2. Une mise en place du tribunal longue et douloureuse
Il y a exactement dix ans, par une lettre au secrétaire général de l'ONU en juin 1997, les autorités cambodgiennes ont demandé « l'aide de l'ONU et de la communauté internationale afin de juger ceux qui ont été responsables de génocide et de crime contre l'humanité pendant le régime des Khmers rouges ». « Établir la vérité » et « juger les responsables » sont les deux objectifs définis dans cette requête à laquelle accède l'Assemblée générale de l'ONU à la fin de l'année 1997. De nombreuses difficultés vont ensuite surgir, qui réclameront sept ans de négociations.
L'ONU propose un tribunal international. Le Cambodge préfère une juridiction nationale assistée de magistrats et de conseillers étrangers. L'ONU exige alors le respect de critères juridiques internationaux, demande des garanties sur l'arrestation des suspects et réclame la participation de magistrats internationaux à tous les stades de la procédure.
Une loi votée en 2001 est amendée en 2004 pour que le fonctionnement de ces « chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens [CEC] destinées à juger les auteurs des crimes commis sous le régime khmer rouge » soit conforme aux termes de la résolution 57/228 de l'Assemblée générale des Nations Unies de février 2003 : l'instruction sera sous la responsabilité conjointe d'un procureur cambodgien et d'un procureur proposé par l'ONU, assistés chacun d'un juge d'instruction de même origine ; la chambre de première instance et la Cour suprême seront composées de juges cambodgiens et internationaux. Chaque fois, l'accord d'un magistrat international sera requis.
En 2006, le budget de 56,3 millions de dollars est réuni par l'ONU et par le gouvernement cambodgien 34 ( * ) et les magistrats (dix-sept cambodgiens et huit internationaux) prennent leurs fonctions le 3 juillet 2006. L'instruction et le procès sont prévus pour durer trois ans. Les accusés seront poursuivis pour violations du droit pénal cambodgien, du droit humanitaire international et des traités ratifiés par le Cambodge. Ce tribunal sera compétent pour juger des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et des violations de la convention de La Haye sur le patrimoine culturel.
La délégation du groupe d'amitié a rencontré à Phnom Penh le juge Marcel Lemonde, qui est l'un des huit juges internationaux travaillant pour ce tribunal. Tout en montrant sa détermination à progresser dans l'organisation du procès, le juge n'a pas caché les difficultés quotidiennes que rencontrait le tribunal, et notamment les juges cambodgiens qui ne peuvent bénéficier des mêmes garanties d'indépendance que leurs homologues internationaux. Lors de la visite de la délégation, un différend sur les droits d'enregistrement exigés pour les avocats internationaux par le barreau cambodgien bloquait la tenue de l'assemblée plénière du tribunal qui devait adopter son règlement intérieur. Depuis, le problème a été réglé 35 ( * ) et la tenue de cette assemblée plénière signifiant le début de l'instruction, devrait avoir lieu prochainement.
Au-delà, l'instruction risque d'être longue et difficile, d'autant que l'on peut s'interroger sur le nom des personnes qui pourront être jugées par le tribunal. Il faut savoir que le tribunal ne sera compétent que pour les crimes commis au Cambodge entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979. Par ailleurs, la plupart des anciens dirigeants khmers rouges, dont Pol Pot et Ta Mok, sont décédés, et un seul est emprisonné, Kang Kek Ieu, alias « Douch », responsable du centre S-21. Un ancien haut dirigeant khmer rouge, Ieng Sary, a obtenu une grâce royale. Khieu Samphan (ancien chef de l'Etat) et Nuon Chea (connu sous le nom de « Frère no 2 ») se sont ralliés et vivent aujourd'hui au Cambodge sans être pour le moment inquiétés.
* 34 La France apporte une contribution de 2,7 millions d'euros pour les deux premières années
* 35 Le barreau cambodgien exigeait des frais d'enregistrement de 4.900 dollars qui ont été ramenés à 500 dollars.