loi.
Bien que la section de législation appartienne au ministère de la
justice, dans les faits, elle dépend étroitement du
secrétariat chargé de la législation et de la
planification parlementaire. Chargé d'établir l'ordre de
priorité du programme législatif du gouvernement et de
contrôler l'adéquation des projets de loi rédigés
par rapport à la décision du gouvernement qui en autorisait la
rédaction, ce secrétariat relève du leader du gouvernement
à la Chambre, ministre haut placé dans la
hiérarchie.
B - Après la promulgation
1) La consolidation et la révision permanente des lois et règlements
Elle est
organisée par la
loi sur la révision des lois
et
confiée à la
Commission de révision des lois
,
placée sous l'autorité du ministre de la justice et
composée de trois fonctionnaires appartenant à ce même
ministère.
Depuis que la Fédération canadienne existe, les
lois
fédérales ont été révisées six fois :
en 1886, 1906, 1927, 1952, 1970 et 1985.
La révision comprend l'examen, la refonte, la codification et la
publication de l'ensemble des lois fédérales.
En effet, avant de procéder à une nouvelle codification, la
commission corrige certains termes qu'elle juge imprécis, incorrects ou
ambigus, scinde les articles qu'elle estime trop longs, fusionne, le cas
échéant, plusieurs lois et supprime les dispositions
transitoires. Les pouvoirs de la commission sont strictement limités
à des changements de
forme
nécessaires à
l'uniformité, à l'harmonisation et à la
compatibilité. La révision évite donc une stratification
inutile. Ainsi, les lois révisées de 1970 représentaient
10 000 pages. Entre 1970 et 1985, s'y étaient ajoutées 16 000
pages de lois nouvelles. La révision de 1985 s'est traduite par la
suppression de quelque 16 000 pages.
Les textes préparés par la Commission de révision des lois
doivent ensuite être approuvés par le Parlement : les projets des
textes de loi révisés sont soumis à un comité de la
Chambre des communes et un comité du Sénat. Après leur
approbation, ces textes sont annexés à un projet de loi.
L'adoption de ce projet entraîne l'entrée en vigueur des nouvelles
lois révisées et l'abrogation des dispositions correspondantes
dans les anciennes lois.
En aucun cas la Commission de révision des lois ne peut se substituer au
Parlement : "
les lois révisées ne sont pas
censées être de droit nouveau
".
Les lois révisées sont disponibles en édition
reliée et en édition à feuilles mobiles,
périodiquement mise à jour. Les 8 volumes des lois
révisées de 1985 sont complétés par des
suppléments, le premier contenant les modifications adoptées au
31 décembre 1984, mais pas encore en vigueur à cette date, et les
suivants incluant les lois adoptées ultérieurement.
2) Le " programme de correction " des lois
Depuis
sa mise en oeuvre en 1975, sept
lois correctives
ont été
adoptées (1977, 1978, 1981, 1984, 1987, 1992 et 1993).
La correction des lois est l'oeuvre de la section de législation du
ministère de la justice.
La loi corrective permet de rectifier "
les anomalies,
incompatibilités, archaïsmes et erreurs "
dans plusieurs
lois sans attendre leur révision d'ensemble. Elle permet aussi d'abroger
certaines dispositions ou lois qui ne sont plus effectives.
Les propositions de modifications proviennent surtout des ministères ou
des organismes fédéraux. La section de la législation les
étudie et les trie en ne retenant que celles qui satisfont aux
critères suivants :
- ne pas donner lieu à controverses ;
- ne pas comporter de dépenses publiques ;
- ne pas porter atteinte aux droits de l'homme ;
- ne pas créer d'infractions ni assujettir une nouvelle catégorie
de justiciables à une infraction existante.
Les propositions rédigées et approuvées par le
ministère chargé de l'application de la loi que l'on propose de
modifier sont intégrées à un document déposé
au Parlement par le ministre de la justice. L'étude en est
confiée au comité de la Chambre des communes chargé de la
justice et des affaires juridiques et au comité du Sénat
chargé des affaires juridiques et constitutionnelles. Toute proposition
jugée contestable par l'un ou l'autre des comités est
rejetée.
Les rapports des comités donnent lieu à un projet de loi
corrective où ne figurent que les propositions qu'ils ont
approuvées. En général, le projet est adopté sans
débat dans chaque chambre.
II - L'EVALUATION DE L'OPPORTUNITE
1) L'approbation préalable de l'objectif par le conseil des ministres
Seuls
les projets de loi dont l'objectif a été approuvé par le
conseil des ministres peuvent être rédigés par la section
de législation. Les projets de loi relatifs à l'organisation du
gouvernement, domaine réservé au premier ministre, ainsi que les
projets de lois fiscales ou concernant les emprunts d'Etat font exception
à cette règle.
Le ministre qui souhaite que soit adoptée une nouvelle loi ou une loi
portant modification d'une loi existante ne peut ni la faire rédiger par
ses services, ni ordonner lui-même à la section de la
législation du ministère de la justice de le faire. Il doit en
proposer la rédaction au conseil des ministres pour que celui-ci,
après en avoir approuvé le principe, attribue à la
rédaction du projet de loi une place dans le programme législatif
du gouvernement.
Pour obtenir cette autorisation, le ministre signe une note qui présente
le résultat de son étude et ses recommandations. Elle comporte
une étude de la situation et des solutions de droit existantes. L'auteur
de la note doit donc démontrer les insuffisances de la
législation en vigueur avant de demander à ses collègues
d'approuver la rédaction d'une nouvelle mesure législative. Cette
note, dite " note au cabinet " doit respecter une présentation
normalisée. Un document intitulé " Mémoires au
cabinet, guide du rédacteur " contient toutes les normes
applicables à la rédaction de ces notes.
2) Les travaux de la Commission de réforme du droit
La
précédente Commission de réforme du droit a
été dissoute en 1993, mais le gouvernement a promis d'en
créer une nouvelle qui devrait pouvoir commencer ses travaux dans les
premiers mois de 1996.
La Commission de réforme du droit analyse les insuffisances du droit en
vigueur et propose des améliorations. Souvent, ses propositions
constituent la base des " notes au cabinet ". Il est même
arrivé que le gouvernement demande à la section de la
législation de suivre les recommandations contenues dans un rapport de
la Commission de réforme du droit.
III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI
1) L'évaluation des effets de la loi
a) L'évaluation par les services juridiques des ministères
Les
services juridiques des ministères et des organismes
fédéraux chargés de la mise en oeuvre des textes,
législatifs ou réglementaires, doivent, selon le Manuel des
services juridiques du ministère de la justice, "
surveiller
l'efficacité des lois et règlements
".
Les conseillers juridiques membres de ces services, qui font partie du
ministère de la justice, doivent être avocats ou
notaires.
b) Les clauses d'évaluation
La loi
elle-même peut prévoir l'examen de son application après
une période donnée. Dans ce cas, l'analyse se fait en public et
permet aux parlementaires de voir, avec les fonctionnaires responsables et
compte tenu des observations des catégories socio-professionnelles
concernées, si la situation qui était à l'origine du texte
de loi a ou non évolué, si le texte répond aux attentes de
ses promoteurs et du législateur et, enfin, si des effets pervers ne
devraient pas être corrigés par une nouvelle intervention
parlementaire.
Dans les faits, cette méthode est peu employée : seules quelques
lois fédérales comportent une telle disposition.
c) La " temporarisation "
La
"
temporarisation
" consiste à rendre temporaire une
disposition. Appliquée à une loi, cette méthode permet de
la rendre caduque à l'échéance d'un délai
fixé. En effet, si le législateur entend la remettre en vigueur,
il doit procéder à l'évaluation de ses effets pendant sa
période de validité.
Cette technique, qui garantit la tenue d'un nouveau débat parlementaire,
est très peu utilisée.
2) Le contrôle des règlements d'application
La loi
sur les textes réglementaires a créé un
comité
mixte
regroupant des représentants du Sénat et de la Chambre
des communes,
chargé d'étudier chaque règlement
après sa publication
. Le règlement ne peut être pris
qu'en vertu d'une autorisation précise accordée par une loi.
A l'occasion de cet examen, les membres de ce comité peuvent faire des
recommandations au gouvernement sur les corrections qui, à leur avis,
devraient être apportées à une loi donnée.
En outre, ils peuvent présenter à la Chambre des communes un
rapport comportant une résolution qui, en cas d'adoption, constituera un
ordre donné au ministre responsable ou au gouvernement d'abroger un
texte réglementaire qui n'aurait pas été
complètement et parfaitement autorisé par la loi
habilitante.
(1)
Il y a en réalité trois Law Commissions au Royaume-Uni : une
en Angleterre et au Pays de Galles, une en Ecosse et une en Irlande.
(2)
Les 3 Law Commissions sont compétentes respectivement pour
l'Angleterre et le Pays de Galles, l'Ecosse et l'Irlande du Nord.
(3)
A partir d'ici, il n'est plus question que de la Law Commission
anglaise.
(4)
La procédure d'élaboration des projets de loi est
particulièrement complexe. Un avant-projet est établi par un
fonctionnaire ou un expert extérieur à l'administration. Il peut
ensuite être soumis à une commission comportant des
fonctionnaires, des experts, des représentants des groupes
d'intérêt et des partis. Le projet de loi est ensuite transmis aux
divers services administratifs concernés avant que ne s'ouvre la
procédure de consultation à laquelle cantons, partis politiques,
organisations professionnelles et même particuliers peuvent prendre part.
(5)
L'évaluation de la législation provinciale n'est pas
analysée ici.