ALLEMAGNE
L'évaluation de la législation est essentiellement
comprise comme l'évaluation de l'efficacité des lois.
|
I - L'EVALUATION FORMELLE
Le
règlement commun des ministères fédéraux
se
montre très précis et très exigeant sur la
présentation et la rédaction des projets de loi, notamment afin
de favoriser leur uniformisation.
Le
ministère de la justice
examine la qualité formelle des
projets et vérifie leur compatibilité avec les normes
déjà existantes. La plupart des projets sont également
soumis
au
ministère de l'intérieur
afin que soient
vérifiées leur compatibilité par rapport à la
procédure administrative et leur possibilité d'application
concrète.
II - L'EVALUATION DE L'OPPORTUNITE
1) Le test préalable à l'adoption des projets de loi en conseil des ministres
En
application de la décision prise le 11 décembre 1984 par le
conseil des ministres pour vérifier l'opportunité des
réglementations nouvelles, législatives ou non, les ministres de
l'intérieur et de la justice ont établi ensemble
un
questionnaire en dix parties permettant de tester la
"
nécessité, l'efficacité et
l'intelligibilité
" de tous les projets de loi
(ainsi que
des projets de textes réglementaires).
Tous les ministères doivent donc tester leurs projets de loi par rapport
à ces trois critères. Cette obligation s'applique aussi bien aux
projets considérés dans leur totalité qu'à chacune
de leurs dispositions détaillées.
Le test permet de vérifier, dans un premier temps, l'opportunité
d'une réforme. Pour cela, il contient des questions relatives aux buts
à atteindre, aux besoins exprimés, notamment par les personnes
concernées, à la situation initiale, aussi bien juridique que
factuelle, aux lacunes constatées, aux développements
récents de l'économie, de la science, de la technique et de la
jurisprudence dans le domaine concerné, au nombre de cas dans lesquels
une réforme est attendue.
Cette première partie se termine par une question de contrôle :
que se passe-t-il si rien n'est fait ?
La deuxième partie envisage
toutes les possibilités
pour
transformer la situation de départ, précédemment
identifiée, en fonction des buts recherchés. Elle analyse donc
les différentes alternatives, leurs avantages et leurs
inconvénients, et toutes leurs conséquences juridiques,
économiques, sociales, financières...
Lorsqu'il apparaît qu'une action doit être entreprise par les
pouvoirs publics, la structure fédérale du pays oblige à
se poser la question du
niveau d'intervention
en fonction de la
répartition des compétences entre Fédération et
Länder
. Grâce à une conception restrictive des
compétences fédérales, le gouvernement
fédéral cherche à donner la latitude maximale aux
Länder
.
Quand on conclut à la nécessité d'une intervention
fédérale, on doit examiner la
nature de la norme juridique
à utiliser. Une loi nouvelle ne se justifie que si le problème
à résoudre se révèle particulièrement
important. La durée de validité de la nouvelle
réglementation, la possibilité d'une réglementation
expérimentale et de clauses d'évaluation sont ensuite
envisagées.
Les autres questions du test sont moins pertinentes par rapport à
l'évaluation de l'opportunité juridique mais elles permettent de
vérifier la bonne articulation entre la réforme et ses mesures
d'exécution, les conséquences de la nouvelle
réglementation sur les dispositions voisines, l'accueil de la nouvelle
réglementation de la part des autorités administratives
d'exécution, du public...
Dans la partie du questionnaire consacrée à l'exécution
administrative de la nouvelle réglementation, le souci d'éviter
de créer de nouvelles instances, de nouvelles règles
d'organisation et de compétence apparaît nettement. L'initiateur
de la réforme envisagée est invité à utiliser les
structures administratives existantes, sans toutefois les solliciter de
manière excessive.
Ce questionnaire cherche à mettre en évidence que la
création d'une nouvelle norme, législative ou
réglementaire, ne constitue pas nécessairement la meilleure
réponse à un problème donné.
Depuis la décision du 11 décembre 1984, et notamment pour
répondre aux exigences imposées par l'utilisation de ce
questionnaire, les différents ministères ont mis en place des
unités transversales, composées essentiellement de juristes et
d'organisateurs, pour réaliser ce type d'évaluations.
En même temps qu'il procède à l'évaluation formelle,
le ministère de la justice doit vérifier que les projets de loi
qui lui sont présentés satisfont effectivement aux trois
critères de nécessité, d'efficacité et
d'intelligibilité.
2) La transmission des projets de loi à la Chancellerie
Les projets de loi transmis à la Chancellerie doivent être accompagnés d'une explication détaillée du but recherché, des effets prévisibles et des conséquences dans tous les domaines.
3) La jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur la nécessaire évaluation prospective du législateur
Depuis une quinzaine d'années, la Cour constitutionnelle demande au législateur, dans la phase préparatoire, de faire une investigation complète des faits pertinents, d'analyser les différentes variantes de législation qui se présentent et de réaliser une évaluation prospective des effets possibles selon la variante choisie.
III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI
1) La jurisprudence de la Cour constitutionnelle
La Cour
constitutionnelle exige depuis quelques années que le législateur
observe constamment les effets produits par la loi et qu'il la corrige en
fonction des effets observés.
En 1979, dans l'arrêt rendu sur la participation des travailleurs
à la gestion des entreprises, elle s'est ainsi exprimée :
"
L'incertitude qui peut régner au sujet des effets d'une loi
dans un avenir lui-même incertain ne conduit pas à dénier
au législateur la compétence de l'adopter. Il en va ainsi
même si la loi a une grande portée. Inversement, l'incertitude ne
doit pas en tant que telle rendre impossible le contrôle du juge
constitutionnel, ce qui serait le cas si la loi était fondée sur
des pronostics invérifiables. Ceux-ci comportent un jugement
fondé sur les probabilités, dont les fondements peuvent et
doivent être vérifiés
. "
Ceci implique qu'à intervalles réguliers, le législateur
procède à une évaluation rétrospective de la loi.
Dans son arrêt de 1993 relatif à l'interruption volontaire de
grossesse, la Cour constitutionnelle donne même des indications
méthodologiques sur l'obligation d'observation. Selon elle, le
législateur doit "
réunir et exploiter
systématiquement les données nécessaires à
l'évaluation des effets produits par la loi
".
2) Les clauses d'évaluation
Elles
sont extrêmement fréquentes dans la législation. Ainsi, la
loi sur la dépendance prévoit que le Parlement tire les
conséquences législatives des modalités d'application
différentes selon les Länder dans le courant de l'année
1995. La même loi prescrit au gouvernement d'informer tous les trois ans
à partir de 1997 de l'état d'avancement du système
d'assurance dépendance.
En revanche, les lois adoptées à titre expérimental pour
permettre au législateur de les évaluer pendant la durée
de leur application, sont peu nombreuses.