B. BILAN DE LA FORMATION
La formation de l'enseignant reste trop académique, pour pouvoir l'aider à faire face à la conduite d'une classe dans son existence quotidienne. Le diplôme obtenu dans une faculté de pédagogie donne automatiquement le titre d'enseignant du secondaire. Le stage pratique survient seulement en fin d'études ; il est vécu, en général, comme une formalité à remplir et ne permet pas une véritable réflexion sur la pratique de l'enseignant.
1. Formation initiale
Voici, pour illustrer
le contenu de cette
formation
, les programmes de section française à
l'Université des Langues Etrangères, caractéristiques de
ceux de la section française d'une faculté pédagogique
(tableau page suivante).
Dans ces programmes destinés aux futurs enseignants de français
du secondaire, on note l'importance accordée aux matières
théoriques (grammaire, composition), par rapport à la pratique de
la langue et à l'audiovisuel.
Les unités de valeur de pédagogie commencent en deuxième
année, avec l'introduction à la science de l'éducation et
l'histoire de l'enseignement. On notera, au cours du cursus, l'importance
grandissante de la pédagogie qui domine enfin le contenu de
l'enseignement de la dernière année.
Le programme de celle-ci semble déséquilibré, dans la
mesure où le stage occupe la première partie de l'année,
la deuxième comprenant un mémoire déconnecté de
cette pratique et un contrôle continu sur l'ensemble des matières,
alors que l'on attendrait l'inverse : terminer par le stage pratique final.
Au total, ces programmes, relativement complets sur le plan théorique
(initiation à la linguistique, introduction à la théorie
pédagogique, méthodologie de l'enseignement avec son
évaluation...), ne sont pas dénués de faiblesses,
notamment dans les aspects suivants :
- une absence de perfectionnement linguistique et culturel qui est
pourtant l'objet d'un département ;
FACULTE DE PEDAGOGIE DES LANGUES ETRANGERES
PROGRAMMES DE L'ENSEIGNEMENT DU FRANCAIS
|
1er semestre |
2ème semestre |
||||
|
Discipline |
Coeff. |
Nb
|
Discipline |
Coeff. |
Nb
|
1ère année |
Etude de texte français 1
Composition française 1 Audiovisuel 1 Pratique de la langue française 1 |
4
|
4
|
Idem
Idem Idem Pratique de la langue française 2 |
4
|
4
|
2ème année |
Grammaire française 1
Composition française 2 Audiovisuel 2 Intro à la science de l'éducation |
4
|
4
|
Grammaire française 2
Idem Idem Histoire de l'enseignement |
4
|
4
|
3ème année |
Composition française 3
Audiovisuel 3 Différentes étapes de l'enseignement et son évalutation Psychopédagogie |
2
|
2
|
Idem
Idem Méthodologie et son évaluation Sociopédagogie |
2
|
2
|
U.V.
|
Introduction de la
linguistique française 1 Littérature française du 19ème siècle 1 Littérature française du 20ème siècle 1 |
2
|
2
|
Introduction de la
linguistique française 2 Littérature française du 19ème siècle 2 Littérature française du 20ème siècle 2 |
2
|
2
|
4ème année |
Audiovisuel 4
Administration éducative et gestion d'établis- sement scolaire Stage |
1
|
2
|
Idem
Etude de matériel pédagogique et de la méthode d'enseignement |
1
|
2
|
Optionnels |
Séminaire de littérature
française Linguistique française |
2
|
2
|
|
|
|
- une absence de formation
" personnelle
et
intégrée "
44
;
- un manque de formation didactique qui tienne compte du public.
_______________________
44
Cf. Claude GERMAIN, les formations à l'enseignement
du FLE au Québec, ELA n° 95. Didier Erudition, 1994, pp. 90-95.
Cette formation se termine par
un mois de stage
dans un lycée.
La plupart des facultés pédagogiques possèdent, en annexe,
leur propre lycée qui reçoit régulièrement les
stagiaires. Le directeur du stage, assisté des professeurs titulaires,
les prend en charge.
Pour l'apprentissage des tâches administratives
considérées comme aussi importantes que les cours, chaque
stagiaire s'occupe entièrement d'une classe, partageant ainsi le travail
du professeur responsable. Ce remplacement lui permet de faire face à la
conduite d'une classe, de se familiariser avec la vie d'un établissement
par la connaissance de son organisation et ses règles institutionnelles.
La première semaine, les stagiaires assistent collectivement aux cours
animés par le professeur titulaire, afin de s'habituer à la
méthode d'enseignement et aux élèves auxquels on va
enseigner. Cette observation est suivie de trois semaines de pratique qui doit
se réaliser dans le plus grand respect de la méthode
d'enseignement/apprentissage adoptée par l'établissement.
La dernière étape du stage est la démonstration d'un
cours, préparé collectivement, mais exécuté par un
seul stagiaire devant un jury composé du professeur de français,
du directeur du stage et d'un professeur invité d'une autre
matière. La note attribuée par le jury s'applique à chacun
des stagiaires au titre de la pratique.
Le problème majeur
de cette formation est lié à
son contenu beaucoup trop orienté vers la théorie au
détriment de la pratique.
D'abord, en ce qui concerne la formation en langue-culture, le programme
actuel livresque ne peut garantir une maîtrise minimale de la
langue-culture à enseigner. L'ironie du sort, c'est que la
médiocre qualité du français des enseignants n'est pas un
obstacle majeur à l'exercice de leur fonction. Celle-ci consiste, en
effet, à interroger sur des points de grammaire fixés à
l'avance, expliqués en langue maternelle et vérifiés par
un contrôle écrit mensuel. Au fond, la faiblesse du
français des professeurs-formateurs se transmet perpétuellement
à leurs étudiants sans remise en cause.
Plutôt que de recevoir une formation didactique adaptée aux
besoins professionnels, les futurs enseignants apprennent la théorie
pédagogique, qui ne leur permet de se préparer ni au stage
pratique d'enseignement, ni a fortiori à leur carrière.
De plus, un mois de stage, qui reproduit seulement un cérémonial
et un enseignement préétabli, est insuffisant pour former un
enseignant, capable d'organiser ses cours et de diriger sa classe avec les
problèmes qui peuvent survenir. Aucune réflexion, aucune
critique, ne sont réellement exprimées sur la pratique par le
stagiaire lui-même ou par ceux qui l'entourent.
Le cursus universitaire ignore également une formation qui tienne
compte du développement individuel, ce qui semble primordial avant
même de s'engager dans cette voie.
La formation initiale actuelle, centrée sur le savoir, devrait
être complétée par un savoir-faire et un savoir-être.
Savoir-faire, c'est-à-dire animer les cours, conduire la classe,
stimuler le travail des élèves, tout en gardant
l'équilibre entre autorité et disponibilité. De même
" savoir s'adapter et improviser "
grâce à la
" possession de savoir fluides, disponibles " (R.
GALISSON)
.
Savoir être, toute réflexion qui permet d'
"étendre la
connaissance de soi, de ses motivations, désirs,
résistance "
, sa capacité d'écoute et
d'ouverture... etc.
(Gilles FERRY)
45
.